ANNEXE 4
LES REPENTIS FACE À LA JUSTICE PÉNALE
LE PLAIDER-COUPABLE
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SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES
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Division des études de législation comparée
LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT
Série LÉGISLATION COMPARÉE
LES REPENTIS FACE À LA JUSTICE PÉNALE |
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n° LC 124 Juin 2003
LES REPENTIS FACE À LA JUSTICE PÉNALE
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Les « repentis », parfois qualifiés de « collaborateurs de justice », sont les personnes qui, ayant participé à des activités criminelles, acceptent de coopérer avec les autorités judiciaires ou policières et obtiennent différents avantages en échange de leur collaboration.
Celle-ci peut prendre différentes formes. Elle peut par exemple consister à fournir des informations susceptibles d'empêcher la réalisation d'une infraction planifiée ou de faciliter l'identification de l'auteur d'une infraction déjà réalisée. En contrepartie de sa collaboration, le délinquant peut obtenir un abandon des poursuites de la part du ministère public ou une réduction de peine, voire une exemption, de la part du juge.
Ce dispositif existe déjà en France pour certaines infractions , notamment pour le trafic de stupéfiants, les actes de terrorisme et l'association de malfaiteurs. Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité , présenté en conseil des ministres le 9 avril 2003 et adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 23 mai 2003, vise à en étendre l'application aux cas d'empoisonnement, d'assassinat, de torture, de séquestration et d'enlèvement, de détournement d'avion, de proxénétisme, de traite des êtres humains, de vol en bande organisée et de trafic d'armes, c'est-à-dire à toutes les infractions relevant de la criminalité organisée .
De plus, pour assurer la sécurité des repentis, le projet de loi prévoit la possibilité de leur accorder une identité d'emprunt.
Comme le dispositif du repenti est directement inspiré du système anglais du « témoin de la Couronne », lui-même adapté aux États-Unis, la réforme envisagée justifie l'examen du statut du repenti dans ces deux pays. Il a également semblé nécessaire d'étudier les exemples allemand et italien.
En Allemagne, la loi sur les repentis, adoptée en 1989 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et étendue en 1994 pour faciliter le démantèlement des associations de malfaiteurs, a été abandonnée en 1999, mais il subsiste plusieurs dispositions isolées sur les repentis, notamment dans le code pénal.
En Italie, en revanche, des règles similaires à la loi allemande de 1989, également adoptées pour lutter contre le terrorisme à la fin des années 70, ont vu leur champ d'application étendu peu à peu à tout le domaine de la criminalité organisée et même au-delà.
Par ailleurs, le régime autrichien des atténuations de peine pour collaboration avec les autorités judiciaires, adopté en 1998 pour faciliter la lutte contre la criminalité organisée, a été analysé.
De même, les diverses dispositions pénales belges actuellement en vigueur sur les repentis ont été prises en compte, tout comme la proposition de loi « instaurant un régime pour les collaborateurs de justice », déposée à la Chambre des représentants en février 2002.
Enfin, le projet de loi néerlandais sur les promesses faites aux témoins dans les affaires pénales, actuellement soumis au Parlement et qui vise à ancrer dans la législation une pratique déjà admise par le parquet, a été étudié.
En revanche, en Suisse, dans le cadre des travaux préalables à l'élaboration d'un code de procédure pénale unique, une commission d'experts s'est prononcée contre l'introduction d'un tel dispositif.
Pour chacun des huit pays qui disposent d'un statut du repenti ou qui envisagent son introduction, l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne , l'Italie, les Pays-Bas et les États-Unis, les principales caractéristiques de ce régime ont été examinées :
- les infractions visées par le dispositif ;
- la nature de la collaboration justifiant sa mise en oeuvre ;
- les remises de peine et la protection spéciale accordée aux repentis ;
- la valeur probatoire de leurs déclarations .
1) Le dispositif anglo-saxon du témoin de l'accusation a un champ d'application illimité, à la différence des règles continentales sur les repentis
a) Peu codifié, le système anglo-saxon est applicable à tous les accusés
Ce sont les règles relatives à la preuve qui expliquent le système anglo-saxon. En effet, l'impossibilité d'entendre un accusé comme témoin à charge dans une affaire pénale s'il était encore susceptible d'être condamné pour une infraction citée dans la procédure en cours obligeait la Couronne, titulaire de l'action publique, à lui accorder son pardon et à abandonner les poursuites. L'accusé à qui le pardon avait été accordé se commuait ainsi en « témoin de la Couronne ».
Si la pratique du pardon a disparu, de nos jours, l'accusation a la possibilité de négocier différents accords d'abandon ou de désistement partiel des poursuites en échange d'informations de la part d'un accusé, y compris lorsque les informations portent sur un coaccusé ou un complice.
Il en va de même aux États-Unis, où les procureurs jouissent d'une grande liberté et peuvent ainsi conclure des accords avec les accusés. Ce type de négociation entre l'accusation et la défense permet notamment de faire échec au cinquième amendement de la Constitution fédérale , grâce auquel tout citoyen peut refuser de témoigner contre lui-même dans une affaire pénale et qui exclut en principe toute collaboration des repentis avec les autorités judiciaires.
Par ailleurs, sous l'appellation d' « immunité légale », le code fédéral américain prévoit la possibilité pour un tribunal de contraindre un suspect à collaborer avec la justice sous peine de sanctions et de lui promettre en échange que son témoignage ne sera pas utilisé contre lui.
Que le repenti bénéficie d'un accord de renonciation aux poursuites ou de l'immunité légale, le champ d'application du dispositif anglo-saxon est en principe illimité. Il n'exclut aucune infraction ni aucun type de collaboration : il suffit que l'accusation considère le témoignage de l'accusé comme servant l'intérêt général.
b) Dans les pays d'Europe continentale, les récompenses accordées aux repentis sont explicitement prévues et ne sont applicables que dans certains cas
En Allemagne, en Autriche, en Belgique, Espagne, en Italie, les dispositions sur le traitement pénal favorable accordé aux repentis figurent soit dans le code pénal, soit dans d'autres lois comportant des dispositions pénales. Le projet de loi néerlandais vise également à modifier le code pénal.
Les infractions visées
En règle générale, ces dispositions ne sont applicables qu'à certaines infractions, souvent limitativement énumérées et limitées aux cas de criminalité organisée (association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants ou de fausse monnaie, terrorisme...), ainsi que, le cas échéant, aux infractions connexes.
Cependant, le législateur italien a progressivement étendu le champ d'application des mesures sur les repentis à des infractions très diverses, comme les atteintes au droit d'auteur ou le vol. De même, le projet de loi néerlandais vise non seulement les infractions commises par des bandes organisées, mais également toutes les infractions les plus graves, punissables de peines de prison d'au moins huit ans.
La nature de la collaboration
À l'exception du projet de loi néerlandais, qui prévoit que les déclarations de l'intéressé doivent constituer une « contribution importante » au déroulement de la procédure, tous les textes précisent que l'attribution de récompenses aux repentis est limitée à certaines formes de collaboration.
L'octroi d'un traitement pénal avantageux peut par exemple être réservé aux accusés qui empêchent la réalisation d'une infraction déjà planifiée, qui permettent l'obtention d'éléments déterminants pour l'identification d'autres délinquants, qui fournissent des informations sur les dirigeants de l'organisation à laquelle ils appartenaient ou qui s'efforcent d'éviter que cette dernière ne poursuive ses activités.
En outre, en Allemagne, en Belgique et en Italie, la teneur de la collaboration détermine l'ampleur de la récompense : réduction de peine (le plus souvent de l'ordre de 30 %), impunité, voire abandon des poursuites. Cependant, dans ce cas, le contenu et le moment des déclarations du repenti ne constituent pas les seuls éléments déterminants, car la nature de l'infraction est également prise en compte. Il en résulte donc des dispositions multiples, la récompense pénale variant en fonction de la nature de l'infraction, du moment où la collaboration a lieu et des informations fournies.
En revanche, en Autriche et en Espagne, si la nature de la collaboration du repenti conditionne l'octroi d'une récompense, elle n'en détermine pas l'importance, qui est laissée à l'appréciation du juge, car la collaboration est considérée comme une circonstance atténuante.
2) Les mesures de protection sont réservées aux repentis particulièrement menacés
En règle générale, les repentis peuvent bénéficier des dispositions relatives aux témoins menacés , ce qui leur permet d'être entendus dans des conditions particulières (à huis clos, par vidéoconférence, de manière anonyme...).
Par ailleurs, la plupart des pays ont mis en place des programmes spéciaux de protection . Toutefois, l'octroi d'un traitement pénal favorable n'entraîne pas automatiquement le bénéfice de ces mesures de protection, car celles-ci sont réservées aux repentis particulièrement menacés.
Le meilleur exemple à cet égard est fourni par l'Italie, où le législateur a décidé au début de l'année 2001 de dissocier l'incitation à la collaboration et la protection. Les mesures de protection sont désormais réservées aux seuls repentis accusés ou condamnés pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou enlèvement crapuleux (alors que le champ d'application des dispositions sur les repentis est beaucoup plus large), dans la mesure où leurs déclarations, parfaitement fiables, ont un caractère de « nouveauté », d'« exhaustivité » ou revêtent une « importance exceptionnelle ». En outre, pour bénéficier des mesures de protection, le repenti doit prendre plusieurs engagements, et notamment remettre au procureur de la République un « procès-verbal de collaboration » contenant toutes les informations qu'il détient.
Partout, les mesures de protection, qui sont souvent décidées par une commission ad hoc , peuvent être étendues aux membres de la famille en cas de besoin.
Ces mesures diffèrent selon que le repenti est ou non incarcéré. Dans le premier cas, il purge sa peine dans une unité spécialisée et peut parfois bénéficier d'un aménagement de son régime pénitentiaire (permissions, assignation à résidence...). Dans le second, plusieurs niveaux de protection sont généralement prévus selon le danger couru : simple protection policière, déménagement, versement de prestations pour compenser l'impossibilité de travailler, voire changement définitif d'identité dans les cas les plus graves.
Qu'elles soient initialement prises pour une durée déterminée ou non, les mesures de protection sont maintenues aussi longtemps qu'elles sont justifiées.
3) La valeur probatoire des déclarations faites par les repentis est généralement laissée à l'appréciation du juge
En l'absence de dispositions expresses, le juge est le plus souvent conduit à apprécier ces déclarations au même titre que les autres éléments de preuve.
Cependant, le projet de loi néerlandais est particulièrement explicite : il prévoit non seulement qu'aucune déclaration de culpabilité ne peut reposer sur les seuls dires d'un repenti, mais également que tout jugement prenant en compte les témoignages d'un repenti doit être motivé à cet égard.
De même, le code de procédure pénale italien dispose que les informations fournies par les repentis, qu'il s'agisse de coaccusés ou de personnes poursuivies séparément dans le cadre de procédures connexes, « sont évaluées concurremment avec les autres éléments de preuve qui en confirment la crédibilité ».
Dans les autres pays, bien qu'aucune disposition n'interdise explicitement qu'une condamnation soit prononcée sur la seule base des déclarations d'un repenti, la prudence constitue la règle. Ainsi, les plus hautes juridictions espagnoles estiment que la crédibilité des témoignages des repentis doit être évaluée notamment en fonction de la personnalité des intéressés et des raisons qui les ont incités à collaborer avec les autorités. De même, les juges anglais et les cours fédérales américaines invitent les jurés à la prudence lorsqu'une condamnation risque d'être prononcée sur la seule base des déclarations d'un repenti.
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Le projet de loi français vise à modifier le code pénal pour définir les récompenses accordées aux repentis pour chacune des infractions auxquelles le dispositif est applicable. Il prévoit également de fournir une identité d'emprunt aux repentis pour assurer leur sécurité.
Il est donc tout à fait comparable aux dispositions actuellement en vigueur en Europe continentale, où les mesures en faveur des repentis résultent de modifications successives apportées au code pénal, puis, le cas échéant, de textes spécifiques sur la protection.
Le « statut » du repenti apparaît donc comme l'addition de moyens épars, sans que les modalités de la collaboration avec les autorités soient clairement définies. Le projet de loi néerlandais est le seul texte qui règle ce point : il prévoit que le repenti et le procureur concluent un accord écrit, précisant les engagements des deux parties. Le bien-fondé de cet accord devrait ensuite être contrôlé par le juge d'instruction, avant que le juge ne puisse, à la demande du procureur, octroyer une remise de peine dont le quantum est également fixé dans le projet.