N° 14

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;

- et le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation , à l' emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres).

Par M. Robert DEL PICCHIA,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. N... , Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, André Vallet, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12 ème législ.) : 188 , 189 , 232 et T.A. 29 et 30 .

Sénat : 9 et 10 (2002-2003).

Traités et conventions

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, le 3 octobre dernier, deux projets de loi autorisant l'approbation d'avenants à des accords internationaux liant la France et la Tunisie d'une part, la France et l'Algérie d'autre part, en matière de droit d'entrée et de séjour.

Il faut rappeler que l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au séjour des étrangers en France constitue le régime de droit commun en la matière, mais que deux grandes catégories se voient appliquer des règles spécifiques :

- les ressortissants étrangers relevant du droit communautaire, c'est-à-dire les citoyens des pays de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ainsi que les membres de leurs familles, quelle que soit leur nationalité ;

- les ressortissants de 18 pays d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord, qui relèvent d'accords bilatéraux de circulation, d'entrée et de séjour, établis entre la France et leur Etat d'origine.

Dans cette dernière catégorie, l'Algérie et, dans une bien moindre mesure, la Tunisie, se trouvent dans une situation particulière. À la différence des 16 autres pays pour lesquels sont très largement appliquées les règles de droit commun, leurs ressortissants sont régis par des règles plus spécifiques qui se substituent -partiellement pour la Tunisie et totalement pour l'Algérie- à l'ordonnance de 1945.

Une différence fondamentale existe cependant entre l'accord franco-tunisien, qui est un accord de réciprocité applicable aussi bien aux ressortissants tunisiens en France qu'aux ressortissants français en Tunisie, et l'accord franco-algérien, qui ne concerne pour sa part que l'entrée et le séjour en France des Algériens.

L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ont fait l'objet de plusieurs avenants, destinés notamment à accorder certaines spécificités de ces deux régimes aux évolutions générales affectant la politique d'entrée et de séjour dans notre pays.

L'adoption de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile a justifié la négociation de nouveaux avenants à ces deux accords, dans le but notamment de faire bénéficier les ressortissants tunisiens et algériens de dispositions nouvelles introduites par cette loi. Sans remettre en cause l'existence d'un cadre bilatéral particulier, notamment pour l'Algérie, les deux avenants aujourd'hui soumis à l'approbation parlementaire s'inscrivent dans une évolution plutôt marquée par un rapprochement avec le droit commun.

Votre rapporteur présentera tour à tour les avenants conclus avec la Tunisie et l'Algérie ainsi que les modifications qu'ils apportent au régime antérieur.

I. L'AVENANT À L'ACCORD FRANCO-TUNISIEN EN MATIÈRE DE SÉJOUR ET DE TRAVAIL

L'avenant signé le 8 septembre 2000 entre les gouvernements français et tunisien a pour principal objet d'appliquer au régime bilatéral de séjour et de travail, régi par un accord de réciprocité, les évolutions les plus récentes intervenues dans la législation française relative au séjour des étrangers.

A. LES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME FRANCO-TUNISIEN DE SÉJOUR ET DE TRAVAIL

Dans les années qui ont suivi l'accession de la Tunisie à l'indépendance, deux accords bilatéraux sont venus préciser certaines règles particulières applicables au séjour des Tunisiens en France et des Français en Tunisie.

La convention de main d'oeuvre entre la France et la Tunisie , signée le 9 août 1963, établissait une procédure destinée à « faciliter le recrutement des Tunisiens désirant travailler en France », reposant sur une évaluation par la France des besoins en main d'oeuvre et une sélection des candidatures par les autorités des deux pays. La convention prévoyait une accélération et une simplification des formalités administratives pour l'entrée et l'installation en France des travailleurs tunisiens, qui se voyaient remettre à leur arrivée des titres de séjour et de travail.

La convention sur les relations économiques et les investissements signée le même jour s'accompagnait quant à elle d'un échange de lettres destiné à permettre la poursuite de leurs activités professionnelles par les ressortissants français déjà établis en Tunisie, avec des modalités différentes selon qu'il s'agissait d'une profession indépendante ou salariée. Elle prévoyait également l'examen bienveillant des demandes que formuleraient à l'avenir des ressortissants français en vue d'exercer une activité professionnelle en Tunisie.

Un accord sur le régime de circulation des personnes entre la Tunisie et la France, établi par échange de lettres du 29 janvier 1964, dispensait de visa d'entrée les ressortissants des deux pays en cas de séjour inférieur à 90 jours, et de visa de retour les ressortissants de l'un des pays établis sur le territoire de l'autre, en cas d'absence temporaire de ce dernier pays.

Ce régime spécifique a été sensiblement modifié par l' accord en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 qui, tout en confirmant l'attachement des deux pays aux principes des conventions de 1963, établit un régime beaucoup plus proche du droit commun de la législation française qui venait à l'époque d'être modifiée par la loi du 9 septembre 1986 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France (dite « loi Pasqua »).

L'accord du 17 mars 1988, bien que modifié depuis lors, constitue toujours la base du régime franco-tunisien d'entrée et de séjour. Il s'agit d'un accord de réciprocité applicable tant aux ressortissants tunisiens en France qu'aux ressortissants français en Tunisie.

Par ailleurs, cet accord ne se substitue que partiellement au droit national. Son article 11 prévoit qu'il ne fait pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord . Cette disposition a donc pour effet de permettre une application de certaines dispositions du droit commun des étrangers aux Tunisiens dès lors qu'elles ne sont pas en contradiction avec l'accord bilatéral.

L'accord du 17 mars 1988 reprend le dispositif de la législation française en précisant les conditions dans lesquelles sont attribués de plein droit aux ressortissants séjournant déjà dans l'un des pays, un titre de séjour et un titre de travail de dix ans, et fixant les règles applicables à ceux qui désirent quitter leur pays d'origine pour exercer une activité professionnelle dans l'autre pays. Il précise également le statut applicable au conjoint et aux enfants de titulaires de titre de séjour.

Cet accord a été complété et modifié par un avenant du 19 décembre 1991 destiné à prendre en compte les novations introduites par la loi française du 2 août 1989 (dite « loi Joxe »). Les principaux ajouts concernaient l'obtention de plein droit d'un titre de séjour d'un an pour certains enfants mineurs et la suppression de la durée minimale de mariage en matière de droits de conjoints.

Ce régime, actuellement en vigueur, ne comporte que peu de particularités par rapport au droit commun.

Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, il s'appliquait aux 159 247 ressortissants tunisiens séjournant régulièrement en France au 31 décembre 2000. Parmi eux, environ 147 000 détenaient un titre de séjour d'une durée de validité supérieure à un an. Le nombre de titres de séjour initiaux délivrés à des Tunisiens s'élevait à 5 785 en 1999 (le nombre total de titres de séjour délivrés à des Tunisiens s'élevait, cette année là, à près de 20 000) et à 7 168 en 2000.

En ce qui concerne la communauté française en Tunisie , elle s'élève à 12 500 personnes immatriculées , dont plus des deux-tiers sont des bi-nationaux. On estime à environ 10 000 personnes le nombre de ressortissants français non immatriculés dans nos services consulaires en Tunisie.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'AVENANT DU 8 SEPTEMBRE 2000

La négociation d'un deuxième avenant à l'accord de 1988 a été engagée en 1999, suite à l'adoption par la France de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (dite « loi Reseda ») .

En effet, certaines dispositions de cette loi se sont révélées moins restrictives que l'accord bilatéral et les autorités tunisiennes et françaises ont estimé qu'il convenait d'aligner ce dernier sur les conditions plus favorables prévues par le droit commun. A l'inverse, certains aspects du cadre bilatéral ne tenaient pas compte de conditions exigées par le droit commun qu'il est apparu nécessaire d'étendre aux règles d'entrée et de séjour des Tunisiens.

Les principales modifications apportées par l'avenant du 8 septembre 2000 au texte d'origine concernent les nouveaux titres de séjour portant les mentions « scientifique » et « profession artistique et culturelle », le regroupement familial , les conditions d'attribution de plein droit de la carte de dix ans et l'attribution de la carte portant la mention « retraité » .

En matière d' accès à l'emploi des membres de famille admis au regroupement familial , l'exercice d'une activité professionnelle, qui donnait lieu à autorisation sur la présentation d'un contrat de travail, est désormais possible de plein droit, y compris pour l'exercice de professions non salariées (article 7).

Conformément à la nouvelle législation française, l'avenant remplace la mention de « salarié », portée sur la carte délivrée aux Tunisiens de seize à dix-huit ans déclarant vouloir exercer une activité professionnelle, par la nouvelle mention « vie privée et familiale » (article 7 ter, paragraphe b ).

Par ailleurs, il prévoit la délivrance de plein droit d'un titre de séjour d'un an aux ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans, ainsi qu'à ceux qui résident habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans (article 7 ter, paragraphe d ). Le régime antérieur était sensiblement différent puisqu'il permettait l'attribution d'un titre de séjour de dix ans à ces catégories, sous réserve toutefois de justifier de quinze ans de résidence habituelle.

Plusieurs modifications concernent les conditions de délivrance du titre de séjour de plein droit de dix ans .

En premier lieu, l'exigence de la régularité du séjour est spécifiée dans l'accord.

Afin de lutter contre les mariages de complaisance, la délivrance du titre de séjour d'une durée de dix ans au conjoint tunisien d'un ressortissant français est désormais subordonnée aux quatre conditions du droit commun : mariage depuis au moins un an, maintien de la communauté de vie, conservation de sa nationalité française par le conjoint, et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, transcription préalable sur les registres de l'état civil français (article 10, paragraphe a ).

S'agissant des ressortissants tunisiens en situation régulière depuis plus de dix ans, ils continuent de bénéficier de plein droit du titre de séjour de dix ans, sauf s'il ont été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant », cette possibilité qui existait jusqu'à présent étant supprimée (article 10, paragraphe f ).

En revanche, l'attribution de plein droit du titre de séjour de dix ans est prévue pour les ressortissants tunisiens titulaires d'un titre de séjour d'un an et qui justifient de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France (article 10, paragraphe g ).

Enfin, l'article 11 de l'accord, disposant que ce dernier ne fait pas obstacle à l'application des législations nationales sur les points qu'il ne traite pas, est complété par un nouvel alinéa prévoyant que chaque Etat peut délivrer aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés dans l'accord dans les conditions prévues par sa législation. Cette disposition couvre en particulier la délivrance aux ressortissants tunisiens des nouveaux titres de séjour introduits par la loi du 11 mai 1998 portant les mentions « scientifique » et « profession artistique et culturelle », ainsi que « retraité ».

Au total, avec les modifications apportées par l'avenant, l'accord franco-tunisien ne comporte pratiquement plus de différences notables avec le droit commun, des dispositions spécifiques n'étant maintenues que sur des points très particuliers.

Par ailleurs, le principe de réciprocité est maintenu, l'essentiel du dispositif prévu pour l'entrée et le séjour des Tunisiens en France faisant l'objet d'une application symétrique aux français entrant et séjournant en Tunisie.

II. L'AVENANT DU 11 JUILLET 2001 À L'ACCORD SUR L'ENTRÉE ET LE SÉJOUR EN FRANCE DES ALGÉRIENS

L'avenant du 11 juillet 2001 à l'accord franco-algérien de 1968 sur l'entrée et le séjour en France des ressortissants algériens rapproche très sensiblement la situation de ces derniers de celle des autres étrangers, sans pour autant remettre en cause le principe d'un régime spécial conservant certaines particularités.

A. LE RÉGIME SPÉCIAL D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ALGÉRIENS EN FRANCE

Les accords d'Evian de 1962 et les déclarations qui y étaient jointes avaient prévu de nombreuses dispositions relatives au régime applicable aux ressortissants français demeurant en Algérie après l'indépendance, et notamment les principes concernant ceux qui n'opteraient pas pour la nationalité algérienne. En ce qui concerne la situation des ressortissants algériens en France, la déclaration des garanties stipulait simplement que tout Algérien muni d'une carte d'identité était libre de circuler entre l'Algérie et la France, et l'article 7 de la déclaration de principes relative à la coopération économique et financière précisait que « les ressortissants algériens résidant en France et notamment les travailleurs auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques ».

Ce n'est que six années plus tard, par l' accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, qu'a véritablement été établi le régime des Algériens en France, sous la forme d'un statut spécial , dérogatoire au droit commun des étrangers .

A la différence du texte relatif à la Tunisie, il ne s'agit pas d'un accord de réciprocité , l'accord du 27 décembre 1968 ne concernant que les ressortissants algériens en France. Par ailleurs, cet accord régit intégralement l'entrée et le séjour des Algériens en France , et se substitue donc pour ces derniers à l'ordonnance du 2 novembre 1945, laquelle ne leur est en rien applicable.

Cet accord se plaçait d'emblée dans le contexte des transferts de main d'oeuvre puisque son article premier posait le principe d'un contingent annuel de travailleurs algériens entrant en France pour y occuper un emploi, ce contingent étant fixé à 35 000 travailleurs par an pour les trois premières années, puis devant être défini ultérieurement d'un commun accord.

L'accord du 27 décembre 1968 instaure un titre de séjour spécifique pour les ressortissants algériens, leur conjoint et leurs enfants mineurs ou à charge : le certificat de résidence. La durée de validité de ce certificat de résidence était initialement fixée à 10 ans pour les ressortissants algériens justifiant d'un séjour en France de plus de 3 ans à la date d'entrée en vigueur de l'accord, et à 5 ans dans les autres cas.

S'agissant des Algériens ne venant pas en France pour y exercer une activité professionnelle salariée, ils étaient admis à résider sur le territoire français pour une durée n'excédant pas trois mois sur simple présentation d'un passeport.

L'accord du 27 décembre 1968 est complété par un protocole annexe signé le même jour qui précise notamment les conditions de circulation des personnes.

L'accord de 1968 a été modifié une première fois par un avenant du 22 décembre 1985 . Cet avenant a abrogé les dispositions relatives au contingentement annuel du nombre de travailleurs migrants. Il a surtout consacré un premier rapprochement avec le droit commun des étrangers en alignant sur ce dernier la durée de validité du certificat de résidence, fixée à un an ou à dix ans selon les cas. Il n'avait pas modifié le régime de circulation, mais en octobre 1986, à la suite des attentats survenus en France, une obligation de visa a été imposée aux visiteurs algériens non titulaires d'un certificat de résidence.

Un deuxième avenant , signé le 28 septembre 1994 , a modifié l'accord de 1968 afin de tenir compte à nouveau des modifications intervenues dans la législation française (loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France). Ce deuxième avenant introduit dans l'accord de 1968 l'obligation de détention d'un visa. En cas de séjour supérieur à 3 mois, il s'agit d'un visa de long séjour dont la délivrance permet d'obtenir un certificat de résidence. Il précise par ailleurs la situation des mineurs algériens de 18 ans qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence, ainsi que les conditions d'accès à l'emploi des ressortissants algériens âgés de 16 à 18 ans.

Il faut ajouter que depuis 1994, les visas ne sont plus délivrés par nos services consulaires en Algérie. Les consulats d'Alger et d'Annaba assurent la réception des demandes qui sont traitées par la cellule état-civil consulaire d'Algérie mise en place à Nantes au sein des services du ministère des Affaires étrangères.

C'est donc le régime issu du deuxième avenant de 1994 qui s'applique actuellement aux ressortissants algériens en France dont le nombre s'élevait, selon le ministère de l'intérieur, à 545 129 au 31 décembre 2000. En 1999, 115 000 titres de séjour ont été délivrés à des ressortissants algériens, 90 % de ces délivrances faisant suite à une démarche de renouvellement.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE TROISIÈME AVENANT DU 11 JUILLET 2001

C'est essentiellement l'adoption de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile qui a justifié une révision de l'accord franco-algérien de 1968 et la négociation d'un troisième avenant.

Il s'agissait, comme dans le cas de la Tunisie, de permettre aux ressortissants algériens de bénéficier des nouveaux titres de séjour introduits par cette loi portant les mentions « scientifique », « profession artistique et culturelle », « vie privée et familiale » et « retraité », mais aussi de rapprocher du droit commun le régime applicable aux ressortissants algériens , s'agissant notamment des conditions d'obtention d'un titre de séjour de dix ans pour les conjoints de Français, du regroupement familial, de l'accès à l'emploi des étudiants et de l'admission des non-résidents à bénéficier de soins médicaux en France.

S'agissant du regroupement familial , le troisième avenant procède à un alignement complet sur le droit commun (article 1 er ), alors que les Algériens n'étaient pas soumis jusqu'à présent aux obligations de séjour en France durant au moins un an de la personne qui sollicite l'entrée de sa famille et de regroupement en une seule fois, ni à des conditions de ressources parfaitement explicites. Lorsque la situation matrimoniale du demandeur « n'est pas conforme à la législation française », c'est à dire en cas de polygamie, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint si un premier conjoint réside déjà en France.

L'avenant (article 3) permet de délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, par analogie avec les dispositions de la loi du 11 mai 1998.

Ce titre de séjour couvre de nombreuses catégories d'étrangers, dont certaines étaient déjà prises en compte par l'accord franco-algérien, mais il offre aussi plusieurs possibilités de régularisation concernant notamment :

- les jeunes ayant résidé en France et y ayant été scolarisé pendant la plus grande partie de leur minorité ;

- les personnes qui, sans entrer dans les catégories du regroupement familial, ont l'ensemble de leurs attaches familiales et personnelles en France ;

- les personnes atteintes d'une maladie d'une exceptionnelle gravité et qui ne peuvent bénéficier du traitement approprié dans leur pays.

- les ressortissants algériens ascendants directs d'un enfant mineur français, cas fréquent dans la mesure où la nationalité française est reconnue à l'enfant né en France de parents algériens dont l'un est né avant le 1 er juillet 1962.

S'agissant des conjoints , et comme en matière de regroupement familial, l'attribution du certificat d'un an « vie privée et familiale » est exclue pour les personnes vivant en état de polygamie, la rédaction retenue se référant ici encore à la notion de « situation matrimoniale ... conforme à la législation française » qui sera désormais exigée. Cette clause est d'ailleurs généralisée pour l'ensemble des certificats de résidence.

Le troisième avenant (article 4) instaure un certificat de résidence portant la mention « travailleur temporaire » liée à la détention d'une autorisation provisoire de travail et de même durée de validité. Il s'agit d'une mesure plus favorable par rapport au droit commun des étrangers, qui n'est pas de nature législative ; le titre de séjour « travailleur temporaire » dispose d'un champ d'application plus vaste, et surtout plus actuel, que celui de travailleur saisonnier. Le même article introduit également de nouveaux certificats de résidence d'un an portant les mentions « scientifique » et « profession artistique et culturelle » prévus par la loi du 11 mai 1998.

S'agissant de la délivrance des certificats de résidence de 10 ans (article 5), l' exigence de la régularité du séjour est désormais spécifiée pour les conjoints de Français, les enfants algériens et les ascendants à charge de ressortissants français, les ressortissants algériens titulaires d'une rente d'accident du travail et leurs ayants droit, et les ascendants algériens d'enfants français sur lesquels ils exercent l'autorité parentale.

Le conjoint algérien de Français voit sa situation alignée sur le droit commun des étrangers , alors qu'il bénéficiait jusqu'ici d'un certificat de résidence de 10 ans dès le mariage et sans condition de transcription de l'acte sur les registres français. Le troisième avenant institue un mécanisme en deux temps , avec tout d'abord la délivrance du certificat de résidence d'un an dans l'année qui suit le mariage et sous réserve de sa transcription s'il a été célébré à l'étranger, puis, à l'issue d'un délai d'une année, sous condition de maintien de la communauté de vie durant cette année, l'obtention de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans. Il en résultera de meilleures possibilités de lutte contre la fraude et les mariages de complaisance.

Par ailleurs l'attribution de plein droit du certificat de résidence de dix ans aux Algériens justifiant par tous moyens résider en France depuis plus de quinze ans est supprimée. C'est seulement le certificat d'un an qui sera délivré dans ce cas de figure, la durée de présence en France exigée étant ramenée à dix ans, sauf si l'intéressé a séjourné en qualité d'étudiant durant la période, cette durée de résidence étant dans ce cas maintenue à quinze ans.

L'article 6 du troisième avenant étend aux ressortissants algériens le bénéfice du certificat de résidence portant la mention « retraité » , par analogie avec la loi du 11 mai 1998. L'admission des ressortissants algériens au bénéfice de ces dispositions, qui leur permettra de retourner en Algérie en conservant la facilité de circuler entre les deux pays et en préservant leurs droits au regard de l'assurance-maladie lors de leurs séjours en France, constitue un enjeu important en raison du nombre potentiel de personnes concernées.

Les article 9 à 11 de l'avenant apportent des aménagements au protocole annexe à l'accord de 1968 :

- les titulaires de certificats de résidence sont admis à circuler librement entre les deux pays sur présentation d'un document de voyage en cours de validité, et non plus d'une carte d'identité ;

- au titre II du protocole, qui définit les catégories de personnes éligibles au regroupement familial, la partie française a accepté de continuer d'inclure les enfants recueillis par « kafala judiciaire 1 ( * ) », ce qui constitue l'une des spécificités les plus notables du régime dérogatoire conservé au profit des Algériens, mais elle a obtenu un ajout stipulant que la mesure doit prendre en compte « l'intérêt supérieur de l'enfant » ;

- le protocole est complété par un paragraphe étendant aux étudiants algériens le régime de droit commun en matière d'accès à l'emploi, qui autorise l'exercice d'une activité professionnelle dans la limite d'un mi-temps annuel ;

- enfin, un régime spécial de séjour provisoire continue d'être appliqué, pendant la durée de leur traitement, aux Algériens admis dans un établissement de soins .

En résumé, si l'avenant du 11 juillet 2001 permet aux Algériens de bénéficier des dispositions nouvelles introduites par la loi du 11 mai 1998, il assure également une harmonisation du régime des Algériens avec le droit commun, notamment en matière de procédure de regroupement familial, de régime des conjoints de Français et de droit au séjour en raison de l'ancienneté de résidence habituelle, même irrégulière.

Par rapport au droit commun, le régime applicable aux Algériens continue cependant de se distinguer sur les points suivants :

- sur la forme, les Algériens continuent de relever d'un régime propre relevant d'un accord bilatéral et d'une terminologie particulière, notamment avec le certificat de résidence. De ce fait, les évolutions qui pourraient affecter à l'avenir l'ordonnance du 2 novembre 1945 seront sans incidences sur la situation des ressortissants algériens, cette dernière ne pouvant être modifiée que par un nouvel avenant à l'accord bilatéral ;

- la liberté d'établissement en France pour les commerçants et professions indépendantes est pleinement reconnue aux ressortissants algériens, ce qui constitue un avantage certain par rapport à d'autres nationalités ;

- le bénéfice du regroupement familial au profit des enfants recueillis par « kafala » judiciaire est maintenu, même si la France a obtenu de compléter le texte actuel par une réserve tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- l'existence d'un titre sui generis , à savoir un certificat de résidence de deux ans, pour les « agents officiels » des organismes para-étatiques algériens est confirmée (cette disposition figure dans le protocole) ;

- enfin, le régime spécial de séjour, pendant la durée de leur traitement, pour les Algériens admis dans les établissements de soins est lui aussi maintenu.

* 1 La législation algérienne, comme celle d'autres pays musulmans, ne reconnaît pas l'adoption, entraînant un lien juridique de filiation. Le recueil légal de droit musulman, dit « kafala », consiste en une simple prise en charge d'un enfant abandonné, avec obligation de l'élever, de l'éduquer et de l'entretenir. La « kafala » cesse à la majorité de l'enfant.

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