III. RESTAURER UNE VÉRITABLE CAPACITÉ DE DÉCISION EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE

La réforme proposée ci-avant serait certainement salutaire. On peut cependant se demander si le problème essentiel de la gouvernance économique de la zone euro est l'inadéquation des règles de discipline budgétaire, ou l'absence de véritable capacité de décision en matière économique.

Ce dernier point de vue est, notamment, celui de certains économistes, qui considèrent que toute règle stricte finit par devenir contre-productive, en empêchant le bon sens de s'appliquer face à des événements imprévus. Ainsi, dans un article récemment publié dans Les Echos 82 ( * ) , M. Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, écrit :

« Du Pacte de stabilité européen, on peut tirer une (...) leçon : bâtir d'une manière prétendument définitive des arrangements institutionnels destinés à résoudre les problèmes du passé constitue le meilleur moyen d'échouer dans le futur. Dans l'Amérique des années 1990, l'administration Clinton s'était opposée à une revendication des républicains ; ceux-ci souhaitaient, par un amendement à la Constitution américaine, interdire à l'Etat fédéral tout déficit budgétaire. Pour les démocrates, si l'Amérique était confrontée à une récession, le gouvernement devrait avoir la possibilité de laisser filer son déficit. Les républicains d'aujourd'hui, et George Bush en première ligne, ne peuvent que se satisfaire de la résistance des démocrates à leurs projets d'alors. Existe-t-il des raisons de croire qu'une inflexibilité politique excessive fonctionnerait mieux en Europe ? ».

Par ailleurs, et le cas du pacte de stabilité l'illustre parfaitement, une règle trop stricte peut présenter l'inconvénient de ne pas être crédible. Des règles permettant une plus grande faculté d'appréciation peuvent permettre de gagner en crédibilité.

A. CRÉER DES « COMITÉS NATIONAUX DE POLITIQUE BUDGÉTAIRE » ?

Une première manière de favoriser le recours au bon sens plutôt que l'application rigide de règles inadaptées serait de mettre en place des « comités nationaux de politique budgétaire ».

1. Les comités de politique monétaire

Cette approche, préconisée notamment par M. Charles Wyplosz 83 ( * ) , s'inspire des comités de politique monétaire existant auprès des banques centrales. Dans le cas de la politique monétaire, les règles de croissance monétaire utilisées dans les années 1970 et 1980 ont montré leurs limites pour atteindre la stabilité des prix à long terme tout en faisant face à court terme aux cycles économiques et aux crises financières. C'est la raison pour laquelle ont été mis en place des comités de politique monétaire, constitués d'experts indépendants, capables de faire preuve de bon sens face à une situation forcément plus complexe que ce que l'on aurait pu prévoir lors de la fixation de règles.

De manière analogue, M. Wyplosz propose de mettre en place, dans chaque Etat membre de la zone euro, un « comité de politique budgétaire », chargé de fixer, chaque année, un plafond de déficit public ne devant pas être dépassé. Ce plafond serait déterminé, notamment, en fonction de règles définies au niveau communautaire. Le législateur garderait en revanche sa latitude actuelle pour déterminer les autres paramètres budgétaires.

* 82 Joseph Stiglitz, « Le Pacte, une fausse promesse », Les Echos du 19 mai 2003.

* 83 Charles Wyplosz, « Le pacte de stabilité atteint ses limites », in Revue d'économie financière, n° 71, août 2003.

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