II. AUDITIONS
A. AUDITION DE M. FRANÇOIS LOGEROT, PREMIER PRÉSIDENT, M. BERNARD CIEUTAT, PRÉSIDENT DE LA 6E CHAMBRE, ET M. DENIS MORIN, RAPPORTEUR GÉNÉRAL,
Réunie le mercredi 6 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de MM. François Logerot, Premier président, Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Denis Morin, rapporteur général, sur le rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
A titre liminaire, M. François Logerot, Premier président, a présenté, dans ses grandes lignes, le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale qui est consacré, tout d'abord, à la situation des comptes sociaux pour l'année 2001. A ce sujet, il a plus particulièrement attiré l'attention de la commission sur l'insuffisance des progrès réalisés en matière de délais de production des comptes et de normalisation comptable, avant d'exprimer le souhait que le Parlement puisse apporter son concours aux efforts déployés par la Cour, en ce domaine, auprès des ministres et des administrations compétentes. S'agissant de la situation financière de la sécurité sociale en 2001, il a souligné la dérive des dépenses d'assurance maladie, qui semble traduire une remise en cause générale des mécanismes de régulation.
Puis M. François Logerot, Premier président, a indiqué que le thème majeur du rapport annuel de la Cour des comptes était celui de la gestion de la dépense hospitalière avant d'en exposer la principale conclusion, à savoir l'absence d'une évaluation effective des coûts et des performances du service public hospitalier, qui limite les capacités d'action des agences régionales d'hospitalisation (ARH). Il a, ensuite, brièvement évoqué les autres sujets abordés par la Cour dont, notamment, le bilan du fonctionnement des agences sanitaires, la politique immobilière des caisses locales du régime général et du régime agricole et les concours financiers aux associations accordés par les caisses d'allocations familiales.
M. François Logerot a, par ailleurs, rappelé les difficultés rencontrées par la Cour en ce qui concerne la mise en oeuvre concrète de ses recommandations. Il a donc estimé souhaitable que, en ce domaine également, le Parlement puisse relayer les efforts de la Cour. Il a évoqué, à cet égard, le souhait exprimé par certains que le Gouvernement puisse remettre au Parlement un rapport qui ferait, chaque année, le point sur les conditions de cette mise en oeuvre. Enfin, il s'est félicité des modalités nouvelles de collaboration instaurées entre la Cour et la commission des affaires sociales qui se traduisent par l'examen, par la Cour, des thèmes soumis par la commission. Il a, toutefois, estimé que ces demandes devaient être formulées en temps utile, afin de pouvoir être intégrées dans le programme de travail de la chambre compétente.
M. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre, a, ensuite, développé oralement certaines des réponses écrites fournies par la Cour, suite au questionnaire de la commission des affaires sociales sur son rapport annuel.
S'agissant du transfert, par l'article 49 de la loi de modernisation sociale, et à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la dette contractée par l'Etat à l'égard des régimes obligatoires de retraites complémentaires au titre des périodes de chômage et de préretraites, M. Bernard Cieutat a indiqué que la Cour partageait les interrogations de la commission des affaires sociales, dans la mesure où l'application combinée de cet article 49 et de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale semble effectivement susceptible d'une censure par le Conseil constitutionnel.
M. Nicolas About, président , a fait observer que la portée de ces interrogations apparaissait réduite dès lors que le moyen d'équilibrer les dépenses du FSV en direction des régimes complémentaires ne provenait pas d'une nouvelle recette sociale ou fiscale mais d'une contribution de la CNAF prenant à sa charge partie des majorations de pension pour enfants.
En ce qui concerne la nécessité de modifier l'objectif de dépenses adopté par le Parlement en loi de financement initiale, pour prendre en compte les mesures réglementaires ou conventionnelles affectant lesdites dépenses, M. Bernard Cieutat a indiqué qu'une telle modification ne serait, selon la Cour, opportune que dès lors que l'importance des dépenses concernées, ou la situation, le justifierait. En revanche, il a indiqué qu'il serait utile de pouvoir disposer, en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un document récapitulant et évaluant l'ensemble des modifications réglementaires ou conventionnelles ayant affecté les dépenses au cours du dernier exercice.
M. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre , a également estimé que la présentation, pour la première fois dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002, des bilans du régime général et de chacune de ses branches était une innovation intéressante, même si l'élaboration de ces bilans souffre encore de certaines imperfections méthodologiques qui en limitent, dans l'immédiat, l'utilité en tant qu'instruments d'analyse financière.
Puis M. Denis Morin, rapporteur général , a réaffirmé les avantages du passage des comptes de la sécurité sociale en comptabilité en droits constatés. Il a précisé que les difficultés techniques rencontrées en ce domaine par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui ont notamment rendu nécessaire une correction importante des comptes 2001, seront résolues, à l'avenir, grâce à la mise en place d'un outil informatique adapté.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souhaité obtenir plusieurs précisions aux réponses formulées par la Cour aux questions de la commission.
Il a, en premier lieu, demandé si, en écrivant que « la loi de 1994 vise avant tout à clarifier la gestion des branches et à obliger les pouvoirs publics à prendre les décisions nécessaires pour assurer l'équilibre de chaque branche, au besoin en modifiant les recettes affectées à chacune, voire en transférant la prise en charge de certaines dépenses », la Cour signifiait que les transferts financiers croisés, intervenus ces dernières années, relevaient d'une interprétation de la loi de 1994.
Il a, en deuxième lieu, souhaité savoir si les reports sur l'exercice suivant des excédents du FOREC faisaient l'objet d'une ventilation entre les différentes catégories de recettes de cet organisme.
Il s'est interrogé sur les considérations de la Cour selon laquelle « le plafond des avances autorisées ne saurait avoir pour objet de couvrir un déficit récurrent ».
Il a enfin souhaité connaître la position de la Cour sur l'article premier ter introduit par l'Assemblée nationale et visant à recentraliser les compétences de contrôle relatives aux centres hospitaliers régionaux exercées aujourd'hui par les chambres régionales des comptes.
En réponse à cette dernière question, M. François Logerot, Premier président, a rappelé qu'il n'appartenait pas à la Cour de s'exprimer en opportunité sur une initiative parlementaire mais a néanmoins observé que la haute juridiction financière n'avait pas été, à ce sujet, consultée. Il a néanmoins précisé avoir fait connaître le point de vue de cette dernière aux ministres chargés des affaires sociales et des finances.
Quant à l'économie du dispositif proposé par ledit amendement, il a observé que la question des compétences entre les juridictions financières ne devait être retouchée qu'avec la plus grande prudence. A ce titre, il a constaté que les établissements hospitaliers étaient des établissements publics locaux, et que, dans le cadre d'une décentralisation accrue, il apparaissait paradoxal de recentraliser cette compétence des chambres régionales des comptes.
Il a ensuite rappelé que ces dernières s'étaient organisées, parfois en surmontant des obstacles, notamment de moyens, afin de remplir l'ensemble des charges qui leur sont assignées. Il a, à cet égard, indiqué que la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France disposait d'une section dédiée aux seuls contrôles hospitaliers.
Il a en outre souligné l'importance du travail de coordination et de liaison mené par la Cour vis-à-vis des chambres régionales.
Puis il a relevé que l'article premier ter pouvait présenter l'inconvénient de séparer l'appréciation de la gestion du contrôle des comptes, séparation difficile à opérer dans la réalité, l'appréciation sur la gestion n'ayant guère de portée en l'absence d'une analyse robuste sur la situation comptable des établissements.
M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur la possibilité d'ouvrir à la Cour un champ d'investigations sans pour autant décharger les chambres régionales des comptes de leurs compétences en ce domaine.
M. François Logerot, Premier président, a précisé qu'il appartenait au Sénat de se déterminer, mais que la Cour pourrait réfléchir à l'utilité d'une extension de ces missions de contrôle sur certains thèmes généraux.
En réponse à M. Alain Vasselle , M. Denis Morin, rapporteur général, a rappelé que, depuis la Libération, la sécurité sociale oscillait entre autonomie totale et fusion des branches, qu'attendu que les recettes de ces dernières se trouvaient centralisées et que l'ACOSS devait procéder à une ventilation, il ne semblait possible de parler que d'autonomie tempérée. Il a en outre constaté que du fait d'une dynamique de dépenses et de recettes variables d'une branche à l'autre, des excédents et des déficits apparaissaient ça et là et que les différents gouvernements procédaient à des transferts afin de limiter l'ampleur des déficits. Il a néanmoins rappelé que la Cour des comptes avait considéré la tentative d'équilibrage du FOREC, menée par le précédent gouvernement, comme fort peu satisfaisante.
Concernant ce fonds, il a précisé que ses excédents étaient reportés à nouveau sans être ventilés entre les catégories de recettes.
Il a observé que la Cour n'avait pas de proposition à formuler sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, sauf à constater l'insuffisance des recettes dont celle-ci dispose au regard des charges qu'elle supporte.
Il a rappelé que le plafond de trésorerie voté chaque année avait pour seul objectif d'aider les caisses à supporter des tensions sur leur situation de trésorerie.
M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur le caractère élevé du montant du plafond, fixé à 4,4 milliards d'euros, alors même que le point le plus bas constaté atteignait - 1,9 milliard d'euros.
M. Denis Morin, rapporteur général , a répondu que les régimes affrontaient dans l'année des variations très heurtées de leurs besoins de trésorerie.
M. Jean Chérioux s'est interrogé sur d'éventuels travaux de la Cour relatifs au dérapage des dépenses hospitalières provoquées par une trop grande mobilité des normes sanitaires et de sécurité.
M. François Logerot, Premier président de la 6 e chambre, a rappelé que le surcoût lié à la mise aux normes des édifices n'était pas propre au seul secteur hospitalier mais a admis que celui-ci pesait fortement sur les budgets immobiliers et de fonctionnement des établissements de santé.
M. Guy Fischer s'est interrogé sur la recommandation relative aux schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROS) formulée par la Cour des comptes dans la synthèse de son rapport et s'est interrogé sur le pouvoir de contrôle de cette dernière à l'égard des établissements de santé privés.
M. François Logerot a précisé que la Cour et les chambres régionales des comptes ne disposaient pas d'une compétence générale à l'égard des organismes de droit privé, seuls ceux parmi ces derniers bénéficiant de subventions publiques pouvant faire l'objet de contrôle.
Il a rappelé, à ce titre, que les financements apportés par l'assurance maladie aux établissements de santé privés n'étaient pas considérés comme des subventions publiques.
M. Guy Fischer a déploré qu'à Lyon un établissement privé, dont le budget repose à 90 % sur les fonds de la sécurité sociale, ne puisse faire l'objet d'un contrôle de la Cour. Il s'est plus largement interrogé sur la conduite de l'évaluation hospitalière.
M. Denis Morin, rapporteur général, a rappelé que le passage au droit constaté avait rendu les comptes de la sécurité sociale plus fiables et que seuls les délais, encore aujourd'hui trop longs, demeuraient une difficulté.
Il a observé que l'évaluation hospitalière pouvait mettre en évidence des opportunités d'économies, constatant que des investigations avaient fourni une image contrastée de sous-activités et sur-activités hospitalières simultanées, selon les services audités.
Il a enfin rappelé que la recommandation de la Cour visait la simplification du paysage juridique hospitalier.
M. André Vantomme s'est inquiété des conséquences de la suppression de lits en service de psychiatrie en région parisienne liée à une politique d'économies trop rigoureuse.
M. François Logerot, Premier président, a, sur ce point, précisé que la Cour avait constaté dans un de ses rapports précédents un décalage entre le niveau des équipements et les pratiques médicales, ces dernières préconisant le plus souvent le maintien à domicile des patients.