II. DES ALÉAS PARTICULIÈREMENT IMPORTANTS

A. LES QUATRE PRINCIPAUX ALÉAS

Il convient en outre de souligner que le scénario du gouvernement suppose que certains risques - fortement dépendants de l'évolution de la situation au Proche-Orient - ne se réalisent pas :

- chute des cours boursiers ;

- prix du pétrole plus élevé que prévu (25 dollars le baril) ;

- dépréciation du dollar (le gouvernement retenant une hypothèse de 0,98 dollar pour 1 euro) ;

- faible croissance de nos partenaires (le gouvernement prévoyant une croissance de 2,1 % du PIB de la zone euro).

1. La chute des cours boursiers et le risque d'une vraie crise financière

L'impact d'une poursuite de la chute des cours boursiers est difficile à évaluer.

Les économistes prennent généralement en considération le seul impact sur la consommation des ménages, l'impact sur l'investissement des entreprises étant considéré comme faible dans la zone euro. Ainsi, selon le gouvernement, en France une chute de la Bourse de 10 % réduirait la croissance de 0,2 % à l'horizon d'une année 3 ( * ) . La Commission européenne fait une évaluation analogue : en supposant une chute des indices boursiers de 20 % 4 ( * ) , le PIB de la zone euro serait réduit de 0,4 point au bout d'une année, comme l'indique le tableau ci-après. Cependant, elle estime également (selon une méthodologie non précisée) que la chute des cours boursiers pourrait avoir un impact cinq fois plus élevé, en réduisant également l'investissement des entreprises. En effet, elle considère que la chute actuelle des cours boursiers est atypique, et provient d'une prime de risque consécutive à une véritable crise de confiance. L'impact global serait encore plus élevé dans le cas des Etats-Unis.

L'impact d'une baisse des cours boursiers de 20 %, selon la Commission européenne

(en points de PIB)

PIB de l'Union européenne

PIB des Etats-Unis

1 re année

2 e année

1 re année

2 e année

Impact de la réduction de la consommation des ménages

- 0,4

- 0,13

- 1,22

- 0,34

Impact de la réduction de l'investissement des entreprises

- 1,68

- 0,54

- 4,0

- 0,85

D'après le modèle Quest.

Source : Commission européenne, rapport trimestriel sur la zone euro, septembre 2002

D'autres mécanismes pourraient encore aggraver l'impact de la chute des cours boursiers sur l'investissement des entreprises. Tout d'abord, l'amortissement des écarts d'acquisition, ou survaleurs (« goodwills » selon la terminologie anglo-saxonne), nettement plus élevés en France qu'aux Etats-Unis 5 ( * ) , accentue l'impact négatif de la chute des cours boursiers sur les actifs des entreprises, tout en aggravant celle-ci. Dans certains pays, comme les Etats-Unis, le canal des fonds de pension ne peut être négligé. Selon une récente étude de la banque d'investissement Credit Suisse First Boston, les 360 entreprises constituant l'index Standard ans Poor's 500 ayant des fonds de pension ne pourraient couvrir en 2002 que 79 % de leurs engagements. Ce phénomène aura une incidence fortement négative sur les profits des entreprises, obligées d'apporter des contributions complémentaires aux fonds de pension 6 ( * ) . Il faudra, de ce point de vue, être très attentifs aux régimes « à prestations définies », en général garanties par les entreprises.

En tout état de cause, le bon sens et l'observation quotidienne montrent que de nombreuses opérations de financement par recours au marché (émission d'augmentations de capital, réalisation d'offres publiques par exemple) sont rendues techniquement impossibles et il est évident que l'endettement des entreprises ne peut, de son côté, progresser au-delà de certaines limites. Par ailleurs, la dépréciation des actifs financiers va peser, souvent de façon drastique, sur les bilans des investisseurs institutionnels (compagnies d'assurances, fonds de pension ou assimilés, sociétés de capital-investissement) et il peut en résulter, sur des marchés mondialisés, des défaillances et des révisions douloureuses. Du côté des banques, la question est de savoir si le scénario à considérer est celui de la continuité ou celui qui proviendrait de la remise en cause de la solvabilité de tel ou tel grand établissement. En d'autres termes, on peut se demander si nous ne sommes pas à la veille de voir se réaliser un risque systémique lui-même générateur d'un « credit crunch » ici ou là ? Il n'est pas possible, au jour où ce rapport est imprimé, d'exprimer des certitudes sur de tels sujets qui s'ajoutent, au demeurant, à la réapparition de vrais risques souverains (Argentine, Brésil) et aux difficultés spécifiques du système financier japonais. Jamais depuis très longtemps, les horizons de la finance mondiale n'ont été plus menaçants.

* 3 Rapport économique, social et financier pour 2003, tome I, p. 54.

* 4 A titre de comparaison, l'index EURO STOXX50 a diminué de 28 % entre mars et août 2002.

* 5 Selon le Commissariat général du Plan, « L'importance du goodwill dans l'actif des entreprises du CAC 40 en France apparaît beaucoup plus forte que pour leurs homologues du S & P 100 aux États-Unis (...). En effet, le goodwill représente pratiquement l'équivalent des capitaux propres des entreprises dans le cas français, soit plus d'un tiers du capital engagé, contre près de 60 % des capitaux propres des entreprises dans le cas américain, soit un quart de l'actif total ». (Rentabilité et risque dans le nouveau régime de croissance, rapport du groupe de travail présidé par Dominique Plihon, 2002).

* 6 La loi américaine oblige les entreprises à abonder progressivement leurs fonds de pension lorsque leurs actifs tombent en dessous de 90 % de leurs engagements au cours d'une période de trois ans.

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