La programmation militaire pour les années 2003 à 2008
VINCON (Serge)
RAPPORT 117 (2002-2003) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
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Table des matières
- RAPPORT
- INTRODUCTION
-
I. LA DÉFENSE FRANÇAISE AUJOURD'HUI :
ACQUIS ET FRAGILITÉS D'UNE RÉFORME
- A. LA PROFESSIONNALISATION : UN SUCCÈS RÉEL QU'IL FAUT CONFIRMER
- B. UNE ÉROSION DE L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT QUI PROVOQUE UN AFFAIBLISSEMENT CAPACITAIRE
-
C. LE PARCOURS HÉSITANT DE L'AMBITION
EUROPÉENNE DE DÉFENSE
-
1. La construction de l'Europe de la défense :
quels moyens au service de quels objectifs ?
- a) Les ambiguïtés originelles de la politique européenne de sécurité et de défense demeurent dans un contexte de renforcement du poids des Etats-Unis
- b) Des avancées institutionnelles notables autour d'objectifs limités
- c) Des capacités encore insuffisantes
- d) Les perspectives : la défense européenne dans le débat sur l'avenir de l'Europe
- 2. La coopération européenne en matière d'armement : des résultats encore décevants
-
1. La construction de l'Europe de la défense :
quels moyens au service de quels objectifs ?
- D. INDUSTRIE DE DÉFENSE : UNE RESTRUCTURATION INACHEVÉE, DES DÉFIS À RELEVER
-
II. LA PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008 : UNE
COHÉRENCE RESTAURÉE
- A. PRÉSERVER ET ADAPTER LE MODÈLE D'ARMÉE
- B. CONSOLIDER L'ARMÉE PROFESSIONNELLE
- C. REDRESSER L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT
-
III. L'ÉQUIPEMENT MILITAIRE DE 2003 À
2008 : UNE MODERNISATION RELANCÉE
-
A. DEUX OBJECTIFS : ÉVITER TOUT NOUVEAU
RETARD DANS LA RÉALISATION DU MODÈLE D'ARMÉE, PRENDRE EN
COMPTE LES PRIORITÉS NOUVELLES
- 1. Les besoins prioritaires de restauration de l'environnement des forces et de financement des programmes déjà lancés seront satisfaits
- 2. Des lacunes capacitaires persisteront mais de nouveaux besoins sont pris en compte
- 3. Préparer sans retard l'acquisition des prochaines générations d'équipements : un impératif urgent
- B. LA DISSUASION NUCLÉAIRE : CONTINUITÉ ET COHÉRENCE DE LA MODERNISATION DE NOS FORCES STRATÉGIQUES
-
C. LE COMMANDEMENT, LES COMMUNICATIONS, LA CONDUITE DES
OPÉRATIONS ET LE RENSEIGNEMENT (C3R) : UN RÔLE CROISSANT
- 1. De nouveaux moyens de commandement et de communications
-
2. Les moyens de renseignement : un renforcement de
l'imagerie
- a) L'imagerie spatiale : une capacité accrue grâce à la confirmation du programme Hélios II et à la coopération européenne autour des satellites radars.
- b) Les drones de reconnaissance : vers un renforcement des capacités nationales à l'horizon 2008
- c) Les autres moyens de recueil de renseignement
- d) Les services de renseignement
- 3. De nombreux besoins encore insatisfaits qui imposent une coopération européenne accrue
-
D. PROJECTION ET MOBILITÉ : LE
DÉFICIT NE SERA COMBLÉ QU'À MOYEN TERME
- 1. La capacité immédiate de projection aérienne : la longue attente de l'A-400M imposera des mesures palliatives
- 2. La nécessaire modernisation des moyens de transport à long rayon d'action
- 3. La modernisation de la capacité de projection maritime
- 4. Une situation critique en matière d'hélicoptères de transport
-
E. FRAPPE DANS LA PROFONDEUR : UNE ACCENTUATION
NOTABLE DE NOS CAPACITÉS
- 1. Un système de forces déterminant dans le nouveau contexte stratégique
- 2. Le lancement d'un second porte-avions : le choix de la cohérence
- 3. L'arrivée très attendue du Rafale
- 4. L'accès aux indispensables capacités des munitions de précision
- 5. Un appréciable renforcement des équipements des forces spéciales
-
F. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROTERRESTRE
- 1. Un système de forces fragilisé par un effort budgétaire insuffisant dans les années récentes
- 2. Les objectifs et les apports du projet de loi de programmation
- 3. Les principaux programmes
- G. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROMARITIME
- H. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL
- I. PRÉPARATION ET MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE
- J. LA PRÉPARATION DE L'AVENIR : UN REDRESSEMENT DE L'EFFORT DE RECHERCHE QUI DEVRA IMPÉRATIVEMENT ÊTRE ACCENTUÉ DANS UN CADRE EUROPÉEN
-
A. DEUX OBJECTIFS : ÉVITER TOUT NOUVEAU
RETARD DANS LA RÉALISATION DU MODÈLE D'ARMÉE, PRENDRE EN
COMPTE LES PRIORITÉS NOUVELLES
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Approbation du rapport annexé -
Article 2
Moyens affectés aux dépenses en capital -
Article 3
Effectifs prévisionnels du ministère de la défense 2003-2008 -
Article 4
Fonds de consolidation de professionnalisation -
Article 5
(prolongation des articles 3 de la loi n°70-2 du 2 janvier 1970 et 5,6 et 7 de la loi n°75-1000 du 30 octobre 1975)
Mesures d'incitation au départ d'officiers et de sous-officiers -
Article 6
Habilitation du Gouvernement à prendre
des mesures par ordonnances -
Article 6 bis (nouveau)
Extension des dispositions de la LOPSI relatives à l'assouplissement de la réglementation en matière de maîtrise d'ouvrage publique et du financement par crédit bail de construction sur le domaine public -
Article 7
Débat au Parlement sur les orientations de la politique de défense -
Article 8 (nouveau)
Débat annuel au Parlement sur l'exécution
de la loi de programmation militaire
-
Article premier
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE -
AUDITIONS DE LA COMMISSION
N° 117
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 19
décembre 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8
janvier 2003
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ,
Par M.
Serge VINÇON,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Voir les
numéros
:
Assemblée nationale
(
12
ème
législ.) :
187
,
383
,
384
,
385
et T.A.
43
Sénat : 84
et
123
(2002-2003)
Défense. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 s'inscrit dans une
démarche de planification à long terme de notre outil de
défense, issue des conclusions du Livre blanc de 1994, puis des
réflexions conduites en 1996 par le Comité stratégique,
qui aboutirent à la définition du modèle d'armée
2015. Le précédent projet de loi de programmation militaire
1997-2002 fut donc la première étape d'une série de trois
exercices de programmation quinquennale. Le présent rendez-vous
législatif engage une nouvelle phase dans le cadre d'un calendrier
inchangé même si, à l'évidence, le contenu, les
orientations et le rythme qu'il donne à l'organisation de notre
défense prend en compte les éléments de continuité
mais aussi de ruptures intervenus dans le paysage stratégique au cours
des dernières années et en particulier après les attentats
du 11 septembre.
La rupture majeure intervenue le 11 septembre 2001 a démontré la
vulnérabilité des Etats face aux menaces dites
asymétriques et non étatiques. Le terrorisme n'est pas en soi une
menace nouvelle, le Livre blanc de 1994 comme le rapport annexé à
la précédente loi de programmation en relevaient
déjà la réalité et notre pays en avait
déjà fait la douloureuse expérience :
«
notre politique de défense doit également prendre
en compte un certain nombre de menaces ne s'exerçant pas dans le cadre
des rapports interétatiques traditionnels, qu'il s'agisse de
l'activité de mouvements nationalistes et terroristes, des
progrès du crime organisé, des trafic d'armes et de
drogues ».
Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière une évolution
radicale du phénomène : dans leur organisation, les
mouvements terroristes aujourd'hui à l'oeuvre se distinguent par la
sophistication de leur réseau, l'abondance de leurs ressources
financières, leur capacité à s'installer sur notre propre
sol, à s'entraîner sur les territoires d'Etats
délibérément complices -comme l'Afghanistan, mais aussi
sur ceux de tel ou tel Etat « défaillant » : la
liste n'est donc pas limitative des refuges potentiels.
Evolution radicale également quant aux cibles : il s'agit moins de
frapper les symboles d'un Etat central réputé étouffer une
revendication religieuse, ethnique ou nationale que de frapper, sans
discrimination et le plus durement possible, au coeur d'une population civile,
d'instaurer un climat général de peur ou
d'insécurité, d'oeuvrer à l'avènement d'un chaos
généralisé au coeur du monde occidental. Evolution
radicale enfin quant aux moyens mis en oeuvre : ce terrorisme de destruction
massive a utilisé, après une minutieuse préparation, des
armes par destination -des appareils civils- le 11 septembre aux
Etats-Unis ; il est à même de recourir à certaines des
armes de destruction massive, en particulier à l'arsenal biologique,
chimique ou radiologique, d'un accès et d'une utilisation beaucoup plus
aisés encore que le nucléaire.
C'est cette conjonction entre, d'une part, un terrorisme organisé,
structuré, insaisissable parce que réparti en réseaux dans
le monde entier et, d'autre part, l'accessibilité croissante aux armes
de destruction massive, nucléaires, radiologiques,
bactériologiques et chimiques (NRBC) qui est au coeur de cette nouvelle
menace asymétrique à laquelle nos démocraties se doivent
de trouver la parade la plus efficace possible. Elle replace la protection du
territoire et des populations au centre des grandes missions de défense
assignées non plus seulement aux seules forces militaires mais
-phénomène nouveau- à l'ensemble des acteurs
diplomatiques, judiciaires, policiers et financiers, dans une démarche
incontournable de coopération transnationale -en particulier, comme on
l'a vu depuis 2001, dans le cadre de l'ONU, de l'Union européenne voire
de l'OTAN.
Mais l'amplitude de cette rupture n'a pas éclipsé les
éléments de continuité de notre environnement
stratégique.
Sur ce registre figure ainsi la persistance des crises
périphériques, régionales, générées
par des conflits nationaux ethniques ou religieux. Au cours des
dernières années, la crise du Kosovo, en 1999, tout en confirmant
les choix stratégiques décidés alors, a justifié de
premières adaptations capacitaires, au vu des enseignements
retirés de la campagne aérienne. Les soubresauts
consécutifs de la Macédoine ont démontré que, dans
ce pays comme dans la Bosnie voisine, la présence de forces
étrangères -dont de nombreux Français- serait encore
longtemps nécessaire pour pacifier durablement la région.
Dans le cadre de la riposte internationale aux attentats du 11 septembre
2001, au sein de la coalition rassemblée sous commandement
américain, des forces aériennes, navales, aéronavales
françaises ont pris une part active à la traque des combattants
talibans et des membres d'Al Qaïda ; des éléments
terrestres ont ensuite été déployés au sein de la
Force internationale d'assistance à la sécurité, sous
mandat de l'ONU.
Plus récemment encore, l'opération Licorne, mise en oeuvre en
Côte d'Ivoire avec quelque 2 500 militaires français,
démontre que des opérations purement nationales
-indépendamment de toute coalition- décidées en
application d'accords bilatéraux de défense et non à la
suite d'un mandat international pouvaient toujours se révéler
d'actualité, avec pour enjeux majeurs la prévention de massacres,
la sécurisation de milliers de nos ressortissants, la sauvegarde d'un
cessez-le-feu, et au-delà, la stabilisation d'une sous-région
entière.
Agissant ainsi sur différents théâtres, la France honore
les différents engagements qu'elle a librement souscrits, à titre
bilatéral mais aussi au sein du Conseil de Sécurité de
l'ONU dont elle est membre permanent. Dans le cadre de l'Alliance atlantique
également où, en dépit de sa position particulière
à l'égard de l'Organisation, elle entend prendre toute sa part
dans les opérations coalisées conduites par celle-ci.
Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 doit donc relever le
difficile défi de mettre notre défense en situation de
répondre à un éventail toujours plus large de menaces dont
la nature cumule des caractéristiques bien identifiées -gestions
de crises régionales en coalition ou en national, opérations de
maintien ou de rétablissement de la paix, impliquant prioritairement les
forces militaires- à des menaces terroristes immédiates dont la
concrétisation ne manquerait pas d'entraîner des
conséquences intérieures potentiellement dramatiques pour nos
populations.
Face à un environnement aussi dangereusement imprévisible et
instable, la poursuite d'une tendance récurrente à la contraction
constante des capacités militaires relèverait de l'aveuglement ou
de l'irresponsabilité. C'est avec cette pratique ancienne que le
présent texte entend rompre ; il importera que cette ambition ne
soit pas, une nouvelle fois, déçue.
Le projet de loi de programmation entend d'abord remédier à une
double urgence, qui ne relève pas de l'inventaire habituel des
programmes d'équipements neufs : en plaçant au rang des
priorités le maintien en condition opérationnelle des
équipements existants, ou encore la revalorisation de la condition
militaire, le gouvernement entend parer au plus pressé : le taux
d'indisponibilité des matériels des trois armées a atteint
un niveau inacceptable qui, sur la durée, affecte plus sûrement
encore le « moral » des forces et leur capacité
opérationnelle que les retards de certains programmes majeurs.
En second lieu, le texte privilégie deux choix stratégiques dont
il entend confirmer les principes et tirer toutes les
conséquences : la professionnalisation et l'ambition
européenne.
Menée à bien pendant les cinq dernières années, la
professionnalisation sera consolidée, en particulier pour
améliorer l'attractivité du recrutement et la
fidélisation. Quant au choix tendant à faire de l'Europe un
acteur qui compte davantage dans les relations internationales, en lui
conférant une réelle capacité militaire, il est au coeur
des orientations du projet de loi et de la définition des programmes
d'équipement dont la France entend doter ses forces pour pouvoir les
intégrer à l'objectif capacitaire européen.
Cette construction d'une Europe de la défense crédible et
opérationnelle, notre pays ne peut évidemment la faire seule et
votre rapporteur ressent, comme d'autres, déception quant au rythme et
inquiétude quant au contenu final de ce projet confronté, en la
matière, à des stratégies nationales, sinon contraires, du
moins fort différentes, de nos partenaires.
Ambitieux et volontariste, ce projet l'est indéniablement. Le choix
indispensable de mettre en chantier le second porte-avions en témoigne,
de même l'ampleur des efforts financiers consentis pour faire entrer en
phase de fabrication les programmes majeurs décidés
antérieurement, pour préserver notre capacité de
dissuasion, ou pour permettre les adaptations capacitaires du modèle
d'armée 2015, rendues nécessaires par l'expérience des
crises et l'évolution des menaces : renseignement, projection,
commandement et conduite des opérations, entre autres.
Il ne permettra pas, cependant, de rattraper tous les retards et de
répondre à tous les besoins. Ainsi, bien que substantiellement
réévaluées, les normes d'entraînement
assignées aux personnels des trois armées resteront encore
inférieures à celles de nos alliés américains et
britanniques. Nos besoins cruciaux en capacités de projection,
clairement identifiés depuis longtemps, ne seront comblés
qu'après la période couverte par la présente
programmation : 2009 pour l'avion de transport stratégique A 400-M,
2011 pour l'hélicoptère de transport NH90, 2009 également
pour l'arrivée des premiers drones d'observation de longue endurance....
La lenteur dans la maturation de certains programmes, liée soit aux
aléas de la coopération, soit aux conséquences des
restrictions budgétaires, est peu compatible avec la nécessaire
réactivité d'une armée lorsque survient une crise. Ces
difficultés ne rendent que plus pertinentes la recherche d'alternatives
à l'acquisition patrimoniale pour rationaliser la dépense et
accélérer la satisfaction de besoins capacitaires essentiels.
Votre rapporteur salue donc le contenu et l'ambition du projet de loi de
programmation militaire 2003-2008, qui constitue, dans le contexte et les
contraintes de l'heure, la meilleure réponse possible. A la condition
cependant que la réalisation des engagements qui figurent dans le texte
soit scrupuleusement tenue, les échéances respectées, les
objectifs maintenus. Il y va de la crédibilité de notre ambition,
nationale et européenne, à préserver ou restaurer la paix,
assurer la protection de nos populations, défendre nos
intérêts et promouvoir nos valeurs.
I. LA DÉFENSE FRANÇAISE AUJOURD'HUI : ACQUIS ET FRAGILITÉS D'UNE RÉFORME
L'outil
de défense français vient de connaître six années de
mutation sans précédent. Ses missions ont été
revues à la lumière du contexte géopolitique de
l'après-guerre froide et dans la perspective de la construction de
l'Europe de la défense. Ses capacités ont été mises
à l'épreuve lors des conflits du Kosovo et d'Afghanistan alors
que l'engagement sur les théâtres extérieurs, mobilisant en
moyenne 12 000 hommes par an, est devenu de règle. Son format, en
hommes et en matériels, a été réduit de l'ordre de
20 %, la conscription a été suspendue et les effectifs
professionnalisés. Dans le même temps, l'environnement
technologique et industriel de la défense s'est rapidement
transformé.
Au terme de cette période particulièrement dense, on ne peut
qu'être impressionné par l'ampleur de l'effort engagé et
par la contribution que tous les personnels de la défense y ont
apporté.
La
professionnalisation
, qui supposait de mener de pair
déflations d'effectifs dans certaines catégories de personnels,
créations de postes et amplification des recrutements dans d'autres,
peut être globalement considérée comme un
succès
, en dépit de réelles tensions apparues sur les
conditions de vie et de travail des militaires, auxquelles il était
urgent d'apporter des réponses.
En revanche,
les objectifs définis en matière
d'équipement n'ont pas été respectés
, alors
même qu'ils se situaient en retrait par rapport aux années
antérieures et qu'ils n'étaient en rien déraisonnables au
regard de la situation économique et financière qu'a connu notre
pays de 1997 à 2002. Cette
érosion de l'effort
d'équipement fragilise la cohérence de notre outil militaire
,
dont la modernisation prend du retard, et ne nous permet pas de répondre
autant qu'il le faudrait aux exigences de sécurité d'un
environnement plus incertain. Le recul durable de notre position relative par
rapport au Royaume-Uni en apporte l'illustration.
L'
ambition européenne
, que la plupart de nos choix visaient
à conforter,
a rencontré au moins autant de déconvenues
que de satisfactions
. Sans doute la France ne s'est-elle pas suffisamment
donnée des moyens à la mesure de son discours volontariste, mais
la difficulté à fédérer nos partenaires, dans la
durée et autour d'objectifs communs, s'est pleinement
révélée. En tout état de cause, il a
été démontré qu'il était totalement
illusoire d'attendre de l'Europe de la défense un « partage du
fardeau », celle-ci imposant au contraire à chacun un effort
accru.
Enfin, d'importantes transformations ont affecté le
secteur
industriel de la défense
. Dans plusieurs domaines
stratégiques, les compétences de nos entreprises ont pu trouver
la voie d'une consolidation dans un cadre européen. Mais ici encore, la
démarche européenne n'a pas toujours rencontré
l'écho attendu, non seulement sur les marchés extérieurs
mais également sur ceux de notre propre continent. Par ailleurs, les
entreprises d'Etat sont demeurées à l'écart de ce
mouvement, peinant à tracer leur avenir dans un environnement
très concurrentiel et en évolution rapide.
C'est donc cet état des lieux contrasté que votre rapporteur se
propose de commenter, car il éclaire les conditions dans lesquelles
s'engage une nouvelle loi de programmation et donne la mesure des défis
qu'elle doit relever.
A. LA PROFESSIONNALISATION : UN SUCCÈS RÉEL QU'IL FAUT CONFIRMER
Au terme
des six années de transition devant permettre le passage de
l'armée mixte à l'armée professionnelle, il est
désormais possible de dresser un premier bilan tant quantitatif que
qualitatif de la professionnalisation.
Le
bilan quantitatif
vise à répondre à deux
questions :
-
les armées disposent-elles de la totalité des effectifs
prévus ?
- ont-elles atteint leurs objectifs
sans dépassement de l'enveloppe
financière allouée ?
À ces deux questions, il est permis de répondre positivement.
Certes, des écarts, au demeurant minimes, sont constatés. Leur
portée mérite d'être prise en compte, si on les compare
à l'idéal qu'aurait représenté la
réalisation parfaite d'objectifs définis six ans auparavant, mais
elle est beaucoup moins significative au regard de l'ampleur
considérable de la réforme qui a été
réalisée.
Le
bilan qualitatif
fournit pour sa part d'autres enseignements. Il
permet d'identifier
certains points faibles auxquels il faudra
remédier
en particulier, le sous-effectif dans certaines
catégories de personnels ou certaines spécialités et les
exigences inhérentes à un armée professionnelle, en terme
de conditions de vie et de travail.
1. Le bilan quantitatif : un format proche des objectifs, une enveloppe financière globalement respectée au titre III.
A la fin de l'année 2002, les armées disposaient, à quelques variations près, des effectifs professionnels définis en 1996. Cette transformation de la structure des personnels s'est opérée sans surcoût significatif par rapport aux prévisions.
a) Un format proche des objectifs
Par rapport à la cible définie en 1996, les lois de finances successives ont opéré quelques ajustements d'effectifs. Par ailleurs, les armées ont souffert tout au long de la période d'un écart entre le nombre de postes budgétaires et celui des personnels effectivement en fonction, mais ce déficit s'est progressivement atténué.
-
-
-
- • Des effectifs budgétaires inférieurs de 1% aux effectifs programmés
Situation des effectifs budgétaires par armée
|
Effectif
|
Effectif
|
Cible
|
Ecart |
Air
|
93 552
|
69 667
|
71 080
|
- 1 413
|
TOTAL |
573 081 |
436 221 |
440 206 |
- 3 985 |
Situation des effectifs budgétaires par catégories
|
Effectif
|
Effectif
|
Cible
|
Ecart |
Officiers
|
38 456
|
37 738
|
38 189
|
- 451
|
TOTAL |
573 081 |
436 221 |
440 206 |
- 3 985 |
Comme on
le voit, les effectifs budgétaires de 2002 sont inférieurs
d'à peine 0,9 % à ceux prévus par la loi de programmation
militaire 1997-2002.
Quelle est l'origine de cet écart
minime ?
Il faut tout d'abord rappeler qu'au fil des années, plusieurs mesures
ont modifié le
périmètre budgétaire
du
ministère de la défense. Au regard des moyens en personnels qui
lui sont affectés, ces
mesures sont totalement neutres
. Sur le
plan des effectifs budgétaires, elles se traduisent par l'inscription au
budget de la défense d'environ 6 200 postes
supplémentaires
1(
*
)
.
D'autres mesures, en revanche,
modifient le format même des
armées
et se soldent par une
réduction supérieure
à 10 000 postes
.
Si la gendarmerie (+ 1 405 postes) et le service de santé des
armées (+ 200 postes d'infirmiers militaires) ont
bénéficié de créations d'emplois non prévues
en programmation, les mesures d'ajustement ont plutôt pris la forme de
suppressions d'emplois.
L'abandon du projet de « rendez-vous citoyen » a
libéré 2 700 emplois. La revue des programmes de 1998 a
entraîné 1 577 suppressions de postes dans la Marine et à
la DGA. Des crédits supplémentaires destinés à des
actions de sous-traitance ont été accordés en contrepartie
de la suppression de 1 470 postes.
En 2002, 2 835 postes de volontaires et 1 300 postes d'ouvriers qui
demeuraient vacants ont été supprimés. Enfin, de 2000
à 2002, des mesures dites « de
déflation nette» ont abouti à supprimer un total de
1 371 postes.
-
-
-
- • Des effectifs réalisés inférieurs de 5% aux effectifs budgétaires
Le tableau ci-après donne un aperçu plus détaillé de ce déficit en personnels, plus accentué au sein des services communs, en particulier le service de santé, et de l'armée de l'air, alors qu'il demeure limité dans la gendarmerie.
En ce qui concerne les militaires du rang , l'achèvement en fin d'année 2002 de la dernière tranche de recrutement liée à la professionnalisation laisse espérer une meilleure réalisation des effectifs.
Deux catégories connaissent un fort déficit .
En ce qui concerne les volontaires , votre rapporteur a souligné depuis deux ans, s'agissant de l'armée de terre, que la cible définie était trop ambitieuse au regard du vivier potentiellement intéressé par un tel statut. Il se réjouit donc que les conséquences en aient été tirées, à partir de 2003, avec une réduction du nombre de postes et une augmentation des postes d'engagés.
La situation des personnels civils a quant à elle fait l'objet d'une préoccupation constante, au sein du Parlement, depuis cinq ans. Votre rapporteur n'insistera pas sur cette problématique largement commentée tout au long de la période de transition. On peut simplement constater que le déficit en personnels civils avait culminé à près de 12% des effectifs budgétaires en 1999 et qu'il a été ramené à 7% à l'été 2002. Au cours de l'année 2002, le gel d'un millier d'emplois de fonctionnaires et d'agents contractuels a été levé et le recrutement de 900 ouvriers d'Etat a été autorisé. Le nombre de postes mis aux concours a été notablement augmenté, ces concours se soldant malheureusement trop souvent encore par un rendement insuffisant et des délais d'organisation beaucoup trop longs. On peut toutefois espérer une poursuite de la résorption du déficit en personnels civils.
b) Une enveloppe budgétaire globalement respectée
La loi de programmation militaire 1997-2002 prévoyait d'allouer une enveloppe annuelle de 99 milliards de francs constants 1995 pour le titre III, actualisée chaque année par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac, retenu dans le cadre de la construction budgétaire. En outre, il était prévu que le coût supplémentaire lié à la professionnalisation des armées serait gagé par les économies réalisées sur le fonctionnement suite à la réduction du format.
Evolution des dépenses du titre III (hors pension)
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Loi de
programmation
|
|
|
|
|
|
|
La
comparaison entre les annuités actualisées de la loi de
programmation militaire et les ressources allouées chaque année
par les lois de finances montre que
l'enveloppe prévue par la loi de
programmation pour le titre III a été respectée
. A
périmètre courant, le taux de couverture est pratiquement de
100 %.
En ce qui concerne l'exécution budgétaire, elle a
été fortement conditionnée par la nécessité
de financer le
surcoût des opérations extérieures
.
Les ouvertures de crédits ont représenté en moyenne 330
millions d'euros par an pour un surcoût moyen de plus de 400 millions
d'euros sur le titre III.
Incidence du surcoût des opérations
extérieures
sur l'exécution budgétaire du titre III
(en millions d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Surcoût au titre III
|
419
|
247
|
423
|
413
|
406
|
537
|
Si l'on
isole le facteur « opérations extérieures »,
correspondant à des charges exceptionnelles bien que récurrentes,
on constate que
la loi de programmation 1997-2002 a fait l'objet d'une
exécution rigoureuse au titre III
.
Il est vrai que cette maîtrise du titre III a été obtenue
au prix de certaines tensions. En effet, les crédits de fonctionnement
ont diminué plus vite que prévu pour faire face à une
hausse des rémunérations supérieure à celle qui
avait été envisagée initialement
Sur la période de programmation, les
crédits de
rémunérations et charges sociales
inscrits en lois de
finances initiales ont progressé de près de 2 milliards d'euros,
soit une augmentation de 17 % supérieure à celle du titre
III dans son ensemble.
Mais il serait erroné de voir dans cette évolution la traduction
d'un surcoût de la professionnalisation.
Pour plus de 40%, la variation des crédits de
rémunérations et charges sociale résulte en effet d'une
évolution mécanique liée à la revalorisation du
point fonction publique
et aux mesures générales d'ordre
salarial et indemnitaire.
Elle résulte aussi, à hauteur d'un quart de sa valeur, de mesures
de
modification du périmètre
telles que la
budgétisation des activités étatiques de DCN et de la
gendarmerie d'autoroute, ou l'augmentation de l'indemnité compensatrice
de la CSG et de la cotisation employeur au fonds spécial de pensions des
ouvriers d'Etat.
Pour un autre quart, elle correspond effectivement à la
mise en
oeuvre de la professionnalisation et des mesures d'accompagnement
, dans le
cadre d'un effort financier qui avait été prévu au titre
des mesures d'effectifs elles mêmes, des aides au départ, de la
mensualisation des militaires du rang et des crédits destinés
à la réserve.
Enfin, un dixième de la variation est lié à des mesures
d'améliorations de la condition des personnels et de remise à
niveau des crédits à hauteur des besoins constatés, en
particulier en matière indemnitaire (« rebasage » de
130 millions d'euros). Il faut préciser qu'aucun plan
d'amélioration de la condition des personnels n'avait été
prévu par la loi de programmation, mais que les premières mesures
de revalorisation ont été prises dans le cadre de la loi de
finances initiale pour 2002, puis ont été
complétées en février 2002 par un plan financé par
le collectif budgétaire de l'été dernier.
2. Le bilan qualitatif : des points faibles portant sur la réalisation des effectifs et sur les conditions de vie et de travail des militaires
Si la situation de la fin d'année 2002 a été proche de celle prévue par la loi de programmation 1997-2002, la marche vers cet objectif final ne s'est pas effectuée sans difficultés.
a) Certains points faibles demeurent en matière de réalisation des effectifs
Les
armées ont globalement atteint les objectifs qui leur avaient
été assignés.
Durant six ans, plus de 20 000
officiers et sous-officiers
ont
bénéficié des
diverses mesures d'aide au départ
anticipé
, 14 000 d'entre eux ayant obtenu l'attribution du
pécule d'incitation au départ, pour un coût global de
près de 560 millions d'euros. Parallèlement, les recrutements
d'officiers et de sous-officiers ont été satisfaisant, en nombre
et en qualité, même si certaines spécialités
connaissent des difficultés. On peut citer, pour les officiers, le
déficit en médecins, et pour les sous-officiers, la forte
concurrence avec le secteur civil pour les métiers de la
mécanique, de l'électronique ou de l'informatique.
L'effectif des
militaires du rang engagés
a doublé en six
ans, imposant l'augmentation du volume annuel des recrutements et l'allongement
de la durée moyenne de service, portée de 5 à 8 ans.
L'armée de terre enregistre actuellement environ 1,3 candidatures pour
un poste, ratio qui est jugé acceptable. En ce qui concerne les premiers
contrats d'engagés arrivant à échéance, elle
constate des taux de renouvellement très satisfaisants, s'élevant
à 73% en 2001 et à 82% en 2002.Dans la Marine, le ratio est plus
élevé, tant pour les engagés initiaux de longue
durée (2 candidats pour un poste en 2001 et 2,5 en 2002) que pour ceux
de courte durée (1,4 candidat pour un poste en 2001 et 2,6 en 2002). Il
est en revanche plus faible pour les contrats les plus courts (1,1 candidat
pour un poste) qui représentent environ 400 recrutements par an. Dans
l'armée de l'air, le recrutement des militaires techniciens de l'air est
pour sa part devenu plus difficile, le nombre de candidatures ayant
décru alors que celui des postes à pourvoir demeurait stable. On
comptait ces deux dernières années environ 1,1 candidat pour un
poste.
Ces chiffres démontrent la
relative étroitesse du vivier de
recrutement
des armées pour leurs militaires du rang engagés,
même si, pour l'instant, tous les postes offerts ont pu être
pourvus. La pérennisation de ce recrutement demeure donc un défi
majeur pour les années à venir, qui impose des mesures
appropriées d'attractivité des carrières et de
fidélisation des personnels.
Si la réalisation des effectifs de militaires professionnels s'est
déroulée de manière satisfaisante,
trois points
faibles
persistent et continuent de peser sur le bon fonctionnement de
l'armée professionnelle.
Le premier point faible concerne la
composante civile
et demeure
préoccupant, même si le déficit s'atténue. Aux
facteurs qui ont été précédemment signalés,
à savoir essentiellement les restrictions apportées aux
recrutements, s'ajoutent des causes plus structurelles. Les contraintes
liées à l'affectation géographique des personnels civils
paraissent fortes, soit qu'elles freinent la mobilité interne au sein du
ministère de la défense, soit qu'elles découragent les
candidats potentiels à certains concours, voire même leurs
lauréats. Se posent également des problèmes
d'adéquation qualitative entre certaines activités jusqu'alors
confiées à des appelés et la ressource disponible sur le
marché du travail.
Ce déficit persistant pénalise fortement les capacités
opérationnelles, car il implique l'
affectation de militaires
professionnels à des tâches de soutien
qui ne leur
étaient pas dévolues. L'armée de terre a du ainsi
redéployer plus de 2 300 militaires, soit le volume d'une demi-brigade,
au profit des directions chargées du matériel et du soutien des
forces, amputant d'autant le réservoir de forces projetables.
Par ailleurs, il serait insuffisant de n'aborder la question des personnels
civils qu'à travers les objectifs quantitatifs de réalisation des
postes non pourvus. Ces personnels doivent bénéficier, en
matière de gestion des ressources humaines, d'un suivi tout aussi
attentif que celui porté, au cours de la professionnalisation, aux
personnels militaires.
Votre rapporteur estime que
la composante civile des armées
, qui
représente près d'un cinquième des effectifs,
devra
faire l'objet d'une attention particulièrement soutenue dans les
années à venir
. Alors que ces personnels relèvent
d'une extrême diversité de statuts, ce qui rend parfois complexe
l'articulation entre leur gestion et les besoins des armées, il serait
souhaitable d'
engager une réflexion de fond
sur les moyens
d'optimiser leur insertion dans le dispositif de l'armée
professionnelle.
Le deuxième point faible concerne les
volontaires
. Après
les premiers recrutements opérés en 1999, les limites du vivier
potentiel de cette catégorie sont vite apparues. S'il est vrai que le
volontariat fait souvent office de prélude à l'engagement, son
statut manque d'attractivité pour prétendre intéresser un
effectif aussi important que celui qui avait été défini
à l'origine, et qui s'élevait à plus de 27 000 hommes.
Votre rapporteur, s'agissant de l'armée de terre, a insisté au
cours des deux dernières années pour que des solutions
satisfaisantes soient apportées aux difficultés
rencontrées pour cette catégorie de personnels. En effet, les
volontaires ne constituent pas une force d'appoint mais font partie
intégrante du format des forces, au même titre que les autres
personnels militaires. Un déficit prolongé ne saurait donc
être accepté.
Enfin, la réserve opérationnelle constitue le troisième
point faible de la professionnalisation. Le format prévu pour la
réserve opérationnelle est de 100 000 volontaires ayant souscrit
un engagement à servir dans la réserve. L'objectif pour 2008 est
de 82 000 réservistes, mais on n'en dénombrait moins de 28 000 au
1er juillet 2002, soit à peine 34% de la cible.
Situation des effectifs de la réserve opérationnelle au 1 er juillet 2002
|
Cible 2008 |
Situation 2002 |
% |
Officiers |
13 650 |
8 952 |
65,6 |
Sous-officiers |
28 450 |
11 759 |
41,3 |
Militaires du rang |
39 900 |
7 195 |
18,0 |
Total |
82 000 |
27 906 |
34,0 |
C'est essentiellement le faible nombre de militaires du rang qui entrave la montée en puissance de la réserve opérationnelle, et c'est donc sur cette catégorie, ainsi que sur celle des sous-officiers, que devra porter l'effort de recrutement. Si les enjeux relatifs à la réserve ont quelque peu été occultés, les années passées, par ceux de la professionnalisation, il importe désormais de donner corps à cette composante très importante de notre armée. Pour reprendre l'expression d'un haut responsable des armées, le réserviste est un militaire à part entière mais à temps partiel. Comme le montrent des exemples étrangers, la réserve doit désormais prendre toute sa place dans un outil de défense moderne et performant.
b) Un sentiment de relative dégradation des conditions de vie et de travail des militaires
Au
delà de la réalisation des recrutements nécessaires, le
succès de la professionnalisation doit également
s'apprécier au vu d'un environnement d'ensemble, intégrant
l'équipement, l'entraînement et les conditions de vie du militaire
professionnel.
Les armées ont connu tout au long de la période de transition un
sous-effectif permanent
, dû à la déflation plus
rapide que prévue des effectifs d'appelés (dispositions octroyant
des reports aux titulaires de contrats de travail puis suspension
anticipée, en 2001, du service national) et à la
difficulté à pourvoir les postes en personnels civils (gel des
embauches en l'absence de transferts en provenance des services industriels de
l'Etat).
Extrêmement lourde du point de vue des mesures de réorganisation
et de restructuration, avec ce qu'elles impliquent en contraintes de
mobilité et en incidence sur la vie familiale, cette période
s'est caractérisée par un
surcroît de participation aux
opérations extérieures
, notamment du fait de l'ouverture d'un
nouveau théâtre d'opérations au Kosovo, qui a
mobilisé jusqu'à près de 5 000 hommes. Les
armées ont été, dans le même temps, fortement
sollicitées pour des
missions intérieures
:
tempêtes de la fin d'année 1999, pollution consécutive au
naufrage de l'Erika, inondations dans la Somme, évacuation des munitions
chimiques de Vimy, explosion de l'usine AZF de Toulouse, plan
« Statère » de gardiennage des centres de stockage
de monnaie à l'occasion du passage à l'euro, plan Vigipirate
renforcé.
Conjuguées au sous-effectif, ces missions ont entraîné une
sur-activité des unités
. Ainsi, certaines
spécialités de l'armée de terre particulièrement
sollicitées, comme l'infanterie, ont été soumises à
un
rythme trop élevé d'engagement extérieur
(un
séjour à l'extérieur par an, au lieu d'un tous les 16
mois) venant s'ajouter aux activités de service et de
sécurité publique sur le territoire national.
À ces difficultés conjoncturelles, qui devraient
s'atténuer avec l'allègement, décidé par l'OTAN, de
son dispositif dans les Balkans, se sont ajoutées les contraintes
imposées aux crédits de fonctionnement et à
l'équipement, notamment l'entretien des matériels.
Le nombre de jours d'activité réalisés par les forces
s'est régulièrement érodé à partir de 1996,
avant qu'un redressement ne soit opéré à partir de 2001.
La disponibilité des matériels s'est fortement
dégradée. Les restrictions opérées jusqu'en 2000
sur les crédits de vie courante (entretien des locaux, équipement
bureautique, frais de déplacement) ont pesé sur l'environnement
quotidien.
Au total, un
sentiment de dégradation de l'outil de travail
s'est
développé.
C'est dans ce contexte difficile qu'a été posée de plus en
plus clairement la
question de la condition militaire
. Votre commission
y a accordé une attention soutenue et a alerté à plusieurs
reprises le gouvernement sur la nécessité d'y apporter rapidement
des réponses.
Sur un plan général, la communauté militaire n'a pas senti
qu'elle bénéficiait d'une attention comparable à celle des
autres secteurs professionnels. Le traitement budgétaire
réservé au ministère de la défense a
conforté cette appréciation. Sur un plan plus particulier, la
quasi-absence de mesures catégorielles en faveur des militaires de 1997
à 2001 tranchait avec l'attention portée, sur le plan social,
à différents secteurs de la vie civile et diverses
réformes mises en oeuvre durant la dernière législature,
celle des 35 heures étant bien entendu la plus emblématique.
Tout ces éléments ont conduit à la
crise de
confiance
qui s'est développée, au cours de l'automne et de
l'hiver 2001, au sein des armées, bien au delà du seul cas de la
gendarmerie.
Ces attentes ont en partie été comblées par le plan
d'amélioration de la condition militaire, au travers de mesures
indemnitaires et d'une revalorisation des qualifications et
spécialités. Les mesures ciblées, dont beaucoup
répondaient à des demandes anciennes, représentent
toutefois moins de la moitié de l'enveloppe consacrée à ce
plan, qui se trouve largement absorbée par les mesures relatives au
temps d'activité et d'obligations professionnelles des militaires
(TAOPM), destinées à compenser dans les armées la
non-application des 35 heures.
Ainsi, la réponse apportée peut apparaître à la fois
trop tardive, puisqu'il a fallu régler en urgence une crise sans
précédent dans les armées, et trop influencée par
les interférences avec la mise en place des 35 heures.
B. UNE ÉROSION DE L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT QUI PROVOQUE UN AFFAIBLISSEMENT CAPACITAIRE
De 1997
à 2002, le budget de la défense a légèrement
régressé, alors que la simple actualisation en fonction de
l'indice des prix aurait représenté une hausse de 6%. C'est donc,
en monnaie constante
, un
recul significatif
qui a
été enregistré au cours de ces six dernières
années,
de l'ordre de 6% pour l'ensemble du budget de la
défense
, hors pensions, et
d'environ 14% pour les dépenses
d'équipement
.
Cette érosion n'a pas de justification stratégique
. Durant
ces six années, nos armées ont participé à deux
opérations de guerre et ont été engagées sur les
théâtres extérieurs à un niveau
inégalé depuis plusieurs décennies. Crises
régionales, terrorisme international et prolifération des armes
de destruction massive et de leurs vecteurs ont démontré les
limites des « dividendes de la paix ».
Elle n'a
pas davantage de justification économique et
financière
. Durant la même période, notre pays a
bénéficié d'une croissance soutenue qui permettait
pleinement le respect des engagements pris en 1996.
Elle résulte donc d'un choix purement politique que votre commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces
armées et le Sénat ont régulièrement
désapprouvé.
Votre rapporteur souhaite ici illustrer cette évolution par quelques
données succinctes, car ses conséquences vont durablement peser
sur le niveau de nos capacités de défense et conditionnent
très largement le contexte dans lequel se présente le projet de
loi de programmation militaire 2003-2008.
1. Un recul de la défense dans l'ordre des priorités gouvernementales
Telle
que la calcule l'OTAN, la
part des dépenses de défense dans le
PIB français
est passée en dessous de 2% dès 1998 pour
atteindre
1,7% en 2001
. Cette diminution n'est pas propre à la
France, mais de tous les pays de l'OTAN, c'est bien en France que le recul a
été le plus fort au cours des cinq dernières
années, nous plaçant loin derrière le Royaume-Uni dont les
dépenses de défense représentaient 2,28% du PIB en 2001.
Au cours de la période 1997-2002,
le budget de la défense
,
hors pensions,
a diminué de 0,9%
alors que dans le même
temps,
le budget général progressait de 11,6% et le PIB de
près de 20%
.
Évolution des 10 principaux budgets de l'Etat de 1997 à 2002
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
2002 |
Variation |
Enseignement scolaire |
42,26 |
52,70 |
+ 24,7 % |
Charges de la dette |
35,96 |
37,20 |
+ 3,4 % |
Défense (hors pensions) |
29,11 |
28,85 |
- 0,9 % |
Emploi |
15,70 |
16,78 |
+ 6,9 % |
Intérieur |
11,62 |
17,27 |
+ 48,6 % |
Economie, finances, industrie |
10,89 |
14,45 |
+ 32,7 % |
Santé, solidarité, ville |
10,81 |
15,17 |
+ 40,4 % |
Transports |
8,30 |
9,29 |
+ 12,0 % |
Enseignement supérieur |
7,17 |
8,74 |
+ 21,8 % |
Logement |
6,15 |
7,30 |
+ 18,7 % |
Ensemble des dépenses du budget général |
238,43 |
266,02 |
+ 11,6 % |
Le
tableau ci-dessus, qui retient les crédits inscrits au cours des lois de
finances initiales successives, illustre le
traitement budgétaire
particulièrement défavorable réservé à la
défense
ces dernières années.
Pour le titre III, la progression des crédits aura
représenté 6,7%, soit une évolution à peine
supérieure à l'indice des prix. Pour les titres V et VI, le recul
s'élève, en monnaie courante, à 9,2% entre 1997 à
2002, traduisant un affaissement très significatif du niveau
d'investissement, en total décalage avec le rythme d'évolution du
budget général.
2. Une annuité d'équipement perdue
Il
convient ici de rappeler en quelques grandes lignes le constat effectué
par votre commission, année après année, au sujet de la
mise en oeuvre de la programmation des équipements militaires.
Hormis en 1997, toutes
les lois de finances se sont situées en
retrait par rapport au niveau requis par la loi de programmation
.
Dès 1998, une sévère amputation, représentant une
« encoche » de l'ordre de 9%, était appliquée
aux crédits d'équipement. La même année, une
« revue des programmes » définissait, pour les
quatre années 1999-2002 un nouvel objectif de dépenses, à
mi-chemin entre cette « encoche » et la loi votée en
1996. La « revue des programmes », non avalisée par
le Parlement, n'a pas pour autant été respectée de 2000
à 2002, contrairement à tous les engagements pris par le
précédent gouvernement
2(
*
)
. Sur les
six années de programmation, l'entorse opérée par les
diverses lois de finances initiales ont représenté un
« manque à gagner » de l'ordre de 6,1 milliards
d'euros par rapport à la loi de programmation, et de 3,5 milliards
d'euros si l'on se réfère à la « revue de
programmes ».
Dépenses d'équipement militaire 1997-2002
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Loi de
programmation
|
13,472 |
13,598 |
13,671
|
13,774
|
13,973
|
14,196
|
Loi de
finances initiale
|
13,522
|
12,348
|
13,111
|
12,646
|
12,718
|
12,273 |
Ecart/LPM
|
- 0,769 |
- 1,934 |
- 1,911
|
- 1,787
|
- 2,254
|
|
D'autre
part, comme le montre le tableau ci-dessus,
les crédits
d'équipement effectivement consommés ont été
notablement inférieurs à ceux inscrits dans ces lois de finances
successives
, principalement en raison d'
annulations de crédits
qui ont servi à gager l'ouverture de crédits au titre III
pour le financement des opérations extérieures et, dans une
certaine mesure, la recapitalisation de GIAT Industries. L'écart entre
crédits inscrits et crédits consommés atteint,
année 2002 non comprise, 4,1 milliards d'euros.
Enfin,
les crédits consommés englobent une série de
dépenses transférées sur les crédits
d'équipements
. Il s'agit essentiellement d'une charge d'entretien
programmé des matériels auparavant supportée par le
titre III (1,4 milliard d'euros sur la période) et d'un
transfert au budget civil de recherche et de développement
(820
millions d'euros de 1997 à 2002).
Au total,
c'est environ un sixième de l'enveloppe prévue par
la loi de programmation 1997-2002 qui a manqué aux armées
,
soit l'équivalent d'une année de programmation.
Votre rapporteur tient particulièrement à
réfuter deux
types de commentaires
qui visent à minimiser l'impact de cette
mauvaise exécution, où à en fausser l'analyse.
Les uns voudraient accréditer
l'idée selon laquelle le titre V
aurait du compenser un surcoût de la professionnalisation
, dont les
conséquences financières auraient été mal
évaluées. Cette idée est
clairement démentie par
les faits
, car la professionnalisation a été
réalisée dans l'enveloppe budgétaire prévue. C'est
en revanche la pratique consistant à systématiquement financer
les opérations extérieures par des annulations
équivalentes au titre V qui a largement amputé ce dernier.
D'autres commentaires, se référant au passé, tiennent pour
un principe acquis que toute loi de programmation a vocation à ne pas
être correctement exécutée. C'est oublier que
la loi de
programmation militaire 1997-2002 se distinguait des lois
antérieures
d'un double point de vue :
- elle
conditionnait la cohérence d'une réforme sans
précédent de notre appareil de défense
, combinant
professionnalisation et réorientation des missions ;
- elle retenait pour les
crédits d'équipement militaire
un
niveau très inférieur aux lois de programmation et budgets
successifs des années antérieures et représentait une
réduction de 20% de l'effort d'équipement militaire par rapport
au budget de 1990 et de 10% par rapport au budget de 1993.
En tout état de cause, le contexte budgétaire des années
1997-2002 permettait le plein respect des objectifs, au demeurant raisonnables,
retenus en 1996.
3. Un affaiblissement capacitaire
Le recul
du budget d'équipement a bien entendu entraîné
d'importantes conséquences, tant sur le déroulement des
programmes d'armement, qui a été retardé et a donné
lieu à certaines réductions de cibles, que sur les
opérations dites « à flux », comme
l'entretien des matériels ou les opérations d'infrastructure.
Enfin, le domaine des études et développement a été
sans doute le plus touché, avec les handicaps qui en résultent
pour nos capacités technologiques futures.
En ce qui concerne les
programmes d'armement
, on constate au terme de la
loi de programmation de nombreux retards et décalages, auxquels s'ajoute
l'abandon de certaines capacités. Il en résultera un
affaiblissement capacitaire, compte tenu de la nécessité de
prolonger des matériels vieillissants, moins performants et moins
disponibles, et des délais supplémentaires d'acquisition de
systèmes d'armes modernes répondant aux besoins
opérationnels actuels. On ne peut en outre passer sous silence les
incidences de cette situation sur nos industries de défense,
pénalisées dans leurs investissements et pour la conquête
de marchés à l'exportation.
Programmes et opérations |
Modifications par rapport aux objectifs
|
Anti blindé léger (ABL) |
étalement des livraisons |
Antichar AC3G LP |
abandon de la production |
Antichar AC3G-MP |
abandon de la production |
Missile antinavires futur (ANF) |
abandon |
Version « interdiction de zone » du missile de croisière APACHE |
abandon |
Bâtiment océanographique BHO |
décalage de 3 ans |
Engin porte-blindé |
122 au lieu de 220 |
Satellite radar HORUS |
abandon |
Système d'identification IFF futur |
abandon en 2001 |
Missile M51 |
RDV M51-SNLE-NG en 2010 |
Mine antichar MACPED |
abandon |
Radars MARTHA |
cible modifiée : 114 au lieu de 120 |
Missile porte-torpilles MILAS |
abandon |
Bâtiment d'écoute MINREM |
décalage de 2 ans de l'ASA |
Modernisation frégates F70 |
suppression de la modernisation |
Télécommunications des bases aériennes MTBA |
réduction de cible de 46 à 45 |
Télécommunications des garnisons terre MTGT |
cible réduite de 168 à 151 |
Torpille MU 90 |
450 au lieu de 600 |
Système haute fréquence OMAR HF |
réduction de cible de 113 à 78 |
Pod reconnaissance NG |
retard de lancement |
Avion de combatRAFALE |
décalage de 9 mois |
Rénovation AMX 10RC |
300 au lieu de 337 |
Missile sol-air très courte portée MISTRAL |
cible ramenée de 3490 à 3020 missiles puis dernière commande de 710 missiles annulée |
Système d'information régimentaire |
742 au lieu de 775 |
SNLE NG |
3ème en 2004 au lieu de 2002
|
Système de surveillance de l'espace |
abandon mais mise en service du système exploratoire |
Torpille Lourde |
abandon |
Valorisation AUF1 |
décalage d'1 an |
Valorisation ROLAND |
retard de 6 mois |
En
matière d'
infrastructure
, les retards observés portent
notamment sur la réalisation du plan VIVIEN (amélioration des
conditions de logement des sous-officiers et militaires du rang
célibataires), dont les objectifs ne seront atteints pour l'essentiel
qu'au-delà de 2004., alors que cette opération est essentielle
à la consolidation de la professionnalisation. La remise à niveau
du parc immobilier de la gendarmerie souffre elle aussi du retard
accumulé en matière d'investissement. Les besoins sont
également très importants dans la marine, qui doit faire face
à un réel défi de remise en état des
immobilisations techniques des ports de Brest et Toulon désormais sous
sa responsabilité, et dans le service de santé, compte tenu de la
nécessité de la mise aux normes civiles d'accréditation
des hôpitaux des armées.
Sur la période 1997-2002, le
maintien en condition
opérationnelle
, a été marqué par une
dégradation significative et régulière de la
disponibilité des matériels, le niveau atteint par certains parcs
étant aujourd'hui critique. Bien que le facteur financier ne soit pas le
seul en cause, la disponibilité a été affectée par
la réduction des crédits consacrés à l'entretien
programmé des matériels.
Dans l'armée de terre, la disponibilité moyenne du parc des
blindés était d'environ 68 % début 2001, au lieu de 80 %
requis, à l'exception des parcs de chars Leclerc et de blindés
AMX 10 dont la disponibilité était très inférieure
en raison d'opérations de remise à niveau et de modernisation.
Dans l'ALAT, la situation est jugée « critique », la
disponibilité des matériels étant d'environ 62 % en
2001, au lieu de 70 %. Dans l'armée de l'air, le taux de
disponibilité moyen des appareils est de 67 %, au lieu de 75 % requis.
Enfin dans la Marine, la disponibilité globale des bâtiments est
d'environ 56 % au lieu de 80 % requis. Il a été nécessaire
de retirer du service l'une des deux frégates lance-missiles les plus
anciennes, le Suffren, pour fournir des pièces détachées
à la seconde, le Duquesne, et permettre son maintien en service.
Cette détérioration conduit les armées à la limite
de la rupture capacitaire dans plusieurs domaines majeurs. Les
difficultés de maintien en condition opérationnelle menacent
directement leur capacité à s'engager longtemps ou massivement,
comme on la vu à l'occasion des opérations en Afghanistan. Le
déploiement de 6 Mirage 2000-D au Kirghizistan a nécessité
des prélèvements de pièces de rechange rendant
indisponibles un nombre équivalent d'appareils en métropole. De
même, le priorité donnée au maintien en condition
opérationnelle des bâtiments engagés dans l'Océan
indien a directement pénalisé l'entretien programmé des
autres bâtiments. Il s'agit là d'une situation très
insatisfaisante alors que nos engagements extérieurs perdurent à
un niveau élevé.
S'agissant des
munitions
, les insuffisances financières ont
entraîné une consommation des stocks sans possibilité d'une
remise niveau systématique. Ces stocks ont atteint aujourd'hui un niveau
plancher imposant de limiter l'entraînement au tir de certaines
catégories de munitions à un strict niveau de suffisance.
Enfin, les dotations consacrées aux
études et
développements
ont subi les
abattements les plus lourds durant
les six dernières années
. De 1997 à 2002, les
dotations en loi de finances initiale ont régressé de 13%, et
elles se situaient cette année en retrait de 23% par rapport aux
objectifs initiaux de la loi de programmation. Elles ont joué, au cours
de la période, le rôle de variable d'ajustement. Ce
véritable décrochage de l'effort de recherche produira des
effets durables
sur l'évolution de nos capacités
technologiques
quelle que soit l'ampleur du rattrapage opéré
à partir de 2003.
Au total, c'est «
un bilan capacitaire
contrasté
» que dresse le rapport au Parlement sur
l'exécution de la loi de programmation 1997-2002.
Les capacités de projection et de mobilité seront fortement
pénalisées par l'arrivée tardive de l'avion de transport A
400 M et de l'hélicoptère NH 90. Le désarmement
anticipé du Foch a mis fin à la permanence du groupe
aéronaval dès 2000. Dans le domaine aéroterrestre,
«
les diverses mesures d'abandon, d'étalement et de
réduction ... ont été particulièrement
pénalisants. Ainsi, en matière de protection, les moyens de
transport blindés actuels (VAB et AMX 10P) sont vieillissants et ne
permettent plus d'assurer les conditions optimales de sécurité du
personnel face aux nouvelles formes de menaces
».
L'équipement individuel de l'infanterie est jugé
«
peu adapté au nouvel environnement
». Dans
le domaine aéromaritime, plusieurs capacités ont
été retardées, suspendues ou abandonnées, alors que
«
le retrait du service de la frégate Suffren et le
vieillissement du système d'armes des deux frégates de type
Cassard fragilisent la protection antiaérienne du
porte-avions
». Toujours selon ce rapport, «
le
vieillissement et la stagnation des capacités n'a pas
épargné le milieu aérospatial
»,
pénalisé par les retards successifs du programme Rafale et les
reports et annulations ayant affecté la composante sol-air.
Ces
retards
dans la réalisation de nos programmes
d'équipement
pénalisent a fortiori notre aptitude à
acquérir les capacités nouvelles
, qui sont jugées
essentielles au vu des opérations les plus récentes. Le rapport
précité au Parlement estime que les moyens «
de
renseignement par tout temps et ... de transmission en temps réel sont
déficitaires
» alors que ceux destinés à la
projection de forces «
ont été rapidement
saturés
». De même, l'interopérabilité
de nos forces «
s'avère encore incomplète en
particulier pour les systèmes d'information et de communication, les
moyens d'identification et les équipements de transmission de
données
».
Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 reprend cette analyse,
estimant dans son exposé des motifs que «
le rythme de la
modernisation des équipements et l'effort en matière de recherche
et technologie se sont trouvés ralentis par rapport à celui qui
avait été prévu ...
accentuant ainsi le
décrochage vis à vis du Royaume-Uni
».
La référence au Royaume-Uni est fréquemment et à
juste titre soulignée. Cette comparaison ne doit pas procéder
d'un quelconque esprit de compétition ou de préoccupations de
« standing » international. Il est parfaitement
légitime que chaque pays ajuste son effort de défense à
ses priorités, et qu'il en résulte des différences
sensibles de capacités, dans un sens ou dans l'autre. Il demeure
néanmoins que la France et le Royaume-Uni se trouvent dans une situation
relativement comparable, comte tenu de leur statut international, la France
portant de surcroît une attention particulière à son
autonomie stratégique. Les deux pays sont également
appelés à jouer un rôle moteur dans l'Europe de la
défense, dont ils sont actuellement seuls capables de forger l'armature.
Aussi n'est-il pas indifférent qu'un écart très
significatif se soit creusé entre le Royaume-Uni et la France à
partir de 1996, période à laquelle leurs deux budgets
étaient comparables. S'agissant des dépenses de défense
dans leur ensemble, le
différentiel en faveur des britanniques
est passé, selon l'association Eurodéfense, de 5 milliards
d'euros environ en 1997 à plus de
10 milliards d'euros annuels en
2000 et 2001
. En matière d'
équipement
, il atteignait 5
milliards d'euros en 1998 puis
6 milliards d'euros annuels en 2000 et
2001
, soit une dépense d'équipement supérieure de 50%
chez les britanniques. En matière d'effort de recherche et technologie,
le rapport est du même ordre entre les deux pays, les britanniques ayant
maintenu le niveau des crédits d'études-amont alors qu'ils
diminuaient fortement en France.
L'effort d'équipement réalisé ces dernières
années par le Royaume-Uni lui permet aujourd'hui de disposer, dans
l'ensemble, de matériels plus récents, et donc d'une marge de
manoeuvre supérieure pour engager le développement de
systèmes d'armes nouveaux. S'il n'est pas aujourd'hui pleinement
perceptible, un écart capacitaire entre les deux pays résultera,
avec un décalage dans le temps de quelques années, des
différences d'effort budgétaire constatées ces
dernières années.
FRANCE-ROYAUME UNI
Éléments de comparaison
La
comparaison des capacités militaires actuelles de la France et du
Royaume-Uni
montre que les avantages et handicaps respectifs de chaque pays
s'équilibrent globalement. Mais l'effort financier supérieur
effectué ces dernières années par les britanniques se
traduira, d'ici la fin de la décennie, par un
recul de la position
relative de la France
, qui a pris du retard dans la modernisation de ses
matériels.
En matière de
dissuasion nucléaire
, la France a
développé une capacité strictement nationale, ce qui n'est
pas le cas du Royaume-Uni, dépendant des systèmes
américains et désormais seulement doté d'une composante
océanique. La France dispose aussi avec Hélios d'une autonomie
sans équivalent en Europe dans le
renseignement
stratégique
. En revanche, les moyens britanniques de
renseignement humain
sont traditionnellement très
supérieurs à ceux des services français. Les
capacités de commandement et de communication sont comparables.
Le porte-avions confère à la France un avantage en matière
de
frappe dans la profondeur
, comme l'ont montré les
opérations d'Afghanistan, mais la permanence du groupe aéronaval
n'est pas assurée, les britanniques devant pour leur part se doter de
deux bâtiments à l'horizon 2012. Ces derniers demeureront
durablement les seuls à pouvoir délivrer des
missiles de
croisières
depuis la mer (à partir de sous-marins
actuellement puis sans doute de frégates en fin de décennie).
L'
aviation de combat
britannique possède également une
panoplie plus complète d'équipements modernes (suppression des
défenses antiaériennes, moyens de transmission de données
et d'acquisition d'objectifs, capacité à délivrer des
armes de précision) que son homologue française.
Le
déficit français en matière de capacité de
projection à longue distance
est d'ores et déjà
très important par rapport aux britanniques et
ira en s'aggravant
dans les prochaines années. C'est le cas en matière
aérienne, du fait du vieillissement de notre flotte, alors que les
britanniques disposent d'appareils multifonctions (transport et
ravitaillement), mais également en matière de soutien logistique
par voie maritime. Quant à l'avantage français dans le domaine
des hélicoptères de transport, il va disparaître avec la
chute annoncée de nos capacités d'ici la livraison, en 2011, du
NH 90. Les britanniques disposent par ailleurs d'hélicoptères
lourds qui nous font défaut.
En matière de
combat terrestre
, les britanniques se sont
dotés d'hélicoptères de combat Apache avant
l'entrée en service du Tigre en France. Leur avantage résulte
surtout du véhicule de combat d'infanterie
Warrior
, et à
l'avenir de l'
Armoured battlefield support vehicule
(ABSV), alors que le
VBCI commencera à peine à être livré en 2006, au
mieux, à l'armée de terre, cette dernière devant d'ici
là fonctionner avec un parc de véhicules vieillissants et
insuffisamment protégés. Dans le domaine
maritime
, la
Royal Navy bénéficie d'un nombre supérieur de
frégates et de sous-marins d'attaque, ainsi que de bâtiments de
soutien.
Enfin, les armées britanniques ont bénéficié ces
dernières années d'un
rythme d'entraînement
très supérieur à celui constaté en France, comme en
témoignent tous les indicateurs d'activités.
C. LE PARCOURS HÉSITANT DE L'AMBITION EUROPÉENNE DE DÉFENSE
Les six
dernières années ont incontestablement été
marquées, en matière de défense européenne, par des
avancées auxquelles la France a contribué et qui confortent sa
volonté clairement affirmée d'inscrire sa politique de
défense dans un cadre européen susceptible de lui donner plus de
poids et d'efficacité.
Tout en reconnaissant qu'un projet tel que l'Europe de la défense
implique nécessairement un long et patient cheminement, on doit
constater cependant que ses bases demeurent fragiles. Les espoirs nés de
la déclaration franco-britannique de Saint-Malo et du Conseil
européen d'Helsinki ont du être réévalués
à la lumière des réalités. Les différences
de perception entre les Etats-membres, l'incidence de leur situation
intérieure, politique ou économique, ou encore les conflits entre
engagement européen et solidarité atlantique sont autant
d'éléments qui ont perturbé la marche en avant de ce
projet.
Les moyens considérables engagés par les Etats-Unis en vue du
renforcement de leur
leadership
politique, militaire et industriel font
ressortir, par contraste, tous les
obstacles qui entravent aujourd'hui
encore l'affirmation d'une ambition européenne de défense
,
qu'il s'agisse de la définition des objectifs européens ou de la
volonté et de la capacité à les mettre en oeuvre. Ces
hésitations se retrouvent dans la difficulté à faire
émerger une politique européenne de l'armement.
1. La construction de l'Europe de la défense : quels moyens au service de quels objectifs ?
a) Les ambiguïtés originelles de la politique européenne de sécurité et de défense demeurent dans un contexte de renforcement du poids des Etats-Unis
Dans son
discours sur l'Europe, prononcé à Marseille le 2 décembre
2002, le ministre des Affaires étrangères interrogeait :
«
qui pourrait comprendre qu'une puissance de près de 500
millions d'habitants ne se donne pas les moyens de défendre une vision
propre de sa sécurité ?
».
Pourtant,
l'Europe de la défense
, telle qu'elle est aujourd'hui
formulée dans les traités,
n'est pas la défense du
territoire européen
, laquelle relève au premier chef des
Etats et, le cas échéant, de l'Alliance atlantique. Elle
ne
traduit pas davantage l'ambition d'une « Europe
puissance »
, dont la politique étrangère et de
sécurité permettrait l'existence de l'Union, en tant que telle,
sur la scène internationale, de façon proportionnée
à son poids démographique et économique.
Onze des quinze membres
3(
*
)
de l'Union sont en
effet liés par l'engagement de sécurité collective de
l'OTAN, dix
4(
*
)
d'entre eux ayant par
surcroît souscrit, dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale, un
engagement de même nature mais beaucoup moins concret, compte tenu de
l'absence de moyens militaires de cette organisation.
L'OTAN demeure ainsi, pour la plupart de nos partenaires européens,
le cadre privilégié de la coopération en matière de
défense
. L'évidente prééminence qu'y exercent
les Etats-Unis n'est guère ressentie comme une gêne car toutes les
apparences d'un mode de fonctionnement intergouvernemental sont maintenues,
avec le double avantage d'éviter que n'émerge le
leadership
d'un des Etats européens et de pouvoir en partie se
décharger sur le plus puissant des alliés du poids de la
construction et de l'entretien d'un outil militaire performant.
A travers la « relation spéciale » qu'il entretient
avec les Etats-Unis, le Royaume Uni semble vouloir trouver un
démultiplicateur de puissance lui permettant de continuer à
exister sur la scène internationale. La déclaration de Saint-Malo
ne constitue pas un retournement britannique, mais plutôt le constat
d'une place pour l'Union européenne en complément de l'OTAN.
Une telle analyse est largement partagée en Europe, en particulier chez
les Etats concernés par l'élargissement à venir de l'Union
européenne.
En dépit de la prise en compte de la politique européenne de
sécurité et de défense par l'Alliance atlantique, lors du
sommet de Washington en 1999, au cours duquel fut admise la
complémentarité entre la démarche européenne et
l'engagement au sein de l'OTAN,
une forme d'ambiguïté
perdure
et pèse sur l'implication concrète de tous les
Etats-membres de l'Union européenne dans la mise en oeuvre des
décisions arrêtées par cette dernière.
Si certains commentateurs, soulignant le relatif effacement de l'OTAN lors des
opérations d'Afghanistan, croyaient pouvoir déceler l'amorce d'un
déclin de l'Alliance, l'administration américaine a rapidement
cherché à effacer cette impression de
« marginalisation », lui trouvant des vocations nouvelles
dans une politique de sécurité largement orientée vers des
menaces qui, aujourd'hui, préoccupent davantage les Etats-Unis que
l'Europe.
C'est le sens qu'il faut donner aux décisions adoptées, sous
l'impulsion des Etats-Unis, lors du
sommet de l'Alliance à
Prague
, en novembre dernier, qui visent à
« transformer » l'OTAN
en l'axant vers la lutte
contre le terrorisme et les armes de destruction massive. La
réorientation de l'initiative sur les capacités de défense
(DCI) autour de quelques domaines clés et le projet de création
d'une force de réaction rapide traduisent cette évolution. La
question de sa compatibilité avec les ambitions de la PESD
se
pose dans la mesure où il n'est pas garanti que les deux
démarches, qui peuvent a priori paraître complémentaires,
n'entreront pas en concurrence dès lors que des arbitrages concrets
devront être rendus par les pays européens sur les domaines devant
faire l'objet d'un renforcement prioritaire.
b) Des avancées institutionnelles notables autour d'objectifs limités
Au terme
de l'article 17 du Traité d'Amsterdam, «
la politique
étrangère et de sécurité commune inclut l'ensemble
des questions relatives à la sécurité de l'Union, y
compris la définition progressive d'une politique de défense
commune, qui pourrait conduire à une défense commune, si le
Conseil européen en décide ainsi
».
La défense européenne doit-elle assurer la sécurité
du territoire, la stabilité du voisinage immédiat de l'Europe, ou
encore donner à l'Union européenne les moyens de porter une
conception spécifique de l'ordre international avec une vocation
universelle ?
A défaut de réponse claire à cette question, la politique
européenne de sécurité et de défense se construit
ainsi par étapes, en éludant quelque peu la question de ses fins
ultimes. Un consensus a pu se dégager sur le fait que l'Europe ne
pouvait se désintéresser de la gestion des crises qui se
produisent dans son voisinage immédiat et dont la résolution
n'intéresserait pas au premier chef les Etats-Unis et par
conséquent l'OTAN. C'est donc autour d'un objectif limité -les
missions de Petersberg- qu'ont été opérées les
avancées institutionnelles aboutissant à la création des
organes de la PESD.
LES ÉTAPES DE LA CONSTRUCTION DE L'EUROPE DE LA DÉFENSE
Le
Traité de Maastricht (1993), institue la politique
étrangère et de sécurité commune (PESC),
deuxième pilier de l'Union européenne : la PESC inclut
l'ensemble des « questions relatives à la
sécurité de l'Union européenne, y compris la
définition à terme d'une politique de défense commune, qui
pourrait conduire, le moment venu, à une défense
commune ». Il s'agit d'une démarche intergouvernementale qui
nécessite un accord consensuel des Etats membres. L'Union de l'Europe
occidentale se voit confier le rôle de « bras
armé » de l'Union européenne.
Le traité d'Amsterdam (1997) prévoit la formule
« d'abstention constructive » qui permet à un Etat
membre de ne pas appliquer une décision sans bloquer l'engagement de
l'Union. Le protocole n° 5 offre au Danemark une dérogation pour
toutes les questions de défense.
Les missions dévolues à L'UEO sont reprises dans le traité
qui crée en outre la fonction de Haut représentant.
Le sommet franco-britannique de Saint-Malo (décembre 1998) est
clôturé par une déclaration sur la défense
européenne qui annonce que l'Union européenne doit pouvoir
disposer d'une capacité autonome d'évaluation, de décision
et d'action, en prenant en compte les moyens de l'UEO et de l'OTAN.
Le sommet de l'alliance atlantique de Washington (avril 1999), tire les
conséquences de l'engagement franco-britannique en organisant
l'articulation entre OTAN et Union européenne. Les arrangements dits de
« Berlin + » prévoient l'accès de l'Union
européenne aux capacités de planification militaire et aux moyens
communs de l'Alliance atlantique, déjà ouvert au
bénéfice de l'UEO lors de la réunion ministérielle
de Berlin en 1996.
La crise du Kosovo ayant mis en évidence des lacunes dans les
équipements de Européens, le conseil européen de Cologne
(juin 1999) s'engage à améliorer les capacités militaires
existantes. Le domaine d'action de l'Union européenne est limité
aux missions de Petersberg (intervention humanitaire, évacuation de
ressortissants, maintien de la paix, rétablissement de la paix).
Les conclusions du Conseil européen d'Helsinki (décembre 1999)
fixent des objectifs précis.
Un objectif global (
headline goal
) prévoit, à
l'échéance de 2003, la capacité de projeter dans un
délai de 60 jours et pour au moins un an 50 à 60 000 hommes
dans le cadre d'opérations dirigées par l'Union européenne
pour effectuer l'ensemble des opérations de Petersberg.
Un objectif de recensement rapide des capacités collectives est
fixé.
L'architecture des organes politiques et militaires nécessaires à
la décision et à la conduite d'opérations est
arrêtée. Les procédures de coopération, notamment
avec l'OTAN, doivent être définies tandis que le
périmètre d'action autonome de l'Union européenne par
rapport à l'Alliance est précisé :
« là où l'Alliance en tant que telle n'est pas
engagée ».
Lors du conseil européen de Feira (juin 2000) les structures
décidées à Helsinki sont mises en place à titre
intérimaire. Les aspects civils de gestion des crises font l'objet d'un
plan d'action dans quatre domaines prioritaires (police, renforcement de
l'état de droit et de l'administration civile, protection civile). Un
objectif en matière de capacité de police est fixé.
Les structures permanentes de la chaîne politico-militaire de l'UE sont
créées par le conseil européen de Nice (décembre
2000) : le comité politique et de sécurité, le
comité militaire et l'état-major de l'UE. Le conseil
européen officialise les résultats de la Conférence
d'engagement des capacités militaires et les documents qui en sont
issus : le « catalogue » des capacités (HFC ou
Helsinki Force Catalogue
) qui recense les contributions des Etats
membres et le « catalogue » des besoins (HHC ou
Helsinki
headline Goal catalogue
) qui identifie les capacités que l'Union
doit acquérir pour mener à bien l'ensemble des missions de
Petersberg.
Les propositions relatives aux arrangements permanents avec l'OTAN et avec les
pays tiers sont formalisées.
Un troisième catalogue, catalogue de progrès (HPC ou
Headline
goal
progress
catalogue
), est défini lors du Conseil
européen de Göteborg (juin 2001) qui identifie 54 domaines
capacitaires déficitaires.
Conformément aux engagements pris à Nice et à
Göteborg, la PESD est déclarée opérationnelle par le
conseil européen de Laeken (décembre 2001), c'est à dire
capable de gérer une crise.
Le conseil européen de Séville (juin 2002) prend acte de la
capacité opérationnelle en décidant le lancement d'une
mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine en
janvier 2003.
La création institutionnelle la plus importante est certainement le
poste de haut représentant pour la PESC, combiné avec celui de
secrétaire général du Conseil. Le Haut représentant
est soutenu par l'UPPAR ou unité politique dont l'objectif est de
fournir une analyse et une aide à la décision autonome dans
l'appréciation de la situation internationale.
Sur la base des procédures et des institutions en place , la PESC a
été déclarée opérationnelle mais en
l'absence d'objectifs clairs et d'impulsion politique, elles offrent
plutôt l'apparence de « coquilles vides ».
LES INSTITUTIONS DE L'EUROPE DE LA DÉFENSE
Le
Comité politique et de sécurité (COPS), créé
en janvier 2001, est le pivot de la politique étrangère et de
sécurité commune. Il est composé de fonctionnaires
nationaux ayant rang d'ambassadeur, ainsi qu'un représentant de la
Commission. Il est chargé de surveiller la situation internationale,
d'émettre des avis et de présenter des propositions au Conseil
ainsi que de surveiller la mise en oeuvre des politiques. Sous la
responsabilité du Conseil, il exerce le contrôle politique et la
direction stratégique des opérations de gestion de crise. Il
assure la coordination des instruments civils et militaires. Il est
également un forum de dialogue sur la PESD avec d'autres partenaires
européens ou de l'OTAN.
Le Comité militaire de l'Union européenne (CMUE) est
composé des chefs d'états-majors des armées ou de leurs
représentants permanents, il est chargé, sous la conduite du
président permanent nommé par le Conseil, de donner des avis
militaires et des recommandations au COPS et de diriger les travaux de
l'état-major.
L'état-major de l'Union européenne (EMUE) est composé de
135 militaires des quinze Etats membres, il effectue, sous la direction du
CMUE, la conduite stratégique des opérations militaires (alerte
rapide, analyse de situations, planification stratégique, identification
des forces engagées...) et des exercices.
c) Des capacités encore insuffisantes
. Le
déficit capacitaire européen
Pleinement révélées lors des opérations dans les
Balkans, notamment le conflit du Kosovo, les lacunes dans l'équipement
militaire européen sont multiples et elles ont eu tendance à
s'aggraver du fait de l'érosion des budgets de défense.
On rappellera ici simplement que d'après les statistiques de l'OTAN,
outre la Grèce, seuls deux autres pays de l'Union européenne
consacraient à leur défense plus de 2% de leur PIB en 2001, le
Royaume-Uni (2,28%) et la Suède (2,1%). Les dépenses de
défense de la France s'établissaient à 1,71% et se
limitaient à 1,47% du PIB aux Pays-Bas, 1,36% au Danemark, 1,3% en
Espagne, 1,12% en Allemagne et 1,01% en Italie.
Cette insuffisance de l'effort de défense européen est souvent
mis en rapport avec celui des Etats-Unis. Les
ordres de grandeur
, qui
sont suffisamment révélateurs, sont les suivants :
- les
pays de l'Union européenne
consacrent à leur
défense des ressources totales inférieures à la
moitié du budget de défense américain
, et le budget de
défense américain dépasse à lui seul celui des neuf
autres puissances suivantes,
- les
dépenses de défense par habitant
sont
trois fois
plus élevées aux Etats-Unis qu'au sein de l'Union
européenne
,
- les
dépenses de défense rapportées aux effectifs
militaires
sont
2,5 fois plus élevées aux Etats-Unis qu'au
sein de l'Union européenne
, seul le Royaume-Uni s'approchant du
niveau américain,
- si le
rapport entre l'Europe
et les Etats-Unis
est de 1
à 2 pour l'ensemble du budget et pour les dépenses
d'acquisitions, il est plutôt de
1 à 4 en matière de
recherche et développement
.
L'augmentation spectaculaire du budget de défense programmée par
l'administration américaine actuelle (passage de 300 à 450
milliards de dollars entre 2001 et 2007, soit 50% d'augmentation en 6 ans) va
bien entendu accroître cet écart déjà
considérable.
Dans ce contexte, et à la suite de l'état des lieux dressé
lors de la conférence d'engagement des capacités tenue à
Bruxelles en novembre 2000, la mise en oeuvre du processus de comblement des
lacunes prend toute son importance.
En novembre 2001, la conférence d'amélioration des
capacités militaires a défini, dans la perspective de la
réalisation du catalogue des forces d'Helsinki, un
plan d'action
européen sur les capacités
(ECAP
European capability
action plan
) permettant d'identifier et de mobiliser toutes les
initiatives, nationales et multinationales, qualitatives et quantitatives,
susceptibles de combler les 45 lacunes résiduelles demeurant au HPC
(dont 21 sont considérées comme dimensionnantes). Des groupes de
travail ont été chargés de réfléchir aux
problématiques d'acquisition et de financement des capacités
déficitaires.
Parmi les lacunes qualifiées de critiques figurent : le
système de commandement, de contrôle et de communication, le
renseignement stratégique et la surveillance et protection des troupes
engagées, le transport stratégique et la capacité
d'engagement effectif.
La France s'est engagée à couvrir environ 20 % des besoins
identifiés de façon à pouvoir remplir le rôle de
nation-cadre. Le projet de loi de programmation militaire permet de traiter les
lacunes suivantes : drones de surveillance, missiles de croisière
et armements de précisions, ravitaillement en vol, transport
stratégique, aviation embarquée, hélicoptères
d'assaut et de manoeuvre, systèmes d'information et de commandement,
renseignement et transmission satellitaires, drones tactiques, défense
aérienne de théâtre, opérations spéciales et
transport stratégique maritime.
. La reprise d'opérations dans les Balkans : première
manifestation concrète de la PESD
Le blocage persistant sur la mise en oeuvre des arrangements dits
« Berlin plus » permettant l'accès de l'Union
européenne aux moyens de planification opérationnelle de l'OTAN,
lié à un différend gréco-turc, a longtemps
entravé la reprise par l'Union européenne de l'opération
«
Amber fox
» conduite par l'OTAN en
Macédoine.
La levée des réserves de la Turquie a permis de déboucher
sur un accord lors du sommet de Copenhague, le 12 décembre 2002, qui
ouvre la voie à des actions opérationnelles menées par
l'Union européenne.
Les arrangements « Berlin plus » ne seront applicables
qu'avec les membres de l'Union européenne élargie qui sont en
même temps membres de l'OTAN ou parties au « partenariat pour
la paix » et qui ont, à ce dernier titre, conclus des accords
bilatéraux avec l'Alliance. Chypre et Malte ne participeront donc pas
aux opérations militaires de l'Union européenne menées
avec l'assistance des moyens de l'OTAN, ce qui n'exclut pas leur participation
à l'ensemble des autres processus de l'Europe de la défense. La
mise en place effective des arrangements concernant chacun des
éléments de « Berlin plus » devrait
intervenir au 1
er
mars 2003, ce qui aura pour effet de rendre la
force de réaction rapide de l'Union européenne
opérationnelle à la mi-2003.
Le Haut représentant a par ailleurs indiqué que la relève
de l'opération en Macédoine, rebaptisée
« Harmonie alliée » à l'occasion de sa
diminution de format à 450 personnes, pourrait être effective fin
février. L'Union européenne et l'OTAN analysent les
possibilités d'une reprise par l'Union de la mission de la SFOR
menée par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine en sus de la reprise,
prévue en janvier 2003, de l'opération de police.
Les missions définies, les procédures et les institutions en
place, il reste à l'Union européenne à faire la
démonstration de l'effectivité de ses capacités
opérationnelles, ce dont l'opération en Macédoine, de
relativement faible ampleur, offre une première opportunité.
L'occasion est importante et peut permettre de faire avancer le processus de
façon déterminante pour conférer à la politique de
défense européenne ce qui lui fait le plus défaut :
la volonté politique.
d) Les perspectives : la défense européenne dans le débat sur l'avenir de l'Europe
Présentées le 20 décembre 2002 à la
Convention sur l'avenir de l'Europe, les conclusions du groupe de travail sur
la défense ont fait émerger certains points de consensus qui
pourraient déboucher sur des avancées nouvelles lors de la
Conférence intergouvernementale de 2004.
Elles mettent tout d'abord en avant une conception élargie de la
politique européenne de sécurité et de défense,
ensemble des « instruments nécessaires à l'Union
européenne pour défendre ses objectifs et ses valeurs ».
Le groupe de travail recommande la
modernisation des missions
de
Petersberg
, sans aller toutefois jusqu'à permettre une intervention
au sein même de l'Europe qui, avec les élargissements successifs,
va s'ouvrir à des zones plus pauvres et plus instables.
Il préconise une accélération des procédures qui
passerait par la dévolution au Haut représentant d'un
droit
d'initiative en matière de gestion de crise
et de la
responsabilité de la coordination en prévoyant un accès
rapide au financement.
Une approche plus flexible de l'Europe de la défense peut être
envisagée avec une organisation en différents
périmètres, comme c'est le cas pour l'Europe sociale, la monnaie
unique ou l'espace Schengen. Le groupe de travail préconise à cet
égard la création d'une « Euro-zone de la
défense » où la règle de l'unanimité ne
prévaudrait pas systématiquement à toutes les
étapes d'une opération et au sein de laquelle pourraient
s'exercer des coopérations renforcées.
Une clause de sécurité collective, proposée par la
contribution franco-allemande à la Convention ne figure pas en
l'état dans les propositions du groupe de travail mais une
clause de
« solidarité »
est proposée face à
des menaces non-étatiques.
Enfin, le groupe de travail reprend la proposition de création, sur une
base intergouvernementale, d'une
agence européenne d'armement et de
recherche stratégique
par laquelle l'Union européenne
reprendrait les éléments appropriés de la
coopération développée au sein du GAEO (groupe armement de
l'Europe occidentale).
2. La coopération européenne en matière d'armement : des résultats encore décevants
Le
renforcement de la coopération européenne en matière
d'armement constitue un objectif majeur de notre politique de défense et
répond à une
double nécessité
: assurer
le développement puis la fabrication d'équipements dont le
coût ne pourrait être supporté par les seuls budgets
nationaux et offrir des débouchés à nos industries de
défense, confrontées à l'étroitesse des
marchés nationaux. Il est par ailleurs évident qu'une
coopération accrue sur les programmes d'armement constitue un atout pour
le développement de la politique européenne de
sécurité et de défense.
La loi de programmation 1997-2002 réservait une part importante aux
programmes d'équipement conduits en coopération, mais
les
résultats ont été plutôt décevants
,
affectés par des différés de commandes, voire le retrait
de certains partenaires et, en tout état de cause, des surcoûts
tout à fait contraires à l'objectif recherché.
Parmi
les échecs ou les difficultés rencontrées sur les
programmes en coopération
, on peut citer : l'échec de la
coopération franco-allemande sur les programmes satellitaires
d'observation (Horus et Hélios II), l'abandon du projet de satellite de
télécommunications commun à la France, à
l'Allemagne et au Royaume-Uni (projet Trimilsatcom), en dépit de besoins
opérationnels convergents, le retrait britannique du programme de
frégates Horizon à un stade très avancé du
programme ou encore l'absence de coopération sur les futurs
véhicules blindés de combat d'infanterie. Enfin, bien que les
programmes aient été finalement sauvegardés, on ne peut
qu'être inquiets, compte tenu des enjeux en cause, des aléas qui
ont pesé jusqu'à ces dernières semaines sur l'avion de
transport A 400 M et le missile air-air Meteor, en raison du contexte
politique et financier allemand.
Ces exemples démontrent la difficulté des européens
à réduire leurs
divergences
résultant naturellement
des contraintes budgétaires nationales, des considérations
industrielles, des différences dans l'appréciation des besoins
opérationnels ou dans les calendriers de renouvellement des
équipements.
Dans ce contexte, la création en 1996 par l'Allemagne, l'Italie, le
Royaume-Uni et la France de l'
Organisme conjoint de coopération en
matière d'armement (OCCAR)
est apparue comme un progrès
important.
Face à l'absence de résultats concrets du GAEO,
créé dans le cadre de l'UEO, et à la perspective encore
lointaine de la création d'une agence européenne de l'armement
prévue par le traité de Maastricht, l'OCCAR présente un
double intérêt : d'une part elle regroupe les quatre
principaux pays européens en matière de défense et d'autre
part, elle entend innover totalement par rapport aux pratiques traditionnelles
de la coopération en appliquant les règles et les
procédures inspirées des meilleures pratiques en vigueur au sein
de ses membres (mise en concurrence systématique dans tous les pays
européens, abandon du juste retour industriel programme par programme).
L'OCCAR possède depuis 2001 la personnalité juridique lui
permettant de mettre en oeuvre ses principes d'acquisition, mais elle n'a
toujours pas eu l'occasion de les concrétiser, faute de se voir confier
des programmes nouveaux. En effet, l'OCCAR n'est aujourd'hui gestionnaire que
de six programmes
5(
*
)
, principalement
franco-allemands, qui lui ont été confiés alors que leur
développement était déjà très avancé.
Le programme d'avion de transport A 400 M, qui doit désormais
aboutir au printemps 2003, doit être confié à l'OCCAR. Il
s'agira de la première occasion de vérifier si cet organisme
apporte les gains d'efficacité qui en sont attendus et s'il peut en
résulter une dynamique nouvelle pour la coopération
européenne en matière d'armement, alors que les Pays-Bas,
l'Espagne, la Belgique ont sollicité leur adhésion à
l'organisme et que la Suède se montre intéressée.
Seule tentative réelle d'intégration européenne dans le
domaine de l'armement, dotée en théorie d'une large
capacité de contractualisation, l'OCCAR n'a pas encore pu donner la
mesure de sa capacité à atteindre les objectifs ambitieux qui lui
ont été fixés, comme l'établissement de
spécifications conjointes pour le développement et l'acquisition
d'équipements définis en commun et la coordination des
investissements et de l'utilisation des centres d'essais.
Parallèlement, dans le prolongement de la lettre d'intention (LoI,
letter of intent
) sur
l'accompagnement des restructurations
industrielles
dans le domaine de la défense signée en
1998 par six pays européens (Allemagne, Espagne, France, Royaume-Uni,
Italie, Suède), un traité a été signé en
juillet 2000 pour mettre en place un environnement favorable à
l'édification d'une industrie européenne plus compétitive
et d'un marché européen plus intégré. Si certains
domaines retenus portent sur des points techniques (sécurité des
approvisionnements, sécurité de l'information), d'autres
présentent un caractère politique plus fort, notamment la
coordination des procédures d'exportation
, l'
harmonisation des
besoins opérationnels
et la
coopération en matière
de recherche et technologie
. Dans ces trois points clés
réside la réalisation d'un indispensable changement
d'échelle dans la coopération européenne en matière
d'armement, mais pour l'heure, les objectifs définis dans la LoI en la
matière n'ont donné lieu à aucune avancée
concrète.
Ainsi, l'émergence d'une politique européenne d'armement peine
aujourd'hui à s'affirmer.
Le
ralliement de quatre pays européens
, le Royaume-uni, l'Italie,
le Danemark et les Pays-Bas, au
projet d'avion de combat américain F
35
(
JSF - Joint strike fighter
) en a fourni l'illustration la plus
frappante. Ces pays participent de manière très substantielle, et
sans garantie assurée de retour industriel au coût de
développement de cet avion prévu pour un horizon lointain (2015),
venant directement concurrencer les appareils produits par l'industrie
aéronautique européenne et compromettant sa capacité
à mettre au point une future génération d'avions de combat.
C'est aux Etats-Unis qu'il revient d'avoir su fédérer
plusieurs pays européens
et d'être parvenus à leur
faire surmonter toutes les réticences que pouvaient légitimement
susciter le coût du programme, son horizon incertain et son
adéquation hypothétique au besoin opérationnel des
armées concernées.
Il s'agit là d'un signal très inquiétant pour l'avenir de
la politique européenne de l'armement.
D. INDUSTRIE DE DÉFENSE : UNE RESTRUCTURATION INACHEVÉE, DES DÉFIS À RELEVER
La loi
de programmation qui s'achève aura également été,
pour notre industrie de défense, une période de profonde
transformation au cours de laquelle il lui aura fallu s'adapter à la
réduction des budgets militaires et à la concurrence accrue sur
les marchés extérieurs tout en demeurant au meilleur niveau sur
le plan technologique.
Dans ce contexte, d'importantes restructurations ont eu lieu, aboutissant
à consolider une part notable de notre industrie dans des groupes
à caractère européen ou international.
En dépit de ces évolutions positives, des inquiétudes
subsistent. D'une part, deux secteurs importants -l'armement terrestre et la
construction navale- sont restés à l'écart de ces
restructurations. D'autre part, les consolidations européennes ne
garantissent pas, autant qu'on aurait pu le souhaiter, l'avenir de nos
industries, qui ont souffert de l'érosion de l'effort
d'équipement et se trouvent confrontées à une vive
concurrence américaine face à laquelle aucune
préférence européenne ne semble s'imposer.
1. Une consolidation inachevée
Encore
très morcelé lors de l'entrée en vigueur de la loi de
programmation 1997-2002, le paysage industriel de la défense s'est
clarifié au cours des six dernières années, sous le double
effet d'une concentration et d'une internationalisation.
La privatisation de Thomson a permis de regrouper les activités
d'
électronique de défense
d'Alcatel et de Dassault
Electronique pour former le 1
er
groupe européen
d'électronique civile et militaire rebaptisé
Thales
en
novembre 2000. Dans le domaine militaire, Thales a mis en oeuvre avec
succès une stratégie
dite « multidomestique » consistant à nouer des
alliances locales ou à créer des sociétés
conjointes pour accéder aux marchés domestiques
d'électronique de défense
6(
*
)
.
Thales a également créé avec son principal concurrent,
l'américain Raytheon, une joint-venture spécialisée dans
les systèmes antiaériens.
La création, le 10 juillet 2000, d'
EADS
(
European Aeronautic
Defence and Space company
) a également profondément
modifié notre organisation dans le
domaine de l'aéronautique,
de l'espace et des missiles
. Après la fusion, en juillet 1998, des
activités de Matra Hautes Technologies et d'Aérospatiale, puis le
transfert au nouveau groupe Aérospatiale Matra des 46% détenus
par l'Etat dans
Dassault Aviation
, la fusion avec l'allemand DASA
(Daimler Chrisler Aerospace) et l'espagnol Casa a fait d'EADS le
1
er
groupe européen aéronautique et spatial
, et
le 2
ème
mondial, derrière Boeing mais devant Lockheed
Martin.
EADS constitue, avec
Eurocopter
, le 1
er
groupe mondial
d'hélicoptères, avec
Airbus
, le 2
ème
groupe mondial pour les avions commerciaux, avec l'
Eurofighter
et le
Rafale
, le 4
ème
groupe mondial pour les avions de
combat, avec
Astrium
, résultat du regroupement de Matra Marconi
Space et de Dasa, le 3
ème
groupe mondial pour les satellites,
et enfin avec
MBDA
, résultat de la fusion des activités
missiles de Matra Bae Dynamics, d'Aérospatiale Matra Missiles et
d'Alenia Marconi Systems, le 2
ème
groupe mondial pour les
systèmes de missiles.
Une consolidation s'est également opérée chez les
équipementiers, avec le rachat de Labinal et d'Hurel-Dubois par la
SNECMA qui a également créé avec la SNPE une joint-venture
baptisée Herakles.
Ce vaste mouvement de concentration et d'intégration européenne
répondait à une nécessité dans un contexte de
compétition technologique et commerciale exacerbée.
En revanche, nos deux grands industriels de l'armement terrestre et de la
construction navale sont demeurés à l'écart de ces
transformations.
S'agissant de
GIAT-Industries
, la situation de la société
atteint aujourd'hui un stade critique. Alors que le plan stratégique,
économique et social lancé en 1998 est arrivé à son
terme fin décembre 2002, que les effectifs sont passés sur la
période de 10 500 à 6 500 salariés et que près de 3
milliards d'euros ont été versés par l'Etat dans le cadre
des recapitalisations successives de 1996 à 2001(pour un chiffre
d'affaires annuel de l'ordre de 800 millions d'euros ces dernières
années), le retour à l'équilibre n'a pas été
atteint et les pertes du groupe demeurent considérables (280 millions
d'euros en 2000, 204 millions d'euros en 2001 et sans doute plus de 130
millions d'euros en 2002).
A l'échelle internationale, la concentration de l'industrie de
l'armement terrestre s'accélère depuis 1999, avec une vague
d'acquisitions opérées par les principaux groupes
américains, britanniques et allemands. Mais les difficultés
persistantes de GIAT-Industries l'empêchent de prendre part à
cette réorganisation qui préfigure le paysage industriel de
demain. Pas moins de six tentatives d'alliances stratégiques avec
différents partenaires ont échoué depuis 1995, le seul
projet en cours concernant le véhicule blindé de combat
d'infanterie, autour de la société constituée avec Renault
véhicules industriels (RVI Volvo).
Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'origine des difficultés de
GIAT-Industries qui sont bien connues et qui tiennent tout à la fois au
contexte général du marché de l'armement terrestre, aux
mauvaises opérations réalisées sur certains contrats et
parfois aussi aux contradictions de l'Etat dans sa triple fonction
d'actionnaire, d'employeur et de client. Il est désormais indispensable
de
tracer pour le groupe des perspectives réalistes et viables
,
lui permettant de trouver toute sa place dans une industrie européenne
en recomposition.
S'agissant de
DCN
, votre commission a souligné à de
multiples reprises l'enjeu économique et social majeur que
représente sa réforme
7(
*
)
, dont la
mise en oeuvre n'a progressé que lentement au cours des cinq
dernières années.
En raison de la baisse très importante de l'activité de
construction neuve au profit de la Marine nationale et du tassement des
activités d'entretien des bâtiments de la flotte,
l'avenir de
DCN repose sur la conquête de marchés à l'exportation et la
conclusion d'alliances industrielles, objectifs face auxquels son statut
d'administration et sa compétitivité industrielle constituent
deux handicaps très lourds.
Deuxième acteur de la construction navale militaire dans le monde,
reconnue pour sa haute technicité, DCN doit impérativement
opérer une profonde mutation si elle ne veut pas progressivement
s'affaiblir. Il lui faut à la fois
adapter ses effectifs à son
plan de charge
, pour trouver les conditions d'un équilibre
économique, et
opérer sa transformation
d'une
administration qu'elle est toujours en une entreprise compétitive.
En ce qui concerne les effectifs, ils sont passées de 21 000 agents en
1997 à 14 300 fin 2002, mais cette diminution s'est
révélée insuffisante pour atteindre un format
correspondant au plan de charge
, évalué aux alentours de 13
000 agents, sur la base du ratio minimal de 150 000 euros de chiffre d'affaires
par agent.
S'agissant du statut de l'entreprise elle-même, l'étape
intermédiaire consistant à la transformer en service à
compétence nationale n'a emporté aucun avantage particulier,
comme l'a souligné à de multiples reprises votre commission. DCN
est restée un service de l'administration, avec toutes les contraintes
qui en résultent, en particulier pour la passation des marchés et
les recrutements.
La
transformation de DCN en société au cours de l'année
2003
constitue donc une
étape décisive et
indispensable
, même si elle peut paraître tardive et
insuffisante. Votre rapporteur rappelle que le capital de la
société sera détenu à 100% par l'Etat. Lors de
l'examen de la loi de finances rectificative pour 2001, le
Sénat
avait adopté un
amendement visant à permettre l'ouverture du
capital
, en précisant que ce dernier serait détenu en
majorité, et non en totalité par l'Etat. Cet amendement n'a pas
été retenu par l'Assemblée nationale, mais il
apparaît aujourd'hui qu'il faudra bien revenir sur la formulation de la
loi si l'on souhaite permettre à DCN de nouer de véritables
alliances, avec participation au capital, pour consolider sa position à
l'heure où la construction navale militaire européenne se
caractérise par des évolutions rapides.
L'année 2003 marquera donc pour DCN une étape cruciale. Votre
commission souhaite qu'elle s'effectue dans des conditions de nature à
assurer le succès de la réforme, notamment par la garantie de
neutralisation budgétaire de l'
application de la TVA
aux
prestations fournies par DCN, par un niveau de
capitalisation
initiale
suffisant et par la réalisation des
investissements
nécessaires à la modernisation de la société.
Après la consolidation des secteurs de l'aéronautique, de
l'espace et de l'électronique de défense, l'adaptation des
industries nationales de l'armement terrestre et de la construction navale est
urgente. Elle conditionne le maintien, en France, de compétences dans
des domaines de haute technicité, mais elle est également
nécessaire pour permettre à l'armée de terre et à
la Marine de s'équiper en matériels modernes à un
coût comparable à celui des autres pays européens.
2. Quel avenir pour une base industrielle et technologique de défense européenne ?
Selon la
délégation générale pour l'armement, l'industrie de
défense française réalisait, en 2000,
12 milliards
d'euros de chiffre d'affaires
, dont 2,7 milliards d'euros (23%) à
l'exportation. Elle représentait
166 000 emplois directs
.
Votre rapporteur rappelle, bien que cela puisse paraître évident,
la
contribution essentielle de l'industrie de défense
à
l'efficacité des moyens de nos forces armées, à
l'économie, au travers des emplois qu'elle représente et de son
rôle pour le commerce extérieur, et surtout au
développement dans notre pays de technologies de pointe comportant des
retombées considérables dans tous les domaines de l'industrie
civile.
Les principales industries de défense dans le monde en 2000
|
Chiffre d'affaires * |
Part Export |
Emplois directs |
Etats-Unis |
120,0 |
29 % |
1 276 000 |
Royaume-Uni |
20,3 |
35 % |
175 000 |
France |
12,0 |
23 % |
166 000 |
Allemagne |
6,3 |
11 % |
90 000 |
Suède |
4,7 |
6 % |
26 500 |
Italie |
4,4 |
20 à 25 % |
27 000 |
Espagne |
1,1 |
37 % |
11 600 |
* en milliards d'euros courants (source : DGA)
Chiffre d'affaires armement de l'industrie française
(en milliards d'euros courants)
|
France |
Export |
Total |
1997 |
9,4 |
6,6 |
16,0 |
1998 |
9,4 |
6,3 |
15,7 |
1999 |
9,4 |
3,8 |
13,2 |
2000 |
9,3 |
2,7 |
12,0 |
(source : rapport au Parlement sur les exportations
d'armement
de la France en 2000)
La préservation d'un outil industriel performant constitue donc un enjeu
majeur pour notre politique de défense. Sa consolidation, à
travers ce que l'on a appelé la
« base industrielle et
technologique européenne de défense »
, est un
objectif essentiel, car elle doit permettre de faire face au nouveau contexte
financier et commercial.
Si les évolutions intervenues ces dernières années ont
ouvert la voie à cette consolidation de l'industrie de défense
française, cette dernière n'est pas acquise.
D'une part,
notre industrie a souffert du recul de l'investissement de
défense
, et notamment de la mauvaise exécution de la loi de
programmation militaire 1997-2002, ce qui a rendu plus difficile le maintien de
ses positions sur le marché international. S'il a été
sensible au niveau des commandes, ce recul l'a été plus encore en
matière d'études-amont et de
financement de la recherche et
technologie
. La régression, durant plusieurs années, de
l'effort budgétaire en matière de recherche a incontestablement
fragilisé notre industrie, car elle pénalise directement sa
capacité à demeurer, dans les décennies à venir, au
niveau d'excellence qui est aujourd'hui le sien. On rappellera que les
Etats-Unis ont renforcé dans le même temps leur investissement en
recherche et technologie, accentuant l'écart avec l'Europe et mettant
davantage encore leurs entreprises en mesure de détenir une longueur
d'avance pour toutes les capacités technologiques clés de
l'avenir. En Europe même, notre position s'est
détériorée puisque notre effort de recherche-amont est
inférieur de 50% à celui des britanniques.
La
pérennisation de l'industrie de défense
française
sur les créneaux de haute technologie
impose
donc impérativement un redressement du financement de la recherche et
technologie
, faute de quoi l'avance prise aujourd'hui dans bien des
domaines serait très rapidement perdue.
Un deuxième facteur de fragilité, plus global, tient au fait que
les regroupements industriels européens n'ont guère
entraîné, pour l'instant, une dynamique de renforcement des parts
de marché
, non seulement hors d'Europe mais également en
Europe même.
L'industrie européenne de défense, et par conséquent les
entreprises françaises qui en sont parties intégrantes, est loin
d'enregistrer les mêmes succès qu'Airbus dans l'aviation
commerciale civile.
Alors que le marché américain reste pratiquement fermé
à l'industrie de défense européenne, hormis quelques cas
particuliers, le marché européen demeure largement ouvert aux
industriels américains, comme en témoigne le succès du F
35 - JSF, les produits européens ne s'imposant pas plus sur les
marchés tiers.
La constitution de grands groupes européens n'a guère abouti
à édifier une « forteresse Europe », comme
s'en inquiétaient certains commentateurs outre-atlantique, de même
que ne s'est pas imposée une quelconque préférence
européenne.
Seule une impulsion politique est de nature à remettre en cause ce
constat inquiétant.
Il serait à cet égard hautement souhaitable que le travail des
groupes ECAP, chargés de proposer le comblement des lacunes capacitaires
dans le cadre de l'objectif d'Helsinki, débouche sur la
définition de
programmes d'équipement européens
à forte vocation fédératrice
. Dans le même
esprit, un effort beaucoup plus important serait nécessaire en vue
d'harmoniser les besoins opérationnels des armées
européennes, aujourd'hui trop disparates.
De même, c'est par l'
échelon
européen que devrait
passer le renforcement de l'effort de recherche et technologie
, tant pour
produire l'effet de levier que ne permet pas actuellement la dispersion de
politiques nationales aux moyens limités, que pour préparer les
équipements que produira l'industrie européenne de demain.
Malheureusement, la forte implication de pays européens dans le
développement du JSF est en contradiction totale avec cette orientation
nécessaire.
II. LA PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008 : UNE COHÉRENCE RESTAURÉE
Au terme
de la loi de programmation 1997-2002, la situation de notre défense
appelle un double constat :
-
la mise en oeuvre globalement satisfaisante de la professionnalisation
n'exclut pas certaines nuances
sur le niveau réel des
effectifs
ou sur les
conditions de vie et de travail
des
personnels, nuances qui justifient une
action de consolidation
;
- notre niveau d'équipement s'est fragilisé, tant à court
terme, compte tenu de la dégradation de la disponibilité des
matériels, qu'à moyen terme, en raison d'une
divergence
croissante entre les besoins
générés par leur
renouvellement,
et les ressources financières
mises en place
année après année.
C'est donc un véritable
risque de rupture
qui se profilait
à l'heure de la préparation de la loi de programmation suivante
destinée à fixer le cadre de référence de notre
effort de défense sur la période 2003-2008. Ce risque de rupture
imposait des choix lourds de conséquences, l'alternative se situant
entre un relèvement substantiel des crédits ou une
révision à la baisse du modèle d'armée remettant en
cause la cohérence des choix effectués en 1996.
Dans ce contexte, le
premier projet de loi de programmation
déposé le 31 juillet 2001 par le précédent
gouvernement est apparu comme une
voie moyenne.
Il retenait le principe
d'une
stabilisation des effectifs
à leur niveau de 2002 et, pour
les dépenses d'équipement, une enveloppe financière
correspondant, en monnaie 2000, à une
annuité moyenne de
13,3 milliards d'euros
, supérieure aux crédits
effectivement alloués sur la période 1997-2002 mais en retrait
par rapport à la loi de programmation votée en 1996.
Sans formellement remettre en cause le modèle d'armée 2015, ce
premier projet de loi revenait à en
décaler
la
réalisation
dans le temps
, voire à abandonner certaines
capacités et, en définitive, à proroger de
6 années supplémentaires le niveau de ressources
établi lors de la « revue des programmes » de 1998.
En diminuant la cadence de renouvellement des matériels, en laissant en
suspens des questions aussi importantes que la permanence du groupe
aéronaval, ce projet conduisait à se résigner à un
lent mais inexorable affaiblissement capacitaire. S'il maintenait l'affichage
d'une ambition européenne marquée, il ne fournissait pas les
moyens de nature à donner à la France un rôle moteur en la
matière.
Telle était la situation au printemps 2002, lors de l'entrée en
fonction de l'actuel gouvernement. Ce dernier s'est trouvé
confronté à une forte dégradation des finances publiques
dans un climat de ralentissement de l'activité économique, mais
aussi à la nécessité d'arrêter très
rapidement ses choix financiers en matière de défense.
Dans ce contexte difficile, un
changement de cap a été
très clairement opéré.
Il s'est manifesté dès le collectif budgétaire de
l'été, qui a couvert les importants besoins financiers du titre
III sans annulations correspondantes au titre V, ce dernier étant au
contraire lui aussi majoré au bénéfice de l'entretien des
matériels.
Ce changement de cap a été pleinement confirmé par
l'adoption en Conseil des ministres, le 11 septembre dernier, du
présent projet de loi de programmation.
Ce projet a été élaboré sous une contrainte de
temps, à l'approche de l'arrivée à échéance
de l'actuelle loi de programmation, et sous une contrainte plus forte encore
d'ordre financier, liée à l'aggravation des déficits
publics.
Au vu de ces
contraintes fortes
, les choix effectués par le
Président de la République et le Gouvernement apparaissent
à la fois courageux et lucides : courageux parce qu'ils
prévoient un effort financier accru dans un contexte budgétaire
plus difficile, et lucides dans la mesure où ils reconnaissent la
nécessité d'un indispensable redressement
pour adapter
notre outil de défense aux exigences de sécurité du monde
actuel.
Le projet de loi
préserve le modèle d'armée 2015
,
dont la réalisation, toujours nécessaire, était
compromise. Il intègre également, dans la mesure du possible,
les enseignements des crises les plus récentes
, tout
particulièrement ceux liés à la lutte contre le terrorisme
international.
Il programme une
légère augmentation des effectifs
,
cohérente avec les nouveaux besoins, fixe plusieurs indicateurs en
matière de crédits de fonctionnement et de normes
d'entraînement, et dégage une enveloppe financière
destinée à consolider la professionnalisation. Il retient, pour
les crédits d'équipement, une
annuité moyenne de 14,64
milliards d'euros,
supérieure d'environ 2 milliards d'euros
à celle allouée au cours de la période 1997-2002, tout en
allégeant le budget de la défense de diverses charges qui lui
étaient jusqu'alors imputées et qui minoraient son pouvoir
d'achat.
Ce projet de loi de programmation met un terme à une érosion qui
portait en germe l'abandon du modèle d'armée que la France
prétendait construire. Le redressement qu'il engage
restaure la
cohérence
qui avait inspiré les grands choix effectués
en 1996, et les actualise au vu des évolutions des besoins de
sécurité.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées porte donc une
appréciation
extrêmement positive
sur ce projet de loi de programmation, qui
replace notre effort de défense sur la bonne trajectoire
, les
financements convergeant de nouveau avec les objectifs. Elle considère
que dans le contexte budgétaire actuel, il représente sans aucun
doute le
meilleur arbitrage qui pouvait raisonnablement être
escompté en faveur de l'équipement des armées.
Cette
inversion de tendance
, due à l'engagement politique fort
des plus hautes autorités de l'Etat, et les perspectives favorables
qu'elle ouvre, ne doivent pas pour autant masquer certaines
réalités : les retards accumulés ces dernières
années ne seront pas rattrapés, des lacunes capacitaires
persisteront et notre pays ne disposera que dans plusieurs années de
certains systèmes d'armes modernes qui comptent parmi les plus
nécessaires dans les opérations actuelles. L'étalement
excessif, au cours des années passées, des programmes de
modernisation de nos équipements, limite ainsi notre marge de manoeuvre
pour lancer rapidement les développements nouveaux que chacun sait
néanmoins nécessaires.
A. PRÉSERVER ET ADAPTER LE MODÈLE D'ARMÉE
A la
différence des textes précédents, la loi de programmation
militaire 1997-2002 s'est inscrite dans le cadre beaucoup plus large d'une
réforme en profondeur de notre outil de défense, touchant ses
missions, son organisation et son format. Une
planification à moyen
terme des objectifs assignés aux armées
a guidé cette
réforme, en prenant pour référence un
modèle
d'armée à l'horizon 2015.
Avant d'aborder, à partir de 2003, une deuxième étape de
ce parcours, il est légitime de s'interroger sur la pertinence des
objectifs arrêtés en 1996 et sur l'opportunité de continuer
à s'y référer.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées a abordé cette question avec les responsables
de la défense et les experts qu'elle a entendus en préalable
à l'examen du projet de loi. Ces échanges l'ont convaincue que
cette
référence demeurait largement valable
, même
s'il est évidemment indispensable de l'actualiser à la
lumière des éléments les plus récents du contexte
stratégique.
Plus précisément,
notre défense doit aujourd'hui faire
face à un plus large éventail de situations.
Mais les
capacités nouvelles
exigées pour y répondre
ont
vocation à s'ajouter, et non à se substituer, à celles du
modèle d'armée 2015
, ceci bien entendu dans la limite de nos
moyens et de nos ambitions, qui ne sont pas ceux d'une puissance mondiale
cherchant à garantir sa suprématie absolue en tout temps, en tout
lieu et face à tout type d'adversaire.
Aussi votre commission approuve-t-elle pleinement le double choix
opéré par le projet de loi :
-
maintenir la référence au modèle 2015
et se doter
des moyens nécessaires à sa réalisation, qui était
compromise ;
- procéder à son actualisation
pour tenir compte de
l'évolution des besoins de défense.
1. La réalisation du modèle 2015 demeure nécessaire
Le
niveau de ressources prévu par le projet de loi de programmation
déposé en juillet 2001 par le précédent
gouvernement, et a fortiori celui qui aurait résulté d'un simple
maintien des crédits par rapport à la période 1997-2002,
conduisait directement à la remise en cause du modèle 2015, soit
par un décalage de sa réalisation dans le temps, soit par abandon
pur et simple de certaines capacités.
Parmi les déficits qu'aurait engendré le projet
précédent, on peut citer :
- dans le domaine du commandement, des communications et du renseignement,
l'absence de confirmation de lancement du second satellite Syracuse III et un
retard sur les systèmes de commandement ne permettant à la France
d'assurer que la conduite d'opérations de moyenne envergure ;
- une accentuation des lacunes déjà importantes pour le transport
stratégique et l'aéromobilité,
- en matière de frappe dans la profondeur, la prolongation du
« trou » capacitaire lié à la non-permanence
du groupe aéronaval ;
- dans la maîtrise des différents milieux, un ralentissement de la
cadence de renouvellement des matériels, un affaiblissement des moyens
navals de lutte anti-aérienne, du fait de l'absence de commande de la
3
ème
frégate Horizon.
Ces différents éléments auraient sans conteste affaibli la
cohérence de notre outil militaire. Le redressement des ressources
opéré par le présent projet de loi permet d'éviter
cette situation. Il
réaffirme la validité du modèle
d'armée
et la nécessité de l'atteindre
«
pour l'horizon 2015
dans toutes ses
capacités
».
Rappelant que le modèle d'armée 2015 constitue «
un
cadre général de grands objectifs et de moyens réalisables
à cet horizon »
, le rapport annexé au projet de loi
souligne qu'il «
répond à
une analyse
stratégique approfondie
qui constatait dès 1996 des
tendances de fond
, notamment : l'absence de menace militaire directe
à proximité de nos frontières ; l'existence d'une
instabilité dangereuse
capable de dégénérer
rapidement
en de multiples points du globe
et pouvant nous amener
à contribuer à une intervention militaire extérieure au
sein de coalitions ; l'accroissement des risques dus à la
prolifération des armes de destruction massive
, et l'apparition
possible de menaces asymétriques, dont le
terrorisme
. »
Le projet de loi considère que «
cette analyse, dans ses
axes principaux, reste pertinente aujourd'hui
»
. Il
souligne que
« les menaces et risques identifiés, dont
certains se sont renforcés et concrétisés depuis lors,
constituent la base du
dimensionnement
et de la
structure de notre
modèle d'armée ».
Votre commission souscrit pleinement à cette analyse qui intègre
tous les enseignements des crises récentes sans pour autant faire de la
dernière actualité le prisme unique au travers duquel devrait
être défini notre outil de défense.
Chaque crise présente en effet ses particularités. Le conflit
d'Afghanistan se distinguait de celui du Kosovo ou de la guerre du Golfe et le
risque que représentent le terrorisme ou les armes de destruction
massive n'exclut pas la nécessité de faire face à des
situations plus traditionnelles comme en Côte d'Ivoire.
Votre rapporteur demeure convaincu que «
les grandes fonctions
stratégiques dont découle notre modèle d'armée
(dissuasion, prévention, projection-action, protection) conservent toute
leur pertinence »,
selon les termes repris par le rapport
annexé.
De ces quatre fonctions stratégiques, la
dissuasion
est sans
doute celle qui demeure marquée par la plus grande permanence,
puisqu'elle touche à l'essence même de notre politique de
défense, en tant que garantie ultime de nos intérêts
vitaux. Même si elles ne jouent pas le même rôle que lors de
la guerre froide, les armes nucléaires sont désormais
détenues par un nombre plus important de pays -le cas nord-coréen
en apporte une nouvelle illustration- et elles demeurent une pièce
majeure du paysage stratégique international. Notre doctrine a
évolué en conséquence, prenant en compte les menaces
émanant de puissances régionales, la posture définie en
1996, dans une optique de stricte suffisance, constituant la
référence et conditionnant sur le moyen terme l'évolution
de nos forces.
La diversification des menaces et leur caractère diffus, lorsqu'il
s'agit par exemple du terrorisme, n'ont pu que renforcer la
fonction de
prévention
, et notamment l'accent mis dès 1996 sur la
nécessité de
renforcer le renseignement
d'origine humaine
et technique.
De même, les évolutions récentes n'ont pas remis en cause,
bien au contraire, la
fonction de projection et d'action
, dont on sait
désormais qu'elle doit pouvoir être assurée dans de brefs
délais vers des théâtres éloignés. Cet
impératif confirme la nécessité de tous les programmes
liés aux capacités de transport, de soutien et de ravitaillement,
ainsi qu'aux moyens de frappe dans la profondeur.
Enfin, la fonction de
protection
prend une dimension accrue, qu'il
s'agisse de la protection du territoire national et de ses approches
aériennes ou maritimes, ou de celle de nos ressortissants dans le monde
et des troupes déployées sur les théâtres
extérieurs.
Aussi votre rapporteur ne peut-il partager certains jugements sommaires
proclamant le caractère périmé de notre modèle
d'armée. Bien au contraire, au vu d'un contexte international qui s'est
dégradé et d'exigences accrues de sécurité, on ne
voit pas quelle capacité serait désormais devenue inutile ou sans
objet, et dans quel domaine il faudrait renoncer à renouveler nos
équipements, alors que le format des armées a déjà
été fortement réduit et ajusté à des
ambitions qui n'ont rien d'excessives.
La
réalisation du modèle 2015 demeure donc
nécessaire
, ce qui n'exclut pas bien entendu son actualisation, elle
aussi indispensable.
2. L'actualisation du modèle 2015 est engagée
Les
développements stratégiques récents et la volonté
de la France de contribuer au projet de défense européenne ont
été pris en compte par le projet de loi de programmation. Il
procède donc opportunément à une actualisation du
modèle dont les premiers effets se traduiront dès la
période 2003-2008 et devront être prolongés lors des lois
de programmation futures.
Le
domaine du commandement, du renseignement et des communications
fait
ainsi l'objet d'un renforcement significatif par rapport à la loi de
programmation précédente. Il s'inscrit en outre clairement dans
une
perspective européenne
, étroitement liée aux
objectifs de capacité retenus lors du sommet de Nice en décembre
2000.
Les
différents niveaux de commandement seront dotés de moyens
« multinationalisables »
nécessaires à
l'intégration de nos partenaires européens.
Les
systèmes de drones,
pour le renseignement à base
d'imagerie, sont désormais introduits dans le modèle avec les
programmes MCMM et MALE, qui seront développés au cours de la
période 2003-2008 et le projet HALE inscrit au modèle 2015. Pour
palier l'absence de satellite national en la matière, une
capacité de réception d'images satellitaires tout temps devrait
être réalisée en coopération
européenne . Dans le cadre du programme Hélios II est
prévue l'adjonction d'une capacité d'appréciation de
situation avec des images à très haute résolution. Enfin,
de nouveaux capteurs aériens (nacelles aéroportées de
reconnaissance nouvelle génération) sont identifiés.
Le modèle inclut également, sur le fondement des décisions
prises par l'Union européenne, une
contribution à la fonction
de sécurité du système Galiléo
, afin
d'acquérir une capacité de positionnement avec des moyens de
navigation satellitaire.
Le développement de capacités de lutte informatique, sous un
aspect tant défensif qu'offensif, est lui aussi pris en compte.
Dans le domaine de la
projection
et de la
mobilité des
forces
, les lacunes initiales du modèle 2015 ont fait l'objet
d'analyses critiques à l'occasion des opérations de ces
dernières années. Pour améliorer les
capacités
de transport aérien
, le format sera rehaussé avec
l'acquisition supplémentaire de deux CASA 235 et de deux avions
multirôles destinés au transport à long rayon d'action et
au ravitaillement en vol des avions de combat (
MRTT : multi role
transport tanker
). La capacité de projection maritime sera
modernisée grâce à la mise en service de deux
bâtiments de projection et de commandement (BPC) qui remplaceront deux
transports de chalands de débarquement (TCD). Capables de projections
amphibies et héliportées, ils disposeront d'une forte
capacité de commandement et de soutien santé.
En matière d'action et de
frappe dans la profondeur
, les
inflexions du modèle tirent là aussi les enseignements des
engagements militaires les plus récents, en particulier dans les Balkans
et en Afghanistan.
L'objectif de la
permanence du groupe aéronaval
sera atteint,
avec la commande d'un deuxième porte-avions, livré avant
2015 , c'est-à-dire avant la deuxième période
d'indisponibilité programmée du porte-avions Charles de Gaulle.
La capacité de délivrer des
frappes précises à
grande distance à partir de frégates ou de sous-marins,
sera
acquise grâce au développement du
missile de croisière
naval
, essentiel pour nos capacités d'action nationale ou en
coalition.
Des
objectifs nouveaux
sont introduits concernant les
forces
spéciales
. Au-delà de la création d'une nouvelle
unité de niveau brigade, les capacités de projection
(hélicoptères spécialisés) et de transmissions
sécurisées seront rehaussées.
Enfin, le modèle inclut désormais les éléments
nouveaux de
guerre
électronique
offensive
(nacelles
de brouillage offensif) et une capacité tout temps pour les armes
air-sol de précision : ces développements sont
indispensables pour les opérations extérieures de nos forces.
En ce qui concerne la
protection
, et pour répondre à la
montée des menaces liées à la prolifération des
armes de destruction massive, biologiques en particulier, et à leur
utilisation possible dans le cadre d'actions terroristes, un ensemble de
mesures a été décidé après les attentats du
11 septembre pour améliorer la protection et la sauvegarde des forces.
Une première étape est prévue pour la
capacité
de protection des forces déployées contre des missiles
balistiques
de portée courte à moyenne (600 km) ; cette
capacité de système de missiles antibalistiques est fondée
au départ sur la réalisation de moyens spécifiques en
missiles sol-air, radars de détection et moyens de commandement et de
gestion. En outre, des études sont conduites dans les domaines de
l'alerte avancée et des moyens permettant de fusionner les informations,
d'intégrer les différents systèmes et d'assurer leur
interopérabilité.
L'adoption d'un objectif de capacité de
défense biologique
vise à permettre la protection individuelle de 35 000 hommes et
collective de 10 sites projetés. Cette capacité prend en compte
la protection médicale face à un nombre significatif d'agents.
Les besoins de
protection de l'infanterie
conduisent à
réévaluer les objectifs en volume des véhicules
blindés de combat d'infanterie (VBCI) et à programmer
l'acquisition de moyens nouveaux chenillés (véhicules
articulés chenillés). L'introduction du système FELIN
participe de cette orientation.
Enfin, les
moyens
de surveillance et de sauvegarde des approches et
de l'espace aérien et maritime
du territoire seront
renforcés, en particulier par l'acquisition de radars Giraffe et
l'amélioration de la chaîne sémaphorique.
Le projet de loi de programmation comporte en outre les orientations
définies par le projet de loi d'orientation sur la
sécurité intérieure qui se traduiront par un important
renforcement des
moyens de la gendarmerie
, tant en personnels qu'en
moyens de fonctionnement et en matériels.
LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE LA GENDARMERIE
La
gendarmerie verra ses effectifs passer de 98 134 à 106 427 hommes de
2002 à 2008, soit une augmentation de 8 293 postes.
L'enveloppe prévue sur la période par la loi de programmation et
la LOPSI s'élève à 3,3 milliards d'euros 2003
d'autorisations de programme et
3,2 milliards d'euros 2003 de crédits
de paiement
.
Dans le domaine des équipements, ces dotations permettront l'acquisition
de plus de
16 200 véhicules
destinés aux brigades, la
commande de
6 hélicoptères de sauvetage et d'intervention
et de
15 hélicoptères de surveillance
, le remplacement de
122 véhicules blindés à roues
(VBRG),
l'accentuation de l'informatisation des unités et le
renouvellement
de l'habillement
.
En matière d'infrastructures, un important
programme d'investissement
immobilier
sera lancé avec la mise en chantier de 10 000
unités logement, de 24 unités de formation et de 59 unités
spécifiques correspondant à des locaux techniques ou
scientifiques. Plus de 185 millions d'euros sont destinés à
l'entretien du patrimoine immobilier de la gendarmerie.
3. Quelle dimension européenne pour notre loi de programmation ?
Au
delà de la question de la pertinence du modèle d'armée et
de la nécessité de l'actualiser, se pose celle de sa
cohérence avec les développements de la politique
européenne de sécurité et de défense. En d'autres
termes, notre cadre de référence conserve t-il tout son sens et
ne devrait il pas être radicalement revu à la lumière de
l'élément nouveau que constitue cette politique
européenne ?
Face à cette interrogation légitime, votre rapporteur souhaite
tout d'abord rappeler une évidence : la loi de programmation
française engage les autorités françaises et elles seules.
Si elle doit tenir compte des accords intervenus avec nos partenaires, et cela
est par exemple le cas dans le domaine des capacités satellitaires, elle
ne peut suspendre des pans entiers de son exécution à des
coopérations demeurant au stade d'hypothèses et soumises à
des décisions nationales. Il est ainsi
difficile à la loi de
programmation d'anticiper des coopérations futures
, et d'aller au
delà du rythme de progression de la défense européenne.
Il est par ailleurs important de souligner que notre modèle
d'armée doit pouvoir répondre au scénario d'une
opération à caractère purement national
- la
Côte d'Ivoire l'illustre pleinement - et qu'à l'heure actuelle,
l'ambition européenne en matière militaire se limite à
la conduite de missions de type « Petersberg »
.
Enfin, les faits démontrent clairement que
l'édification d'une
dimension européenne de la défense ne peut s'affirmer
indépendamment des efforts nationaux
. Bien au contraire, seul le
renforcement de ces derniers est de nature à concrétiser le
projet européen de défense, et de passer du stade des intentions
à celui des capacités concrètes d'action.
Ce préalable étant posé, votre rapporteur a le sentiment
que
la dimension européenne constitue bien une caractéristique
importante du projet de loi de programmation
, même s'il est toujours
possible d'estimer qu'elle aurait pu être plus forte encore si des
progrès plus rapide étaient intervenus en matière de
politique européenne de sécurité et de défense.
D'une part, de multiples volets du projet de loi traduisent la
volonté de la France de respecter son engagement capacitaire pris
à Helsinki
et réaffirmé dans le cadre du plan d'action
européen sur les capacités lancé au début de
l'année 2002. L'acquisition de drones de surveillance, de missiles de
croisière et d'armements de précision, de capacités de
ravitaillement en vol, de systèmes d'information et de commandement
déployables, de moyens satellitaires plus performants ou encore d'un
second porte-avions dont la commande est programmée en 2005, sont autant
de contributions essentielles pour
combler les lacunes identifiées
par l'Union européenne
.
D'autre part, le poids des
programmes conduits en coopération
continuera à s'accroître au cours de la prochaine loi de
programmation. Il ne représentait que 7% du titre V en 1997, est
passé à 10% en 2000 et se situera en moyenne à
12% tout
au long des six prochaines années
.
Plus globalement, il est clair que le redressement du budget
d'équipement français est désormais de nature à
créer une dynamique plus favorable et à entraîner de
nouvelles coopérations.
B. CONSOLIDER L'ARMÉE PROFESSIONNELLE
La consolidation de l'armée professionnelle est un des objectifs majeurs de la loi de programmation pour les années 2003-2008. Il s'agit à la fois de conforter le caractère entièrement professionnel des effectifs en garantissant un recrutement satisfaisant en qualité et en quantité, mais également de faire en sorte que ces personnels soient mieux entraînés et plus actifs grâce à des crédits de fonctionnement réévalués et qu'ils disposent de matériels mieux entretenus et donc plus disponibles.
1. Des effectifs ajustés et fidélisés
A la différence de la précédente loi de programmation militaire qui avait pour objectif la professionnalisation des forces armées, le présent projet de loi vise à ajuster les effectifs de l'armée professionnelle aux besoins et à favoriser le recrutement et la fidélisation grâce à la mise en place d'un « Fonds de consolidation de la professionnalisation ». Il permettra également de relancer la constitution d'une véritable réserve opérationnelle.
a) La confirmation et l'ajustement des effectifs
L'article 3 du projet de loi de programmation militaire fixe l'évolution générale des effectifs civils et militaires du ministère de la défense pour les années 2003-2008, hors comptes de commerce. Ils comprennent en revanche les effectifs « prévus » et non « créés », selon la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, au titre de la loi n°2002-1094 du 29 août 2002 de programmation et d'orientation pour la sécurité intérieure.
Evolution prévisionnelle des effectifs 2003-2008
Année |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Effectifs |
437 069 |
437 896 |
440 719 |
443 242 |
445 748 |
446 653 |
Au
regard de la loi de programmation précédente, il s'agit plus d'un
ajustement que d'un bouleversement. En effet, par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002,
les effectifs augmenteront de 10 432
postes
, soit un accroissement de 2,2 %. L'essentiel des créations
s'effectuera au profit de la gendarmerie nationale (7 000 créations de
postes militaires prévues d'ici 2007) pour les missions de
sécurité intérieure.
Hors gendarmerie, les effectifs du ministère de la défense ne
progresseront que de 0,6 %. Cet ajustement permettra principalement de
répondre aux besoins de l'armée de terre, du service de
santé des armées et des services de renseignement.
Le projet de loi de programmation prévoit par ailleurs la stabilisation
des effectifs civils à un niveau comparable à celui atteint en
2002, la création d'environ 750 postes étant envisagée
à partir de 2005 au profit de l'armée de terre, 175 postes
étant parallèlement supprimés dans les services communs.
Evolution prévisionnelle des effectifs des forces armées entre 2003 et 2008
|
2003 |
2008 |
Armée de terre |
167 554 |
168 569 |
Marine |
54 433 |
54 683 |
Armée de l'air |
69 667 |
70 067 |
Gendarmerie |
99 334 |
106 427 |
Autres |
46 081 |
46 773 |
TOTAL |
437 069 |
446 653 |
- Le
renforcement des effectifs dédiés à la
sécurité intérieure : 8 300 postes prévus
pour la gendarmerie nationale
.
De 2002 à 2008 , les effectifs de la gendarmerie progresseront de
près de
8 300 postes
(+ 8,4%).
Outre 1293 postes (dont 1 189 de volontaires) créés en
« rattrapage » de la programmation
précédente, 7 000 emplois militaires devraient être
créés dans la gendarmerie d'ici 2007 dans le cadre de la loi de
programmation et d'orientation pour la sécurité intérieure
(LOPSI), selon le calendrier suivant :
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
Effectifs créés / an |
1 200 |
1 200 |
1 400 |
1600 |
1 600 |
Ces 7
000 emplois nouveaux conduiront à la création de 214 postes
d'officiers, 1 913 postes de gradés et 4 873 postes de gendarmes.
Fonctionnellement, ces postes devraient se décomposer sur cinq ans de la
manière suivante :
•
Sécurité de proximité : 4 800
emplois (mise à niveau des effectifs en fonction de l'augmentation de la
population et de la délinquance : 1 300 ; zones
sensibles : 1 000 ; aéroports, tunnels : 170 ;
formations aériennes, nautiques et fluviales : 230 ; formation
continue : 230 ; effectifs budgétaires en formation
initiale : 900) ;
•
Lutte contre la délinquance : 400
(création de 18 brigades de recherche dans les départements
prioritaires ou sensibles et les DOM : 72 ; création de 32 autres
brigades de recherche : 128 ; renforcement des unités de recherche
et d'investigation : 200) ;
•
Lutte contre l'insécurité routière :
700
(création de pelotons autoroutiers en raison de nouvelles
concessions : 211 ; création de brigades motorisées
autoroutières en raison d'extensions de voies expresses :
281 ; création de 9 brigades routières d'intervention :
27 ; renforcement des unités motorisées : 181) ;
•
Lutte contre le terrorisme
: 300
(réorganisation et renforcement de la gendarmerie des transports
aériens : 150 ; renforcement des unités anti-terroristes :
150) ;
•
Rétablissement des soutiens : 800
(renforcement
des écoles : 300 ; mise à niveau des structures de soutien :
420 ; participation à des organismes militaires et civils : 80).
Les effectifs budgétaires de gendarmes-adjoints, recrutés sur la
base du volontariat, seront maintenus à leur niveau actuel (16 000).
- Mieux répondre aux besoins opérationnels de l'armée
de terre.
L'armée de terre est l'armée la plus concernée par les
déploiements de longue durée en dehors de nos frontières.
De ce fait, ses personnels, et plus particulièrement les militaires du
rang, sont appelés à partir fréquemment en
opérations extérieures dans le cadre des relèves
tournantes, parfois jusqu'à quatre mois par an. Cette situation a mis en
lumière un besoin d'ajustement des effectifs, le volume de militaires
disponible étant obéré par le déficit des effectifs
de volontaires (VDAT) et la nécessité de suppléer les
vacances de postes de personnels civils.
Ce besoin a été pris en compte par le projet de loi. Au cours de
la période 2003-2008, l'armée de terre devrait
bénéficier de la création de 2 500 postes
d'engagés volontaires (EVAT), dont 2 000 seront gagés par la
suppression de quelques 3 000 postes de VDAT non pourvus.
Votre rapporteur a souligné depuis deux ans, à l'occasion de
l'examen des crédits des forces terrestres, le caractère trop
ambitieux de la cible initialement définie pour les volontaires, qui
entraîne un fort déficit préjudiciable au fonctionnement
des unités. Il se réjouit donc que conformément aux
souhaits formulés par notre commission, un nombre significatif de postes
volontaires soient transformés en postes d'engagés, même si
un ratio de 1,5 suppression pour une création a été
appliqué, afin d'assurer la neutralité budgétaire de la
mesure. Cette décision permettra un
renforcement concret des
effectifs de militaires du rang
, notamment dans les
spécialités les plus sollicitées.
Les créations de postes porteront en premier lieu sur l'
infanterie
débarquée
, qui prend une part croissante et
prépondérante dans les engagements opérationnels et se
trouve de ce fait fortement sollicitée, avec un très fort rythme
d'activité et un taux de rotation élevé de ses
personnels. L'objectif est de réaliser la création d'une
quatrième section par unité élémentaire de combat
(quaternarisation) pour la totalité des régiments d'infanterie.
Le deuxième axe prioritaire est le
renforcement de la contribution de
l'armée de terre aux forces spéciales
. La création
d'une
brigade de forces spéciales
traduira cette orientation qui
concerne aussi bien les effectifs que les capacités de projection,
notamment aéromobiles, et le renforcement de certains moyens de
renseignement spécialisés de guerre électronique, de
recherche humaine et d'interception satellitaire.
Un troisième axe concerne les
moyens de défense
nucléaire, radiologique, biologique et chimique
, en vue de faire
face à ces menaces particulières, notamment terroristes, sur le
territoire national et en opération extérieure. Il s'agira de
mettre sur pied une structure de commandement du niveau bataillon et une
compagnie de décontamination que les structures actuelles ne permettent
pas d'armer.
En outre, certains ajustements seront nécessaires au profit des
états-majors opérationnels, des organismes interarmées et
des états-majors internationaux.
- Le renforcement des effectifs du service de santé des
armées
Le service de santé des armées est l'un des chaînons
essentiels de la projection de forces. Il est systématiquement
présent durant toute la durée de l'opération. C'est
pourquoi, il est, à l'instar de l'armée de terre,
particulièrement affecté dans son fonctionnement quotidien par la
multiplication et l'allongement des opérations extérieures, alors
même qu'il souffre de déficits de personnels.
Le projet de loi de programmation prévoit donc d'importantes
créations de postes :
220 postes d'officiers-médecins
entre 2003 et 2008 et
350 postes de militaires infirmiers et techniciens des
hôpitaux des armées (MITHA)
en 2003 et 2004. Ces recrutements
viendront s'ajouter à la réalisation des postes vacants en
2002 : 359 médecins et 253 MITHA. La concrétisation de ces
effectifs devrait permettre de faire face aux besoins de projection, à
la tendance des médecins à quitter plus tôt le service de
santé des armées et enfin à accroître le taux
d'encadrement des lits afin de se conformer aux normes civiles
d'accréditation du service public hospitalier.
Ici encore, cette orientation répond à une attente
régulièrement exprimée par votre commission, qui s'est
inquiétée de la dégradation rapide de le situation du
service de santé au cours de la professionnalisation.
- Le renforcement des capacités de renseignement
Enfin, une centaine de postes devrait être consacrée au
renforcement des capacités de renseignement afin d'assurer une meilleure
capacité d'anticipation et d'interprétation dans le domaine du
recueil et de l'exploitation de renseignements, tant humains que techniques. La
répartition de ces créations de postes entre services n'est pas
pour l'instant précisée.
Votre rapporteur se félicite de la poursuite de l'accroissement des
effectifs des services de renseignement tout en observant qu'elle
s'
effectuera à un rythme moins soutenu que lors de la
précédente loi de programmation, alors que les besoins demeurent
importants
, en particulier pour l'exploitation des nouvelles
capacités de recueil du renseignement. Au delà des effectifs
budgétaires se pose en outre la question de leur réalisation, qui
impliquerait, aux yeux de votre rapporteur, un effort accru en terme
d'attractivité et de gestion des carrières des personnels, tant
civils que militaires.
b) Les mesures de fidélisation
Afin de
conforter le format de l'armée professionnelle le projet de loi de
programmation prévoit la création d'un « Fonds de
consolidation de la professionnalisation » doté de 572,58
millions d'euros (valeur 2003) sur la durée de la loi de programmation.
Il s'agit d'un concept novateur, car il regroupe des mesures ciblées ou
provisoires devant assurer la réactivité de la politique de
ressources humaines du ministère de la défense. Il est
destiné à financer les mesures favorisant le recrutement, la
fidélisation et la reconversion des personnels militaires.
L'échéancier des crédits attribués à ce
Fonds est le suivant :
(en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
Total des mesures* |
18,93 |
45,93 |
71,93 |
115,93 |
146,93 |
172,93 |
572,58 |
* dont
7,93 millions d'euros imputés chaque année au titre V.
- Le soutien à l'effort de recrutement : les mesures
d'attractivité
Du fait de la professionnalisation des armées et de la
nécessité d'avoir sous les drapeaux des personnels suffisamment
jeunes et donc recrutés sur la base de contrats courts, le
ministère de la défense est devenu le premier recruteur national,
avec près de 30 000 postes proposés chaque année, dont
27 500 postes militaires. Cet objectif sera d'autant plus facilement
atteint que les militaires recrutés seront fidélisés et ne
seront pas tentés d'interrompre avant terme leur contrat ou de ne pas le
renouveler en raison de la concurrence du secteur privé.
Besoins annuels moyens de recrutement du ministère de la défense (2003-2008)
Officiers |
1 000 |
Sous-officiers |
4 500 |
Engagés |
13 000 |
Volontaires |
9 000 |
Total par an |
27 500 |
166
millions d'euros seront consacrés aux aides au recrutement. Le Fonds
contribuera au financement des actions de communication et permettra la mise en
place de primes d'engagements modulables en fonction du type d'engagement, des
qualifications et de l'emploi à pourvoir. En effet, confrontée
à la concurrence sur le marché du travail, les armées
doivent pouvoir attirer les spécialistes recherchés dont elles
ont besoin et réaliser les effectifs prévus sur les postes peu
qualifiés qui peuvent subir des désaffections passagères
ou durables. Une liste des spécialités ouvrant droit à
cette prime spécifique sera ainsi établie et actualisée
régulièrement.
- Les mesures de fidélisation
Les mesures de fidélisation du personnel représenteront plus de
la moitié des crédits dévolus au Fonds, soit 382,6
millions d'euros environ sur la durée de la loi.
Elles auront pour objectif, d'une part, de valoriser les potentiels et les
responsabilités exercées, et, d'autre part, d'accompagner la
mobilité.
La valorisation des potentiels et des responsabilités conduira à
l'adoption de dispositifs financiers permanents et temporaires. Il s'agit de
reconnaître les responsabilités exercées aussi bien en
terme technique que d'encadrement. Il s'agit également de faire face
à la concurrence sur le marché du travail en attribuant des
indemnités modulables et réversibles pour conserver les
personnels détenteurs de «
spécialités
critiques
».
En outre, la mobilité professionnelle et géographique constituant
une des caractéristiques fortes des métiers militaires, il est
apparu nécessaire de revoir les dispositifs d'accompagnement qui sont
aujourd'hui inadaptés, notamment les modalités de prise en charge
des déménagements occasionnés par les mutations ou les
déplacements induits par les actions de formation. Par ailleurs, 7,93
millions d'euros inscrits au titre V seront chaque année
spécifiquement attribués à des programmes de construction
de logements à loyer modéré en région parisienne,
afin de faciliter le logement de militaires du rang dont les revenus sont
parfois incompatibles avec les exigences des bailleurs.
- Les mesures d'accompagnement de la reconversion
Au titre de l'accompagnement de la reconversion, le Fonds assurera le
financement de congés complémentaires de reconversion, la
délivrance de formation et surtout un effort particulier à
destination des militaires en fin de contrat, titulaires de
spécialités purement militaires sans équivalents dans le
secteur civil. Cette politique active de reconversion apparaît comme la
condition de la réussite du recrutement et de la fidélisation. 24
millions d'euros en moyenne devraient être consacrés sur la
durée de la loi à la politique de reconversion, en plus du
dispositif existant.
Enfin, le projet de loi prévoit la prolongation de trois dispositifs
d'aide à la reconversion :
- la possibilité pour les sous-officiers des grades de major et
adjudant-chef, ou d'un grade équivalent, et des officiers ayant accompli
au moins dix ans de service d'être intégrés dans les cadres
A ou B de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale
(article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970) ;
- la possibilité pour les officiers de quitter le service avec la
jouissance d'une pension de retraite calculée sur la base du grade
immédiatement supérieur (article 5 et 6 de la loi n° 75-1000
du 30 octobre 1975) ;
- la possibilité pour les officiers des grades de colonel ou de
général, ou d'un grade équivalent, s'ils se trouvent
à plus de deux ans de la limite d'âge de leur grade, de
bénéficier d'un congé spécial de cinq ans (article
7 de la loi n°75-1000).
Bilan
des mesures d'aide au départ
(loi 70-2 et articles 5,6 et 7 de la loi 75-1000) entre 1997 et 2002
Type de départ |
1997-2002 |
Loi 70-2 |
2 037 |
Article 5 |
3 638 |
Article 6 |
375 |
Article 7 |
215 |
Total |
6 265 |
c) Mettre en place une réserve opérationnelle à la hauteur des besoins des armées
A la
suite de la professionnalisation des armées et de la suspension de la
conscription, les effectifs de la réserve ont été
réduits et ses principes d'emploi modifiés. L'objectif n'est plus
de disposer d'une réserve de masse dans le cadre d'une mobilisation
générale visant à résister à une attaque
massive contre notre territoire, mais d'une réserve peu nombreuse, bien
entraînée, qualifiée et disponible pour renforcer
continûment et ponctuellement les forces soit en opérations
extérieures soit sur le territoire national.
Les effectifs de la réserve opérationnelle sont définies
dans le cadre du modèle d'armée 2015 à hauteur de 100 000
hommes dont : 50 000 pour la gendarmerie, 28 000 pour l'armée de
terre, 6 500 pour la marine, 8 000 pour l'armée de l'air, 7 000 pour le
service de santé et 500 pour le service des essences.
Cependant, face aux difficultés de recrutement et à la
priorité accordée par les armées, dans la période
récente, à la réalisation de la professionnalisation et
à la réussite des opérations de projection,
un objectif
intérimaire a été défini pour 2008
. Cet
objectif maintient les objectifs des armées mais décale la
réalisation de celui de la gendarmerie, en retenant 32 000 hommes
pour 2008 et 50 000 pour 2015. Les effectifs totaux de la réserve en
2008 devraient être de
82 000 hommes
.
Afin de permettre aux armées de réaliser les effectifs de
réservistes, la loi de programmation met en place des
mesures
d'attractivité spécifiques
à la réserve
à hauteur de 85,83 millions d'euros sur six ans.
L'échelonnement est le suivant :
(en M€ 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
Attractivité de la réserve |
10,27 |
11,91 |
14,76 |
15,38 |
16,35 |
17,16 |
85,83 |
Les deux
mesures principales envisagées sont la création d'une prime
d'incitation à l'engagement pour les militaires du rang d'un montant de
1 500 euros, soit un montant significatif pour un public jeune, et le
financement d'un dispositif de formation militaire initiale
rémunérée de 5 à 20 jours pour les
réservistes directement issus du secteur civil. Cette formation
facilitera leur intégration dans les forces.
Il faut signaler qu'aucun crédit supplémentaire n'a
été inscrit au titre des réserves dans la loi de finances
pour 2003, le ministre de la défense ayant indiqué qu'il lui
paraissait préférable d'évaluer préalablement le
type de mesures susceptibles de contribuer le mieux à l'objectif
recherché, avant de mettre en place les financements.
2. Des personnels mieux entraînés
Consolider l'armée professionnelle, c'est également disposer de forces bien entraînées et disposant des moyens financiers à cet effet. L'objectif est donc au cours de la prochaine loi de programmation de stabiliser le niveau des crédits de fonctionnement et d'améliorer quantitativement et qualitativement le niveau d'entraînement des forces.
a) Des crédits de fonctionnement préservés
Durant
la précédente loi de programmation pour les années
1997-2002, l'objectif fixé était la réduction de 20 % des
crédits de fonctionnement sur la durée de loi pour financer le
coût prévisible de la professionnalisation et tenir compte de la
réduction des effectifs. Cependant, les éléments nouveaux
(application des 35 h, mesures de revalorisation pour l'ensemble de la fonction
publique et créations de postes) se sont cumulés et ont conduit
à un accroissement plus rapide que prévu des
rémunérations au sein du titre III au détriment du
fonctionnement courant et de l'activité des forces. Pour en tenir
compte, des mesures de rebasage du titre III et d'accroissement des
crédits d'entraînement ont été
décidées en 2000 puis 2001 et reconduites en 2002.
Tenant compte de ces enseignements, le projet de loi de programmation pour
2003-2008 donne pour objectif aux armées de disposer d'un
budget de
fonctionnement
, hors entretien programmé des matériels (EPM),
correspondant à
20 % du titre III
en 2008. Rappelons que la part
des crédits de fonctionnement dans le titre III s'élevait en 2002
à 19,2 %. Pour 2003, elle est en légère augmentation
à 19,5 %.
b) Des objectifs relevés d'entraînement des forces
Au cours
de la précédente loi de programmation, l'entraînement des
forces a pu apparaître comme l'une des variables d'ajustement, le nombre
de jours sur le terrain ou d'heures des pilotes étant très en
dessous des objectifs affichés. Ainsi en 1999 et 2000, l'armée de
terre n'a pu s'entraîner que 68 jours au lieu de 100 et la marine a
effectué 10 % de jours de mer de moins que souhaité. Plus encore
que ces objectifs quantitatifs, le contenu qualitatif de ces
entraînements a diminué (participation à des
entraînements multinationaux, tir de munitions...).
Améliorer l'entraînement des forces est l'un des objectifs majeurs
du présent projet de loi de programmation. Il fixe donc dans le rapport
annexé des objectifs précis quantitatifs et qualitatifs
d'activité, alors qu'ils n'étaient pas mentionnés dans la
loi de programmation précédente. Ces indicateurs doivent
permettre de vérifier l'état de préparation des forces.
Les indicateurs retenus sont les plus signifiants tant en terme financiers,
qu'en terme d'emploi en comparaison avec les autres armées occidentales
professionnelles. Ainsi, la norme d'entraînement des pilotes
d'hélicoptères est fixée à 180 heures dans
l'armée de terre, 200 heures dans l'armée de l'air et 220 heures
dans la marine en raison des missions spécifiques de sauvetage dans
l'armée de l'air et des contraintes d'appontage dans la marine.
Normes annuelles d'entraînement retenues par la loi de programmation comparées à celles de nos principaux partenaires
|
France |
Etats-Unis |
Royaume-Uni |
Allemagne |
Italie |
Terre
|
|
|
|
|
|
Air
(par équipage)
|
|
|
|
|
|
Mer
|
|
|
|
|
|
En
outre, le contenu qualitatif à atteindre en 2008 a été
renforcé dans trois domaines :
- le développement des savoir-faire spécifiques (exercices en
coopération à l'étranger),
- l'entraînement systématique au tir pour se rapprocher des
conditions réelles de combat,
- et le développement de l'entraînement interarmées ou
interallié, notamment au niveau des états-majors de niveaux
stratégique ou opératif.
Quantitativement, les objectifs fixés reprennent les objectifs
déjà retenus, mais non réalisés, depuis plusieurs
années :
|
Principaux indicateurs retenus pour caractériser l'activité |
Niveau annuel sur la période 2003-2008 |
Terre |
Nombre annuel de jours d'activité pour les 100 000 hommes projetables du modèle (dont jours avec matériels organiques) |
100 jours (50) |
Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère |
180 heures |
|
Marine |
Nombre annuel de jours à la mer pour l'ensemble des bâtiments (dont ceux de haute mer) |
100 jours (110) |
Nombre annuel d'heures de vol par pilote de chasse (appontage de nuit) |
180 heures (220) |
|
Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère |
220 heures |
|
Nombre annuel d'heures de vol par équipage de patrouille maritime |
350 heures |
|
Air |
Nombre annuel d'heures de vol par pilote de chasse |
180 heures |
Nombre annuel d'heures de vol par pilote de transport |
400 heures |
|
Nombre annuel d'heures de vol par pilote d'hélicoptère |
200 heures |
|
Gendarmerie |
Entraînement et formation collective |
15 jours
pour la gendarmerie départementale
|
SEA |
Entraînement |
30 jours |
Les
objectifs qualitatifs
sont les suivants :
- En matière de
savoir-faire spécifiques
:
|
Principaux indicateurs |
Normes annuelles à atteindre d'ici 2008 |
Terre |
Evaluation opérationnelle des postes de commandement (PC) corps d'armée (1), division (4) et brigade (11) |
Un par poste de commandement de chaque niveau |
Exercice d'évaluation tactique des unités élémentaires |
Un par unité élémentaire |
|
Marine |
Fréquence des stages de remise en condition opérationnelle (RECO) |
Un par bâtiment (tous les deux ans) |
Maintien de la capacité opérationnelle dans des domaines spécifiques |
13
exercices dont 4 « amphibie »,
|
|
Air |
Entraînement aérien des pilotes de combat. 2 campagnes d'un mois par escadron |
2 campagnes d'un mois par escadron |
Entraînement à la projection des structures de commandement et des forces |
1 exercice majeur |
- Entraînement au tir :
|
Principaux indicateurs |
Normes
annuelles à atteindre
|
Terre |
Exercice d'évaluation des unités élémentaires d'infanterie et de chars au tir réel |
Un pour chacune des unités élémentaires |
Marine |
Campagne de tir (missile et/ou torpille) |
1 par unité de combat et par flottille |
Air/Marine |
Entraînement des pilotes de combat au tir de missiles réels et de munitions guidées laser |
2
munitions guidées laser et 3 missiles réels par pilote
|
- Exercices interarmées et interalliés :
|
Principaux indicateurs |
Normes annuelles à atteindre d'ici 2008 |
Terre |
Nombre d'exercices interarmées et interalliés |
16 exercices répartis entre les niveaux corps d'armée, division et brigade |
Marine |
Nombre d'exercices interarmées et interalliés |
1 exercice OTAN majeur 1 exercice européen majeur (tous les 2 ans) - 5 exercices interarmées |
Air |
Nombre d'exercices interarmées et interalliés |
1 exercice international majeur par pilote (tous les deux ans, pour l'aviation de combat et l'aviation de transport) |
3. Des équipements plus disponibles
a) La disponibilité des matériels érigée au rang de priorité
Consolider l'armée professionnelle, c'est enfin faire en
sorte que les militaires disposent des matériels les plus modernes et
que ces matériels soient réellement disponibles. En effet, les
volontaires à l'engagement seront d'autant plus nombreux que
l'activité des unités sera attrayante et qu'ils pourront servir
des matériels en état de marche. Les récents rapports du
Sénat
9(
*
)
et de l'Assemblée
nationale
10(
*
)
sur la disponibilité des
matériels ont montré combien l'indisponibilité des
hélicoptères ou des chars influait sur le moral des unités
et sur la disponibilité des personnels à renouveler leur
engagement.
Par ailleurs, la dégradation des matériels a atteint
véritablement la «
cote d'alerte
» et la
restauration des capacités constituera la priorité des six
prochaines années. Le Président de la République a
souligné l'importance de cet objectif lors de sa visite sur la base
aérienne de Creil le 30 septembre 2002, relevant «
la
frustration profonde des militaires de tous rangs devant la dégradation
de leurs capacités opérationnelles
» et le
caractère «
insupportable
» de
l'indisponibilité des matériels.
b) Le relèvement des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM)
Le
projet de loi de programmation militaire prévoit donc une hausse
très sensible des moyens financiers consacrés à
l'entretien programmé des matériels (EPM). Au cours de la
période,
l'annuité moyenne d'EPM sera de 2 379 millions
d'euros 2003
, hors maintien en condition opérationnelle inclus dans
les programmes (+ 8 % par rapport à 2001).
Cette enveloppe devra permettre de rétablir le stock de pièces de
rechanges au niveau nécessaire, de faire face au vieillissement des
parcs avant modernisation et de tenir compte de l'usure
prématurée liée aux opérations extérieures.
Il s'agira également de
mieux utiliser les financements
alloués à l'entretien programmé
des matériels
en poursuivant la réforme des structures d'entretien des
matériels afin de les rendre plus réactives et de renforcer
l'approche interarmées. Outre la structure intégrée de
maintien en condition opérationnelle des matériels
aéronautiques de la défense (SIMMAD) et le service de soutien de
la flotte (SSF), le projet de loi mentionne la structure intégrée
de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres
(SIMMT) dont la mise en place ne semble pas aujourd'hui totalement acquise, une
évaluation de l'intérêt de cette formule étant en
cours.
C. REDRESSER L'EFFORT D'ÉQUIPEMENT
Le
projet de loi de programmation stipule que «
les crédits de
paiement du ministère de la défense afférents aux
dépenses en capital, inscrits en loi de finances initiale aux titres V
et VI, s'élèveront
, en moyenne annuelle
,
sur la
durée de la loi de programmation, à 14,64 milliards d'euros
2003
».
L'annuité 2003
est fixée à
13,65 milliards
d'euros 2003
. Un effort financier supplémentaire sera
réalisé
en 2004
avec une
annuité portée
à 14,60 milliards d'euros 2003
. Au-delà, le taux de
croissance des annuités sera de 0,8 % par an.
EVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE 2003 À 2008
(en milliards d'euros 2003)
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
13,65 |
14,60 |
14,72 |
14,84 |
14,96 |
15,08 |
A ces
crédits s'ajoutent ceux que prévoit, pour la gendarmerie, la loi
d'orientation et de programmation sur la sécurité
intérieure.
En outre, «
ces crédits seront actualisés à
compter de 2004 par application de l'indice des prix à la consommation
hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des années
considérées
».
Contrairement à la précédente loi de programmation, qui
définissait une annuité constante et équivalente
d'autorisations de programme et de crédits de paiement, le
présent projet de loi
se réfère uniquement au montant
des crédits de paiement
. Cette modification est logique dans la
mesure où le recours à la procédure des commandes
globales, qui implique un volume d'engagements beaucoup plus important, rend
moins pertinente la définition d'annuités d'autorisations de
programme.
L'enveloppe de crédits d'équipement retenue pour la
période 2003-2008 représente un
redressement très
significatif
par rapport au budget d'équipement atteint en 2002
(+ 18 %) et au niveau des dépenses en capital de ces
dernières années.
LES
CRÉDITS D'ÉQUIPEMENTS PROGRAMMÉS DE 2003 À
2008
Quelques éléments de comparaison
L'annuité moyenne programmée (14,64 milliards
d'euros
2003) représente
:
- une
augmentation de 17 %
par rapport à l'annuité
moyenne réalisée de 1997 à 2002 (12,5 milliards d'euros
2003),
- une
augmentation de 10 %
par rapport à l'annuité
moyenne des lois de finances de 1997 à 2002 (13,3 milliards d'euros
2003),
- une
augmentation de 7 %
par rapport au niveau arrêté
lors de la revue de programmes (13,7 milliards d'euros 2003),
- une
augmentation de 5,3 %
par rapport au projet de loi de
programmation déposé en 2001 par le précédent
gouvernement (13,9 milliards d'euros 2003),
- une
augmentation de 2 %
par rapport au niveau initialement retenu
par la précédente loi de programmation (14,35 milliards
d'euros 2003).
Les éléments ci-dessus soulignent
l'ampleur de l'effort
financier
décidé par le Président de la
République et le gouvernement, au regard des six années
passées, tout en le relativisant. En effet, il apparaît clairement
que le projet de loi permet avant tout de
renouer avec les objectifs
définis en 1996
qui avaient progressivement
« écornés », au fil des lois de finances
successives.
Aussi doit on parler de rattrapage, plus que d'accentuation de l'effort de
défense
, étant entendu que
ce
rattrapage est
d'ordre financier et non d'ordre capacitaire
,
les retards pris dans
l'équipement des forces ne pouvant être effacés
.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées considère que
ce redressement était
doublement indispensable
:
pour
faire face aux besoins
financiers
générés par les programmes
d'équipement déjà engagés d'une part, pour replacer
notre budget de défense à la hauteur que justifie le
nouvel
environnement international
d'autre part.
Elle souhaite rappeler que
cet effort ne prendra son sens que dans la mesure
où la loi de programmation sera rigoureusement traduite par les lois de
finances successives
et pleinement réalisée en
exécution budgétaire,
les années 2003 et 2004
étant à cet égard décisives.
Elle estime néanmoins qu'en dépit de l'effort accompli,
déjà considérable au regard de la situation des finances
publiques, et en raison du poids des retards accumulés,
certaines
lacunes persisteront
alors que
les besoins nouveaux ne seront que
partiellement pris en compte.
1. Un redressement indispensable
Tout en permettant de faire face à des besoins croissants , l'enveloppe prévue par le projet de loi bénéficiera de gains en pouvoir d'achat grâce à une clarification du périmètre budgétaire . Enfin, plusieurs pistes sont évoquées en vue de permettre une dépense d'équipement plus efficace .
a) Une enveloppe qui permet de faire face à des besoins de paiement croissants
La
conjonction dans le temps de l'arrivée en phase de production de
plusieurs grands programmes d'équipements appelle des moyens de paiement
accrus. Si par le passé, l'habitude a été prise de
repousser régulièrement la
« bosse» des
dépenses d'équipements
, comme l'ont baptisée les
spécialistes des affaires financières de défense, il est
désormais indispensable de rompre avec cette dérive. Les
pratiques de décalage des programmes et de ralentissement des cadences
de livraison ont atteint leurs limites, avec leurs conséquences
dommageables en terme capacitaire, industriel et de coût définitif
des programmes. De surcroît, le recours à la
procédure
des commandes globales
, source d'économies et de meilleure
visibilité, a multiplié les engagements pluriannuels qui imposent
le respect des échéances de paiement.
Si la précédente loi de programmation a souffert d'une
exécution médiocre en crédits de paiement, elle s'est en
revanche caractérisée par une
« sur-exécution » en autorisation de programmes, du
fait des commandes globales. Aussi, les engagements, qui n'étaient que
de 12,2 milliards d'euros en 1997, ont atteint 16,4 milliards d'euros
en 2000, 14,7 milliards d'euros en 2001 et devraient approcher
17 milliards d'euros en 2002.
Le « reste à couvrir », c'est-à-dire le
montant des paiements découlant, à un moment donné, des
engagements contractés, a progressé d'environ 35 % de 1997
à 2002.
La construction du projet de loi de programmation 2003-2008 devait donc
impérativement tenir compte de cet
échéancier de
paiements d'ores et déjà établi
et résultant
des engagements passés, et provisionner au niveau requis les moyens
financiers permettant de faire face à des besoins plus importants.
Sur une annuité moyenne,
la part des crédits
d'équipement découlant des engagements antérieurs
représente plus de 85 % des dotations
, seule la part
résiduelle offrant réellement une marge de manoeuvre pour des
engagements nouveaux.
Ainsi, pour une large part,
l'accroissement très substantiel des
crédits d'équipement au cours des années 2003 et 2004 ne
fait qu'entériner des passations de commandes antérieures
. Il
traduit le passage d'une loi consacrée au développement des
principaux matériels majeurs du modèle 2015, à une loi qui
doit désormais en assurer la
fabrication
.
En dehors des programmes d'armement, les autres postes de dépenses du
titre V appellent eux aussi un effort financier accru.
C'est le cas de
l'entretien programmé des matériels
,
compte tenu du niveau de disponibilité inquiétant atteint par
certains types d'équipements et des besoins que génèrent
l'arrivée de matériels plus sophistiqués d'une part, et la
prolongation de matériels vieillissants d'autre part. L'annuité
moyenne représentera 2 379 millions d'euros 2003, soit 8% de plus que le
niveau plancher atteint en 2001.
C'est également le cas des
dépenses d'infrastructure
, et
notamment de celles qui concourent directement au bon fonctionnement de
l'armée professionnelle, comme les logements des militaires du rang.
Enfin, les
dépenses de recherche
ont fait l'objet d'une
compression excessive ces dernières années. Il est absolument
impératif d'inverser cette tendance préoccupante pour l'avenir de
nos capacités technologiques. Le projet de loi retient un
montant
global de 3 815 millions d'euros 2003 pour l'effort de recherche et
technologie,
c'est à dire les crédits d'études amont,
sur la période 2003-2008, ce qui représente un relèvement
supérieur à 16% par rapport à la précédente
loi de programmation.
b) Un périmètre en partie clarifié
Le
projet de loi de programmation définit
plusieurs principes
relatifs au périmètre du budget de la défense et de
l'enveloppe prévue pour les années 2003-2008, qui se traduiront,
par rapport aux années passées, par un
gain en pouvoir
d'achat
.
Le premier de ces principes est que
le périmètre de chaque
annuité exclut la recapitalisation des entreprises publiques.
Cette
mention figurait explicitement dans la loi précédente, mais son
rappel est indispensable puisqu'en pratique, ce principe a été
privé d'effet, les recapitalisations successives de GIAT-Industries
ayant été largement gagées par des annulations sur le
titre V du budget de la défense. Il y a donc lieu de demeurer vigilant
en ce domaine, tant en ce qui concerne GIAT-Industries que DCN,
transformée en société nationale au début de
l'année 2003 et dont il faudra à ce titre assurer la
capitalisation initiale.
Deuxièmement, le périmètre de la loi de programmation
exclut également le
fonds de développement de la
Polynésie française.
De 1997 à 2002, ce sont plus de
500 millions d'euros qui ont été inscrits à ce titre au
budget de la défense. Cette dépense, qui s'élèvera
à 150 millions d'euros en 2003, a été
transférée au budget des charges communes.
Une troisième clarification porte sur les dépenses de
démantèlement des installations de production de
matières fissiles de la vallée du Rhône.
Un
fonds
spécifique
sera mis en place avant l'été 2003, afin de
financer la plus large part de ce programme appelé à se
poursuivre au moins jusqu'en 2007 pour l'usine d'enrichissement d'uranium de
Pierrelatte, et sur une période beaucoup plus longue pour l'usine de
production de plutonium de Marcoule. A compter de 2003, ce fonds financier doit
contribuer aux charges de démantèlement à hauteur de
79 millions d'euros
par an. Votre rapporteur souhaite que soit
très rapidement précisées les modalités de
constitution de ce fonds. Une cession de participations de CEA-Industries
pourrait être envisagée ainsi qu'une solution reposant sur le
fonds mis en place en 2001 pour le démantèlement des
installations civiles dont l'objet serait élargi. Il est par ailleurs
souhaitable que cette procédure permette une
accélération d'opérations
dont le coût est
grevé d'importants frais fixes.
Enfin, le projet de loi précise que les crédits programmés
sur la période 2003-2008 n'incluent pas ceux prévus, pour la
gendarmerie nationale
, par la loi d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure et qui s'élèvent
à 1 milliard d'euros pour la période 2003-2007.
Sur deux autres points,
l'effort de clarification a cependant
été poussé moins loin
. Le rapport annexé
précise en effet :
« Au-delà de 2003, la part
du
budget civil
de recherche
qui relève de la
défense et les charges afférentes à la
restructuration
de la Direction des constructions navales
, à l'exclusion de la
recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions
budgétaires annuelles. »
S'agissant du
budget civil de recherche et développement (BCRD)
,
la formulation est en retrait par rapport à celle retenue par la
précédente loi, qui excluait formellement son imputation sur les
crédits de programmation. Mais chacun sait que cette prescription a
été battue en brèche, le titre V ayant dû contribuer
au BCRD, de 1997 à 2002, à hauteur de plus de 1,1 milliard
d'euros transférés au Centre national d'études spatiales.
L'actuel gouvernement a pour sa part fait en sorte que les sommes inscrites au
budget de la défense en 2003 au titre du BCRD (191 millions d'euros),
soient neutralisées par une ouverture de crédits
équivalente dans la loi de finances rectificative pour 2002. Tout en se
félicitant de cette décision, votre rapporteur regrette qu'
une
incertitude subsiste au-delà de 2003
, étant rappelé
que le niveau des dotations inscrites au budget de la défense en vue
d'un transfert au BCRD ont été par le passé sans commune
mesure avec le bénéfice que les armées étaient en
droit de pouvoir retirer des actions ainsi financées. Lors de l'examen
par l'Assemblée nationale du présent projet de loi, le 28
novembre dernier, le ministre de la défense a précisé que
son ministère avait obtenu de pouvoir négocier le montant et
l'affectation des transferts au BCRD, afin de ne financer que les programmes
qui intéressent directement la défense. Il s'agirait là
d'un progrès important par rapport aux années passées.
En ce qui concerne
DCN
, le gouvernement a indiqué à
plusieurs reprises que le Conseil de défense avait retenu le principe de
la
neutralité fiscale
du passage au statut de
société, l'enveloppe budgétaire de la Marine ne devant pas
être ponctionnée par l'application de la TVA aux livraisons et
prestations de DCN. Il reste toutefois à clarifier les conditions de
mise en oeuvre de ce principe. De même se posera la question du
financement d'autres
charges liées à la
restructuration
: mise à niveau des infrastructures des ports
transférées à la Marine, transferts de personnels vers les
services de l'Etat, dépollution de certaines zones, maintien au sein de
DCN de certaines tâches étatiques (gestion du personnel sous
statut), versement des rentes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.
Globalement, l'effort de clarification opéré par le projet de loi
mérite d'être salué car il élimine pour une large
part des pratiques qui avaient lourdement pesé, ces dernières
années, sur un budget d'équipement lui même en
réduction.
c) Dépenser mieux : des pistes intéressantes qu'il faudra concrétiser
Le
projet de loi de programmation esquisse plusieurs pistes en vue de donner
à la dépense d'équipement militaire une plus grande
efficacité :
- la
mise en cohérence des efforts consentis en matière de
sécurité intérieure et extérieure
,
concrétisée par la complémentarité entre loi de
programmation militaire et loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure,
- le
renforcement de l'approche interarmées
, qui portera sur des
«
sujets fédérateurs comme le commandement, le
soutien, la formation des personnels et l'organisation
» ;
un
établissement public interarmées
regroupant les
activités d'achat des commissariats dans le domaine des vivres sera
créé en 2003, avec vocation, à terme, à intervenir
pour l'ensemble des prestations relatives au
soutien de l'homme
(alimentation, habillement, ameublement) ; la pratique des
prestations
croisées entre armées
, déjà mise en oeuvre au
niveau local en matière de transport terrestre, de dépannage
routier et de prestations alimentaires, sera développée ;
- la
modernisation de la gestion
, notamment par la
généralisation du contrôle de gestion,
l'amélioration de la démarche qualité dans la conduite des
programmes d'armement, le développement d'un portail d'achats sur
Internet, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de
finances ;
- le
développement de l'externalisation
, afin de décharger
les armées des tâches ne présentant pas un caractère
opérationnel et non essentielles en temps de crise ;
- enfin, l'
expérimentation de nouvelles procédures
d'investissement
, sous la forme notamment d'alternatives à
l'acquisition patrimoniale ; des «
solutions
innovantes
», s'appuyant sur des expériences
françaises ou étrangères, seront recherchées tant
pour les programmes d'armement et les opérations immobilières
qu'en matière d'achat de prestations et de capacités.
Votre commission approuve pleinement ces orientations. Elle estime qu'
il
faudra rapidement passer des orientations générales à la
mise en oeuvre pratique
.
S'agissant du
renforcement de l'approche interarmées
, la mise en
place de structures intégrées de soutien commence semble-t-il
à produire des résultats. Le secteur des
systèmes
d'information et de communication
pourrait, aux yeux de votre rapporteur,
justifier une démarche comparable, car il met en jeu
l'interopérabilité entre les différentes armées,
indispensable dans un tel domaine. De surcroît, la superposition de
nombreux programmes conduits parallèlement par chacune des armées
aboutit à une situation complexe, peu lisible, qui pourrait utilement
être rationalisée. À cet égard, le projet de
direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des
systèmes d'information (DIRISI), en cours de constitution, mérite
un suivi attentif.
Votre rapporteur estime également que les modalités de mise en
oeuvre de
financements innovants
, en particulier les formules de
location de capacités sur une longue durée, doivent être
prioritairement étudiées pour
rechercher activement les moyens
d'avancer l'acquisition d'équipements ou de capacités
, dans
les secteurs où les lacunes sont parfaitement identifiées comme
le transport stratégique, l'aéromobilité, le
ravitaillement en vol, voire même les véhicules de combat. Seule
une impulsion politique forte est de nature, en la matière, à
pousser un peu plus loin les investigations pour dépasser des habitudes
solidement installées qui ne répondent pas toujours aux
impératifs de réactivité et d'efficacité.
Au-delà, se pose la question de la
poursuite des réformes de
l'organisation du ministère de la défense
, et en particulier
de la
délégation générale pour l'armement
(DGA)
.
Des progrès ont été accomplis
ces dernières
années. La procédure des commandes pluriannuelles a
été développée et sera poursuivie. Le
contrôle de gestion a été généralisé
et les méthodes de conduite des programmes d'armement ont
été revues, avec le souci de réduire les
spécifications et d'associer plus étroitement les
états-majors, les industriels et la DGA. Cette dernière a
réduit ses effectifs et son coût d'intervention. La
réduction du coût des programmes a été
systématiquement recherchée et des résultats notables ont
été obtenus.
Très significative au regard de ce qu'était la DGA au
début de la dernière décennie, cette évolution
l'est moins si on la compare à celles intervenues à
l'étranger. Certes, les expériences étrangères ne
peuvent être systématiquement transposées et il y a lieu
d'en évaluer soigneusement les résultats, qui ne sont pas
toujours probants, mais l'exemple britannique, avec la
Defence procurement
agency
et le
smart procurement
, montre qu'
il est sans doute
possible d'aller plus vite et plus loin
dans l'allègement et la
simplification de l'organisation et des structures, et dans la modernisation
des méthodes d'acquisition qui paraissent toujours très lourdes
et soumises à de nombreuses contraintes réglementaires et
administratives.
On peut regretter que le projet de loi de programmation, il est vrai
élaboré en un temps très court, demeure trop discret sur
l'évolution de la DGA et sur le rôle qu'elle doit jouer pour
optimiser les dotations qui seront allouées lors des six prochaines
années.
2. Une crédibilité conditionnée à la traduction fidèle de la loi de programmation
Si la
mauvaise exécution de la loi de programmation précédente
entraînait un risque de rupture du modèle d'armée, la
réalisation de ce dernier sans nouveau retard, et a fortiori
l'intégration de capacités nouvelles liées à
l'évolution des besoins actuels de sécurité, sont
entièrement conditionnés à la bonne réalisation du
présent projet.
Cette bonne réalisation suppose trois conditions.
a) L'entrée dans la programmation
La
première condition est liée à
« l'entrée » dans la programmation
.
Celle-ci s'effectue dans des conditions satisfaisantes puisque le projet de
loi de finances pour 2003 s'aligne sur l'annuité prévue. D'autre
part, l'exercice 2002 aura été celui de la meilleure
réalisation budgétaire des six dernières années.
Compte tenu des deux collectifs budgétaires de l'année, le bilan
prévisible de 2002 se solderait, au titre V, par des crédits
disponibles inférieurs d'à peine 10 millions d'euros
à ceux inscrits en loi de finances initiale, alors que le titre III a
été fortement majoré pour couvrir les dépenses
d'opérations extérieures et le financement du plan
d'amélioration de la condition militaire.
S'il offre un contraste saisissant avec les années 1997-2001, ce tableau
comporte cependant
quelques zones d'ombre
que votre rapporteur se doit
d'évoquer. D'une part, 190 millions d'euros ont été
ouverts en fin d'année pour couvrir des dépenses à venir
en 2003, à savoir le transfert d'une somme équivalente au BCRD.
Ces 190 millions d'euros ne doivent donc pas être
considérés comme des crédits disponibles en 2002. D'autre
part, l'annulation de 321 millions d'euros opérée par l'article 9
de la loi de finances rectificative a quelque peu brouillé l'analyse.
Ces crédits n'étaient-ils plus susceptibles d'emploi avant la fin
de l'année 2002, comme cela a été annoncé,
où restaient-ils nécessaires compte tenu de la forte reprise des
besoins de paiement ? Dans cette dernière hypothèse, un
report de charges pèserait sur la gestion 2003, avec le
risque
d'amputer dès la première année le redressement de
l'effort d'équipement
.
Enfin, l'annonce d'une
régulation budgétaire
dès le
début de l'année 2003 suscite bien des interrogations. Sans
contester le fondement d'un contrôle de l'évolution de la
dépense publique, votre rapporteur rappelle que l'annuité 2003
correspond rigoureusement aux besoins de paiement, en forte augmentation, de la
défense pour cette même année, et que ceux-ci doivent donc
être pleinement pris en compte sous peine de fragiliser de nouveau
l'équipement de nos armées.
Face à ces interrogations, votre rapporteur croit utile de rappeler les
précisions apportées devant le Sénat, le
5 décembre dernier, par Mme Michèle Alliot-Marie
,
ministre de la défense, en réponse au président de notre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, M. André Dulait :
« Vous avez parlé ... de l'importance du budget et de votre
souci de surveiller son exécution. Je vous remercie, car je partage
cette préoccupation. Je considère que, à partir du moment
où la nation fait un effort aussi important que celui qui est inscrit
dans la loi de programmation militaire et dans ce budget pour 2003, il est de
la responsabilité du ministère de la défense d'utiliser au
mieux ces crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai
décidé d'instituer des contrôles de gestion, des
contrôles trimestriels de l'exécution
mais aussi de mettre
en oeuvre des procédures nouvelles pour faciliter, voire
accélérer la réalisation d'un certain nombre de programmes
dans le cadre de ce budget.
Cette façon de procéder m'a amenée ... à rendre au
Premier ministre des crédits de paiement dont nous n'avions pas
l'utilisation avant le 31 décembre. J'ai ainsi remis voilà quinze
jours à la disposition du Gouvernement
321 millions d'euros de
crédits de paiement
qui étaient destinés à des
opérations dont le paiement n'interviendra que dans le courant de
l'année 2003. M. le Premier ministre m'a envoyé une lettre
m'informant que ces crédits me seraient, bien entendu
,
restitués en 2003 dans la première loi de finances
rectificative
: je pense qu'en l'occurrence notre démarche est
exemplaire.
»
Votre commission entend demeurer vigilante sur les conditions de
réalisation de la loi de programmation.
Elle se félicite particulièrement des propos tenus le 7 janvier
dernier par le
Président de la République
qui a
considéré que la nouvelle loi de programmation portait un coup
d'arrêt à la dégradation de notre outil militaire et qui a
assuré qu'il
veillerait «
à ce que ce signal fort
soit respecté pendant l'exécution de cette
loi
»
.
b) L'annuité 2004 : une nouvelle « marche » indispensable
C'est
dans les tout prochains mois que sera préparé le projet de loi de
finances pour 2004. Le projet de loi de programmation prévoit une
nouvelle progression de 7 % du budget d'équipement
, qui
devra atteindre 14,6 milliards d'euros, soit le niveau de l'annuité
moyenne retenue pour les six prochaines années.
Si l'annuité 2003 permet un redressement déjà très
substantiel, elle ne représente guère qu'un retour au niveau que
retenait la « revue des programmes » de 1998. C'est bien la
« deuxième marche » prévue en 2004 qui
donne toute sa signification au projet de loi
, en revenant à un
niveau proche de celui fixé en 1996, seul de nature à permettre
la réalisation du modèle d'armée et son adaptation aux
impératifs actuels de sécurité.
La réalisation de cet effort supplémentaire conditionne donc le
succès de la loi. Elle replacera notre budget de défense au
niveau requis pour assurer un rythme convenable de renouvellement et de
modernisation des équipements.
c) Le financement des Opex ne doit plus peser sur les crédits d'équipement
Enfin,
la bonne exécution de la prochaine loi de programmation implique que
soit mis un terme aux annulations de crédits d'équipement
destinées à gager les ouvertures de crédits
nécessaires au financement des opérations extérieures.
La charge que représentent les opérations extérieures tend
désormais à se pérenniser à un niveau
élevé, variant assez peu d'une année sur l'autre. Il n'y a
aucune raison pour que cette charge vienne grever le budget courant des
armées, et encore moins ses dotations d'équipement.
L'Assemblée nationale a précisé dans le rapport
annexé au projet de loi qu'une
« ligne
budgétaire spécifique aux opérations extérieures
sera créée en loi de finances initiale
»
.
Une mission confiée conjointement à l'Inspection
générale des finances et au contrôle général
des armées doit proposer des solutions de nature à mieux prendre
en compte ce besoin de financement.
Votre rapporteur estime que l'inscription en loi de finances initiale d'une
provision permettant de couvrir les charges prévisibles
d'opérations extérieures
, qui représentent la plus
large part de la dépense, peut contribuer à éviter le
retour aux errements du passé. Cette provision, de même que les
ouvertures de crédits destinées à la compléter en
cours d'année, ne doivent en revanche
en aucun cas ponctionner
l'enveloppe prévue par la loi de programmation
, qui a
été définie pour couvrir des besoins de toute autre
nature.
III. L'ÉQUIPEMENT MILITAIRE DE 2003 À 2008 : UNE MODERNISATION RELANCÉE
A. DEUX OBJECTIFS : ÉVITER TOUT NOUVEAU RETARD DANS LA RÉALISATION DU MODÈLE D'ARMÉE, PRENDRE EN COMPTE LES PRIORITÉS NOUVELLES
Avec une
annuité moyenne de 14,64 milliards d'euros en valeur 2003,
régulièrement revalorisée en fonction de l'érosion
monétaire, le budget d'équipement des armées
connaîtra sur la période 2003-2008 un relèvement
substantiel qui ne représente toutefois qu'une augmentation de 2% par
rapport au niveau qui aurait du être le sien de 1997 à 2002, si la
précédente loi de programmation avait été
respectée.
L'affectation de cette enveloppe financière obéit à une
nouvelle présentation par systèmes de forces
qui innove
par rapport aux lois précédentes, même si le
ministère de la défense la pratique depuis quelques années
déjà. Ces systèmes de forces regroupent les
capacités qui concourent à un résultat opérationnel
donné, quelle que soit leur armée d'appartenance.
Cette
approche fondée sur les capacités militaires
, plus
que sur les programmes, est nécessaire dans la mesure où toutes
les opérations dans lesquelles nos forces sont susceptibles d'être
engagées présentent aujourd'hui un caractère
interarmées, ce qui impose la recherche d'une
cohérence
globale de tous les moyens
dévolus à notre outil militaire,
que ce soit dans les concepts d'emploi, l'interopérabilité ou les
calendriers de livraison.
Comme votre rapporteur l'a déjà souligné, les moyens
financiers programmés d'ici 2008 dégagent des ressources
supplémentaires par rapport à celles effectivement disponibles
ces dernières années, mais pour une large part, ce
surplus de
crédit doit être affecté aux priorités les plus
urgentes
, à savoir la
restauration de la disponibilité des
matériels
et le
financement de programmes déjà
lancés
qui ne peuvent accuser de nouveaux retards.
Néanmoins,
un effort très significatif a été
accompli pour tenir compte
, autant que le permettaient les ressources
financières,
des évolutions les plus récentes d'un
contexte international
marqué par le terrorisme de masse et la
prolifération des armes de destruction massive,
et des enseignements
de nos derniers engagements militaires
, en vue d'acquérir les
technologies et les équipements les plus nécessaires.
Se préparer dès aujourd'hui à pouvoir acquérir
les prochaines générations d'équipements
constitue aux
yeux de votre rapporteur un
impératif qui devra guider toute la mise
en oeuvre de la loi de programmation
et impliquera de rechercher les moyens
d'anticiper certaines échéances de livraison et
d'améliorer la réactivité de notre processus
d'équipement face aux évolutions du contexte
géostratégique et des besoins.
1. Les besoins prioritaires de restauration de l'environnement des forces et de financement des programmes déjà lancés seront satisfaits
Deux
priorités urgentes s'imposent
, si l'on veut éviter à
très court terme une rupture de la cohérence de notre outil
militaire :
restaurer la disponibilité des matériels
,
et plus largement l'environnement des forces ;
éviter tout
nouveau retard, et a fortiori tout nouvel abandon de capacité, dans les
programmes inscrits au modèle d'armée
.
Ces deux priorités seront satisfaites grâce au retour à un
niveau de ressources voisin de celui initialement prévu par la
précédente loi de programmation.
La disponibilité des équipements, qui conditionne la
capacité d'action immédiate de nos forces,
bénéficiera d'un redressement des crédits de maintien en
condition opérationnelle, dont l'annuité moyenne, portée
à 2,4 milliards d'euros 2003, représentera une hausse de 8% par
rapport au niveau de 2001. Les crédits d'infrastructure, qui concourent
également à l'environnement des forces, seront confortés.
S'agissant des programmes prévus au modèle 2015, ils seront
financés à la hauteur voulue pour ne pas accuser de nouveau
retard, ni être remis en cause par des réductions de cibles ou des
abandons. La réalisation de ces programmes, dont beaucoup ont
été initiés il y a longtemps déjà, demeure
nécessaire, car ils constituent le socle de notre outil de
défense.
L'enveloppe affectée à la
dissuasion nucléaire
pour
la période 2003-2008 représentera près de environ 17
milliards d'euros 2003, soit, en monnaie constante, une augmentation de
6,6 % à celle attribuée lors de la précédente
loi de programmation. Elle correspond aux besoins générés
par la poursuite de la mise en oeuvre des orientations définies en 1996
pour la modernisation de nos deux composantes, maritime et aérienne, et
pour le programme de simulation décidé à la suite de
l'arrêt des essais nucléaires.
Le
domaine spatial
, doté d'une annuité moyenne de 2,61
milliards d'euros, verra la réalisation selon les
échéances prévues des programmes Hélios II et
Syracuse III qui doivent respectivement renforcer nos capacités
d'observation et de télécommunications par satellites.
Enfin, le domaine de l'
équipement classique
se
caractérisera par la montée en puissance des crédits de
fabrication nécessaires à nos programmes majeurs : avion de
combat Rafale, hélicoptères Tigre et NH 90, avion de transport
A 400 M, frégates multi-missions et Horizon, sous-marins
d'attaque Barracuda. Nombre de ces programmes, comme le Rafale, le Tigre ou le
NH 90, sont initiés depuis de nombreuses années, mais les retards
pris ont décalé à la période qui s'ouvre en 2003
l'essentiel, voire la totalité de leur entrée effective dans les
forces.
Le tableau ci-dessous détaille les crédits de paiement
affectés par le projet de loi de programmation aux principaux programmes
d'équipement classique.
Programmes |
Crédits * |
Commandes et livraisons |
Avion de combat Rafale |
8,47 |
Livraison de 57 Rafale Air et 19 Rafale Marine |
Hélicoptère de combat Tigre |
2,75 |
Livraison de 37 Tigre HAP |
Hélicoptère de transport NH 90 |
1,68 |
7 hélicoptères livrés à la Marine (27 commandés) et 34 commandés pour l'armée de terre |
Avion de transport A 400 M |
1,45 |
50 appareils commandés et 3 livrés à l'horizon 2008-2009 |
Frégates multimissions |
1,24 |
8 frégates commandées et 1 livrée en 2008 |
Frégate antiaérienne Horizon |
1,21 |
2 frégates livrées en 2006 et 2008 et commande d'une 3 ème en 2007 |
Sous marin Barracuda |
1,21 |
2 sous-marins commandés |
Char Leclerc |
0,92 |
117 chars livrés de 2003 à 2005 |
Missile sol-air moyenne portée terre (SAMP/T) |
0,69 |
10 systèmes et 505 munitions commandés ; 4 systèmes et 110 munitions livrés |
Missile air-air Mica |
0,62 |
1135 missiles commandés et 850 livrés |
Véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) |
0,55 |
433 véhicules commandés à partir de 2005 et 272 livrés à partir de 2006 |
Porte-avions n°2 |
0,55 |
Commande d'un 2 ème PA en 2005 |
Missile de croisière Scalp EG |
0,41 |
500 missiles livrés à partir de 2003 |
Missile sol-air moyenne portée naval (PAAMS) |
0,32 |
2 systèmes livrés en 2004 et 2005 pour les frégates Horizon |
Hélicoptère Cougar MK2+ |
0,31 |
10 hélicoptères livrés aux forces spéciales |
* en milliards d'euros 2003
2. Des lacunes capacitaires persisteront mais de nouveaux besoins sont pris en compte
Le
rattrapage financier opéré par le projet de loi ramènera
notre effort d'équipement sur une trajectoire compatible avec le
modèle d'armée. Il ne permettra pas de résorber le retard
pris ces dernières années par de nombreux programmes.
Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi,
«
il ne permettra cependant pas
, au cours des
années 2003-2008,
de combler toutes les lacunes, ou de
remédier d'emblée à toutes les insuffisances
.
Des
faiblesses
, notamment en matière de transport stratégique,
d'aéromobilité ou de permanence du groupe aéronaval
persisteront
».
La chute annoncée de nos capacités de transport aérien et
de transport par hélicoptères constitue sans aucun doute l'un des
points faibles les plus visibles de notre outil militaire.
S'agissant des
avions de transport
, les aléas politiques et
financiers qui ont affecté la coopération européenne sur
le programme A 400 M ont été particulièrement
pénalisants pour la France, dont le besoin, déjà patent
aujourd'hui, s'accentuera dès 2005 avec l'inéluctable retrait du
service des Transall les plus anciens. Le retard pris par le lancement de l'A
400 M, qui repousse les livraisons au delà de 2008, provoquera une
dégradation de la capacité de réaction autonome et
immédiate de nos armées. La préservation du potentiel du
parc actuel de Transall et l'appel, chaque fois que nécessaire, à
des moyens européens, ne constitueront que des mesures palliatives.
Le
déficit en aéromobilité
va également se
creuser, en raison cette fois-ci d'un arbitrage purement national repoussant
à 2011, pour des raisons financières, les premières
livraisons à l'armée de terre du
NH 90
, dont
l'armée allemande sera équipée dès l'année
prochaine. Votre commission a examiné en détail les implications
de cette situation dans un rapport d'information publié
l'été dernier. Elle a souligné le caractère
insatisfaisant de la solution de remplacement mise en oeuvre, à savoir
la rénovation partielle du parc actuel, en déplorant que ces
dernières années n'aient pas été mises à
profit pour étudier plus à fond des solutions financières
innovantes permettant d'avancer la livraison d'appareils neufs.
A ces deux lacunes, votre rapporteur souhaite ajouter celle qui
résultera du
vieillissement des véhicules blindés
légers de l'armée de terre
. Bien que le projet de loi
prévoie la rénovation d'une partie des blindés à
roues AMX 10 RC et permette les premières livraisons du VBCI,
destiné à remplacer le blindé chenillé AMX 10 P,
ces actions paraissent trop limitées pour enrayer une
détérioration de nos capacités qui se constate au fil de
nos engagements sur les théâtres extérieurs.
En dépit de ces limites, il faut reconnaître au
projet de
loi
de programmation le
mérite d'avoir en revanche
accéléré certains choix
au vu des évolutions du
contexte stratégique et de la montée du risque terroriste.
Ainsi, les
moyens de protection
seront renforcés, qu'il s'agisse
de la
protection du territoire national et de ses approches
aériennes
(acquisition de radars Giraffe)
et maritimes
(amélioration de la chaîne sémaphorique), de la
protection contre la menace chimique et biologique
(équipements
de protection de sites et des combattants) ou
contre la menace
balistique
(acquisition d'une première capacité antimissiles
de théâtre, études sur l'alerte spatiale). Le renforcement
des moyens de sécurité intérieure contribue
également à cette nouvelle dimension de la fonction de protection.
Dans le domaine du renseignement et de la maîtrise de l'information, le
projet de loi prévoit l'acquisition de nouveaux systèmes de
drones de reconnaissance.
Enfin, les
capacités d'actions dans la profondeur
bénéficieront de l'entrée en service des
missiles de
croisière
et de la
capacité tout temps pour les
armes air-sol de précision
, ainsi que de moyens nouveaux de
guerre électronique offensive. Les
forces spéciales
seront
dotés de moyens modernes de projection (hélicoptères) et
de communication, ces derniers intégrant la
complémentarité désormais de plus en plus forte entre
actions spéciales au sol et actions aériennes. La décision
de lancer en 2005 la construction d'un second porte-avions va bien entendu dans
le même sens, puisqu'elle permettra à l'horizon 2015 de
rétablir la permanence de nos capacités de frappe aérienne
depuis la mer.
3. Préparer sans retard l'acquisition des prochaines générations d'équipements : un impératif urgent
La
particularité de la campagne d'Afghanistan et des actions de lutte
contre le terrorisme a fait ressortir les principales exigences d'un
équipement moderne, adapté à la grande
variété des menaces et des situations :
- l'importance cruciale de la
maîtrise de l'information en temps
réel
à tous les stades de la crise, du recueil et de
l'exploitation du renseignement en amont, par des moyens diversifiés et
agissant de manière permanente, à la conduite des
opérations et à l'évaluation des dommages ;
- la nécessité d'une
intégration de tous les moyens
engagés
, permettant les liaisons et les transmissions de
données entre centres de commandement, vecteurs aériens et
troupes au sol, en particulier les forces spéciales,
- la
réduction constante des délais entre l'arrivée de
l'information, la prise de décision et l'action militaire
, les
opérations d'Afghanistan s'étant caractérisées par
des délais de l'ordre de 30 minutes entre la détection et le tir,
- l'
usage quasi-exclusif de munitions tirées à longue distance
et garantissant une haute précision
, de jour comme de nuit et par
tout temps, permettant d'acquérir rapidement la
supériorité militaire.
Nos limites en la matière sont évidentes, et s'agissant de
l'Afghanistan, elles ont été aggravées par le fait que
notre
interopérabilité avec les forces américaines
était réduite, ces dernières ayant fonctionné avec
des standards d'équipement ou de procédures spécifiques,
différents de ceux définis par l'OTAN et que la France s'efforce
d'acquérir.
Dans ce contexte, le projet de loi de programmation, soumis à une forte
contrainte financière du fait des besoins importants non couverts au
cours de la précédente programmation, n'a pu apporter que des
réponses limitées, la livraison d'équipements tels que les
drones ou le missile de croisière naval étant fixée
à une échéance lointaine, alors que dans d'autres
domaines, seules sont évoquées, au mieux, de simples
études.
C'est pourquoi il paraît indispensable à votre rapporteur de
préparer au mieux, dès aujourd'hui, les conditions optimales
d'intégration de ces capacités futures dans notre outil de
défense.
Le
domaine spatial
est l'un de ceux qui
devra faire l'objet d'un
effort beaucoup plus soutenu
, en cherchant à mobiliser au plus vite
nos partenaires européens sur le développement de programmes
nouveaux. L'échec d'une coopération sur les futurs satellites de
communication est à cet égard regrettable, car elle aurait sans
doute permis d'acquérir beaucoup plus vite les capacités de
liaison à haut débit qui ont été massivement
utilisées par les forces américaines lors des dernières
opérations. La détection des tirs de missiles balistiques et
l'écoute à partir de capteurs spatiaux devra elle aussi
dépasser le stade des simples études exploratoires.
Votre rapporteur souhaite également que toutes les
possibilités d'avancer certaines livraisons d'équipement
,
par rapport à l'échéancier prévu par le projet de
loi, soit systématiquement étudiées.
Il en est ainsi des
drones
, dont on a vu la part croissante qu'ils
prennent dans les opérations actuelles, pour des missions de
surveillance, de reconnaissance, de désignation laser des objectifs et,
à l'image du
Predator
armé du missile
Hellfire
,
pour des missions de combat.
Compte tenu du développement rapide de ce type d'équipement, les
échéances retenues par le projet de loi
(2009 pour la
livraison des premiers drones moyenne altitude, et au delà encore pour
les drones haute altitude) paraissent bien
lointaines
. La
nécessité de livraisons plus rapprochées ne fait
guère de doute et votre rapporteur a noté avec
intérêt les propos tenus devant le Sénat le 5
décembre dernier par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la
défense, au sujet des drones d'observation : «
ils ne
sont peut-être pas suffisamment nombreux ...il y a toujours une certaine
souplesse dans la loi au niveau des équipements. Aussi, en fonction des
besoins et des possibilités, il y aura peut-être moyen
d'intervenir, y compris dans le cadre de coopérations, qui ne sont pas
à exclure
»
.
Votre rapporteur souhaite vivement que les marges éventuelles qui
apparaîtraient dans l'exécution de la loi de programmation soient
utilisées pour
avancer ces livraisons, renforcer nos capacités
en matière de drones et accentuer notre effort de recherche
sur
ce type d'équipements
.
Une démarche analogue pourrait très utilement être
étudiée pour le
missile Scalp naval
, lui aussi
prévu tardivement (2011). Il s'agirait d'examiner dans quelles
conditions son entrée en service pourrait être rapprochée
de celle des frégates multimissions, sous réserve de tenir compte
des exigences liées à l'équipement futur des sous-marins
Barracuda, qui imposent de ne pas rompre la cohérence du programme.
B. LA DISSUASION NUCLÉAIRE : CONTINUITÉ ET COHÉRENCE DE LA MODERNISATION DE NOS FORCES STRATÉGIQUES
Continuité et cohérence
sont les deux
caractéristiques majeures du projet de loi de programmation militaire
2003-2008 dans le domaine de la dissuasion nucléaire. La
continuité inspire les évolutions prévues pour les six
prochaines années, qui découlent directement des grandes options
définies en 1996, à savoir une réduction significative du
format allant de pair avec une modernisation de nos forces nucléaires.
La cohérence résulte de l'adéquation forte entre notre
posture, adaptée au nouveau contexte stratégique, et les moyens
dévolus à la dissuasion nucléaire, dimensionnés
dans une logique de stricte suffisance.
Dans ces conditions, la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées ne peut que réaffirmer son
approbation des orientations arrêtées en 1996 et de leur
traduction, pour la période 2003-2008, telle quelle figure dans le
présent projet de loi.
Votre rapporteur se limitera donc à développer les raisons qui
conduisent la commission à pleinement adhérer à ces
orientations en répondant à trois questions :
-
en quoi la dissuasion doit-elle rester un élément central de
notre stratégie
?
-
avec quels moyens la France entend-elle maintenir la
crédibilité de sa dissuasion nucléaire dans les
années à venir
?
-
quelles sont, pour les six prochaines années, les implications
financières de ces choix ?
1. La dissuasion nucléaire doit demeurer un élément central de notre stratégie
La montée des menaces asymétriques et du terrorisme de masse alimente un débat sur le rôle de la dissuasion nucléaire aujourd'hui. Dans un environnement radicalement nouveau, instable et imprévisible, marqué par l'émergence d'acteurs, étatiques ou non, n'observant pas les règles traditionnelles du jeu stratégique, celle-ci conserve-t-elle encore sa pertinence ?
LES
CAPACITÉS NUCLÉAIRES DANS LE MONDE - DES ACTEURS PLUS NOMBREUX
-
UNE STABILITÉ STRATÉGIQUE MOINS ASSURÉE
Etats-Unis et Russie : des engagements bilatéraux
moins
contraignants, des arsenaux plus réduits mais plus modernes
Le
traité de Moscou
du 24 mai 2002 retient l'objectif
d'une réduction des deux-tiers des arsenaux américain et russe,
ramenés à une « fourchette de 1.700 à 2.200
têtes nucléaires fin 2012 ». Toutefois, il n'impose
aucun démantèlement des têtes excédentaires, qui
pourront être éventuellement réactivées, et ne
conserve aucun effet contraignant à partir de 2013. Il rend donc caduc
l'accord Start II qui interdisait les têtes multiples sur les missiles
intercontinentaux et les limitait pour les missiles emportés par les
SNLE.
Aux
Etats-Unis
, la «
Nuclear Posture Review
»
de janvier 2002 confirme l'objectif de modernisation et d'amélioration
qualitative de l'arsenal nucléaire américain. Elle n'exclut pas
l'hypothèse d'une reprise des essais nucléaires. Elle traduit une
volonté d'adapter l'outil nucléaire au nouveau contexte
stratégique, en particulier la prolifération des armes de
destruction massive.
La
Russie
, grâce au traité de Moscou, pourra maintenir des
têtes nucléaires multiples et réduire dans une plus forte
proportion le nombre de ses vecteurs. Elle ambitionne la construction d'un SNLE
de nouvelle génération et le développement de missiles
sol/sol plus performants (SS27-Topol).
Chine : un arsenal en voie d'accroissement
La
Chine
, qui ne possède actuellement qu'une vingtaine de
missiles intercontinentaux, doit se doter d'engins balistiques à
propulsion solide, de portée accrue. Elle développe des SNLE de
nouvelle génération et modernise sa flotte de bombardiers
stratégiques.
Les nouveaux Etats nucléaires
Si
Israël
n'a jamais officialisé sa capacité
nucléaire, simplement supposée, celle de l'Inde et du Pakistan a
été confirmée, l'
Inde
ayant réalisé
une campagne d'essais nucléaires en 1998 et annoncé son intention
de se doter d'une triade nucléaire, avec dans un premier temps un
missile balistique sol-sol (Ag ri 2). Le
Pakistan
a lui aussi
réalisé des essais nucléaires en 1998 et développe
des missiles balistiques intercontinentaux.
La révélation du programme nucléaire militaire de la
Corée du Nord
ouvre une crise nouvelle en matière de
prolifération. La situation de l'
Irak
, qui dispose de l'expertise
nécessaire, reste à clarifier dans le cadre des inspections en
cours. L'
Iran
vient d'accepter des inspections de l'AIEA à la
suite des interrogations suscitées par sa coopération avec la
Russie pour la centrale nucléaire de Bouchehr.
Plus globalement, alors que 25 pays disposeraient de missiles balistiques, en
particulier au sein d'un « arc de la prolifération »
allant de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l'Asie du Sud et de
l'Est, le
risque de voir s'élargir les pays à capacité
nucléaire
est réel compte tenu de la diffusion des
technologies, de la difficulté à contrôler
d'éventuels trafics de matières fissiles ou des transferts de
scientifiques, en particulier en provenance de l'ex-URSS.
Des instruments multilatéraux en crise
Les instruments multilatéraux de désarmement et de
non-prolifération traversent une véritable crise. Le
traité d'interdiction complète des essais nucléaires ne
peut entrer en vigueur du fait de l'absence de signature de l'Inde, du Pakistan
et de la Corée du Nord, et du refus des Etats-Unis de le ratifier. Les
discussions sur l'élaboration d'un traité d'interdiction de la
production de matières fissiles (cut-off) sont enlisées. Le
programme de renforcement des garanties de l'AIEA, indispensable au
contrôle du respect du traité de non-prolifération,
connaît une mise en oeuvre extrêmement lente et laborieuse depuis
son adoption en 1993, la plupart des pays sensibles n'ayant pas souscrit de
protocole additionnel à leur accord de garanties.
Face à ce débat, il faut rappeler que les menaces nouvelles
s'ajoutent, bien plus qu'elles ne se substituent, aux menaces plus
traditionnelles, et qu'il serait dangereux, au gré de crises qui se
succèdent sans nécessairement se ressembler, de perdre de vue les
facteurs permanents de l'environnement stratégique.
Le projet de loi de programmation réaffirme que «
la
dissuasion nucléaire reste notre garantie
fondamentale
».
Il la place «
au coeur des moyens garantissant à la France
l'autonomie stratégique qui est l'un des fondements de la politique de
défense ».
Il y voit «
un facteur important de la
stabilité internationale
».
Au-delà de sa contribution au statut de la France sur la scène
internationale, le projet de loi rappelle que la dissuasion nucléaire
«
constitue la garantie fondamentale contre toute menace de nos
intérêts vitaux
», qu'elle émane de
puissances militaires majeures animées d'intentions hostiles,
ou
de
puissances régionales dotées d'armes de destruction
massive.
Ainsi se trouve rappelée la
double fonction
de notre dissuasion.
D'une part, sur le moyen et le long terme, seul horizon pertinent en la
matière,
la réapparition d'une menace majeure sur nos
intérêts vitaux ne saurait être totalement exclue
,
notamment du fait de la subsistance dans le monde d'arsenaux militaires
conséquents, au demeurant en accroissement dans certains pays. La
dissuasion nucléaire demeure la garantie ultime de notre survie face
à toute puissance majeure hostile et dotée de moyens de mettre en
cause notre existence même.
D'autre part, elle répond aux
menaces d'un autre type
que
feraient peser sur nos intérêts vitaux des
puissances
régionales dotées d'armes de destruction massive
. Cette
fonction, soulignée dans le Livre blanc de 1994, a depuis lors
été précisée par nos autorités politiques.
En 1995, le Président de la République affirmait que
«
seule la force de dissuasion garantit la France contre
l'éventuel recours à des armes de destruction massive, quelle
qu'en soit la nature
». Le Premier Ministre rappelait en 1999 que
l'arme nucléaire permettait à la France «
de faire
face aux risques liés à l'existence d'armes de destruction
massive et de vecteurs balistiques, en préservant notre liberté
de manoeuvre face à une menace contre nos intérêts
vitaux».
Dès lors, la modernisation de l'arsenal
nucléaire français devait «
désormais prendre
en considération les armes balistiques et de destruction massive dont se
dotent certaines puissances
».
Cette
inflexion de notre doctrine effectuée dès la fin de la
guerre froide
a été confirmée avec force et
précision le 8 juin 2001 par le Président de la République
qui a notamment déclaré :
- que nos forces nucléaires devaient nous donner la capacité
d'infliger des dommages inacceptables à tout Etat qui s'en prendrait
à nos intérêts vitaux, «
en toute circonstance
et quelles que soient la localisation ou la nature de la
menace
» ;
- qu'en cas de
menace émanant d'une puissance régionale
dotée d'armes de destruction massive
, «
le choix ne
serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays ou l'inaction. Les
dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en
priorité sur des centres de pouvoir, politique, économique et
militaire
».
Il apparaît clairement, au travers de ces déclarations, que notre
dissuasion ne s'exerce pas exclusivement à l'égard d'Etats
dotés d'armes nucléaires, conformément d'ailleurs au droit
inaliénable à la légitime défense consacré
par l'article 51 de la charte des Nation unies.
Les choix opérés en 1996 ont pleinement intégré
cette analyse de l'évolution du contexte stratégique, notre
concept ne se résumant plus à la dissuasion anti-cités
mais évoluant vers une
dissuasion adaptée à la nature
et à la variété des menaces.
Cette volonté
d'adaptation inspire les programmes de modernisation de nos deux composantes.
Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 précise à
cet égard que notre dissuasion nucléaire, toujours
caractérisée par un concept de non-emploi,
«
implique de disposer de moyens diversifiés permettant
d'assurer sa crédibilité face aux évolutions des menaces,
quelles que soient leur localisation et leur nature
. »
Concrètement, il s'agit d'être en mesure de menacer de
manière crédible une plus large gamme d'objectifs, grâce
à la variété des types de vecteurs et à
l'amélioration de leur portée et de leur précision, ainsi
qu'au renforcement de la capacité de pénétration des
têtes nucléaires, voire à la modulation de leur puissance
explosive.
Ces différents éléments sont au coeur des enjeux de la
modernisation des forces nucléaires au cours des quinze prochaines
années.
2. Les moyens d'une dissuasion adaptée à la nature et à la variété des menaces
Le
projet de loi de programmation rappelle qu'en matière de dissuasion,
l'objectif est de «
disposer, en toutes circonstances, d'une
capacité autonome et suffisante pour faire peser sur tout agresseur
potentiel une menace de frappe nucléaire
crédible
». Il souligne la nécessité de
maintenir le niveau d'invulnérabilité de nos deux
composantes
et d'
améliorer la souplesse de choix des
objectifs
.
Ce « contrat opérationnel » passe par la poursuite
de la modernisation des deux composantes, dont la complémentarité
permet d'offrir au Président de la République le maximum de
souplesse et de possibilités :
- une force océanique stratégique dotée de sous-marins
nucléaires de nouvelle génération emportant un missile
plus performant, le M 51,
- une composante aérienne à la fois plus visible et plus souple
d'emploi, elle aussi dotée d'un nouveau missile, l'ASMP/A.
Il passe également par des
moyens de simulation
qui garantissent
la fiabilité, et donc la crédibilité des armes
nucléaires en l'absence d'essais de vraie grandeur.
a) La composante océanique
Le
projet de loi de programmation militaire 2003-2008 poursuit la mise en oeuvre
des deux grands objectifs définis en 1996 pour la
force
océanique stratégique
.
Il s'agit tout d'abord d'achever le remplacement des SNLE de type
« Redoutable » par
4 sous-marins lanceurs d'engins de
nouvelle génération (SNLE-NG)
caractérisés
notamment par une invulnérabilité et une mobilité accrues
du fait de leur discrétion acoustique. Ce
format à 4
bâtiments
est considéré comme le minimum indispensable
pour assurer, compte tenu des cycles d'entretien, la permanence à la mer
de 2 bâtiments si nécessaire, et ce afin de parer la
neutralisation éventuelle de l'un d'entre eux.
Après l'entrée en service du Triomphant en 1997 et du
Téméraire en1999, l'admission au service actif des
deux
derniers SNLE-NG
est prévue fin 2004 pour le Vigilant et en juillet
2010 pour le Terrible, commandé en 2000.
Le deuxième objectif est, à l'horizon 2010, le remplacement du
missile balistique M 45
par un missile plus performant, le M 51
. Le
4
ème
SNLE-NG, le Terrible, sera directement
équipé du M 51. Les trois autres bâtiments seront
adaptés au nouveau missile à partir de 2010, à l'occasion
de leur période d'entretien majeur.
Le
missile
M 51
se caractérisera par une portée,
avec un chargement complet en têtes nucléaires, de l'ordre de
6 000 km, contre 4 000 km pour le M 45, ce qui permettra d'augmenter les
zones de patrouille. Les missiles M 51 seront équipés dans un
premier temps de la tête nucléaire TN 75 actuellement en service
sur le missile M 45 et des aides à la pénétration de ce
dernier, puis, à partir de 2015, de la nouvelle tête
nucléaire océanique (TNO) et d'un nouveau système d'aide
à la pénétration.
b) La composante aéroportée
La
composante aéroportée de notre force de dissuasion constitue le
complément nécessaire de la composante sous-marine
et se
caractérise par une
mobilité
et une souplesse d'emploi
permettant de
diversifier les modes de pénétration
. Mise
en oeuvre depuis le sol ou depuis le porte-avions, elle peut contribuer de
manière plus visible à l'exercice de la dissuasion.
La composante aéroportée repose sur trois escadrons de Mirage
2000-N de l'armée de l'air et sur les flottilles de Super-Etendard
modernisés de l'aéronavale, qui emportent le missile air sol
moyenne portée (ASMP), dont la portée varie de 300 km en haute
altitude à 80 km en basse altitude et qui est équipé de la
tête nucléaire TN 81.
La
composante aéroportée
sera
entièrement
renouvelée à partir de 2007
par l'entrée en service
des
Rafale Marine et Air
, le remplacement de l'ASMP par l'
ASMP
amélioré (ASMP-A)
et le remplacement de la TN 81 par la
nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA)
.
Les tête nucléaires TN 81 commenceront à être
retirées du service en 2007 pour être remplacées par les
TNA.
La livraison du
vecteur ASMP-A
devrait intervenir à partir de
2007. Il se caractérisera par une
portée et une
capacité de pénétration des défenses nettement
supérieures
à celles de l'ASMP.
L'ASMP-A équipera dans un premier temps un escadron de Mirage 2000-N, le
missile étant adapté à cet appareil. Dès 2008, un
escadron de Rafale Air sera équipé de l'ASMP-A, ainsi que la
flottille des Rafale marine. Le deuxième escadron de Rafale air sera mis
en service en 2015 et le troisième en 2017.
c) Le programme de simulation
La mise
en oeuvre du programme de simulation constitue un impératif pour notre
force de dissuasion car il conditionne
la garantie de la fiabilité et
de la sûreté des armes futures.
De l'ensemble des puissances nucléaires reconnues, la France se
distingue en ayant à la fois renoncé juridiquement aux essais
nucléaires, en ratifiant le traité d'interdiction complète
des essais nucléaires, et renoncé matériellement et de
manière irréversible à sa capacité d'effectuer de
tels essais, en démantelant les installations du Centre
d'expérimentations du Pacifique.
Or, les armes nucléaires vieillissent, du seul fait de
l'évolution naturelle des matériaux nucléaires qui les
composent, ce qui conduit à limiter la durée de vie de ces armes.
Il est désormais nécessaire d'assurer leur renouvellement sans
recourir aux essais de vraie grandeur.
Le
programme simulation
Un pôle d'excellence pour la recherche française
Eléments clés du programme de simulation, les
moyens
numériques Tera et les moyens expérimentaux comme le laser
mégajoule et son prototype, la ligne d'intégration laser (LIL),
constituent des
réalisations exceptionnelles
à la fois par
leurs caractéristiques techniques et par leurs performances. Ces
performances seront
mises à la disposition de la communauté
scientifique européenne
conformément à la politique
d'ouverture approuvée fin 2001 par le ministère de la
défense.
Il est ainsi prévu de favoriser, autour du centre CEA-DAM d'Ile de
France, le développement d'une « vallée
d'excellence » sur le calcul haute performance rassemblant
scientifiques et industriels (
projet « Valcim » :
vallée pour le calcul intensif et la modélisation).
De même, en Aquitaine, le CEA cherche à favoriser
l'établissement de liens cohérents entre les installations laser,
le milieu industriel, le monde de la formation et l'environnement scientifique
dans le cadre du projet «
route des lasers
» dans
lequel le comité interministériel pour l'aménagement et le
développement du territoire du 13 novembre 2002 vient d'officialiser
l'engagement de l'Etat.
Le projet Valcim
La machine Tera, en service sur le site de Bruyères-le-Châtel, est
aujourd'hui le
calculateur le plus puissant en Europe
(le
7
ème
au monde). Cette capacité a d'ores et
déjà été mise à profit pour effectuer des
calculs sur le génome
en juillet 2002 dans le cadre du projet
Teraprot. Ce projet qui réunit la puissance de calcul de Tera
(indispensable pour ces calculs), les performances du logiciel
Lassap
TM
d'analyse des génomes complets et l'expertise en
bio-informatique de l'université d'Evry constitue la
première
concrétisation de la volonté de faire bénéficier la
communauté scientifique des compétences et des moyens du
programme simulation
. Cette collaboration a été
formalisée par la signature, le 5 juillet 2002, d'une convention entre
le CEA et l'université d'Evry Val d'Essonne.
La décision de regrouper autour de Tera, dans le cadre de la
vallée numérique, les moyens de calculs haute performance pour
toutes les activités du CEA fournit l'opportunité de
développer de nouveaux
partenariats avec des acteurs scientifiques,
industriels, régionaux
, ayant des besoins dans ce domaine.
Le projet « route des lasers »
La LIL sera, dès fin 2003, le laser le plus puissant en Europe
en
terme d'énergie délivrée jusqu'à l'entrée en
service du
LMJ qui deviendra à la fin de la décennie, avec le
NIF (National Ignition Facility) américain, le laser le plus puissant au
monde.
Ces installations permettront d'étendre le domaine de la physique
accessible en laboratoire. Elles intéressent ainsi les chercheurs
concernés par la physique des très hautes températures et
des très hautes densités. Elles constituent, en effet, un
moyen unique pour simuler des phénomènes qui se manifestent
sous des conditions extrêmes
comme celles que l'on rencontre dans les
étoiles (protoétoiles ou supermovae) ou dans les noyaux
planétaires (milieux chauds et denses).
La politique d'ouverture à la communauté scientifique dans les
domaines de l'optique, des lasers et des plasmas s'est traduite par des
discussions entre le CEA, l'université de Bordeaux I et le CNRS, qui
vont se concrétiser par la création, début 2003, de deux
entités :
•
une structure régionale de recherche
, nouvelle
unité mixte de recherche (UMR) qui effectuera des travaux en
collaboration ouverte entre des personnels du CEA, de l'université et du
CNRS sur des thèmes précis dans les domaines des plasmas denses
et chauds d'une part, de l'optique et des lasers d'autre part ;
• une
structure de coordination nationale, l'institut lasers et
plasmas (ILP)
, point d'entrée pour les relations avec les
communautés civiles et les expériences
« ouvertes » sur la LIL et le LMJ, organisant le recueil et
l'évaluation des propositions d'expériences issues soit
directement des chercheurs de l'ILP, soit de la communauté
extérieure par un comité de programme indépendant.
La direction de l'ILP sera installée dans l'environnement bordelais de
façon à accentuer son couplage avec les installations en
Aquitaine.
Indépendamment des programmes défense, la communauté
scientifique s'accorde pour estimer que la
recherche sur les plasmas
bénéficierait grandement du couplage entre la LIL et un
laser
petawatt
(10
15
watts)
délivrant des impulsions
très courtes. Ce projet, porté par la région Aquitaine qui
en étudie actuellement le financement, permettrait de constituer une
installation unique
(LIL + Petawatt)
plaçant la France dans
une position remarquable pour aborder des secteurs de la physique aujourd'hui
inexplorés
comme les phénomènes fortement non
linéaires et la fusion par allumage rapide.
Le programme de simulation constitue l'un des volets d'une stratégie
visant à garantir la fiabilité et la sûreté des
armes futures, et reposant sur trois éléments
indissociables :
- le
concept de charges robustes
, moins soumis aux effets du
vieillissement et testé lors de l'ultime campagne d'essais, qui
caractérisera les futures têtes nucléaires
océaniques et aéroportées ;
- la validation, grâce à des
outils de simulation
, des
faibles écarts dus à la « militarisation » de
la charge nucléaire ou susceptibles d'apparaître au cours de la
durée de vie de l'arme ; elle justifie le développement des
moyens expérimentaux et des capacités de calculs prévus
par le programme de simulation ;
- enfin, la
certification
, par les concepteurs actuels ayant connu les
essais nucléaires, des
équipes nouvelles
qui seront
appelées, au seul moyen de la simulation, à évaluer les
conséquences de modifications du comportement des charges sur le
fonctionnement ou la sûreté des armes ; cette exigence de
passage de relais entre générations
conditionne le calendrier
du programme simulation
.
La mise en oeuvre du programme de simulation repose sur de
puissants moyens
de simulation numérique
fournis par des ordinateurs beaucoup plus
performants que ceux actuellement en service, et sur des
installations
expérimentales
permettant de valider les modèles physiques
décrivant les phénomènes essentiels du fonctionnement des
armes nucléaires : la machine radiographique Airix pour la visualisation
détaillée du comportement dynamique de l'arme, et le laser
Mégajoule pour l'étude des phénomènes physiques,
notamment thermonucléaires.
Dans le cadre du projet
Tera
, le CEA s'est doté fin 2001 d'une
machine « 5 terapflops » (5 milliards d'opérations
par seconde) qui multiplie par 100 sa capacité de calcul par rapport
à 1996 et en fait le premier centre européen de calcul. Deux
autres machines devant être livrées d'ici 2009 pour atteindre une
puissance de calcul de 100 teraflops.
La
machine radiographique AIRIX
, située à Moronvilliers
dans la Marne, est opérationnelle, dans sa version initiale, depuis la
mi-2000. Elle est vouée à l'analyse de la dynamique des
matériaux et permet d'étudier le fonctionnement non
nucléaire des armes, à l'aide d'expériences au cours
desquelles les matériaux nucléaires sont remplacés par des
matériaux inertes. L'ensemble complet devrait être
opérationnel en 2011.
Enfin, le
laser Mégajoule
qui sera installé au Barp, en
Gironde, est destiné à l'étude du domaine
thermonucléaire. Il permettra de déclencher une combustion
thermonucléaire sur une très petite quantité de
matière et de mesurer ainsi les processus physiques
élémentaires. Le développement du projet doit s'effectuer
en plusieurs étapes. La
ligne d'intégration laser (LIL)
,
prototype à 8 faisceaux du futur laser qui en comportera 240, a
été
mise en service en avril 2002
, ce qui devrait
permettre à la fin de cette année la validation des grands choix
technologiques de la chaîne laser de base du laser Mégajoule. La
mise à disposition du laser mégajoule à pleine puissance
est prévue pour 2009, les premières expériences d'ignition
et de combustion thermonucléaire étant envisagées pour fin
2011.
D'ores et déjà, les premières capacités fournies
par les premiers moyens expérimentaux et de calcul du programme
simulation contribuent au développement de la future tête
aéroportée.
3. L'impact financier de la dissuasion nucléaire dans l'effort de défense
Les
crédits affectés à la dissuasion nucléaire ont
atteint en 2001 leur point historiquement le plus bas, avec une dotation de
2,37 milliards d'euros courants représentant 18,7 % des crédits
d'équipement de la défense.
L'année 2002 a été marquée par un net redressement
des dotations, poursuivi en 2003.
Le projet de loi de programmation affecte à la dissuasion
nucléaire une
enveloppe représentant, sur 6 ans, environ 17
milliards d'euros,
soit une
annuité moyenne de 2,85 milliards
d'euros
.
Evolution des crédits de la dissuasion nucléaire de 1990 à 2008
Crédits de paiement |
Domaine nucléaire |
Titres V et VI défense |
Part |
||
milliards d'€ courants |
milliards d'€ 2003 |
milliards d'€ courants |
milliards d'€ 2003 |
nucléaire |
|
1990 |
4,89 |
5,94 |
15,57 |
18,91 |
31,4% |
1991 |
4,73 |
5,58 |
15,72 |
18,55 |
30,1% |
1992 |
4,55 |
5,27 |
15,69 |
18,15 |
29,0% |
1993 |
4,03 |
4,55 |
15,69 |
17,74 |
25,7% |
1994 |
3,31 |
3,68 |
14,47 |
16,09 |
22,9% |
1995 |
3,16 |
3,46 |
14,47 |
15,83 |
21,9% |
1996 |
2,97 |
3,20 |
13,56 |
14,62 |
21,9% |
1997 |
2,87 |
3,06 |
13,52 |
14,39 |
21,2% |
1998 |
2,53 |
2,67 |
12,27 |
12,94 |
20,7% |
1999 |
2,53 |
2,66 |
12,97 |
13,61 |
19,5% |
2000 |
2,42 |
2,52 |
12,92 |
13,45 |
18,7% |
2001 |
2,37 |
2,44 |
12,72 |
13,05 |
18,7% |
2002 |
2,65 |
2,68 |
12,27 |
12,40 |
21,6% |
2003 |
2,96 |
2,96 |
13,64 |
13,64 |
21,7% |
2004 |
3,03 |
3,00 |
14,75 |
14,60 |
20,5% |
2005 |
3,02 |
2,96 |
15,02 |
14,72 |
20,1% |
2006 |
2,93 |
2,84 |
15,29 |
14,84 |
19,2% |
2007 |
2,81 |
2,70 |
15,57 |
14,96 |
18,0% |
2008 |
2,76 |
2,63 |
15,85 |
15,08 |
17,4% |
Le tableau ci-dessus replace en perspective le budget programmé pour la dissuasion nucléaire d'ici 2008. Trois observations s'imposent :
- en
monnaie constante,
l'enveloppe affectée à la dissuasion
nucléaire pour la période 2003-2008
(environ 17 milliards
d'euros 2003)
sera supérieure d'environ 6,6 % à celle
attribuée lors de la précédente loi de programmation
(environ 16 milliards d'euros 2003) ;
- pour autant, la
dissuasion nucléaire ne représentera plus
que 19,5 % de l'effort d'équipement militaire
sur la
période 2003-2008, contre 20 % en moyenne de 1997 à 2002 ;
- enfin,
l'annuité moyenne
lors de la prochaine loi de
programmation est
inférieure de 40 % environ au niveau de l'effort
financier consacré à la dissuasion sur la période
1990-1996
.
Au-delà de ces variations, votre rapporteur souhaite souligner que, dans
le domaine de la dissuasion nucléaire plus que dans tout autre, le
niveau des besoins financiers découle directement des options politiques
définies pour notre posture : maintien de deux composantes,
adaptation de ces dernières aux exigences de crédibilité,
mise en oeuvre de la simulation à la suite de l'arrêt des essais.
La cohérence d'ensemble de nos choix implique nécessairement une
cohérence budgétaire
. Celle-ci n'a pas été
rompue au cours de ces dernières années, malgré des
abattements financiers qui ont entériné certains décalages
et réduit toute marge de manoeuvre. Elle est également
respectée avec le niveau de ressources prévu par le projet de loi
de programmation pour la période 2003-2008.
Sur la période, environ 2 milliards d'euros seront consacrés au
programme SNLE-NG, 2,8 millards d'euros au missile balistique M 51, 800
millions d'euros au missile aéroporté ASMP/A et 2,3 milliards
d'euros au programme simulation.
C. LE COMMANDEMENT, LES COMMUNICATIONS, LA CONDUITE DES OPÉRATIONS ET LE RENSEIGNEMENT (C3R) : UN RÔLE CROISSANT
La
France est certainement, en Europe, le pays qui a globalement consacré
le plus d'efforts aux différents domaines du commandement, des
communications, de la conduite des opérations et du renseignement, qui
composent le système de force « C3R ». La possession
d'une capacité nationale d'observation spatiale militaire en constitue
l'illustration la plus forte.
Il s'agit à la fois
pour la France
de
conforter ses ambitions
en matière d'autonomie stratégique
, en particulier dans le
domaine de l'appréciation de situation, et de
se doter des moyens les
plus indispensables au traitement des crises et des conflits modernes
.
Les capacités C3R concourent à toutes les fonctions de notre
défense, de la dissuasion et la prévention à la protection
et à la projection. Le nouveau contexte géostratégique
-montée de terrorisme, prolifération des armes de destruction
massive et de leurs vecteurs, renforce davantage encore le
rôle
central du renseignement
. La
maîtrise de l'information
, ainsi
que
la puissance et la rapidité des moyens de communication couvrant
des zones géographiques de plus en plus étendues
, jouent un
rôle toujours plus prépondérant dans les opérations
militaires. Après le conflit du Kosovo, un nouveau degré vient
d'être franchi en la matière lors des opérations
d'Afghanistan, au cours desquelles ont été massivement
utilisés les moyens de transmission à très haut
débit, notamment spatiaux, afin de raccourcir les délais entre le
recueil de l'information, la prise de décision et l'action sur
l'objectif.
Au cours de la période 1997-2002,
la France a réalisé
des progrès
. Un second satellite est venu compléter en 1999
le système Hélios mis en service quatre ans plus tôt. Le
programme successeur, Hélios II, a été lancé en vue
d'apporter à partir de 2004 une plus haute résolution et une
capacité d'observation de nuit. Les programmes de renouvellement de nos
satellites de télécommunications ou de nos moyens de recueil de
renseignements d'origine électromagnétique ont été
lancés. Les effectifs des services de renseignement ont
été renforcés.
Toutefois,
un retard préoccupant a été pris
en
matière de moyens de transmissions de données tactiques et
d'identification, ainsi que dans la modernisation des réseaux
d'infrastructure. Le programme Horus, qui devait permettre l'acquisition d'une
capacité d'observation tout temps par satellite radar, a
été abandonné faute de coopération possible avec
l'Allemagne.
Plus généralement,
un triple constat s'impose :
-
en dépit d'efforts méritoires,
les capacités
françaises dans le domaine C3R ne s'amélioreront que très
lentement
, du fait de moyens financiers limités,
-
l'écart déjà considérable avec les
Etats-Unis
, qui investissent massivement dans ce type de programme,
se
creuse quant à lui rapidement
, rendant de plus en plus difficile
l'interopérabilité et les conditions d'action en coalition,
-
à de rares exceptions près,
la coopération
européenne n'est pas parvenue à s'imposer
dans un domaine
où elle paraît seule à même de permettre un
changement d'échelle et l'acquisition de capacités
adaptées.
Dans ce contexte, il est heureux que le
projet de loi de programmation
prévoie un
renforcement significatif de nos capacités
,
avec la mise en service d'Hélios II, l'acquisition de drones pour le
renseignement de théâtre ou encore la mise à niveau des
moyens de commandement, même si ces avancées indispensables
laissent subsister, pour nombre d'années encore, des lacunes
évidentes.
C'est donc dans la perspective d'une
nécessaire accentuation de
l'effort dans la durée
que s'inscrivent les moyens mis en place par
le projet de loi de programmation au profit du système de forces C3R.
1. De nouveaux moyens de commandement et de communications
La prochaine loi de programmation verra l'achèvement d'une nouvelle architecture de nos moyens de commandement, dotant la France de la capacité de conduire des opérations multinationales . Dans le domaine des télécommunications, le satellite Syracuse III, améliorera nos capacités, moins que n'aurait pu le faire, cependant, une forte coopération européenne.
a) Des systèmes de commandement permettant de conduire des opérations multinationales
Le projet de loi de programmation permet de rendre « multinationalisables » les moyens de commandement de niveau stratégique ou de théâtre, qui seront dotés des systèmes d'information nécessaires à l'intégration de nos partenaires européens.
LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COMMANDEMENT OPÉRATIONNEL
La
hiérarchisation du commandement opérationnel est actuellement
définie en trois niveaux :
- le niveau stratégique : commandement de l'opération
chargé de planifier l'action militaire globale sous l'angle
politico-militaire et d'assurer le soutien logistique et opérationnel
des forces déployées :
- le niveau opératif : commandement des forces
déployées sur un théâtre, chargé de conduire
l'action militaire globale sur le terrain et de coordonner le soutien
logistique et opérationnel des composantes ;
- le niveau tactique : commandements de composantes Terre, Marine et Air
chargés respectivement de conduire l'action militaire dans les domaines
aéroterrestre, aéro-maritime, ou aérospatial.
Chacune de nos armées possède déjà la
capacité d'exercer au niveau tactique le commandement d'une force dans
le cadre d'une coalition
11(
*
)
. Cette
capacité sera prochainement étendue au niveau du commandement
interarmées de théâtre (niveau opératif) et au
niveau du commandement de l'opération elle-même (niveau
stratégique).
La création, le 1
er
septembre dernier, de la structure de
préfiguration du
centre de planification et de conduite des
opérations (CPCO)
, doit doter la France d'une capacité de
gérer une opération multinationale engageant de 40.000 à
50.000 hommes. Cette structure remplace l'actuel centre opérationnel
interarmées (COIA) et, tout en continuant à répondre aux
besoins nationaux,
pourra accueillir un état-major multinational
.
Équipée du système d'information et de commandement des
armées (SICA), elle devrait permettre dès 2003 de planifier et de
conduire, au profit de l'Union européenne, une opération de
niveau brigade, avant d'atteindre sa pleine capacité à l'horizon
2006.
Le
système d'information et de commandement des armées
(SICA)
doit contribuer à l'anticipation, au pilotage des crises et
à la conduite des opérations dans un contexte interarmées
et interallié, grâce à des services communs destinés
à tous les utilisateurs et des services spécifiques (conduite des
opérations, renseignement, logistique) adaptés à un
métier donné. Le programme prévoit la réalisation
de 1.400 postes SICA. Les premières capacités
opérationnelles ont été fournies en 2000. Le
déploiement de la totalité des postes sera achevé en 2004
et la mise au point d'une version 2 interviendra à l'horizon 2006.
S'agissant du niveau opératif, c'est-à-dire du
théâtre lui-même, une première
capacité de
déploiement d'un commandement interarmées
est
déjà acquise avec
l'Etat-major de force et
d'entraînement interarmées (EMFEIA
) créé
à Creil en septembre dernier. L'exercice Opéra, auquel votre
commission a assisté au mois de juin, en a validé le
fonctionnement sur la base d'un état-major de 150 postes. Le projet de
loi de programmation prévoit une mise à niveau, dans le cadre du
programme SICA, afin d'assurer l'interopérabilité de tous les
systèmes d'information et de commandement de niveau opératif,
ainsi qu'avec les alliés, l'objectif étant de fournir un
état-major de 500 postes en 2006. Cette exigence
d'interopérabilité est à nouveau apparue primordiale lors
des opérations d'Afghanistan.
b) Les télécommunications par satellites : des capacités accrues grâce à Syracuse III
Les
opérations d'Afghanistan ont illustré les
capacités
trop limitées qu'offrent actuellement nos liaisons satellitaires
. Il
s'agit à la fois de pouvoir assurer une couverture géographique
suffisamment vaste, dans l'hypothèse d'un engagement
éloigné de nos théâtres d'opérations
traditionnels, et de permettre la transmission rapide des données et des
images.
Par rapport à Syracuse II, dont il commencera à prendre le relais
à partir de 2003,
Syracuse III
permettra de répondre
à l'accroissement des besoins, grâce à un
débit
beaucoup plus élevé
(80 Mbits/seconde au lieu de 10
Mbits/seconde actuellement), à une
extension de la zone de
couverture
et à une
résistance accrue à la guerre
électronique
. Le nombre d'utilisateurs sera augmenté
grâce à la livraison de stations de réception
supplémentaires. La composante spatiale comportera 2 satellites en
orbite et un de secours au sol. La composante sol comportera des stations en
métropole ainsi que des stations mobiles. Le lancement est prévu
fin 2003 pour le premier satellite et en 2006 pour le second. La maîtrise
d'oeuvre est confiée à Alcatel Space et Thales.
Syracuse III couvrira les besoins de télécommunications
militaires par satellites sur la période 2004-2017.
En dépit de cette amélioration, on ne peut que regretter
l'échec de la coopération européenne
dans le
domaine des communications spatiales, après l'abandon du projet
Trimilsatcom auquel devaient participer, avec la France, le Royaume-Uni et
l'Allemagne, et ce malgré la similitude des besoins et leur relative
concordance dans le temps. Tout en permettant un allègement du
coût supporté par chaque pays, une telle coopération
européenne aurait évité une certaine redondance des
capacités dans les gammes de fréquences les plus courantes, alors
que
les besoins ne seront que très partiellement satisfaits pour la
transmission de données à haut débit
, indispensables
à la réduction des délais et au développement de
l'information en temps réel.
2. Les moyens de renseignement : un renforcement de l'imagerie
Dans le
domaine du renseignement, la période 2003-2008 sera marquée par
deux axes d'effort importants
:
- l'amélioration, avec l'entrée en service d'Hélios II, de
la
capacité d'observation par satellite
, qui dote
déjà la France d'une indépendance sans équivalent
en Europe pour l'analyse de situation stratégique,
- l'acquisition d'une première
capacité nationale en
matière de drones de reconnaissance de théâtre
, avec le
programme de drones de moyenne altitude longue endurance (MALE).
Parallèlement, l'amélioration des moyens de recueil de
renseignement propres à chaque armée sera poursuivie et les
effectifs des services de renseignements seront confortés.
Les efforts programmés méritent donc d'être
soulignés, même si l'on peut regretter que les retards pris au
cours des dernières années et l'ampleur des besoins financiers
à satisfaire pour sauvegarder la réalisation du modèle
d'armée 2015 ne permettent pas d'aller plus vite et plus loin dans un
domaine aussi crucial pour l'anticipation et la gestion des crises.
a) L'imagerie spatiale : une capacité accrue grâce à la confirmation du programme Hélios II et à la coopération européenne autour des satellites radars.
Le
système d'observation optique Hélios I est en service depuis 1995
et bénéficie, depuis décembre 1999, du
second satellite
Hélios I-B
, ce qui permet d'accroître la cadence de
renouvellement des images. Hélios I a été
réalisé en coopération avec l'Italie (à hauteur de
14,1 %) et l'Espagne (7 %). Chacun des partenaires bénéficie,
à hauteur de sa participation, d'un accès national et
confidentiel à la programmation et à l'exploitation, 20 % des
prises de vues étant toutefois communes aux trois pays.
La poursuite du programme vise à assurer la continuité du
système Hélios I par le système
Hélios
II
; le premier satellite Hélios II doit être prêt
au lancement au printemps 2004 et le deuxième satellite doit être
lancé 2008.
Hélios II
se caractérisera par des
performances bien
supérieures à celles d'Hélios I.
Les principaux
progrès seront les suivants :
- une
capacité infrarouge
permettant une observation de nuit et
par temps clair ainsi que la détection d'indices d'activités, de
jour comme de nuit ;
- une
amélioration de la résolution
(actuellement comprise
entre 1 et 2 mètres pour Hélios I) qui sera
inférieure au mètre et se déclinera selon deux modes,
la
haute résolution
et la
très haute
résolution
, permettant de reconnaître tous les objets
d'intérêt militaire ;
- une
réduction de moitié des délais d'acquisition
et de mise à disposition de l'information alors que
le nombre de
prises de vues sera multiplié par trois.
Au cours de l'année 2001, la
Belgique
puis l'
Espagne
ont
rejoint le programme Hélios II, chacun des deux pays participant
à hauteur de 2,5%.
Le
coût prévisionnel du programme Hélios II
s'établit actuellement pour le budget français de la
défense à 1,5 milliard d'euros.
Le projet de loi de programmation ne mentionne en revanche aucun financement
pour le
système successeur d'Hélios II
, dont les
premières études devraient impérativement être
lancées au cours de la période 2003-2008 afin d'assurer la
continuité du service après 2010.
En ce qui concerne l'
imagerie radar
, et après l'abandon du
programme Horus, l'
engagement allemand et italien dans des programmes de
petits satellites radar
pourrait
permettre l'accès de la
France, via ses partenaires européens, à une
capacité
d'observation « tout temps ».
La
France
et l'
Italie
ont signé en janvier 2001 un
accord général de
coopération
visant
à mettre en place un système d'observation spatiale à
vocation civile et militaire à partir des projets italiens Cosmo-Skymed
(quatre satellites radar et trois satellites optiques) et du projet
français Pléiades (deux satellites optiques
développés par le CNES).
Initialement dédié à une activité civile, le
système Cosmo-Skymed a fait l'objet d'une étude d'application
militaire. Les satellites d'observation radar devraient être mis en
orbite entre 2003 et 2005. Les satellites d'observation optique seraient
déployés entre 2006 et 2008. Le coût global du
système est évalué à 1 070 millions d'euros (
composante radar : 570 millions d'euros, composante optique :
440 millions d'euros, segment sol ; 60 millions d'euros).
Un protocole d'accord entre les ministères de la défense
français et italien sur le partage des ressources des satellites radar
italiens et l'accès au système Hélios II est en cours
d'élaboration.
L'Espagne a également exprimé sa volonté d'être
associée au projet franco-italien Cosmo-Skymed/Pléiades.
Par ailleurs, la
France
et l'
Allemagne
ont signé le
30
juillet 2002
un
accord de coopération portant sur la
fédération des systèmes Sar-Lupe et Hélios II
et sur l'
échange de droit de programmation
sur chacun de ces
systèmes.
Le
programme allemand Sar-Lupe
est un projet de système
satellitaire, composé de cinq mini-satellites munis de capteurs
d'imagerie radar. La phase de définition s'est achevée en mai
2001. L'objectif de mise en orbite du premier satellite est fixé
à 2004 et la constellation complète devrait être
opérationnelle à l'horizon 2006. Le coût
prévisionnel du programme serait de 380 millions d'euros.
L'intérêt de la coopération autour de ces projets
réside essentiellement pour la France dans la possibilité
d'acquérir ainsi un accès aux capacités d'observation tout
temps, en offrant une alternative au projet d'observation radar Horus
abandonné faute d'accord franco-allemand.
Enfin, en vue de favoriser l'émergence d'un système
européen complet de reconnaissance par satellite, un document
définissant le «
besoin opérationnel
commun
» a été signé par les chefs
d'état-major des armées français, allemand, italien et
espagnol.
Il s'agit par ce document, ouvert à la signature d'autres chefs
d'état-major européens, de préciser les performances et
les architectures requises à court et à moyen termes pour un
futur système global de défense et de sécurité
européen d'observation par satellites, dans les spectres du visible, de
l'infrarouge et du radar.
Dans un premier temps, un tel système peut fonctionner par
échanges de capacités entre systèmes nationaux, à
travers des segments sols utilisateurs. Au-delà de l'actuelle
décennie, il serait souhaitable de procéder à une commande
globale européenne.
b) Les drones de reconnaissance : vers un renforcement des capacités nationales à l'horizon 2008
Le drone
prend désormais une place croissante dans les opérations
militaires du fait de son endurance qui lui permet d'assurer des missions
répétitives, y compris dans un environnement à hauts
risques.
Le drone répond au
besoin de surveillance et de reconnaissance
image ou électronique de jour comme de nuit et par tout temps. Il permet
la
désignation et l'illumination d'objectifs
au profit des armes
guidées. Enfin, il peut constituer un
relais de communications
pour les forces engagées sur un théâtre.
En matière de
drones pour le renseignement de
théâtre
, une première expérimentation a
démarré avec l'achat, en 1995, du
drone Hunter
de
construction israélienne, dont l'endurance varie de 4 à 12 heures
et qui pourrait également être utilisé pour la
désignation d'objectif laser. Le Hunter devant être retiré
du service en 2003, l'armée de l'air doit acquérir le
système de
drone Eagle
, proposé par EADS et
l'israëlien IAI. Ce drone permettra de disposer, avec 3 engins et deux
stations sol, d'une capacité de surveillance tout temps à longue
distance.
Le système Eagle, doté d'une endurance de 12 heures à une
distance de 1000 kilomètres, constituera une capacité
intérimaire dans l'attente de la réalisation du
programme
national de drone MALE
(moyenne altitude longue endurance),
12 engins
étant commandés
au cours de la prochaine loi de programmation
pour des
premières livraisons envisagées en 2009
.
Le système MALE fournira une capacité de surveillance tout temps
à longue distance. Il doit être doté d'une capacité
de désignation laser ainsi que de transmission de données par
satellites.
D'une endurance de 24 heures à une distance de 1000 kilomètres,
le futur drone MALE opérera à une altitude de l'ordre de 15 000
mètres.
A terme, un total de 24 engins, répartis en 6 systèmes de 4
drones, et 25 stations sol sont prévus, pour un coût global de 1,1
milliard d'euros sur 15 ans. Ce programme sera conduit en coopération
avec les Pays-Bas, tout en restant ouvert à d'autres pays
européens qui voudraient le rejoindre.
Par ailleurs, un système de
drones haute altitude longue endurance
(HALE)
est désormais inscrit au modèle d'armée. Le
lancement de son développement ne fait pour l'instant l'objet d'aucun
financement et pourrait être renvoyé au delà de 2008.
Au niveau
tactique
, les
drones de l'armée de terre
(drones
rapides CL 289, drones lents Crécerelle et Sperwer) seront
renouvelés avec le programme de
drones tactiques multicapteurs
multimissions (MCCM)
, qui prévoit la fourniture de 80 drones, dont
40 seront commandés au cours de la loi de programmation et 10
livrés, avec 2 stations, en 2008.
Le coût global du programme est estimé à 450 millions
d'euros. Les drones tactiques MCCM effectueront des missions de recueil de
données de champ de bataille, de désignation d'objectifs et de
guerre électronique.
Votre rapporteur renouvelle son souhait d'une
accentuation de l'effort
d'équipement et de recherche en matière de drones
, et
souhaite que les marges de manoeuvre éventuelles dégagées
lors de l'exécution de la loi de programmation permettent
d'
accélérer et de renforcer les livraisons
par rapport
à l'échéancier actuel.
c) Les autres moyens de recueil de renseignement
En
dehors du domaine du renseignement stratégique, relevant des
systèmes d'observation satellitaire, plusieurs programmes sont
destinés à renforcer les capacités des armées pour
le recueil et l'exploitation du renseignement de théâtre ou du
renseignement tactique.
En matière de
renseignement d'origine image
, et hors contribution
d'Hélios I, nos capacités reposent actuellement sur les Mirage IV
P de reconnaissance aérienne et sur les programmes de drones.
S'agissant de la reconnaissance aérienne, le
Mirage IV P
a encore
démontré lors des opérations d'Afghanistan sa grande
utilité, en effectuant de très nombreuses missions au profit du
recueil du renseignement. Toutefois, cet appareil approche de son
échéance de fin de service. Le retrait du Mirage IV P
réduira notre capacité de reconnaissance stratégique car
cet appareil qui opère à très haute altitude et
possède un très large rayon d'action offre des avantages
jusqu'à présent inégalés par les autres vecteurs
aériens.
Cette lacune sera progressivement comblée par l'emploi de drones, mais
également par l'acquisition de 23
nacelles de reconnaissance
aéroportées
(Reco NG), dont 21 seront commandées et
9 livrées d'ici 2008. Ces nacelles équiperont tant les
appareils de l'armée de l'air que ceux de la Marine. A la
différence des nacelles du Mirage IV P, elles fourniront des
images
numériques
qui pourront être transmises en temps
quasi-réel en cours de vol.
Dans le domaine du
renseignement d'origine
électromagnétique
, le système
Sarigue-NG
(Système aéroporté du recueil d'informations de guerre
électronique de nouvelle génération), qui a
succédé au DC8 Sarigue, a été mis en service en
2002, avec un retard de l'ordre de deux ans par rapport au calendrier
prévu. Mis en oeuvre par l'escadron électronique de
l'armée de l'air, cet appareil à long rayon d'action est
voué au recueil de renseignements relatifs aux radiocommunications et
aux radars.
Le programme
MINREM
(Moyen interarmées navalisé de
recherche électronique) est pour sa part entré dans une
première phase, avec le transfert sur le Bougainville des moyens dont
disposait le Berry, retiré du service actif à la fin 1999. La
seconde phase consiste à améliorer la capacité
d'écoute de ce bâtiment, afin d'adapter la charge utile aux
signaux des émetteurs de la nouvelle génération. Quant au
nouveau bâtiment destiné à remplacer le Bougainville, sa
commande est intervenue. Il s'agira d'un
bâtiment optimisé,
dès sa conception, pour l'écoute électronique
, avec
une capacité supérieure de traitement de l'information. Sa
livraison n'est envisagée que pour 2006, soit un décalage de
2 ans par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002.
La rénovation des deux
transalls Gabriel
se poursuit et devrait
s'achever à l'horizon 2006.
Par ailleurs, les moyens d'écoute procurés par les
détachements autonomes des transmissions
relevant des
différents services de renseignement font l'objet d'opérations de
remise à niveau.
Aux moyens de recueil de renseignement de théâtre, il convient
d'ajouter les
moyens tactiques
à disposition de chaque
armée : le pod Astac équipant les Mirage F1CR, les nacelles
de reconnaissance des Super-Etendard de la Marine ou encore, dans
l'armée de terre, le système radar Horizon embarqué sur
hélicoptère Cougar qui a été engagé au
Kosovo..
d) Les services de renseignement
Les
services de renseignement, principalement la Direction générale
de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction du
Renseignement militaire (DRM) ont bénéficié durant la
période 1997-2002 d'une augmentation régulière et
significative, de l'ordre de 20 %, de leurs effectifs civils et militaires
(environ 750 postes supplémentaires pour la DGSE et 250 pour la DRM).
Le projet de loi de programmation conforte cette orientation, sans pour autant
poursuivre l'augmentation des effectifs sur un rythme aussi
élevé, la
création d'une centaine de postes
seulement étant évoquée.
Votre rapporteur se demande si cette augmentation sera suffisante compte tenu
des besoins générés par l'entrée en service de
nouveaux moyens de recueil de renseignement et par l'extension des
activités dans des domaines tels que le contre terrorisme et la lutte
contre la prolifération.
Il tient également à souligner que le renforcement quantitatif
des moyens humains devra s'accompagner d'une action visant à
préserver et renforcer l'attractivité des carrières,
tant civiles que militaires
.
Les services de renseignement éprouvent notamment des besoins
particuliers dans certaines spécialités (informaticiens,
locuteurs de langues rares), ce qui implique un effort de recrutement et de
formation. D'autre part, les militaires rejoignant ces services n'y trouvent
que rarement des perspectives de carrière comparables à celles
qu'offrent leur armée d'origine.
Il importera donc de veiller au statut professionnel et financier des
personnels des services de renseignement, notamment pour parvenir à une
meilleure réalisation des postes budgétaires.
3. De nombreux besoins encore insatisfaits qui imposent une coopération européenne accrue
Le
projet de loi de programmation militaire prévoit pour la période
2003-2008 une
stabilisation du budget spatial militaire
. Si les
crédits doivent progresser d'ici 2005, ils reviendront en 2008 à
un niveau comparable à celui du point bas atteint en 2000, le
montant
annuel moyen
du budget spatial militaire étant, comme au cours de la
période 1997-2002, de l'ordre de
450 millions d'euros
. Cette
stabilisation se traduit en réalité par une diminution de la part
des dépenses d'équipement spatial dans l'ensemble des
dépenses en capital de la défense, part qui descendra à
3 %, au lieu de 3,4 % au cours des six dernières années.
Cette évolution est pour le moins paradoxale, au moment où la
part prise par les moyens spatiaux dans toutes les grandes fonctions d'une
défense moderne est de toute évidence appelée à
s'accroître. L'illustration la plus éclairante à cet
égard étant fournie par les
Etats-Unis
qui
consacrent
au domaine spatial militaire 8 à 10 % de leur budget de la
défense
, soit
vingt fois plus que tous les pays européens
réunis
(2,7 milliards d'euros pour l'actuelle année fiscale).
Certes, la France est en Europe le pays dont le budget spatial militaire est le
plus élevé et qui dispose des capacités les plus
étendues, principalement grâce à son satellite
d'observation optique Hélios I.
Pour autant, l'effort programmé sur les prochaines années va
stagner et ne permettra que le simple maintien, par renouvellement des
matériels actuels, des capacités spatiales, auxquelles seront
apportées quelques améliorations.
C'est donc la voie de la
complémentarité européenne
qui semble aujourd'hui conditionner l'
extension des capacités
spatiales
auxquelles notre pays pourrait accéder, à
défaut de les posséder intégralement en propre.
Quelques progrès ont récemment été
enregistrés sur ce terrain, même si d'importantes lacunes
subsistent.
Le domaine de l'
alerte avancée
, constitue un axe d'effort
indispensable, à l'heure où les capacités balistiques
à courte et à moyenne portée se développent dans de
nombreux pays.
La France s'est limitée en la matière à des
études d'architecture
. Elles visent à mesurer la
valeur d'un concept d'un ou plusieurs satellites géostationnaires
dotés de détecteurs infrarouge, capables de détecter la
phase propulsive des missiles balistiques de moyenne et longue portée
(au-dessus de 1 000 km de portée). Un tel système, capable
d'effectuer dès le temps de paix des missions de renseignement et de
contrôle de la prolifération balistique, permettrait
également de confirmer l'identification du pays lanceur. En
matière de trajectographie, l'utilisation de constellations importantes
de satellites infrarouge en orbite basse observant les objets sur fond d'espace
est nécessaire.
Ces études, qui pourraient déboucher sur la réalisation
d'un démonstrateur, sont confirmées par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008 qui prévoit l'acquisition d'une
première capacité antimissile balistique.
Par ailleurs, une
étude de faisabilité concernant la
défense antimissiles des troupes en opération
a
été lancée par l'OTAN. Cette étude, qui devrait
s'achever en 2004, sera menée par deux équipes industrielles. Une
partie de cette étude portera sur les systèmes d'alerte
avancée, basés dans l'espace ou par radar basé au sol. Les
Américains proposent de partager avec l'Alliance les données
provenant de leur système d'alerte avancée satellitaire futur
(SBIRS).
En tout état de cause, et au-delà de ces études,
l'acquisition d'une capacité spatiale d'alerte avancée
apparaît désormais indispensable, mais son coût milite pour
la recherche d'une coopération européenne.
En matière d'
écoute électromagnétique,
la
France, en complément de ses moyens terrestres, navals et
aériens, a déjà expérimenté des
capacités d'écoute à partir de l'espace dans les domaines
de l'activité radar et des radiocommunications, obtenant des
informations à partir de capteurs embarqués sur les satellites
Helios I. Par ailleurs, dans le cadre du programme Essaim, le lancement de
trois micro-satellites destinés à l'écoute des
communications est prévu en 2004. Toutefois,
aucune suite n'est pour
le moment envisagée
pour ces programmes expérimentaux.
La
surveillance de l'espace
vise à détecter et identifier
tous les objets spatiaux et participe de ce fait à la prévention
de la militarisation de l'espace et au renseignement sur l'activité
spatiale militaire. Le ministère de la défense dispose du radar
expérimental Graves, l'Allemagne développant également un
radar expérimental. Toutefois, à l'issue de la « revue
de programmes », en 1998, la France a renoncé à
développer cette capacité, et ici encore, aucune perspective
n'existe en Europe pour le développement d'un système
opérationnel de surveillance de l'espace, rendant cette dernière
dépendante des données fournies par la Russie ou les Etats-Unis.
Au total, l'état-major des armées a estimé que
l'acquisition d'une capacité spatiale européenne militaire
minimale mais performante dans l'ensemble des domaines intéressant la
défense représenterait un investissement de l'ordre de 8,9
milliards d'euros, soit un flux annuel moyen de 785 millions d'euros.
Coût d'une capacité spatiale militaire européenne
Applications |
Coût du programme
|
Durée de vie du programme |
Coût annuel
|
Télécommunications |
3 100 |
15 |
207 |
Observation |
2 300 |
10 |
230 |
Écoute |
1 220 |
10 |
122 |
Surveillance espace |
760 |
10 |
76 |
Alerte avancée |
1 500 |
10 |
150 |
Total |
8 880 |
|
785 |
(Source : Etat-major des armées)
On
constate que le coût annuel d'un tel système dépasse
largement le niveau actuel du budget spatial militaire, appelé à
se situer en moyenne à 450 millions d'euros par an au cours de la
prochaine loi de programmation militaire 2003-2008.
Pour autant, s'il était réparti entre pays européens, il
deviendrait très accessible.
Il reste à savoir si une volonté politique pourra s'affirmer dans
ce domaine, d'autant qu'elle impliquerait d'accepter un plus grand partage du
renseignement.
Dans le cadre du plan d'action européen pour les capacités
(processus ECAP) destiné à mettre en oeuvre les moyens
nécessaires à la constitution de la force d'action
européenne, un groupe est plus particulièrement chargé de
définir les besoins en matière spatiale. Il serait indispensable
que les divers domaines énoncés ci-dessus, dans lesquels figurent
d'importantes lacunes, soient retenus.
D. PROJECTION ET MOBILITÉ : LE DÉFICIT NE SERA COMBLÉ QU'À MOYEN TERME
Les
engagements dans les Balkans puis les opérations d'Afghanistan ont
confirmé le
rôle clef de la capacité de projection
immédiate
, que ce soit par voie aérienne ou maritime, ainsi
que
du transport aéromobile de théâtre
.
Malheureusement, la France accuse dans ces domaines des
faiblesses bien
identifiées qui iront en s'accentuant dans les années à
venir
, notamment pour le transport aérien.
Le constat est connu, mais il est utile de le rappeler.
Le rapport au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation
militaire 1997-2002 estime que «
l'arrivée tardive de
l'A-400 M ne permettra pas d'enrayer la
chute de notre capacité de
projection aérienne
. Celle-ci
ne satisfait actuellement que 40%
du contrat opérationnel
12(
*
)
alors
même que la flotte de Transall est confrontée à une
dégradation de sa disponibilité liée à son
vieillissement
».
Le rapport ajoute que «
la
capacité de transport
maritime stratégique
, qui s'appuie essentiellement sur des moyens
amphibies,
ne couvre que 15 à 20% du besoin
13(
*
)
», ce qui suppose en cas
d'opération l'affrètement de navires civils ou de la
réquisition de navires marchands battant pavillon français
Enfin, il souligne «
le vieillissement
accéléré du parc d'hélicoptères
Puma
», provoquant une «
diminution de sa
disponibilité et une
dégradation des capacités de
transport aéromobile de théâtre
qui ne
pourront pas
être redressées avant une dizaine d'années
en raison
de l'arrivée tardive des premiers NH 90 destinés à
l'armée de terre
».
Il est clair que la correction de ces lacunes très importantes exigerait
des ressources sans commune mesure avec l'enveloppe financière, pourtant
réévaluée, prévue par le présent projet de
loi de programmation.
Ce dernier prévoit les financements nécessaires à la
poursuite des programmes A 400 M et NH 90, ainsi qu'à la
rénovation du parc d'hélicoptères Cougar et d'une partie
du parc Puma.
Il renforce les capacités initialement prévues par le
modèle d'armée 2015 en permettant l'acquisition de deux Casa 235
supplémentaires et de deux avions de transport à très long
rayon d'action ayant une vocation multirôles en vue de leur usage comme
ravitailleurs, ainsi qu'en prévoyant la mise en service de deux
bâtiments de projection et de commandement.
Les ressources prévues pour le système de forces
« projection-mobilité » durant la période
2003-2008 sont les suivantes:
( en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
AP |
151 |
313 |
96 |
67 |
879 |
124 |
1 630 |
CP |
250 |
440 |
429 |
397 |
387 |
543 |
2 445 |
Ces
inflexions sont positives, mais leur impact limité imposera des
solutions palliatives pour satisfaire le besoin opérationnel.
Les capacités américaines et britanniques de projection et de
mobilité
. Etats-Unis
Pour le
transport stratégique aérien, les Etats-Unis disposent de 888
avions de transport (10 fois plus que la France) et 563 ravitailleurs en
vol (14 en France).
Dans le domaine amphibie, le rapport des capacités est de 1 à 20
en faveur des Etats-Unis, notamment grâce à une force maritime
prépositionnée (
Maritime Prepositioning Force
) s'appuyant
sur des bâtiments civils et militarisés employés en
permanence et acquis par des formules de
leasing
. Cette force est
répartie en deux à trois
squadrons
, chacun d'entre eux
ayant
la capacité de soutenir et d'armer une brigade de
Marines
(13 500 hommes avec leurs véhicules, 110 avions
de combat et 120 hélicoptères).
La capacité américaine de transport tactique par
hélicoptères est environ dix fois supérieure à la
capacité française. Les Etats-Unis possèdent plus de 600
hélicoptères lourds, la France ne disposant pas de ce type
d'appareil.
. Royaume-Uni
Les capacités de projection par voie aérienne et de ravitaillement en vol du Royaume Uni sont supérieures à celles de la France et le resteront jusqu'en 2015. Sa capacité de projection autonome de forces de réaction immédiate par voie maritime est deux fois supérieure à la capacité française. De plus, le Royaume Uni va accéder à très court terme à une capacité autonome de transport stratégique maritime en se dotant de 6 navires rouliers ( Roll on - Roll off ) par le mode de financement original PFI ( Private Financed Initiative ). La possession d'hélicoptères lourds donne également à ce pays un avantage significatif pour le transport aéromobile de théâtre.
PROJECTION ET MOBILITÉ - PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global
|
Coût unitaire
|
CP 2003 -2008 |
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
50
avions de transport
|
Acheminement ou parachutage (à l'exception des chars lourds) |
6.455 |
109,5 |
1.451 |
Commande globale de 50 appareils en 2001 ;
|
Airbus Military Compagny
|
Allemagne, Belgique, Espagne, France, Royaume-Uni, Turquie |
2 bâtiments de projection et de commandement |
Opérations amphibies ou aéromobiles ; accueil d'un PC interarmées multinational |
614 |
278 |
233,3 |
Admission au service actif du BPC n°1 fin 2005 et du BPC n°2 fin 2006 |
DCN (maître d'oeuvre principal) |
|
160 hélicoptères NH 90 |
Transport tactique tout temps (armée de terre) ; lutte anti-navires et anti-sous-marine, soutien (Marine) |
5 939 |
19,1
(TTH)
|
838,2 |
27
Appareils NFH (Marine) commandés en 2000 avec 7 livraisons de 2005
à 2008
|
Eurocopter |
Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal.. |
Rénovation de 45 hélicoptères Puma et de 24 Cougar |
Hélicoptères de transport |
322 |
4,6 |
213,3 |
41
rénovations Puma et 24 Cougar commandées de 2004 à
2008
|
Eurocopter |
|
1. La capacité immédiate de projection aérienne : la longue attente de l'A-400M imposera des mesures palliatives
Dès 1984, l'armée de l'air a formulé
le
besoin d'un avion de transport moderne
, qui conserverait les bonnes
capacités tactiques du Transall, mais dont les capacités
logistiques permettraient de
projeter les nouveaux matériels lourds
et volumineux
que la flotte existante ne pouvait prendre en charge.
Avec la France, sept autres pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie,
Portugal, Royaume-Uni et Turquie), réunis par un besoin
opérationnel identique, ont conduit un projet commun d'avion de
transport futur et ont choisi en juillet 2000 l'
avion A 400 M
développé par Airbus Military Company
14(
*
)
.
L'A 400 M pourra acheminer et parachuter la plupart des matériels en
service, hormis les chars lourds. Il pourra transporter 32 tonnes sur un rayon
de 3 700 km, ou 25 tonnes sur 5 500 km.
La France, confrontée au vieillissement de son parc d'avions de
transport, dont l'âge moyen est de 22 ans, avait prévu de
commander
50 avions A 400 M
pour faire face à
l'inévitable retrait des 46 Transall les plus anciens, qui
s'échelonnera de 2005 à 2009.
Ce calendrier a été totalement remis en cause par les
péripéties politiques et financières qui ont
affecté le programme, du fait des hésitations de l'Allemagne,
premier client potentiel de l'appareil, avec 73 commandes initialement
prévues, le Portugal puis l'Italie s'étant parallèlement
retirés du projet.
Votre rapporteur ne reviendra pas sur les éléments d'un
débat qui a tenu en haleine, des mois durant, une grande partie des
responsables politiques et des industriels de défense européens.
Comme on le sait, les incertitudes sont désormais levées par
l'
engagement public du ministre allemand de la Défense
,
le 4
décembre 2002, de porter les commandes de son pays à 60
exemplaires (contre 73 prévus initialement).
Cette baisse de 13
unités reste compatible avec l'équilibre financier du programme
et ne le remet donc pas substantiellement en cause. Il devra cependant, avant
d'être formellement lancé, être approuvé
définitivement par le Bundestag, probablement au mois de mars 2003.
Dans l'hypothèse d'un lancement du programme dans les toutes prochaines
semaines, la
livraison des trois premiers appareils
interviendrait pour
la France au mieux fin 2008 et plus
vraisemblablement en 2009
.
Les sommes affectées au programme A-400 M par le projet de loi de
programmation s'établissent comme suit :
en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total 03-08 |
AP* |
|
|
|
|
|
|
0 |
CP |
60 |
161 |
226 |
269 |
309 |
426 |
1 451 |
*6
662 millions d'euros ont été inscrits en autorisations de
programme par les lois de finances rectificatives pour 2000 et 2001.
L'échéancier de livraison désormais prévu
entraînera une
situation critique dès 2005
, date de retrait
des premiers Transall
et jusqu'en 2012
, date à laquelle les
premières livraisons d'A-400 M permettront d'accroître le nombre
d'appareils de la flotte de transport.
En 2015, la France sera en mesure de satisfaire 80% de son objectif
capacitaire, qu'elle ne réalise aujourd'hui qu'à 40%. Mais entre
temps, elle aura subi une nouvelle dégradation, évaluée
à un cinquième par rapport au niveau actuel. Aussi, les
limitations rencontrées lors des opérations d'Afghanistan, qui
ont imposé l'affrètement d'appareils Antonov 124, iront en
s'accentuant.
Quelles sont les
solutions envisagées
pour remédier
à ce déficit capacitaire ?
Le premier axe d'effort vise à
optimiser le parc d'appareils en
service
, en recherchant une
meilleure disponibilité des
appareils
, à travers l'action de la SIMMAD et le redressement des
crédits de maintien en condition opérationnelle, et en
préservant au mieux le potentiel des Transall
, l'objectif
étant de ralentir la déflation du parc.
Le projet de loi de programmation prévoit par ailleurs l'
acquisition
de deux autres Casa CN 235,
qui seront
livrés en 2005 et 2006
et complèteront les 20 exemplaires déjà en service.
Troisièmement, le
recours aux capacités de nos partenaires
européens
sera accentué en s'appuyant sur la cellule de
coordination du transport aérien européen d'Eindhoven,
déclarée opérationnelle en juin 2002.
Enfin, l'
affrètement d'avions commerciaux,
déjà
couramment utilisé, pour nos diverses opérations de projection,
pourra toujours intervenir en complément des moyens militaires, lorsque
les délais et les conditions de risque le permettent.
La location d'avions gros porteurs (Antonov voire C 17) pourrait
éventuellement compléter ce dispositif.
2. La nécessaire modernisation des moyens de transport à long rayon d'action
La
flotte logistique « moyen et long courriers » de
l'armée de l'air est actuellement composée de 3 A310 et de 2
DC8-72. Ceux-ci sont destinés à couvrir les besoins de transport
des armées, notamment ceux induits par l'acheminement des forces de
souveraineté et d'interventions lointaines.
Les deux DC 8-72 sont considérés comme peu fiables et
coûteux en maintenance, du fait de leur obsolescence. Leur remplacement
par
deux appareils à très long rayon d'action
, qui
pourraient ultérieurement être transformés en avions
multirôles de transport et de ravitaillement en vol (multirôle
transport tanker-MRTT), prévue par le projet de loi de programmation,
est envisagée dès 2004. Sur ce point, le choix du type d'appareil
n'est pas encore fait.
En effet, la guerre du Golfe, le conflit en Bosnie et la campagne
aérienne du Kosovo ont mis en évidence le
déficit
français de capacité de ravitaillement en vol
. A
l'échelle de l'Europe, ce déficit est encore plus important,
puisque l'engagement d'un dispositif européen d'avions de combat
nécessiterait entre 70 à 80 ravitailleurs
15(
*
)
que l'Union européenne est loin de compter. La
capacité nationale actuelle de ravitaillement en vol est fondée
sur un parc utile de 11 C135 (ravitaillement et fret) et de 3 KC 135
(ravitaillement seul ; acquis en 1997, ils devraient être pleinement
interopérables avec les alliés à l'issue de leur
rénovation qui interviendra au-delà de la période de
programmation). Ce parc lui-même, qui n'est pas cohérent avec le
modèle d'armée 2015 (20 avions dont 6 MRTT), s'avère
lui-même sous-dimensionné si on applique le ratio désormais
admis d'un ravitailleur pour 4 à 5 avions de combat
déployés. Enfin, la flotte de ravitaillement en vol doit
être capable de participer à la mise en oeuvre de la composante
aéroportée de la dissuasion.
L'inclusion prochaine, dans notre parc aérien, d'avions
multirôles, à l'image de ceux dont disposent déjà
les britanniques, constitue une
innovation très utile
. C'est
d'ailleurs avec ce type d'appareils polyvalents qu'il est prévu, au
delà de 2008, de compléter notre flotte de ravitailleurs.
3. La modernisation de la capacité de projection maritime
La
capacité de transport maritime, qui vise l'objectif de projection d'un
groupement interarmes de type blindé léger de 1400 hommes, repose
actuellement sur quatre transports de chalands de débarquement (TCD),
dont les deux plus récents ont été admis au service actif
ces dernières années, mais dont les deux plus anciens (l'Orage et
l'Ouragan) datent des années 1960 et devront prochainement être
retirés du service.
Ils seront remplacés par
deux bâtiments de projection et de
commandement (BPC),
le
Mistral
et le
Tonnerre
, dont la
livraison est prévue en 2005 et 2006
.
Ce programme vise à donner une capacité de projection de forces
par voie aérienne ou maritime dans le cadre d'opérations
amphibies, de missions de temps de crise, d'opérations
aéromobiles ou de transport opérationnel. Les BPC auront
également pour mission de second rang le soutien en matière de
santé d'une opération à terre.
Le BPC, d'un déplacement d'environ 21 000 t à pleine
charge, peut transporter et mettre en oeuvre des moyens nautiques (engins de
débarquement amphibie), des hélicoptères de la classe 12
tonnes, des véhicules (chars, véhicules de combat,...) et
accueillir des combattants (troupes de combat, état-major des PC).
Ce programme, auquel 233 millions d'euros seront affectés d'ici 2008,
permettra à la France de disposer de bâtiments capables de
participer à des opérations amphibies et aéromobiles, de
façon autonome ou dans un cadre multinational.
Ces
capacités d'accueil de PC interarmées multinational
de
niveau opératif
16(
*
)
embarqué
conforteront la capacité de la France à assumer les
responsabilités de nation cadre. Le groupe amphibie constitué
autour de ces bâtiments sera capable de transporter et de mettre à
terre un groupement blindé léger (1400 hommes et leurs
véhicules), par hélicoptères ou par la batellerie amphibie
du BPC.
DCN dispose de la maîtrise d'ensemble de ce programme, les chantiers de
l'Atlantique (Alstom) intervenant comme sous-traitant principal de la
plate-forme navale.
4. Une situation critique en matière d'hélicoptères de transport
Durant les dernières décennies, les
hélicoptères de transport ont vu leurs missions se
multiplier : évacuation sanitaire, soutien logistique dans les
opérations spéciales et le recueil du renseignement, transport
tactique des unités d'infanterie.
Leur rôle est irremplaçable dans les opérations sur les
théâtres extérieurs
: environ 20% des Puma et
Cougar de l'armée de terre sont en permanence déployés
à l'extérieur du territoire national.
Ces engagements multiples dans les missions de présence ou de
souveraineté, de crise ou encore de service public conduisent à
une forte sollicitation des équipages, et à un sur-emploi des
équipements, comme votre rapporteur l'avait souligné dans son
rapport effectué à ce sujet
17(
*
)
,
au printemps 2002.
Le parc d'hélicoptères de transport est actuellement de 144
appareils, dont 101 Puma et 21 Cougar. Le Puma, construit par Eurocopter, est
entré en service à partir de 1969, et les livraisons en ont
été échelonnées jusqu'en 1987. L'âge moyen du
parc est de 21 ans.
Le Cougar est un hélicoptère bimoteur dérivé du
Puma, construit également par Eurocopter ; ses 21 unités ont
un âge moyen de 10 ans. Quatre autres Cougar sont affectés, dans
la version « Horizon », aux missions de renseignement
grâce à leur radar d'une portée de 150 km.
L'ensemble de ce parc accuse une
faible disponibilité
opérationnelle
du fait de son âge élevé et de
son fort taux d'utilisation ; elle se situait, en moyenne, à 60 %
pour les deux types d'appareil en 2002.
Le renouvellement du parc d'hélicoptères de transport
n'interviendra qu'en 2011
, date à laquelle
le nouvel
hélicoptère NH 90 sera livré à l'armée de
terre
. La commande de 34 appareils est prévue en 2007,
34 autres l'étant en 2010.
Rappelons que ce programme, conduit en coopération entre l'Allemagne, la
France, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal, prévoit
une version
marine (NFH)
, consacrée à la lutte anti-sous-marine et
anti-navire à partir de frégates, au soutien et au transport
à partir de bâtiments ainsi qu'à la surveillance et
à la sauvegarde hauturière, dont les premiers exemplaires
entreront en service en 2005, et
une version terrestre (TTH)
, permettant
le transport tactique de 14 à 20 commandos ou d'un véhicule
léger de combat en zone ennemie par tous les temps.
Votre rapporteur a souligné dans le rapport précité tous
les
inconvénients qui résultent de l'arrivée tardive du
NH 90 dans l'armée de terre française
, alors que la
Bundeswehr en sera équipée 7 ans plus tôt, en 2004.
Certes, l'avancement des premières livraisons à 2007, qui ne
présente pas d'obstacle sur le plan industriel, aurait
représenté un coût difficilement supportable
évalué entre 650 millions et un milliard d'euros pour 24
appareils.
Il est cependant regrettable que la
recherche de solutions de financement
innovantes
n'aient pas été poussée plus à fond
au cours de ces dernières années, alors que le lourd
déficit capacitaire en matière d'aéromobilité
était prévisible. Votre rapporteur avait évoqué la
possibilité d'un préfinancement par des organismes bancaires ou
encore la dissociation de
l'achat des appareils et de celui des stocks
de rechanges, l'industriel garantissant la fourniture de ces rechanges, en
assurant la gestion et livrant à la demande les pièces
nécessaires.
Ces possibilités n'ont guère été explorées
et la
rénovation partielle du parc existant
a été
retenue comme palliatif. L'armée de terre devra ainsi financer
concurremment la remise à niveau d'appareils anciens et le
développement d'un appareil moderne, sans éviter une chute de
capacité.
L'actuel gouvernement n'a pu que confirmer cette orientation, compte tenu des
échéances désormais très rapprochées du
lancement de ce programme qui portera sur une
rénovation à
mi-vie de la totalité des 24 Cougar
, qui devront être
utilisables jusqu'en 2025, et la
rénovation de 45 Puma
. Cette
opération sera dotée de 213 millions d'euros de 2004 à
2008, pour un coût global de 322 millions d'euros dont 111 pour le
Cougar, et 211 pour le Puma.
Il faut souligner que les rénovations envisagées (changement
complet de l'avionique pour les Puma, avec adjonction d'un système
d'observation infrarouge, de contre-mesures électroniques
renforcées, d'un détecteur d'alerte missile, et la pose de
moteurs Makila en fonction sur les Cougar; modernisation globale de ces
derniers) seront réalisées de façon groupée, pour
réduire leurs coûts. Elles s'étaleront, de 2006 à
2010, pour ne pas trop peser sur la disponibilité opérationnelle
des appareils.
En 2008, les 24 Cougar et 29 des 45 Puma auront été
rénovés.
E. FRAPPE DANS LA PROFONDEUR : UNE ACCENTUATION NOTABLE DE NOS CAPACITÉS
1. Un système de forces déterminant dans le nouveau contexte stratégique
Déjà soulignée à la suite du
conflit
du Kosovo, la
nécessité de pouvoir délivrer des frappes
précises, par tout temps et où que se situent les objectifs
,
a été pleinement illustrée lors de la réponse, en
Afghanistan, aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, qui imposait de
réduire un adversaire peu visible sur un théâtre
d'opérations lointain.
Les priorités d'aujourd'hui diffèrent de celles de la guerre
froide : grâce aux nouvelles capacités de projection et de
mobilité, l'objectif principal consiste à frapper, si possible
par surprise, à l'intérieur du territoire hostile. Il n'y a plus
de « lignes ennemies », et les forces à
détruire s'appliquent à se mêler à des populations
civiles pour susciter la réprobation des opinions publiques des
puissances impliquées, en cas de dommages affectant les non-combattants.
C'est pourquoi les capacités de frappe dans la profondeur doivent
permettre la destruction d'objectifs précisément localisés
à l'intérieur d'un territoire qui ne peut être
considéré comme globalement ennemi. Ces frappes doivent pouvoir
être effectuées par tout temps et avec suffisamment de
précision pour limiter le plus possible les pertes humaines et
matérielles sur le territoire en cause, comme parmi les forces
armées qui interviennent.
La frappe dans la profondeur requiert des
moyens
diversifiés
: une capacité d'action aérienne
à partir de la terre ou à partir de la mer, afin de pouvoir agir
sur des théâtres éloignés, des armes de frappe
à longue distance et de précision qui s'affranchissent de
contraintes telles que la nuit ou le mauvais temps, une capacité
d'actions ponctuelles au sol dans la profondeur du dispositif adverse.
Cette capacité stratégique, essentielle à la
crédibilité de la France sur la scène internationale, par
le caractère effectif des actions armées qu'elle serait en mesure
de mener, si besoin était, n'est pas au niveau souhaitable au regard de
l'évolution des menaces et du potentiel qu'exige la conduite de telles
actions. Elle est affectée par l'indisponibilité
régulière du groupe aéronaval et par un potentiel
limité en armes de précision. Si elle demeure, avec celle des
britanniques, la plus importante en Europe, elle doit être
renforcée pour répondre à la dégradation de
l'environnement international et à l'émergence, loin de nos
frontières, de menaces pouvant gravement affecter notre
sécurité.
Les capacités américaines et britanniques de frappe à
longue distance
. Etats-Unis
La capacité de frappe des
Etats-Unis
est maximale dans tous les
domaines. Les forces aériennes basées à terre ou
embarquées disposent de plus de 4000 avions de combat capables de mener
des missions d'attaque au sol dont 210 à très long rayon d'action
du type B52, B1 ou B2.
Les armements mis en oeuvre sont performants, nombreux et variés et
permettent tous les types de frappes :
- bombes à guidage (GPS, laser) de précision métrique tout
temps, aux effets multiples : souffle, incendiaire, forte
pénétration, non-létal (bombe au graphite, micro ondes de
forte puissance) ;
- missiles de croisière, en service dans les 3 armées dont la
portée s'échelonne de 150 à 2000 kms.
Actuellement, 11 porte-avions nucléaires sont disponibles et plus de
1000 avions de combat peuvent être embarqués.
La capacité de suppression des défenses aériennes ennemies
(SEAD) repose sur une composante de brouillage offensif dans la totalité
du spectre électromagnétique et sur l'emploi d'un armement
dédié à base de missiles anti-radiation Harm. 120 avions
du type EA 6B « Prowler » sont spécialement
dévolus à cette mission. Ils sont en cours de modernisation et
devraient être remplacés à la fin de la décennie par
le EAF 18 « Growler » en cours de développement.
Les forces spéciales sont estimées à environ 46 000
hommes, instruits et équipés pour effectuer des missions
« non conventionnelles » en totale autonomie. Les
unités appartiennent aux 3 armées mais sont regroupées au
sein d'un commandement unique.
. Royaume-Uni
Globalement, la capacité britannique de frappe dans la profondeur est
comparable à celle de la France. Environ 350 avions de combat (Tornado,
Jaguar, Harrier) peuvent mettre en oeuvre un armement conventionnel à
base de bombes à guidage de précision ou de missiles de
croisière avec la récente mise en service du missile
« Storm Shadow », version britannique du Scalp EG
français. La capacité de tir de précision métrique
tout temps ne sera détenue qu'au milieu de la décennie.
Contrairement à la France, la Grande-Bretagne ne dispose pas de
véritable porte-avions mais de 3 porte-aéronefs sans catapultes
mettant en oeuvre des avions à décollage court et atterrissage
vertical du type Harrier. En revanche, sa flotte sous-marine est
équipée de missiles de croisière américains
à changement de milieu Tomahawk. En matière de SEAD, aucune
capacité de brouillage offensif n'a été
développée mais l'armée de l'air met en oeuvre le missile
antiradiation Alarm de conception nationale.
Les forces spéciales sont jugées équivalentes à
celles de la France (environ 1500 hommes) avec une capacité de
projection toutefois supérieure (hélicoptère lourds).
Le projet de loi de programmation engage ce renforcement de nos moyens
grâce à la décision de lancer en 2005 la construction d'un
second porte-avions, à la poursuite, sans nouveau retard, de la
livraison du Rafale, aux programmes d'armes de précision - missiles de
croisière ou armes guidées- et aux moyens nouveaux dévolus
aux forces spéciales.
Durant la période 2003-2008, les ressources prévues pour le
système de forces « frappe dans la profondeur » sont
les suivantes:
( en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
AP |
1 172 |
1 188 |
2 222 |
3 827 |
890 |
614 |
9 912 |
CP |
1 355 |
1 707 |
1 907 |
1 983 |
2 015 |
2 074 |
11 041 |
2. Le lancement d'un second porte-avions : le choix de la cohérence
L'admission au service actif du porte-avions Charles de
Gaulle,
en 2001, a permis d'améliorer très notablement notre
capacité d'action depuis la mer, mais depuis le désarmement
anticipé du Foch, en 2000, et vendu depuis au Brésil, la
permanence du groupe aéronaval n'est plus assurée.
Notre modèle d'armée comportait la livraison d'un second
porte-avions , sous réserve «
que les conditions
économiques le permettent
». Il a été
décidé de
lever cette hypothèque
et
d'inscrire
définitivement cet équipement à la liste de nos
capacités
. La commande du second porte-avions interviendra en 2005
pour une livraison à l'horizon 2014.
Cette décision, confortée par la démonstration du
rôle irremplaçable du groupe aéronaval lors de
l'opération Héraclès
18(
*
)
,
vise également à mettre fin à l'incohérence faisant
de notre pays une puissance « intermittente »,
dépourvues de ses capacités de riposte et de frappe à
partir de la mer durant l'immobilisation pour entretien de son unique
porte-avions (six mois en 2003, dix-huit mois en 2006, la révision
portant alors sur les chaudières nucléaires).
Seul un second bâtiment, assurant la permanence du groupe
aéronaval, donne également toute sa cohérence à
l'investissement considérable déjà effectué pour la
construction du Charles-de-Gaulle et surtout pour l'acquisition d'un groupe
aérien embarqué composé de Rafale et d'avions de guet
Hawkeye.
FRAPPE DANS LA PROFONDEUR - PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global
|
Coût unitaire
|
CP 2003 -2008 |
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
1 porte-avions |
Frappe dans la profondeur et maîtrise du milieu |
- |
Entre 1 600 et 3.2 selon l'architecture |
550 |
Commande en 2005, livraison avant 2014 |
A définir |
Envisagée avec le Royaume-uni |
60 avions de combat Rafale marine et 234 Rafale air |
Attaque au sol tout temps, supériorité aérienne, frappe nucléaire, appui feu rapproché, reconnaissance, ravitaillement en vol, assaut à la mer |
31.335 |
De 44,7 (monoplace air) à 57,8 (monoplace marine) |
8 471 |
31
Rafale marine commandés et 21 livrés de 2003 à 2008
|
Dassault-Aviation |
|
500 missiles de croisière SCALP-EG |
Neutralisation d'infrastructures par des frappes de précision métrique à longue portée |
786 |
0,85 |
411,1 |
500 missiles livrés de 2003 à 2007 |
MDBA/Bae |
Royaume-Uni, Italie, France |
250 missiles de croisière navals |
Frappe par missile de croisière depuis la mer (frégates et sous-marins) |
Entre 747 et 823 |
|
156,1 |
250 missiles commandés en 2006 pour des livraisons à partir de 2011 |
MBDA |
|
100 missiles anti-piste Apache |
Missile de croisière tout temps de précision décamétrique pour la neutralisation des pistes d'aérodrome |
675 |
1,61 |
63,6 |
Livraison des 45 derniers missiles en 2003 et 2004 |
MDBA |
|
3000 munitions guidées air-sol modulaires AASM |
Frappe à distance de sécurité et de précision métrique ou décamétrique |
408 |
de 0,8 (précision décamétrique) à 1,01 (précision métrique) |
221,4 |
Commande des 3000 munitions achevée en 2005 ; 1104 munitions livrées de 2005 à 2008 |
SAGEM. |
|
10 hélicoptères Cougar MK2-EC 725 |
Opérations spéciales ; recherche et sauvetage au combat |
307,8 |
27,6 |
316,7 |
10 livraisons de 2004 à 2006 |
Eurocopter |
|
Notre collègue André Boyer a
récapitulé, dans un rapport d'information paru en mai
2000
19(
*
)
, l'ensemble des raisons qui
conduisaient votre commission des affaires étrangères et de la
défense à plaider en faveur du lancement de la construction d'un
second bâtiment. Elle ne peut donc aujourd'hui qu'approuver pleinement le
choix du Président de la République et du Gouvernement.
Le projet de loi de programmation affecte 550 millions d'euros de
crédits de paiement à compter de 2004 et jusqu'en 2008 pour
financer des études préalables. Le lancement de la
réalisation interviendrait en 2005 et nécessiterait, sur la
période de la programmation, environ 1,2 milliard d'euros
d'autorisations de programme.
L'échéance retenue pour la
mise en service
opérationnelle du bâtiment est fin 2014
au plus tard.
Dans ce cadre financier et chronologique, trois hypothèses sont à
l'étude :
soit la construction d'un autre porte-avions à
propulsion nucléaire
, bénéficiant des acquis,
adaptés et modernisés, de la construction du Charles-de-Gaulle et
disposant des avantages liés à ce type de propulsion (large
autonomie) ;
soit la construction d'un porte-avions à propulsion
classique
, dont la maintenance est moins contraignante, notamment en
durée d'immobilisation, mais qui ne bénéficie pas de
l'autonomie d'emploi, ni donc de « l'allonge »
découlant de la propulsion nucléaire.
Ce bâtiment
pourrait être construit soit de façon autonome, soit
-troisième hypothèse-
en coopération avec la
Grande-Bretagne
. Ce pays vient, en effet, de lancer les études
préalables à l'acquisition de deux porte-avions d'environ
50 000 tonnes pour en doter sa flotte, qui ne dispose pour l'heure que de
porte-aéronefs.
La phase d'études a été ouverte au sein du
ministère de la défense pour évaluer les
différentes options. La coopération éventuelle avec les
britanniques pourrait, en effet, prendre plusieurs formes, se limiter à
certains équipements ou porter sur l'ensemble de leur programme.
3. L'arrivée très attendue du Rafale
Notre parc d'avions de combat en ligne va progressivement évoluer avec l'entrée en service du Rafale, selon l'échéancier suivant :
Avions de combat |
2002 |
2003 |
2005 |
2008 |
2015 |
Rafale (Air) |
0 |
0 |
10 |
50 |
150 |
Mirage 2000-5 F |
30 |
30 |
30 |
30 |
30 |
Mirage 2000 C/B |
80 |
80 |
80 |
60 |
20 |
Mirage 2000 D |
60 |
60 |
60 |
60 |
60 |
Mirage 2000 N |
60 |
60 |
60 |
40 |
40 |
Mirage F1 CR |
40 |
40 |
40 |
40 |
0 |
Mirage F1 CT |
40 |
40 |
40 |
20 |
0 |
Mirage F1 C/B |
20 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Jaguar A |
20 |
15 |
0 |
0 |
0 |
Mirage IV P |
5 |
5 |
0 |
0 |
0 |
Total Armée de l'air |
355 |
330 |
320 |
300 |
300 |
Super Etendard modernisés |
29 |
29 |
29 |
10 |
- |
Rafale (Marine) |
9 |
9 |
9 |
28 |
40 |
Total Marine |
38 |
38 |
38 |
38 |
40 |
Total avions de combat |
393 |
368 |
358 |
338 |
340 |
La
cible définitive du programme Rafale est de 294 appareils, dont 234 pour
l'Armée de l'air (dont 139 biplaces) et 60 pour la Marine (dont 35
biplaces).
La Marine dispose, depuis la fin 2001, de 10 Rafale monoplaces au standard F1
(air-air).
Le développement du standard F2 a été lancé
à la fin de l'année 1998-pour une
mise en service en
2006
-, qui
équipera la première unité de
l'armée de l'air
, et les livraisons à venir pour renforcer la
marine. Ce standard permettra une polyvalence accrue, avec une
amélioration des capacités air-air du F1, et une
intégration des capacités air-sol incluant l'utilisation des
missiles Scalp et AASM
;
Le standard F3
(objectif de mise en service en 2009) intégrera
des capacités anti-navires, avec l'utilisation du missile air-mer AM 39
Exocet (pour la version marine), d'une nacelle de reconnaissance de nouvelle
génération, et de l'ASMP-A, qui permettra la frappe
nucléaire.
L'appareil, du fait de sa polyvalence, devra être à même
d'utiliser tous les armements modernes, dont les MICA et les
MIDE-Météor.
Le projet de loi de programmation affecte à ce programme les
financements suivants :
(en M€ 2003)
Programmes |
M€ |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total 03-08 |
Rafale
|
AP |
706 |
930 |
1051 |
1 090 |
1 157 |
1 198 |
6 134 |
CP |
702 |
638 |
696 |
2 260 |
405 |
451 |
5 152 |
|
Rafale Marine |
AP |
265 |
248 |
136 |
950 |
185 |
43 |
1 807 |
CP |
250 |
313 |
363 |
448 |
471 |
463 |
2 308 |
Il faut souligner que l'effort financier sera plus soutenu de 2005 à 2008. Ces crédits permettront les commandes et les livraisons décrites dans cet échéancier :
|
|
<2003 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Ult. |
||||||||||
Rafale Air |
C(1) |
36 |
46 |
0 |
0 |
48 |
0 |
0 |
104 |
||||||||||
L(2) |
3 |
0 |
5 |
10 |
13 |
14 |
15 |
174 |
|||||||||||
Rafale |
C |
25 |
13 |
0 |
0 |
18 |
0 |
0 |
4 |
||||||||||
Marine |
L |
10 |
0 |
0 |
0 |
6 |
6 |
7 |
31 |
(1) commandes
(2) livraisons
Les sommes affectées par le projet de loi au programme Rafale lui
permettront donc de prendre enfin une consistance critique, alors que son
évolution a été, jusqu'à présent, lente et
chaotique, faute de régularité dans les financements
prévus. Rappelons en effet que le développement a
été lancé en 1986 pour le moteur et 1988 pour la cellule,
le programme étant entré en phase de production en 1992, pour des
premiers vols d'appareils de série en 1998.
Au total, la société Dassault Aviation, chargée du
programme,
estime à 9 ans le retard subi
.
Les autres industriels engagés dans cette réalisation sont, pour
les moteurs, la Snecma ; pour les radars, le système optronique
secteur frontal (OSF), et les nacelles de reconnaissance nouvelle
génération : Thales ; et, pour le système de
contre-mesures Spectra : Thales et MBDA.
L'ampleur du programme Rafale a pâti de ces contretemps, financiers et
industriels, mais le strict respect des commandes et livraisons prévues
par le projet de loi permettra à nos forces de disposer d'appareils
moins nombreux, mais plus performants qu'aujourd'hui.
Les bénéfices attendus du Rafale, sous ses différents
standards, par l'armée de l'air et la marine, ne pourront être
pleinement pris en compte qu'avec un strict respect des sommes qui y sont
affectées par le présent projet de loi.
4. L'accès aux indispensables capacités des munitions de précision
En
l'espace d'une décennie,
l'utilisation des missiles et bombes de
précision s'est généralisée
et tend à
devenir l'une des caractéristiques des opérations militaires
modernes. Les munitions guidées représentaient en effet 35% des
armes délivrées lors des opérations du Kosovo, contre
moins de 10% lors de la guerre du Golfe. Au cours de la
campagne
d'Afghanistan
, la
part des munitions guidées
a
été porté à
85%
, ne laissant qu'un
rôle marginal aux autres types de munitions. Les Mirage et Super Etendard
français ont d'ailleurs exclusivement délivré des bombes
guidées laser.
Nos capacités en munitions de précision sont cependant
actuellement limitées
et l'on peut rappeler que l'insuffisance de
nos stocks avait imposé, lors des opérations du Kosovo en 1999,
l'achat d'urgence à un industriel américain, dans de mauvaises
conditions de coût, de bombes guidées laser.
En matière d'aviation de combat
, la mission d'attaque au sol
à longue distance est assurée par 1 escadron de
Jaguar (15
appareils)
, 2 escadrons de
Mirage F1CT (40 appareils)
et 3 escadrons
de
Mirage 2000-D (60 appareils)
pour l'armée de l'air, et par 2
flottilles de
Super Etendard modernisés
(
28 appareils
) pour la marine. Les Mirages F1CR (2 escadrons),
Mirage 2000-N (3 escadrons) et Mirage 2000-RDI (2 escadrons) ont
également une capacité air/sol, mais limitée (armement non
guidé) dans le cadre de leur mission secondaire. Quant groupe
aérien embarqué, il est tributaire de la disponibilité du
porte-avions « Charles de Gaulle », limitée en
moyenne à 60% du temps.
L'
armement
air/sol de précision
en service dans
l'armée de l'air et l'aéronavale est constitué du
missile AS30L
et des
bombes à guidage laser de
précision métrique
; il est utilisable de jour comme de
nuit, mais uniquement par beau temps.
Aucune capacité de tir de précision métrique tout temps
n'est disponible pour le moment. Le système d'armes du Mirage 2000D
(inertie+GPS) permet toutefois le tir par tous les temps de bombes lisses sur
coordonnées avec une précision de l'ordre de 50m.
Ces performances seront notablement améliorées par la future
nacelle Damoclès
au profit de la Marine
.
Cette nacelle de
désignation par laser sera équipée, pour effectuer ses
repérages et cibler ses objectifs, d'une caméra TV d'une
portée d'environ 25 km, avec un écran de report, installée
dans la cabine de pilotage. Cette nacelle permettra des missions de
reconnaissance, d'identification et d'illumination par laser de cibles, de jour
comme de nuit.
Son utilisation, qui se substituera progressivement à des
équipements moins performants, réduira la
vulnérabilité de l'équipement qu'elle équipera,
ainsi que les dommages collatéraux.
Enfin,
ce bilan est altéré par l'
absence de
capacité en matière de suppression des défenses
aériennes ennemies (SEAD)
, que ce soit par brouillage offensif, ou
armement spécialisé.
Un renforcement dans le domaine des munitions de précision est donc
nécessaire, car la polyvalence des Rafale ne trouvera sa pleine
utilité qu'avec une
gamme plus large d'armements performants, plus
précis et utilisables par tous temps
, adaptés à la
diversité des situations opérationnelles.
A cet égard, le projet de loi de programmation apporte d'incontestables
éléments de satisfaction, puisqu'il prévoit la mise en
service de
missiles de croisière
et de l'
armement air-sol
modulaire (AASM)
, qui offrira une capacité de tir de
précision tout temps sur coordonnées. Ces éléments
positifs doivent toutefois être nuancés dans la mesure où
la montée en puissance de nos capacités s'effectuera lentement,
renvoyant par exemple très au delà de 2008 la livraison du
missile de croisière naval.
a) L'armement air-sol modulaire (AASM)
Le
développement du contrat de réalisation du programme
d'armement air-sol modulaire (AASM)
a été notifié
en septembre 2000.
L'utilité de ce type d'armement, employé pour neutraliser ou
détruire les cibles terrestres a été mise en valeur par le
conflit du Kosovo. Son faible coût relatif en fait un complément
des missiles de croisière Scalp, dont les performances les
réservent à des objectifs plus difficiles à frapper.
L'AASM permet le tir à distance de sécurité (entre 15 et
50 km) de corps de bombes de 250 kg, avec une précision d'impact
décamétrique ou métrique.
Trois versions sont prévues:
décamétrique tout
temps
(guidage inertie et GPS),
métrique beau temps
(guidage
infrarouge) et
métrique tout temps
(guidage radar).
Les premières livraisons de la version décamétrique, qui
équiperont les Mirage 2000 D, ainsi que les Rafale, marine et air,
s'effectueront à compter de 2005.
La version métrique beau temps commencera à être
livrée à compter de 2007.
Quant à la version métrique « tout temps »,
sa réalisation débutera en 2005, avec une commande de 135
unités en 2007, livrables à partir de 2010.
Au total, il est prévu de disposer de 3.000 munitions, dont 2.000 pour
l'armée de l'air, et 1.000 pour la Marine. Ces 3.000 munitions seront,
pour 1452 d'entre elles, de précision décamétrique et,
pour 1548, de précision métrique. Leur réalisation est
confiée à la société SAGEM S.A.
Environ 220 millions d'euros seront consacrés à ce programme de
2003 à 2008.
b) Les missiles de croisière
.
Le
missile anti-piste Apache
Le
missile anti-piste Apache
,
qui vient d'entrer en dotation,
représente la première capacité tout temps dont se soit
dotée la France. La livraison du premier missile a été
effectuée en 2002 pour un objectif total de 100 en 2004.
L'Apache constitue l'armement tactique principal du Mirage 2000-D. C'est un
missile modulaire ayant pour mission la neutralisation, par tous les temps et
à une distance de sécurité de 140 km au maximum, de bases
aériennes par la destruction des pistes et des aires
bétonnées au moyen de sous-munitions à charges classiques.
Ce missile possède un système de navigation par inertie,
aligné sur l'avion lanceur et recalé en croisière à
la fois par GPS, corrélations d'altitude et d'images radar. Ces
caractéristiques lui permettent de réaliser des approches
autonomes à très basse altitude, en suivi de terrain
programmé ; son radar assure également la détection
et l'identification de l'objectif. Le missile emporte dix sous-munitions de
cratérisation de 50 kg.
Une soixantaine de millions d'euros en crédits de paiement restent
à affecter sur ce programme d'ici 2005.
. Le missile Scalp d'emploi général (EG)
La nouveauté technologiquement la plus en pointe est
présentée par le programme de
missile de croisière
à longue portée d'emploi général (Scalp EG)
.
Véritable arme de frappe dans la profondeur, il est affecté
à la neutralisation d'infrastructures, et équipera à la
fin de l'année 2003 les Mirage 2000-D, puis les Rafale F2 de la marine
et de l'armée de l'air à partir de 2006.
Les performances du Scalp-EG, qui a été développé
à partir du missile « Apache », sont en nette
progression au regard des possibilités de ce dernier.
Avec une précision d'impact métrique sur une cible qu'il
détecte et identifie par imagerie infrarouge, sa portée est de
plus de 400 km en vol à basse altitude (sans vent, et sans suivi de
terrain). Il peut également voler à très basse altitude
avec un suivi de terrain programmé. Il bénéficie d'une
faible signature radar.
Sur les 500 missiles prévus, 450 seront affectés à
l'armée de l'air et 50 à la marine.
Ce programme est développé en coopération avec le
Royaume-Uni, élargie à l'Italie en 1999, avec une commande de 200
missiles par ce pays.
Les premiers tirs de qualification se sont achevés en 2002, et les 500
livraisons prévues s'échelonneront de 2003 à 2007, sous la
maîtrise d'oeuvre industrielle de MDBA France.
. Le missile Scalp naval
La nécessité de diversifier les plate-formes de tir, pour couvrir
toutes les capacités en matière de frappe par missile, imposait
le développement d'un programme de missile naval.
Aussi a-t-il été décidé, en 2000, d'utiliser
l'acquis du Scalp-EG pour développer un programme de
missile de
croisière naval,
visant à conférer à notre
marine une capacité de frappe de cette nature à partir de
bâtiments de surface et de sous-marins.
Le missile Scalp naval devrait présenter des caractéristiques
analogues à celles du Scalp-EG (notamment une bonne précision de
navigation, et un système de guidage terminal autonome), avec une
portée supérieure, de l'ordre de 500 à 1 000 km.
Il est prévu de passer une commande de 250 missiles en 2006, ainsi que
de 50 dispositifs de changement de milieu en vue d'équiper les
sous-marins nucléaires d'attaque. L'objectif est d'équiper les
frégates à partir de 2011, et les sous-marins d'attaque
Barracuda, à partir de 2015. L'enveloppe prévue sur la loi de
programmation est de 156 millions d'euros en crédits de paiement.
Votre rapporteur renouvelle sa remarque suggérant l'étude des
possibilités d'avancer le calendrier de livraison du missile Scalp
naval. Nous disposerions ainsi plus tôt d'une capacité de frappe
à partir de la mer, très utile compte tenu des limitations qui
peuvent s'imposer aux actions aériennes, du fait de l'éloignement
éventuel des théâtres d'opération. En outre, une
accélération du calendrier du Scalp naval relancerait
l'intérêt d'une coopération européenne avec les pays
partenaires du programme Scalp-EG (Royaume-Uni et Italie), compte tenu
notamment des échéances d'équipement britanniques. Il
reste toutefois à examiner comment un tel calendrier resterait
compatible avec la mise au point de la version destinée à
équiper les sous-marins d'attaque, qui suppose vraisemblablement des
délais de développement plus importants.
5. Un appréciable renforcement des équipements des forces spéciales
Regroupées au sein du commandement des
opérations
spéciales (COS), les
forces spéciales
comptent environ 2
000 hommes issus des trois armées et répartis entre :
- des unités commandos (1 000 hommes du 1er RPIMA, 400 fusiliers marins
commandos des cinq commandos marine, 200 hommes du commando parachutiste de
l'air n°10) ;
- des formations aériennes spécialisées (
hélicoptères Puma et Cougar du détachement
opérations spéciales de l'aviation légère de
l'armée de terre, hélicoptères et avions de transport
spécialisés de l'armée de l'air).
Le 13
ème
régiment de dragons parachutistes (900
hommes) a été intégré cet été
à
la
nouvelle brigade des forces spéciales
« terre » créée le 1
er
juillet
2002
, qui se verra également transférer, avant
l'été 2003, un régiment de la 11
ème
brigade parachutiste.
À la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2002, le
concept d'emploi des forces spéciales
a été
infléchi pour tenir compte de la probabilité accrue d'un
engagement au sein d'une éventuelle coalition, alors qu'il
n'était jusqu'à présent envisagé de ne les utiliser
que sous commandement national. Les opérations d'Afghanistan ont mis en
valeur l'
action des forces spéciales en liaison avec celle des avions
de combat
, voire des drones, notamment pour le guidage laser des frappes
aériennes. La nécessaire
complémentarité
, et
donc l'interopérabilité,
entre forces aériennes et
forces spéciales terrestres
est l'un des enseignements majeurs de
cette campagne.
Le projet de loi de programmation met l'accent sur un
renforcement des
capacités des forces spéciales
à travers deux axes
d'effort privilégiés : la mobilité tactique et
l'interopérabilité.
En ce qui concerne
la
mobilité tactique
,
les
aéronefs des forces spéciales
(environ douze
hélicoptères de manoeuvre, dix hélicoptères
d'appui, et deux avions de transport tactique)
doivent être
complétés
par
:
- la mise à disposition ponctuelle, par l'armée de l'air de deux
avions de transport tactique supplémentaires
;
- l'
acquisition de dix hélicoptères EC 725 Cougar MK2+
,
d'un rayon d'action de 300 km, et d'une capacité de transport d'une
quinzaine d'hommes ; 298,8 millions d'euros d'autorisations de programme
ont déjà été prévus par la loi de finances
rectificative pour 2001 dans cette perspective. Ces appareils disposent de
moyens de communication performants, ainsi que de dispositifs de protection et
de détection renforcés d'un armement de 12,7 mm et d'une
caméra thermique. Le contrat a été notifié fin
novembre 2002 et les livraisons s'échelonneront de 2004 à 2006.
Ils seront utilisés pour les opérations spéciales, la
recherche et le sauvetage au combat et les missions de contre-terrorisme
maritime.
- l'arrivée à partir de 2005 de
4 hélicoptères
d'appui et de protection Tigre
, aux capacités supérieures aux
Gazelle actuellement en service. Les Tigre pourront, ainsi, accompagner et
éclairer les raids héliportés.
En matière d'
interopérabilité
, les liaisons radio
et les moyens de transmission de données entre les forces
spéciales au sol et leurs hélicoptères ou avions
spécialisés seront modernisés, en veillant à
l'harmonisation des moyens des trois armées.
L'interopérabilité avec les forces américaines ou
alliées sera développée, grâce à des liaisons
entre les PC de théâtre des forces spéciales et ceux des
forces aériennes et l'acquisition de moyens de transmission portables ou
embarqués, compatibles avec les normes aéronautiques
alliées.
F. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROTERRESTRE
1. Un système de forces fragilisé par un effort budgétaire insuffisant dans les années récentes
Les
capacités définies au sein du système de forces
« maîtrise du milieu aéroterrestre » ont pour
objectif de « pouvoir engager, dans les conditions du combat moderne,
à distance, dans la durée, le plus souvent en coalition, les
volumes de forces aéroterrestres requis ».
Le contrat opérationnel fixé à l'armée de terre
suppose la capacité de commander, de déployer à distance
et de soutenir dans la durée une
force opérationnelle
terrestre de 30 000 hommes relevables ou de 50 000 hommes non relevables
dans des situations de maîtrise de la violence de basse intensité
mais aussi d'actions de haute intensité, selon un modèle qui
allie coercition et protection à des degrés variables.
Configuré pour un combat classique centre-européen face à
des forces dotées de moyens comparables, le dimensionnement des forces
terrestres a du évoluer sous l'effet de la quasi-disparition de ce type
de menaces et d'une
nécessaire reconfiguration pour assurer des
missions plus lointaines, dans des environnements plus diversifiés et
plus incertains
.
Le système de forces « maîtrise du milieu
aéroterrestre » a souffert, au fil de l'exécution de la
loi de programmation militaire 1997 à 2002, de
révisions de
cibles
liées à la revue de programme et d'une
insuffisance
de moyens
qui a conduit, en gestion, à des décalages
importants sur les programmes : la production du missile antichar de
longue portée AC3G LP a été abandonnée, de
même que le programme de missile antichar de moyenne portée ( AC 3
G MP), les programmes d'engin porte blindés ou de coordination des feux
d'artillerie Martha ont fait l'objet de réduction de cible tandis que le
programme VBCI, la livraison des dépanneurs Leclerc, la
rénovation de l'AMX 10 RC et les valorisations du canon d'artillerie
AUF1 et du système Roland subissaient des retards compris entre deux et
trois ans.
2. Les objectifs et les apports du projet de loi de programmation
Le projet de loi de programmation s'inscrit, en matière aéroterrestre, dans le cadre des orientations du modèle 2015 qui a pris en compte la grande diversité des situations opérationnelles dans lesquelles peuvent être engagées les forces terrestres . Un nouvel équilibre sera opéré entre les moyens de combat de coercition, puissants et fortement protégés et les moyens de contrôle des milieux physiques et humains, plus légers et mobiles.
MAÎTRISE DU MILIEU AÉROTERRESTRE- PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global
|
Coût unitaire
|
CP
|
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
120 hélicoptères de combat |
Combat mobile antichar et anti-blindé de toute classe |
6 236 |
Version HAP 17.4 Version HAC 20.3 |
2 750.6 |
80 (70
HAP+10 HAC) commandés en 1999, 2 livraisons en 2003, puis 7 par an
jusqu'en 2008
|
Eurocopter Tiger Gmbh |
Allemagne |
406 Chars Leclerc |
Combat mobile antichar et antiblindé de toute classe |
5 891 |
8.1 |
925.3 |
Dernières commandes en 2001, 45 livraisons en 2003 et 2004, 27 dernières en 2005 |
GIAT industries |
- |
20 Dépanneurs Leclerc |
Récupération, évacuation et assistance d'un char en panne |
171.2 |
5.27 |
94.6 |
Dernières commandes en 2001, 6 livraisons en 2003 et 9 en 2004 |
GIAT industries |
- |
700 VBCI |
Transport, protection et soutien feu des groupes de combat (550 VCI), poste de commandement (150 VPC) |
2 203 |
2.2
pour le VCI
|
550.9 |
Premières commandes en 2000, commandes de 331 VCI et de
102 VPC de 2005 à 2008
|
GIAT industries et RVI |
- |
500 VBL |
Surveillance, contrôle de zone, ouverture d'itinéraires dans un contexte sécurisé |
137.2 |
0.236
pour le VBL
|
134.4 |
Commande des VBL à partir de 2005
|
Panhard et Levassor |
- |
Rénovation 256 AMX 10 RC |
Fiabilisation du châssis et intégration d'un système d'information |
236.5 |
0.86 |
163.7 |
Commandes jusqu'en 2006, livraisons de 2003 à 2008 |
GIAT industries |
- |
28 200 équipements Félin |
Système d'arme combattant |
462.9 |
0.016 |
221.1 |
Livraisons en 2006, dernières en 2015 |
|
- |
Valorisation 104 AUF1 et 70 AUF2 |
Augmentation de la portée
|
250.1 |
AUF2 : 1.73
|
178.6 |
AUF1 :
10 dernières commandes en 2006, livraisons de 2003 à 2007
|
GIAT industries |
- |
7000 lance roquettes multiple de nouvelle génération et 57 conduites de tir |
Attaque dans la profondeur de cibles pas ou peu durcies |
495.8 |
0.053
pour la roquette
|
160.1 |
Commandes des roquettes en 2004 et premières livraisons
en 2006
|
LMMFC (Lockeed Martin) pour la roquette, EADS pour la conduite de tir |
Allemagne, Italie, Royaume-uni, Etats-unis pour la composante
roquette
|
10 radars de contrebatterie COBRA |
Localisation des batteries adverses et acquisition d'objectifs pour la contrebatterie |
394 |
16 |
99.4 |
Commandes en 1998, livraisons de 2003 à 2005 |
EuroArt Gmbh (Thalès, EADS et Lockeed Martin |
Allemagne, Royaume-uni |
9 systèmes Atlas Canon |
Automatisation de la gestion des tirs d'artillerie |
303.2 |
33.68 |
162.5 |
Dernières commandes en 2002, livraisons de 2000 à 2005 |
Thalès |
- |
3750 obus à effet dirigé ACED |
Attaque et neutralisation par le toit des chars, blindés légers ou des automoteurs d'artillerie |
186.1 |
0.028 |
87.7 |
Dernières commandes en 2001, livraisons de 2002 à 2006 |
BOFORS- GIAT industries |
- |
157 VAC |
Combat débarqué en terrain difficile |
87.5 |
0.38 en
version logistique
|
80 |
Commandes en 2004 et 2005, livraisons de 2005 à 2008 |
Hägglunds Vehicle AB |
- |
Les
ajustements
nécessaires tirés des
enseignements des conflits récents seront pris en compte, par exemple
pour répondre aux hypothèses de confrontation en zone urbaine ou
montagneuse.
Deux priorités d'équipement guideront les programmes
d'équipement aéroterrestre lors de la prochaine loi de
programmation :
- la cohérence globale des capacités au niveau tactique, qui se
traduira par un effort accru sur
la
fonction combat
débarqué
, et notamment sur les véhicules
blindés de combat et de transport (Véhicule blindé de
combat d'infanterie, véhicule articulé-chenillé pour les
actions en terrain difficile) et l'équipement du combattant (programme
Felin). Il s'agira également d'améliorer la
précision
des feux indirects
, c'est à dire effectués hors de la vision
de l'objectif, pour aller d'une pratique de feux de saturation vers des feux de
précision, moins consommateurs en munitions et plus efficaces. C'est
notamment l'enjeu du missile à fibre optique (Polyphème) et des
munitions antichar à effet dirigé (Aced Bonus) et à
guidage laser (Krasnopol) ;
- la
cohérence des forces de coercition
, autour du Leclerc, qui
devra être renforcée en vue de permettre
l'interopérabilité interarmes, d'améliorer la protection
et la mobilité des blindés légers associés, de
renforcer les capacités de franchissement tactique (engins de
franchissement Sprat).
Sur la période, les crédits consacrés au système de
force « maîtrise du milieu aéroterrestre »
seront les suivants :
(en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total 2003-2008 |
AP |
1 207 |
1 045 |
1 427 |
1 771 |
1 024 |
1 095 |
7 568 |
CP |
1 118 |
1 258 |
1 158 |
1 172 |
1 258 |
1 302 |
7 266 |
3. Les principaux programmes
a) Les blindés lourds
Le
char Leclerc, qui remplace l'AMX 30 B2 reste un équipement
déterminant pour la capacité de coercition. Ce char de combat
combine une grande mobilité tactique avec une capacité de tir
développée et un niveau de protection élevé,
notamment contre les menaces nucléaires, bactériologiques et
chimiques.
Configuré pour le combat contre des chars sophistiqués, le char
Leclerc ne répond cependant pas à l'ensemble des besoins des
forces terrestres, diversifiés sous l'effet des changements qui ont
affecté le contexte stratégique.
Le programme Leclerc, conçu en 1982, a été notablement
révisé, la cible initiale de 1 400 ayant été
ramenée à 406 unités par la dernière loi de
programmation militaire.
De nombreuses difficultés ont en outre émaillé ce
programme pour lequel les livraisons se seront étalées sur 14 ans
(1991-2005) ce qui a eu pour effet de renchérir notablement les
coûts : le coût unitaire (8,1 millions d'euros selon le
ministère de la défense, près de 15 millions d'euros selon
les estimations de la Cour des comptes en tenant compte de l'ensemble du
programme), le coût de la maintenance d'éléments
hétérogènes selon les séries. Sur le total des 406
chars livrés, seuls 320 seront finalement opérationnels dans les
forces (soit 8 groupements à 40 chars en ligne), 40 étant
dévolus à la formation et au soutien, et 46, les plus anciens,
étant désormais considérés comme inutilisables par
l'armée de terre.
Les 117 derniers chars Leclerc seront livrés sur le début de la
période de programmation, les 27 dernières livraisons
étant prévues en 2005.
Au programme de char Leclerc est associé un
programme de
dépanneurs
désormais réduit à 20 unités
(au lieu de 30 initialement) pour un montant total de 171,2 millions d'euros.
15 unités devraient être livrés sur les deux
premières années de programmation, le solde des commandes ayant
été passé en 2001. Construit sur le même
châssis que le char, le dépanneur a des caractéristiques
techniques de mobilité et de survie adaptées à ses
missions de récupération, d'évacuation et d'assistance
à un char en panne ou endommagé dans un environnement
d'insécurité. Le dépanneur a la capacité de
remorquer un char de 60 tonnes.
L'équipement des forces terrestres en blindés lourds devrait donc
être achevé sur le début de la période de
programmation. Si cette capacité était nécessaire à
nos forces, elle n'en est pas moins emblématique de dérapages
budgétaires importants liés à un étalement excessif
du programme, la décision de réduction de cible étant
intervenue tardivement.
b) Les blindés légers
Le
parc actuel des blindés légers de l'armée de terre
comporte environ 6 000 véhicules de divers types assurant des missions
de combat, de transport de troupes et de reconnaissance. Ce parc se
caractérise par le
vieillissement et
l'hétérogénéité de matériels
,
d'autant plus difficiles à maintenir qu'ils sont
fortement
sollicités en opérations extérieures
.
La prochaine période de programmation prévoit le
remplacement
des équipements dont la situation est la plus critique
: les
blindés chenillés AMX 10 P et PC destinés au transport et
à l'appui de l'infanterie des unités blindées et
mécanisées dont le parc est très ancien et le VBL, plus
récent, mais très sollicité et en nombre insuffisant. Les
autres équipements feront, au mieux, l'objet de programmes de
rénovation, leur remplacement devant s'effectuer sur la période
de programmation ultérieure.
En dépit des efforts importants prévus par le projet de loi, mais
en raison des retards pris ces dernières années,
la
relève de notre parc de blindés légers par des
matériels modernes commencera à peine en fin de
programmation
et s'étalera sur de nombreuses années, le cas
le plus flagrant étant à cet égard le nouvel engin
blindé roues-canon dont la livraison n'est prévue qu'en 2020. La
remise à niveau des ressources financières prévue par le
projet de loi permettra surtout de limiter une inévitable érosion
capacitaire compte tenu du vieillissement des matériels.
(1) Le programme de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI)
Le
VBCI est destiné à remplacer les AMX 10 P dont 400 sont
actuellement en service dans les forces, déclinés dans
différentes versions. Entrés en service en 1973, les AMX 10 P
chenillés sont frappés d'obsolescence sur différents
points ce qui pèse sur leur disponibilité.
Les VBCI seront disponibles en deux versions : une version de combat
d'infanterie (VCI), destinée à assurer le transport, la
protection et le soutien des groupes de combat d'infanterie et une version
poste de commandement (VPC), équipée du système
d'information régimentaire (SIR), prévu en dotation dans les
unités d'infanterie et de chars Leclerc.
La cible du programme est de 700 véhicules, 150 VPC et 550 VCI. Les
premières livraisons sont au mieux attendues en 2006
, le
programme ayant déjà subi un décalage de deux ans. Huit
régiments devraient être équipés en 2008, au rythme
de 100 livraisons annuelles à partir de 2007, la livraison des derniers
exemplaires étant prévue en 2013.
Le coût total du programme est de 2,2 milliards d'euros, le coût
unitaire étant de 2,28 millions d'euros pour la version VCI et de 1,6
million d'euros pour le VPC.
A plus long terme, il serait possible de décliner, à partir du
VBCI d'autres versions qui pourraient assurer le remplacement de tout ou partie
du parc de VAB.
(2) Le véhicule blindé léger (VBL)
Le
parc de VBL est relativement récent puisque l'âge moyen des
matériels s'élève à 8 ans. Ce véhicule
remplit des missions de surveillance, de contrôle de zone, d'ouverture
d'itinéraire dans un contexte sécurisé. Il est
particulièrement mobile et polyvalent. Il est en outre adapté aux
besoins de projection de forces puisque amphibie, hélitransportable,
aérotransportable, largable et parachutable. Le VBL existe en version
« châssis long » (Véhicule blindé
léger long VB2L) qui permet l'installation de moyens radios et de postes
de travail nécessaires aux différents niveaux de commandement.
Particulièrement sollicités, notamment en opérations
extérieures, les VBL vieillissent et sont en nombre insuffisant.
En 1997, deux ans près la clôture du programme, une commande
supplémentaire de 210 VB2L a été passée. Le
programme VBL en cours porte également sur 210 VBL et 290 VB2L en
version poste de commandement. Il s'agit d'un marché de fabrication sans
phase de développement, ni de définition. Il vise à
poursuivre l'équipement des régiments, à permettre de
disposer d'un volant d'engins pour remplacer ceux en position de maintenance
ainsi qu'à favoriser la mise en place d'une nouvelle politique de
relève avec matériels pour diminuer le temps de projection des
équipements et de mieux répartir leur temps d'utilisation.
En fin de période de programmation, l'armée de terre devrait
disposer de 1515 engins.
Le coût global du programme s'élève à 137 millions
d'euros pour les 500 véhicules avec un coût unitaire moyen de 236
000 euros pour le VBL et de 281 000 euros pour le VB2L.
(3) Le véhicule articulé chenillé (VAC)
Cet
équipement vise à répondre à un
besoin
spécifique de mobilité tactique en terrain difficile
mis en
lumière par les engagements de forces dans les Balkans et en Asie
centrale. Le VAC offre en outre des capacités amphibies adaptées
pour prendre part à l'apport français à l'Europe de la
défense dans ce domaine. Il est constitué de deux modules
articulés ; le module avant permet d'emporter quatre personnels, le
module arrière, huit personnels ou une charge utile de 1400 kg dans la
version logistique.
La cible retenue pour cet équipement dans le modèle 2015 est de
223,
157 seront acquis au cours de la prochaine période de
programmation
pour un coût prévisionnel de 87,2 millions
d'euros. Le coût unitaire est de 0,83 million pour la version logistique
et de 0,69 million pour la version blindée.
(4) La rénovation des blindés AMX 10 roues-canon (RC)
Engin blindé à roues de la classe 17 tonnes,
équipé d'un canon de 105 mm, l'AMX 10 RC est entré en
service en 1982. Le programme de rénovation porte sur le châssis
et la tourelle pour améliorer les moyens de communication avec
l'intégration d'un système d'information ainsi que sa protection
et sa mobilité et
prolonger sa disponibilité jusqu'en
2020
.
Ce n'est en effet qu'à cette échéance lointaine que
l'engin blindé roues-canon (EBRC), programme successeur, prendra la
relève de cet équipement ainsi que celle de l'ERC 90 Sagaie,
blindé d'intervention d'urgence de l'armée de terre dont la
maintenance ne devrait plus pouvoir être assurée après 2010
en raison des caractéristiques spécifiques de sa motorisation.
L'armée de terre souffrira après cette date d'un déficit
capacitaire sur les blindé à roues, compensé dans un
premier temps par la rénovation des AMX 10 RC.
Le programme de rénovation des AMX 10 RC porte sur la totalité du
parc, soit 256 véhicules pour des livraisons qui s'échelonnent de
2003 à 2008.
Le coût total du programme s'élève à 236,5 millions
d'euros, soit un coût unitaire moyen de 0,68 million d'euros.
c) Les hélicoptères de combat
Les
hélicoptères de transport de l'armée de terre sont
rattachés au systèmes de forces projection-mobilité.
L'
hélicoptère de combat Tigre
répond aux besoins de
la lutte anti-chars et anti-blindés de toute classe. Il s'agit de
pourvoir au remplacement de la totalité du parc Gazelle avec un appareil
capable de remplir la plupart des missions du combat terrestre :
reconnaissance, escorte de transport tactique, appui feu air-sol, combat
anti-hélicoptère, attaque en profondeur et combat antichar.
Le développement de ce programme a été lancé en
1988 pour deux versions : une version anti-char (HAC) et une version
appui-protection (HAP) destinée à la protection de l'infanterie,
notamment contre les hélicoptères. La cible 2025 était de
215 appareils, 115 dans la version HAP et 100 dans la version HAC, le
modèle 2015 en prévoit respectivement 70 et 50.
La première commande passée en 1999 pour 80 appareils,
privilégie la version appui-protection tant pour le nombre que pour
l'échéance de livraison puisque les 10 HAC prévus ne
devraient être livrés qu'en 2011 alors que
les premiers Tigre
HAP sont attendus en 2003
.
La qualification du besoin d'hélicoptères de combat a du
évoluer sous l'effet du changement de nature du contexte
stratégique. La révision de cible de la version HAC n'en tire
cependant pas toutes les conséquences et aura des répercussions
évidentes sur le coût unitaire ainsi que sur les coûts de
maintenance d'un parc composé de façon
hétérogène.
Le coût total du programme Tigre est évalué à plus
de 7 milliards d'euros, dont environ 1,5 milliard d'euros pour le
développement. Le coût unitaire est estimé à 17,4
millions d'euros pour la version HAP et à 20,3 millions d'euros pour la
version HAC
.
L'industriel a développé pour l'export une
version
polyvalente du Tigre, dite HAD
, appui-destruction, plus proche de la
version appui-protection mais qui comprend, en cas de besoin, une
capacité d'emport de missiles capables de détruire des
véhicules blindés, des postes de commandement ou des
installations radars.
L'Australie a décidé de se doter d'une telle version et l'Espagne
se montre intéressée, pour autant que la France s'y rallie elle
aussi.
Votre rapporteur a fait valoir à plusieurs reprises
l'
opportunité de reconsidérer les choix français en
matière d'hélicoptère de combat afin de tirer toutes les
conséquences
des changements de contexte intervenus, des enjeux
industriels ainsi que de la nécessité de rationaliser les
questions de maintenance. Le
choix de la version HAD
permettrait
d'envisager un partage des coûts de développement et de disposer
d'un parc homogène. Le programme Tigre a déjà souffert
d'un excessif étalement dans le temps. L'affichage plus rapide de choix
clairs permettrait de donner une visibilité plus grande tant à
l'industriel qu'à nos forces ou à des partenaires
éventuels.
d) Le fantassin à équipements et liaisons intégrées (FELIN)
La
phase de définition de ce nouveau programme a été
lancée en 2001, la réalisation devant débuter en 2003 pour
des premières livraisons en 2005.
Félin est un système d'arme combattant destiné à
équiper les combattants des unités débarquées de
l'infanterie, des unités d'artillerie, du génie et de l'arme
blindée cavalerie. Il vise à une adaptation optimale à la
diversité des situations opérationnelles en
améliorant les possibilités de protection, d'observation, de
communication, d'agression et de mobilité.
L'équipement se compose d'une tenue de combat, d'une structure
d'accueil, d'un équipement de tête, d'équipements
électroniques et d'un armement individuel. Il permet en particulier de
bonnes capacités d'observation et de désignation des objectifs de
tir. Avec armes et munitions, son poids total atteint 23 kg. Le programme
comprend également des équipements chefs de groupe et collectifs.
La cible d'équipements est de 28 200 unités dont 11 168
systèmes complets, 17 017 systèmes partiels et 3 000
équipements chefs de groupe et collectifs pour un coût
prévisionnel de réalisation de 457,3 millions d'euros. Le
coût unitaire d'un équipement félin est de 17 680 euros. La
commande des 1 000 premiers systèmes devrait intervenir en 2003 pour une
livraison en 2006. Deux ans plus tard, les deux-tiers des compagnies
d'infanterie devraient être équipés.
e) L'artillerie et les missiles
Les programmes en cours dans l'artillerie et les missiles visent à renforcer la précision des feux tout en allongeant la distance de tir. Comme l'a précisé le chef d'état-major de l'armée de terre devant notre commission, il s'agit de passer des feux massifs de saturation étalés sur le terrain aux feux de précision à des distances accrues, tout en limitant les dommages collatéraux et en réduisant le besoin logistique .
(1) Le système d'artillerie Atlas-canon
Le
programme Atlas canon est un système d'automatisation de la gestion des
tirs d'artillerie qui permet le traitement des demandes de tir en temps
réel par la mise en relation de la gestion de l'information et des
communications des régiments d'artillerie avec les moyens d'acquisition
d'objectifs, de commandement, de support logistique et de tir.
Le système doit être adaptable à des configurations
diversifiées de moyens d'artillerie suivant le niveau des forces
engagées, le type de manoeuvre considéré et
l'évolution de la manoeuvre. Il doit être interopérable
avec les autres systèmes de commandement de l'armée de terre.
Un système est constitué de 30 stations-shelter, chacune
étant dotée de moyens radio et informatiques. Dans sa
première version, les systèmes pris en compte sont le TRF1 et
l'AUF1 ; une version ultérieure prendra en compte l'AUF2.
Le programme a été lancé en 1995 pour le
développement et en 2000 pour la production de neuf systèmes.
Sept systèmes seront livrés au cours de la prochaine
période de programmation
, le dernier régiment à
équiper sera livré en 2005.
Le coût prévisionnel global du programme est de 303,2 millions
d'euros.
(2) L'obus antichar à effet dirigé (ACED)
Issu
d'une coopération franco-suédoise, l'obus antichar à effet
dirigé est un obus « cargo » de 155 mm conçu
pour l'attaque et la neutralisation par le toit des chars, blindés
légers ou des automoteurs d'artillerie, à l'arrêt ou en
mouvement. Il pourra être utilisé de jour comme de nuit, sur tous
les terrains et par l'ensemble des régiments d'artillerie canon de
l'armée de terre.
Le largage des sous-munitions de l'obus peut s'effectuer jusqu'à 15 km
au dessus de la zone de tir. L'exploration de la surface du sol permet de
détecter les cibles et de projeter les charges.
Le développement du programme a été lancé en 1993,
sa production en juillet 1998 pour des
premières livraisons en
2002
.
Les besoins ont été révisés à plusieurs
reprises : de 9 000 à 7 500 lors du lancement de ma production,
puis à 5 500 en mars 2002. Le projet de loi de programmation retient une
cible de 3 750 obus compte tenu de l'accroissement des capacités de
l'obus et d'une amélioration à venir de la capacité de
discrimination des sous-munitions qui permettrait de réduire les
consommations.
Le coût unitaire contractuel de la version de base est de 28 100 euros.
Le coût prévisionnel du développement est de 46,2 millions
d'euros, le coût de la production est de 139,9 millions d'euros.
(3) La modernisation du canon de 155
Le
système AUF1, qui consiste en une tourelle montée sur
châssis AMX et équipée d'un canon de 155 mm avec chargement
automatique des charges et des obus, a pour mission de fournir des feux d'appui
et indirects au contact, des feux dans la profondeur, de couvrir des
opérations de maintien de la paix et de participer à des actions
ponctuelles de destruction à caractère préventif ou de
rétorsion.
Le canon 155 AUF1, en service depuis 15 ans, fait l'objet d'un programme de
rénovation qui porte sur 174 exemplaires. Le programme vise à
augmenter la portée des système actuels et se décompose en
deux volets : une partie du parc (104) conserve l'artillerie actuelle,
l'autre partie (AUF2 pour 70 exemplaires intègre une nouvelle artillerie
au standard OTAN (52 calibres).
La livraison des exemplaires rénovés sera
échelonnée sur toute la durée de la programmation à
venir . Le coût total du programme est de 250,1 millions d'euros avec un
coût unitaire qui varie selon les versions entre 0,51 et 1,62 million
d'euros.
Par ailleurs,
cinq canons de 155 de type Caesar
(Camion
équipé d'un système d'artillerie) ont été
commandés par l'armée de terre en 2000 pour
l'expérimentation d'un matériel qui pourrait constituer la
relève des canons de 155 tractés, et devraient parvenir à
mi-vie en 2010. Intégré à la plate-forme d'un camion, le
Caesar est doté d'une grande mobilité stratégique et
tactique. Il peut être aérotransporté.
Les exemplaires commandés devraient être livrés en 2003,
pour un coût global de 19,31 millions d'euros et un coût unitaire
de 3,86 millions d'euros.
(4) Le programme lance roquettes multiple de nouvelle génération (LRM NG)
L'objectif de cette arme est de détruire les
blindés, de ralentir l'adversaire et de neutraliser les forces d'appui
et de soutien. Elle est portée par un engin blindé.
Les roquettes de nouvelle génération doivent permettre l'attaque
dans la profondeur (15 à 60km) de cibles peu ou pas durcies avec une
portée améliorée, un nombre de munitions limité et
des effets collatéraux réduits. Le programme inclut la
modernisation de la conduite de tir qui bénéficiera
également aux autres munitions en service dans l'armée de
terre ;
Des roquettes d'exercice devraient faire l'objet d'achats sur
étagères à compter de 2003.
Le développement de la roquette de nouvelle génération a
été lancé en 1998, les premières livraisons
devraient intervenir en 2006. Le lancement du développement de la
modernisation des conduites de tir est prévu en 2003, pour des
premières livraisons en 2007
. Le coût du
développement pour les deux premiers aspects du programme est de 52,87
millions d'euros.
Les coûts unitaires de production prévisionnels sont (en euros
1997) de 53 400 euros pour les roquettes , de 650 000 euros pour les
conduites de tir et de 11 000 euros pour les roquettes d'exercice.
(5) Le missile à fibre optique Polyphème
Ce
missile léger sol-sol filoguidé d'une
portée de 60
km
en est au stade du pré développement. Ses applications
pour l'artillerie sont les attaques de précision dans la profondeur. Il
est prévu par le modèle 2015.
Considéré comme « imbrouillable » grâce
à un
guidage par fibre optique
, il est d'une précision de
l'ordre du mètre. Installé sur un camion et
aérotransportable, il permet l'intervention tardive de l'homme
grâce aux images transmises par une caméra infrarouge
montée sur l'engin, ce qui devrait limiter les dommages
collatéraux.
Etant donné l'état d'avancement du programme,
les
premières livraisons ne pourraient être envisagées qu'en
toute fin de programmation (2008)
.
(6) Les capacités antichars
Des
missiles anti-char de troisième génération de moyenne et
de longue portée étaient prévus par le modèle 2015.
Le missile de moyenne portée a été abandonné et
l'arrivée du missile de longue portée devrait coïncider avec
la livraison du premier hélicoptère Tigre dans sa version
antichar, en 2011.
Dix postes de tir ont été commandés pour le moment. Lors
du lancement du programme, en 1998, les besoins de l'armée de terre
étaient évalués à 345 postes de tir et 13 800
munitions, dont le choix n'est pas encore arrêté.
(7) Le radar de contrebatterie Cobra
Le
radar de contrebatterie Cobra a pour mission la localisation des batteries
adverses composées de canons, mortiers ou lance roquettes multiples. Il
peut également informer sur la position des brouilleurs. Il remplit tout
d'abord une mission de renseignement à laquelle vient
éventuellement s'ajouter l'acquisition d'objectifs pour la
contrebatterie, notamment pour les régiments de lance-roquettes
multiples.
Il est constitué d'un ensemble radar installé sur un
véhicule à roues. Sa précision est de l'ordre de cinquante
mètres à une distance de quinze kilomètres.
Le développement du programme a été lancé en mai
1988, la production a commencé en novembre 1997 et a subi plusieurs
retards qui tiennent à des problèmes de mise au point. Sur les 10
systèmes commandés en 1998, 3 devraient être livrés
en 2003, soit avec un retard de deux ans, sous réserve de la
résolution des difficultés techniques.
Le coût prévisionnel global est de 394 millions d'euros, chaque
radar avec son environnement est estimé à 19 millions d'euros.
G. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROMARITIME
1. L'indispensable modernisation de nos forces navales
Les
forces navales sont un élément essentiel des systèmes de
forces « projection et mobilité » et
« frappe dans la profondeur » au titre desquels sont
retenus plusieurs programmes majeurs menés par la marine et, notamment,
le deuxième porte-avions.
Affranchie des contraintes diplomatiques, la haute mer est en outre un milieu
relativement protégé des menaces. Les bâtiments
nécessitent un accompagnement par des
navires armés de
systèmes adaptés à la défense contre des
missiles
dont la portée et la précision sont accrue, et des
sous-marins.
La maîtrise du milieu aéro-maritime consiste à
acquérir et à garantir la liberté d'action des forces
projetées sur un théâtre d'opérations, à
garantir la sécurité des approches maritimes françaises.
Les missions dévolues à la majeure partie des équipements
retenus au titre du système de forces sont multiples et qu'ils
concourent à ce titre à plusieurs des systèmes
définis par le loi de programmation ; c'est donc au sens
étroit qu'il faut entendre la maîtrise de ce milieu, comme le
premier niveau d'implication des forces navales mais surtout, l'accompagnement
et la sécurité d'autres forces déployées.
Le
renouvellement de la flotte de surface
, à travers les
programmes de frégates, dont la disponibilité est fortement
dégradée par le vieillissement des bâtiments et la
nouvelle classe de sous-marins nucléaires d'attaque
ainsi que les
programmes d'armement qui leur sont liés sont les principales
priorités de ce système de forces. Longtemps, cet
impératif de modernisation de la flotte de surface a pesé sur le
choix de lancer ou non un programme de deuxième porte-avions. Il importe
en effet que le porte-avions ne soit pas réalisé au
détriment d'autres bâtiments.
Les ressources prévues pour le système de forces durant la
période 2003-2008 sont les suivantes:
( en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
AP |
774 |
2 040 |
1 663 |
741 |
1 925 |
1 150 |
8 294 |
CP |
1 075 |
1 123 |
1 116 |
1 073 |
1 241 |
1 256 |
6 886 |
MAÎTRISE DU MILIEU AÉROMARITIME- PRINCIPAUX PROGRAMMES
Cible 2015 |
Mission |
Coût global
|
Coût unitaire
|
CP
|
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
17 frégates multimissions |
Lutte anti-sous-marine (8 unités) et action vers la terre (9 unités). |
5 300 |
|
1 238.2 |
4 commandes en 2004 et en 2007, 1 livraison en 2008 |
DCN et Chantiers de l'Atlantique |
Italie |
6 sous-marins nucléaires d'attaque |
Frappe dans la profondeur, protection de la FOST et maîtrise du milieu aéromaritime |
4 570 |
766 |
1 208.1 |
1 commande en 2005 et en 2007, 1 livraison prévue en 2012 |
DCN |
- |
4 frégates Horizon |
Frégates anti aériennes.
|
2 500
|
1250 |
1209.3 |
2
commandées avant 2003
|
DCN |
Italie
|
16 bâtiments anti-mines |
Modernisation de 13 bâtiments |
140,25 |
7.44 |
66.3 |
Commande globale en 1999, 1 livraison en 2002, 4 en 2003, 5 en 2004, 3 en 2005 |
Thomson Marconi Sonar, DCN |
- |
2. Le renouvellement de la flotte de surface et des systèmes d'armes
S'agissant de la flotte de surface, la marine est parvenue dès 2000 au format 2015 en termes quantitatifs. Certains bâtiments ont cependant été prolongés au maximum de leurs possibilités sans qu'il soit pour autant possible d'éviter la rupture capacitaire.
a) Les frégates antiaériennes : les programmes Horizon et PAAMS
Les
frégates antiaériennes ont pour vocation principale de
protéger une force navale contre les aéronefs et missiles
adverses et de participer à la gestion et au contrôle de l'espace
aérien.
Le modèle 2015 comprend quatre bâtiments de ce type avec
l'objectif d'assurer la protection d'une force navale ; la protection
simultanée de deux groupes requerrait un minimum de six frégates.
Le
programme Horizon
en cours porte sur deux bâtiments, d'un
tonnage de 6 700 tonnes. Il a été lancé en septembre 2000
en coopération avec l'Italie, suite au retrait britannique du programme
en avril 1999, pour des entrées en service en 2006 et 2008.
Après le retrait du service actif en 2001 de la frégate
antiaérienne Suffren, la Marine doit faire face à un
déficit capacitaire qui ne sera comblé qu'avec l'entrée
en service, en 2006, de la première frégate Horizon
de la
série, le Forbin.
Le projet de loi de programmation militaire prévoit la
commande d'une
troisième frégate en 2007
, qui n'était pas
envisagée par le premier projet déposé par le
précédent gouvernement. Une quatrième frégate est
envisagée sur la période de programmation suivante.
Les frégates antiaériennes Cassard et Jean Bart seront
désarmées lors de l'entrée en service des troisième
et quatrième frégate Horizon. Aucun programme de modernisation
n'est prévu pour un prolongement au delà de la date de retrait du
service des différents bâtiments en raison, notamment, de
l'obsolescence de leur système d'armes.
Les dispositifs de protection des forces ont déjà
intégré des coopérations avec des navires alliés
lors d'opérations ponctuelles. Ainsi, une coopération de ce type
a été réalisée avec la Marine britannique lors du
conflit du Kosovo.
Le coût prévisionnel du programme s'établit à 1,9
milliard d'euros, dont 1,1 pour la fabrication.
Chaque frégate disposera d'un radar à haute performance et de
48 missiles Aster
du système PAAMS.
Le
système PAAMS
(principal anti-air missile system),
programme en coopération tripartite, équipera les
frégates antiaériennes Horizon et les destroyers britanniques
T45. Le système résulte de la combinaison d'un radar
multifonctions (Empar pour les frégates françaises et italiennes)
qui assure la surveillance, la détection, la poursuite et le rapport
d'interception et d'un missile (Aster 30) auxquels sont associés des
radars longue portée. Les performances attendues devraient permettre
d'assurer l'autodéfense et la défense locale contre des salves de
missiles anti-navire dans un rayon de 6.5 km et des interceptions
jusqu'à 70 km.
A terme, le système PAAMS constituera l'unique système d'armes de
défense antiaérienne moyenne portée de la marine
nationale. Le système équipant la troisième frégate
devrait être commandé en 2008.
Le programme comprend la fabrication de deux systèmes PAAMS, de deux
radars longue portée et de 120 Aster 30 pour un coût global de
650,3 millions d'euros courants.
b) Les frégates multimissions
Ce
programme organise le renouvellement des frégates dans deux composantes
de la maîtrise du milieu aéromaritime : l'action vers la
terre et l'action sous-marine.
Trois types de bâtiments actuels seront
remplacés à terme par les frégates multimissions
, d'un
tonnage de 5 000 tonnes : les frégates F 67, les avisos A 69 et les
frégates F 70.
Suite à l'accord intervenu lors du dernier sommet franco-italien, le 7
novembre 2002, le programme sera réalisé en coopération,
le besoin italien s'élevant à dix bâtiments.
L'action vers la terre recouvre les capacités de frappe dans la
profondeur, d'appui et de soutien des opérations de projection :
surveillance, recueil de renseignement, projection de forces spéciales,
escorte, maîtrise de la zone d'opérations continentale. Neuf
unités sont prévues pour cette version.
L'action sous-marine concerne la sûreté de la force
océanique stratégique et la protection anti-sous-marine des
opérations de projection et dans les opérations liées
à : protection du groupe aéronaval et du groupe amphibie,
protection des forces au contact et protection des voies de communication
maritimes. Huit unités sont prévues dans cette version, dont
quatre font l'objet de la première tranche du programme, la
première admission au service actif étant prévue fin 2008.
Sur ce programme de grande ampleur (5,3 milliards d'euros), la démarche
adoptée vise à une maîtrise des coûts qui explore
plusieurs directions : une même plate-forme propulsée est
dotée de fonctions de base communes aux dix-sept bâtiments. Les
objectifs de disponibilité technique, fixés à 350 jours
par an sont ambitieux et se rapprochent des normes civiles afin d'éviter
les longues immobilisations et permettre la réalisation à bord de
l'essentiel des opérations de maintenance pour un coût
limité. Le rythme de production prévu, un bâtiment et demi
par an, devrait également permettre de maintenir l'enveloppe
financière du programme.
En matière de systèmes d'armes et d'équipements,
l'objectif est de s'appuyer au maximum sur les programmes en cours (torpilles
MU 90, missile Aster, lanceurs Sylver, SIC...).
Avec les frégates Horizon, les frégates multimissions seront un
des porteurs privilégiés de l'hélicoptère NH 90.
L'ensemble des bâtiments a également vocation à recevoir le
missile de croisière naval à partir de 2011
, date
d'admission au service actif du premier bâtiment en version action vers
la terre.
Le programme en est au stade des études amont, qui portent notamment sur
le « tout électrique », le lanceur vertical
polyvalent ou encore sur le type d'armement en appui pour la protection des
bâtiments. Le début du stade de réalisation est
envisagé pour 2004 et la première livraison fin 2008.
Le coût prévisionnel du programme est de 5 308 millions d'euros.
c) Le programme d'avion de guet embarqué Hawkeye
L'avion de guet Hawkeye participe à la
maîtrise du
milieu aéromaritime en assurant les missions suivantes : la
sûreté de la force navale par la détection des missiles,
aéronefs et bâtiments de surface, l'élaboration et la
diffusion de la situation tactique sur la zone d'opérations, le
contrôle des avions d'interception et des avions d'attaque au sol.
Le E2-C Hawkeye, dont deux exemplaires sont en service depuis mars 2000, est
acheté « sur étagère » dans le cadre
de commandes communes avec l'armée américaine. Le
troisième avion du programme
, commandé en 2000, devrait
être
livré à la fin de l'année 2003
.
Le coût global du programme, qui comprend un certain nombre de
prestations de service, s'élève à 987,3 millions
d'euros.
3. Les autres composantes du systèmes de forces : sûreté de la FOST et lutte anti-sous-marine
a) Le programme « Barracuda »
Les
sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) constituent la composante
sous-marine du système de force « maîtrise du milieu
aéromaritime » en concourant à la
sûreté de la force océanique stratégique (FOST)
et au soutien d'une force aéronavale
.
Le programme de sous-marin d'attaque futur a été lancé en
octobre 1998. Il est destiné à remplacer les six SNA de type
« Rubis » avec une
première livraison
prévue en 2012
, suivie d'une livraison tous les deux ans. Le
programme a subi un retard important lors des études de
définition qui rend la date de 2012 plus incertaine et risque d'affecter
le bon déroulement du contrat opérationnel si la construction ne
débute pas de façon effective en 2005.
Doté d'une autonomie de 70 jours avec un équipage de 60 hommes,
le SNA sera équipé de torpilles lourdes, de missiles anti-navire
et de missiles de croisière. Ses moyens de communication seront
renforcés et il sera doté de capacités de renseignement.
Pour ce type de bâtiment, la propulsion nucléaire, qui garantit
autonomie et discrétion, constitue, pour les forces navales, un atout
irremplaçable.
Le coût du programme est estimé à 4 570 millions d'euros.
b) Les programmes de torpilles
Le
développement de la torpille légère MU 90, (fusion des
programmes Murene et A290 italien en 1991) est achevé depuis fin 1997.
Sa mission est la défense anti-sous-marine qu'elle devrait assurer,
à terme, sur l'ensemble des bâtiments et aéronefs de la
marine.
Les premières installations à bord des MU 90, produites pour la
France, l'Italie, l'Allemagne, le Danemark, la Pologne et l'Australie, sont
prévues pour 2003.
La torpille lourde vise à neutraliser des cibles de surface ou
sous-marines. La F17 mod2 actuellement en service, ne devrait pas pouvoir
être maintenue au delà de 2008. Mise en oeuvre, tant par les SNLE
que par les SNA, la future torpille lourde devra être d'une plus grande
autonomie et d'une plus grande discrétion. Grâce aux performances
de son système de guidage, elle est capable d'opérer, dans des
conditions proches de celles d'un missile, dans des fonds faibles face à
des cibles de taille réduite.
Le coût d'acquisition « sur étagères »
s'élève à 180 millions d'euros.
c) La modernisation des chasseurs de mines tripartites (CMT)
Les
missions de guerre des mines visent à assurer en permanence la
sûreté de déploiement de la FOST par la surveillance
anti-mines de routes ou de zones, la réduction des risques de mines et
le guidage de convois. La modernisation des chasseurs de mines porte
principalement sur le système d'armes et vise à maintenir
à niveau les capacités de détection de mines devenues plus
furtives.
La marine dispose actuellement de 13 bâtiments de ce type, admis au
service actif entre 1984 et 1988. Une coopération analogue à
celle qui a présidé à la construction des bâtiments,
avec la Belgique et les Pays-Bas, n'a pu être reconduite.
Le programme CMT vise l'adaptation des 13 bâtiments sous la forme d'une
commande globale, selon un calendrier qui va d'octobre 2002 à août
2005. Les chasseurs de mines devront être équipés d'une
capacité de traitement d'informations en provenance de véhicules
de porteurs de sonars dont 10 unités seront acquises. La modernisation
porte également sur le remplacement du sonar de coque
« détecteur » et du système tactique, la
numérisation du sonar de coque « classificateur »,
le remplacement d'une partie du système de pilotage automatique,
l'amélioration de la chaîne de visualisation du véhicule
d'intervention et la mise en place d'une capacité d'entraînement
à bord.
Le coût global de l'opération est de 134,4 millions d'euros pour
un coût unitaire de 7,3 millions d'euros.
4. La protection des approches maritimes
Pour
la protection des approches maritimes, la marine nationale est le seul acteur
à pouvoir intervenir depuis la haute mer et à disposer des moyens
hauturiers lourds nécessaires à l'action de l'Etat en mer.
Les
approches maritimes françaises
, qui apparaissaient jusque
là relativement préservées,
se sont
révélées vulnérables
comme en a
témoigné l'échouage de l'East Sea à
proximité d'un sémaphore qui n'était pas
opérationnel. Devant ce constat, dressé dès avant les
événements du 11 septembre, la marine a
réactivé ses capacités de surveillance des côtes.
L'anticipation, depuis la haute mer par le renseignement et la
coopération internationale, des divers trafics (stupéfiants,
trafics humains) a permis récemment l'interception de navires .
Le réarmement des sémaphores la nuit, effectif depuis plus d'un
an, s'accompagne désormais de leur équipement en radars et en
dispositif d'échanges de données. Intégrés dans une
chaîne d'informations, ils pourront procéder à l'avenir
à des échanges avec les navires et les avions de la Marine dans
le cadre du projet Spatio-nav. Le coût global de la première phase
de SPATIO s'élève à 18,30 millions d'euros dont 3,05 sont
prévus en crédits de paiement 2003.
Face aux
besoins croissants de moyens nautiques pour la surveillance des
zones maritimes du littoral à la haute mer
, la marine renforce ses
capacités en renouvelant, pour 22 unités et pour un montant de
27 millions d'euros, les vedettes côtières de la Gendarmerie
maritime. A partir de 2003, quatre vedettes seront livrées chaque
année.
L'ensemble du littoral français est donc désormais placé
sous une surveillance permanente qui montera en puissance à mesure de
l'avancement du programme Spatio. En liaison avec le projet Trafic 2000
piloté par le ministère des transports, la chaîne
sémaphorique modernisée devrait se placer au coeur d'un
dispositif permettant de disposer, en permanence de données
précises sur l'ensemble des navires circulant à proximité
des côtes françaises.
H. MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL
Les
attaques perpétrées simultanément et en plusieurs points
du sol américain, le 11 septembre 2001, ont mis en relief la
vulnérabilité actuelle des puissances occidentales -en
l'occurrence la plus puissante d'entre elles- à ce type de frappes.
Certes, ce type d'action suicide compte parmi les plus difficiles à
prévenir et à déjouer. Mais une meilleure maîtrise
du milieu aérospatial compte parmi les priorités
immédiates pour le renforcement de la protection du territoire national.
Or, la position de la France-comme celle de l'ensemble de ses partenaires
européens- est assez faible en ce domaine, et des améliorations
notables nécessiteront du temps, et la mobilisation d'importantes masses
financières.
Les priorités retenues dans ce secteur par la loi de programmation sont
les suivantes :
-
l'acquisition, à l'horizon 2010, d'une première
capacité de protection de site
de déploiement de
forces
face à des menaces découlant de missiles balistiques
disposant d'un rayon d'action maximal de 600 km ;
-
le renforcement de la capacité française de
supériorité aérienne
par la mise en service des
premiers
Rafale
polyvalents, associés aux
Mirage 2000-5
de
défense aérienne équipés de missiles MICA, la
modernisation des systèmes de détection et de commandement
aéroporté (SDCA), et par le
développement
européen d'un missile d'interception à domaine élargi
(MIDE)
(adapté notamment au Rafale) ;
-
l'amélioration de la composante sol-air
, avec la mise en
service du système FSAF/SAMPT. Cette composante permettra, à
l'issue de la programmation, de disposer d'une première capacité
de défense antimissile ;
- la poursuite de la dotation de l'armée de l'air en
hélicoptères Cougar EC 725
, spécialisés
dans le sauvetage au combat des équipages des aéronefs.
Les volumes financiers suivants seront affectés à ces
actions :
(M€ 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total
|
CP |
600 |
718 |
688 |
817 |
855 |
822 |
4 500 |
AP |
861 |
1 927 |
659 |
950 |
994 |
668 |
6 059 |
MAÎTRISE DU MILIEU AÉROSPATIAL - PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global (M€) |
Coût unitaire (M€) |
CP 2003 -2008 |
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
1430 missiles MICA |
Missile air-air de défense aérienne et d'autodéfense des avions de combat |
1 929 |
0,59 |
624,9 |
Commandes achevées en 2006 ; 770 livraisons de 2004 à 2008 |
MBDA
|
. |
400 missiles Météor |
Missile air-air d'interception à grande distance de cibles aériennes |
|
|
130 |
- 300
missiles pour l'armée de l'air
|
MBDA
|
Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède |
12 systèmes (575 missiles) sol-air moyenne portée, terrestre (SAMP/T) |
Missile de défense sol/air incluant une capacité de défense antimissiles de théâtre à compter de 2008 |
3 458 |
- |
686,7 |
Achèvement des commandes en 2007 et 4 systèmes livrés de 2006 à 2008 |
Thalès, MBDA, Alénia Marconi Systems |
Italie |
Modernisation du système de détection et de
conduite aéroportée)
|
Radar aéroporté de détection des cibles aériennes et maritimes |
290 |
- |
290
|
Modernisation du système d'ensemble |
Boeing
|
- |
4 radars Giraffe |
Défense aérienne à très basse altitude |
35 |
8,75 |
35 |
1
livraison en 2003
|
Ericsson |
- |
1. La montée en puissance des missiles d'interception
Deux
types de ces missiles, le MICA et le MIDE-Meteor, sont mis en oeuvre ou en
cours de développement.
. Le MICA
Le missile MICA (Missile d'Interception, de Combat et d'Autodéfense)
constitue l'armement principal du Rafale dans ses missions de défense
aérienne, ainsi que son armement d'autodéfense dans ses missions
d'attaque air-sol. Il arme également le Mirage 2000-5.
Equipé d'un autodirecteur électromagnétique
actif
20(
*
)
(version MICA EM) ou infrarouge
(version MICA IR), d'un propulseur à poudre, d'une
référence inertielle, d'une fusée de proximité
électromagnétique et d'une charge militaire de 12 kg, il
confère à l'avion équipé du système
adéquat des capacités « tire et oublie ».
D'une portée maximale en interception face à face de 60 km, il a
une limite courte en combat de 900 m, et une résistance accrue aux
contre-mesures.
Le lancement du développement du MICA remonte au mois d'avril 1987, et
les premières livraisons ont eu lieu en France en décembre 1999
pour équiper les Mirage 2000-5F.
La livraison de 1 430 missiles est prévue, dont 1 070 pour
l'armée de l'air (370 EM, 700 IR), et 360 pour la marine (170 EM,
190 IR). Le projet de loi prévoit d'affecter 624 millions d'euros de
crédits de paiement à ce programme de 2003 à 2008, pour
520 missiles livrés à l'armée de l'air et 250 à la
Marine.
. Le Meteor
Le MIDE (Missile d'interception à Domaine Elargi)-Meteor
21(
*
)
est un missile air-air à moyenne
portée, complémentaire du MICA ; il est destiné aux
interceptions de tout type de cible aérienne, et sera
équipé d'une propulsion à base d'un statoréacteur
et d'un autodirecteur électromagnétique actif
dérivé de celui du MICA. Associé au système d'armes
adéquat, il procurera des capacités « tire et
oublie ». Sur le Rafale, sa portée sera supérieure
à 120 km.
Le MIDE/Meteor devrait équiper en priorité les escadrons de
Rafale à vocation de défense aérienne de l'armée de
l'air et les flottilles de la marine.
L'objectif est un total de 400 missiles, dont 300 pour l'armée de l'air,
et 100 pour la marine.
L'évaluation financière de ce programme est estimée, pour
la Marine et l'Armée de l'Air, à 130 millions d'euros pour le
développement, et à 273 millions d'euros pour la fabrication. La
présente programmation prévoit les sommes nécessaires au
lancement du développement.
Le programme Meteor est conduit en coopération entre le Royaume-Uni
(leader du programme avec 34,6 %), l'Allemagne (21 %), l'Italie (12 %),
l'Espagne (10 %) (pour l'Eurofighter), la Suède (10 %) (pour le Gripen)
et la France (12,4 %) (pour le Rafale).
Les implications de la décision allemande, annoncée en
décembre 2002, de réduire ses commandes de 1 490 à
600 missiles ne sont pas encore évaluées. Il semble cependant
probable que cette réduction ait été anticipée par
les partenaires de l'Allemagne, et ne soit pas de nature à remettre en
cause ce programme.
2. Un développement des capacités de défense anti-missiles
Dans
un contexte international marqué par la prolifération des
missiles balistiques, et celle des armes de destruction massive, le projet de
loi de programmation retient l'objectif d'
acquérir à l'horizon
2010 une première capacité de protection des forces
déployées en opérations
.
Cette capacité s'appuiera sur un
système d'interception
-
le missile sol-air moyenne portée/terre (SAMP/T) constitué par
l'
Aster 30
- et plusieurs sous-ensembles dont le développement
reste à confirmer : un
système d'alerte lointaine
, un
radar d'acquisition et de poursuite
(
M3R : modular, mobile,
multifunction radar
), et un
système de gestion de
l'engagement
(
BMC3 : battle management command, control and
communication
) intégré aux structures de commandement et de
contrôle des opérations aériennes.
A l'horizon 2010, notre première capacité comporterait, outre
l'Aster 30 (missile SAMP/T) livré en 2006 à l'armée de
terre et en 2010 à l'armée de l'air, un système
d'acquisition et de poursuite de type M3R commandés en 2007 et
livrés en 2010 et l'adaptation du système de commandement des
opérations aériennes. Les informations relatives à
l'alerte avancée seraient traitées à partir des
données fournies par un programme américain (
SEW : shared
early warning
).
En ce qui concerne la coopération internationale, l'
OTAN
, par une
étude de faisabilité, et l'
Europe
, par les conclusions
d'un groupe ad-hoc dans le cadre du programme ECAP (European Capabilities
Action Plan), ont décelé des lacunes capacitaires importantes
à combler dans ce domaine. La France participe à ces forums de
réflexions internationaux et il apparaît qu'une coopération
politique et opérationnelle est indispensable, du fait des
caractéristiques (long rayon d'action, faible préavis) de la
menace découlant des armes de destruction massives.
Une première coopération pourrait se concrétiser autour du
radar M3R ou d'un équivalent, avec l'Allemagne ou la Grande-Bretagne,
qui ont comme la France, des projets, accompagnés de calendriers
compatibles.
En ce qui concerne plus précisément le
programme sol-air
moyenne portée (SAMP/T)
, il s'intègre dans la famille de
systèmes sol-air futur (FSAF) qui repose sur les missiles Aster 15 et
30, conçus dès l'origine pour intégrer une capacité
antimissiles. Il est développé en commun par les armées de
terre et de l'air, pour répondre à un besoin en moyenne
portée (remplacement du système Hawk).
Le programme est conduit en coopération avec l'Italie. Pour la France,
la cible du programme est de 12 sections dotées de 4 lanceurs
chacune (6 sections armée de l'air, 6 sections armée de
terre) et 575 missiles Aster 30 (300 armée de l'air, 275 armée de
terre).
Le programme sera développé en
deux étapes
.
Le SAMP/T block 1
, livrable dès 2006, doit contribuer à la
défense aérienne élargie des forces terrestres
projetées et des bases aériennes de théâtre; il
doit être capable de
faire face à l'ensemble des menaces
aérobies modernes
(avions de combat, missiles de croisière,
drones, missiles tactiques sol/sol et air/sol) dans une situation intense de
guerre électronique, ainsi que la
menace balistique dite
« rustique »
, c'est à dire constituée de
missiles mono-étage d'une portée de 600 Km, à tête
non séparable (type Scud).
Le système comprend une conduite de tir constituée
principalement du radar multifonctions Arabel
et d'un module d'engagement,
de quatre lanceurs terrestres à 8 missiles Aster 30 chacun
et de
deux systèmes de rechargement.
Le système peut engager un avion gros porteur à 80 km et
15 000 m d'altitude, un avion de combat manoeuvrant à 35 km, un
missile plongeant à 2,5 km et défendre une zone de plusieurs
dizaine de km² contre des missiles balistiques de portée 600 km.
L'avancement du programme est conforme aux prévisions. L' OCCAR devrait
notifier au début de l'année 2003 un contrat portant sur 12
systèmes/575 missiles Aster 30 (dont une tranche ferme de 2
systèmes/70 missiles) pour la France et de 6 systèmes/288
missiles pour l'Italie. En ce qui concerne la France, 4 systèmes
seraient livrés de 2006 à 2008, puis 8 autres au-delà.
Ce contrat inclut le développement complémentaire de la
capacité antimissile balistique « block 1 », qui
sera systématiquement introduite dans les systèmes et les
missiles livrés à partir de 2008 (les systèmes
livrés en 2006 et 2007 seront donc rétrofités).
La
deuxième phase du programme
, qui permettra de contrer les
missiles balistiques de théâtre d'une portée de 1 500
kilomètres, n'a pas pour l'instant fait l'objet d'un
échéancier précis.
Le projet de loi affecte 686 millions d'euros au programme SAMP/T de 2003
à 2008, les autorisations de programme nécessaires sur la
période approchant les 1,4 milliard d'euro.
Votre rapporteur se félicite tout particulièrement que les moyens
suffisants aient été dégagés pour permettre de
lancer l'acquisition de cette première capacité antibalistique.
Il s'agit là d'une réponse concrète à la
montée de la menace balistique. Ces programmes confortent en outre les
capacités technologiques acquises par nos industries dans ce domaine.
3. Le renforcement et la modernisation des données fournies par les radars.
A
l'heure actuelle, la France dispose déjà d'un
radar Graves,
utilisé pour la détection de satellites, implanté sur
deux sites
(Dijon et Apt)
. Ce système fournit des données
du niveau de celles obtenues par des systèmes comparables aux Etats-Unis.
Le
système GIRAFFE
va contribuer au renforcement de la
détection des vecteurs aériens. Il sera utilisé pour la
détection de tout objet mobile volant à basse altitude et
à basse vitesse, et ayant une faible signature radar. Sa portée
sera d'environ 100 km, et sa mobilité (camion équipé d'un
mât télescopique) lui permettra d'assurer la détection au
profit des
« bulles de protection »
d'équipements sensibles, en France comme en opérations
extérieures.
Quatre radars de ce type ont été commandés et
seront
livrés durant la période de programmation, en 2003.
Dans le
cadre des enseignements tirés après le 11 septembre,
l'acquisition de deux radars supplémentaires est prévue. En
matière de radar aéroporté, la France est
équipée de deux systèmes, le SDCA de l'armée de
l'air et le Hawkeye de la Marine (voir supra) dont un troisième
exemplaire sera livré en 2003 et qui assure des missions
équivalentes à celles des AWACS.
Le SDCA (système de détection et de conduite
aéroportée),
acronyme français de l'AWACS (Airborne
Warning and Control System), comporte quatre appareils, en service depuis 1992.
Interopérable avec les équipements de l'OTAN, ce système a
été utilisé avec profit lors des opérations dans
les Balkans. Comme tous les équipements aériens, il est
doté d'une souplesse d'emploi, et donc d'une facilité de
projection qui lui permet d'assurer une capacité d'évaluation
rapide de la situation aérienne, ainsi que de constituer un poste de
commandement.
Le SDCA comporte un radar lui permettant de déceler les cibles
aériennes, y compris à basse altitude, ainsi que les cibles
maritimes. D'une portée de 360 km en basse altitude, sa détection
s'étend jusqu'à 600 km en haute altitude.
La constante modernisation de ces équipements est nécessaire
à leur bon fonctionnement. La programmation y affecte un total de 290
millions d'euros pour mettre le système en conformité avec les
nouvelles règles de circulation aérienne, acquérir un
système de préparation de mission qui soit mobile, et
sécuriser les moyens de communication.
I. PRÉPARATION ET MAINTIEN DE LA CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE
Le
système de force « préparation et maintien de la
capacité opérationnelle » a pour objectif de
«
disposer de l'environnement nécessaire au personnel et
à ses équipements pour lui permettre de remplir ses missions dans
les meilleures conditions de coût et d'efficacité
».
Les principaux axes d'effort retenus dans le projet de loi de programmation
pour les années 2003- 2008 sont la
restauration de la
disponibilité des matériels
, l'amélioration de la
protection des forces contre la menace biologique
, le
développement d'outils d'aide à la décision
et la
mise à niveau de l'environnement des forces
, notamment le
service de santé des armées
.
Ces orientations répondent à la nécessité urgente
de renforcer nos moyens dans deux
domaines qui ont particulièrement
souffert au cours des années récentes
: celui de la
disponibilité des matériels
marqué par une
dégradation «
insupportable
»
, ainsi
que l'a qualifiée le Président de la République ; le
service de santé
, outil fondamental indissociable de notre
capacité de projection de forces, dont la professionnalisation s'est
accompagnée d'un fort déficit en personnels, notamment en
médecins.
En outre, l'accroissement significatif de la
menace biologique
asymétrique mérite d'être prise en compte de manière
beaucoup plus accentuée. C'est l'une des inflexions importantes
apportées par le projet de loi.
Au cours de la période 2003-2008, le système de forces
« préparation et maintien de la capacité
opérationnelle » bénéficiera d'une
annuité moyenne d'environ 5,1 milliards d'euros en crédits de
paiement, selon l'échéancier précisé
ci-après.
(en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total
|
AP |
5 966 |
5 830 |
5 752 |
5 595 |
5 484 |
5 220 |
33 848 |
CP |
4 967 |
5 069 |
5 110 |
5 358 |
5 314 |
5 104 |
30 921 |
1. La restauration de la disponibilité des matériels : un impératif urgent
Les
armées connaissent une forte dégradation des matériels
depuis cinq ans. Ces déficiences résultent en grande partie du
vieillissement de matériels qui n'ont pu être renouvelés
à temps en raison de la faiblesse, ces dernières années,
des crédits d'équipement. Elles s'expliquent également par
la réduction des crédits alloués à l'entretien
programmé des matériels entre 1997 et 2002. Elles tiennent
également à la désorganisation de la fonction
« rechanges » dans les différentes armées et
l'allongement de la durée des réparations.
La restauration de la disponibilité des matériels est l'un des
trois objectifs majeurs du présent projet de loi de programmation. Le
retour à une situation saine implique un
effort financier important
combiné avec des réformes de structure
.
a) Un effort financier conséquent
Le
projet de loi de programmation militaire prévoit de fixer
l'
annuité moyenne des crédits d'entretien programmé des
matériels (EPM) à 2 379 millions d'euros
, hors maintien
en condition opérationnelle inclus dans les programmes, soit une hausse
de 8 % par rapport à 2001.
Cet effort financier doit permettre de rattraper le retard accumulé mais
aussi de
faire face à la hausse prévisible des coûts de
maintenance
sous le double effet du maintien en service de matériels
vieillissants et de l'arrivée de matériels nouveaux et
sophistiqués.
L'analyse détaillée des taux de disponibilité montre que
plus les matériels sont âgés, plus leur
disponibilité est faible et plus leur entretien coûte cher
. De
1997 à 2002, l'armée de l'air a pratiquement augmenté de
50% les crédits d'entretiens consacrés aux Transall (+ 60
millions d'euros). Dans le même temps, leur taux de disponibilité
à chuté de 69% à 55%.
Parallèlement, l'armée de terre a constaté une
augmentation de 44 % du coût global des rechanges pour les blindés
depuis l'entrée en service du char Leclerc. Elle estime par ailleurs que
le coût d'entretien de l'hélicoptère Tigre sera quatre fois
plus élevé que celui de l'hélicoptère Gazelle.
C'est donc logiquement, que l'effort financier en faveur de l'entretien se
combinera avec l'augmentation des crédits destinés à
l'acquisition de matériels neufs permettant leur renouvellement et
évitant que, comme au cours de la précédente loi de
programmation, les états-majors soient contraints de choisir entre
l'entretien de l'existant et le renouvellement de leur parc.
b) La nécessité de poursuivre la réforme des structures de maintenance
La
faiblesse des crédits consacrés à l'entretien des
matériels n'étant pas la seule cause de la baisse de la
disponibilité, il est
impératif de poursuivre les
réformes déjà engagées des structures de maintien
en condition opérationnelle
.
Deux organismes interarmées ont d'ores et déjà
été mis en place : la Structure intégrée de
maintien en condition opérationnelle des matériels
aéronautiques de la défense (SIMMAD) en 1999 et le Service de
soutien de la flotte (SSF) en 2000.
La
SIMMAD
a la responsabilité de la maintenance de l'ensemble du
matériel aérien des trois armées et de la gendarmerie,
soit de plus de 2 000 appareils. Dotée d'un budget de 1,4 milliard
d'euros, elle gère 700 000 références, conclut 600
marchés et passe 20 000 postes de commande chaque année. L'action
de la SIMMAD semble porter ses fruits : le taux de disponibilité
des matériels aéronautiques est passé de 54,2 % en
décembre 2000 à 60 % en août 2002. L'objectif de 67 % fin
2002 paraît hors de portée. Pour 2003, l'objectif de
disponibilité attendu est de 75 %.
Les résultats du
SSF
, service constitué à
parité entre la Marine et la DGA, sont encore difficile à
évaluer. En place depuis juin 2000, il n'a pu obtenir une
évolution sensible de la disponibilité des bâtiments. Ces
difficultés s'expliquent vraisemblablement par le quasi monopole de DCN
sur l'entretien de la flotte, sur la spécificité de la plupart
des navires produits en très petite série et sur la profonde
désorganisation de la fonction rechange, qui sera reprise en main par la
marine en 2003. De fait, pour 80 bâtiments seulement, le SSF gère
800 000.
La réorganisation du maintien en condition opérationnelle dans
l'armée de terre est actuellement à l'étude. Une Structure
intégrée de maintenance du matériel terrestre (SIMMT)
pourrait être créée, pour remédier aux mauvais
résultats enregistrés ces dernières années,
à moins que ne soit privilégiées des solutions ad hoc
à travers la réforme de la direction centrale du matériel
de l'armée de terre (DCMAT).
2. Le service de santé des armées : un début de redressement à conforter
Le
service de santé est un
élément essentiel de
l'environnement des forces
. Sur le territoire national, il concourt
à la condition militaire en assurant le soutien médical des
unités. En opération, il est présent dès que des
troupes françaises sont engagées, il assure le traitement des
blessés et apporte ainsi un soutien moral déterminant aux forces
sur le théâtre. Il met en oeuvre un
concept de
« médicalisation de l'avant »
, fondé sur
le soutien au plus près du combattant et les évacuations
sanitaires précoces. Ce concept, qui a permis de limiter de
manière remarquable les pertes en opérations, est reconnu comme
l'un des points forts de l'armée française
, qui disposait
jusqu'à présent d'un avantage comparatif certain par rapport
à d'autres armées européennes.
Il est donc indispensable de préserver cette capacité essentielle
au moment où elle se trouve fragilisée. Profondément
restructuré du fait de la professionnalisation, le service de
santé doit en effet faire face à des
difficultés de
recrutement
et à la nécessaire modernisation de ses
structures
22(
*
)
.
a) Une profonde restructuration
La
suspension de la conscription a conduit le service de santé à
réduire de presque 50 % le dispositif hospitalier militaire,
passé de 5 600 à 3 200 lits, en raison de la diminution
du nombre de militaires. Neuf centres hospitaliers des armées ont
été fermés en métropole où ne subsistent que
les neuf hôpitaux d'instruction des armées (HIA). Ce dispositif,
largement ouvert à l'activité de nature civile, est
financé aux deux tiers par les dotations des régimes
d'assurance-maladie rémunérant la participation au service public
de santé.
Combinée aux restructurations, qui ont provoqué des
départs de personnels, civils ou militaires, vers le secteur civil, la
suspension de la conscription a entraîné de fortes
difficultés dans la gestion des ressources humaines du service,
confronté à un déficit important, notamment en
médecins. En effet, le service national fournissait 27 % des
médecins, 63 % des pharmaciens, 75 % des vétérinaires, 92
% des chirurgiens dentistes, 25 % des laborantins et 15 % des infirmiers.
Dans le même temps, les opérations extérieures se sont
multipliées et prolongées dans le temps, accentuant le
problème posé par le déficit en personnels.
b) Assurer la fidélisation
En
prévoyant la
création de 220 postes de médecins
supplémentaires
, le projet de loi de programmation militaire
permettra de maintenir le recrutement à l'entrée des
écoles à 150 élèves par an, pour satisfaire
à terme (9 ans minimum) les besoins du service de santé.
Jusqu'à ce que ces mesures puissent produire tous leurs effets, il
serait souhaitable que le service de santé dispose de
primes
incitatives
pour recruter des médecins récemment
diplômés. Ce type de recrutement est pour l'instant
décevant, moins de 20 % des postes proposés étant
pourvus. Il serait également souhaitable d'améliorer sensiblement
les
primes accordées aux spécialistes
et de conforter les
mesures prises dès 2003 à destination des médecins en chef
(prime de technicité, contingent supplémentaire d'échelles
lettre) pour éviter leur départ dans le secteur civil. Les
médecins peuvent en effet quitter les armées après 25 ans
de service, études comprises. De telles mesures pourront être
prises dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation.
Un effort important sera par ailleurs accompli pour
créer de nouveaux
postes de personnels militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux
des armées
(MITHA). 200 postes avaient été
créés en 2002, 200 autres le seront en 2003 et 149 en 2004. Ces
créations sont impératives pour assurer un taux d'encadrement des
lits conformes aux normes civiles. L'encadrement des lits dans les
hôpitaux militaires est en effet inférieur d'un quart à
l'encadrement dans les hôpitaux civils. Les créations attendues
permettront également de réduire le temps de travail des
personnels. Celui-ci est estimé, en moyenne, hors astreintes et
permanences, à 44 h 30, un quart des personnels assurant
48 h 30.
Pour ces personnels, la parité des rémunérations avec la
fonction publique hospitalière devrait être prochainement
assurée, en les faisant bénéficier des mesures dites
Kouchner (en application des dispositions du décret du 10 février
1994). Le problème du différentiel de rémunération
des gardes de nuit ne sera toutefois pas résolu.
c) La modernisation des équipements
La
modernisation des équipements du service de santé des
armées aura pour but au cours de la période de renforcer ses
capacités de soutien des forces projetées et ses infrastructures
sur le territoire national.
Le dispositif de médicalisation de l'avant, permettant d'intervenir au
plus près des opérations, sera renforcé par
l'
achèvement du programme d'éléments techniques
modulaires
. Il s'agit de conteneurs projetables permettant d'assurer les
différentes fonctions hospitalières et pouvant être
assemblés en fonction des besoins.
Les hôpitaux d'instruction des armées seront modernisés. Le
principal programme est la construction d'un
hôpital neuf à
Toulon
, en remplacement de l'hôpital Ste-Anne dont les
bâtiments datent du XIXe siècle. Cette opération devrait
être achevée en 2007. Par ailleurs, les hôpitaux Begin et du
Val-de-Grâce seront remis aux normes.
3. La protection contre la menace nucléaire, biologique et chimique
Face
aux menaces liées à la prolifération des armes de
destruction massive, biologiques en particulier, et à leur utilisation
possible dans le cadre d'actions terroristes, un ensemble de mesures a
été intégré, après les attentats du 11
septembre, dans le projet de loi de programmation militaire pour
améliorer la protection et la sauvegarde des forces face à une
menace nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC). Ces
mesures visent aussi bien à protéger les forces projetées
à l'étranger, que le territoire national. En effet, si une crise
de cette nature devait intervenir, les forces armées participeraient aux
plans d'urgence mis en place dans les différentes zones de
défenses par les préfets.
Un
objectif de capacité de défense biologique est
défini permettant la protection individuelle de 15 000 hommes et celle,
collective, de 10 sites projetés
contre un nombre significatif
d'agents.
Il s'agit ensuite d'améliorer les dispositifs existants en dotant
certaines unités de
matériels
supplémentaires
: tenues de protection pour la gendarmerie et
la marine, moyens de reconnaissance du risque industriel pour l'armée de
terre, acquisition de moyens de prélèvement et de transport
biologique et chimique, acquisition de nouvelles seringues d'auto-traitement
contre une intoxication chimique, développement d'appareil de
détection du risque radiologique et enfin amélioration de la
capacité d'analyse, d'accueil et de traitement des hôpitaux
d'instruction des armées et du laboratoire spécialisé du
service de santé.
L'ensemble de ces nouveaux moyens, s'il a évidemment pour
finalité la protection des forces projetées, permettra
d'
accroître les capacités d'expertise et d'analyse des
armées en cas de crise
sur le territoire. Celles-ci seront mieux
à même d'appuyer et de renforcer l'action de la défense
civile, en apportant le savoir-faire et les capacités militaires.
L'ensemble de ces mesures représentera un effort financier de 51,53
millions d'euros sur la durée de la loi de programmation.
La
défense du territoire
contre la menace nucléaire,
radiologique, biologique ou chimique :
rôles respectifs des
armées et des autorités civiles
Contrairement à la période de la guerre froide
où une attaque NRBC était possible par un adversaire
identifié, les menaces pesant sur les populations sont désormais
essentiellement de nature terroriste ou technologique.
La prise en compte de ces risques, avec le financement par le programme civil
de défense de moyens d'intervention au profit des différents
services concernés, relève du
Secrétariat
général de la défense nationale (SGDN)
. Ce programmes
est conduit dans un
cadre budgétaire impliquant sept
ministères
.
La protection des populations sur le territoire incombe à titre
principal aux ministères de l'intérieur (sécurité
civile), de la santé et de l'agriculture (santé publique et
vétérinaire).
Le
ministère de la défense
est quant à lui
responsable de la
protection des approches maritimes et aériennes
et doit être à même, sur réquisition des
préfets, de
renforcer les moyens civils
pour les missions de
secours et de protection des populations, d'aide aux services publics et de
sécurité générale. Est ainsi prévue la mise
à disposition du ministère de l'Intérieur
d'équipements de protection, de moyens de détection et
d'expertise et des moyens du service de santé des armées.
Le projet de loi de programmation prévoit l'acquisition de
capacités nouvelles, principalement pour la défense biologique,
ainsi que l'amélioration de capacités existantes dans les
domaines nucléaires et chimiques. Ces moyens répondent à
la double mission de protéger les
troupes déployées et de renforcer, en cas d'acte terroriste ou
d'incident sur le territoire national, les moyens mis en place par les
ministères civils.
Les moyens militaires interviennent dans le cadre des plans gouvernementaux
d'urgence : PIRATOME (accident nucléaire ou radiologique), PIRATOX
(attaque terroriste chimique) et BIOTOX (malveillance ou attentat biologique).
Ces plans sont activés dans le cadre des zones de défense. Leur
mise en oeuvre est dirigée par les préfets de zone de
défense qui peuvent notamment s'appuyer sur le concours d'un officier
général à la tête d'un état-major
interarmées. Les forces armées apportent également leur
concours dans les domaines de l'expertise (évaluation des
contaminations, identification des polluants), du traitement des blessés
(hôpitaux des armées et fournitures d'antidotes) et de la
dépollution des zones grâce à des équipes
spécialisées.
J. LA PRÉPARATION DE L'AVENIR : UN REDRESSEMENT DE L'EFFORT DE RECHERCHE QUI DEVRA IMPÉRATIVEMENT ÊTRE ACCENTUÉ DANS UN CADRE EUROPÉEN
Faut-il rappeler le
caractère indispensable des
crédits de recherche
pour la préparation de l'avenir et la
maîtrise, par la France et ses entreprises, des technologies-clefs
permettant d'assurer de manière autonome le développement des
systèmes d'armes modernes ?
Le niveau actuel de performance de nos équipements résulte
directement d'un investissement conséquent et continu
réalisé, au cours des dernières décennies, dans les
domaines de pointe. Compte tenu de la durée du cycle de conception des
matériels militaires, l'effort financier doit être maintenu dans
le temps pour préserver cette compétence technologique et
demeurer en phase avec l'innovation continue qui caractérise le domaine
de la défense.
Pourtant, cet effort de recherche, si déterminant pour l'avenir de notre
outil de défense et de notre industrie, tant militaire que civile, a
été victime, au cours des dernières années, d'une
réduction excessive
,
surtout dans le domaine des
études-amont
, c'est à dire celui qui n'est pas directement
lié au développement des matériels nouveaux mais dont le
rôle est crucial pour l'acquisition des capacités technologiques
du futur.
Le
redressement des crédits de recherche, absolument
impératif, est engagé par le projet de loi de programmation
.
Toutefois, l'importance des moyens financier désormais
nécessaires à la recherche militaire, tout comme l'ambition d'une
politique européenne de défense incitent fortement à
développer des coopérations avec nos principaux
partenaires
. Cette accentuation des coopérations permettra
d'augmenter l'efficacité des crédits supplémentaires
dégagés en faveur de la recherche par le projet de loi de
programmation militaire afin de mettre un terme au décrochage
constaté depuis quelques années vis à vis du Royaume-Uni
et surtout des Etats-Unis.
1. Un relèvement programmé de l'effort de recherche et technologie
L'effort de recherche est habituellement
comptabilisé
à travers deux agrégats : l'agrégat
« recherche et technologies » - R&T - et
l'agrégat plus large « recherche et
développement » - R&D.
L'agrégat R&T
(recherche et technologie) mesure l'
effort
consenti « en amont » des programmes d'armement
. Il
correspond à l'activité qui ouvre la possibilité, en
s'appuyant sur les travaux réalisés dans le secteur civil,
d'acquérir l'expertise, les connaissances et les capacités
scientifiques, techniques et industrielles permettant de définir et de
lancer les programmes d'armement.
L'agrégat R&T, comprend :
- le budget des études amont ;
- le budget des études à caractère opérationnel ou
technico-opérationnel (EOTO) et des études à
caractère politico-militaire, économique et social (EPMES) ;
- les subventions versées aux organismes de recherche sous tutelle du
ministre de la Défense tels que l'Office national d'études et de
recherche aérospatiales (Onera) et l'Institut franco-allemand St-Louis
(ISL) ;
- le financement des travaux de recherche fondamentale et relatifs aux nouveaux
moyens d'expérimentation et de simulation du CEA ;
- le financement des centres de recherche des écoles sous la tutelle de
la DGA.
Par ailleurs, le ministère de la Défense contribue au budget
civil de recherche et développement (BCRD), bien que le ministère
n'en ait jamais contrôlé l'emploi. Votre rapporteur a
déjà signalé que le projet de loi de programmation
précise qu'au-delà de 2003, la part du BCRD qui relève de
la Défense sera évoquée dans le cadre des discussions
budgétaires annuelles. C'est pourquoi aucun financement n'est inscrit au
titre du BCRD dans le référentiel de programmation.
L'agrégat R&D
(recherche et développement), beaucoup
plus large, comprend pour sa part la R&T ainsi que les travaux de
développement des matériels
, dont ceux des programmes
d'armement déjà lancés.
Au cours des cinq dernières années,
l'effort de recherche a
particulièrement souffert de la réduction des budgets
d'équipement
des armées. Il a même diminué plus
vite que les crédits du titre V.
Évolution des crédits de recherche de 1996 à 2002
(crédits inscrits en loi de finances initiale, hors BCRD, en milliards d'euros courants)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
R & T |
1,27 |
1,08 |
0,98 |
0,99 |
0,98 |
0,98 |
0,99 |
R & D |
4,20 |
3,63 |
3,10 |
3,27 |
3,33 |
3,42 |
3,48 |
Le
tableau ci-dessus montre que les
dotations prévues en loi de finances
pour la recherche-amont (R & T) ont diminué de 22%
entre 1996 et
2002. Pour l'ensemble des crédits de recherche et développement
(R & D), la diminution a été brutale entre 1996 et 1998 ( -
26%) avant que ne s'opère un redressement, le niveau atteint en 2002
étant inférieur de 17% à celui de 1996.
Par ailleurs, les chapitres budgétaires consacrés aux
études et aux développements ont été parmi les plus
touchés par les annulations de crédits, le niveau des
dépenses effectives ayant été notablement inférieur
à celui des dotations inscrites en loi de finances initiale.
Durant la même période, nos crédits de recherche et
technologie ont été inférieurs d'environ 60% à ceux
du Royaume-Uni. Quant aux dépenses de recherche et développement
des Etats-Unis, elles ont été maintenues, en monnaie constante,
à un niveau de 40 milliards de dollars sur la période, une
augmentation de 50% étant programmée entre 2001 et 2005. La
volonté manifeste, outre-atlantique, de créer une
véritable rupture technologique entre l'Amérique et le reste du
monde, au-delà du fossé quantitatif qui existe
déjà, est le moteur principal de l'accroissement de cet effort de
recherche. Celui-ci s'exerce tous azimuts, certains domaines étant
particulièrement privilégiés comme la défense
anti-missiles, l'utilisation de l'espace ou la furtivité.
Le projet de loi de programmation militaire marquera l'arrêt du
décrochage entre la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, si ces
pays n'accentuent pas à nouveau leur effort de recherche. Il ne
permettra toutefois pas de rattraper nos partenaires britanniques.
Les crédits de paiement qui seront consacrés à la
recherche et technologie et à la recherche et développement entre
2003 et 2008 s'établissent comme suit :
On observe que le projet de loi permet un
relèvement significatif,
supérieur à 18% sur 6 ans, des crédits
d'études-amont
concourant à l'effort de recherche et
technologie, qui passeront d'environ 1 milliard d'euros actuellement à
1,2 milliards d'euros en 2008.
En revanche, les dotations consacrées aux développements
connaîtront à partir de 2006 une réduction notable. Cette
évolution traduit le passage d'un cycle de développement à
un cycle de fabrication pour beaucoup de nos matériels majeurs. Ainsi,
les
décalages enregistrés dans la livraison de
matériels nouveaux
mais attendus de longue date, comme le Rafale ou
le Tigre,
restreignent considérablement notre capacité
à développer des systèmes d'armes de nouvelle
génération
, qui n'interviendront qu'au cours de la
programmation suivante.
2. Maîtriser les capacités technologiques clefs : un enjeu majeur
La
politique de recherche et technologie du ministère de la défense
s'organise autour d'un
« plan prospectif à
30 ans »
(PP30) qui identifie les technologies
nécessaires à notre outil de défense sur le long terme.
Partant du modèle d'armée 2015, ce plan en déduit
l'ensemble des technologies requises non seulement pour réaliser les
armements correspondants mais également et surtout pour lancer le
développement des futurs programmes qui leur succèderont au cours
des quinze années suivantes.
Le recensement des actions technologiques à mener sur les quinze
prochaines années a donné lieu à la création d'un
modèle dit « de capacités
technologiques »
qui précise les actions à
conduire, l'enchaînement de ces travaux et les besoins en financement
associés. Les
axes d'effort de la
politique de R&T
durant la période de la loi de programmation sont donc définis
par rapport à ce modèle. La définition des
capacités implique d'
identifier les technologies de rupture
avec
l'aide de la communauté scientifique.
Les différentes technologies nécessaires ont été
regroupées en
une quarantaine de capacités technologiques
clefs
.
Capacités technologiques clefs |
Poids relatif |
Moteurs d'avions de combat à hautes performances |
7% |
Maîtrise de l'interaction entre aérodynamique, furtivité et autoprotection |
6% |
Numérisation de l'espace de bataille |
6% |
Lutte contre les agents biologiques et chimiques |
5% |
Observation optique spatiale |
5% |
Guidage et navigation de précision maîtrisée |
4% |
Identification non coopérative |
4% |
Capteurs d'écoute |
4% |
Détection et interception aérienne anti-furtive |
4% |
Propulsion et architecture des missiles balistiques |
4% |
Outils de lutte informatique |
3% |
Systèmes de combat navals intégrés et modulaires |
3% |
Détection sous-marine |
3% |
Plates-formes navales innovantes |
3% |
Protection des bâtiments contre les menaces d'origine sous-marine |
3% |
Protection équilibrée pour les blindés et les hélicoptères |
3% |
Maîtrise de l'architecture des systèmes de drones |
2% |
Maîtrise de l'architecture des grands systèmes (Outils de simulation et ingénierie) |
2% |
Environnement géophysique |
2% |
Imagerie radar à haute résolution (SAR-MTI) |
2% |
Armes à énergie dirigée |
2% |
Transmission en EHF (télécommunications spatiales ) |
2% |
Mise en oeuvre de munitions intelligentes bas coût |
2% |
Neutralisation des systèmes de défense aérienne futurs |
2% |
Détection et interception de missiles balistiques |
2% |
Pénétration des missiles balistiques |
2% |
Propulsion et architecture des missiles aérobies |
2% |
Avionique ouverte |
2% |
Soutien médical en opérations extérieures |
1% |
Interfaces homme-machine |
1% |
Fusion de données |
1% |
Maîtrise de l'architecture des missiles de croisière |
1% |
Détection et neutralisation des mines terrestres |
1% |
Robotique |
1% |
Maîtrise de l'énergie |
1% |
Intégration d'ouvertures radioélectriques et optiques partagées et discrètes |
1% |
Maîtrise des systèmes à base d'avions de combat sans pilote (UCAV) |
1% |
Turboréacteurs de petite dimension pour les missiles et les drones |
å (1) |
Identification spatiale et orbitographie (surveillance de l'espace) |
å (1) |
Transmissions stratégiques |
å (1) |
(1)
å
: <
1%
Ce recensement illustre très concrètement la direction
à prendre dès aujourd'hui pour bâtir les systèmes
d'armes de demain.
Au cours de la loi de programmation 2003-2008, un accent particulier sera mis
sur tous les domaines liés à l'
appréciation de
situation
et à la
maîtrise de l'information en temps
réel
: travaux sur l'
observation optique spatiale à
résolution améliorée
et l'observation hyperspectrale,
sur les
liaisons laser à très haut débit entre
systèmes spatiaux et mobiles
, sur les
transmissions spatiales en
Extrêmement haute fréquence (EHF)
et sur la surveillance de
l'espace terrestre des théâtres d'opérations.
Le domaine de la
défense antimissile
fera lui aussi l'objet d'une
priorité, avec la conduite d'études permettant d'acquérir
la capacité antimissile balistique à partir du système
sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T), articulé autour du
missile Aster, et une
capacité d'alerte spatiale sur les tirs de
missiles
.
Les micro-drones, les drones sous-marins, l'amélioration des
performances du missile balistique M 51, la réalisation d'une
plate-forme aérienne expérimentale très furtive, la
détection acoustique, les torpilles hypervéloces, la robotique au
service du projet de « bulle » opérationnelle
aéroterrestre ou encore les nouvelles techniques de détection,
d'interception et de traitement des signaux électromagnétiques
figurent également au rang des domaines étudiés.
Le projet de loi de programmation privilégie la
réalisation de
démonstrateurs technologiques
destinés à
vérifier, dans des conditions représentatives de l'utilisation
réelle, que le niveau de performance escompté est accessible.
Votre rapporteur approuve pleinement cette orientation qui permettra de lever
les risques en validant les technologies nouvelles. Ces dernières seront
plus rapidement intégrées aux programmes d'armement dont les
délais et les coûts pourront alors être réduits.
Pourraient ainsi être très rapidement lancés un
démonstrateur d'alerte avancée spatiale
pour la
détection de tir des missiles balistiques, un démonstrateur de
liaison optique laser aéroportée entre un drone et un
satellite
ainsi qu'un véhicule de contre-minage.
3. Un effort à accentuer en coopération européenne
Les
crédits prévus par le projet de loi de programmation, s'ils
donnent un coup d'arrêt au décrochage vis à vis de nos
partenaires, ne permettent pas d'effectuer un rattrapage ni de retrouver les
niveaux antérieurs à 1997. L'effort très conséquent
effectué sur les études-amont ne compensera pas la baisse des
activités de développement, due à l'entrée de
nombreux programmes en cycle de fabrication, ce qui repousse d'autant, compte
tenu des contraintes financières, le lancement du développement
d'équipements nouveaux.
Ainsi, en matière
spatiale
, la mise en service des satellites
Helios 2 ne sera achevée qu'en fin de programmation et seules sont
envisagées des études amont et l'initiation d'une
coopération européenne pour assurer la pérennisation d'une
capacité globale d'observation tout temps. Les décisions de
lancement de ces programmes sont déjà anciennes et aucun nouveau
programme n'est envisagé.
En matière de
drones
, qu'il s'agisse des systèmes MALE
(moyenne altitude longue endurance) ou MCMM (multi-charges, multi-missions),
les livraisons interviendront également tardivement et, pour
l'essentiel, au-delà de 2008 (livraisons à partir de 2009 pour
les drones MALE, livraison de 10 drones MCCM sur 40 avant la fin 2008). On
peut s'inquiéter de ces livraisons tardives, alors même que les
opérations américaines en Afghanistan ou encore récemment
au Yémen ont montré l'utilité de ces capacités et
l'avance technologique dont disposent les Etats-Unis pour lesquels l'usage de
drones Predator armés est désormais banalisé.
Une contrainte financière forte continuera donc à peser sur les
crédits de recherche et développement.
Mais l'ampleur des domaines technologiques à étudier et des
capacités à développer est telle que la seule augmentation
des crédits ne permettrait pas d'atteindre un résultat
satisfaisant. La différence entre l'Europe et les Etats-Unis est certes
très importante (de 1 à 4), mais comme dans les autres domaines
militaires,
les Européens souffrent en premier lieu de la dispersion
et de la non coordination de leurs moyens
.
Les
travaux de recherche et de technologie conduits conjointement par les
pays européens
sont actuellement très limités
.
On peut citer le programme d'études amont sur le
système de
combat aérien futur
européen (SCAFE/ETAP), dont on se demande
quel est son avenir, étant donné l'engagement de plusieurs pays
européens dans le développement du JSF/F 35, qui fragilise toute
perspective d'élaboration d'un futur avion européen de combat de
nouvelle génération, ou encore le
domaine des radars de
surveillance du sol
(
Stand-off surveillance and target acquisition
radar - SOSTAR
).
A l'évidence, il est indispensable d'aller beaucoup plus loin.
Il est permis d'espérer que le plan d'action européen sur les
capacités (ECAP) exercera une influence fédératrice afin
de
lancer des programmes de recherche européens
pour
répondre aux besoins militaires communs et combler les lacunes
capacitaires identifiées. Le domaine spatial, que ce soit en
matière d'observation, de télécommunications ou d'alerte,
ou encore celui des drones, mériteraient à ce titre une attention
particulière.
La proposition du groupe de travail sur la défense de la Convention sur
l'avenir de l'Europe d'étendre à la recherche les
compétences d'une future
agence européenne d'armement
constituerait bien entendu un pas beaucoup plus important. Quelle que soit
la structure de rattachement envisagée, il semble en effet
impératif de transférer vers un organisme commun une part
croissante des fonds de recherche européens afin d'accéder
à une réelle taille critique et d'acquérir les
compétences technologiques nécessaires à la
crédibilité militaire de l'Europe et à la
pérennité de son industrie de défense.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Approbation du rapport
annexé
Conformément à la tradition, le projet de
loi de
programmation militaire dont le dispositif, après examen par
l'Assemblée nationale, ne dépasse pas 9 articles, prévoit,
en son article premier, l'approbation d'un rapport annexé fixant, pour
les années 2003 à 2008, les orientations de la politique de
défense et les moyens qui lui seront consacrés -afin de leur
conférer une valeur législative.
C'est le contenu de ce document qui a été analysé dans le
présent rapport et qui est structuré comme suit :
l'introduction rappelle l'évolution récente du contexte
stratégique -imprévisibilité et accroissement des menaces,
nécessaire développement de l'Europe de la défense- et qui
fonde les principales orientations de notre défense pour les cinq
années à venir : mieux assurer la sécurité des
Français et la défense des intérêts nationaux,
restaurer la disponibilité des matériels, moderniser nos forces
et développer la recherche, consolider la professionnalisation.
La première partie décrit le cadre général de notre
politique de défense qui prend en compte cet environnement
stratégique. Il s'agit de rehausser l'effort de défense autour
des quatre grandes fonctions stratégiques -dissuasion,
prévention, projection-action, protection. Le modèle
d'armée de référence 2015 reste pertinent mais fait
l'objet d'ajustements substantiels justifiés par l'évolution du
contexte international. L'effort portera sur l'équipement et la
recherche mais permettra aussi de répondre aux exigences de la
professionnalisation et de développer une meilleure efficacité de
la dépense.
La deuxième partie s'attache à cerner précisément
les contours de la programmation militaire 2003-2008 dont les objectifs
principaux sont, d'une part, la consolidation de l'armée professionnelle
-activité, entraînement, fonctionnement- et, d'autre part, la
restauration de la disponibilité des matériels et la
modernisation des équipements, compte tenu notamment de notre engagement
pour la construction de l'Europe de la défense. L'évolution des
effectifs est décrite à l'échéance 2008, en
augmentation de quelque 10 400 personnels -dont 7 000 gendarmes.
Le texte innove enfin en décrivant la modernisation des forces au
travers des huit « systèmes de forces » :
dissuasion ; commandement, conduite, communication et renseignement
(C3R) ; projection et mobilité ; frappes dans la
profondeur ; maîtrise du milieu aéroterrestre ; du
milieu aéromaritime ; du milieu aérospatial, enfin
préparation et maintien de la capacité opérationnelle.
Après avoir adopté des amendements rédactionnels de
précision au rapport annexé, l'Assemblée nationale a
opportunément
ajouté un paragraphe nouveau prévoyant
qu'une ligne budgétaire spécifique aux opérations
extérieures sera créée en loi de finances initiale
.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 2
Moyens affectés aux dépenses en
capital
Cet
article présente l'évolution, sur la période de la
programmation, des dotations des titres V et VI, inscrites en loi de finances
initiale, présentées en crédits de paiement.
Leur montant en moyenne annuelle atteindra 14,64 milliards d'euros à
comparer aux 14,16 milliards d'euros prévus,
initialement
, pour
ces mêmes dépenses d'équipement, par la
précédente loi de programmation. Par ailleurs, à titre
indicatif, ce montant annuel moyen, de 14,64 milliards d'euros est
supérieur de quelque 2 milliards à celui effectivement
alloué durant la période 1997-2002.
La progressivité de ces crédits sur la période permet de
constater sur 2003-2004 une hausse substantielle de 7,96 %, réduite
à une augmentation annuelle de 0,8 % pour les annuités
suivantes, de 2004 à 2008.
Ce chiffre ne prend pas en compte les crédits d'investissements
prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure (n° 2002-1094 du 29
août 2002) et qui octroient à la gendarmerie 1,033 milliard
d'euros pour la période 2003-2008. Le projet de loi de programmation
militaire 2003-2008 prévoit par ailleurs 2,144 milliards d'euros pour la
gendarmerie, soit, pour l'Arme, des moyens cumulés, sur la
période, de 3,177 milliards d'euros
L'Assemblée nationale a d'ailleurs
modifié la rédaction
initiale de l'article pour clarifier et préciser la répartition
des crédits d'investissement entre la loi de programmation militaire et
le projet de loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 3
Effectifs prévisionnels du ministère de la
défense 2003-2008
Le
présent article a pour objet de prévoir l'évolution des
effectifs civils et militaires sur la durée de la loi de programmation.
Les chiffres fixés par l'article 3 excluent les effectifs
affectés aux activités retracées dans les comptes de
commerce. Ils comprennent en revanche les effectifs
«
prévus
» et non
«
créés
», à la suite d'un
amendement adopté par l'Assemblée nationale, au titre de la loi
n° 2002-1094 du 29 août 2002 de programmation et d'orientation pour
la sécurité intérieure.
A la différence de la précédente loi de programmation pour
les années 1997-2002, qui avait conduit à la professionnalisation
des armées et qui comprenait une indication précise de
l'évolution des effectifs, la présente loi retient une simple
prévision pour l'ensemble des services du ministère de la
défense. Elle se conforme ainsi à la vocation traditionnelle des
lois de programmation qui est de programmer l'investissement en faveur de la
défense.
Evolution prévisionnelle des effectifs 2003-2008
Année |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Effectifs |
437 069 |
437 896 |
440 719 |
443 242 |
445 748 |
446 653 |
Sur
la période 2003-2008, les effectifs budgétaires évolueront
peu + 2,2 % et + 0,6 % hors gendarmerie nationale. En effet, avec 7 000
créations d'emplois de militaires prévues entre 2003 et 2007,
l'évolution des effectifs de la gendarmerie explique l'essentiel de
l'évolution des effectifs du ministère de la défense sur
l'ensemble de la loi de programmation.
Pour les armées, la loi de programmation se traduira par un simple
«
ajustement
» des effectifs actuels, notamment dans
l'armée de terre et dans le service de santé des armées.
L'Assemblée nationale a apporté à cet article une
modification rédactionnelle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 4
Fonds de consolidation de
professionnalisation
Cet
article crée un « Fonds de consolidation de la
professionnalisation » doté de 572,58 millions d'euros (valeur
2003) sur la durée de la loi de programmation. Il est destiné
à financer les mesures favorisant la fidélisation, le recrutement
et la reconversion des personnels militaires. L'échéancier des
crédits attribués à ce Fonds est défini par le
rapport annexé.
Ces crédits sont particulièrement importants, la réussite
de la professionnalisation dépendant de la capacité du
ministère de la défense à pérenniser le nouveau
format des armées à travers un niveau de recrutement satisfaisant
en quantité -près de 30 000 jeunes par an- et en qualité,
et correspondant à ses besoins pour les différents métiers
des forces. Cet objectif sera d'autant plus facilement atteint que les
militaires recrutés seront fidélisés et ne seront pas
tentés d'interrompre avant terme leur contrat ou de ne pas le renouveler
en raison de la concurrence du secteur privé.
Les actions permises par ce Fonds seront de deux types : renforcer
l'attractivité du recrutement et la fidélisation des personnels.
Les mesures de fidélisation du personnel représenteront plus de
la moitié des crédits dévolus au Fonds soit 382,6 millions
d'euros environ sur la durée de la loi. Les mesures prévues
auront pour objectif, d'une part, de valoriser les potentiels et les
responsabilités exercées, et, d'autre part, d'accompagner la
mobilité. La valorisation des potentiels et des responsabilités
conduira à l'adoption de dispositifs financiers permanents et
temporaires. Il s'agit de reconnaître les responsabilités
exercée aussi bien en terme technique que d'encadrement. Il s'agit
également de faire face à la concurrence sur le marché du
travail en attribuant des indemnités modulables et réversibles
pour conserver les personnels détenteurs de
«
spécialités critiques
». Enfin, la
mobilité professionnelle et géographique constituant une des
caractéristiques fortes des métiers militaires, il est apparu
nécessaire de revoir les dispositifs d'accompagnement qui sont
aujourd'hui inadaptés, notamment les modalités de prise en charge
des déménagements occasionnés par les mutations ou les
déplacements induits par les actions de formation. Des crédits au
titre V seront également spécifiquement attribués à
des programmes de construction de logements en région parisienne.
Le second volet de ce dispositif est constitué par les mesures
d'attractivité visant à aider le recrutement et à
accompagner la reconversion. Au titre des aides au recrutement, le Fonds
contribuera au financement des actions de communication et permettra la mise en
place de primes d'engagements modulables en fonction du type d'engagement, des
qualifications et de l'emploi à pourvoir. De plus, au titre de
l'accompagnement de la reconversion, le Fonds assurera le financement de
congés complémentaires de reconversion, la délivrance de
formation et surtout un effort particulier à destination des militaires
en fin de contrat titulaire de spécialités purement militaires
sans équivalents dans le secteur civil. Cette politique active de
reconversion apparaît comme la condition de la réussite du
recrutement et de la fidélisation. L'ensemble de ces mesures
d'attractivité représentera un total de 190 millions d'euros
environ sur la durée de la loi.
Echéancier des mesures d'attractivité et de
fidélisation
(en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
Total des mesures* |
18,93 |
45,93 |
71,93 |
115,93 |
146,93 |
172,93 |
572,58 |
*
dont 7,93 M € imputés chaque année au titre V.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 5
(prolongation des articles 3 de la loi n°70-2 du 2 janvier
1970 et 5,6 et 7 de la loi n°75-1000 du 30 octobre 1975)
Mesures
d'incitation au départ d'officiers et de
sous-officiers
Cet
article a pour objectif de proroger un certain nombre de dispositifs
temporaires d'aide au départ des officiers et sous-officiers, tous
n'étant pas reconduits.
Ainsi, les objectifs de repyramidage des effectifs, notamment d'encadrement,
ayant été atteints au cours de la précédente loi de
programmation qui organisait la professionnalisation des armées,
certains dispositifs spécifiques, particulièrement
onéreux, ne sont pas reconduits, tels que le pécule d'incitation
au départ instauré par l'article 1
er
de la loi
n° 96-1111 du 19 décembre 1996 et les pécules
associés aux articles 5 et 6 de la loi n°75-1000 du 30 octobre 1975
(prorogés par l'article 3 de la loi du 19 décembre 1996).
Coût des pécules d'incitation au départ attribués dans le cadre de la loi n° 96-1111 (en M€)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
TOTAL |
87,16 |
129,36 |
115,74 |
118,87 |
73,01 |
39,18 |
563,33 |
Coût des pécules associés aux art 5 et 6 de la loi n°75-1000 (en M€)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
TOTAL |
12,3 |
12,5 |
10,4 |
10,4 |
9,4 |
9,4 |
64,4 |
Les
dispositions, dont le prolongation est proposée, visent à
préserver des possibilités de départs anticipés
dans des conditions favorables et donc à faciliter le déroulement
des carrières des officiers et sous-officiers en permettant la
reconversion ou le départ à la retraite de certains d'entre eux
après une période minimale passée dans les armées.
Les articles 5, 6 et 7 de la loi de 1975 ont pour objectif de faciliter le
départ des officiers supérieurs afin d'accélérer
l'accès à ces grades des officiers subalternes. Les articles 5 et
6 permettent à des officiers supérieurs d'être admis au
bénéfice d'une pension de retraite calculée sur les
émoluments de base afférents à l'échelon de solde
du grade supérieur. L'article 7 permet aux colonels et officiers
généraux de partir en congé spécial, c'est à
dire de quitter le service actif tout en continuant à percevoir la
rémunération afférente aux grade et échelon
occupés à la date de leur mise en congé, ainsi que
l'indemnité de résidence.
L'article 3 de la loi de 1970 permet, quant à lui, à 2 % des
officiers et sous-officiers des grades de major, adjudant-chef et maître
principal, après 10 ans de service, de quitter le service actif et
d'intégrer la fonction publique d'Etat ou territoriale. Cette
possibilité est offerte après sélection interne et un
détachement probatoire de deux mois. Ces personnels perçoivent
une rémunération au moins égale à celle qu'ils
auraient touchée s'ils étaient restés dans les cadres.
Après un an, ils ont la possibilité d'être
titularisés dans le corps des fonctionnaires et sont alors rayés
des cadres des armées.
Ces mesures ont, depuis leurs adoptions respectives en 1970 et 1975, toujours
été reconduites. C'était par exemple le cas de la loi de
1996, relative aux mesures en faveur du personnel militaires dans le cadre de
la professionnalisation des armées, qui les avaient prolongées du
31 décembre 1998 au 31 décembre 2002.
L'article 5 du projet de loi a pour but de les proroger à nouveau
jusqu'au 31 décembre 2008, soit la fin de la présente loi de
programmation. Ces mesures s'appliqueront à compter du 1
er
janvier 2003.
Le calendrier parlementaire ne permettant pas l'adoption par les deux
assemblées du projet de loi de programmation militaire, le Parlement a
d'ores et déjà adopté, dans la loi de finances initiale
pour 2003, un amendement du Gouvernement portant article 63 ter, visant
à proroger les articles 5, 6 et 7 de la loi de 1975 jusqu'en 2002 afin
d'éviter un vide juridique entre le 31 décembre 2002 et la
promulgation de la loi de programmation militaire. Cet amendement ne prorogeait
pas l'article 3 de la loi de 1970.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 6
Habilitation du Gouvernement à prendre
des mesures par
ordonnances
Cet
article tend, en application de l'article 38 de la Constitution, à
autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi.
Ces mesures ont pour objet de régulariser des situations liées
à la mise en oeuvre de la loi du 28 octobre 1997 (n° 97-1019)
portant réforme du service national et prévoyant la suspension du
livre II du code dudit service à compter du 1
er
janvier 2003.
Le dispositif envisagé concerne trois domaines :
- il convient tout d'abord de régulariser la situation des quelques
454 000 jeunes finalement non incorporés, la dernière
incorporation ayant eu lieu en juin 2001 au lieu de fin 2002, comme
initialement prévu. Si ces jeunes gens ont reçu une lettre de la
direction du service national attestant de leur situation
régulière au regard de leurs obligations, ils n'entrent pas dans
les cas de dispense prévus par le code du service national. La mesure
proposée tend à clarifier leur situation par la voie
législative ;
- ensuite, les mesures prévues permettront de pérenniser le
détachement de fonctionnaires pour exercer, en qualité de
militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux
forces : postiers interarmées ou trésoriers aux
armées. Jusqu'alors, pour exercer ces fonctions, le ministère de
la défense avait recours à des fonctionnaires volontaires, non
sur la base du détachement prévu par le statut
général des fonctionnaires, mais en application de
différents articles du Livre II du code du service national
désormais suspendu. Une nouvelle base juridique est donc
nécessaire et ce dispositif sera intégré au statut
général des militaires (loi n° 72-662 du 13 juillet
1972) : dès lors qu'ils sont conduits à suivre les forces en
opérations extérieures, ces fonctionnaires
bénéficieront de la même protection et obéiront aux
mêmes règles que les militaires ;
- il s'agit enfin de pérenniser l'existence des commissions de
réforme, notamment chargées de donner un avis sur l'inaptitude au
service des militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat. Or,
ces commissions relèvent de l'article L 61, désormais suspendu,
du code du service national. Pour redonner une base légale à ce
dispositif, le Gouvernement prévoit d'introduire un nouvel article au
chapitre VI du titre premier du statut général des militaires.
Votre rapporteur est conscient de la nécessité de
répondre, de façon rapide et efficace, aux difficultés
juridiques ou humaines générées par la suspension, depuis
le 1
er
janvier dernier, du Livre II du code du service national.
Pour cette raison, le recours à la procédure de l'habilitation
législative qui doit, d'une façon générale, rester
exceptionnelle, apparaît en l'espèce justifié.
En application de l'article 38 de la Constitution, les ordonnances sont prises
en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat ; elles
entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le
projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le
Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.
En l'espèce, l'article 6 prévoit que les ordonnances seront
prises dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi et
que le projet de loi en autorisant la ratification, sera déposé
au plus tard dans les trois mois suivants.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 6 bis (nouveau)
Extension des dispositions de la LOPSI relatives
à l'assouplissement de la réglementation en matière de
maîtrise d'ouvrage publique et du financement par crédit bail de
construction sur le domaine public
Cet
article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objectif
d'étendre le champ d'application de dispositifs dérogeant au
droit commun en matière de constructions publiques et qui avaient
été adoptées dans la loi d'orientation et de programmation
pour la sécurité intérieure (LOPSI) n°2002-1094 du 19
août 2002 au profit de la justice, de la police et de la gendarmerie
nationale. Le bénéfice de deux de ces mesures sera étendu
aux armées ou aux services du ministère de la défense.
Il s'agit d'une part, en matière de maîtrise d'ouvrage publique,
de permettre à l'Etat de «
confier à une personne ou
à un groupe de personnes, de droit public ou privé, une mission
portant à la fois sur la conception, la construction,
l'aménagement, l'entretien et la maintenance
d'immeubles
», par dérogation aux articles 7 et 18 de la
loi n°85-704 du 12 juillet 1985. L'Etat passe alors un marché avec
le maître d'oeuvre dans le respect des procédures prévues
par le code des marchés publics. Cette mesure vise à prendre en
compte dès le lancement d'un programme immobilier les coûts
d'entretien et de maintenance. On peut donc en attendre, à terme, des
économies substantielles.
D'autre part, le deuxième alinéa de l'article 6 bis
prévoit l'extension du champ d'application de l'article L.34-3-1 du code
du domaine de l'Etat, créé par l'article 3-II de la LOPSI. Il
permet à l'Etat, ou au titulaire d'une autorisation d'occupation
temporaire du domaine public, de conclure un bail portant sur des
bâtiments à construire et comportant au profit de l'Etat, une
option lui permettant d'acquérir, avant le terme fixé par
l'autorisation d'occupation, les installations ainsi édifiées. Le
bail comporte dans ce cas des clauses permettant de préserver les
exigences du service public. Les modalités d'application de cet article
sont fixés par un décret en Conseil d'Etat. En outre, le
financement de ces constructions pourra donner lieu à la conclusion d'un
crédit bail.
Ces dispositions vont permettre de moderniser la gestion immobilière du
ministère et d'engager plus rapidement et dans de meilleures conditions
les projets immobiliers.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 7
Débat au Parlement sur les orientations de la politique de
défense
La
loi de programmation militaire 1997-2002 prévoyait, à son
article 4 : la
présentation annuelle
au Parlement, par
le Gouvernement, d'un
rapport
sur l'exécution des lois ;
l'
organisation, tous les deux ans
, à l'occasion du
dépôt du rapport annuel, d'un
débat
parlementaire
sur l'exécution de la loi.
Le présent article 7 reprend le dispositif d'un débat
parlementaire, tous les deux ans, mais qui porterait plus largement sur les
orientations de la politique de défense et leur mise en oeuvre.
Votre rapporteur souscrit à ce dispositif qui permet au Parlement,
au-delà de la vérification légitime du respect des
échéances et des engagements budgétaires d'une loi de
programmation, de débattre, avec le Gouvernement, des éventuelles
adaptations de notre politique de défense à un contexte par
hypothèse évolutif.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 8 (nouveau)
Débat annuel au Parlement sur
l'exécution
de la loi de programmation
militaire
L'Assemblée nationale a ajouté cet article
additionnel par lequel le Gouvernement est invité à
présenter chaque année au Parlement un rapport sur
l'exécution de la présente loi, qui ferait l'objet d'un
débat. L'article précise que la présentation du rapport et
le débat s'y rapportant se feraient à l'occasion du
dépôt du projet de loi de finances.
Afin de donner une cohérence de calendrier dans l'articulation des
débats prévus à cet article et au précédent,
le rendez-vous bisannuel, prévu à l'article 7, entre le
Gouvernement et le Parlement, sur les grandes orientations de notre
défense, pourrait être organisé au printemps.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ANNEXE
AU TABLEAU COMPARATIF
Loi n° 70-2 du 2 janvier 1970
tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois
civils
Art.
3
Jusqu'au 31 décembre 2002, les officiers et assimilés en
activité de service pourront, sur demande agréée par le
ministre chargé de la défense nationale et soit par le ministre
intéressé, soit par les représentants des
collectivités locales ou des établissements publics à
caractère administratif, être placés, après un stage
probatoire de deux mois en position de service détaché pour
occuper provisoirement des emplois vacants correspondant à leurs
qualifications, nonobstant les règles relatives au recrutement de ces
emplois dans les administrations de l'Etat ou des collectivités locales
et les établissements publics à caractère administratif.
Ils percevront dans cette position une rémunération globale au
moins égale à celle qu'ils auraient perçue s'ils
étaient restés dans les cadres.
Après une année de service dans leur nouvel emploi, ces
personnels pourront, sur leur demande, être intégrés dans
le corps de fonctionnaires titulaires dont relève l'emploi
considéré, sous réserve d'une vérification de leur
aptitude dans des conditions qui seront fixées par décret en
Conseil d'Etat ; ils seront dans ce cas rayés des cadres de
l'armée active. Toutefois, pour l'intégration dans un corps
enseignant du ministère de l'éducation, la durée de
service exigée est de deux ans.
Dans leur nouveau corps, les intéressés seront reclassés
à un indice égal, ou à défaut, immédiatement
supérieur à celui détenu dans leur corps d'origine.
La période initiale de détachement pourra être
prolongée au maximum pour une période de même durée.
Ceux des intéressés qui ne seront pas intégrés dans
le nouvel emploi seront immédiatement réintégrés,
même en surnombre, dans leur corps d'origine.
Des décrets définissent la liste des corps d'officiers
bénéficiaires des présentes dispositions et les conditions
de grade et d'ancienneté requises des candidats. Compte tenu des
possibilités d'accueil indiquées par chaque administration ou
catégorie de collectivités locales ou d'établissements
publics, les contingents annuels d'emplois offerts sont, pour chaque
administration et pour chaque catégorie de collectivités locales
ou établissements, fixés par arrêtés
interministériels.
Les dispositions du présent article sont étendues, jusqu'au 31
décembre 2002 aux sous-officiers de carrière des grades de major,
adjudant-chef ou de maître principal dans des conditions qui seront
fixées par décret.
Loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat
Art.
5
- L'officier ou assimilé d'un grade au plus égal à
celui de lieutenant-colonel ou au grade correspondant, qui a acquis des droits
à pension d'ancienneté à jouissance immédiate et
qui se trouve à plus de quatre ans de la limite d'âge de son grade
poura, sur demande agréée par le ministre de la défense,
être admis au bénéfice d'une pension de retraite
calculée sur les émoluments de base afférents à
l'échelon de solde du grade supérieur déterminé par
l'ancienneté qu'il détient dans son grade au moment de sa
radiation des cadres.
L'officier ou assimilé titulaire du grade de colonel ou d'un grade
correspondant, ou du grade le plus élevé de son corps lorsque
celui-ci ne comporte pas le grade de colonel et qui réunit les
conditions fixées à l'alinéa précédent,
pourra, sur demande agréée par le ministre de la défense,
être admis au bénéfice d'une pension de retraite
calculée sur les émoluments de base afférents à
l'échelon le plus élevé de son grade.
Le nombre d'officiers appelés à bénéficier des
dispositions des deux premiers alinéas du présent article sera
fixé, chaque année, par grade et par corps.
Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'au
31 décembre 2002.
Art. 6
La demande de pension de retraite, prévue à
l'alinéa premier du précédent article, est satisfaite de
plein droit si elle émane d'un officier qui se trouve à plus de
quatre ans de la limite d'âge de son grade et qui a dépassé
dans son grade le niveau d'ancienneté éventuellement fixé
dans le statut particulier de son corps, en application du dernier
alinéa de l'article 40 de la loi du 13 juillet 1972 tel qu'il
a été modifié par l'article 1
er
de la
présente loi et si elle est présentée dans un délai
de trois ans à partir de la date à laquelle
l'intéressé a atteint ce niveau.
Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'au
31 décembre 2002.
CODE DU DOMAINE DE L'ETAT
Art.
L.34-3-1
L'Etat et le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire
du domaine public peuvent conclure un bail portant sur des bâtiments
à construire par le titulaire pour les besoins de la justice, de la
police ou de la gendarmerie nationales et comportant, au profit de l'Etat, une
option lui permettant d'acquérir, avant le terme fixé par
l'autorisation d'occupation, les installations ainsi édifiées.
Dans ce cas, le bail comporte des clauses permettant de préserver les
exigences du service public.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités
d'application du présent article. Il précise les conditions de
passation du bail ainsi que les conditions suivant lesquelles l'amortissement
financier peut être pris en compte dans la détermination du
montant du loyer.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné le présent rapport au cours de sa
séance du mercredi 8 janvier 2003.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est
instauré entre les commissaires.
M. Xavier de Villepin
a exprimé son adhésion aux
conclusions du rapporteur. Il a considéré que l'objectif
principal du projet de loi était davantage un rattrapage de
capacités qu'une transformation radicale des choix. Il a observé
qu'une annuité complète de crédits avait fait
défaut en exécution de la précédente loi de
programmation et qu'il était marquant d'observer le dépassement
de la France par le Royaume-Uni en matière d'équipements
militaires.
Il a remarqué que l'importance des crédits dévolus
à notre capacité de dissuasion, qui représente 20 % du
titre V, avait été soulignée par certains. Il a, pour sa
part, réaffirmé son attachement à la configuration
actuelle de notre capacité en ce domaine fondée sur deux
composantes et une capacité de simulation.
S'interrogeant sur les modifications à apporter au modèle 2015,
s'agissant notamment de la lutte contre le terrorisme, il a estimé que
la France présentait un bilan positif pour ce qui est du renseignement
humain. Il a ensuite noté que la défense européenne
manquait encore de la clarté nécessaire quant à son
articulation avec l'OTAN et a fait part de ses inquiétudes à ce
sujet. Il a jugé opportun que la commission continue à
éclaircir ces questions en s'informant notamment sur les positions
britanniques.
Sur les conséquences de la régulation budgétaire
annoncée par le gouvernement, il a observé que le non-respect de
la loi de programmation obérerait définitivement les
possibilités d'un rattrapage de capacité.
Il a souhaité obtenir des précisions quant aux évolutions
récentes ayant affecté les choix de l'armée britannique,
notamment en matière d'externalisation et de renforcement de la
dimension interarmées de certaines fonctions. Il a enfin
considéré que les évolutions de GIAT et de DCN ne se
faisaient pas à un rythme suffisamment soutenu.
M. Jean-Pierre Masseret
a considéré que la
dévolution aux armées, par le projet de loi de programmation, de
moyens budgétaires plus importants était utile et
nécessaire mais a regretté que les concepts qui sont au coeur du
processus de programmation n'aient pas été plus radicalement
rénovés. Il a estimé que le modèle 2015, dont le
maintien avait permis la préservation d'un consensus nécessaire
dans la conjoncture politique particulière de la cohabitation, aurait
dû faire l'objet d'aménagements plus substantiels,
consécutifs à un débat parlementaire sur les grands choix
stratégiques. La notion d'esprit de défense devait, par ailleurs,
être placée au coeur du débat national, alors que plus de
vingt départements français ne connaissent pas de présence
militaire autre que celle de la gendarmerie.
Il a souligné que l'Europe de la défense était une
question centrale qui concernait la base de notre politique de défense
et ne devait pas faire l'économie d'une réflexion sur le
rôle de notre dissuasion nucléaire et la possibilité de son
extension à la défense de l'Europe. Le rôle de l'OTAN et
les choix britanniques rendent également nécessaire un
débat sur les grands choix stratégiques, les comparaisons avec
l'armée britannique étant inopérantes en l'absence de
l'examen attentif des choix importants qu'elle a effectués, notamment
quant à son format.
Il a enfin considéré que la loi de programmation n'était
pas contrainte par une urgence particulière et a par ailleurs
déploré que les menaces bactériologiques et chimiques
à l'égard des populations n'aient pas été mieux
prises en compte par le projet.
M. Louis Mermaz
a fait part de ses inquiétudes sur
l'évolution des orientations de la diplomatie française dont il a
considéré qu'elle prenait un tour moins volontariste et plus
suiviste dans l'attitude adoptée face aux Etats soupçonnés
de mener des politiques de développement d'armes de destruction massive.
Il a souhaité que la commission puisse entendre à brève
échéance le ministre des affaires étrangères sur
ces questions.
M. Christian de La Malène
a constaté que le modèle
2015 traduisait les fortes ambitions de la France pour ses armées, dans
la mesure où ce modèle a été enrichi sans que des
choix aient été opérés au détriment de
certains programmes et ce, dans un contexte de ralentissement de la croissance
économique. L'Allemagne, a-t-il observé, avait revu ses ambitions
à la baisse et le Royaume-Uni, tout en dépensant plus que la
France pour ses équipements, s'appuyait en outre sur une étroite
coopération avec les Etats-Unis. Le choix de la France de
l'indépendance imposait un effort financier important sur le long terme,
sauf à risquer l'effondrement de notre outil de défense si les
tensions sur les crédits s'avéraient trop importantes. Il a
considéré que la France était bien isolée dans ses
positions en faveur d'une politique européenne de défense
indépendante des Etats-Unis et a estimé que l'Europe de la
défense semblait assez largement illusoire.
M. Didier Boulaud
a fait part de ses inquiétudes sur la position
de l'armée française en Côte d'Ivoire à la suite des
récentes actions conduites contre nos soldats. Il s'est ensuite
interrogé sur l'opportunité d'adopter sans modification le texte
dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il a
considéré que l'examen au Sénat devait constituer
l'occasion de développer des analyses actualisées sur les
orientations tracées par le rapport annexé et permettre
l'actualisation du Livre Blanc sur la défense.
Mme Hélène Luc
a souligné l'attachement du groupe
communiste républicain et citoyen à la défense de la
France et aux personnels qui la servent et a reconnu la nécessité
d'y consacrer les moyens nécessaires. Elle a néanmoins
considéré que le projet de loi, qui privilégie la
dissuasion et la projection, ne constituait pas une réponse
adaptée à la question du terrorisme, qui appelle une politique de
développement ambitieuse. Elle a considéré que, dans le
monde actuel, les inégalités et l'absence de démocratie
constituaient les vrais défis à relever pour garantir la paix et
la stabilité. Les missions de service public des armées devraient
par ailleurs être mieux prises en compte et elle a indiqué que son
groupe préconisait à cet égard la mise en place d'un
service civilo-militaire. Elle a estimé que la France avait besoin d'une
industrie de défense indépendante et qu'il était essentiel
de la conserver. Elle a regretté que des pays européens
consacrent leurs crédits de recherche au profit de matériels
américains.
Estimant que le projet de loi de programmation militaire ne correspondait pas
aux choix de la France pour la paix, elle a indiqué, en conclusion, que
le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre le projet de
loi.
M. Serge Vinçon, rapporteur
, a alors apporté les
précisions suivantes :
- la construction d'une défense européenne suscite effectivement
de nombreuses interrogations et on est loin de l'idéal capacitaire et
industriel que l'on pourrait espérer, compte tenu notamment
d'expériences décevantes dans la réalisation de certains
programmes en coopération, qui ne doivent cependant pas occulter les
succès déjà obtenus. Il reste que la France semble parfois
bien seule à s'impliquer en faveur d'une défense
européenne ;
- les crédits du ministère de la défense devraient
normalement être protégés des mesures de régulations
budgétaires. Le Chef de l'Etat s'est engagé en ce sens, la mise
en oeuvre des crédits prévus étant indispensable au
maintien de la cohérence de notre outil de défense ;
- les coopérations interarmées doivent être
accentuées pour permettre des économies supplémentaires.
Il est par ailleurs nécessaire d'aller plus loin en matière
d'externalisation et de confier les tâches sans spécificité
militaire à des sociétés civiles ;
- la France doit préserver une industrie de l'armement terrestre. L'Etat
a toujours eu vis-à-vis de GIAT une responsabilité
particulière en tant qu'actionnaire et principal client, en étant
appelé souvent à recapitaliser l'entreprise. Des consultations
sont en cours sur les mesures à prendre pour en assurer la
pérennité. GIAT Industries doit être une entreprise viable
mais, à la différence de DCN, souffre de la faiblesse de son
carnet de commandes ;
- le principe d'un débat régulier sur les questions de
défense et les grandes orientations stratégiques, comme
d'ailleurs sur la politique étrangère, est en effet important ;
- l'engagement professionnel dans les armées est d'une nature
spécifique et ne peut être assimilé à la simple
intégration dans la fonction publique. Cette différence doit
être préservée ;
- comme l'a exposé le Président de la République le 8 juin
2001, notre dissuasion nucléaire contribue aussi à la
sécurité de l'Europe et une atteinte portée à nos
intérêts vitaux tiendrait compte de la solidarité
croissante des pays de l'Union ;
- il y avait urgence à procéder à l'examen du projet de
loi de programmation pour assurer le relais de la loi précédente,
achevée en 2002, et donner aux militaires et aux industriels une
visibilité pour l'avenir ;
- le projet de loi prend en compte la protection face aux menaces
bactériologiques et chimiques, notamment pour les troupes
déployées ;
- le modèle d'armée 2015 reste ambitieux, c'est pourquoi les
échéances fixées par le présent projet de loi de
programmation devront être respectées pour préserver la
cohérence et la crédibilité de notre outil de
défense ;
- le projet de loi de programmation permettra de rattraper certains retards
mais ne palliera pas les insuffisances en matière
d'aéromobilité, de transport aérien ni le retard pris dans
le domaine de la recherche et développement ;
- les orientations générales et les moyens financiers
prévus par le projet de loi sont conformes aux attentes. Par ailleurs,
les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont
apporté des précisions utiles. La proposition d'un vote conforme
prend en compte cette appréciation ;
- la mission des forces françaises est de préserver et de
restaurer la paix. Leur engagement sur des théâtres
éloignés s'inscrit dans cette ambition ;
- des moyens supplémentaires au profit des forces spéciales et du
renseignement sont développés dans le projet de loi pour assurer
la partie militaire de la lutte contre le terrorisme ;
- le statut des entreprises publiques d'armement doit évoluer pour leur
permettre des alliances capitalistiques avec des partenaires étrangers.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
Le rapporteur a indiqué que l'article premier portait sur l'approbation
du rapport annexé au projet de loi, qui décrit les grandes
orientations de notre politique de défense et détaille les moyens
consacrés à l'effort d'équipement au cours des
années 2003-2008, en précisant les cibles retenues et les
échéances de commandes et de livraisons.
La commission a adopté l'article premier sans modification.
L'article 2 détermine le montant de chacune des six annuités
d'équipement. Les deux premières années, 2003 et 2004,
verront des augmentations importantes. La hausse sera plus
modérée à partir de 2005. Les crédits
d'équipement atteindront 15,08 milliards d'euros en 2008. Ces montants
exprimés en euros 2003 seront réactualisés chaque
année en fonction de l'indice des prix hors tabac. Les crédits
prévus pour la gendarmerie par la loi d'orientation et de programmation
sur la sécurité intérieure s'ajoutent à cette
enveloppe.
La commission a adopté sans modification l'article 2.
Présentant l'article 3,
M. Serge Vinçon, rapporteur
, a
précisé qu'il fixait l'évolution des effectifs civils et
militaires du ministère de la défense entre 2003 et 2008. Ceux-ci
seront portés de 436 221 en 2002 à 446 653 en 2008,
l'article ne précisant pas la répartition des effectifs par
armée.
La commission a adopté sans modification l'article 3.
L'article 4 crée le fonds de consolidation de la professionnalisation
doté de 572,58 millions d'euros et regroupe les moyens permettant de
favoriser la fidélisation, le recrutement et la reconversion du
personnel militaire.
La commission a adopté sans modification l'article 4.
L'article 5 permet la prorogation pour la durée de la loi des
dispositifs d'aide au départ des officiers et sous-officiers, dits
« loi 70-2 » permettant à d'anciens militaires
d'intégrer la fonction publique et « loi 75-1000 »
permettant aux officiers supérieurs de partir en retraite avec une
pension calculée sur l'échelon de solde du grade supérieur.
La commission a adopté sans modification l'article 5.
Le rapporteur a indiqué que l'article 6 autorise le gouvernement
à régler, par ordonnances, trois domaines techniques : la
régularisation de la situation des jeunes gens qui étaient
assujettis au service national et qui n'ont pas été
incorporés du fait de sa suspension anticipée ;
l'officialisation d'une position de détachement pour continuer de
permettre à certains fonctionnaires d'exercer dans les armées
(services postaux et trésoreries) ; la pérennisation des
commissions de réforme qui continuent de fonctionner pour
contrôler les inaptitudes des militaires professionnels. Le gouvernement
déposera un projet de ratification dans un délai maximal de neuf
mois après la promulgation du projet de loi.
La commission a adopté sans modification l'article 6.
L'article 6bis (nouveau), introduit par l'Assemblée nationale, permet
d'étendre à l'ensemble du ministère de la défense
un dispositif voté dans le cadre de la LOPSI, visant à
améliorer la réalisation de programmes immobiliers, en recourant
notamment à la formule du crédit-bail.
La commission a adopté sans modification l'article 6bis (nouveau).
L'article 7 prévoit l'organisation, tous les deux ans, d'un débat
au Parlement sur les orientations de la politique de défense et leur
mise en oeuvre.
La commission a adopté sans modification l'article 7.
L'article 8 (nouveau), ajouté lors du débat à
l'Assemblée nationale, prévoit la présentation au
parlement d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation
militaire, déposé en même temps que le projet de loi de
finances. Il fera l'objet d'un débat.
La commission a adopté sans modification l'article 8 (nouveau).
La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi de
programmation militaire pour les années 2003-2008, le groupe socialiste
s'abstenant et le groupe communiste républicain et citoyen votant
contre.
ANNEXE -
AUDITIONS DE LA COMMISSION
_____
Mme Michèle ALLIOT-MARIE
Ministre de la défense
Le mardi 22 octobre 2002
Mme Michèle Alliot-Marie
a tout d'abord
rappelé que le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 fixait
le cadre de la politique de défense pour les prochaines années,
dans la perspective de la réalisation du modèle d'armée
2015, défini par le Président de la République en 1996.
Elle a souligné l'effort de transformation considérable
effectué lors de la première période 1997-2002, avec la
professionnalisation des forces armées et la réduction de leurs
effectifs de près de 120 000 postes. Il s'agit là d'une
contribution sans précédent à la modernisation et à
la réforme de l'Etat.
La ministre de la défense a en revanche estimé que cette
première étape vers la réalisation du modèle avait
souffert d'une insuffisance en crédits d'équipements, puisque,
par rapport à l'enveloppe initialement prévue, leur
réduction avait représenté une annuité de
programmation. Cette situation a eu un impact négatif sur l'entretien et
la disponibilité des matériels.
Mme Michèle Alliot-Marie
a ensuite présenté
les trois priorités retenues par le projet de loi de programmation
militaire pour les années 2003-2008 :
- rétablir la disponibilité des équipements, dans le
prolongement du premier relèvement des crédits d'entretien
programmé des matériels réalisé, à hauteur
de 100 millions d'euros, par la loi de finances rectificative pour 2002
adoptée l'été dernier ;
- poursuivre la modernisation de nos forces, avec un accent tout particulier
sur l'effort de recherche et de développement, domaine dans lequel un
écart s'est malheureusement creusé avec le Royaume-Uni ;
- consolider la professionnalisation, par des mesures visant à garantir
l'attractivité des carrières militaires et à
fidéliser les personnels.
Elle a ensuite présenté les crédits d'équipement
prévus par ce projet de loi de programmation. L'annuité moyenne
des crédits d'équipement entre 2003 et 2008 sera portée
à 14,64 milliards d'euros en 2003, le total des crédits
d'équipement sur la période s'élevant à
88,87 milliards d'euros, soit une hausse de 5,5 milliards d'euros par
rapport au projet de loi de programmation militaire préparé par
le précédent gouvernement. Cet accroissement passera par deux
paliers importants, en 2003 puis en 2004.
Mme Michèle Alliot-Marie
a ensuite présenté
les crédits du ministère de la défense inscrits au projet
de loi de finances pour 2003, en rappelant « l'épreuve de
vérité » que constitue toujours le budget
réalisant « l'entrée » dans une nouvelle loi
de programmation.
Elle a estimé que ce projet de budget constituait, pour le
ministère de la défense, une triple rupture :
- il rompt avec la décroissance des crédits qui
caractérisait la période 1997-2002, puisqu'il augmentera de
7,5 % hors pensions, les moyens consacrés aux crédits
d'équipement augmentant, pour leur part, de 11,2 % par rapport
à 2002 ;
- il rompt avec la pratique antérieure consistant à imputer au
budget de la défense des dépenses sans lien avec les
armées, comme le financement du développement de la
Polynésie française ;
- enfin, il rompt avec une faiblesse de nos moyens incompatible avec les
engagements européens et internationaux de la France.
Le budget de la défense pour 2003 s'élève à 31,07
milliards d'euros, dont 13,64 milliards d'euros de crédits
d'équipements, 3,45 milliards d'euros pour le fonctionnement et 13,98
milliards d'euros pour les rémunérations et charges
sociales ; s'y ajoutent 8,89 milliards d'euros transférés
aux charges communes du budget de l'Etat pour les pensions. Ce budget permettra
de restaurer la capacité opérationnelle des armées. Ainsi,
l'entretien des matériels bénéficiera d'une enveloppe de
2,6 milliards d'euros, montant qui va au-delà de l'annuité
moyenne de 2,4 milliards d'euros prévue dans le projet de loi de
programmation militaire. Pour la première fois depuis 1997, la barre des
trois milliards d'euros d'autorisations de programme qui y sont
consacrés est franchie. Fortes de cet effort financier, les structures
d'entretien des matériels seront en mesure d'assurer un pilotage
renforcé de cet entretien.
Le renouvellement des matériels se traduira de manière
concrète. Le troisième avion de guet aérien Hawkeye sera
livré à la marine. L'armée de terre recevra 45 chars
Leclerc et ses deux premiers hélicoptères de combat Tigre. Le
parc de véhicules de la gendarmerie sera renouvelé à
hauteur de 3 000 véhicules et elle recevra
42 000 gilets pare-balles. L'armée de l'air recevra les
premiers lots de missiles de croisière Scalp et 962 millions
d'euros seront affectés au Rafale. La réalisation des
frégates anti-aériennes Horizon est dotée de
346 millions d'euros en vue d'une mise en service en 2006. Le
développement du missile M 51 bénéficiera de
561 millions d'euros. La construction des sous-marins nucléaires
lanceurs d'engins de nouvelle génération sera dotée de
302 millions d'euros. Sont également prévues, en 2003, la
commande de 59 Rafale et la rénovation de
55 AMX 10 RC et de 70 canons automoteurs pour
l'armée de terre.
Par-delà ces commandes, la préparation de l'avenir sera prise en
compte, grâce à un effort plus soutenu en matière de
recherche porté à 1,24 milliard d'euros, soit une hausse de
4,2 % par rapport à 2002.
Le fonds de consolidation de la professionnalisation sera créé en
2003 et sera doté, dès cette première année, de
11 millions d'euros consacrés aux recrutements dans des
spécialités critiques et de 8 millions d'euros
destinés à financer des mesures d'aide au logement des
personnels.
Des crédits supplémentaires de 36,8 millions d'euros ont
été affectés à l'instruction et à
l'entraînement des forces, les crédits dévolus à
l'activité des forces approchant le milliard d'euros.
Une mesure nouvelle de 40 millions d'euros soutiendra les actions
d'externalisation, qui permettent de recentrer les personnels militaires sur
leurs missions essentielles, même si elles ne se traduisent pas toujours
par des économies, notamment du fait de l'application de la TVA.
Les crédits consacrés à l'environnement professionnel
immédiat, comme au cadre de vie et de travail des militaires, font
l'objet d'un effort significatif. Il s'agit en particulier des dépenses
d'équipement individuel, d'infrastructure ou de munitions. Les
crédits qui y sont consacrés s'élèvent à
2,6 milliards d'euros, en hausse de 13 % par rapport à 2002.
Une enveloppe de 303 millions d'euros, soit 24 % d'augmentation par
rapport à la loi de finances pour 2002, permettra de résorber le
déficit chronique des loyers de gendarmerie ; elle s'ajoute aux
182 millions d'euros qui correspondent à la construction de
1 235 unités-logements.
Mme Michèle Alliot-Marie
a précisé à ce sujet qu'elle s'était
inquiétée de l'état des casernements de la gendarmerie,
certains logements n'offrant pas de conditions d'hébergement convenables
aux personnels et à leurs familles.
Les ajustements d'effectifs permettront d'améliorer les capacités
des armées à participer aux missions de sécurité
intérieure, ainsi qu'aux opérations extérieures. La
création de 1 200 postes et le dégel de 700 autres
au profit de la gendarmerie nationale permettront de se conformer, dès
2003, aux dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative
à la sécurité intérieure.
L'armée de terre bénéficiera, pour sa part, de la
création de 1 000 postes d'engagés. Ces effectifs
renforceront les unités d'infanterie et de renseignement, ainsi que les
unités spécialisées dans la protection contre la menace
nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.
Pour remédier à un sous-effectif chronique du service de
santé, 200 postes de militaires infirmiers et techniciens des
hôpitaux des armées seront créés et
20 élèves médecins supplémentaires seront
recrutés.
Un plan de reconnaissance professionnelle des personnels civils, centré
sur un renforcement de l'attractivité du ministère de la
défense, sera également mis en oeuvre grâce à un
abondement de 13,5 millions d'euros. Cet effort est à lui seul
supérieur au total des mesures prises en faveur du personnel civil dans
les budgets couvrant la période 1995-2001, qui ne représentait
que 11,2 millions d'euros.
De surcroît, des mesures d'action sociale en faveur des conditions de vie
du personnel civil et militaire seront engagées et financées
à hauteur de 4,4 millions d'euros, notamment pour la garde des
jeunes enfants.
Mme Michèle Alliot-Marie
a conclu en estimant que l'effort
considérable effectué en 2003 au profit du ministère de la
défense comportait en retour une exigence accrue de bonne gestion. Le
ministère poursuivra la modernisation de son mode de gestion. A titre
d'exemple, un système de dématérialisation des
procédures d'achat utilisant un portail Internet sera
opérationnel au début de l'année 2003 pour simplifier et
améliorer les relations avec les fournisseurs. Le contrôle de
gestion et l'amélioration des circuits administratifs seront
accentués. Le relèvement des crédits n'entraînera
aucun laxisme, bien au contraire, notamment quant aux exigences de prix, de
délais ou de maintien en condition des équipements attendues des
industriels.
Mme Michèle Alliot-Marie
a qualifié d'exceptionnel un
ministère où se rejoignent les plus hautes technologies de pointe
et une remarquable éthique de l'Etat. Elle s'est félicitée
du redressement de ses moyens dans un contexte international qui
démontre chaque jour que la sécurité n'est jamais acquise.
Puis un large débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis des crédits des forces
terrestres
, a salué l'effort considérable accompli par les
armées et qui a conduit à la réussite rapide de leur
professionnalisation. Abordant ensuite les priorités retenues par la
future loi de programmation militaire, il s'est félicité de
l'objectif d'une meilleure disponibilité des matériels,
conformément à une demande réitérée maintes
fois par la commission sénatoriale des affaires étrangères
et de la défense. Puis il a évoqué les conditions
d'exécution du budget en cours d'ici la fin 2002. Il s'est notamment
enquis des modalités de financement des OPEX, et a souhaité
s'assurer que le traditionnel collectif de fin d'année permettrait d'y
faire face. Il a par ailleurs relevé la différence
constatée en matière de financement des réserves
opérationnelles entre le projet de budget pour 2003 et la
première annuité de la future loi de programmation militaire
(LPM). Enfin, il a fait état des transferts financiers effectués
par le ministère de la défense au profit du BCRD (budget civil de
recherche et de développement), et a souhaité s'assurer qu'ils
seraient compensés par une ouverture équivalente de
crédits dans le collectif prévu pour la fin 2002.
M. Xavier de Villepin
s'est félicité des bonnes nouvelles
pour la défense française que venait d'annoncer le ministre. Il
s'est néanmoins inquiété de risques de gels et
d'annulations de crédits dans l'exécution des futurs budgets.
Evoquant le prochain sommet de l'OTAN à Prague, il a souhaité
connaître la position française vis-à-vis du projet
d'élargissement à de nouveaux pays et sur l'évolution des
missions de l'Organisation. Il a également déploré
l'immobilisme qui semblait affecter actuellement la construction de l'Europe de
la défense. Il s'est inquiété de l'évolution des
commandes allemandes pour le futur avion de transport militaire A 400-M, et
s'est enquis du projet de vente de chars Leclerc à l'Arabie saoudite. Il
s'est enfin interrogé sur l'éventuelle imputation sur le budget
de la défense d'une possible recapitalisation par l'Etat du GIAT.
M. Didier Boulaud
a évoqué le modèle d'armée
2015 établi en 1994 et a estimé qu'il aurait été
souhaitable de le réviser à la lumière des derniers
développements internationaux. Evoquant l'avenir des entreprises GIAT et
DCN, il s'est enquis de leur possible recomposition au plan européen. Il
a également souhaité connaître les modalités de
financement des OPEX en 2003. Abordant le projet de force de réaction
rapide élaboré par l'OTAN, il s'est enquis de la position de la
France à ce propos. Enfin, il s'est inquiété de possibles
gels de crédits qui pourraient affecter le budget militaire dès
le 1
er
janvier 2003 et a fait valoir la nécessité
que ce budget soit « sanctuarisé ».
M. Guy Penne
a estimé que seule une forte coopération
européenne permettrait de rivaliser avec la puissance américaine
en matière de défense. A ce propos, il s'est ému des
projets d'acquisition par divers pays européens du futur avion de combat
américain JSF. Enfin, il a fait valoir l'opportunité que
constituerait la possibilité d'assurer, dans certains cas,
l'hébergement de gendarmes dans des logements HLM, ce qui constituerait
une bonne alternative à l'exiguïté de certaines casernes de
gendarmerie.
M. André Boyer
s'est félicité du projet de budget
pour 2003 qui comporte de nombreux éléments positifs pour la
marine nationale. Il s'est interrogé, à propos de DCN, sur les
modalités de compensation envisagée au paiement, par la Marine,
de la TVA à laquelle cette entreprise est désormais soumise. Il a
souhaité par ailleurs obtenir des informations sur la coopération
entre les différentes marines européennes dans le cadre de
l'opération « Héraklès » dans
l'océan indien.
M. Jean-Pierre Masseret
a souligné l'opportunité que
présenterait l'élaboration d'un Livre blanc européen pour
relancer l'Europe de la défense, et prendre pleinement en compte la
menace terroriste. Il a fait valoir ses interrogations sur l'adaptation
à cette menace des programmes décrits dans la future LPM et s'est
enquis des évolutions engagées dans ce domaine par les industries
d'armement. Abordant la comparaison souhaitée entre les capacités
militaires respectives de la France et de la Grande-Bretagne, il a recueilli
l'appréciation du ministre sur le constat fréquemment
porté d'une armée britannique performante bien que disposant
d'effectifs militaires moindres.
M. Louis Moinard
a souligné la nécessité d'une
attractivité accrue du métier militaire par la poursuite du
dispositif d'aide à la reconversion. Il a cité en exemple le
Centre militaire de formation, qui dans son département, dispense de
tels enseignements à près de 500 militaires par an, et a
souhaité y accueillir prochainement le ministre.
Mme Hélène Luc
a souligné le rôle essentiel
des personnels militaires dans la définition d'une défense
efficace ce qui justifiait des mesures favorisant l'attractivité du
métier militaire, notamment en matière de
rémunération pour favoriser les recrutements. Elle a fait valoir
la nécessaire concertation européenne dans le contexte
international très incertain découlant des
événements intervenus depuis le 11 septembre 2001. Elle a
enfin relevé la nécessaire création d'un service
militaro-civil, qui permettrait notamment de faire face aux conséquences
de catastrophes naturelles, ainsi que d'engager des actions humanitaires.
M. Christian de La Malène
s'est enquis des résultats
obtenus lors du récent déplacement du ministre à
Washington, et a souhaité savoir si la participation de la France serait
éventuellement sollicitée en cas d'attaque contre l'Irak.
M. Emmanuel Hamel
s'est inquiété de la diminution de
l'esprit de défense dans la population française, parfois
relayée par des déclarations inopportunes de certains hommes
politiques.
M. Jean-Guy Branger
a insisté sur le caractère très
encourageant des chiffres du budget de la défense, et ceci dès
l'adoption du collectif de l'été 2002. Il s'est interrogé
sur les modalités qui pourraient être retenues pour soutenir GIAT
et s'est également enquis des perspectives d'exportations de chars
Leclerc en Arabie Saoudite.
Mme Paulette Brisepierre
a salué les résultats
exceptionnels obtenus par les soldats français engagés dans un
contexte très difficile en Côte d'Ivoire et a souhaité un
renforcement de nos forces prépositionnées en Afrique.
M. André Dulait, président,
a souhaité
connaître le contenu des alternatives à l'acquisition patrimoniale
en matière de matériels militaires prévues par le projet
de loi de programmation militaire. Il s'est déclaré
préoccupé par l'évolution de la politique
européenne de sécurité et de défense, du fait de
son manque de dynamisme. Il a conclu en interrogeant le ministre sur les
effectifs et la mission de nos forces engagées en interposition en
Côte d'Ivoire.
En réponse à cet ensemble de questions,
Mme Michèle
Alliot-Marie, ministre de la défense
, a apporté les
précisions suivantes :
- la pérennité des crédits budgétaires
affectés au ministère de la défense est garantie par
l'engagement conjoint du Président de la République et du Premier
ministre en faveur de l'effort de défense. Une réflexion est par
ailleurs en cours pour que les investissements militaires ne soient plus pris
en compte dans la définition des dépenses publiques qui sert de
référence aux critères du Pacte européen de
stabilité ;
- le financement des OPEX était, jusqu'à cette année,
effectué en collectif de fin d'année. Ce système
s'appliquera encore à la fin 2002, mais un accord de principe a
été passé avec le ministère des finances pour
modifier ce mode de financement qui n'est pas satisfaisant : il a
été désormais décidé qu'à compter de
2003 le ministère de la défense disposerait d'une provision
financière initiale pour ces OPEX, provisions qui seraient
régularisées en fin d'année ; une mission commune de
réflexion entre les deux ministères va être lancée
pour déterminer le montant adéquat de cette provision ;
- le collectif de fin 2002 attribuera effectivement au budget de la
défense une somme équivalente à celle versée par
celui-ci au titre du BCRD ;
- la constitution de réserves opérationnelles est essentielle
à la mise en oeuvre satisfaisante de la professionnalisation, mais les
effectifs actuellement constatés, notamment dans le corps des
sous-officiers et surtout parmi les militaires du rang, sont largement
inférieurs aux besoins. La mise en place d'une réserve
opérationnelle dépasse les seuls enjeux financiers. L'un des
problèmes tient à la réticence de nombreuses entreprises,
y compris celles qui travaillent dans le secteur de la défense, de
libérer les salariés pour les périodes nécessaires.
Il convient également d'assurer une reconnaissance financière
à l'activité de réservistes. Une réflexion interne
est en cours, au ministère de la défense, sur cette question
générale des réserves ;
- l'Europe de la défense bénéficie toujours des
décisions prises lors du sommet de Saint-Malo, et nos partenaires
européens ont conscience de l'intérêt d'une capacité
européenne autonome par rapport à l'OTAN. La démarche
collective qui, dans le cadre du programme ECAP, a consisté à
analyser nos insuffisances capacitaires pour les combler à terme,
constitue un progrès significatif. Il reste, pour plusieurs de nos
partenaires, à mettre en accord les intentions politiques et les efforts
financiers, ce que la Grande-Bretagne et la France ont décidé de
faire. Il reste à trouver une traduction concrète à ces
réflexions : ce pourrait être par la relève prochaine
de la force civile en Bosnie Herzegovine ou celle des forces de l'OTAN en
Macédoine, relève qui achoppe actuellement sur l'opposition de la
Turquie aux modalités de coopération entre l'OTAN et l'Union
européenne décidées à « Berlin
plus » ;
- il semble probable que l'OTAN s'ouvrira à de nouveaux partenaires lors
du prochain sommet de Prague, ce qui porterait à 25 le nombre des pays
membres. Dans le cadre de l'évolution de l'Alliance, la France a fait
des propositions pour rendre plus cohérente la nouvelle structure de
l'Organisation. Nous sommes favorables à la constitution, par l'OTAN,
d'une force d'intervention rapide, notamment pour des missions humanitaires ou
de prévention de crises. Des problèmes restent à
résoudre, comme la prise en compte du niveau politique dans le
commandement de cette force et sur sa zone d'intervention
géographique ;
- s'agissant de l'A 400M, les autorités allemandes ont
réaffirmé qu'en dépit de leurs difficultés
financières elles maintiendraient des commandes à un niveau
permettant la réalisation effective du programme ;
- les éventuelles recapitalisations de DCN et de GIAT ne seront, en
toute hypothèse, pas imputées sur le budget de la défense.
S'agissant de DCN, cette entreprise doit être considérée
comme viable dans un contexte concurrentiel, à condition que des efforts
soient consentis, notamment pour nouer des partenariats étrangers ;
- la situation de GIAT mérite que soit enfin posé un vrai
diagnostic sur les capacités industrielles de cette entreprise, ce qui
permettra de la recentrer sur ses pôles d'excellence, et d'offrir ainsi
des perspectives cohérentes pour les personnels qui sont actuellement
inquiets et démobilisés. Là aussi, des partenariats
européens seront nécessaires ;
- il est en effet surprenant que plusieurs pays européens,
engagés dans un processus de constitution d'une défense
européenne autonome, mobilisent de très importants financements
pour commander un avion de combat américain, le JSF, qui n'en est qu'au
stade du développement ; il faut souligner la très forte
pression financière et diplomatique exercée sur ce point par les
Etats-Unis dans le but d'obtenir à terme un monopole dans le domaine des
avions de combat. Dans la situation actuelle, les appareils européens
que sont le Rafale et l'Eurofighter seront présents sur le marché
dans les quinze prochaines années. Il conviendra d'organiser des
coopérations entre industriels européens pour préparer
leur future relève ;
- les logements HLM sont déjà ponctuellement utilisés dans
des zones périurbaines pour le logement de certains gendarmes. Mais le
poids des astreintes rend néanmoins indispensable un logement en
caserne, qui apporte par ailleurs des garanties en matière de
sécurité pour les familles ;
- dans le cadre de l'opération Héraklès, la
coopération entre marines européennes n'a cependant pas permis la
mise en place d'une force maritime européenne ad hoc que la France
appelait de ses voeux ;
- le modèle d'armée 2015 intègre la menace terroriste, du
fait des attaques de ce type dont la France avait déjà
été victime, particulièrement dans les années 1985
et 1986 ; il n'est donc pas obsolète sur ce point. Par ailleurs, la
LPM à venir intégrera de nouvelles données dans ce
domaine, et notamment la nécessité de prévenir cette
menace par le renforcement des capacités de projection ainsi que de
renseignement, tant humain que matériel, grâce aux drones et au
renseignement satellitaire ;
- si l'armée britannique compte moins d'effectifs que l'armée
française, c'est que la Grande-Bretagne ne dispose pas de corps
spécifique de gendarmerie et que l'externationalisation y a
été très développée, notamment pour le
service de santé ;
- la politique de formation des hommes et de préparation à leur
reconversion, conduite par les armées, donne des résultats
très positifs. D'une manière générale,
l'armée tient un rôle aussi prépondérant que
méconnu en matière de promotion sociale, et ceci à tous
les niveaux ;
- la qualité des matériels, le suivi de leur entretien, la
sûreté apportée par leur emploi contribuent
considérablement au moral des armées. La
rémunération des militaires est encadrée par les
contraintes générales de la fonction publique, ce qui limite les
possibilités d'offrir des soldes attractives pour certaines
spécialités au regard des rémunérations offertes
par le secteur privé. Il faut donc saluer le sens du service et de
l'engagement qui conduit malgré cela chaque année de nombreux
jeunes à intégrer l'armée ;
- la dissuasion reste la base de la protection. La détention,
récemment révélée, par la Corée du Nord,
d'armes nucléaires, démontre à cet égard la
permanence du risque ;
- les éventuelles initiatives vis-à-vis de l'Irak font
actuellement l'objet d'intenses tractations diplomatiques, dans le cadre
desquelles la France plaide pour un mécanisme en deux temps. L'objectif
commun reste l'élimination des armes irakiennes de destruction massive.
Il faut souligner à cet égard le rôle déterminant
des précédentes inspections menées dans ce pays, jusqu'en
1998, sous l'égide des Nations unies qui ont permis de
détruire plus d'armes que les opérations militaires menées
en 1991 pendant la guerre du Golfe. Cependant, aucune option n'est à
exclure, sachant néanmoins que la guerre reste la pire des
solutions ;
- la décision de construire un second porte-avions français
figure dans la LPM, mais les modalités de propulsion de ce
bâtiment ne sont pas encore définies et font l'objet de
réflexions qui déboucheront après le vote de la loi. La
construction pourrait commencer en 2005, éventuellement en
coopération avec les britanniques, ce qui permettrait d'en
réduire le coût ;
- un service civil succédant à la conscription reste souhaitable,
mais se pose le problème de son encadrement qui, pour des questions
d'effectifs, ne pourrait pas être assuré par des militaires ;
- il existe un large éventail d'analyses au sein de la classe politique
américaine vis-à-vis de l'Irak. Les capacités militaires
des Etats-Unis leur permettent d'agir seuls partout dans le monde et ils se
sentent directement responsables des répliques aux attaques terroristes
qu'ils ont subies en septembre 2001. Leur réflexion les conduit
cependant à préférer agir dans le cadre d'une
coalition ;
- un récent sondage a souligné que l'opinion publique
française approuve, à 67 %, l'augmentation des
crédits de la défense dont elle perçoit, de manière
aiguë, la nécessité à la lumière des multiples
attaques terroristes qui se succèdent sur la planète. Il n'en
demeure pas moins nécessaire de renforcer le lien entre l'armée
et la nation ;
- s'agissant des alternatives possibles à l'acquisition patrimoniale de
matériels, diverses solutions sont envisageables, dont le leasing ou la
location, notamment pour les appareils de transport de troupes ; ces
solutions devront être mises en oeuvre en cas de déficit futur de
capacités dans ce domaine ;
- la France a envoyé en Côte d'Ivoire une force d'interposition de
500 hommes, dont la totalité sera déployée au mois de
novembre, et qui sera remplacée, à terme, par les troupes de
certains pays africains comme le Sénégal, le Mali, le Togo ou le
Ghana. La France apportera un soutien à ces futures troupes africaines
dans le cadre du dispositif RECAMP (renforcement des capacités
africaines de maintien de la paix).
*
* *
M. Yves GLEIZES
Délégué général
pour l'armement
Le mercredi 16 octobre 2002
M. Yves
Gleizes
a tout d'abord évoqué les programmes nationaux ayant
franchi récemment des étapes majeures en 2002, estimant leur
déroulement satisfaisant : les programmes frégates
multimissions, systèmes de drones MALE (moyenne altitude longue
endurance) et MCMM (multi capteurs multimissions), ainsi que missile de
croisière naval ont été lancés, les essais de
qualification du missile de croisière SCALP-EG ont commencé, le
dernier Mirage 2000D a été livré et une commande de 20
Rafale a été passée.
Le délégué général pour l'armement s'est
déclaré plus réservé sur le bilan des programmes en
coopération, qui apparaît contrasté : l'avion de
transport A400M et le missile d'interception Meteor attendent une
décision de l'Allemagne, et l'Espagne n'a pas encore annoncé son
choix quant à son entrée dans le programme
d'hélicoptère Tigre. En revanche, les échanges de
capacités avec l'Allemagne et l'Italie en matière d'observation
spatiale ont progressé de façon plus satisfaisante et des
perspectives s'ouvrent pour une participation italienne au programme de
frégates multimissions.
Tirant le bilan de l'exécution budgétaire des crédits
confiés à la DGA sur le titre V, le délégué
général a insisté sur le niveau très
élevé de consommation des crédits sur lequel la DGA a
réalisé des efforts particuliers au moyen, notamment, de
commandes globales. S'agissant de cette procédure qui concerne notamment
le missile balistique M51, il a évoqué les conséquences
financières d'une éventuelle indisponibilité des
autorisations de programme et la nécessité de les intégrer
dans le collectif budgétaire de fin d'année.
Le délégué général a rappelé par
ailleurs les efforts entrepris depuis 1997 pour réduire les coûts
des programmes et le coût d'intervention de la DGA. Il a ainsi
indiqué que le coût des programmes sur la période de la
dernière programmation avait fait l'objet d'économies à
hauteur de 9,6 milliards d'euros et que le coût d'intervention de la DGA
avait été réduit de 30 %, par le biais notamment
d'importantes réductions d'effectifs. Bien que désormais
entrée dans une phase de stabilisation, la DGA poursuit ses efforts de
modernisation.
M. Yves Gleizes
a ensuite abordé le concours de la DGA aux
différentes priorités établies par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008. Il a rappelé que le
rétablissement de la disponibilité des matériels
dépendait des ressources budgétaires affectées, mais aussi
de l'organisation des structures concourant au soutien, ainsi que des modes de
contractualisation, qui doivent viser à procurer une plus grande
flexibilité. Il a appelé sur ce sujet à une meilleure
répartition des rôles entre les acteurs étatiques et les
industriels.
S'agissant des programmes d'armement, il a indiqué que les moyens
prévus par le projet de loi de programmation permettraient de
réaliser le modèle 2015, et que la DGA poursuivrait
l'amélioration des méthodes d'acquisition, pour réduire
les coûts et les délais des programmes en visant notamment
à approfondir la phase de levée de risques, pour introduire
davantage de concurrence au niveau des maîtres d'oeuvre ou des
équipementiers, tout en renforçant les capacités
d'acheteur du ministère de la défense et en approfondissant les
réflexions relatives à des modes de financements innovants.
Il a en outre précisé les priorités retenues pour les
études en amont, dont le projet de loi de programmation prévoit
de restaurer progressivement les crédits, à hauteur du niveau
britannique.
Evoquant la construction de l'Europe de l'armement, le
délégué général a décrit l'engagement
de la DGA dans la montée en puissance de l'OCCAR et le comblement des
lacunes mises en lumière par le catalogue des capacités.
Dressant le tableau des évolutions récentes intervenues dans le
domaine de l'industrie de l'armement, M. Yves Gleizes a affirmé son
optimisme quant au processus de transformation de DCN en entreprise nationale
en 2003. Il a indiqué que les perspectives de commandes ouvertes par la
loi de programmation permettraient d'assurer à DCN une transition vers
un statut de véritable société dans des conditions
satisfaisantes.
M. Yves Gleizes
a relevé que les perspectives industrielles de
GIAT Industries étaient moins favorables et qu'en dépit de
l'effort accompli au titre du dernier plan stratégique,
économique et social, cette société ne semblait pas en
mesure de parvenir à l'équilibre comme escompté.
SNPE, pour sa part, se trouve dans une situation difficile à la suite de
l'explosion de l'usine AZF voisine qui, en entraînant l'arrêt d'un
certain nombre d'activités, a fragilisé sa branche chimie fine.
Avec le projet de formation de la société Héraklès
conjointement avec SNECMA, le délégué
général indique toutefois que l'avenir de la branche
matériaux énergétiques paraît bien assuré.
M. Yves Gleizes
a précisé que l'industrie
française, après une baisse des prises de commandes en 2001, a
connu quelques succès notables à l'export en 2002, malgré
un contexte de forte concurrence américaine.
Revenant sur les crédits de la DGA pour 2003,
M. Yves Gleizes
a
insisté sur la phase de stabilisation que doit désormais entamer
la Délégation générale, parvenue à un seuil
limite pour la réalisation de ses missions.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Xavier de Villepin
a souhaité obtenir des précisions
sur la question de la défense antimissile d'un point de vue
américain et français ; il s'est interrogé sur les
évolutions techniques affectant les programmes nucléaires. Il a
évoqué les difficultés rencontrées par le programme
A 400 M et s'est inquiété des perspectives du Rafale à
l'export. Il a enfin souhaité connaître les conséquences
pour la Marine de l'évolution engagée par DCN.
M. Serge Vinçon
a évoqué la nécessité
d'assouplir les procédures s'agissant de la disponibilité
opérationnelle des équipements ; il a précisé
l'intérêt de financements innovants pour combler des
déficits capacitaires, notamment concernant
l'aéromobilité. Il s'est inquiété des
conséquences de l'érosion des crédits de recherche
constatée en exécution de la précédente loi de
programmation militaire.
M. Robert Del Picchia
est revenu sur les difficultés de l'A 400 M
et sur les conséquences de l'Europe de l'armement sur les industriels
nationaux.
M. Jean-Pierre Masseret
a demandé des précisions sur les
délais de paiement de la DGA, sur son rôle de conseil sur les
évolutions éventuelles à apporter aux postures
stratégiques retenues par le Modèle 2015, du fait de
l'évolution du contexte international, ainsi que sur les
difficultés rencontrées par l'Europe de l'armement.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a souhaité obtenir des
précisions sur le devenir du site toulousain de la SNPE.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur la philosophie
qui guidait nos exportations d'armement ainsi que sur l'avenir de DCN et de
GIAT.
M. André Boyer
s'est interrogé sur l'avenir de DCN et des
centres d'essais. Il a souhaité connaître les possibilités
de coopération extérieure dans le domaine de l'armement.
Evoquant le programme A 400 M,
M. André Dulait, président,
a souhaité savoir quelles étaient les solutions alternatives en
cas de différé ou d'échec du programme.
M. Yves Gleizes
a apporté les éléments de
réponse suivants :
- sur le devenir du programme A400M, il a indiqué que le lancement de ce
programme emblématique pour l'Europe de la défense était
suspendu à la décision de l'Allemagne et a souligné les
conséquences qu'aurait une éventuelle réduction du nombre
d'appareils commandés par ce pays ;
- sur la problématique de l'antimissile, il a indiqué que l'ASTER
constituait la réponse française pour la protection de forces
déployées. Il a précisé que les capacités
françaises de protection des forces devaient être
renforcées, notamment sur les moyens d'alerte avancée, qui
pourraient faire appel pour la détection à des satellites. Il a
regretté qu'une position européenne peine à se
dégager sur ces questions ;
- sur le nucléaire, il a indiqué que l'effort portait sur le
renouvellement des composantes de la force de dissuasion avec les
entrées en services à venir des SNLE n
os
3 et 4 ainsi
que du missile M51 ;
- sur les possibilités d'exportation du Rafale, il a indiqué que
les perspectives actuelles à court terme nécessitaient, de la
part de l'industriel, de nouveaux déploiements relativement
coûteux dans l'hypothèse de marchés portant sur un nombre
d'avions limité, ce qui conduisait à s'interroger sur leur
financement ;
- s'agissant de la consommation des crédits, il a indiqué que la
DGA avait mis en place une série de procédures pour garantir leur
consommation effective, y compris dans l'hypothèse où des
programmes subiraient des retards importants ;
- revenant sur la question des exportations d'armement,
M. Yves Gleizes
a rappelé qu'il s'agissait de décisions de nature essentiellement
politique que la DGA avait pour mission d'accompagner sur le plan
technique ;
- les relations entre DCN et Thales, à l'exception du cadre de la
société Armaris dédiée aux exportations, ne sont
pas encore définies et le cadre législatif dans lequel s'effectue
la réforme de DCN exclut toute prise de participation dans
l'immédiat. Par ailleurs, le changement de statut conduira à
l'application de la TVA sur les prestations fournies par DCN. Cela
nécessitera de trouver une solution pour aboutir à une
neutralisation de ses effets sur les crédits d'équipement ;
- en dépit de perspectives offertes par un programme comme le VBCI, il
est clair que le plan de charge prévisionnel de GIAT Industries ne
suffira pas à garantir la stabilisation du format de l'entreprise.
*
* *
Général Bernard THORETTE
Chef d'Etat-Major de
l'Armée de terre
Le mercredi 16 octobre 2002
Le
général Bernard Thorette
a tout d'abord rappelé que
l'armée de terre constituait un outil polyvalent au service de la
politique de sécurité de la France, fournissant en permanence 80%
des forces françaises engagées en opérations et offrant un
éventail très large de capacités, allant du combat
classique contre des forces blindées aux missions de soutien de la paix
ou de secours aux populations. Il a affirmé que son objectif
était d'amener à maturité, afin d'en faire une
armée véritablement « professionnelle »,
cette armée de terre qui vient de mener à bien une exceptionnelle
réorganisation.
Le
général Bernard Thorette
a ensuite
présenté les orientations définies, pour l'armée de
terre, par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 et qui
permettent, selon lui, de la replacer correctement sur le chemin du
modèle d'armée 2015 en réalisant un effort
équilibré au profit des ressources humaines, de
l'équipement et de l'entraînement.
S'agissant des effectifs militaires, l'armée de terre transformera en
trois ans 3.000 postes de volontaires en 2.500 postes d'engagés. Elle
accroîtra ses capacités dans les domaines de l'infanterie et des
forces spéciales, du renseignement, de la défense biologique et
chimique. Le projet de loi prévoit en outre un rattrapage de 749 postes
de personnels civils entre 2002 et 2008, mais les décisions de
non-renouvellement des départs en retraite conduisent à
s'interroger sur la possibilité de respecter cet objectif.
Un fonds de consolidation de la professionnalisation, prévu par le
projet de loi, devra permettre la pérennisation de l'effort de
recrutement et la fidélisation des personnels, alors que la condition
militaire appellera un suivi régulier, après les mesures
importantes engagées cette année.
Une dotation supplémentaire au profit des réserves, qui n'a pas
été pour le moment répartie entre armées, doit
favoriser la montée en puissance de la réserve
opérationnelle, dont l'effectif global prévu est de 28.000 hommes.
En ce qui concerne les équipements, l'armée de terre
mènera de front un double effort financier d'acquisition de
matériels nouveaux et de maintien en service ou de rénovation de
matériels anciens.
Le
général Bernard Thorette
a précisé qu'une
priorité serait maintenue au profit des programmes d'information et de
commandement qui confèrent déjà à l'armée de
terre française, en Europe, une avance importante au service de sa
capacité de commandement, notamment pour des opérations
multinationales.
Il a également évoqué trois autres efforts
principaux :
- la modernisation des unités de contact, notamment l'infanterie,
grâce à la rénovation des véhicules de transport de
troupes (VAB et AMX 10 P) et des chars légers (AMX 10 RC) et aux
premières livraisons des équipements FELIN pour les fantassins
à pied et du véhicule blindé de combat d'infanterie
(VBCI) ;
- l'évolution de l'artillerie et des missiles, afin de passer de feux
massifs de saturation à des feux de précision à distance
accrue ;
- la restauration d'une meilleure cohérence des forces destinées
au combat blindé de haute intensité, grâce à
l'achèvement du programme Leclerc et aux programmes d'accompagnement
concernant le déminage et le franchissement d'obstacles, la protection,
la mobilité des moyens logistiques et le dépannage.
Le chef d'Etat-major de l'armée de terre a ajouté à ce
sujet, au vu d'engagements récents, que l'emploi de moyens de haute
intensité permettait le maintien des crises à un bas niveau
d'intensité.
Abordant la capacité aéromobile, qui représentait il y a
quelques années un pôle d'excellence pour l'armée de terre
française, il a confirmé qu'il n'avait pas été
possible d'avancer de plusieurs années les livraisons
d'hélicoptères de transport NH 90, et que la valorisation d'une
partie du parc actuel serait entreprise pour préserver des
capacités minimales d'engagement.
Le projet de loi de programmation prévoit un doublement des dotations
destinées à l'entretien des hélicoptères, et une
progression d'un tiers de celles consacrées aux autres matériels,
ce qui devrait garantir un retour durable à une meilleure
disponibilité. Il retient également des objectifs quantitatifs
d'entraînement comparables à ceux de nos alliés, à
savoir 100 jours d'activité par an pour les forces projetables et 180
heures de vol par an pour les pilotes d'hélicoptères. L'effort
portera également sur la qualité des entraînements,
à l'image de l'exercice très réussi effectué en
Ukraine, au printemps dernier, par la 2ème brigade blindée.
Concluant sa présentation du projet de loi de programmation, le
général Bernard Thorette
a souligné que sans
éliminer certaines difficultés dans les domaines de
l'aéromobilité, du combat d'infanterie débarqué et
de la logistique, il permettrait de faire face aux exigences
opérationnelles du court terme, à condition bien entendu que les
annuités budgétaires successives s'y conforment rigoureusement.
Présentant ensuite les crédits de l'armée de terre dans le
projet de loi de finances pour 2003, il a précisé que les
effectifs militaires diminueraient de 609 postes, principalement en raison de
la transformation de postes de volontaires en postes d'engagés. Il a
toutefois escompté une meilleure réalisation globale de ces
effectifs militaires grâce à cette conversion. Il a en revanche
observé que la suppression de 178 postes de personnels civils, alors que
les restrictions à l'embauche sont maintenues, constituait le seul point
du prochain budget en décalage avec le projet de loi de programmation
militaire. Le sous-effectif en personnels civils conduit à placer sur
les postes vacants des militaires qui manquent alors aux forces.
Les crédits de rémunérations et de charges sociales
permettront de financer le plan d'amélioration de la condition
militaire, à hauteur de 46 millions d'euros, et les mesures relatives au
temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires
(TAOPM) pour 69 millions d'euros. Le redressement des crédits de
fonctionnement se traduira par une dotation supplémentaire de 19
millions d'euros pour la sous-traitance et par la réalisation de
l'objectif de 100 jours d'activités pour les unités, alors que le
nombre d'heures de vol des pilotes d'hélicoptères passera de 150
en 2002 à 160 l'an prochain.
En ce qui concerne le titre V, les crédits de paiement atteindront
2.620 millions d'euros, une dotation complémentaire de 190,5
millions d'euros devant être mise en place, en fin d'année, dans
le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2002. Les
crédits d'entretien programmé des matériels progresseront
de 12% et les livraisons concerneront 45 chars et 6 dépanneurs
Leclerc, les deux premiers hélicoptères de combat Tigre,
88 véhicules blindés légers (VBL), 679 obus
antichars à effet dirigé (ACED), 666 postes de radio de
dernière génération (PR4G), la rénovation de 285
véhicules de l'avant blindés (VAB) et de 55 chars
légers AMX 10 RC, l'acquisition de 20.000 gilets pare-balles.
Les autorisations de programme s'élèveront pour leur part
à 3.471 millions d'euros, une dotation de 190,5 millions d'euros
étant ici encore attendue dans le cadre du prochain projet de loi de
finances rectificative. Seront commandés, 88 VBL, 1.200 postes
radio PR 4G, 66 stations de commandement pour la numérisation
des unités, 70 canons de 155 mm valorisés,
15 systèmes de défense sol-air valorisés,
55 AMX 10 RC rénovés, 40.000 tenues de protection
NBC (nucléaire, biologique, chimique) et 20.000 gilets pare-balles. En
outre, le niveau des autorisations de programme rendra possible une commande
globale de 20 lanceurs et 480 missiles à fibre optique.
Le chef d'Etat-major de l'armée de terre a porté une
appréciation positive sur les moyens prévus par le projet de loi
de finances pour 2003, tout en soulignant la nécessité d'obtenir
effectivement en loi de finances rectificative pour 2002 la dotation
complémentaire de 190,5 millions d'euros à laquelle il s'est
référé ainsi que la prise en compte d'insuffisances de
l'ordre de 200 millions d'euros apparues lors de la gestion de l'exercice 2002,
et ce afin d'éviter tout report de charge qui obèrerait
l'entrée dans la période de programmation 2003-2008.
Il a conclu en estimant que sans rattraper les retards pris sur certains
programmes, le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 redonnait les
moyens d'atteindre le modèle d'armée 2015. Il a insisté
sur la nécessité de garantir, sur toute la durée de la
loi, le respect de son exécution, en vue de disposer d'une armée
professionnelle correctement équipée et entraînée,
vivant en phase avec la société.
A la suite de cet exposé,
M. Serge Vinçon, rapporteur pour
avis des crédits de l'armée de terre,
a interrogé le
chef d'Etat-major de l'armée de terre sur le niveau des effectifs,
notamment en ce qui concerne les volontaires, les personnels civils et les
personnels en opérations extérieures, sur les catégories
de personnels les plus concernées par le fonds de consolidation de la
professionnalisation, sur la pertinence d'une structure interarmées de
maintenance pour les matériels terrestres, sur le programme de missile
à fibre optique et sur les conséquences de notre affaiblissement
capacitaire en matière aéromobile.
M. Xavier de Villepin
a demandé des précisions sur
l'exécution budgétaire 2002, sur l'état d'esprit des
personnels, sur la possibilité de confier à GIAT-Industries des
opérations de maintenance au profit de l'armée de terre et sur
l'engagement des forces terrestres en Côte d'Ivoire.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur l'actualité du
modèle d'armée 2015, établi à partir du Livre blanc
de 1994, alors que des évolutions géopolitiques significatives
sont intervenues depuis lors. Il a évoqué les difficultés
de mise en oeuvre de l'Europe de la défense. Il a interrogé le
chef d'Etat-major de l'armée de terre sur la proposition
américaine de création d'une force de réaction rapide au
sein de l'OTAN, sur le devenir du programme de missile antichars Trigan et sur
l'implication des forces terrestres dans les missions de sécurité
intérieure.
M. Didier Boulaud
a souhaité connaître le taux de
disponibilité technique opérationnelle du char Leclerc et s'est
interrogé sur la cible retenue par le projet de loi de programmation. Il
a demandé des précisions sur la mise en oeuvre du plan
d'amélioration de la condition militaire, sur l'action des forces
terrestres en Côte d'Ivoire et enfin sur le projet de centre
d'entraînement au combat en milieu urbain.
Mme Hélène Luc
a évoqué l'adaptation des
forces terrestres aux nouvelles formes de conflit, les capacités de
l'armée de terre dans le domaine du renseignement, la situation du
recrutement des engagés et les réflexions autour d'un service
à vocation civile. Elle a en outre déploré la diminution
du nombre de postes de personnels civils de l'armée de terre inscrite au
projet de loi de finances pour 2003.
M. Emmanuel Hamel
a souhaité connaître les raisons du choix
de l'Ukraine pour l'organisation d'un grand exercice d'unités
blindées. Il a demandé des précisions sur la crise de
trésorerie que connaîtraient certains services.
M. Robert Del Picchia
a souhaité savoir si, avec son effectif
actuel en opérations extérieures, l'armée de terre avait
atteint une limite maximale.
M. André Dulait, président
, s'est interrogé sur la
réalisation des objectifs fixés dans le domaine des effectifs de
la réserve opérationnelle.
A la suite de ces interventions, le
général Bernard
Thorette
a apporté les précisions suivantes :
- les difficultés rencontrées pour le recrutement des volontaires
ont conduit l'armée de terre à proposer la transformation d'une
partie des postes correspondant en un nombre de postes d'engagés, certes
inférieur, mais plus faciles à pourvoir ;
- l'effectif en opérations extérieures s'élève pour
l'armée de terre à environ 16.000 hommes alors que sa
capacité de projection immédiate se situe entre 26.000 et 30.000
hommes, tout en maintenant des relèves ;
- les forces stationnées en permanence en Côte d'Ivoire, qui
s'élèvent à 550 hommes, ont été
renforcées, dans de brefs délais, avec des unités
provenant de nos forces prépositionnées en Afrique ; nos
effectifs se montent actuellement à 1.300 hommes, avec pour mission
essentielle la protection des ressortissants français ; la mise en
place du soutien logistique correspondant s'est effectuée dans
d'excellentes conditions ;
- la tension sur les effectifs, qui avait été vive il y a plus de
deux ans, s'est désormais atténuée ; le rythme des
missions de courte durée, qui avait atteint une mission par an, se situe
désormais autour d'une mission tous les dix-huit mois ;
- les effectifs engagés dans le cadre du plan Vigipirate
représentent actuellement environ 250 hommes, l'armée de terre
pouvant mobiliser 1.800 hommes sous préavis de 24 heures ;
- l'armée de terre a vocation à mettre ses compétences et
ses moyens à la disposition des populations, dès lors que des
catastrophes ou des sinistres appellent des actions d'urgence ; ces
opérations ne peuvent toutefois se prolonger dans la durée ;
- le plan d'amélioration de la condition militaire a été
bien reçu et sa mise en oeuvre s'effectue conformément aux
engagements pris, étant précisé que certaines mesures
seront mises en place jusqu'en 2005, voire au-delà ;
- les perspectives ouvertes pour les prochaines années contribuent
à renforcer la confiance dans une armée de terre dont
l'état d'esprit est aujourd'hui sain ; les préoccupations
relatives aux rémunérations apparaissent au demeurant moins
fortes que celles qui concernent les moyens d'exercice du métier
militaire, notamment la disponibilité des équipements ;
- le fonds de consolidation de la professionnalisation, dont la
répartition entre armée n'a pas encore été
opérée, servira prioritairement à des mesures de
recrutement et de fidélisation, telles que le relèvement des
primes d'engagement et de réengagement pour des
spécialités recherchées ; pour l'armée de terre,
les catégories les plus concernées seront les sous-officiers,
où l'on constate des départs vers le secteur civil, et les
spécialistes, en particulier les informaticiens, qu'il est difficile de
conserver dans les armées une fois formés ;
- la situation du recrutement des engagés est actuellement bonne,
puisque l'on compte une proportion moyenne de 1,3 candidat homme et
2 candidates femmes pour un poste offert ; par ailleurs, lors de
l'arrivée à échéance des premiers contrats, le taux
des réengagements a atteint 70%, ce qui peut être
considéré comme très satisfaisant ; toutefois, ces
résultats demeurent fragiles et il importe d'une part de limiter
à 15% le « taux d'attrition » des jeunes
engagés dans les 6 premiers mois de contrat, et d'autre part
d'obtenir également un bon niveau de reconduction de contrats lors de
l'échéance des réengagements, dans la perspective des
carrières de 11, 15 ou 22 ans prévues pour certains
engagés ;
- la réserve opérationnelle ne compte actuellement que 10.000
hommes, dont à peine plus de 2.000 militaires du rang, pour un objectif
de 28.000 hommes en 2008 ; un plan d'action pour les réserves est
donc indispensable, afin notamment d'encourager l'engagement dans la
réserve de militaires du rang, très difficile aujourd'hui en
raison du type d'emplois occupés dans la vie civile par les personnes
potentiellement concernées ; ce plan pourrait comporter un
relèvement de la rémunération journalière et le
développement de campagnes d'information ;
- les réservistes sont considérés comme des professionnels
à part entière, même s'ils servent à temps
partiel ; à titre d'illustration, la mission assurée
à Sangatte par l'armée de terre est effectuée par une
section de réservistes, dans des conditions analogues à ce que
réaliserait une unité professionnelle ;
- au total, le niveau d'effectifs constitue pour l'armée de terre une
préoccupation constante et un élément dimensionnant ;
en effet, sa mission est d'occuper ou de contrôler le terrain, et elle
exige toujours en dernier ressort un volume adéquat de
personnels présents dans la durée, au milieu des populations
et des factions ;
- l'exercice 2002 ne s'est traduit par aucune annulation de crédits, ni
par des gels de crédits ;
- en ce qui concerne la maintenance des matériels terrestres des
armées, qui sont concentrés dans l'armée de terre, la
situation ne se présente pas dans les mêmes termes que pour les
matériels aériens, répartis entre les trois
armées ; aussi, la création d'une structure
interarmées mérite-t-elle d'être étudiée de
manière approfondie, à l'égard des bénéfices
qu'elle pourrait apporter en termes d'efficacité et de coûts ;
- l'armée de terre dispose, avec la direction centrale du
matériel, d'une organisation en charge de la maintenance ;
l'éventualité de déléguer certaines de ses
tâches à un industriel, en l'occurrence GIAT-Industries, fait
l'objet d'études et de discussions ; elle ne concernerait que
certains aspects de la maintenance, à savoir le soutien industriel
proprement dit ;
- la disponibilité technique opérationnelle du char Leclerc s'est
redressée et avoisine 65% ; elle est de 90% pour les Leclerc
projetés au Kosovo ; quant à la cible prévue par le
projet de loi de programmation, elle n'a pas varié et
s'élève à 406 chars, ce qui permettra de disposer de 320
chars en ligne, soit 4 groupements d'escadrons de 80 chars ; le
restant sera utilisé pour la formation et l'instruction, étant
rappelé que les premiers exemplaires de série ont dû
être retirés du service ;
- compte tenu des contraintes financières, la rénovation d'une
partie des hélicoptères Puma et Cougar est la seule alternative
au maintien de l'échéance de 2011 pour l'arrivée des
premiers NH 90 ;
- les autorisations de programme nécessaires à la commande du
missile à fibre optique sont prévues par le projet de loi de
finances pour 2003, mais il reste à s'assurer de la maturité
technologique de ce programme qui doit être confié à
l'OCCAR ;
- les capacités de renseignement de l'armée de terre s'articulent
autour d'unités de recherche humaine, par exemple au sein du
13
ème
régiment de dragons parachutistes ou du 1er
régiment parachutiste d'infanterie de marine, de moyens d'imagerie, avec
les drones et le système héliporté Horizon, et de moyens
de renseignement électromagnétique ;
- l'Ukraine offrait des terrains d'entraînement adaptés à
l'engagement de l'ensemble des moyens d'une brigade blindée pour des
exercices au cours desquels a été vérifiée
l'aptitude du char Leclerc à tirer en roulant ;
- le projet de réalisation au camp de Sissonne d'un centre
d'entraînement en zone urbaine (CENZUB) est confirmé et devrait
aboutir d'ici 2006-2007 ;
- le modèle d'armée 2015 tirait en grande partie les
conséquences d'un changement de contexte géostratégique
qui se vérifie aujourd'hui, les réformes intervenues en France
ayant devancées celles en cours aux Etats-Unis, dont l'armée de
terre vient seulement d'engager une transformation destinée à
privilégier la projection et à abandonner ses lourdes divisions
blindées et mécanisées ; ainsi, ce modèle 2015
demeure cohérent et pertinent. Il sera de surcroît ajusté
aux enseignements des dernières crises, par le renforcement des
capacités de l'infanterie débarquée et des forces
spéciales et par la prise en compte du risque NBC (nucléaire,
biologique, chimique) ;
- la proposition américaine de force de réaction rapide au sein
de l'OTAN va dans le sens des évolutions entreprises en France ;
- il est à souhaiter, pour l'avenir de l'Europe de la défense,
que l'effort représenté par le projet de loi de programmation
militaire 2003-2008 provoque un effet d'entraînement sur nos partenaires,
en particulier pour l'Allemagne, qui a réduit très sensiblement
son budget de défense.
*
* *
Général Richard WOLSZTYNSKI
Chef d'Etat-major de
l'Armée de l'Air
Le Jeudi 17 octobre 2002
Le chef
d'Etat-major s'est tout d'abord exprimé sur le projet de loi de
programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il a fait
valoir que ce projet de loi visait trois objectifs principaux : la
restauration de la disponibilité des matériels, la modernisation
des équipements et la consolidation de la professionnalisation des
personnels. Ces orientations trouvent une traduction concrète dans le
projet de loi, dont les masses financières permettront d'optimiser les
conditions de travail du personnel, d'améliorer la capacité
opérationnelle de l'armée de l'air, tant du point de vue du
combat que du transport, grâce à la mise en fabrication du Rafale
et, du moins l'a-t-il espéré, de l'A-400M.
Ces améliorations porteront d'abord sur le domaine du renseignement, qui
nécessite l'emploi complémentaire d'avions, de drones et de
satellites. S'agissant des avions, 15 nacelles de reconnaissance de nouvelle
génération seront livrées, à partir de 2006, pour
équiper les Mirage 2000 puis les Rafale F3. La mise en service
opérationnelle de drones MALE (moyenne altitude longue endurance),
à partir de 2004, complétera utilement les outils de
reconnaissance. Enfin, les 2 satellites Hélios s'insèreront dans
cet ensemble.
Un autre élément-clé de l'action spécifique
à l'armée de l'air consiste dans la capacité de projection
de forces ; dans ce domaine, les perspectives sont
contrastées : en effet, les Transall commenceront à
être retirés du service à compter de 2005, et leur
capacité sera partiellement compensée par l'acquisition de deux
Casa 235, et de deux Airbus d'occasion A 340. A ce sujet, le chef
d'Etat-major a souligné que l'affrètement pouvait utilement
compléter, de façon ponctuelle, des capacités de transport
dont l'essentiel devait rester indépendantes pour préserver une
capacité permanente et instantanée de projection.
Le
général Richard Wolsztynski
s'est
inquiété du retard pris par la possible construction de l'A-400M
dont les trois premières unités ne seraient au mieux
livrées à la France qu'à partir de 2009. Il a donc
souligné l'impérieuse nécessité que ce programme
soit lancé dans les plus brefs délais.
Abordant ensuite la capacité de projection de feu, le chef d'Etat-major
s'est félicité qu'elle puisse, grâce au projet de loi de
programmation militaire, gagner en puissance, cohérence et
flexibilité, grâce à la prochaine arrivée du Rafale,
appareil caractérisé par sa polyvalence et son potentiel
d'évolution et d'interopérabilité. En effet, deux
commandes globales sont prévues, portant respectivement sur
46 appareils en 2003, et 48 en 2006. S'agissant des livraisons effectives,
ce sont 57 Rafale dont l'armée de l'air sera progressivement
dotée entre 2004 et 2008, et qui constitueront deux escadrons sur la
base de Saint-Dizier. Pour l'année 2003, les améliorations
consisteront en l'arrivée de nouveaux armements à guidage de
précision au profit des Mirage 2000-D, en la livraison de 100 missiles
Apache d'ici la fin 2002, et de 450 missiles Scalp, à compter de 2003.
Le
général Richard Wolsztynski
a souligné que ces
missiles conféreront à la France une capacité de frappe
unique en Europe.
Abordant ensuite l'état des personnels de l'armée de l'air, le
chef d'Etat-major a estimé que les équipements qu'il venait de
présenter ne valaient que par les hommes qui les emploient. Le projet de
loi de programmation garantira à ces personnels la qualité et la
régularité des entraînements souhaitables.
S'agissant de la disponibilité des appareils, il s'est
inquiété du vieillissement de la flotte qui conduit à un
fort coût de sa maintenance, comme pour le Mirage IV qui a
été inclus dans l'opération Héraklès avec de
bons résultats. Le
général Richard Wolsztynski
a
mis en valeur les bons résultats obtenus par la structure
interarmées de maintenance des matériels aéronautiques de
défense (SIMMAD), créée voici deux ans. En effet, dans un
délai aussi bref, cette structure a obtenu une amélioration de
dix points de la disponibilité des appareils. La poursuite de ces bons
résultats sera naturellement conditionnée à l'obtention
des crédits nécessaires.
Concluant son bilan des apports du projet de loi de programmation militaire, le
chef d'Etat-major a souligné qu'il s'agissait pour l'armée de
l'air d'une loi de fabrication, dont le respect, année après
année, permettra d'atteindre le modèle d'armée
défini pour 2015, à condition bien sûr que les plans de
fabrication des deux grands programmes que constituent le Rafale et l'A-400 M
soient respectés.
Abordant ensuite le contenu du projet de loi de finances pour 2003, le
général Richard Wolsztynski
s'est félicité
qu'il soit en conformité avec les dispositions du projet de loi de
programmation militaire. Le projet de budget confortera la dynamique de la
récente loi de finances rectificative, comme en témoigne
l'augmentation des crédits de paiement des titres III et V de 10 % par
rapport à la loi de finances initiale de 2002.
S'agissant spécifiquement du titre III, le chef d'Etat-major a
souligné qu'il permettrait d'atteindre le format prévu pour 2015
d'environ 70.000 personnels militaires et civils. Les crédits de
rémunérations et de charges sociales augmenteront de 3,4 %,
ce qui ne pénalisera pas le fonctionnement courant. Celui-ci
connaît en effet une augmentation de 6,8 % permettant de poursuivre
les actions menées pour améliorer la qualité de
l'entraînement.
Pour le titre V, le
général Richard Wolsztynski
a mis
l'accent sur la restauration de la disponibilité ainsi permise, avec
notamment 1 milliard d'euros d'autorisations de programme et 900 millions
d'euros de crédits de paiement consacrés en 2003 à
l'entretien programmé des matériels. Les crédits du titre
V permettront également la modernisation des équipements
déjà évoqués, avec le programme d'accompagnement de
l'arrivée des Rafale sur la base de Saint-Dizier.
Enfin, les capacités de frappe en profondeur seront
améliorées, avec la livraison, en 2003, de 41 missiles Apache, de
60 missiles Scalp, avec la commande de 430 missiles Mica air-air, et le
développement des standards opérationnels F2 et F3 du Rafale. Les
capacités de projection seront améliorées par la livraison
de 3 avions cargo Casa 235 qui s'ajouteront aux 2 déjà
livrés cette année permettant de ralentir le vieillissement des
Transvall.
En concluant, le chef d'Etat-major a mis en évidence que les moyens
financiers promis à l'armée de l'air étaient de nature
à restaurer pleinement la confiance de ses personnels.
Puis un large débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis
du projet de budget de
l'armée de l'air
, a souhaité obtenir des précisions
sur les leçons opérationnelles tirées par le chef
d'Etat-major de la présence française à Manas, dans le
cadre de l'opération « Liberté immuable ». Il
a déploré les tergiversations allemandes sur les commandes
éventuelles de l'avion A-400M et a souhaité être
éclairé sur les potentialités de commercialisation de ce
futur appareil s'il finissait par se réaliser. Il a également
interrogé le chef d'Etat-major sur les perspectives d'emploi des
drones ; il s'est enfin félicité du bon moral des personnels
de l'armée de l'air qu'il a pu constater lors de déplacements
récents sur diverses bases aériennes.
M. Xavier de Villepin
s'est ému des indications provenant
d'Allemagne, selon lesquelles ce pays limiterait ses acquisitions à 40
A-400M. Il a souhaité savoir quelle solution alternative pourrait
être mise en oeuvre si cette hypothèse malencontreuse se
confirmait. S'agissant des avions de combat, il s'est interrogé sur les
meilleurs marchés potentiels d'exportation du Rafale à l'heure
des commandes croissantes passées par plusieurs pays européens du
futur avion américain JSF.
M. Serge Vinçon
a salué le remarquable travail accompli en
Afghanistan par les Mirage IV en matière de renseignement
photographique. Il s'est enquis de l'utilisation des deux Airbus d'occasion que
l'armée de l'air projette d'acquérir. Il s'est
inquiété des difficultés de construction de l'Europe de la
défense. Il s'est interrogé sur l'éventuelle parité
que la France pourrait réaliser avec la Grande-Bretagne en particulier,
en matière de missiles de croisière.
M. Didier Boulaud
a appuyé les propos du général
sur les coûts croissants imposés par le maintien en condition
opérationnelle d'appareils vieillissants. Il a souhaité que le
général dresse un premier bilan de la participation de
l'armée de l'air française aux opérations en Afghanistan.
Il s'est également interrogé sur les missions qu'il serait
concevable de confier aux drones, ainsi que sur les perspectives du programme
JSF et de l'éventuelle concurrence de ce futur appareil avec le Rafale.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est enquis des spécialités pour
lesquelles l'armée de l'air rencontrait des difficultés de
recrutement ou de fidélisation.
M. Hubert Durand-Chastel
s'est félicité que, face à
une flotte aérienne américaine considérable, la France
puisse se présenter comme un partenaire de poids tant dans le domaine
civil que militaire.
M. Robert Del Picchia
a souhaité connaître les alternatives
possibles au programme A-400 M, si ce dernier ne parvenait pas à se
réaliser. Evoquant le vieillissement de la flotte des Transall, il s'est
inquiété de leur coût de maintenance. Enfin, il s'est
interrogé sur des possibles utilisations des drones en matière de
surveillance des sites urbains.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
s'est également émue d'un
éventuel échec du programme A-400M et a souhaité savoir
comment serait comblé le déficit capacitaire ainsi
créé entre 2006 et 2009 en matière de transports
stratégiques.
Mme Hélène Luc
a évoqué la participation
française aux opérations en Afghanistan et a souhaité
être éclairée sur sa nature, ses réussites et les
leçons qu'en a tirées l'armée de l'air. Elle s'est
également interrogée sur l'apport de cette armée en
matière de lutte contre le terrorisme et a souhaité recueillir le
sentiment du général sur l'opportunité de construire un
deuxième porte-avions français.
M. André Boyer
s'est interrogé sur les prestations
d'entreprises portugaises pour le nouveau marché de maintenance du C-130.
Enfin, le
président André Dulait
a interrogé le
général sur l'évolution du projet européen de
navigation par satellite Galiléo, et sur les solutions alternatives
envisageables en cas d'échec du programme A-400M.
Le chef d'Etat-major a apporté en réponse les précisions
suivantes :
- les opérations en Afghanistan ont souligné que la
capacité de projection d'une base aérienne constituait le socle
de la réactivité de l'armée de l'air. La force de la
France est de pouvoir projeter cette structure qui constitue le lien essentiel
entre le soutien et les aéronefs. C'est sur ce modèle qu'a
été édifiée la base de Manas, modèle qui
s'est révélé tout à fait adapté, alors
même que les personnels militaires de neuf pays différents s'y
côtoyaient ;
- le deuxième enseignement fort de ces opérations est que la
gestion de crise requiert une autonomie dans la projection de force,
particulièrement pour une opération qui s'est
déroulée à 6.000 km de la France. Cette constatation
conduit à considérer l'apport de l'affrètement comme un
appoint, utilisable pour un flux logistique, mais ne pouvant assumer de
façon réactive la capacité de projection ;
- la nécessité d'une projection de feu qui soit continue dans le
temps et dans l'espace a constitué le troisième enseignement de
cette opération. En effet, l'utilisation des Mirage 2000 D,
adaptés à des missions tout temps et de jour comme de nuit, a
permis le maintien d'une pression constante sur l'adversaire ;
- quatrième élément : cette mission a souligné
l'importance du renseignement et particulièrement la
nécessité impérative de posséder des images des
objectifs assignés par la coalition à notre pays, notamment pour
prévenir tout « dommage collatéral ». A cet
égard, les deux satellites européens Hélios ont
apporté la continuité requise dans la prise d'images. Le
général Richard Wolsztynski
a souligné, sur ce
point, la complémentarité entre les satellites de veille
stratégique, en permettant la constitution d'une banque de
données, les drones, opérationnels pour une durée
supérieure aux capacités humaines et qui fournissent
également des images, enfin les avions, dont l'atout majeur est
constitué par une présence humaine à leur bord qui permet
de rectifier ou, si besoin est, d'annuler la mission jusqu'au dernier
moment ;
- plus généralement, Hélios II permettra l'utilisation de
l'infrarouge qui permet une veille satellitaire plus fine ; il devra
être complété ultérieurement par des satellites
apportant une imagerie radar ;
- s'agissant du système de navigation Galiléo, le chef
d'état-major de l'armée de l'air a souligné qu'il
était principalement destiné à l'aviation civile ;
ses utilisations militaires sont naturellement envisagées ;
- l'utilisation urbaine des drones, déjà opérationnelle
aux Etats-Unis, permet la fourniture continue d'images qui peut être
utile en matière de sécurité ;
- l'arrivée du Rafale sur la base de Saint-Dizier, où il
remplacera à terme le Jaguar, requiert une mobilisation du personnel et
une adaptation des infrastructures. Il est de fait que, en raison du poids de
l'histoire, la majeure partie des bases aériennes françaises est
concentrée dans le Nord-Est du pays. Cette concentration pourrait
être progressivement modifiée. Ainsi, les deux autres bases de
stationnement du Rafale seront choisies dans une autre partie du
territoire ;
- une nouvelle prolongation des Transvall s'avérerait
problématique et coûteuse ; si le programme A-400M se traduit
par un échec, la France se tournerait vers des achats de
matériels de capacités comparables ;
- l'A-400M pourrait disposer d'un fort potentiel d'exportation, en Europe,
voire ailleurs dans le monde, en raison de ses qualités ;
- l'acquisition de deux Airbus A 340 vise à suppléer, en
matière de capacité stratégique, l'obsolescence
constatée des DC 8 ;
- le chef d'Etat-major a également situé les capacités
d'exportation du Rafale prioritairement en Europe. Il a souligné que,
sur l'ensemble de ce continent, volaient actuellement pas moins de 12 types
différents d'avions de combat ; il était donc raisonnable
d'en prévoir la réduction progressive à 4. Il ne faut
cependant pas sous-estimer les capacités d'attraction que constituent
les aéronefs vendus d'occasion par les Etats-Unis, notamment les F16 et
les C 130 ;
- la meilleure disponibilité de l'ensemble des matériels
aéronautiques, comme le succès de l'armée de l'air en Asie
centrale, contribuent à relever le moral des personnels ;
- l'acquisition des missiles Scalp et Apache permettra à la France de
participer à une première frappe en zone hostile. Elle entre
ainsi dans un cercle très restreint des pays possédant cette
capacité ;
- les drones étaient à l'origine destinés à tester
les défenses ennemies, sans coût humain et avec des
équipements financièrement peu exigeants ; certaines
évolutions proposées par les industriels sont certes attractives
mais peuvent s'avérer coûteuses pour l'utilisateur ;
- le recrutement des personnels de l'armée de l'air s'effectue dans de
bonnes conditions. Une campagne ciblée de promotion va néanmoins
être lancée pour certaines spécialités comme les
électroniciens, les mécaniciens et les informaticiens, ou encore
les fusiliers commandos de l'Air. Il faut également souligner que la
région parisienne n'est guère attractive, ce qui conduira
à n'y maintenir que le personnel strictement nécessaire ;
- le marché remporté, après appel d'offres, par une
entreprise portugaise pour la maintenance de 14 avions C 130, suscitera sans
doute quelques difficultés de transition, limitées dans le temps.
De façon plus générale, l'Europe de la défense ne
pourra se construire qu'avec des échanges industriels de ce type ;
- le porte-avions représente une capacité importante : ainsi
la présence du Charles-de-Gaulle au large de l'Afghanistan, lors de
l'opération Héraklès, a démontré que ce type
de bâtiment apportait un appui indispensable à des frappes en zone
éloignée du territoire national, où la mise à
disposition de bases aériennes dans un Etat souverain peut demander du
temps.
*
* *
Amiral Jean-Louis BATTET
Chef d'état-major de la Marine
Le jeudi 24 octobre 2002
L'
amiral Jean-Louis Battet
s'est félicité
de
l'évolution notable de la prise en compte des problèmes de
défense dans les deux textes et a souligné l'espoir qu'ils
suscitaient dans les forces : l'amélioration de la
disponibilité et le renouvellement des matériels sont des
composantes essentielles de la motivation des militaires.
Il a tout d'abord dressé un bref bilan de la loi de programmation
militaire, qui vient de s'achever. Il a estimé que la
professionnalisation avait pu être menée à bien, mais selon
des adaptations nécessaires dans les organisations, la Marine ayant fait
le choix original d'un remplacement significatif des appelés par des
personnels civils.
Sur la durée de la programmation, le niveau des crédits de
fonctionnement, bien que globalement satisfaisant, a affecté le
fonctionnement courant.
A la suite des différents aménagements apportés à
la loi de programmation, les dépenses en capital ont été
revues à la baisse à hauteur de 3 milliards d'euros, soit
l'équivalent d'une annuité de programmation. Le Chef
d'état-major de la Marine a précisé que ces
aménagements avaient conduit à un désarmement
anticipé du porte-avions Foch, mais surtout à une rupture
capacitaire au sein de la flotte de surface avec le retrait du service, sans
remplacement immédiat, de la frégate Suffren. Il a indiqué
que le désarmement du Duquesne, un temps envisagé, ne serait pas
effectif avant l'admission au service des frégates Horizon, en 2006 et
2008.
Il a également évoqué le retard des programmes de l'avion
de combat Rafale et des frégates Horizon, ainsi que le décalage
subi par le 4
e
sous-marin lanceur d'engins de nouvelle
génération.
S'agissant de la loi de programmation 2003-2008, le Chef d'état-major a
indiqué qu'elle reprenait les hypothèses financières ayant
présidé à la définition du modèle 2015,
fondées sur des calculs de coûts de possession des
équipements. Le modèle 2015, tourné vers l'action
extérieure des armées, se trouve confirmé : la
commande d'un second porte-avions est annoncée sans préjudice du
renouvellement de la flotte de surface, l'emport de missiles de
croisière est prévu à terme sur tous les porteurs de la
Marine, la dissuasion est confirmée et les moyens de renseignement sont
renforcés. Un gros effort a également été fait sur
la protection des approches maritimes.
L'
amiral Jean-Louis Battet
a exposé, à cet égard,
les moyens mis en oeuvre par la Marine : il a indiqué que ce
mouvement était antérieur aux attentats du 11 septembre 2001 et
avait été notamment motivé par l'échouage, sur les
côtes françaises, du cargo East Sea, avec des clandestins à
bord.
Un renouvellement de doctrine a néanmoins été
opéré à la suite des attentats, sous la forme d'un concept
de « sauvegarde maritime », mis en oeuvre depuis la haute
mer -où la marine nationale est seule présente- ainsi que dans
les approches maritimes, en collaboration avec les autres administrations
intéressées. Dans ce cadre, une frégate est maintenue en
permanence en Méditerranée orientale, ainsi que dans les
Antilles, pour la lutte contre le narco-trafic.
La mise en place d'une chaîne continue de sémaphores armés,
équipés en radars et en dispositifs d'échanges de
données, en coopération avec le ministère des transports,
s'inscrit dans la même perspective de surveillance des approches.
Le ministère des transports crée un dispositif de surveillance
pour les navires qui acceptent de s'équiper de balises. Ce dispositif
pourrait intéresser d'autres nations européennes. Pour
compléter ses équipements, la Marine a un projet de construction
de 22 patrouilleurs destinés à la gendarmerie maritime et va
compléter sa flotte d'avions de surveillance.
L'
amiral Jean-Louis Battet
a ensuite abordé la réforme de
DCN, soutenue par la Marine. Si elle est sur le point d'aboutir, certaines
incertitudes ne sont pas encore levées : paiement de la TVA, remise
à niveau des installations transférées, capitalisation et
sureffectifs.
Evoquant le projet de loi de finances pour 2003, le Chef d'état-major de
la Marine a constaté que les crédits étaient conformes
à la première annuité de programmation, avec une hausse de
9 %. Ils devraient permettre d'entamer le redressement de la
disponibilité des matériels et la restauration de ses
capacités.
Le titre III est correctement doté en fonctionnement puisqu'il poursuit
la remontée des normes d'activité des bâtiments à
100 jours de mer et dispose de crédits d'externalisation qui
permettront, à la Marine, d'utiliser pleinement ses personnels sur le
coeur de métier.
S'agissant des effectifs, l'
amiral Jean-Louis Battet
a
précisé que la Marine connaissait un sous-effectif structurel de
l'ordre de 2 %, qui avait permis le maintien dans l'enveloppe indemnitaire mais
qu'il convenait désormais de résorber.
La Marine ne connaît pas de difficulté de recrutement mais peine
à conserver ses personnels dans certaines
spécialités : les atomiciens, les informaticiens, les
plongeurs-démineurs ou encore les infirmiers connaissent des
déficits qui peuvent atteindre 30 %.
A cet égard, la consolidation de la professionnalisation, prévue
en loi de programmation, devrait contribuer à la fidélisation de
ces personnels.
Sur le titre V, qui connaît une hausse globale de 11 %, le Chef
d'état-major a relevé un effort important sur les programmes, qui
permettra leur évolution dans de bonnes conditions.
S'agissant de l'entretien programmé des matériels, il a
précisé que la hausse de 0,45 % n'était qu'apparente
et résultait de modifications de périmètre liées au
changement de statut de DCN. A périmètre constant, la hausse est
de 11 % et l'augmentation des autorisations de programme anticipe sur un
redressement notable des crédits.
Deux postes ne sont pas couverts par le projet de loi de finances initiale et
devront être budgétés en loi de finances
rectificative : les crédits de paiement correspondant aux frais de
TVA et les autorisations de programme nécessaires à la commande
du Rafale, à hauteur de 848 M€.
En conclusion, l'
amiral Jean-Louis Battet
a rappelé que les
marins affichaient une certaine sérénité devant la
restauration des crédits.
Un débat a suivi l'exposé du Chef d'état-major.
M. André Boyer
a souhaité savoir si les conditions
optimales étaient désormais réunies en termes
d'organisation et de moyens pour l'entretien des matériels. Il a
souhaité connaître le calendrier du remplacement du bâtiment
atelier Jules Verne, absent de la loi de programmation. Il s'est
interrogé sur la relance de la coopération européenne et a
souhaité savoir si la Marine avait recours à la formation
continue pour pallier son déficit dans certaines
spécialités.
M. Xavier de Villepin
a évoqué l'avenir du bâtiment
école Jeanne d'Arc. Il a souhaité des précisions sur la
réponse de la Marine aux problèmes de terrorisme et de
narco-trafic et sur les conséquences du changement de statut de DCN.
M. Serge Vinçon
a souhaité connaître
l'échéance de l'effectivité de la remise à niveau
des équipements. Il a évoqué l'armement en missiles de
croisière des frégates multimissions et a également
souhaité obtenir des précisions quant au paiement de la TVA par
la Marine, après la réforme de DCN.
M. Jean-Yves Autexier
s'est interrogé sur la place, selon lui
excessive, conférée aux opérations extérieures dans
le modèle 2015 et sur la nécessité de le revoir pour une
meilleure prise en compte de la menace terroriste.
M. Christian de La Malène
a souhaité recueillir des
précisions sur la définition et le calendrier du second
porte-avions.
M. André Dulait, président
, s'est interrogé sur les
possibilités de coopération avec l'Espagne pour la protection des
approches maritimes. Revenant sur la question des personnels, il a
évoqué la place du personnel civil et les perspectives de la
réserve opérationnelle dans la Marine.
Le Chef d'état-major de la marine a apporté aux commissaires les
précisions suivantes :
- la situation actuelle de l'entretien des matériels n'est pas
satisfaisante, mais elle est en voie de redressement. L'année 2002 a
été une mauvaise année pour la consommation de rechanges
-principalement due à une forte consommation pendant l'opération
Héraklès- tandis que la fonction « achat »
souffrait d'un déficit en personnel. Le code des marchés publics
constitue une difficulté supplémentaire. Les rechanges sont la
clé de la disponibilité des matériels. La reprise de la
gestion des rechanges s'achève mais ne sera véritablement
optimale qu'avec l'arrivée de systèmes de gestion
informatisés des pièces, prévue pour la fin 2003 ;
- le bâtiment atelier Jules Verne a été une des clés
de l'opération Héraclès. Son remplacement n'est pas
actuellement une priorité, le retrait du service actif étant
prévu en 2012 ;
- la coopération européenne en matière de défense
progresse lentement. Toutefois, le premier déploiement
opérationnel d'Euromarfor est prévu en Méditerranée
orientale pour la lutte antiterroriste. Il pourrait être
complété par une relève des Allemands dans la Corne de
l'Afrique. L'amiral Jean-Louis Battet s'est déclaré favorable
à l'élargissement d'Euromarfor à d'autres marines
européennes ;
- l'accélération des recrutements d'officiers par l'utilisation
de contrats courts, ainsi que l'augmentation du nombre des engagés de
longue durée constituent des premières réponses au
déficit, mais le remplacement de personnels formés ne peut
être immédiat ;
- la prolongation de la Jeanne d'Arc fait l'objet d'études, compte tenu
de son âge. L'alternative serait dans l'utilisation d'autres
frégates ou dans une coopération européenne avec
l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui pourraient être
intéressés par ce type de formation ;
- s'agissant de la lutte contre le terrorisme, le risque en escale,
traité comme un risque militaire, conduit à réduire le
nombre des escales et à renforcer la protection des bâtiments. Des
dispositifs ont été mis en oeuvre pour le renforcement de la
sécurité dans le port de Toulon, en particulier autour du
porte-avions Charles de Gaulle ;
- DCN, devenue société de droit privé, n'appelle pas le
même type de relations et il est acquis que le paiement de la TVA ne sera
pas prélevé sur le budget de la défense. L'Etat devra
être représenté au conseil d'administration pour exercer sa
fonction de surveillance ;
- le modèle 2015 ne devrait pas subir de notable remise en cause, mais
plutôt des aménagements et des dispositions
complémentaires, relatives à la protection des approches et du
trafic maritime ;
- la propulsion du 2
e
porte-avions fait actuellement l'objet de
débats. Trois études sont en cours sur les différentes
hypothèses : un porte-avions à propulsion nucléaire,
sistership du Charles de Gaulle ou à propulsion classique avec les
Britanniques ou sur une base nationale. Une décision doit intervenir en
juin 2003. Le calendrier prévu est une admission au service actif en
2013/2014.
*
* *
Général Henri BENTEGEAT
Chef d'état-major des
Armées
Le jeudi 31 octobre 2002
Le
général Henri Bentegeat
a tout d'abord rappelé que le
gouvernement avait décidé d'accomplir un effort significatif en
matière de défense à travers le projet de loi de
programmation militaire pour les années 2003-2008, afin de faire face
à un environnement de sécurité complexe et tendu,
marqué par la multiplication des attentats terroristes, la menace d'un
conflit en Irak, la persistance de crises en Afghanistan et en Afrique et un
engagement important de nos forces dans les Balkans. Dans ce contexte, le
projet de loi de programmation va permettre le retour au niveau financier
prévu pour atteindre le modèle d'armée 2015. Celui-ci,
défini en 1996, reste la référence indispensable des
armées pour mener à bien les programmes d'équipement dont
la durée de vie excède une quinzaine d'années.
Ce modèle a toutefois été amendé pour tenir compte
des enseignements des conflits récents et des besoins spécifiques
de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, les forces spéciales vont voir
leurs moyens de transmission et de transport renforcés grâce,
notamment, à l'acquisition de dix hélicoptères Cougar MK
2. Un effort particulier sera entrepris en matière de protection contre
les menaces nucléaires bactériologiques et chimiques (NBC),
l'objectif étant d'assurer la protection, en 2008, d'une force de 15.000
hommes et de dix sites particuliers.
En matière de sécurité intérieure, la loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure (LOPSI) a dégagé un milliard d'euros de
crédits d'équipement supplémentaires et créé
7.000 postes au profit de la gendarmerie. Enfin, les capacités de
renseignements satellitaires et électromagnétiques seront
renforcés, tandis que l'armée de l'air et la marine seront
dotées du missile de croisière Scalp, qui pourra être aussi
bien tiré à partir d'avions Rafale qu'à partir de
plates-formes navales, dans une version adaptée.
Le projet de loi de programmation militaire a pour objectif principal de
rétablir la capacité de la France à exercer ses
responsabilités en Europe et dans le monde en tant que membre permanent
du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois priorités ont donc
été dégagées par le Chef de l'Etat.
La première, a indiqué le chef d'état-major des
armées, est la restauration de la disponibilité des
équipements afin de rétablir la crédibilité des
forces et le moral des armées. La réalisation de cet objectif
nécessite l'accroissement des crédits d'entretien
programmé des matériels (EPM), qui passeront d'une moyenne
annuelle de 2,16 milliards d'euros sur les cinq dernières années
à 2,4 milliards d'euros entre 2003 et 2008. Une réforme des
procédures et des structures d'entretien, à travers une plus
grande interarmisation et une plus grande synergie entre les industriels et les
armées, est également nécessaire.
La seconde priorité est la modernisation des systèmes d'armes
contribuant aux quatre fonctions stratégiques que sont la dissuasion, la
prévention, la projection-action et la protection. En matière de
dissuasion, le projet de loi de programmation permet la construction des deux
derniers sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle
génération (SNLE-NG), la poursuite du programme de missiles M51,
dont l'entrée en service est prévue en 2010, du programme de
missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et du
programme de simulation dont le
général Henri Bentegeat
a
souligné l'importance. En matière de prévention, le chef
d'état-major des armées a indiqué qu'un effort serait fait
pour le renseignement à travers des programmes nationaux de satellites
(Hélios II) et de coopération avec l'Allemagne et l'Italie, la
construction d'un nouveau bâtiment d'écoute et la livraison
à l'armée de l'air de nouvelles nacelles de reconnaissance. Pour
la fonction de projection-action, les principaux programmes sont la
construction d'un second porte-avions, la livraison de deux bâtiments de
projection et de commandement (BPC), la commande d'avions A400M, la
rénovation des ravitailleurs en vol et d'une partie du parc des Cougar
et Puma, la commande et la livraison d'hélicoptères NH 90 pour la
marine. Les capacités de frappe dans la profondeur seront
améliorées grâce à la livraison à
l'armée de l'air du premier escadron de Rafale en 2006 et du programme
visant à doter les forces françaises de moyens de frappe de
précision tout temps, de jour comme de nuit (Armement Air-Sol
Modulaire). Des moyens nouveaux seront également mis en oeuvre dans le
domaine du commandement et des communications, afin que la France puisse
remplir son rôle de nation-cadre d'une force européenne ou
multinationale. Des moyens nouveaux de détection des frappes biologiques
et chimiques, une capacité anti-missile de théâtre et la
livraison du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI)
à l'armée de terre viendront améliorer la protection des
forces. Enfin, la loi de programmation pour les années 2003-2008 verra
le redressement des crédits d'études amont.
La loi de programmation militaire permettra en outre de consolider la
professionnalisation. Elle effectue un ajustement des effectifs des
armées. 7.000 postes de militaires sont créés dans la
gendarmerie, 2.500 postes d'engagés contre la suppression de postes de
volontaires dans l'armée de terre et 570 (220 médecins et 350
infirmiers) au profit du service de santé des armées. La
réserve se voit dotée d'importants moyens nouveaux avec
86 millions d'euros, l'objectif étant un effectif de 82.000
réservistes en 2008. Un fonds de consolidation de la
professionnalisation sera mis en place afin de renforcer l'attractivité,
par rapport au secteur civil, de certaines spécialités, et de
fidéliser les personnels engagés. Enfin, la loi de programmation
intègre des objectifs d'entraînement des forces alignés sur
les pratiques des armées étrangères les plus modernes.
Le
général Henri Bentegeat
a estimé que le projet
de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 marquait un
effort sensible de la nation en faveur des armées, consolidant la
position de la France. Ce projet de loi, même s'il est très
favorable, ne permettra pas toutefois de rattraper tous les retards, notamment
en matière de projection aérienne et maritime.
Evoquant les crédits de la défense inscrits au projet de loi de
finances pour 2003, le
général Henri Bentegeat
a
constaté leur stricte conformité à la première
annuité de la programmation. Il a estimé cette conformité
indispensable au rétablissement de la confiance au sein des
armées. Le malaise récemment constaté trouvait en effet
pour partie son origine dans une perte de confiance devant le
« décrochage » budgétaire qui a notamment
induit un effondrement de la disponibilité des matériels.
Le chef d'état-major des armées a relevé les augmentations
du titre III à hauteur de 4,7 % et du titre V, de 10,6 %, en
précisant que le niveau atteint était celui de la
précédente programmation, une fois intégrée la
revue des programmes. La loi de finances pour 2003 constitue une
première étape qui devra être confirmée.
Il a estimé que les dotations du titre III étaient
satisfaisantes. Le taux de renouvellement des engagements est actuellement de
75 %, ce taux étant fonction de la conjoncture et de
l'efficacité de la reconversion. La part des rémunérations
et charges sociales est stabilisée à 80 % du titre III, les
20 % restants étant consacrés à l'activité des
armées, avec un objectif de 100 jours de sortie pour la marine et
l'armée de terre. Le
général Bentegeat
a
également souligné l'effort sur les crédits
d'externalisation qui atteindront 40 millions d'euros en 2003.
Le titre V donne la priorité à la restauration de la
disponibilité des équipements, avec un objectif de
75 % ; il permet également des commandes importantes,
notamment l'achat d'avions Rafale et du missile MICA, ainsi que le
développement du missile M 51.
Le chef d'état-major des armées a indiqué par ailleurs que
36.700 hommes étaient déployés hors de la France
métropolitaine, dont 15.500 dans les DOM-TOM, 5.900
prépositionnés en Afrique et 14.000 en opérations
extérieures dont 8.400 dans les Balkans. Pour 2003, le coût
prévisionnel des opérations extérieures s'élevait
à 670 millions d'euros. Sur les dix dernières années, ce
montant s'établit en moyenne annuelle à 620 millions d'euros.
Evoquant la Côte d'Ivoire, le
général Henri Bentegeat
a qualifié la situation de préoccupante. L'issue des
négociations, qui se tiennent à Lomé, est incertaine. Le
rôle provisoire assigné aux forces françaises est la
surveillance du cessez-le-feu conclu entre les deux parties. Une relève
par la CEDEAO ne paraît pas imminente compte tenu des modalités de
mise en place de la force. Dans l'hypothèse d'une relance des combats,
la mission des forces françaises serait recentrée sur la stricte
protection de nos ressortissants.
En République centrafricaine, les forces loyalistes ont repris le
contrôle de la plus grande partie de la capitale, mais le recours
à des éléments venus du Congo pose d'ores et
déjà des difficultés, et des pillages ont
été constatés. La France pourrait faire intervenir des
forces prépositionnées au Gabon, dans le cas où une menace
pèserait sur nos compatriotes.
En conclusion, le
général Henri Bentegeat
a rappelé
qu'avec le projet de loi de programmation militaire, un effort très
important avait été consenti par la nation au profit des
armées. La réalisation du modèle 2015 dépendra de
l'exécution fidèle des engagements pris ; en contrepartie,
les armées devront faire preuve d'un effort accru de rigueur dans la
gestion des crédits. L'ensemble permettra de disposer de forces
modernes, efficaces et respectées à l'extérieur.
A la suite de l'exposé du chef d'état-major des armées, un
débat s'est engagé avec les membres de la commission.
M. Serge Vinçon
a demandé des précisions sur la
capacité actuelle de la France à assumer le rôle de
nation-cadre pour des opérations multinationales. Il s'est
interrogé sur la mise en oeuvre de la politique européenne de
sécurité et de défense, et en particulier la
possibilité, pour l'Union européenne, de prendre la relève
de l'OTAN en Macédoine. Il a souligné la nécessité
de mieux mettre en valeur les résultats d'ores et déjà
obtenus par le programme de simulation nucléaire. Il a souhaité
savoir si la coopération européenne en matière spatiale
allait se concrétiser, et si elle pourrait porter sur des domaines
nouveaux, tels que l'alerte avancée en vue de la détection des
tirs de missiles balistiques. Enfin, il a fait part des incertitudes actuelles
sur la création d'une structure interarmées de maintenance pour
les matériels terrestres.
M. Xavier de Villepin
a souhaité recueillir le sentiment du chef
d'état-major des armées sur l'évolution de la politique
européenne de sécurité et de défense, qui semble
connaître un certain essoufflement. Il s'est interrogé sur la
concurrence éventuelle entre la force de réaction rapide de
l'Union européenne et celle que les Etats-Unis proposent de créer
dans le cadre de l'Alliance atlantique. S'agissant des opérations
extérieures, il a demandé si elles continueraient à
être financées par prélèvement sur le budget courant
de la défense. Il a évoqué les dernières
évolutions du dossier de l'avion de transport A 400 M. Enfin, il a
demandé si les troupes françaises en Côte d'Ivoire
verraient leurs effectifs diminuer dans l'hypothèse d'une intervention
de forces des pays de la Communauté économique des Etats
d'Afrique occidentale (CEDEAO).
M. Guy Penne
a observé la relative lenteur avec laquelle semble
se préparer une éventuelle relève par la CEDEAO en
Côte d'Ivoire. Il a souligné la situation délicate dans
laquelle se trouvait la France, compte tenu de l'évolution de la
situation sur le terrain. Plus généralement, et notamment au vu
des événements en République centrafricaine, il a
souligné les difficultés à garantir la
sécurité de nos ressortissants en Afrique tout en veillant
à ne pas opter pour le soutien des régimes en place.
M. Robert Del Picchia
a demandé des précisions sur la
prise en charge des coûts de personnel et d'équipement de la force
de la CEDEAO en Côte d'Ivoire. Il a par ailleurs souhaité savoir
si nos services de renseignement ne disposaient pas d'informations laissant
présager le soulèvement d'une partie de l'armée
ivoirienne. Enfin, il s'est interrogé sur la présence
d'éléments libyens en République centrafricaine.
M. Philippe François
a interrogé le chef
d'état-major des armées sur les perspectives de rénovation
du missile Exocet. Il lui a par ailleurs demandé son sentiment sur le
passage des forces de gendarmerie sous la tutelle du ministère de
l'intérieur.
À la suite de ces interventions, le
général Henri
Bentégeat
,
chef d'état-major des armées
, a
apporté les précisions suivantes :
- nos forces prépositionnées en Côte d'Ivoire, qui sont
constituées par les 450 hommes du 43e Bataillon d'infanterie de Marine,
ont été renforcées, à la suite de la crise
actuelle, et atteignent désormais 1.600 hommes ; ce niveau
d'engagement a vocation à diminuer dès que la situation le
permettra ;
- en Côte d'Ivoire comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, nos
services de renseignement recueillent régulièrement des
informations sur des projets de coup d'Etat, sans pour autant que l'on puisse
anticiper avec certitude la probabilité de réalisation et son
échéance éventuelle ; en l'occurrence, le fait que le
soulèvement armé provienne d'une partie de l'armée
ivoirienne et que l'on ne dispose d'aucune certitude sur une éventuelle
intervention étrangère, ne permettait pas de mettre en oeuvre les
accords de défense et d'agir contre les mutins ;
- la France, dans le cadre du dispositif de renforcement de capacités
africaines de maintien de la paix (RECAMP), s'est déclarée
disposée à prendre en charge les frais de personnels et
l'équipement d'un bataillon au profit de la force de la CEDEAO en
Côte d'Ivoire ;
- entre 200 et 300 militaires libyens sont présents en République
centrafricaine, mais seront prochainement retirés, un accord ayant
été obtenu pour l'envoi d'une force de la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)
dirigée par le Gabon ;
- les difficultés de la mise en oeuvre pratique de la politique
européenne de sécurité et de défense et le
rapprochement entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont contribué
à un réel sentiment d'essoufflement de l'esprit de
Saint-Malo ; pour autant, il ne faut pas négliger les
progrès accomplis, en particulier la création des institutions et
des procédures permettant à l'Union européenne de
décider d'une opération et d'en assurer le contrôle
politique ; par ailleurs, en dépit de certaines lacunes, la
constitution d'une capacité européenne d'action militaire est en
cours, avec pour objectif d'être opérationnelle en 2003 ;
- la création, au ministère de la défense, d'un centre de
planification et de conduite d'opérations (CPCO) traduit la
volonté de la France de pouvoir assumer le rôle de nation-cadre
pour des opérations multinationales ; ce centre permettra d'assurer
le commandement stratégique d'opération pour une force du niveau
brigade en 2003, du niveau division en 2005 et du niveau corps d'armée
en 2007 ; il s'agira d'un poste de commandement
« multinationalisable », capable d'accueillir
jusqu'à 400 officiers français et européens ; son
équipement reposera sur des systèmes d'information et de
commandement permettant de diriger une opération multinationale depuis
Paris, conformément aux engagements pris pour la constitution des
capacités européennes ;
- le projet de force de réaction rapide de l'OTAN, qui pourrait ne se
limiter qu'à des unités européennes, ne doit pas
handicaper la mise en place de la force de réaction
européenne ; les deux forces ne sont pas concurrentes, car elles
reposent sur un même réservoir d'unités ; nous
veillerons à la compatibilité des deux démarches ;
- il n'est pas prévu d'acquérir d'ici 2008 une capacité
spatiale d'alerte, mais le projet de loi de programmation prévoit le
financement d'études-amont dans le cadre du programme de défense
antimissiles de théâtre ; il serait nécessaire de
développer cette capacité en coopération
européenne, en se rapprochant notamment des allemands et des
italiens ;
- l'opportunité de la création d'une structure interarmées
de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) fait actuellement
l'objet d'une étude d'évaluation ;
- depuis 10 ans, le poids financier des opérations extérieures
représente environ 620 millions d'euros par an, principalement
financés en loi de finances rectificative par prélèvement
sur les crédits d'équipement de la défense ; un
groupe de travail commun au contrôle général des
armées et à l'inspection générale des finances doit
remettre l'an prochain ses conclusions en vue d'améliorer le mode de
financement des opérations extérieures, par exemple par un
meilleur provisionnement en loi de finances initiale ; d'autres
améliorations pourraient être permises dans le cadre de la mise en
oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ;
- l'équilibre économique du programme d'avion de transport
A400 M exigerait une commande minimale de 60 appareils par
l'Allemagne ; toutefois, ce seuil ne tient pas compte de commandes
nouvelles provenant de pays qui ne sont pas actuellement partie au
programme ; l'Italie n'exclut pas de se rallier au programme à
partir de 2006 et des pays non-européens, comme le Canada, marquent leur
intérêt pour cet avion ; il est donc possible de rester
raisonnablement optimiste, pour autant que le Royaume-Uni accepte d'attendre la
décision définitive de l'Allemagne sur ce dossier ;
- le projet de loi de programmation permet la rénovation des trois
composantes de la famille Exocet : air-air, sol-mer et mer-mer. Pour cette
dernière version (MM40), des négociations sont en cours avec
l'industriel pour un éventuel changement de mode de propulsion, qui en
augmenterait la portée ;
- le passage de la gendarmerie sous l'autorité du ministère de
l'intérieur, pour les missions de sécurité
intérieure, répondait à une nécessité et
s'effectue dans des conditions satisfaisantes ; il reste à observer
comment évoluera la question du statut militaire de la
gendarmerie ; il n'y a pas en cette matière de voie moyenne, qui
consisterait à conserver certains aspects du statut militaire et
à en écarter d'autres ; le statut militaire, fondé
sur les exigences de discipline et de disponibilité, forme un tout
indissociable qu'il faut préserver.
*
* *
M. François HEISBOURG
Directeur de la Fondation pour la
recherche stratégique
Le mercredi 6 novembre 2002
M.
François Heisbourg
a tout d'abord exprimé sa satisfaction sur
le contexte renouvelé dans lequel s'inscrit son intervention sur le
projet de loi de programmation militaire. Il a estimé que, sur le plan
stratégique, l'innovation apportée par la loi de programmation
militaire était plus importante qu'il n'y paraissait.
Reprenant les différentes fonctions stratégiques
énumérées par la loi de programmation, dissuasion,
prévention, projection et protection, il a considéré que
le contenu du volet « prévention » constituait un
apport substantiel. Bien que différente du concept américain qui
inclut notamment l'idée de frappes préventives, la conception
française de la prévention résulte directement des
événements du 11 septembre. Cette fonction
stratégique spécifique, qui comprend le développement de
capacités de veille et d'alerte précoce, ainsi que de
renseignement a été identifiée comme une réponse
à la menace émanant de groupes non-étatiques. Elle
constitue une actualisation du Livre blanc de 1994, qui évoquait le
terrorisme sans y apporter le même type de réponse.
La nouvelle loi de programmation militaire résulte tant des
événements du 11 septembre que du constat d'un
décalage croissant entre les efforts de défense français
d'une part, et britanniques d'autre part : 37 milliards d'euros ont
été consacrés à la défense par le
Royaume-Uni contre 25,5, hors gendarmerie, par la France sur la dernière
période de programmation.
La réforme des armées, combinée à la multiplication
des opérations extérieures avec un budget inchangé, a
conduit à la dégradation de la disponibilité des
matériels. La loi de programmation militaire, donnant une
priorité claire au maintien en condition opérationnelle des
forces, apporte des réponses satisfaisantes à une question
urgente. Le niveau des crédits consacrés au titre V, de l'ordre
de 15 milliards d'euros par an, constitue également un motif de
satisfaction.
Certaines interrogations subsistent cependant. L'exécution
budgétaire et la nécessité de réaliser des
dépenses en temps et en heure sont une première source
d'incertitude.
M. François Heisbourg
a estimé qu'en
l'absence de refonte du Livre blanc de 1994, la loi de programmation ne posait
pas suffisamment la question de l'arbitrage entre les différents types
d'opérations que la France peut mener. Prenant l'exemple de
l'Afghanistan, il a indiqué que, seule, la France menait à la
fois des opérations militaires, de maintien de la paix dans le cadre de
l'ISAF et de formation de la nouvelle armée. De ce point de vue, les
Britanniques établissent une hiérarchie plus nette dans leurs
priorités. Il a considéré que ce choix devait être
mis en rapport avec la logique de fonctionnement d'une armée
professionnelle. Si elle fait l'objet de sollicitations trop nombreuses, des
tensions sur le recrutement risquent d'être observées à
terme.
La loi de programmation militaire n'aborde pas non plus la question de la
convergence entre sécurité extérieure et
sécurité intérieure. La mise en place de conseils de
sécurité intérieure, au même niveau que les conseils
de défense, constitue un début de mise en cohérence.
M. François Heisbourg
a conclu sur la question de
l'européanisation de notre défense dans un contexte de retrait
britannique et de restriction budgétaire en Allemagne.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Xavier de Villepin
a souhaité savoir si le niveau de l'effort
français en matière de recherche et développement ainsi
que dans le domaine de l'espace était suffisant, alors que l'on observe
une augmentation très forte de la dépense américaine dans
ces domaines. Il a par ailleurs souhaité connaître l'opinion de M.
François Heisbourg sur les évolutions de l'OTAN et de la
défense européenne.
M. Hubert Durand-Chastel
s'est interrogé sur l'impact
économique, notamment en termes d'emploi, de la recherche en
matière de défense. Il a considéré que cet impact
pouvait constituer une incitation pour certains pays neutres à investir
davantage dans le secteur militaire.
M. Serge Vinçon
a sollicité l'opinion de M.
François Heisbourg sur l'évolution attendue de l'attitude des
Etas-Unis par rapport à l'OTAN. S'agissant des efforts comparés
de défense, il s'est interrogé sur la sortie des crédits
correspondants des critères du pacte de stabilité. Il a enfin
souhaité des éléments de précision sur le
rôle de la dissuasion nucléaire dans le contexte
stratégique actuel.
M. Jean-Pierre Masseret
a souhaité connaître les moyens de
réponse dont dispose notre pays face aux menaces bactériologiques
et chimiques. Il s'est interrogé sur les rôles respectifs de la
défense européenne et de l'OTAN, dans un contexte où le
champ d'intervention de cette dernière pourrait être
élargi.
M. Christian de La Malène,
partageant l'opinion de
M.
François Heisbourg
selon laquelle la France ne peut
prétendre assigner un champ trop vaste aux missions de ses forces
armées, lui a demandé si, de son point de vue, le projet de loi
de programmation militaire opérait, à ce sujet, des choix
suffisamment clairs. Il s'est notamment interrogé sur la
fréquence et l'importance des opérations extérieures
auxquelles la France prenait part, et sur les retombées de nos efforts
en faveur du développement de capacités militaires
européennes de gestion de crise, compte tenu des difficultés de
la politique européenne de sécurité et de défense.
Mme Hélène Luc
a demandé des précisions sur
le rôle futur de l'OTAN et sur la place que lui réserveraient les
Etats-Unis. Elle s'est inquiétée de la relative faiblesse des
crédits consacrés au renseignement. Elle a souligné la
nécessité, pour la France, de s'engager davantage dans la
reconstruction de l'Afghanistan, en particulier en matière
d'équipements scolaires et sanitaires.
M. Robert Del Picchia
a évoqué les incertitudes pesant sur
l'étendue exacte des missions dites « de
Petersberg » que devrait assumer l'Union européenne. Il a
souligné que
certains de nos partenaires ne souhaitaient pas
aller au-delà de missions de maintien de la paix et n'envisageaient pas
de missions de rétablissement de la paix. Il a par ailleurs
interrogé M. François Heisbourg sur les perspectives
d'intervention militaire américaine en Irak.
Mme Josette Durrieu
a évoqué l'évolution du dossier
de l'avion de transport A 400 M et la situation en Macédoine à
l'approche de la fin de la mission de l'OTAN.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a souhaité des précisions
sur la nature du parti qualifié d'islamiste modéré qui
vient de remporter les élections turques. Elle s'est demandé dans
quelle mesure l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne pouvait constituer un moyen de rapprocher les civilisations
et les cultures.
M. Pierre Biarnès,
évoquant l'Irak, a
déploré que la communauté internationale ne soit pas
suffisamment déterminée à faire appliquer les
résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies au
Proche-Orient. Il a souligné qu'Israël possédait des armes
de destruction massive, notamment nucléaires.
M. André Dulait, président,
a souhaité
connaître l'opinion de M. François Heisbourg sur
l'efficacité de l'organisation de nos services de renseignement. Il a
par ailleurs demandé comment la Convention sur l'avenir de l'Europe
prendrait en compte les questions de défense. Il s'est enfin
interrogé sur l'adaptation de notre politique nucléaire militaire
au nouveau contexte international.
En réponse à ces différentes interventions,
M.
François Heisbourg
a apporté les précisions
suivantes :
- la recherche et le développement constituent les domaines qui ont
été les plus affectés, ces dernières années,
par la réduction du budget de défense français, alors
qu'ils ont au contraire été constamment préservés
aux Etats-Unis, quel que soit le contexte budgétaire ; l'effort
consacré par la France en la matière ne représente plus
qu'environ la moitié du niveau atteint au début des années
1990 ; par ailleurs, la délégation générale
pour l'armement a renoncé, à partir de 1997, à conduire
elle-même des recherches-amont ;
- à la différence des dernières décennies, c'est
désormais en grande partie la recherche civile qui
« tire » la recherche militaire, car les cycles
technologiques sont beaucoup plus courts que les cycles d'acquisition des
armements ; il est donc nécessaire de réduire la
durée de ces cycles d'acquisition d'équipements militaires afin
de bénéficier davantage des retombées de la recherche
civile ;
- le renforcement des programmes spatiaux militaires est, pour la France, une
nécessité ; il est heureux à cet égard que le
projet de loi de programmation militaire, même s'il demeure discret sur
le sujet, prévoie des études sur la mise au point de
systèmes d'alerte satellitaires, indispensables à la
détection et à la localisation des tirs de missiles
balistiques ;
- les Etats-Unis continuent à accorder une grande importance politique
à l'OTAN, mais considèrent qu'avec la disparition de la menace
soviétique, son intérêt militaire s'est
considérablement réduit ; de fait, 92% de la structure des
forces américaines n'est pas rattachée pour emploi à
l'OTAN et fonctionne selon des procédures et des standards
différents de ceux de l'Alliance atlantique, ce qui crée des
difficultés pour nos forces lorsqu'elles sont appelées, comme en
Afghanistan, à opérer avec des unités ne relevant pas du
commandement américain en Europe ; cette évolution laisse
présager un déclin de l'OTAN en tant qu'organisation de
défense collective ;
- la proposition américaine de force de réaction rapide au sein
de l'OTAN, davantage soutenue par la Maison Blanche que par le Pentagone,
présente un intérêt militaire réduit ; son
effectif sera minime, sa capacité à être très
rapidement engagée est incertaine, notamment dans une Alliance
élargie ; elle permettra cependant de promouvoir
l'interopérabilité entre les différentes armées y
prenant part ;
- la force européenne de réaction rapide, telle qu'elle a
été définie à Helsinki par le Conseil
européen, ne paraît pas en mesure de pouvoir mener des actions de
projection de vive force ; insuffisamment ambitieux, si l'on
considère que l'Europe doit pouvoir conduire des opérations de
guerre loin de ses frontières, le projet est en revanche
sur-dimensionné s'il ne s'agit que de mener des opérations de
maintien de la paix comme celles actuellement en cours en
Bosnie-Herzégovine ;
- l'institut d'étude et de sécurité de l'Union
européenne travaille actuellement à la rédaction d'un
livre européen sur la défense ; la question se pose, dans ce
cadre, de savoir si l'Europe de la défense doit se limiter aux missions
de Petersberg ;
- la Convention sur l'avenir de l'Europe aura également à
s'intéresser aux développements de la politique européenne
de sécurité et de défense ; on peut par exemple se
demander si, comme la Constitution française, la future Constitution
européenne comportera une disposition relative à
l'intégrité territoriale de l'Union européenne ;
- la France est aujourd'hui mieux préparée à la lutte
contre le risque chimique qu'à celle contre le risque biologique ;
une implication plus forte des institutions européennes est
nécessaire dans ce domaine ; il est également indispensable
de procéder à des exercices sur le terrain, comme l'exercice
Eurotox récemment organisé à Canjuers, mais
également à des exercices de gestion de crise par
l'échelon politique, comme l'on fait les Etats-Unis au printemps 2001 en
testant les lacunes de leur appareil de décision face à la
propagation du virus de la variole ;
- la part de la dissuasion nucléaire représente actuellement
environ 20% des crédits d'équipement de la défense, ce qui
est supérieur à ce que l'on constate aux Etats-Unis ou au
Royaume-Uni ; il n'est donc pas illégitime de se demander s'il
serait possible, tout en préservant la dissuasion, ce qui demeure
indispensable, de réduire l'effort financier qui lui est
consacré ; on peut
regretter qu'un débat plus
ouvert ne se soit pas produit sur la nécessité de construire un
4e sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle
génération, ou d'engager le programme de missile air-sol moyenne
portée amélioré (ASMP/A) ;
- il est en revanche important d'envisager, pour la crédibilité
même de notre dissuasion, une capacité de détection et
d'alerte ; la prolifération des missiles balistiques et des armes
de destruction massive rend indispensable la capacité de
détection et d'identification d'un éventuel agresseur ; un
tel système, d'un coût évalué entre 400 et 500
millions d'euros, est à la portée du budget de défense
français ;
- s'agissant de l'avion de transport A 400 M, il aurait été
préférable que l'Allemagne indique clairement, dès le
départ, le nombre d'appareils qui lui étaient réellement
nécessaires ;
- le parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan,
qui vient de remporter les élections législatives en Turquie,
représente effectivement une ligne modérée et ne saurait
en aucun cas être mis sur le même plan que le FIS
algérien ; certains ont pu, à juste titre, parler d'une
version musulmane de la démocratie chrétienne, telle que nous la
connaissons en Europe ;
- les Européens ont fait preuve d'une grande inconséquence dans
leur attitude vis-à-vis de la Turquie depuis plusieurs
années ; cette dernière peut à bon droit
évoquer les engagements clairs, énoncés notamment lors du
Conseil européen d'Helsinki en 1999, sur sa vocation à
intégrer l'Union européenne ; il est regrettable de
constater sur ce point un profond décalage entre les déclarations
officielles de l'Union européenne et le sentiment réel des
différentes capitales ;
- la diplomatie française aura montré, dans la gestion du dossier
irakien aux Nations unies, de grandes qualités d'efficacité et de
professionnalisme ; si un compromis était trouvé autour
d'une résolution acceptable par la France, cette dernière
serait bien entendu liée par ce compromis et devrait en
conséquence participer à une éventuelle opération
militaire en cas de non-respect par l'Irak de ses obligations ; une
participation française devrait en revanche être exclue si une
action américaine intervenait en dehors des résolutions du
Conseil de sécurité ;
- les attentats dont la France a été victime au cours des vingt
dernières années l'ont incitée à mettre en place
une bonne coordination des services de renseignement ; celle-ci peut
être aujourd'hui jugée efficace ;
- Israël a commencé à développer un programme
nucléaire, bien avant la conclusion du traité de
non-prolifération (TNP) ; cet Etat n'a d'ailleurs pas signé
ce traité et n'est donc pas en contradiction avec ses engagements
internationaux, contrairement à l'Irak et à la Corée du
Nord ; en ce qui concerne les résolutions du Conseil de
sécurité sur le Proche-Orient, elles s'adressent à la
partie israélienne comme à la partie palestinienne et ne sont pas
fondées, à la différence des résolutions concernant
l'Irak, sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies relatif aux menaces
contre la paix et au recours éventuel à la force par l'ONU.
Enfin, répondant à une question de M. Xavier de Villepin,
M. François Heisbourg
a évoqué les conditions
dans lesquelles a été révélée l'existence
d'un programme nucléaire nord-coréen. Il a souligné que la
situation ainsi créée ne pouvait être comparée
à celle de l'Irak, car il ne s'agissait pas de l'acquisition potentielle
de la capacité nucléaire, mais de sa possession, ce qui, entre
autres raisons, excluait toute option militaire. Il a reconnu la relative
modération des réactions internationales, en particulier aux
Etats-Unis et au Japon, ce dernier pays étant soumis à d'intenses
pressions de Pyongyang pour normaliser, dans un sens très favorable
à la Corée du Nord, les relations bilatérales. Il a
jugé que la révélation du programme nucléaire
nord-coréen ne rendait que plus inquiétants les soupçons
de transferts de technologies vers des pays proliférants, comme l'Iran
ou la Libye.
*
* *
M. Denis RANQUE
Président-directeur général
de Thales
Le jeudi 7 novembre 2002
M. Denis
Ranque a tout d'abord présenté les trois métiers
principaux de la société Thales : les systèmes
électroniques de défense, qui concourent à 50 % du
chiffre d'affaires global, les systèmes aéronautiques, tant
civils que militaires, et enfin les technologies de l'information et les
services dans le secteur des transactions, de la sécurité et du
positionnement.
Puis M. Denis Ranque a présenté l'évolution récente
de sa société, dont 50 % des effectifs sont aujourd'hui
basés à l'étranger, pour répondre aux
impératifs d'une stratégie dite
« multidomestique », qui vise à répondre
à un double défi : d'une part, la mondialisation du
marché et d'autre part, la nécessité de maintenir des
protections nationales dans des domaines aussi sensibles, liées à
la sécurité, la souveraineté ou le contrôle des
exportations.
Cette stratégie multidomestique donne de bons résultats. La
société Thales est aujourd'hui le premier fournisseur de la
Délégation générale pour l'armement en France, le
deuxième fournisseur en Grande-Bretagne, et elle est également
présente dans de nombreux autres pays, dont l'Australie et la
Corée du sud. Ce succès est largement dû à la
stratégie de Thales, qui vise à impliquer les économies
des différents pays partenaires dans les retombées
économiques des dépenses d'armement. Prenant l'exemple de
l'Australie, M. Denis Ranque a souligné que le partenariat avec
Thales avait permis à ce pays le développement, sur son sol, de
plusieurs industries qui exportent dans la zone Pacifique. Ce concept
multidomestique innovant a permis une croissance de l'activité de la
société, notamment en matière de défense et ceci
dès 1997, alors que les crédits militaires français
étaient en réduction. Au total, le marché français
représente aujourd'hui 15 % des ventes en matière militaire,
et les activités ont été développées dans
plusieurs autres pays européens.
Puis
M. Denis Ranque
a mis en exergue les domaines dans lesquels sa
société exerçait une prééminence sur le plan
mondial, immédiatement derrière certaines sociétés
américaines. Ces domaines sont les systèmes navals et
aéronautiques, l'optronique, ainsi que les systèmes de
communication - commandement et de défense aérienne.
Abordant ensuite le contenu de la loi de programmation militaire 2003-2008,
M. Denis Ranque
a salué la rupture qu'elle opérait
avec la période antérieure. Cette rupture est d'autant plus
opportune que l'après guerre froide a été marquée
par une décroissance générale des budgets militaires,
alors même que les incertitudes internationales réclamaient de
nouvelles modalités d'emploi des forces. Il a ainsi repris la
comparaison entre les dépenses consacrées à la
défense par les quinze pays membres de l'Union européenne qui, au
total, n'avoisinent que la moitié des dépenses consacrées
par les Etats-Unis à leur équipement militaire, l'effort
européen de recherche et développement ne dépassant pas le
quart de l'effort consenti en la matière outre-atlantique. La
deuxième dérive que la loi de programmation militaire vise
à interrompre tient à la disponibilité
opérationnelle des équipements des forces armées qui,
faute de crédits dans la période antérieure, a chu de
façon considérable aboutissant à l'immobilisation d'un
nombre croissant de matériels. Enfin, a-t-il estimé, cette loi de
programmation permettra à la France de restaurer une
prééminence en Europe qui lui était contestée par
la Grande-Bretagne, pays qui a su maintenir de façon constante son
effort de défense.
Au total,
M. Denis Ranque
a jugé que cette loi de programmation
était une bonne initiative tant pour les industries de la défense
que pour les citoyens. Il a cependant assorti ses propos optimistes d'une
restriction portant sur la nécessité que cette loi, à la
différence des précédentes lois de programmation
militaire, soit effectivement et pleinement appliquée. Dans le cas
contraire, le phénomène de sous-équipement persisterait
avec, comme conséquence négative, un renchérissement des
différents programmes d'armement, comme cela a été
malheureusement le cas notamment pour le Rafale. En effet, les amputations
budgétaires successives qui ont affecté ce programme ont conduit
à majorer considérablement son coût de
développement, ainsi qu'à affecter ses possibilités
d'exportation. Si cet exemple démontre les nombreuses
conséquences perverses des annulations budgétaires successives,
M. Denis Ranque
a souligné qu'en contrepartie de cet effort
financier important consenti par la nation, les forces armées devaient
s'engager résolument à accroître leur efficacité
financière, en se dégageant du poids de certains services qui
sont délégables et en rendant plus réactifs les
mécanismes de décision. Si d'importants progrès ont
été accomplis tant par les industriels que par la
Délégation générale pour l'armement s'agissant des
équipements neufs, des progrès similaires restent à faire
dans le domaine de la maintenance. A cet égard,
M. Denis Ranque
a
évoqué
les exemples britanniques ou norvégiens,
dont les procédures permettent de reverser, au budget de la
défense, toute somme économisée grâce à des
efforts de productivité ou de rationalisation du processus de
décisions. Il a fait valoir que les efforts considérables
accomplis récemment par les forces armées dans le cadre de leur
professionnalisation démontraient leur capacité à se
moderniser.
Abordant ensuite les conséquences industrielles des crédits
inscrits dans la loi de programmation militaire, il a salué la
priorité accordée au secteur naval. Rappelant que le
marché français, en ce domaine, est dominé par le
rôle de la Direction des constructions navales (DCN), il a mis en
évidence que celle-ci pouvait s'appuyer sur un marché dynamique.
De surcroît, ce domaine est au coeur des opérations de projection,
qui constituent l'axe des opérations militaires modernes.
M. Denis
Ranque
a rappelé que Thales avait créé avec DCN une
société commune, dénommée Armaris. Cette
communauté de projet doit accentuer la nécessité d'une
bonne maîtrise des coûts par la DCN, dont le nouveau statut
constitue un pas nécessaire mais non suffisant pour une réforme
globale. Dans le domaine aéronautique, qui constitue un domaine
d'excellence de l'Europe, où la dualité civile et militaire est
totale,
M. Denis Ranque
a ensuite relevé que les deux grands
groupes européens que constituent Thales et EADS seraient de plus en
plus confrontés à l'ambition américaine de dominer le
secteur. Le succès en Europe du JSF en est un exemple inquiétant,
a-t-il déploré. En dehors du marché britannique, qui s'est
tourné vers cet avion pour répondre à un besoin
spécifique, d'autres pays européens, tels la Norvège, les
Pays-Bas ou l'Italie, se sont agrégés au programme en l'absence
de réel besoin et sans réelles perspectives de participation
industrielle et de transfert technologique.
Enfin,
M. Denis Ranque
a évoqué l'évolution des
systèmes de communication et de décision (C3R), qui avaient
permis, en dix ans, de réduire de deux jours à quelques minutes
la « boucle »
renseignement-détection-commandement-exécution-contrôle.
Cette évolution majeure du circuit de décision conduit à
un véritable bouleversement des méthodes, et
M. Denis
Ranque
s'est félicité que la loi de programmation militaire
contienne des dispositions -notamment un programme de commandement et de
planification interarmées, visant à permettre à la France
d'être une « nation cadre », et une phase nouvelle du
programme Syracuse- en ce domaine.
A la suite de l'exposé de M. Denis Ranque, un débat s'est
engagé avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité savoir quelles pouvaient
être la participation de Thales et la place de la France dans les futurs
programmes de lutte anti-missiles, il s'est interrogé sur la
coopération qui pourrait s'instaurer avec les Britanniques pour la
construction du second porte-avions. Il a enfin fait part de sa
préoccupation à propos de l'avenir des industries
européennes d'avions de combat confrontées au programme
américain JSF.
M. Xavier de Villepin
a demandé comment Thales pouvait
développer ses parts de marché aux Etats-Unis. Il a en outre
souligné l'importance pour les Européens de participer aux
programmes anti-missiles et de renforcer leur effort en matière de
recherche et développement face aux Etats-Unis. A cet égard, il a
souhaité savoir quelles étaient les parts respectives des
industriels et de l'Etat. Abordant l'évolution du statut de DCN, il a
estimé que la transformation en société nationale ne
pouvait être qu'une étape. Enfin, il s'est interrogé sur
l'avenir du dispositif français d'aide aux exportations d'armements
à l'étranger.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur les solutions
politiques et industrielles qui pourraient permettre à l'Europe de
mettre en place une alternative au JSF. Il a par ailleurs souhaité des
précisions sur l'évolution possible de l'actionnariat de Thales.
M. Didier Boulaud,
notant la part importante des composants
américains dans les avions Airbus, s'est demandé comment
accroître les parts de marché des industriels européens
chez les constructeurs américains.
M. Denis Ranque
a alors apporté les précisions
suivantes :
- le marché des composants aéronautiques fait l'objet de mises en
concurrence où Thales est confronté à des
compétiteurs américains forts d'une longue expérience. Il
est donc normal, compte tenu de la durée des programmes, qu'ils
disposent d'une part importante du marché ;
- les Etats-Unis vont effectivement poursuivre leur programme anti-missiles et
il sera très difficile aux industriels européens d'y participer
tant que l'Europe elle-même n'aura pas de programme propre. Cependant,
même s'il n'est pas dans l'ambition de l'Europe de se doter d'un bouclier
comparable à ce que préparent les Etats-Unis, le besoin des
Européens est réel pour protéger leurs forces
déployées face à des missiles tactiques. Le projet de loi
de programmation militaire prévoit d'ailleurs d'étendre la
portée de détection des radars associés au système
anti-missile de théâtre SAMP-T. Il sera nécessaire de
réfléchir ultérieurement à l'évolution du
missile lui-même ;
- les Britanniques poursuivent leur projet de construction de deux grands
porte-avions. Thales est en compétition sur ce programme avec
BAe-Systems. La phase d'étude financée par le gouvernement
britannique s'achève fin novembre, le premier contractant devant
être choisi au mois de février ou de mars. La mise en chantier du
second porte-avions français n'interviendra que dans deux ans mais son
entrée en service est prévue pour la même période
que les porte-avions britanniques. La solution d'un porte-avions construit en
coopération avec les Britanniques sera vraisemblablement la moins
coûteuse, même si des adaptations pourraient être
nécessaires, les besoins n'étant pas strictement identiques.
Trouver une base commune est envisageable puisque les Britanniques, tout en
choisissant un porte-avions sans catapulte, ont préservé la
possibilité d'installer ultérieurement un tel
système ;
- seule une partie du pacte d'actionnaires liant Dassault et Alcatel se
dénoue en 2003, le pacte d'actionnaires lui-même, conclu pour huit
ans, s'achèvera en 2006. L'actionnariat de Thales est entré dans
une phase d'évolution en raison de la diminution de la part dans le
capital d'Alcatel et de l'Etat. Les actionnaires actuels ont soutenu la
stratégie et la transformation de la société et il est
souhaitable que Thales puisse compter sur le même soutien à
l'avenir. La présence de l'Etat dans le capital semble moins
justifiée que par le passé en raison de l'évolution du
marché mondial. Elle apparaît aujourd'hui comme une
singularité et parfois comme un handicap, notamment lorsqu'il s'agit de
prendre des participations dans le capital de sociétés
étrangères. Une évolution de la part de l'Etat ne
conduirait pas à un risque de perte de contrôle, l'actionnaire
public représentant 15 % du chiffre d'affaires de Thales et
15 % supplémentaires par le biais des autorisations d'exportation.
L'Etat conserve, en outre, à travers sa « golden
share » (action spécifique), la possibilité de
contrôler l'évolution du capital. Par ailleurs, s'il a
été utile, en 1998, d'adosser Thales à un partenaire
privé, il ne serait pas souhaitable que l'actionnaire de
référence futur de la société soit un groupe qui
aurait des intérêts concurrents ou divergents ;
- la présence sur le marché américain est indispensable
pour tous les grands groupes français ou européens, même si
elle est plus difficile dans le domaine de la défense. Pour parvenir
à cet objectif, Thales pourra s'appuyer sur la dualité civile et
militaire de ses activités. Il s'agit du défi majeur de la
décennie à venir, comme l'européanisation a
été l'enjeu des années passées ;
- d'un point de vue quantitatif, la relance de la recherche
développement par le projet de loi de programmation militaire est
très positive. D'un point de vue qualitatif, il serait souhaitable de
développer la construction de démonstrateurs technologiques ;
- il sera nécessaire, après la transformation de DCN en
société nationale, de passer rapidement à une autre
étape ;
- le dispositif commercial à l'exportation est en évolution. Les
sociétés commerciales intermédiaires vont
vraisemblablement se transformer en partenaires des grands industriels. L'Etat,
notamment à travers le réseau diplomatique, fait un effort accru
pour soutenir les exportations ;
- pour une alternative au programme JSF, il est nécessaire de
développer l'effort national pour soutenir l'exportation du Rafale,
appareil extrêmement compétitif techniquement et
économiquement. Cela passe par une mobilisation du pouvoir
exécutif et par un financement, en coopération avec les
industriels, d'une version export. Il est par ailleurs nécessaire, au
niveau européen, de préparer l'avenir à travers,
notamment, la conception de systèmes d'avions de combat non
pilotés.
*
* *
M. Jean-Claude MALLET
Secrétaire général de
la défense nationale
Le mardi 12 novembre 2002
M.
Jean-Claude Mallet
a tout d'abord décrit, d'une part, le contexte
stratégique général où s'étaient inscrits
les travaux d'élaboration de la loi de programmation militaire
2003-2008, et d'autre part, la traduction de ce contexte dans les orientations
de la loi de programmation.
Le secrétaire général de la défense nationale a
souligné que le contexte stratégique général
était marqué par un net accroissement des menaces contre la paix,
par contraste avec les espoirs développés au début de la
décennie antérieure. Ces menaces se concrétisaient dans
une multiplication des crises internationales, sollicitant toujours davantage
nos moyens de défense.
M. Jean-Claude Mallet
a alors énuméré les
éléments lui paraissant sous-tendre cette multiplication des
crises : le terrorisme international, tout d'abord, passé d'un
ancrage fortement local, qui demeure souvent, à une logique
transnationale de filières et de réseaux, à la faveur de
crises en Algérie, en Afghanistan, en Tchétchénie ou dans
les Balkans. Le réseau Al Qaïda a été le premier
à exploiter cette nouvelle donne et les dimensions technologiques et
sociales de la mondialisation, à partir de l'Afghanistan, mais aussi
dans d'autres points du globe, menaçant non seulement les Etats-Unis,
mais aussi les intérêts et les territoires européens et
nationaux ;
-
l'absence de règlement de crises persistantes, ensuite,
contribuait à cette évolution comme celles du Proche et du
Moyen-Orient, ou encore du Cachemire.
Un troisième
élément pesait sur la stabilité internationale : la
difficulté à maîtriser la prolifération des armes de
destruction massive, qu'elles soient nucléaires, biologiques, chimiques
ou radiologiques. A cette prolifération s'ajoute la dissémination
des savoir-faire, notamment à travers internet, qui augmente
dangereusement les capacités de conception, de fabrication, mais
également d'emploi de ces armes. Un quatrième
élément négatif est lié aux espoirs
déçus de réduction des inégalités entre pays
riches et pauvres, ces derniers se trouvant aspirés dans une spirale
régressive, alors que la croissance n'a profité qu'à un
nombre restreint d'Etats.
M. Jean-Claude Mallet
a par ailleurs constaté que les
organisations internationales, qui devraient pouvoir réguler ces
facteurs de tension, ont vu leur légitimité mise en doute par
certains. Dans les années 1990, la multiplication des opérations
de maintien de la paix a mis en lumière les pesanteurs
décisionnelles de l'ONU au plan militaire. L'organisation, en
particulier le Conseil de sécurité, est par ailleurs jugée
insuffisamment représentative -en termes d'équité- par les
uns, ou trop contraignante pour d'autres. Des interrogations sur l'avenir et
sur les limites du rôle de l'Organisation du traité de
l'Atlantique Nord se sont développées, y compris aux Etats-Unis.
Le futur élargissement à sept nouveaux membres, ainsi que la mise
en place du Conseil de coopération avec la Russie ou les nouvelles
missions dans le domaine du maintien de la paix contribuent à modifier
sa vocation originelle. L'Union européenne également, du fait
notamment de son prochain élargissement, en 2004, à 10 nouveaux
membres, s'interroge sur ses capacités à répondre aux
nouveaux défis internationaux, mais aussi sur l'efficacité de ses
mécanismes de décision, voire sur son identité même,
à travers le débat sur ses institutions et ses limites
géographiques.
Face à ces facteurs d'incertitude, le secrétaire
général de la défense nationale a observé, sur la
scène internationale, un regain d'une forme de « demande
d'Etat ». La France s'est toujours fondée sur
l'autorité et la légitimité du cadre étatique. Elle
vient de décider particulièrement le redressement de ses
capacités en matière de défense et de
sécurité. Elle associe à cette approche une vision
équilibrée, multilatérale, de l'organisation
internationale et ne cesse de promouvoir, comme elle l'a prouvé dans la
crise irakienne, un renforcement des systèmes de régulation
internationale. Dans cette organisation équilibrée du monde, elle
souhaite que se développe un pôle européen à part
entière.
M. Jean-Claude Mallet
a cependant relevé certains facteurs
d'optimisme, comme la stabilisation intervenue dans la région des
Balkans, ou encore l'éloignement du risque de crise majeure, au
printemps dernier, entre l'Inde et le Pakistan, grâce aux efforts
diplomatiques, notamment, de la France. Il a également relevé que
le monde musulman ne s'était pas soulevé contre la civilisation
occidentale comme l'y appelaient les dirigeants Taliban et le réseau Al
Qaïda, et ceci même dans les pays les plus exposés comme le
Pakistan.
Abordant ensuite les conséquences de cette analyse stratégique
sur l'élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008,
M.
Jean-Claude Mallet
a considéré que la première d'entre
elle consistait dans la réaffirmation de la capacité d'autonomie
stratégique de la France, avec, notamment, un net renforcement des
moyens alloués au renseignement, au commandement et au contrôle de
l'emploi des forces. La dissuasion demeure également centrale comme
facteur de cette autonomie et reste ancrée au coeur de notre politique
de défense, justifiant la modernisation des composantes et
l'adéquation du concept aux menaces nouvelles. Le développement
des capacités de projection ensuite est pris en compte dans le projet,
avec notamment les programmes de deuxième porte-avions, de missile de
croisière naval et le renforcement des forces spéciales.
L'impératif de la protection est souligné, notamment par le
développement de la défense anti-missile balistique tactique pour
la protection des forces déployées, ou encore celui des moyens de
prévention contre une attaque chimique ou biologique. La loi de
programmation s'inscrit aussi dans l'ambition européenne de la
défense, notamment en matière d'harmonisation des
équipements et de développement de structures de commandement
ouvertes à nos partenaires. Enfin, elle tend à ancrer la
professionnalisation dans le temps et dans l'espace, notamment par
l'amélioration de la disponibilité des équipements,
l'accroissement des capacités d'entraînement ou la
nécessaire valorisation des réserves.
Un débat s'est ensuite instauré entre les commissaires.
M. Serge Vinçon
a demandé des précisions sur
l'évolution du dispositif de protection contre les risques
nucléaire, biologique et chimique et sur les responsabilités
respectives du ministère de la défense et des ministères
civils en la matière. Il a souhaité connaître ce que
recouvrait le concept de « dissuasion adaptée »,
évoqué à la suite du discours prononcé le
8 juin 2001 par le Président de la République. Il a
observé que le rapport annexé au projet de loi de programmation
militaire évoquait la possibilité d'actions préemptives et
s'est interrogé sur la portée stratégique de cette notion.
M. Didier Boulaud
, soulignant la nouveauté du rôle que sont
appelées à jouer l'Union européenne et l'OTAN, compte tenu
des processus d'élargissement en cours, s'est demandé si des
organisations comme l'UEO ou l'OSCE conservaient aujourd'hui encore leur
justification. Il a par ailleurs relevé la proportion relativement
modique de militaires français au sein des Casques bleus de l'ONU et a
demandé au secrétaire général de la défense
nationale s'il estimait souhaitable de renforcer l'engagement de la France dans
les opérations de maintien de la paix conduites par celle-ci.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur
l'évolution des missions dévolues à l'OTAN dans le nouveau
contexte international. Observant que l'effort financier consacré
à la dissuasion nucléaire représentait près de
20 % des crédits d'équipement du ministère de la
défense, elle s'est demandé si un tel niveau de ressources
était toujours justifié.
M. Christian de La Malène
a souligné les moyens
supplémentaires dégagés par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008 pour les actions de sécurité
intérieure ou en faveur du renforcement des capacités de
commandement et de renseignement. Tout en se félicitant de cet effort,
il s'est demandé si le projet de loi s'était suffisamment
attaché à opérer des arbitrages entre les
différentes priorités, compte tenu des moyens
nécessairement limités que la France pouvait mettre au service de
ses ambitions.
M. André Dulait, président
, a interrogé M.
Jean-Claude Mallet sur la mise en place de la réserve au sein des
armées. Il lui a également demandé des précisions
sur le rôle moteur que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne pouvaient
jouer dans la politique européenne de sécurité et de
défense et sur les incidences de l'éventuelle création
d'une force de réaction rapide au sein de l'OTAN.
M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la
défense nationale
, a alors apporté les précisions
suivantes :
- la fin de l'usage systématique du droit de veto depuis le début
des années 1990 a incontestablement rétabli le rôle du
Conseil de sécurité des Nations unies, même si certains
Etats, par leur politique, tendent à remettre en cause le rôle
clé, à nos yeux, des organisations multilatérales ;
- si elle fournit aujourd'hui peut-être moins de Casques bleus à
proprement parler qu'au milieu des années 1990, la France n'a pas pour
autant réduit ses engagements en faveur des opérations de
maintien de la paix ; cela est notamment le cas dans les Balkans,
où nos forces sont engagées au titre de l'OTAN, ou encore en
Afghanistan, dans le cadre d'un ensemble multinational, mais toujours avec un
mandat relevant du Conseil de sécurité de l'ONU et de ses
résolutions ;
- la politique européenne de sécurité et de défense
(PESD) doit nécessairement concilier la préservation du consensus
entre les Quinze, demain les vingt-cinq, et les objectifs des pays disposant
des capacités militaires les plus importantes, au premier rang desquels
figurent le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie ; de fait, ces
pays sont appelés à jouer ensemble un rôle moteur dans la
défense européenne ;
- au cours des dernières années, de multiples facteurs ont
joué dans le sens d'une profonde évolution de l'OTAN :
l'intégration de pays d'Europe centrale, l'établissement de
nouvelles relations avec la Russie, la transformation de l'organisation et des
structures de l'Alliance, la redéfinition de ses missions ; la
France conserve, au sein de l'organisation, sa position particulière,
fondée en particulier sur le principe du contrôle, par nos
autorités politiques, des décisions d'affectation et d'emploi des
forces françaises ;
- la force européenne d'action rapide, définie à Helsinki
en 1999, et le projet de force de réaction rapide en cours de discussion
au sein de l'OTAN procèdent d'approches complémentaires, car il
s'agit des mêmes ressources ; il n'y a donc pas de concurrence mais
plutôt, potentiellement, si l'OTAN développe sa démarche,
une complémentarité entre ces deux initiatives ;
- dans son discours du 8 juin 2001, le Président de la
République a clairement affirmé que notre dissuasion
s'exerçait aussi à l'égard de puissances régionales
disposant d'armes de destruction massive, qui s'exposeraient à des
dommages inacceptables si elles venaient à menacer directement nos
intérêts vitaux, en particulier notre territoire. Cette prise de
position vise ainsi à dissuader d'éventuels adversaires d'exercer
un chantage à l'encontre de notre pays ; l'effort financier
consacré à notre dissuasion nucléaire, au demeurant
très inférieur à ce qu'il était au début de
la décennie 1990 où il s'élevait à 30 % du titre V,
vise à permettre la modernisation de nos forces nucléaires, afin
de préserver leur crédibilité et de les adapter à
cette mission ;
- la protection contre les risques nucléaire, biologique et chimique
implique, outre la défense, de nombreux ministères civils, en
particulier les ministères de l'intérieur, des transports ou de
la santé. Le secrétariat général de la
défense nationale a notamment pour mission d'assurer une bonne
coordination interministérielle de ces efforts, en vue de renforcer les
différents moyens de protection et de relever le niveau de notre
sécurité contre ce type de risques ;
- telle que définie dans le rapport annexé au projet de loi de
programmation, la notion d'action préemptive est rigoureusement
encadrée ; elle ne se conçoit qu'en cas de
matérialisation d'une menace avérée et dans le respect de
la légalité internationale et du rôle du conseil de
sécurité des Nations unies ;
- les moyens supplémentaires dégagés par le projet de loi
de programmation militaire ont été prioritairement
affectés aux capacités de renseignement et de commandement, aux
capacités de projection et aux forces spéciales ;
- le projet de loi prévoit une dotation financière
destinée à favoriser la montée en puissance de la
réserve et il définit un certain nombre d'indicateurs
d'activité et d'entraînement ; plus globalement, la
réserve constitue une composante à part entière de
l'armée professionnelle ; elle contribue à la
réalisation des objectifs en termes de capacité militaire et
représente un volet important du lien armée-nation.
*
* *
M. Philippe CAMUS
Président exécutif d'EADS
Le mercredi 13 novembre 2002
M.
Philippe Camus
a tout d'abord rappelé que la société
EADS, créée en juillet 2000, résulte de la fusion de trois
sociétés : la française Aérospatiale-Matra,
l'allemande DASA, l'espagnole CASA. EADS est aujourd'hui le numéro deux
mondial de l'aéronautique et de la défense, avec un chiffre
d'affaires de 30 milliards d'euros, après l'Américain Boeing,
avec un chiffre d'affaires de 54 milliards d'euros. Dans certains domaines,
comme celui des avions commerciaux, EADS fait jeu égal avec son
concurrent.
Avec Eurocopter, EADS est numéro un mondial sur le marché des
hélicoptères. Elle Le groupe occupe également une place
prépondérante sur le marché des lanceurs commerciaux, des
missiles tactiques et des satellites. Elle réalise 80 % de son
activité dans le domaine civil et 20 % dans le secteur de la
défense.
M. Philippe Camus
a indiqué que la hausse des budgets de
défense, consécutive aux événements du 11 septembre
2001, avait des conséquences structurantes pour l'industrie de
défense. Le risque que fait peser la hausse des budgets de
défense américains pèse sur l'ensemble de l'industrie
aéronautique et spatiale :. Fface à ce risque, il faut une
politique européenne de défense qui puisse être une base
suffisante, à la fois en termes de budget et d'organisation, pour
permettre un meilleur équilibre de compétitivité.
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003
à 2008 marque une inflexion positive. La France cesse d'accumuler un
retard qui lui faisait prendre, à terme, le risque d'une perte de sa
base industrielle. En outre, les assurances données quant à la
bonne exécution des engagements fournissent l'engagement solennel
exprimé, selon lequel la loi de programmation militaire devrait
être exécutée en l'état, fournit une plus grande
visibilité pour l'industrie. Dans ce cadre, la loi de finances pour 2003
s'inscrit en conformité avec la loi de programmation dont elle constitue
la première annuité.
M. Philippe Camus
a cependant émis deux réserves
principales quant au contenu de la loi :
- en matière de recherche et développement, l'effort
budgétaire consenti, 800 millions d'euros par an, soit une hausse
de 16 %, ne permet cependant pas de revenir au niveau souhaitable qui se
situerait à hauteur d'un milliard d'euros par an ;
- il aurait été en outre nécessaire d'intégrer une
plus forte coordination européenne dans les programmes
d'équipements.
S'agissant des programmes,
M. Philippe Camus
a formulé deux
observations. Le besoin de systèmes intégrés de
reconnaissance, commandement-action, est avéré, comme l'illustre
l'exemple récent de l'utilisation, par les Américains, de drones
armés. L'établissement d'un circuit court entre l'observation, la
décision de commandement et l'action nécessite notamment la mise
en oeuvre de satellites et de drones éventuellement armés. Or,
l'effort consenti sur les programmes de drones dans la loi de programmation
apparaît à la fois insuffisant et tardif.
En matière de frappe dans la profondeur,
M. Philippe Camus
a fait
observer que les calendriers des programmes de frégates multimissions et
du missile de croisière naval n'étaient pas concordants. Un
effort budgétaire supplémentaire de l'ordre de 200 millions
d'euros serait nécessaire pour permettrait l'équipement,
dès 2008, des frégates multimissions en missiles Scalp naval.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité savoir si une
coopération européenne était envisageable sur le programme
du missile de croisière navalisé. Il a souhaité
connaître l'état d'avancement des discussions avec l'Espagne au
sujet de l'hélicoptère Tigre. Evoquant la compétition
entre le Rafale et l'Eurofighter, alors que des pays européens
participent au développement du F-35 (JSF), il a souhaité savoir
quelle pourrait être la solution européenne pour une meilleure
coopération en matière d'armement et a voulu connaître
l'appréciation du président exécutif d'EADS sur le bilan
de l'OCCAR.
M. Xavier de Villepin
a souhaité connaître l'état
des relations avec l'Allemagne alors que l'effort de défense de ce pays
reste faible. Il a souhaité savoir dans quelle mesure l'absence de
position forte d'EADS aux Etats-Unis constituait un handicap industriel. Il
s'est interrogé sur les possibilités de faire progresser l'Europe
de la défense.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur l'opportunité
de communautariser les politiques européennes de recherche et
développement. Il a sollicité l'opinion de M. Philippe Camus sur
la création d'une agence européenne de l'armement. Evoquant
l'échéance programmée du pacte d'actionnaires d'EADS, il a
souhaité connaître les perspectives d'évolution de la
société. Il a enfin interrogé le président d'EADS
sur le décalage, souvent évoqué, entre la livraison des
premières frégates multimissions en 2008 et l'arrivée du
missile de croisière en 2011.
M. Didier Boulaud
s'est interrogé sur les moyens de progresser
dans la pénétration du marché américain. Il a
notamment souhaité connaître les chances d'EADS d'emporter des
parts du marché dans le cadre du programme américain de
défense anti-missile.
Mme Josette Durrieu
a souhaité connaître les programmes en
coopération qui pourraient émerger à moyen terme en
Europe. Elle s'est interrogée sur l'opportunité d'une Agence
européenne de l'armement pour dépasser les difficultés
actuelles. Elle a souhaité connaître l'état d'avancement
des appels d'offres sur l'avion ravitailleur A 330. S'agissant d'Ariane, elle a
interrogé M. Philippe Camus sur les principales difficultés
rencontrées.
M. Robert Del Picchia
a également interrogé le
président exécutif d'EADS sur la compétitivité
d'Ariane face à la NASA ses concurrents. Il a voulu connaître les
conséquences industrielles d'une révision de l'objectif
d'acquisition des avions A-400 M par l'Allemagne. Il a souhaité des
précisions sur l'opportunité d'emploi de drones armés.
M. André Dulait, président
, évoquant les
difficultés de pénétration du marché
américain, s'est interrogé sur l'état de la
coopération avec la société Northrop Grumann.
S'agissant du missile de croisière naval,
M. Philippe Camus
a
indiqué que les Britanniques avaient fait antérieurement le choix
du missile américain Tomahawk pour ses sous-marins. L'Italie, qui
utilise le missile de croisière Scalp, pourrait être
intéressée par sa version navalisée. L'équipement
des frégates multimissions en capacitétir à distance
serait d'attaque à terre est complémentaire des besoins de lutte
anti-sous-marine qui sera la capacité prioritaire des premiers
bâtiments pour leur permettre de remplir pleinement leur rôle
multimissions. Dans l'hypothèse d'une participation italienne au
programme, les calendriers missiles-frégates pourraient s'harmoniser.
Evoquant les programmes d'hélicoptères, il a indiqué que
le programme d'hélicoptère de transport NH 90 était bien
lancé. L'hélicoptère de combat franco-allemand Tigre a
remporté un succès en Australie et se trouve en
compétition avec l'Américain Apache sur le marché
espagnol. La convergence des spécifications demandées pourrait
permettre d'élargir effectivement le programme à l'Espagne.
Evoquant les perspectives européennes,
M. Philippe Camus
a
souligné que, contrairement à une idée répandue,
les opinions publiques sont assez favorables à un effort de
défense accru et tout particulièrement à la constitution
d'une capacité européenne de défense autonome. La solution
réside dans le montage de programmes européens pour une
dépense moins importante. A cet égard, un seul avion de combat,
au niveau européen, permettrait de faire face de façon plus
efficace à la menace d'un monopole américain dans ce domaine. Le
risque est sérieux car il s'agit d'un domaine-clé en
matière de technologie.
Il n'existe pas, pour l'heure, d'institution européenne dans le domaine
de l'armement. L'OCCAR est un organisme qui gère des contrats, mais ne
définit pas de politique d'achat.
M. Philippe Camus
s'est fait l'écho des attentes des industriels,
demandeurs d'une meilleure organisation de leurs clients, qui pourrait
résulter des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Il a
indiqué qu'il avait formulé des propositions pour la mise en
place d'une agence de défense européenne intégrée,
dédiée au et de financement en amont des recherches, à
l'instar de celle qui existe aux Etats-Unis -la DARPA- et dont l'action est
comparable à celle initiée par l'Agence spatiale
européenne., afin Sa mission : de favoriser l'émergence de
programmes de recherche en coopération dans les domaines de la
défense et de la sécurité.
M. Philippe Camus
a indiqué que l'Allemagne dépensait, par
rapport à ses partenaires, une part moindre de sa richesse nationale
pour la défense. Il a indiqué qu'à court terme deux
programmes étaient au coeur des difficultés financières
allemandes : le Meteor, tout d'abord, missile air-air de combat qui
devrait équiper tant le Rafale que l'Eurofighter, conférant ainsi
une véritable supériorité technologique aux
Européens et l'A-400 M ensuite. Le contrat a été
signé en décembre 2001 pour un nombre total de 193 appareils. Il
est nécessaire qu'une décision intervienne rapidement au risque
de voir d'autres partenaires se retirer du programme pour ne pas remettre en
cause l'équilibre du programme..
S'agissant de la pénétration du marché américain,
M. Philippe Camus
a estimé qu'une coopération
équilibrée ne pouvait être envisagée que sur la base
de positions industrielles solides en Europe. Trois options sont ouvertes pour
pénétrer ce marché : l'achat de
sociétés américaines, qui se heurte à des
barrières technologiques administratives difficilement
surmontables ;, l'accord avec une société américaine
sur des activités communes, qu'EADS pratique avec Northrop Grumann pour
les drones de reconnaissance à haute altitude, et avec Boeing sur le
système anti-missiles américain. La troisième solution est
la compétitivité des produits : c'est ainsi qu'EADS avait
vient de remporteré le marché de la modernisation des
garde-côtes américains qui porte sur des avions de patrouille
maritime, des hélicoptères Dauphin et des radars.
Au sujet de l'avion ravitailleur A330,
M. Philippe Camus
a
précisé que le Royaume-Uni avait développé les
initiatives publiques/privées pour le financement de certains
équipements : l'industriel ou une société ad hoc,
tout en restant propriétaire des équipements, est prestataire de
service auprès des autorités militaires, formule utilisable pour
les avions ravitailleurs et les satellites de communication. La France se situe
encore en retrait par rapport à ces modes de financement qui pourraient,
notamment, être utilisés dans le domaine satellitaire.
Le programme A-400 M prévoit, en cas d'exportation, le paiement de
redevances aux pays initiateurs.
M. Philippe Camus
a précisé qu'Arianespace avait
bénéficié du pari américain sur la navette
spatiale. Cependant, les lanceurs Atlas et Delta, qui ont fait l'objet de
programmes de modernisation, offrent désormais de bonnes performances
économiques. Un programme de modernisation d'Ariane a été
décidé par les Européens en novembre 2001 pour restaurer
sa compétitivité. Un problème de surcapacité
demeure néanmoins sur les lanceurs dans un marché qui,
n'étant pas en expansion, pose des problèmes de viabilité
commerciale. L'Europe doit, à cet égard, faire un choix financier
pour conserver une capacité autonome d'accès à l'espace.
Sur les drones,
M. Philippe Camus
a indiqué que les actions
reconnaissance, surveillance et frappe, supposaient une surveillance depuis le
sol dans une chaîne de commandement raccourcie mais qui préserve
la marge d'action de l'autorité opérationnelle.
Evoquant le pacte d'actionnaires d'EADS,
M. Philippe Camus
a
précisé que l'accord n'arrivait pas à
échéance en juin 2003, mais que tombait à cette date
l'interdiction, pour les parties prenantes, de vendre leurs actions. Il a
indiqué que des droits de préemption et d'autres
mécanismes permettaient en tout état de cause de garantir un
équilibre. Il a ajouté que la société EADS
n'était pas parvenue au maximum de sa valorisation et que la structure
actuelle de son capital et l'organisation qui en résultait
étaient nécessaires à l'accès aux différents
marchés européens. Il a souligné que le mois de juillet
2003 ne verrait probablement pas une mise sur le marché massive
d'actions EADS Rappelant les déclarations faites par les actionnaires de
référence, notamment Lagardère et Daimler-Chrysler, il a
indiqué qu'il ne s'attendait pas à une modification de
l'actionnariat à l'échéance de juin 2003, ni d'ailleurs
à court/moyen terme.
S'agissant de la part détenue par l'Etat, l'actionnariat n'est pas
l'unique moyen pour ce dernier de contrôle des sociétés du
secteur de l'armement. Prenant l'exemple des Etats-Unis, il a indiqué
que la législation l'administrationaméricaine pouvait ainsi
permet à l'administration de s'opposer à toute prise de
participation non américaine, même minoritaire, dans une
entreprise du secteur de la haute technologie. Une clause similaire pourrait
être utilement transposée au niveau européen.
*
* *
M. Luc VIGNERON
Président directeur général
de GIAT-Industries
Le jeudi 14 novembre 2002
M. Luc
Vigneron
a tout d'abord souligné le caractère structurant,
pour GIAT-Industries, des lois de programmation militaire, en raison du poids
des commandes de l'armée de terre dans son chiffre d'affaires. En effet,
la part de ce dernier, réalisée à l'exportation, a
diminué, revenant d'environ 20 %, entre 1990 et 1995, à 12 %
en 2001. En revanche, les commandes de l'armée française ont
représenté un chiffre d'affaires annuel moyen de
600 millions d'euros entre 1998 et 2002, dont 350 millions d'euros
pour le seul programme du char Leclerc.
Le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 confirme plusieurs
orientations : l'achèvement du programme Leclerc (livraison de 117
chars et de 15 dépanneurs), le lancement du programme VBCI
(véhicule blindé de combat d'infanterie), 272 livraisons
étant prévues d'ici 2008 sur une cible totale de 700
véhicules dont 550 de combat et 150 de commandement, la
rénovation des AMX 10 RC (180 livraisons) et des automoteurs
d'artillerie AUF-1 et AUF-2 (174 livraisons), enfin la livraison de 3.300 obus
à effet dirigé (ACED). Le projet de loi de programmation
prévoit également des crédits en hausse pour le maintien
en condition opérationnelle des matériels. Au total, le projet de
programmation devrait conduire à la stabilisation du chiffre d'affaires
de GIAT-Industries au niveau de la précédente loi, mais hors
programme Leclerc.
M. Luc Vigneron
a ensuite présenté l'évolution
globale du marché de l'armement terrestre, qui s'était
effondré depuis 1989. Seuls aujourd'hui le Royaume-Uni et les Etats-Unis
accroissent leurs dépenses dans ce domaine. L'armée
américaine a ainsi entrepris une refonte et une modernisation
complète de son organisation et de ses armements pour les adapter
à des interventions sur des théâtres extérieurs.
L'Allemagne a débuté la réorganisation de son armée
de terre, ce qui ne devrait pas la conduire à augmenter ses
dépenses d'équipement terrestre dans les prochaines
années. En Europe, le programme de modernisation des blindés de
l'armée de terre belge présente une opportunité à
l'export pour GIAT-Industries à travers le VBCI. Hors d'Europe, les pays
pouvant faire appel à GIAT-Industries sont ceux qui ne disposent pas
d'industrie nationale dans l'armement terrestre. L'Arabie saoudite reste une
opportunité potentielle importante, la date de la conclusion des
négociations restant cependant incertaine.
En raison de l'évolution du marché, le paysage industriel s'est
considérablement modifié depuis le début des années
1990. En effet, si l'on dénombrait à l'époque une
cinquantaine de sociétés d'armement terrestre dans les pays
occidentaux, il n'en reste guère que 20 aujourd'hui, en raison des
nombreux regroupements intervenus. GIAT-Industries, qui était
numéro 2 mondial en 1997, est à présent numéro 5,
avec 800 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le numéro 1 mondial est
le groupe américain General Dynamics, dont l'activité dans
l'armement terrestre représente 2,6 milliards d'euros ; vient
ensuite le groupe allemand Rheinmetall, avec 1,6 milliard d'euros, ensuite
le groupe américain United Defense (1,5 milliard d'euros), puis le
groupe américain Alliant (860 millions d'euros), le groupe allemand
Krauss Mafei (600 millions d'euros) et le groupe britannique Alvis-Vickers
(500 millions d'euros) occupant les sixième et septième
rangs. En France, GIAT-Industries devance largement les autres industriels
intervenant dans le secteur, TDA, filiale du groupe Thalès,
réalisant environ 80 millions d'euros, Panhard, filiale du groupe
Peugeot, 60 millions d'euros, et Renault Trucks, filiale du groupe Volvo,
réalisant 50 millions d'euros dans ses activités militaires.
M. Luc Vigneron
a en outre indiqué que les groupes
américains cherchaient à acquérir des entreprises en
Europe et à renforcer leur position de généralistes de
l'armement terrestre. GIAT-Industries reste pour l'instant à
l'écart de ces regroupements mais préserve une offre commerciale
globale. Il a par ailleurs insisté sur le fait que les principaux
concurrents de GIAT-Industries étaient bénéficiaires et
réalisaient des résultats comparables à ceux des
sociétés spécialisées dans l'aéronautique de
défense.
Abordant ensuite l'évolution de GIAT-Industries,
M. Luc Vigneron
a rappelé que le troisième plan social prenait fin en 2002. Au
total, entre 1990 et 2002, les effectifs seront passés de 15.000 environ
à 6.500. La baisse des effectifs s'est accompagnée d'une
restructuration industrielle organisée par le « projet de
refondation » décidé en 1998. Il a conduit à la
fermeture ou à l'externalisation de 4 sites industriels sur les 14 que
comptait GIAT en 1998, et à une évolution forte des
méthodes de travail, permettant notamment à GIAT d'être le
second groupe de défense en France à obtenir la norme de
qualité ISO 9001-2000 et de réduire en 4 ans le cycle de
fabrication du char Leclerc de 17 à 9 mois. Ces efforts n'ont
pourtant pas permis à GIAT-Industries de retrouver une situation
bénéficiaire, le contrat envisagé avec l'Arabie saoudite
étant toujours en attente.
M. Luc Vigneron
a enfin indiqué
que l'achèvement du programme Leclerc plaçait l'entreprise dans
une situation difficile, et qu'une réflexion était en cours pour
y faire face.
Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Serge Vinçon
s'est enquis de l'évolution du programme
VBCI, de l'état du partenariat dans ce domaine avec RVI (Renault
Véhicules Industriels), des perspectives de ce programme à
l'exportation ainsi que celles du secteur munitions de la
société, et enfin de l'appréciation de M. Luc Vigneron sur
la mise en place d'une structure de maintenance interarmée.
M. Didier Boulaud
s'est interrogé sur une future restructuration
de l'armement terrestre à l'échelle européenne, et a
souhaité recueillir le sentiment de M. Luc Vigneron sur ce point. Il
s'est enquis de la charge de travail que pourrait espérer
GIAT-Industries de la fabrication du VBCI. A cet égard, il a
demandé des précisions sur l'évolution des
spécifications du VBCI souhaité par les armées. Enfin, il
s'est interrogé sur l'avenir de la société Satory Military
Vehicle, spécialement créée pour commercialiser ce produit
à l'exportation.
M. Xavier de Villepin
a reconnu que GIAT-Industries traversait une
situation difficile et rendu hommage à l'action conduite dans ces
conditions par l'actuelle équipe dirigeante, estimant nécessaire
que la France continue de disposer d'un pôle industriel d'armements
terrestres. Il a interrogé M. Luc Vigneron sur la
nécessité d'une éventuelle nouvelle recapitalisation,
ainsi que sur l'existence d'une perspective européenne en matière
d'industrie d'armements terrestres en contrepoint des ambitions
américaines dans ce domaine.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a rappelé que le centre de
Toulouse avait, en 1992, abandonné la construction de munitions au
profit de celle des circuits électroniques, ce qui s'était
accompagné d'une forte réduction du personnel. Elle a
souligné qu'aujourd'hui 60 % de l'électronique du char
Leclerc provenait de ce centre, et s'est demandé si le maintien en
condition opérationnelle (MCO) du parc de ces chars Leclerc,
estimé à environ 800 unités, pourrait constituer une
perspective d'avenir pour l'emploi local. Elle a exprimé la crainte que,
dans le cas contraire, les éléments les plus compétents de
ce centre n'envisagent de le quitter.
M. Robert Del Picchia
a souhaité connaître le montant
optimal de la future recapitalisation que l'Etat devrait effectuer, une
nouvelle fois, au profit de GIAT-Industries. Il a souligné qu'une future
coopération européenne en matière d'armement terrestre
devrait s'effectuer dès le stade de la recherche, pour être en
mesure d'appuyer réellement les futures coopérations.
En réponse,
M. Luc Vigneron
a apporté les
précisions suivantes :
- le contrat notifié par la Délégation
générale de l'armement pour la production de 700 VBCI est le
premier qui délègue entièrement à GIAT la
maîtrise d'oeuvre industrielle de ce produit. Lors de la
présentation, début 2002, des premières maquettes
ergonomiques à l'état-major de l'armée de terre, celui-ci
a souhaité que les dimensions du véhicule soient revues pour
tenir compte notamment du programme Félin qui dote chaque combattant
d'équipements volumineux. L'armée de terre a également
souhaité que la tourelle du char soit entièrement
repensée. Des rectifications sont en cours de réalisation pour
satisfaire aux demandes ainsi exprimées, mais elles impliqueront une
croissance unitaire des coûts du matériel, ainsi qu'un
décalage dans la livraison des premiers matériels qui sera
différée de 2006 à 2007 ;
- le partenariat avec Renault Trucks, société à laquelle
sont confiés 30 % de la réalisation du VBCI relevant de la
composante « mobilité » se déroule sans
difficulté ;
- les possibilités d'exportation en Europe du VBCI sont orientées
actuellement vers la Belgique, dans une version dotée d'un armement plus
conséquent. Ce véhicule a été conçu en
fonction des besoins spécifiques de l'armée de terre
française portant sur la protection de ses personnels, ainsi que la
numérisation du matériel.
En réponse à
MM. André Dulait, président
, et
Didier Boulaud
,
M. Luc Vigneron
a précisé que
l'évolution de la taille du véhicule n'affecterait pas sa
compatibilité avec la capacité d'emport de l'A400M :
- on estime à environ un millier d'heures par véhicule
l'activité industrielle directe qui découlera de la construction
du VBCI, ce chiffre modique étant environ dix fois inférieur au
nombre d'heures requises pour la construction du char Leclerc ;
- le canon d'artillerie Caesar a été conçu par
GIAT-Industries. Ce canon est placé sur un camion, ce qui lui permettra
de se substituer, à terme, aux engins blindés tractés, et
lui conférera une très grande mobilité, lui permettant de
faire face aux radars de contrebatterie. Ce matériel innovant et
relativement peu coûteux bénéficie d'une bonne
aérotransportabilité par des avions d'envergure restreinte comme
le C-130. Il bénéficie, d'ores et déjà, de
commandes fermes de l'armée française et des discussions sont en
cours avec la Malaisie et l'Australie. Une démonstration
effectuée aux Etats-Unis a par ailleurs donné des
résultats très positifs ;
- la mise en place d'une structure interarmée de maintenance des
matériels terrestres (SIMMT) s'inscrit dans une réflexion de
l'état-major tendant à recentrer ses activités sur la
maintenance opérationnelle. Le débat est en cours sur le
périmètre optimal de la future SIMMT. A l'heure actuelle,
GIAT-Industries est chargée, dans le domaine de la maintenance, de la
fourniture des rechanges et des ravitaillements, et serait prête à
élargir son intervention à la maîtrise d'oeuvre
industrielle des opérations de rénovation et de
modernisation ;
- la situation du site de Toulouse est difficile, car son activité
dépend à 90 % de la construction du char Leclerc. La charge
de maintenance des équipements électroniques de ce
matériel est un créneau possible d'activité à
terme, mais le risque existe, là comme ailleurs, d'un départ des
savoir-faire, ce qui justifie la démarche entreprise, d'ailleurs, dans
l'ensemble de la société, pour y maintenir les jeunes
cadres ;
- le marché des munitions s'est effondré durant la
décennie qui vient de s'écouler, et les normes de standardisation
OTAN progressent, notamment pour celles de petit et de moyen calibre. Cette
standardisation est souhaitable pour renforcer l'interopérabilité
de ces matériels, mais elle amène à se heurter à la
concurrence de fournisseurs américains. Le même mouvement ne
tardera pas à toucher les munitions de gros calibre, que seules des
commandes publiques pluriannuelles pourront protéger ;
- d'ores et déjà, la Grande-Bretagne et l'Allemagne encouragent
le regroupement de leurs industries nationales d'armement terrestre, mais le
souhait d'un regroupement européen ne s'exprime pour l'instant qu'au
niveau des industriels. Les opérateurs américains, convaincus de
l'importance de l'armement terrestre, procèdent à des
acquisitions en Europe. Il importe que la France donne à son industrie
d'armement terrestre les moyens de renforcer son attractivité à
l'égard des autres industriels européens, qui sont pour la
plupart des sociétés privées ;
- la dernière recapitalisation a été notifiée par
l'Etat en 2001, à hauteur de 591 millions d'euros, dont la
moitié a été libérée à la fin de
l'année 2001, l'autre devant l'être au début de
l'année 2003. Cet apport financier a permis d'apurer le passé,
mais un nouveau besoin se fera sentir dès la fin de l'année en
cours ; il incombera aux pouvoirs publics d'apprécier les besoins
futurs de l'entreprise le moment venu.
M. Serge Vinçon
a alors souligné la situation moralement
difficile des personnels de GIAT, confrontés à la perspective de
plans sociaux. Il a souhaité que le pays donne à GIAT les moyens
d'apurer le passé afin de repartir sur des bases saines.
M. Xavier de Villepin
a alors estimé essentiel que le personnel
soit informé en toute transparence des contraintes actuelles. Il a
souligné combien la France avait un besoin impérieux d'une
industrie spécifique d'armement terrestre, en rappelant que 75 %
des matériels de l'armée de terre provenaient actuellement de
GIAT.
M. André Dulait, président,
a salué l'action
considérable déjà accomplie par M. Luc Vigneron pour
le redressement de GIAT-Industries, et a également fait valoir que la
France ne saurait se passer d'un constructeur national performant d'armements
terrestres.
M. Luc Vigneron
a fait observer que l'Armée de terre aurait
à l'avenir la charge d'améliorer et d'entretenir son parc actuel
d'équipements, ne devant plus à brève
échéance espérer beaucoup de matériels totalement
neufs. Dans ce contexte, le maintien d'un pôle industriel national
d'armement terrestre est en effet essentiel.
*
* *
M. Jean-Marie POIMBOEUF
Directeur de DCN
Le mercredi 27 novembre 2002
M.
Jean-Marie Poimboeuf
a tout d'abord rappelé que DCN avait pour
mission le développement, la construction et l'entretien des navires
armés, ce qui suppose non seulement des capacités d'architecte
naval mais aussi la maîtrise de l'architecture des systèmes de
combat. Au niveau européen, le seul autre industriel capable de
maîtriser l'ensemble de ces compétences est le britannique BAE
Systems.
Le niveau actuel d'activité de DCN est encourageant : les
troisième et quatrième sous-marins nucléaires lanceurs
d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) seront livrés
respectivement en 2004 et en 2010, chacun d'entre eux représentant un
montant de 1,5 milliard d'euros ; les programmes de frégate
Horizon, de bâtiments de projection et de commandement, ainsi que le
programme de torpille légère MU 90 se poursuivent dans des
conditions satisfaisantes. Outre les programmes, l'entretien représente
30 % de l'activité de DCN et l'exportation, 25 %. L'activité
à l'exportation a récemment porté sur des frégates
pour l'Arabie saoudite et Singapour et des sous-marins conventionnels pour le
Pakistan, le Chili et la Malaisie. Les carnets de commandes de DCN
représentent aujourd'hui 5 années de chiffre d'affaires,
soit 7,5 milliards d'euros.
Evoquant les perspectives offertes par la loi de programmation militaire,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a considéré que le texte
contribuait à conforter l'activité de DCN sur quatre dossiers
importants :
- le programme de frégates multimissions, lancé en
coopération avec l'Italie, prévoit la commande par la France de
8 bâtiments sur la durée de la programmation. Pour ce
programme, l'objectif de DCN est de maintenir, sur le contrat de
réalisation 27 bâtiments, une part correspondant aux
17 frégates françaises, soit 6 milliards d'euros ;
- le programme de construction de 6 sous-marins nucléaires
d'attaque de type Barracuda devrait représenter 6 milliards
d'euros. Par rapport à l'ancienne génération de
sous-marins dont le déplacement était de 2.500 tonnes, les
sous-marins Barracuda auront un déplacement de 4.000 tonnes et
représentent pour DCN un chantier important. Le contrat de
développement et de réalisation devrait intervenir en 2004 ;
- l'organisation industrielle relative au second porte-avions n'est pas encore
déterminée. Trois études ont été
lancées qui prévoient la possibilité d'une
coopération avec le Royaume-Uni, un programme français pour un
porte-avions à propulsion classique, et la construction d'un
porte-avions à propulsion nucléaire proche du Charles-de-Gaulle,
hypothèse dans laquelle DCN serait appelée à jouer un
rôle majeur. En tout état de cause, la construction de ce type de
navires suppose à la fois la maîtrise de l'architecture navale et
de l'architecture des systèmes de combat, que DCN est seule à
posséder en France ;
- l'entretien de la flotte représente une dépense annuelle de
500 millions d'euros par an. La loi de programmation prévoit
3 milliards d'euros sur la période 2003-2008, ce qui
représente pour DCN des perspectives non négligeables.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a indiqué que les perspectives de prises
de commandes, exportation incluse, s'élevaient à 9 milliards
d'euros sur la période de la loi de programmation. A l'exportation, les
prospects principaux de DCN sont l'Inde pour 6 sous-marins de type
Scorpène, avec transfert de technologie, et le Portugal pour
3 sous-marins. DCN explore d'autres pistes, Singapour et l'Arabie saoudite
pour les sous-marins et certains pays du Moyen-Orient pour des bâtiments
de surface.
Ces perspectives offrent à tous les établissements de DCN la
garantie d'un niveau d'activité satisfaisant.
Dans ce contexte,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a évoqué
l'évolution engagée le 6 juillet 2001, de transformation de
DCN en société nationale. Selon le schéma d'organisation
retenu pour la nouvelle société, le capital sera détenu
à 100 % par l'Etat, les personnels sous statut d'ouvrier d'Etat
étant mis à la disposition en contrepartie du remboursement de
leur rémunération, les personnels recrutés après le
changement de statut ainsi que les cadres étant placés sous
contrat de droit privé. Un contrat d'entreprise définira les
mesures d'accompagnement par l'Etat de la nouvelle société,
notamment les perspectives d'activité, ainsi que les engagements de
l'entreprise en termes de gains de productivité et d'efficacité.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a souligné combien ces transformations
supposaient une évolution culturelle forte. Il a estimé que les
activités d'entretien de la flotte exigeaient une
réactivité incompatible avec l'actuel statut de DCN, et qu'il
fallait permettre à cette dernière de participer aux
évolutions en cours dans l'industrie navale militaire européenne.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a rappelé que le paysage industriel
de la construction navale avait subi un mouvement de concentration et
d'alliances. Il a cité l'exemple de HDW, qui après avoir
racheté un chantier suédois et un chantier grec, a noué
des alliances avec l'industriel italien Fincantieri, avant d'être
racheté, à son tour, par un fonds de pension américain. La
France ne peut ignorer ces repositionnements.
Parmi les chantiers engagés,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a mis
l'accent sur le partage des immobilisations, sur les négociations
sociales et sur la gestion économique et financière. Le plan
à moyen terme vise à un retour à l'équilibre en
2005 et à un résultat net supérieur à 6 % en
2008, l'entreprise prenant à son compte les investissements
nécessaires à la transition, qui portent notamment sur
l'adaptation des infrastructures, le déploiement d'un nouveau
système d'information interne à l'entreprise et l'accompagnement
du passage à une culture industrielle.
Si les réformes ont notablement progressé, des points
déterminants pour le calendrier du changement de statut restent à
trancher : le montant de la capitalisation de la nouvelle
société, ainsi que l'année de référence en
matière comptable qui sera retenue par les commissaires aux apports. Sur
ce dernier point, l'attente des comptes 2002 pourrait entraîner un
léger décalage de l'entrée en vigueur du nouveau statut.
A la suite de cet exposé,
M. Serge Vinçon
a
interrogé M. Jean-Marie Poimboeuf sur le montant de la capitalisation
nécessaire à la future société DCN et sur la
destination du crédit de 20 millions d'euros prévu dans le
projet de loi de finances rectificative pour 2002, déposé le
20 novembre dernier. Il a également demandé des
précisions sur le coût des différentes solutions à
l'étude pour la réalisation du deuxième porte-avions.
M. Maurice Blin
a souligné le contraste entre l'excellence
technologique reconnue de DCN et les faiblesses qui lui sont souvent
imputées du fait de la structure de son personnel ou de ses
difficultés à dégager des bénéfices sur les
contrats à l'exportation. Il s'est interrogé sur les perspectives
ouvertes par la coopération plus étroite engagée avec
Thalès, au travers de la société Armaris.
M. Xavier de Villepin
s'est inquiété de la lenteur avec
laquelle évoluait le statut de DCN, alors que la concurrence dans le
domaine de la construction navale militaire s'avère de plus en plus
vive. Evoquant le précédent de GIAT Industries, et en
dépit des différences très sensibles entre les deux
situations, il s'est demandé si la transformation de DCN en
société suffirait à garantir sa
compétitivité.
Soulignant le temps écoulé depuis le lancement du programme
Charles-de-Gaulle,
M. Robert Del Picchia
a demandé si la solution
consistant à en construire un deuxième exemplaire permettrait
réellement d'obtenir un coût inférieur. Il a
également souhaité savoir si un partage de la charge de travail
entre DCN et les Chantiers de l'Atlantique, ces derniers réalisant la
coque du porte-avions, était envisageable sur la construction de ce
bâtiment. Enfin, il a demandé des précisions sur la
poursuite de la construction d'un sous-marin pour le Pakistan à la suite
de l'attentat de Karachi survenu en mai dernier.
M. André Ferrand
s'est félicité des perspectives
intéressantes offertes par le marché de la construction navale
militaire en Amérique du Sud et, particulièrement, au
Brésil. Il a évoqué la politique commerciale de DCN sur ce
continent, en liaison avec Thalès, ainsi que la
compétitivité des produits qu'elle propose, notamment par rapport
aux frégates de type Floréal construites par les Chantiers de
l'Atlantique.
Mme Hélène Luc
a regretté que le personnel de DCN
n'ait pas été suffisamment associé à la
préparation et à la mise en oeuvre de la transformation de
l'entreprise.
M. Philippe François
a souhaité connaître le chiffre
d'affaires de DCN, ainsi que les marges réalisées, tant pour les
activités réalisées au profit de la marine qu'en
matière d'exportation.
M. André Dulait, président,
s'est demandé si la
problématique de la réalisation du deuxième porte-avions
ne serait pas affectée par le renforcement très important des
normes de sûreté relatives aux chaufferies nucléaires et
par les contraintes internationales qui s'imposent à un bâtiment
à propulsion nucléaire. Il a souhaité des
précisions sur les conditions de la coopération avec l'entreprise
espagnole Izar dans les négociations avec l'Inde pour
l'éventuelle conclusion d'un contrat portant sur des sous-marins
Scorpène.
A la suite de ces interventions,
M. Jean-Marie Poimboeuf, directeur de
DCN
, a apporté les précisions suivantes :
- les études commandées par DCN à des consultants
extérieurs, s'appuyant sur des comparaisons avec des activités
industrielles de même nature, ont conclu à un besoin de
capitalisation initiale de la future société représentant
le tiers du chiffre d'affaires, soit un montant de l'ordre de 540 millions
d'euros ;
- du fait de son statut administratif, DCN a longtemps fonctionné sans
recours à des relations contractuelles avec son client national,
à savoir la marine, ce qui ne permettait aucune appréciation du
résultat économique de ces activités ; les
procédures contractuelles internes, qui ont été
introduites depuis peu, permettent désormais d'évaluer la marge
brute de DCN à 14,5 % sur cette partie de son activité ;
- en ce qui concerne l'exportation, l'analyse effectuée par la Cour des
comptes sur les années 1990-2002, fait apparaître un
bénéfice global, sur cette période, d'environ
150 millions d'euros ; la marge brute de DCN sur les contrats
à l'exportation s'élève donc à 10 % et elle
avoisine 13 % si l'on intègre les produits financiers de
trésorerie qu'elle obtient sur ces contrats grâce à sa
filiale Sofrantem ;
- le crédit de 20 millions d'euros prévu par le projet de
loi de finances rectificative pour 2002 représente le budget de
fonctionnement de DCN Développement, structure de préfiguration
de la future société mise en place depuis mars dernier ;
cette dotation recouvre en particulier le soutien apporté à DCN
pour toutes les actions liées à sa transformation en
société, par exemple le recours à des consultants
extérieurs, y compris au profit des partenaires sociaux de
l'entreprise ;
- indépendamment des réponses qui seront apportées
l'été prochain par les trois études en cours sur la
réalisation du deuxième porte-avions, on peut d'ores et
déjà indiquer que certaines obsolescences intervenues depuis le
lancement du programme Charles-de-Gaulle devront être comblées, y
compris dans l'hypothèse de la réalisation d'un exemplaire
identique, étant précisé que le développement
représentait de 30 à 35 % du coût total de ce
programme ;
- les contraintes tenant au renforcement de la sûreté des
chaufferies nucléaires ont déjà été
largement prises en compte dans le cadre des programmes de construction des
sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle
génération et des futurs sous-marins nucléaires d'attaque
Barracuda ;
- la question des industriels appelés à participer à la
réalisation du deuxième porte-avions importe moins que celle du
choix du maître d'oeuvre qui aura la responsabilité de superviser
l'intégration des différents systèmes de combat au sein du
bâtiment ; DCN reste en France la seule entreprise disposant de ce
type de compétences, même si nombre d'autres groupes industriels
ont la capacité de prendre en charge tel ou tel aspect du
programme ;
- les principales faiblesses de DCN tiennent aux contraintes administratives
extrêmement pesantes qui lui sont imposées, du fait de son statut,
dans le domaine des achats et des ressources humaines ; il est à
cet égard frappant de constater que ces faiblesses disparaissent dans le
cadre des activités à l'exportation que DCN réalise par
l'intermédiaire des sociétés DCN International et DCN
Logistique, qui peuvent s'affranchir de ces contraintes administratives ;
la satisfaction témoignée par la marine américaine
à la suite des opérations d'entretien et de réparation de
l'un de ses bâtiments, confiées à DCN et effectuées
à Toulon, contraste de ce point de vue avec les critiques
fréquemment émises sur les conditions d'entretien des
bâtiments de la marine française ; de fait, DCN, comme toute
autre administration, obéit à des règles très
contraignantes de passation des marchés qui imposent de longs
délais et lui ôtent la réactivité que l'on serait en
droit d'attendre d'un industriel ;
- la coopération entre DCN et Thalès est ancienne, notamment dans
le cadre des contrats à l'exportation ; la création de la
société Armaris, qui institutionnalise cette coopération,
doit ouvrir la voie à un rapprochement beaucoup plus étroit entre
les deux sociétés ;
- la transformation de DCN en société constitue moins un
aboutissement qu'un point de départ devant permettre la conclusion
d'alliances industrielles en France et en Europe ;
- l'Amérique du Sud offre effectivement d'intéressantes
perspectives à l'exportation pour les constructions navales
militaires ; la collaboration avec Thalès en matière
commerciale dans cette région du monde est tout à fait
satisfaisante ;
- le coût des frégates de type Floréal construites par les
Chantiers de l'Atlantique ne peut être comparé à celui
d'une frégate de type La Fayette construite par DCN, car il s'agit de
bâtiments très différents, les premiers étant
beaucoup moins armés et moins complexes que les seconds ; les
excellentes capacités industrielles des Chantiers de l'Atlantique sur
certains créneaux ne doivent pas masquer la spécificité du
métier d'intégrateur de systèmes de combat navals qui
constitue le point fort de DCN ;
- il a été décidé de poursuivre la
coopération avec le Pakistan sur le programme de construction de
sous-marins classiques ; une étude approfondie a été
menée sur les conditions préalables nécessaires au retour
à Karachi d'une équipe d'assistance de la DCN ;
- les personnels de la DCN qui seront au nombre de 13.600 agents en 2003 ont
été largement impliqués dans la campagne d'information sur
les raisons et les modalités de la transformation du statut de
l'entreprise ; si ce changement continue à susciter des craintes,
l'idée d'évolution nécessaire est aujourd'hui assez
largement prise en compte par les personnels ; un décret intervenu
en avril 2002 a très précisément défini les
conséquences de la transformation en société pour chaque
catégorie de personnel ; un espace d'information a
été créé dans chaque site de la DCN, afin de
fournir une réponse individuelle à toutes les questions que se
posent les salariés ;
- la coopération avec Izar pour la préparation d'un
éventuel contrat avec l'Inde sur les sous-marins Scorpène
s'effectue dans de bonnes conditions.
*
* *
M. Charles EDELSTENNE
Président-directeur
général de Dassault-Aviation
Le mercredi 27 novembre 2002
M.
Charles Edelstenne
s'est tout d'abord félicité que le projet
de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008
n'entraîne pas un nouvel étalement ou une nouvelle
réduction des objectifs du programme Rafale. En effet, depuis son
lancement, les étalements successifs ont conduit à plus de
9 ans de retard par rapport au calendrier initial. Le retour à des
niveaux de crédits permettant de réaliser dans les délais
prévus ce programme est donc satisfaisant.
Cependant, plus généralement, l'effort annoncé en
matière de recherche, dans le projet de loi, ne permettra pas
d'atteindre un niveau suffisant de crédits, l'objectif se situant
à moins de 4,5 % des crédits du titre V, et non de 6 %,
comme par le passé.
M. Charles Edelstenne
a souligné en
contrepoint que les Etats-Unis avaient une volonté beaucoup plus forte
de renforcer leur capacité technologique et consacraient pour la
recherche militaire des sommes équivalentes à la totalité
du budget de défense français.
Il a ensuite estimé que l'effort programmé en matière de
maintien en condition opérationnelle était nécessaire et
qu'il aurait des effets très positifs en matière de coût et
de disponibilité, dans la mesure où il conduirait à une
planification.
Enfin, abordant la question des drones, il a indiqué que la
société Dassault-Aviation avait développé sur ses
fonds propres deux démonstrateurs technologiques, intégrant des
technologies de pointe et ayant une très faible signature radar.
Dassault-Aviation sera ainsi à même de répondre à
l'appel d'offres de la défense sur les drones multicharges multimissions
(MCMM).
A la suite de l'exposé de M. Charles Edelstenne, un débat s'est
engagé avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité connaître
l'appréciation que portait la société Dassault, en tant
qu'industriel, sur le fonctionnement de la SIMMAD (structure
intégrée de maintien en condition opérationnelle des
matériels aéronautiques de la défense). Il s'est en outre
interrogé sur les possibilités de développement en
matière de drones de combat et d'un futur avion de combat
européen, compte tenu de la participation d'un certain nombre de pays
européens au programme américain d'avion F.35.
M. Maurice Blin
,
rapporteur pour avis de la commission des finances
du projet de loi de programmation militaire
, s'est demandé si les
efforts faits en matière de recherche militaire continueraient, comme
par le passé, à avoir des retombées dans le domaine civil.
M. Xavier de Villepin
a souhaité des précisions sur les
difficultés techniques du programme Eurofighter et sur les
possibilités d'exporter le Rafale. Il s'est en outre interrogé
sur l'organisation et l'efficacité des services de soutien aux
exportations d'armement à l'étranger. Il a enfin souhaité
savoir quelles étaient les perspectives techniques et industrielles pour
la réalisation de la prochaine génération d'avions de
combat.
M. Jean-Pierre Masseret
a souhaité savoir si les insuffisances
constatées dans les crédits de recherches militaires
étaient propres à la France ou existaient également dans
les autres pays européens. Il s'est également interrogé
sur l'opportunité de créer un pôle de recherches
européen en matière militaire.
Abordant les relations existantes entre les industriels et la
Délégation générale à l'armement, il a
interrogé M. Charles Edelstenne sur leur nature et sur leur
évolution souhaitable. Puis il a fait valoir qu'en matière de
politique européenne de sécurité commune
« PESC », nos partenaires n'étaient pas toujours
aussi déterminés que la France.
M. Christian de La Malène
a souhaité recueillir la
position de principe de M. Charles Edelstenne sur l'opportunité de
la construction d'un futur avion de combat qui succéderait à
terme au Rafale.
Mme Josette Durrieu
, relevant la récente proposition
franco-allemande en faveur d'une coopération accrue en matière
d'Europe de l'armement, s'est interrogée sur la contribution que l'OCCAR
(Organisme conjoint de coopération en matière d'armement) pouvait
apporter en la matière dans l'attente d'une future agence
européenne de l'armement.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur les secteurs de
la défense les plus affectés par l'insuffisance des
crédits de recherches.
Elle a demandé à
M. Charles Edelstenne
d'établir un
bilan du programme Rafale. Evoquant le rôle déterminant
occupé par les activités de renseignement dans le contexte
international actuel, elle s'est interrogée sur les apports de la future
loi de programmation militaire sur ce point. Enfin, elle a fait état de
ses interrogations sur la compatibilité entre le rôle croissant de
l'OTAN et le maintien de l'autonomie de défense européenne et
nationale.
M. Jean-Guy Branger
a regretté le retard intervenu dans le
calendrier du Rafale et s'est interrogé sur son impact négatif
sur la commercialisation de l'appareil.
En réponse à ces questions
M. Charles Edelstenne
a
apporté les précisions suivantes :
- l'action de la SIMMAD est incontestablement positive, car cette structure
offre une meilleure visibilité pour l'industrie et permet donc de
« lisser » la charge de travail liée à la
maintenance des matériels aéronautiques.
Dans ce contexte,
M. Charles Edelstenne
a marqué sa
préférence pour une globalisation des charges d'entretien des
équipements du maître d'oeuvre plutôt qu'à une
répartition par fournisseur ;
- en matière de drones, la France possède actuellement des
matériels voués à la reconnaissance et à
l'observation. La loi de programmation militaire prévoit des drones de
petite taille à faible autonomie, qui évolueront
ultérieurement vers les drones MALE (moyenne altitude longue
endurance) ou HALE (haute altitude longue endurance). Les Etats-Unis ont
commencé à travailler sur des avions de combat non
pilotés, mais dont le coût pour certains est supérieur
à celui d'avions de combat. La rationalité économique et
opérationnelle devrait conduire à privilégier des drones
de combat aptes à effectuer des missions à risque, mais moins
coûteux que des avions pilotés ;
- le programme Rafale a été lancé en 1985, avec des
perspectives de première livraison en 1998, ultérieurement
avancées à 1996 grâce à une participation des
industriels au développement à hauteur de 25 %. Au total,
les industriels auront participé à 25 % de
l'intégralité du développement du Rafale, alors que les
premières livraisons de cet avion ont été
différées de 1996 à 2005 du fait des carences
budgétaires de l'Etat. Outre ces implications financières, ce
retard a coïncidé avec l'émergence d'une forte concurrence
sur le marché des avions de combat : F 16 Block 60, F 18,
enfin l'Eurofighter (dont la commercialisation est cependant ralentie par des
difficultés techniques de mise au point) auxquels s'ajoute
désormais le projet américain d'avion F 35-JSF (joint strike
fighter). La réalisation de ce projet a été
accélérée par la décision d'augmenter
considérablement le budget militaire américain, après le
11 septembre 2001. Ainsi, les Etats-Unis ont alors proposé le JSF
à différents pays européens. Cinq d'entre eux, dont la
Grande-Bretagne et l'Italie, qui participent déjà à
l'Eurofighter, ont accepté de financer le développement du
F 35. Les investissements de ces cinq pays représentent plus de 5
millions d'US dollars, c'est-à-dire 80 % du coût de
développement du Rafale ;
- le coût budgétaire de l'Eurofighter est 25 %
supérieur à celui du Rafale, démontrant, dans le cas
d'espèce, qu'un programme en coopération en matière
d'équipement militaire n'est pas nécessairement synonyme
d'économies, contrairement à ce qui se passe dans le domaine de
l'aéronautique civile. C'est toute une philosophie de la pratique de
coopération européenne en matière d'avions de combat qu'il
convient de revoir, domaine dans lequel la France détient un
« leadership » évident.
M. Xavier de Villepin
a souhaité avoir confirmation que le prix
de vente à l'exportation d'un Eurofighter était supérieur
à celui du Rafale, ce qui constituerait un avantage comparatif pour ce
dernier.
M. Christian de la Malène
a souhaité connaître la
position respective de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas en matière
d'avions de combat.
M. Charles Edelstenne
a apporté les compléments
d'information suivants :
- le prix de vente d'un Eurofighter est plus élevé que celui du
Rafale, et le coût budgétaire total du programme Eurofighter
-développement-fabrication, commercialisation- s'avère
supérieur d'un quart à celui du Rafale ;
- l'industrie française s'est engagée à maintenir les prix
de vente du Rafale jusqu'au 294
e
avion ;
- le coût total du programme Rafale est resté dans son budget
initial, malgré un dépassement sur les coûts de
développement dû à son étalement, ce surcoût
ayant été compensé par des baisses sur les prix de
série ;
- les premières livraisons du F-35 sont attendues au plus tôt pour
2013. Cette date peut sembler éloignée, mais elle n'en
« gèle » pas moins déjà le
marché, particulièrement celui des pays européens
engagés dans le développement de cet avion ;
- les Etats-Unis ont modifié leur politique commerciale de
matériels militaires en suprimant la possibilité d'offsets, sauf
si une participation financière du client dans le développement
de l'appareil était acceptée. Au surplus, ces participations
industrielles sont soumises à des conditions de
compétitivité ;
- l'armée de l'air britannique possède actuellement des avions
Tornado en fin de vie, et s'est engagée dans l'acquisition de 230
Eurofighter. Lorsqu'est apparu le projet F-35, ce pays a également
opté pour l'achat de 150 appareils. Si ces deux projets étaient
réalisés, la capacité britannique en avions de combat
croîtrait d'un pourcentage sensible ;
- à l'heure actuelle, la France est le seul pays européen qui
dispose des capacités nécessaires pour construire des avions de
combat. L'industrie des avions de combat utilise ou génère
environ 70 % des technologies de pointe ;
- les technologies militaires développées autour des avions de
combat ont des retombées positives dans le domaine de
l'aéronautique civile ;
- le calendrier de construction de la prochaine génération
d'avion militaire ne peut être établi aujourd'hui. En effet, le
marché va être nourri jusqu'environ 2040-2050 par l'arrivée
des Rafale, de l'Eurofighter puis du JSF à partir de 2015, appareils
dont la durée de vie est d'au moins 30 ans. Il est donc
nécessaire dans cet intervalle de maintenir les compétences
techniques requises, en recourant par exemple à la recherche
appliquée aux avions de combat non pilotés ;
- la question du maintien des compétences est essentielle. Elle
déterminera la place de la France en matière de maintien des
technologies de pointe et sa place sur la scène internationale ;
- les sommes affectées dans notre pays à la recherche militaire
aéronautique sont faibles, même dans le cadre de la prochaine loi
de programmation, qui permettra seulement une remise à niveau. Ainsi,
Dassault a reçu ces dernières années, à ce titre,
une moyenne annuelle de 150 millions de francs, soit environ 50 voire 100 fois
moins que les sociétés américaines concurrentes. Au sein
de l'ensemble européen, la Grande-Bretagne est le seul pays qui ait
maintenu un haut niveau d'investissement en matière de recherche et
d'équipement militaires ;
- les incertitudes qui affectent le plus la visibilité industrielle
découlent des restrictions budgétaires successives ;
- les actions développées en matière de renseignement ont
peu d'impact sur les activités de Dassault. La construction de drones,
utilisés comme avions de reconnaissance, contribuerait au renforcement
de cette activité.
1
Elles concernent principalement la
budgétisation d'emplois de la DCN, des gendarmes d'autoroute et d'agents
contractuels de droit privé (en application de la jurisprudence
« Berkani ») et de l'intégration des effectifs du
Secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
2
« Les crédits d'équipement de la
Défense s'élèveront ainsi à 85 milliards de francs
constants pour les quatre prochaines années, à mi-chemin entre le
niveau nominal de la programmation et le montant inscrit au budget de
1998 ».
Lionel Jospin - Saint Mandrier - 3 avril 1998.
3
Quatre pays neutres de l'Union ne sont pas membres de
l'OTAN : l'Irlande, l'Autriche, la Finlande et la Suède.
4
Le Danemark, membre de l'OTAN, est observateur à l'UEO, au
même titre que les Etats neutres, il est en outre absent de l'ensemble du
dispositif européen de défense.
5
Les programmes franco-allemands Cobra (avec le Royaume-uni),
Hot/Milan, Roland valorisé, Tigre, le programme franco-italien FSAF
ainsi que l'A 400 M (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg et
Royaume-uni).
6
Après une alliance avec la société
sud-africaine African Defence Systems, la création d'une
société conjointe avec le groupe australien Australian Defence
Industries ainsi qu'avec le groupe singapourien Avimo, Thales a acheté
la moitié des activités d'électronique de défense
du sud-coréen Samsung Electronics, puis, en 2000, la
société britannique Racal.
7
Voir rapport pour avis sur le projet de loi de finances
rectificative pour 2001 - document Sénat n°144 (2001-2002).
8
600 heures réalisées
9
Rapport d'information (Sénat - n° 350, 2001-2002) de
M. Serge Vinçon, au nom de la commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées sur
les hélicoptères de l'ALAT.
10
Rapport d'information (AN - n° 328, 12è
législature) de M. Gilbert Meyer, au nom de la commission de la
Défense et des Forces armées sur l'entretien des matériels
des armées.
Rapport d'information (AN - n° 330, 12è législature) de M.
Charles Cova, au nom de la commission des Affaires étrangères, de
la Défense et des Forces armées), sur l'entretien de la flotte.
11
Système d'information et de commandement des forces (SICF)
et système d'information réglementaire (SIR) pour l'armée
de terre ; système d'information et de commandement du
21
ème
siècle (SIC 21) pour la Marine ;
système de commandement et de conduite des opérations
aériennes (SCCOA) pour l'armée de l'air.
12
1 500 hommes avec matériels, projetés en trois
jours à 5 000 kilomètres et disposant d'une autonomie de 5 jours
de combat.
13
Projection d'un groupement interarmes de type blindé
léger de 1 400 hommes.
14
Les trois autres solutions proposées
étaient le C17 (Boeing), le C130J (Lockheed) et l'An7X
(dérivé Antonov 70 et proposé par le consortium
russo-ukrainien MTA)
15
Besoin identifié en construction du catalogue de forces
européen HHC (Helsinki Headline Goal Catalogue)
16
CJTF: Combined joint task force
17
Les hélicoptères de l'armée de terre :
situation et perspectives, par Serge Vinçon ; n° 350
(2001-2002)
18
L'opération Héraklès a
démontré, s'il en était besoin, les atouts
inhérents à la possession d'un groupe de ce type, notamment
l'affranchissement des contraintes diplomatiques propres à un
théâtre d'opération éloigné (en
contre-exemple, on relèvera les longues discussions préalables
à l'établissement de la base de Manas, au Kirghistan).
19
L'avenir du groupe aéronaval : la
nécessité d'un second porte-avions- N° 358 (1999-2000).
20
La version électromagnétique de son autodirecteur
constitue une base commune utilisée par le missile Aster et par le
Meteor).
21
Le missile Meteor est la solution industrielle
aux besoins opérationnels BVRAAM (Beyond Visual Range Air to Air
Missile) exprimé en 1994 par les Britanniques pour équiper
l'Eurofighter (et accepté par tous les partenaires de ce programme), et
MIDE exprimé en 1999 par la France pour équiper le Rafale
à l'horizon 2012.
22
Cf. les rapports d'information n° 458 (1998-1999) de notre
collègue M. Jean Faure : le service de santé des
armées : les défis de la professionnalisation ; et n°
335 (2002) de M. Christian Ménard, député, le service de
santé des armées : une décennie de
transition.