D. LE PACTE DE STABILITÉ FACE À SES CONTRADICTIONS
1. Selon une stricte interprétation des textes, la France se verrait imposer des sanctions, au plus tard au début de l'année 2004
Le 8 octobre 2003, la Commission européenne a recommandé au Conseil de décider que la France n'avait pas pris d'« action suivie d'effet » avant le 3 octobre 2003.
Cette recommandation a été quelque peu tardive. En effet, le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 prévoit que le Conseil doit constater l'absence d'« action suivie d'effet » « immédiatement après l'expiration du délai ». Or, la Commission a attendu le lendemain de la réunion du Conseil « Ecofin » du 7 octobre pour faire cette recommandation.
Le règlement du 7 juillet 1997 précité prévoit que « dans un délai d'un mois » à compter de la décision du Conseil constatant qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise, le Conseil peut mettre la France en demeure de prendre les mesures appropriées. Il pourrait alors décider de sanctions, « au plus tard deux mois après la décision » de mise en demeure (selon le règlement du 7 juillet 1997 précité) 57 ( * ) .
Cependant, le Conseil ECOFIN a décidé, le 4 novembre 2003, qu'il ne se prononcerait au sujet des recommandations de la Commission que lors de sa réunion du 25 novembre prochain.
2. Des sanctions qui seraient économiquement injustifiées et politiquement insupportables
Cependant, il serait absurde, économiquement et politiquement, d'imposer des sanctions à la France , alors que la croissance de son PIB n'a été en 2003 que de 0,2 %, et que les perspectives pour l'année 2004 sont incertaines. Dans un entretien au Monde , M. Pedro Solbes, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a clairement posé le problème : « Demander à la France de faire passer ses déficits publics de 4 % en 2003 à moins de 3 % en 2004 serait exiger un effort difficile à justifier du point de vue économique. Cela voudrait dire faire une réduction du déficit structurel - qui ne tient pas compte de la conjoncture - trop lourde, de plus de 1,5 point de PIB. Nous avons donc un problème, puisqu'il y a, dans ce cas précis, un conflit entre l'obligation de redescendre sous les 3 % en 2004 et le bon sens économique » 58 ( * ) .
Si l'on considère que le « multiplicateur keynésien » pour l'économie française est égal à l'unité, une réduction du déficit structurel de 1,5 point de PIB (au lieu de 0,6 point de PIB, comme le prévoit le présent projet de loi de finances), nécessaire selon la Commission européenne pour que le déficit public soit inférieur à 3 % en 2004, réduirait la croissance de près de 1 point en 2004.
En outre, on peut estimer qu'aujourd'hui les règles du pacte de stabilité neutralisent en partie les effets positifs sur l'économie des politiques de baisses d'impôts engagées par la France et l'Allemagne. En effet, les exigences du pacte en termes de déficit et des sanctions attachées à leur non respect augmentent le risque que les agents économiques ne croient pas à la pérennité de ces baisses et anticipent des hausses à court ou moyen terme.
Sur le plan politique, les menaces de sanctions ne peuvent que renforcer une hostilité diffuse, dans l'opinion publique, à l'encontre de la « technocratie » européenne, ce qui aurait de graves conséquences à la veille des élections européennes et de la ratification éventuelle d'une constitution européenne. De plus, une approche aussi répressive à l'encontre d'un gouvernement qui engage des réformes structurelles et prend des initiatives aussi importantes que la remise en ordre du système de retraites et de son assurance-maladie, serait d'autant plus injuste que la Commission européenne a témoigné beaucoup d'indulgence à l'égard de son prédécesseur, qui a connu une période de réelle croissance, sans en tirer parti pour contenir vraiment le niveau des dépenses publiques et celui de l'endettement.
* 57 Selon le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997, ce délai maximal est normalement de 2 mois après la mise en demeure, mais, si l'État « ne donne pas suite » à la mise en demeure, de 10 mois à compter de la notification du déficit de l'année 2002. Dans chaque cas, cela correspond au début de l'année 2004, sauf si, dans le premier cas, la mise en demeure est tardivement adoptée (comme cela risque d'être le cas). Par ailleurs, en cas de « déficit prévu et délibéré » peut être mise en place une « procédure accélérée ».
* 58 Le Monde, 12 octobre 2003.