Rapport n° 298 (2001-2002) de M. Jean-Pierre PLANCADE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 15 mai 2002
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
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ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT
N° 298
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002 Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2002 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal ,
par M. Jean-Pierre PLANCADE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.
Voir le numéro :
Sénat : 31 (2001-2002)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
La France est liée par des conventions relatives à la circulation et au séjour des personnes avec douze Etats d'Afrique francophone depuis leur indépendance, et pour six de ces pays, ces conventions sont complétées par des conventions d'établissement ; cette formule a notamment été retenue dans le cas du Sénégal.
La convention relative à la circulation et au séjour fixe les modalités de l'entrée régulière des ressortissants de chaque Etat partie sur le territoire de l'autre Etat. La convention d'établissement détermine, quant à elle, les droits garantis dans l'Etat d'accueil aux ressortissants de l'autre Etat pourvu qu'ils soient en situation de séjour régulier.
Le présent texte constitue la troisième génération d'accord de ce type conclu avec le Sénégal. En effet, après les premières conventions de 1960 et 1964, une deuxième génération de texte avait, en 1974, rapproché le statut des ressortissants sénégalais du droit commun des étrangers (la convention d'établissement de 1974 permettait notamment d'opposer la situation de l'emploi en France aux ressortissants sénégalais).
La renégociation des accords de 1974 avec le Sénégal, comme avec les autres pays d'Afrique francophone, est néanmoins apparue nécessaire pour inscrire dans la convention de circulation l'obligation de visa imposée d'abord à titre unilatéral par la France en septembre 1986 et justifiée, depuis lors, par le respect de nos obligations dans le cadre de Schengen. La convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1 er août 1995 a été la dernière en date à avoir été signée avec un pays d'Afrique francophone. Les discussions se sont avérées délicates sur certains points, notamment pour les règles de regroupement familial désormais alignées sur le droit commun et le séjour des étudiants -subordonné à la poursuite effective des études. Engagée dans son prolongement, la négociation de la convention d'établissement, limitée à quelques aménagements par rapport au texte de 1974, n'a pas soulevé de difficultés particulières.
Il serait erroné de penser que ces textes ne visent en pratique que les Sénégalais installés sur notre territoire. Ils intéressent aussi, et c'est particulièrement vrai de la convention d'établissement, nos compatriotes résidant au Sénégal.
C'est pourquoi, après avoir analysé brièvement le dispositif de la convention, votre rapporteur présentera les communautés sénégalaise en France et française au Sénégal et évoquera le contexte plus général de la situation politique et économique du Sénégal et de l'évolution des relations bilatérales.
I. LE PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT POUR LES RESSORTISSANTS DES DEUX PARTIES
La convention d'établissement reconnaît cinq grandes séries de droits. Ces derniers sont subordonnés à la condition d'une entrée régulière sur le territoire de l'une des deux parties, conformément aux dispositions de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes.
. la liberté d'entrer sur le territoire et d'en sortir (art. 3) Cette disposition s'applique sous la réserve traditionnelle relative au maintien de l'ordre public, à la protection de la santé et de la sécurité publiques.
. l'égalité de traitement en matière d'exercice des libertés publiques (art. 1 er ). La nouvelle rédaction apparaît plus protectrice que le texte de 1974 car elle fixe une liste non limitative des droits ainsi garantis.
. l'égalité de traitements en matière d'accès aux juridictions et d'exercice des droits patrimoniaux - investissement, acquisition... (art. 3) , sous réserve, dans ce domaine, des dérogations imposées pour des motifs d'ordre public. Cette clause introduite dans l'accord-type de 1991, qui sert de modèle à la convention d'établissement, à la demande du ministère de l'intérieur français, vise à empêcher l'utilisation sur notre territoire de ressources illicites.
. L'accès aux professions salariées et non salariées, sauf dérogation justifiée par la situation économique et sociale de l'Etat d'accueil. Cette clause permettant d'opposer la situation de l'emploi figurait déjà dans la convention de 1974 (article 5). L'exercice d'une profession libérale peut être autorisé dans le cadre des règles définies par la législation du pays d'établissement.
. La protection des biens, des droits et intérêts des ressortissants d'un Etat contractant sur le territoire de l'autre (art. 4).
La convention garantit également (art. 10) la reconnaissance par chacune des parties de la personnalité juridique des sociétés civiles et commerciales légalement constituées sur le territoire de l'autre.
Par ailleurs, les personnes morales disposent pour les droits dont elles peuvent être titulaires de garanties identiques à celles prévues par la convention pour les personnes physiques.
L'article 6 interdit toute mesure discriminatoire à l'encontre des biens ou intérêts de la personne établie sur le territoire de l'une des deux parties contractantes. Les mesures d'expropriation pour cause d'utilité publique ou liées à une opération de nationalisation ne sont possibles qu'à une double condition : le paiement d'une indemnité juste et préalable. Le caractère préalable de l'indemnité représente une innovation par rapport au texte de 1974. Ce progrès significatif répond aux préoccupations de beaucoup de nos ressortissants établis sur le continent africain et parfois confrontés aux vicissitudes de la politique économique de leur pays d'accueil.
Chacune des parties conserve la capacité d'expulser un ressortissant de l'autre partie. L'obligation d'information préalable de l'autorité consulaire compétente a été assouplie pour laisser place un simple devoir d'information « sans délai ».
II. LA DENSITÉ DES ÉCHANGES HUMAINS
La population concernée par la convention d'établissement apparaît importante : elle représente quelque 40 000 Sénégalais installés en France et 20.000 Français établis au Sénégal.
A. LES SÉNÉGALAIS EN FRANCE : STABILITÉ DE LA PRÉSENCE RÉGULIÈRE ET PRESSION DES FLUX CLANDESTINS
Forte de 42.000 personnes, la communauté des Sénégalais résidant régulièrement en France représente 22 % des ressortissants d'Afrique subsaharienne, anciennement sous administration française, titulaires d'une autorisation de séjour (188.000 personnes, soit 5,8 % des 3,24 millions d'étrangers en situation régulière). Elle dépasse par son importance les Maliens, les Congolais et les Camerounais.
Si le nombre de Sénégalais a doublé entre 1975 et aujourd'hui (passant de 21.000 à 42.000 personnes), il reste relativement stable depuis quinze ans (40.000 titulaires d'autorisation de séjour en 1984 et 1990).
Ces données ne tiennent naturellement pas compte de l'immigration clandestine qui pourrait, selon certaines estimations, représenter un chiffre comparable à la présence régulière, soit 40.000 personnes. Les flux d'irréguliers tendent à croître : à une tradition de migration ancienne s'ajoute en effet la dégradation de la situation économique de nombreux Sénégalais. Bien que la France demeure la destination la plus prisée, elle constitue aussi pour certains clandestins un simple point de passage pour d'autres pays comme l'Italie et l'Espagne.
Les filières extrêmement volatiles reposent sur toutes sortes de fraudes : l'une des pratiques les plus préoccupantes, dont notre consulat de Dakar s'est fait l'écho, concerne l'usurpation d'identité sur la base d'une filiation fictive avec un double national franco-sénégalais (plus de 2.000 cas ont été recensés à ce jour). Malgré leur diligence, les services consulaires apparaissent souvent impuissants à déjouer l'ingéniosité des fraudeurs.
B. LES FRANÇAIS INSTALLÉS AU SÉNÉGAL : UN RÔLE ÉCONOMIQUE MAJEUR
Plus importante communauté étrangère établie au Sénégal, les Français comptent entre 20.000 et 25.000 personnes -pour 40 % des double-nationaux- principalement installées dans la région de Dakar.
Au 31 décembre 2000, le nombre de Français immatriculés auprès de nos postes consulaires au Sénégal s'élevait à 15.000 personnes (13.400 auprès du Consulat général à Dakar, 780 auprès du Consulat général de Saint-Louis).
Les non-immatriculés regroupent pour l'essentiel les double-nationaux résidant pour la plupart dans le Sénégal oriental, ainsi qu'un certain nombre de Français expatriés -de l'ordre de 5.000- qui négligent cette formalité.
Les actifs (37 % des immatriculés) travaillent à plus de 90 % dans le secteur tertiaire. Ils exercent en majorité des fonctions de cadres (33 %), des métiers intellectuels (25 %), des activités de commerçants, chefs d'entreprise ou artisans (22 %).
La communauté française compte plus de 2 000 religieux. Enfin, les personnels employés par l'Etat français représentent 1.800 personnes dont 800 militaires. Le nombre d'assistants techniques a beaucoup baissé passant de 470 en 1994 à 130 en 2002.
Plus de 250 entreprises françaises sont recensées -47 % sont des implantations et 53 % sont des filiales- principalement des PME (61 % emploient moins de 50 salariés).
Les difficultés que peuvent rencontrer nos compatriotes au Sénégal apparaissent pour une large part similaires à celles que connaissent les autres communautés françaises installées en Afrique subsaharienne : grandes disparités de niveau social, de revenu et de mode de vie, qu'il s'agisse des mono nationaux ou des binationaux. Les difficultés économiques du Sénégal conjuguées à la dévaluation du Franc CFA ont conduit le niveau de vie des Français salariés locaux et retraités à se rapprocher de celui des Sénégalais. Par ailleurs, l'aide sociale et les bourses scolaires, en augmentation, bénéficient essentiellement aux binationaux.
La question douloureuse des anciens combattants sénégalais méritent une mention particulière : l'annonce par les autorités françaises d'une « décristallisation » des pensions a suscité beaucoup d'espoir de la part des quelque 5.000 Sénégalais qui pourraient bénéficier de cette mesure. Cependant, une réelle impatience se manifeste face à l'imprécision des dates et l'ampleur de la revalorisation accordée. Ce sentiment est encore aggravé à Dakar par les procédures très lourdes appliquées à près de 400 anciens combattants titulaires d'un carnet de soins gratuits (visites et médicaments) soumis au contrôle a priori -et en France...- des prescriptions médicales.
Les mouvements de personnes répondent souvent à des mobiles de caractère économique et social. C'est pourquoi il est intéressant d'apporter quelques éclairages sur la situation actuelle du Sénégal.
III. UN CONTEXTE GÉNÉRAL FAVORABLE AUX MOUVEMENTS MIGRATOIRES
A. UNE STABILITÉ POLITIQUE EXEMPLAIRE MALGRÉ UNE SITUATION ÉCONOMIQUE DIFFICILE
Le Sénégal figure parmi les pays les moins avancés. L'indicateur de développement humain (IDH) établi chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement le classe au 155 ème rang sur 174. Le taux de scolarisation ne dépasse pas 36 % (et une proportion comparable des adultes est alphabétisée). Le taux de croissance annuel au cours de la dernière décennie s'est élevé à 2,6 %. Malgré une conjoncture plus favorable, les perspectives à moyen terme demeurent sombres. Les principales ressources du pays sont menacées : les cours de l'arachide connaissent une faiblesse récurrente et les possibilités de reconversion des agriculteurs s'avèrent problématiques ; la pêche sera, quant à elle, confrontée à la raréfaction des ressources halieutiques.
Le Sénégal peut toutefois se prévaloir d'un atout majeur dans un environnement régional souvent troublé : sa grande stabilité politique . Circonstance rare sur le continent africain, le Sénégal a connu une véritable alternance en 2000 avec l'élection à la présidence de la République de M. Abdoulaye Wade. Le gouvernement aujourd'hui dirigé depuis mars 2001 par une femme, Mme Mame Madior Boye a pu dresser en janvier de cette année un premier bilan des projets mis en oeuvre : réforme institutionnelle (nouvelle constitution, mandat présidentiel à 5 ans), avancées sociales (hausse des salaires, créations d'emplois...), amélioration de certaines infrastructures, début d'assainissement du secteur agricole (dans les filières arachide et coton).
En Casamance, le Président Wade a engagé un processus de paix marqué par la signature des accords de cessez-le-feu de mars 2001, même si la situation sur le terrain ne semble pas encore complètement stabilisée.
Le Président Wade a conforté sa stature internationale à travers le rôle qu'il joue dans la promotion de la nouvelle initiative pour le développement de l'Afrique (NEPAD). En effet, en juillet 2001, lors du sommet de l'Union africaine à Lusaka, il a décidé de fusionner son plan Omega pour l'Afrique (présenté à Davos en janvier 2001) avec le programme du millénaire conçu par les chefs d'Etat d'Afrique du Sud (M. Mbeki), du Nigeria (M. Obasanjo) et d'Algérie (M. Bouteflika) pour former la NEPAD. Les efforts déployés par les quatre parrains de ce programme ont concouru à intéresser l'ensemble de la communauté internationale à la NEPAD et à inscrire le projet à l'ordre du jour des principales enceintes internationales, en particulier lors de la réunion du groupe des huit pays les plus industrialisés à Kananaskis.
Le Sénégal se montre particulièrement actif sur les secteurs dont il assure le suivi -infrastructures, énergie, environnement-. Ces projets et ceux examinés par les autres comités sous-régionaux ont été soumis à la Conférence de Dakar (15-17 avril 2002) présentée comme un Davos africain. Ils pourraient constituer l'une des références de la Conférence sur le développement durable à Johannesburg, en septembre prochain.
B. DES RELATIONS FRANCO-SÉNÉGALAISES EXCELLENTES
Les relations anciennes et chaleureuses entre nos deux pays ont été confirmées par le président Wade qui a effectué deux visites officielles en France depuis son élection (mai 2000, juin 2001).
La présence économique française au Sénégal est très forte. La France se place ainsi au premier rang des fournisseurs du Sénégal, même si sa part de marché tend à se réduire (32 % en 1998, 27 % en 2000). Les échanges commerciaux se soldent par un important excédent (368 millions d'euros en 2000), le plus élevé de la zone franc. Notre pays représente également le premier investisseur au Sénégal. Les entreprises françaises assurent plus de la moitié du chiffre d'affaires du secteur formel du pays. Le programme des privatisations pourrait offrir de nouvelles opportunités de renforcer cette présence (Vivendi pour la société nationale d'électricité, SNCF international et Bolloré pour le chemin de fer entre Dakar et Bamako).
Les investisseurs français demeurent confrontés à un contexte fiscal peu incitatif (les dérogations accordées aux entreprises locales sont en effet compensées par une « surtaxation » des sociétés étrangères) et une certaine insécurité juridique liée au fonctionnement du système judiciaire sénégalais.
La coopération bilatérale mobilise des moyens importants : 21,5 millions d'euros en 2002 pour la programmation de coopération destinée aux secteurs sociaux (éducation et formation, 40 %, santé, 30 %, développement rural, secteur institutionnel) ; 34 millions d'euros pour l'Agence française de développement consacrés aux secteurs de l'industrie, de l'énergie, de l'hydraulique urbaine et des infrastructures.
Dans le cadre de l'accord en matière de défense signé en 1974, la France dispose d'un millier de soldats environ sur ses bases de la presqu'île du Cap-Vert. Dans ce domaine, l'aide -l'une des plus importantes accordées aux pays de l'ex-champ- se décline autour de trois volets : la formation (avec 25 assistants militaires techniques, l'accueil d'une soixantaine de stagiaires militaires et, enfin, la formation sur place des cadres militaires et gendarmes au sein de trois écoles nationales à vocation régionale à Thiès et à Ouakam) ; la fourniture d'une aide annuelle de l'ordre de 8 millions d'euros ; l'association étroite du Sénégal au programme de renforcement des capacités africaines au maintien de la paix (RECAMP). Dans ce cadre, le Sénégal a été choisi pour servir de plate-forme logistique au déploiement éventuel de troupes.
CONCLUSION
L'accord de réadmission inspire trois séries d'observations :
- En premier lieu, il pose des droits et des garanties précieux pour la communauté sénégalaise en France mais aussi pour nos compatriotes établis au Sénégal (en particulier pour les chefs d'entreprise assurés notamment d'un droit égal d'accès à la justice et d'une juste et préalable indemnité dans l'hypothèse d'une expropriation),
- Par ailleurs, l'accord invite également à s'interroger sur les grandes orientations qui devraient présider à la politique d'admission. A cet égard, trois voies pourraient être davantage développées : attirer en France les meilleurs lycéens et étudiants par une politique de visas et de bourses assouplie mais sans doute plus sélective (sur 150 dossiers vérifiés en 2000, seuls 25 % des étudiants suivaient effectivement leurs cours et 26 % n'avaient même pas rejoint leur établissement) ; faciliter l'admission au séjour des stagiaires : il serait sans doute souhaitable d'aménager le texte de l'ordonnance de 1945 sur le séjour et la circulation des étrangers en France, afin qu'un stagiaire étranger disposant d'un contrat de travail en France ne soit pas astreint de rentrer dans son pays pour suivre la procédure de visa long séjour et la procédure de l'Office des migrations internationales (OMI) d'introduction des travailleurs salariés. Dans bien des cas, ces obligations découragent à la fois l'entreprise et le diplômé. Plusieurs de ces orientations requièrent un effort supplémentaire de la part des services consulaires et donc des moyens humains et matériels renforcés.
Enfin, l'approche du codéveloppement destinée à impliquer les Sénégalais de l'extérieur en faveur du développement de leur pays doit représenter une priorité. Une convention de codéveloppement entre la France et le Sénégal a été signée à Paris le 25 mai 2000 avec un triple objectif : mobilisation des compétences et de l'épargne des migrants installés en France en faveur du développement de leur pays ; recherche d'une mobilité des personnes sur la base, notamment, de l'aide à l'insertion au Sénégal des diplômés ayant effectué leurs études en France et de l'organisation des stages professionnels en France pour de jeunes Sénégalais ; gestion conjointe des migrations afin de prévenir les flux illégaux. Le Comité mixte franco-sénégalais pour le codéveloppement, réuni pour la première fois à Dakar en février 2001, a privilégié trois modes d'action : la formation professionnelle des migrants, la mobilisation de l'épargne et la création d'entreprise par les migrants. Il reste aujourd'hui à concrétiser ces orientations.
- Enfin, la convention d'établissement est inséparable de la convention relative à la libre circulation des personnes qui n'a pas encore été ratifiée par les autorités sénégalaises. Il serait donc souhaitable que nos amis sénégalais puissent conduire à leur terme les procédures nécessaires à l'application des deux textes au bénéfice mutuel de chacun des partenaires.
Au bénéfice de ces observations, votre commission vous invite à approuver le présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 15 mai 2002.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les moyens dont pouvait disposer le Sénégal pour assurer son développement économique, alors qu'il était confronté à des handicaps structurels majeurs tels que la désertification.
M. Guy Penne est revenu sur les difficultés du secteur de l'arachide.
M. Robert Del Picchia a rappelé, pour sa part, les espoirs que pouvait susciter l'exploitation des ressources pétrolières.
M. Xavier de Villepin, président, a insisté sur la nécessité de mobiliser les ressources financières nécessaires en faveur du développement à long terme de ce pays.
M. Jean-Pierre Plancade a rappelé l'importance de notre aide bilatérale qui représentait 21,5 millions d'euros en 2002 au titre de la programmation de coopération et 34 millions d'euros au titre de l'Agence française de développement.
La commission a alors adopté le projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 25 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )
ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT2
(
*
)
-Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances
Au début des années 90, la mise en oeuvre des mesures destinées à la maîtrise des flux migratoires ainsi que la nécessité de rendre conformes à la convention d'application de l'accord de Schengen les régimes de circulation particuliers résultant des accords conclus par la France dans les années 60-70 avec les Etats d'Afrique francophone nous ont conduit à entreprendre la renégociation de ces accords dont les dispositions étaient contraires au droit commun.
Le Sénégal est un des six Etats de la zone avec lesquels nous sommes liés à la fois par une convention de circulation et de séjour et une convention d'établissement. Ces deux textes signés le 29 mars 1974 avaient eux-mêmes remplacé deux accords datant respectivement de 1960 et 1964. A partir de 1994, la renégociation de la convention de circulation et de séjour, pour introduire essentiellement l'obligation de visa de court et long séjour que notre pays a mis en oeuvre à titre unilatéral en 1986, puis celle de la convention d'établissement, ont été entreprises. Dans la mesure où cette dernière avait déjà été modernisée en 1974, les modifications apportées ont été d'une ampleur limitée.
Il convient de souligner que la convention d'établissement établit désormais un lien direct et explicite avec la convention relative à la circulation et au séjour du 1 er août 1995, qui y est citée à deux reprises.
- Bénéfices escomptés en matière :
* d'emploi : la convention reprend en la matière les dispositions de la précédente convention de 1974. Celle-ci prévoyait déjà la possibilité d'opposer la situation de l'emploi aux ressortissants sénégalais régulièrement établis en France désireux d'accéder à l'emploi salarié ou à des activités commerciales, industrielles, agricoles ou artisanales. Cette disposition s'applique, par réciprocité, aux ressortissants français désirant exercer une activité au Sénégal.
La convention renvoie au droit commun pour l'exercice des professions libérales, point qui n'était pas abordé dans le texte de 1974.
* d'intérêt général : les droits garantis aux ressortissants de chaque pays régulièrement établis dans l'autre sont complétés ou définis avec plus de précision.
La clause contenue à l'article 6 relative aux cas d'expropriation ou de nationalisation est améliorée par l'ajout du caractère « préalable » de l'indemnisation, exigence constante de notre part en vue de protéger au mieux les intérêts de nos ressortissants.
Enfin, les dispositions relatives à l'expulsion mentionnées à l'article 9 se trouvent simplifiées et ne supposent plus l'information préalable de l'État dont la personne expulsée est ressortissante.
* financière : sans objet.
* de simplification des formalités administratives : le nouveau texte n'entraîne aucune formalité administrative nouvelle.
* de complexité de l'ordonnancement juridique : il n'y a pas de conséquence en la matière dans la mesure où l'entrée en vigueur de la convention du 25 mai 2000 entraînera l'abrogation de la convention de 1974 qu'elle est appelée à remplacer. En outre, cette convention contient des dispositions très proches du droit commun et sa rédaction est identique, à quelques détails près, à celle des conventions bilatérales d'établissement renégociées avec cinq autres Etats de la zone depuis 1991.
* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 31 (2001-2002).
* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.