C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SOLUTION SÉCURISANTE
1. Les choix du projet de loi
Le projet de loi change les règles de désignation de l'opérateur de service universel dans son titre I -nous l'avons vu- et ouvre dans son titre III, la possibilité que l'Etat ne détienne qu'une part minoritaire du capital de France Télécom. Il convient en conséquence de déterminer les moyens de droit permettant de garantir que des fonctionnaires pourront continuer à être employés dans un tel contexte.
a) La solution d'un établissement public de rattachement est écartée
Dans l'hypothèse où France Télécom serait appelée à devenir une entreprise à capitaux majoritairement privés, votre rapporteur avait précédemment 32 ( * ) exploré les voies de réponse ouvertes par le droit existant. Parmi les hypothèses envisageables, il avait retenu la possibilité de créer un établissement public auquel seraient affectés les fonctionnaires de France Télécom qui auraient, ensuite, pu être placés en position de détachement auprès de leur employeur initial et continuer à travailler pour lui. C'était l'orientation qui avait été retenue, en 1988, lors du changement de statut de la Caisse nationale de Crédit Agricole et, en 2001, lors de la constitution de la société CDC Finance, destinée à regrouper les activités concurrentielles de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Toutefois, cette perspective construite à droit constant, partait du postulat que France Télécom pourrait continuer à être désignée opérateur du service universel par la loi. L'analyse approfondie des directives européennes -publiées peu de temps après l'étude réalisée- démontre aujourd'hui (cf. supra) que ce postulat n'est plus juridiquement défendable et que cela obère par conséquent la proposition qui en découlait.
En outre, force est de reconnaître que cette solution, lourde du point de vue administratif, eût sans doute créé des complications dans la gestion des personnels.
Enfin, il est vraisemblable que cette solution aurait été critiquée, au vu des règles européennes de concurrence, par les compétiteurs de France Télécom. Quand bien même ces critiques se seraient révélées infondées, elles auraient sans doute pu ouvrir la voie à de longs et coûteux contentieux.
b) La solution retenue assure de manière innovante la pérennité du statut des fonctionnaires de France Télécom
La solution offerte par le projet de loi est, en définitive, d'une remarquable simplicité : elle consiste à garantir à tous les fonctionnaires de France Télécom qu'ils resteront fonctionnaires jusqu'à la fin de leur activité. D'un point de vue logique, elle n'est que la continuation du dispositif existant, qui avait placé le corps en voie d'extinction, puisque, en vertu de la loi de 1996, France Télécom ne peut plus recruter de fonctionnaire depuis le 1 er janvier 2002.
La situation originale de fonctionnaires pouvant être amenés à travailler pour une société privée se trouve ainsi validée par la loi, dans la mesure où elle n'est que provisoire. Il s'agit certes d'une transition qui dure un temps certain -plus de 30 ans-, mais qui paraît justement proportionnée au nombre considérable de fonctionnaires concernés.
Par ailleurs, votre rapporteur rappelle qu'il importe, dans toute controverse de droit administratif, de considérer où se situe l'intérêt général. Or, n'est-il pas de l'intérêt général que la situation personnelle de 106 000 personnes, envers lesquelles l'Etat a des obligations, soit protégée par le législateur ? N'est-il pas de l'intérêt général que le savoir faire de ceux qui sont indispensables à la poursuite de la fourniture -de fait- du service universel par France Télécom puissent demeurer dans l'entreprise ?
A ces questions, votre Commission répond par l'affirmative.
Elle considère que le présent projet de loi permettra de lever toute ambiguïté sur le sort des fonctionnaires de France Télécom . Ceux-ci restent sous le régime de leur statut , puisque l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 33 ( * ) , qui n'est pas remis en cause, dispose que les personnels de France Télécom sont régis par un statut particulier pris en application de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.
En outre, si le Président de France Télécom est désormais nommé par son conseil d'administration, comme dans toutes les entreprises, il conserve les pouvoirs de nomination et de gestion des fonctionnaires qui lui sont conférés. Ceux-ci pourront désormais être délégués plus aisément. En revanche, le ministre chargé des télécommunications pourra seul prononcer les sanctions disciplinaires les plus graves.
Votre rapporteur souhaite que le débat à l'occasion du présent projet de loi permette de rassurer de façon définitive les fonctionnaires de France Télécom : ce texte sanctuarise leur statut.
* 32 Cf. rapport n° 274 (2001-2002) précité.
* 33 Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.