ARTICLE 6 bis (nouveau)

Aménagement du régime du report en arrière des déficits

Commentaire : le présent article vise à permettre aux entreprises en difficulté d'obtenir, dès le jugement prononçant leur mise en redressement ou leur liquidation judiciaire, le remboursement par le Trésor de la créance née de l'option pour le report en arrière des déficits, et ce, afin de faciliter la poursuite de l'activité ou de désintéresser plus rapidement les créanciers.

Le présent article résulte d'un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable de sa commission des finances.

I. LE DROIT EXISTANT

Le troisième alinéa de l'article 209-I du code général des impôts prévoit que le déficit subi pendant un exercice par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés est considéré comme une charge de l'exercice suivant : c'est le principe du « report en avant » des déficits.

Par dérogation à ce principe, le I de l'article 220 quinquies du code général des impôts prévoit toutefois que ce déficit peut, sur option de l'entreprise, être considéré comme une charge des trois derniers exercices : c'est le « report en arrière » des déficits.

Cette dernière faculté résulte de la transposition en 1985 du régime de « carry-back » que pratiquaient déjà la plupart des grands pays industrialisés.

Concrètement, l'exercice de l'option pour le report en arrière d'un déficit donne naissance à une créance sur le Trésor , qui peut être utilisée au cours des cinq exercices suivants pour le paiement de l'impôt sur les sociétés et, qui, à défaut d'imputation au cours de ces cinq années, est remboursée par le Trésor à l'issue de cette période.

En pratique, le remboursement total de la créance concerne donc les entreprises qui sont toujours en déficit au cours des cinq exercices suivant l'option, et le remboursement partiel de la créance concerne les entreprises qui, au cours des cinq exercices suivant l'option, n'ont pas obtenu des excédents cumulés dépassant le déficit ayant donné lieu à l'option.

En d'autres termes, le remboursement de la créance par le Trésor concerne des entreprises qui connaissent durablement des difficultés.

Il convient par ailleurs de préciser que cette créance est inaliénable ou incessible, sauf dans le cadre des dispositions du 3 de l'article 223 G du code général des impôts (c'est à dire la cession d'une filiale à la société mère dans le cadre d'un régime de groupe) ou dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier (c'est-à-dire la cession à titre de garantie à un établissement de crédit selon la procédure « Dailly »).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à réduire , pour les seules entreprises en liquidation ou en redressement judiciaires , le délai de remboursement de la créance sur le Trésor issue de l'option pour le report en arrière des déficits.

En effet, il propose que ces entreprises puissent demander le remboursement de leur créance sur le Trésor public à compter de la date du jugement « prononçant leur mise en redressement ou liquidation judiciair e ».

Cette mesure répondrait selon le gouvernement à deux objectifs alternatifs :

- faciliter la poursuite de l'activité pour les entreprises en redressement grâce un apport de trésorerie ;

- désintéresser plus rapidement les créanciers et simplifier les procédures en cas de liquidation judiciaire.

Pour tenir compte du caractère anticipé du remboursement de la créance, ce remboursement serait effectué sous déduction d'un intérêt, dont le taux serait celui de l'intérêt légal applicable le mois suivant la demande de l'entreprise, et qui serait calculé « à compter du premier jour du mois suivant cette demande jusqu'au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option a été exercée ».

En d'autres termes, le montant du remboursement serait actualisé au taux de l'intérêt légal, soit 3,29 % en 2003 60( * ) .

Ces dispositions s'appliqueraient aux créances nées à compter du 1 er janvier 2004, mais aussi à celles existantes à cette date.

Le coût de cette mesure est difficile à chiffrer. On peut toutefois rappeler que le montant des créances remboursables s'élevait, selon les informations transmises à votre rapporteur général, à 275,4 millions d'euros à la fin de l'an 2000 (dernière année pour laquelle des données sont disponibles).

Sous les hypothèses selon lesquelles, d'une part, ce montant serait stable et, d'autre part, 5 % de ces créances seraient détenues par des entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire, il en résulterait un coût pour l'Etat à hauteur de 13,8 millions d'euros en 2004 .

Cependant, ce coût n'est qu'un coût de trésorerie et, compte tenu de ce que le remboursement anticipé de la créance s'effectuerait à un montant actualisé à un taux d'intérêt équivalent au taux d'intérêt du refinancement de l'Etat à court terme, la mesure serait neutre en régime de croisière pour les finances publiques.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES


Il convient de rappeler que les entreprises ne parviennent que très rarement, en pratique, à mobiliser dans le cadre de la « loi Dailly » les créances sur le Trésor public issues du report en arrière de leurs déficits.

Le présent article constitue ainsi une mesure de bons sens , qui répond à un réel besoin des entreprises en difficulté et qui pourrait notamment constituer un « coup de pouce » extrêmement précieux pour les entreprises en redressement judiciaire.

Cela étant, la rédaction du présent article présente une ambiguïté . En effet, celui-ci propose que les entreprises puissent demander le remboursement de leur créance sur le Trésor public à compter de la date du jugement « prononçant leur mise en redressement ou liquidation judiciaire ».

Or, le code de commerce réserve ce terme « prononcer » aux seuls jugements prononçant la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation suivant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire (cf. notamment l'article L. 621-27) et n'évoque pas de jugement prononçant le redressement d'une entreprise.

Afin de dissiper cette ambiguïté et de répondre pleinement aux intentions du gouvernement, comme au souhait exprimé par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, d'ouvrir le remboursement aux entreprises le plus tôt possible dans le cadre de la procédure collective dont elles font l'objet, votre rapporteur général vous propose donc un amendement de clarification rédactionnelle.

Cet amendement consiste à préciser que la date à partir de laquelle le remboursement à une entreprise de sa créance est possible n'est pas la date du jugement « prononçant » leur mise en redressement ou liquidation judiciaire, mais la date du jugement ouvrant leur mise en redressement ou liquidation judiciaire, conformément à la rédaction des articles L. 621-8 et L. 622-2 du code de commerce.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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