C. UNE EXPÉRIENCE TRANSALPINE ORIGINALE DE GESTION DU PATRIMOINE PUBLIC
Votre rapporteur général, désireux, comme les années précédentes, d'apporter un éclairage européen à ses commentaires, a choisi pour le présent projet de loi de finances, d'examiner la politique italienne des finances publiques, notamment en raison des innovations apportées par ce pays à la gestion patrimoniale de l'Etat.
1. La dette publique en Italie : 108,7 points de PIB en 2001
Confrontée de façon récurrente à des déficits très importants, supérieurs à 10 points de PIB au cours des années 80 et au début des années 90, l'Italie a entrepris à compter de 1992 un effort significatif de réduction de ceux-ci, et cela dans la perspective de la mise en place de l'Union économique et monétaire. Chiffré selon l'OCDE à 10,3 points de PIB en 1993, le déficit public a été de 2,7 points de PIB en 1997 et de 1,5 point de PIB en 2001.
Par voie de conséquence, le stock de dette publique après avoir plus que doublé en valeur relative entre 1980 et 1994, passant de 58,2 points de PIB à 124 points de PIB, a entamé une lente et régulière décrue depuis 1995. Il s'élève ainsi, selon l'OCDE, à 108,7 points de PIB en 2001, soit une baisse de 15,3 points par rapport à 1994.
Néanmoins, face au ralentissement général de la conjoncture, le besoin de financement des administrations publiques italiennes ne devrait s'améliorer dans les prochaines années qu'à la faveur de mesures exceptionnelles consistant en des recettes ponctuelles issues de la cession d'actifs immobiliers. Tel est l'objet de la politique originale de gestion du patrimoine public mise en oeuvre depuis 2002 par le gouvernement italien.
La forte réduction des déficits publics italiens
(en points de PIB)
Source : OCDE
La stabilisation récente de l'endettement public
(en points de PIB)
Source : OCDE
2. Doter les structures publiques de moyens de gestion dynamique
C'est en effet dans ce cadre que le gouvernement italien a souhaité faire évoluer la gestion du patrimoine public afin de la dynamiser, dans un contexte budgétaire plus difficile afin de pouvoir financer des infrastructures de grande envergure.
Le dispositif proposé s'est articulé autour de deux principaux axes. Par-delà la mise en place d'une politique active de gestion de la dette, il s'est agi dans un premier temps, et cela depuis 1999, de procéder à la « titrisation intertemporelle » de flux de revenus, correspondant pour une part à des cotisations sociales ou des impositions passées non recouvrées, et pour une autre part à des flux futurs tels que les revenus issus des jeux ou de la loterie. Il s'agit en réalité d'opérations de caisse, permettant une gestion plus efficace des créances détenues par des organismes publics, plus que d'une réduction significative et durable du niveau de la dette.
Par ailleurs, le gouvernement italien s'est engagé depuis la fin 2001 dans la vente d'une partie de son patrimoine immobilier, qui est substantiel 59 ( * ) et dont le coût d'entretien s'est révélé élevé. A cette fin sont créées des structures financières spéciales, intermédiaires entre l'Etat et les particuliers, destinées à procéder aux cessions d'actifs : elles ont la charge de revendre « au détail » les propriétés transférées par l'Etat et émettent des titres sur le marché financier pour verser immédiatement à celui-ci le prix du transfert, dans le cadre d'opérations dites de « titrisation ».
L'objectif est double : il s'agit non seulement de gérer plus efficacement le patrimoine public mais aussi et surtout d'affecter une partie du produit résultant de sa cession au financement de grandes infrastructures et d'équipements collectifs.
A cette fin, après inventaire des biens et identification des droits de propriété par le service des domaines « Patrimonio dello Stato », deux sociétés ont été mises en place et sont destinées à travailler de concert. La société par actions « Patrimonio dello Stato-Spa » a été créée pour valoriser, gérer et vendre le patrimoine de l'Etat selon les orientations stratégiques définies par le ministre de l'économie et des finances. Pour les biens ayant une « importance historique et culturelle particulière » il est par ailleurs prévu d'y associer le ministère de la culture. La société « Infrastruttura Spa » est, elle, chargée de financer, quel qu'en soit le mode, et à titre subsidiaire par rapport aux financements de marché, des investissements d'intérêt général conformément aux orientations définies par le ministère de l'économie.
Il est par ailleurs prévu que la société « Patrimonio dello Stato » puisse céder ou titriser une partie de ses actifs et cela afin de permettre à « Infrastruttura Spa » d'atteindre ses objectifs.
La valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat français En réponse à une question de votre rapporteur général portant sur l'évaluation du patrimoine immobilier de l'Etat ainsi que sur un éventuel programme de cession d'actifs immobiliers, le gouvernement a apporté les éléments de réponse suivants. « L'Etat dispose d'une évaluation de son patrimoine immobilier qui est d'ailleurs utilisée pour l'établissement de son bilan comptable. Les informations sont regroupées et gérées dans le Tableau Général des Propriétés de l'Etat (TGPE) tenu par la direction générale des impôts et dont la modernisation se poursuit notamment au travers de la mise en place d'un serveur spécifique. Selon les données du TGPE, l'Etat est le premier propriétaire de France, avec 300 000 immeubles et près de 120 millions de mètres carrés. Le développement des cessions d'actifs est une conséquence fréquente de l'amélioration de l'évaluation du patrimoine. Il est au coeur de la démarche de modernisation de la fonction immobilière décidée par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 à la suite de travaux menés par la direction du budget durant les années 1999 et 2000. Toutefois, il a paru souhaitable d'examiner de façon spécifique les freins aux cessions de biens immobiliers. C'est pourquoi une mission de diagnostic et de proposition sur ce thème a été demandée à l'Inspection générale des finances au mois de février 2002. Ses conclusions devraient être connues à l'automne 2002. Au regard de nos engagements européens, les cessions d'actifs immobiliers sont traitées comme toutes les cessions d'actifs non financiers. Selon le manuel SEC 95 pour le déficit public et la dette publique, qui précise les conditions d'application du système européen comptable de 1995, les variations d'actifs non financiers, lorsqu'elles résultent de transactions (effectuées par accord mutuel), sont enregistrées dans le compte de capital. Elles modifient donc le besoin/la capacité de financement, qui est le solde de ce compte [...] Depuis 1986, le ministère de la défense dispose d'une grande autonomie pour céder ses terrains à des tiers, publics ou privés, en dérogation au principe de réaffectation préférentielle au profit des autres services de l'Etat. Les procédures de recensement des immeubles susceptibles d'être aliénés et les procédures d'aliénation ont fait l'objet d'un protocole d'accord entre le ministère de la défense et celui chargé du budget, le 20 juillet 1987. Par exception au principe du versement de 10 % des produits de cession aux charges communes, l'intégralité du produit des cessions est rattachée au budget de la défense. Cette règle repose sur une particularité des aliénations de matériel et d'approvisionnement des armées, portée dans la loi de finances pour 1965 et généralisée en 1984 à l'ensemble des cessions d'immeubles devenus inutiles aux armées. Elle constitue ainsi une incitation financière à une gestion active du patrimoine des armées. Afin de mener à bien cette politique de valorisation de son patrimoine, le ministère de la défense s'est doté, au sein du secrétariat général des armées (SGA), d'une structure dédiée, la mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI). Placée sous la responsabilité d'un ingénieur en chef des ponts et chaussées, cette structure compte une quinzaine de personnes. Depuis 1987, elle réalise un volume annuel de cessions compris entre 40 et 50 millions d'euros selon les années et a diligenté 1.500 cessions. Ce dispositif provisoire doit prendre fin au 31 décembre 2002. Compte tenu du nombre de dossiers de cessions en cours (environ 600) et de l'étalement dans le temps des restructurations de la défense, une prolongation est à l'étude ». |
* 59 Le gouvernement l'estime à 2.000 milliards d'euros (160 % du PIB) et escompte de ces cessions 4 milliards d'euros de recettes en 2002 et 20 milliards d'euros en 2003.