N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 2003

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 23

INTÉRIEUR, SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET LIBERTÉS LOCALES :

DÉCENTRALISATION

Rapporteur spécial : M. Michel MERCIER

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 (2003-2004)

Lois de finances.

I. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. L'ÉVOLUTION DES CHARGES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

L'appréciation de l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales doit être appréciée au regard de celle des dépenses mises à la charge des collectivités locales.

Votre rapporteur spécial souligne les progrès résultant du vote de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, et du nouvel article 72-2 en particulier.

Cet article conduit à étendre le rôle que sera éventuellement conduit à jouer le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen du financement des transferts de compétences. En effet, le quatrième alinéa de cet article disposant que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi », le Conseil constitutionnel, s'il est saisi des projets de loi de finances où figureront des compensations de transferts de compétences, pourra contrôler leur conformité à cette norme constitutionnelle. Toutefois, cette garantie constitutionnelle n'est pas une garantie absolue . En particulier, elle ne permettra pas de mettre fin aux transferts de charges non compensés de l'Etat vers les collectivités territoriales.

En réponse à une question orale de notre collègue député Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 7 octobre 2003, sur les raisons de la hausse de la fiscalité locale en 2003, M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, avait précisé que les « 35 heures » avaient entraîné un surcoût de 400 millions d'euros pour les départements, d'un milliard d'euros pour les communes et de 40 millions d'euros pour les régions. Il avait ajouté que les surcoûts au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie avaient été pris en charge à hauteur de 400 millions d'euros par les départements en 2003 et qu'enfin, la départementalisation des services départementaux d'incendie et de secours avait contribué à la hausse de la fiscalité locale à hauteur de 250 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial insiste donc pour que les transferts de charges non compensés par l'Etat, qui constituent la principale cause de l'augmentation de la fiscalité locale, soient limités et fassent, en tout état de cause, l'objet de concertation avec les élus locaux concernés.

B. UNE RÉFORME DE L'ARCHITECTURE GLOBALE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le présent projet de loi de finances opère une réforme de l'architecture globale des concours financiers de l'Etat

Cette solution présente certes quelques inconvénients :

- s'agissant de l'intégration des compensations d'exonérations fiscales, elle constitue une rupture avec la logique de compensation selon laquelle les décisions de l'Etat en matière d'allégement d'impôts locaux doivent être compensées intégralement à chaque collectivité, au prorata des bases exonérées ;

- s'agissant de l'intégration des crédits auparavant inscrits au sein de la DGD (auxquels il faut ajouter les compensations de suppressions d'impôts transférés), elle constitue une rupture avec la logique de compensation intégrale des charges, pourtant dorénavant inscrite à l'article 72-2 de la Constitution. En effet, il sera dorénavant plus difficile de comparer l'évolution du coût des compétences transférées au cours du « premier acte » de la décentralisation dès lors que les sommes correspondantes seront fondues au sein de la DGF 1 ( * ) .

Ces inconvénients sont cependant plus que compensés par les avantages que procure la réforme proposée par le présent projet de loi de finances, et en particulier par l' amélioration de la lisibilité du système de financement des collectivités territoriales .

La simplification de l'architecture des dotations est également opérée en procédant à la fusion de dotations dont l'objet est proche, ou en, supprimant des dotations devenues sans objet . En particulier, le Fonds national de péréquation (FNP) est intégré à la dotation d'aménagement de la DGF, avec la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). Il faudra sans doute, à terme envisager son absorption par ces deux dotations, afin de concentrer davantage les crédits participant à la péréquation. Par ailleurs, le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP), dont les crédits ne servaient plus à financer la péréquation de la taxe professionnelle, est démembré et ses différentes sous-composantes sont ventilées au sein d'autres dotations existantes : la dotation de développement rural (DDR) rejoint la dotation globale d'équipement inscrite au budget du ministère de l'intérieur ; la compensation des pertes de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) par le FNPTP est intégrée à la DGF.

C. UNE RÉPARTITION PLUS COHÉRENTE DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT ENTRE PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES ET DOTATIONS BUDGÉTAIRES

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat représentaient, en 2003, les deux tiers des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Les critères qui président à la répartition de ces concours entre les deux techniques de budgétisation sont flous, et font l'objet d'appréciations divergentes.

Toutefois, l'article 6 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose que « un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales . Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ».

Selon cette définition, les dotations globales, les compensations d'exonération fiscales et les crédits servant à compenser les transferts de compétence ont leur place en prélèvements sur les recettes de l'Etat. Un tel choix évite d'ailleurs de « gonfler » le budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, de manière artificielle, dès lors que ces crédits ne correspondent pas à des charges de l'Etat, mais à des charges supportées par les collectivités territoriales. Cette évolution est d'autant plus souhaitable, car, dans le cadre défini par la loi organique du 1 er août 2001 précitée, s'il sera souhaitable de prévoir une information sur le montant et la répartition des prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales -ce que le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales envisage de faire -, il serait difficile d'associer des objectifs et des indicateurs de performance à des crédits sur lesquels l'Etat n'a aucun contrôle.

Par ailleurs, il convient de noter que l'intégration des compensations d'exonérations et de suppression d'impôts locaux dans la DGF permet d' « activer » ces dépenses, en soumettant la répartition de leur progression aux modalités de répartition de la DGF. Ce choix permet de dégager des sommes pour accroître le volume des crédits consacrés à la péréquation.

D. UNE PREMIÈRE ÉTAPE DE LA RÉFORME DES FINANCES LOCALES

La réforme de l'architecture des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales ne constitue qu'une première étape, le gouvernement ayant annoncé son intention de proposer, au cours de l'année 2004, une révision des critères de répartition des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, en particulier, pour développer la péréquation en leur faveur.

Cette réforme devrait, selon les informations recueillies par votre rapporteur, prévoir une plus grande déconcentration de la répartition des dotations de péréquation, de manière à responsabiliser les élus locaux.

La réforme des finances locales a toutefois d'autres étapes devant elle :

- il paraît souhaitable de revenir sur les dispositions du contrat de croissance et de solidarité : d'une part, la reconduction d'une année sur l'autre des dispositions de ce contrat nuit à la lisibilité de l'évolution des ressources des collectivités territoriales, et d'autre part, la variable d'ajustement du contrat, la DCTP, ne peut être éternellement ajustée ;

- il semble également nécessaire de tenir davantage compte, dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, de l'évolution des charges obligatoires des collectivités territoriales qui ne sont pas compensées par l'Etat : si la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 constitue de toute évidence un progrès sensible, elle ne permet pas de mettre fin à la multiplication des charges non compensées incombant aux collectivités territoriales ;

- il conviendra, à l'occasion de la réforme de la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, de tenir à la fois compte des ressources et des charges dans le cadre de la péréquation des ressources ;

- enfin, l'épuisement des ressources issues de la taxe professionnelle rendra nécessaire que les collectivités territoriales disposent de nouvelles ressources fiscales modulables, car l'obsolescence des bases locatives limite les possibilités d'augmentation des taux de la taxe d'habitation. A cet égard, les récentes déclarations du gouvernement, notamment à l'occasion de la première lecture, au Sénat, du projet de loi relatif aux responsabilités locales, sont encourageantes.

L'article 49 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter de la date de dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre 2003.

A cette date, environ 70 % des réponses seulement étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

Votre rapporteur spécial souligne que la plupart des réponses manquantes relèvent des services de l'économie, des finances et de l'industrie. Il déplore vivement que certaines réponses ne lui soient toujours pas parvenues à ce jour.

* 1 Cependant, la DGD n'est pas appelée à disparaître car les transferts de compétences prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales seront compensés par le transfert d'impositions de toutes nature, mais il faudra vraisemblablement, dans certains départements ou régions, avoir recours à la DGD lorsque le produit des impôts transférés sera inférieur au coût des compétences transférées.

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