Rapport n° 231 (2001-2002) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 février 2002
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AVANT-PROPOS
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I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE
L'ALGÉRIE ET LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET
L'ALGÉRIE
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II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE LA
CONVENTION
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I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE
L'ALGÉRIE ET LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET
L'ALGÉRIE
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 231
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 février 2002 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d' éviter les doubles impositions , de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d' impôts sur le revenu , sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole),
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.
Voir le numéro :
Sénat : 62 (2001-2002)
Traités et conventions. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions.
Cette convention, dont la négociation a été engagée avec l'Algérie à la suite d'une proposition formulée par cet Etat, remplace la convention signée entre ces deux pays en 1982 et qui était devenue obsolète .
I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE L'ALGÉRIE ET LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET L'ALGÉRIE
A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'ALGÉRIE
1. Une situation politique précaire
a) La crise en Kabylie
Comme l'avait souhaité le Président Bouteflika en septembre 2001, le Chef du Gouvernement, M. Ali Benflis, a rencontré officiellement le 6 décembre 2001 une délégation kabyle favorable à l'ouverture de négociations avec le pouvoir.
Toutefois, ce dialogue politique apparaît aujourd'hui dans l'impasse. La légitimité des délégués kabyles qui se sont engagés dans ce processus de négociation politique avec le pouvoir est durement remise en cause par la majorité des membres du mouvement de contestation. Ce mouvement, qui comporte lui-même des « dialoguistes » et des « radicaux », apparaît d'ailleurs de plus en plus morcelé en de multiples coordinations dont aucune ne semble pleinement représentative.
Par ailleurs, devant les tergiversations du régime à répondre au moins partiellement aux revendications exprimées depuis plus huit mois, beaucoup de ces coordinations optent désormais pour la radicalisation de leur mouvement et se prononcent aujourd'hui en faveur d'un boycott des élections législatives prévues en juin prochain.
Dans le même temps, les troubles se poursuivent en Kabylie. De nouvelles émeutes ont éclaté dans la région, notamment à Tizi Ouzou.
La commission d'enquête sur les événements de Kabylie présidée par le professeur Mohand Issad a souligné en juillet 2001 la responsabilité de la gendarmerie dans le déclenchement et la poursuite des émeutes et dénonçé la violence de la répression. M. Mohand Issad a remis fin décembre au Président Bouteflika une analyse juridique des textes instaurant depuis 1992 l'état d'urgence en Algérie. Cette étude souligne le rôle prépondérant joué par la haute hiérarchie militaire dans ce pays, l'état d'urgence ayant glissé subtilement vers ce qui s'apparente à l'état de siège. Elle met ainsi en cause implicitement la responsabilité du chef d'état-major de l'armée algérienne dans le déroulement de la crise en Kabylie
b) La poursuite de la violence
La situation sécuritaire apparaît aujourd'hui contrastée. Le niveau global de la violence semble avoir régressé depuis le mois d'avril 2001 (le nombre de victimes est depuis cette date passé de 200 morts par mois à 120 morts environ). Le ramadan 2001 s'est ainsi révélé sensiblement moins meurtrier que les ramadans précédents (109 morts cette année contre 325 en 2000 et 1814 en 1998). Dans le même temps, les zones urbaines réputées sûres jusque là connaissent une dégradation de la situation sécuritaire. Trois bombes (de faible puissance) ont explosé au coeur d'Alger le 29 août, le 20 novembre et le 26 janvier derniers. La capitale n'avait pas été frappée depuis l'été 1999. L'élimination d'Antar Zouabri, l'émir du Groupement islamiste armé, le 8 février dernier constitue un succès indéniable pour les autorités algériennes qui multiplient depuis l'automne dernier les opérations de lutte anti-terroriste.
2. Une économie très dépendante de la production d'hydrocarbures
Les politiques publiques rigoureuses, menées depuis 1994 sous l'égide du FMI et avec le soutien de la communauté financière internationale, ont permis la restauration des grands équilibres macro-économiques.
L'inflation a diminué de manière drastique (+ 0,3 % en 2000 et + 2,8 % en 1999, contre + 16,7 % en 1990 et + 30 % en 1995). La remontée du prix des hydrocarbures depuis 1999 a permis de dégager un large excédent budgétaire en 2000 ( + 7,2 % du PIB). La dette publique est en voie de diminution (63 % du PIB en 2000 contre 71 % en 1999). L'excédent de la balance commerciale de l'Algérie a connu en 2000 une croissance spectaculaire, pour atteindre 10 milliards de dollars. Fin 2001, les réserves de changes s'élevaient à environ 19 milliards de dollars.
En dinar constant, l'Algérie connaît une croissance de son PIB ininterrompue depuis 1995 (+ 4,1 % en 2000). Cependant, le PIB en dollar courant stagne depuis 1997 autour de 50 milliards de dollars. Il était déjà de 42,7 milliards de dollars en 1980, soit un taux de croissance annuel moyen de 0,55 %.
L'Algérie ne parvient cependant pas à diversifier ses ressources et reste très largement dépendante de la production d'hydrocarbures. Elles représentaient en 2000 96,39 % de ses exportations, 55 % de ses recettes budgétaires et environ 25 % de son PIB.
En outre, les réformes économiques indispensables au développement du pays et à la résorption d'un chômage massif tardent à être mises en oeuvre. Le Gouvernement algérien poursuit trois objectifs prioritaires : la réforme des modalités de gestion du secteur public, la modernisation du système bancaire et la rationalisation du processus de privatisations.
Deux ordonnances présidentielles publiées le 22 août 2001 devraient encourager le développement des investissements privés, nationaux et étrangers, en Algérie et ouvrent l'ensemble du secteur public algérien au champ de la privatisation. Elles ont commencé à trouver un début d'application : un Conseil national de l'investissement a été mis en place (il est doté de larges prérogatives dans la définition de la politique de l'investissement privé) ; un « guichet unique » pour les entreprises étrangères, chargé de leur faciliter leurs investissements en Algérie, a également été institué (Agence nationale de développement de l'investissement - ANDI).
Le Président Bouteflika a par ailleurs annoncé le 26 avril 2001 un plan de relance de l'économie qui n'a toutefois pas encore trouvé de traduction dans les faits. L'Etat devrait injecter 500 milliards de dinars (environ 7,62 milliards d'euros) sur la période 2001-2004 sous forme de dépenses d'équipement et d'aides aux entreprises. Les secteurs de la santé, des routes, des voies ferrées et de l'éducation devraient être plus particulièrement concernés.
3. Une situation sociale explosive
La situation sociale s'est dégradée sous l'effet conjugué de la crise politique, d'une fluctuation du prix des hydrocarbures et des conséquences du programme d'ajustement structurel (1994-1997) exigé par le FMI .
Le PIB par habitant s'est effondré entre 1990 et 1999, passant de 3.524 dollars en 1990 à 1.550 dollars en 1999, en raison d'une croissance démographique (1,6 % par an environ) supérieure à celle du PIB (0,5 % en moyenne sur les dix dernières années). Plus de 190.000 ménages, soit environ 1,6 million de personnes (5,7 % de la population) vivraient en deçà du seuil de pauvreté alimentaire (183 euros par an).
Avec l'application du programme d'ajustement structurel, de 1994 à 1997, la progression du chômage s'est par ailleurs accélérée, passant de 1,7 million de chômeurs en 1994 à 2,1 millions en 1999, soit 27,8 % de la population active. Les jeunes sont plus particulièrement touchés par le phénomène.
Le système algérien de sécurité sociale ne paraît pas en mesure d'endiguer la montée de l'exclusion. Les autorités algériennes ont décidé l'augmentation de 33 % à compter du 1er janvier 2001 du salaire national minimum garanti (revalorisé à 8.000 dinars par mois, soit environ 122 euros) et de 15 % des salaires de la fonction publique.
L'Algérie consacre au total plus de 7 % de son PIB aux dépenses d'action sociale et de transferts sociaux. Les dispositifs de sécurité sociale semblent toutefois montrer leurs limites. Moins de 80 % des Algériens sont assurés contre les risques maladie, vieillesse, accident du travail et chômage. Plus du tiers des assurés sont des inactifs, chômeurs ou retraités. De nombreuses personnes en situation de grande précarité ne sont pas couvertes par ces dispositifs. Les inégalités tendent également à se creuser, l'écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres étant désormais de 1 à 10.
De même, si le niveau moyen d'éducation s'est amélioré (le taux de scolarisation des enfants entre 6 et 15 ans atteint aujourd'hui près de 90 %), l'école publique algérienne souffre aujourd'hui d'une crise profonde, ce qu'illustre le développement d'écoles privées interdites par la loi mais tolérées en pratique. Une commission nationale de réforme du système éducatif a d'ailleurs été mise en place en mai 2001 par le Président Bouteflika.
L'insuffisance des logements sociaux avive par ailleurs les mécontentements (le taux d'occupation des logements atteint 7,3 personnes par logement).
De graves émeutes avaient déjà éclaté à Sidi Bel Abbès, au sud d'Oran, le 24 juillet 2000. L'explosion de violences en Kabylie dans la seconde quinzaine du mois d'avril 2001 s'explique très largement par cette désespérance sociale qui frappe l'ensemble du territoire algérien.
B. LES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-ALGÉRIENNES
1. La poursuite du dialogue politique
Un climat nouveau prévaut entre la France et l'Algérie depuis l'élection du Président Bouteflika. La visite du ministre français des affaires étrangères à Alger les 29 et 30 juillet 1999 avait permis de renouer le dialogue politique bilatéral. La volonté de renouveler les relations franco-algériennes a été confirmée par la visite en France du ministre algérien des affaires étrangères, M. Youcef Yousfi, les 25 et 26 janvier 2000.
La visite d'Etat en France du Président Bouteflika, du 14 au 17 juin 2000, constitue une étape majeure dans les relations franco-algériennes. Cette visite a permis de marquer la volonté partagée par la France et l'Algérie de donner un nouveau cadre à la rénovation de la relation bilatérale et de définir les secteurs prioritaires de coopération.
Le dialogue politique s'est poursuivi en 2001 , avec les visites en Algérie du secrétaire d'Etat français au tourisme (26-29 janvier), du président du Conseil économique et social (28-30 janvier), du ministre de l'intérieur (4-5 février), du ministre des affaires étrangères (13 février) et du secrétaire d'Etat au commerce extérieur (13-14 juin). M. Hubert Védrine s'est de nouveau rendu à Alger le 1 er octobre 2001 afin d'évoquer avec les autorités algériennes les conséquences politiques des attentats du 11 septembre perpétrés aux Etats-Unis.
Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères a effectué une visite de travail à Alger du 20 au 22 octobre 2001. Enfin, le président de la République française s'est rendu à Alger le 1er décembre 2001 dans le cadre d'un déplacement au Maghreb. Il s'est entretenu avec le Président Bouteflika de la lutte contre le terrorisme international, de la situation en Afghanistan et au Proche-Orient ainsi que de l'évolution des relations franco-algériennes.
2. Une coopération à la fois culturelle, éducative, technique et scientifique
Deux rencontres, à Paris en décembre 1999, et à Alger en avril 2000, entre les autorités françaises et algériennes, ont permis de définir les nouveaux contours de cette coopération. Celle-ci s'articule aujourd'hui autour de cinq axes prioritaires : l'effort en faveur des formations supérieures ; le renforcement d'une coopération technique visant à accompagner la restructuration de l'économie algérienne ; la coopération dans le domaine de la santé ; l'aide aux collectivités territoriales, notamment dans les secteurs de l'eau, de l'aménagement urbain et du traitement des déchets ; le développement de partenariats dans les domaines de la jeunesse et des sports.
Le centre culturel français d'Alger a rouvert ses portes, le 15 janvier 2000, à un public de chercheurs et d'universitaires. La coopération culturelle se développe également, dans le domaine du livre et de l'écrit. La France apporte par ailleurs son soutien à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger.
La visite d'Etat du Président Bouteflika a permis de donner un nouvel élan à la coopération franco-algérienne dans tous les domaines :
- une « année de l'Algérie » sera organisée en France en 2003 ;
- la coopération dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle sera renforcée à travers l'ouverture d'un lycée international à Alger en 2002 et la mise en place d'un Fonds de solidarité prioritaire pour financer des actions dans ces domaines ;
- la reprise des activités du réseau culturel français en Algérie va se poursuivre avec la réouverture début 2002 des centres culturels d'Annaba et d'Oran.
3. La progression des échanges économiques franco-algériens
Les relations commerciales se sont densifiées en 2000 pour atteindre un flux croisé d'environ 5,8 milliards d'euros. La France a dégagé en 2000 en excédent commercial de 300 millions d'euros. Les exportations françaises se sont accrues de 20 % entre 1999 et 2000 et dépassent désormais 3 milliards d'euros. Nos importations se sont accrues de 70 % sur la même période en raison essentiellement de la hausse du prix des hydrocarbures qui composent la quasi-totalité de nos importations d'Algérie. Elles ont atteint près de 2,74 milliards d'euros en 2000.
Les investissements français en Algérie, s'ils demeurent modestes, ont néanmoins progressé en 2000. Le montant total des grands contrats (supérieurs à 3 millions d'euros) est estimé à 560 millions d'euros, contre 106,7 millions d'euros en 1999. Plusieurs grands contrats ont été conclus récemment : GDF s'est engagé aux côtés de la Sonatrach dans l'exploration, l'exploitation et la commercialisation du champ gazier d'Ahnet, au centre du Sahara algérien ; SPIE-CAPAG a signé à la mi-décembre un contrat de 364 millions d'euros portant sur l'oléoduc reliant Ouargla au port d'Arzew ; la société ENTREPOSE a remporté le premier lot d'un projet de développement d'un gisement de gaz pour 120 millions de dollars ; TOTAL-ELF-FINA vient d'obtenir, début octobre, un contrat d'exploration d'un bloc au sud-est du pays (investissements de 15 à 25 millions de dollars).
Par ailleurs, de nouveaux investissements pourraient intervenir : de grands groupes français, tels CMA-CGM, Vivendi, Danone ou Michelin cherchent à nouer des alliances avec des partenaires algériens. Le développement des investissements français en Algérie, tant souhaité par les autorités algériennes, dépend néanmoins des progrès accomplis dans la mise en oeuvre des réformes économiques.
4. La participation française aux efforts de modernisation de l'appareil économique algérien
La France et l'Algérie ont entamé en décembre 2000 des négociations sur la conversion d'une partie de la dette bilatérale (61 millions d'euros). Les discussions ont repris à Paris le 25 octobre 2001.
Les autorités françaises ont également pris en 2000 diverses mesures de nature à favoriser le développement de nos relations commerciales avec l'Algérie : assouplissement de notre politique d'assurance-crédit ; suppression du protocole de sécurité ; normalisation des conditions d'aide pour les exportateurs (assurance-foire, assurance-prospection) ; éligibilité de l'Algérie à la Réserve Pays Emergents (deux dossiers RPE en cours d'examen, dans le secteur de l'eau), au Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et au Fonds de garantie contre le risque économique des investissements des PME à l'étranger (FASEP) (financement d'une étude relative à la réhabilitation de raffineries). L'Algérie est avec le Maroc, la Tunisie et le Vietnam l'un des quatre pays au monde à bénéficier de tous les outils financiers d'aide au développement de la France.
La France a ailleurs développé un soutien institutionnel aux réformes économiques : les administrations françaises apportent dans de nombreux domaines une aide technique à leurs partenaires algériennes à travers le développement de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, le soutien de la Direction des relations économiques extérieures et de la direction des douanes dans les négociations de la partie algérienne avec l'organisation mondiale du commerce, l'assistance technique dans les domaines du développement durable et de l'aménagement du territoire.
II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE LA CONVENTION
A. UNE CONVENTION CONFORME DANS SES GRANDES LIGNES AU MODÈLE OCDE
1. Une convention fiscale de 1982 devenue obsolète
Les autorités algériennes ont demandé à la France de renégocier la convention fiscale conclue en 1982.
Elles venaient en effet de négocier des conventions fiscales avec des partenaires importants de la France, l'Italie et la Belgique notamment, dans des termes plus proches de ceux du modèle préconisé par l'OCDE que ceux de la convention fiscale franco-algérienne.
De plus, celle-ci présentait l'inconvénient pour l'Algérie de comporter en son article 5, paragraphe 4, une clause de la nation la plus favorisée au bénéfice exclusif de la France, clause dont le suivi n'était au demeurant pas aisé pour les autorités fiscales françaises.
Pour sa part, la France a accepté la proposition algérienne de renégociation dès lors qu'elle permettait d'améliorer un cadre juridique des relations fiscales bilatérales défavorable aux résidents de France et, en particulier, aux opérateurs français en Algérie.
2. Les impôts couverts par la convention
L'article 1er indique que la convention s'applique, en ce qui concerne les impôts sur le revenu et sur la fortune, aux résidents de l'un ou l'autre Etat et, en ce qui concerne les impôts sur les successions, aux successions des personnes qui étaient au moment de leur décès des résidents de l'un ou l'autre Etat.
B. LA PRÉSENCE DE DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
1. Le respect de la législation fiscale française
La législation fiscale française s'écarte du modèle de convention de l'OCDE en ce qui concerne l'imposition des revenus immobiliers, des plus-values de cessions de parts, actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière.
Certains aménagements ont donc été instaurés afin que la convention ne fasse pas obstacle à l'application de la législation fiscale française dans ces domaines.
Ainsi, l'article 6 de la convention prévoit que les revenus tirés des biens immobiliers sont imposables dans l'Etat où ces biens sont situés. Toutefois, les précisions du paragraphe 5 permettent à la France d'appliquer les dispositions particulières de sa législation fiscale en ce qui concerne les revenus des sociétés immobilières. Ainsi, lorsque la propriété d'actions, parts ou autres droits dans un société ou une personne morale donne au propriétaire la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant et détenus par cette société ou personne morale, les revenus que le propriétaire tire de son droit de jouissance ne sont imposables que dans cet Etat.
2. La définition de l'établissement stable
La notion d'établissement stable est essentiellement utilisée pour déterminer le droit d'un Etat contractant d'imposer les bénéfices d'une entreprise de l'autre Etat contractant. En vertu de l'article 7 du modèle de convention de l'OCDE, un Etat contractant ne peut imposer les bénéfices d'une entreprise d'un autre Etat contractant que si celle-ci exerce une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable situé dans le premier Etat.
Toutefois, l'article 5 de la convention franco-algérienne prévoit qu'en ce qui concerne les chantiers, la durée au-delà de laquelle un chantier de construction ou de montage constitue un établissement stable est de 3 mois, au lieu de 12 mois dans le modèle de l'OCDE (et de 6 mois dans le modèle de l'ONU). Sur ce point, la nouvelle convention fiscale apporte une modification à celle de 1982 qui ne posait en la matière aucune condition de durée. La nouvelle convention fiscale est donc plus favorable aux opérateurs français en Algérie.
3. Les intérêts et les redevances
Le modèle de l'OCDE prévoit que les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, l'Etat de la source peut prélever un impôt dans la limite de 10 %.
La convention de 1982 permettait à l'Etat de la source d'appliquer les retenues à la source prévues par son droit interne, donc supérieures à 10 %. Désormais, l'article 11 de la nouvelle convention fiscale du 17 octobre 1999 prévoit un plafonnement des retenues à la source, à savoir 10 % si l'Etat de la source est la France et 12 % s'il s'agit de l'Algérie.
S'agissant des redevances, la nouvelle convention restreint leur définition. A la différence de la convention de 1982, elle n'inclut désormais plus dans la catégorie des redevances, les rémunérations payées pour des études techniques ou économiques. Alors qu'elles étaient toujours imposables localement, ces rémunérations n'y seront dorénavant plus imposables sauf si elles sont imputables à un établissement stable ou une base fixe dont leurs bénéficiaires disposeraient sur place.
Toutefois, la définition des redevances retenue par la nouvelle convention est plus large que celle préconisée par le modèle de l'OCDE.
Ainsi, elle comprend non seulement les rémunérations payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur les oeuvres enregistrées pour les émissions radiophoniques et télévisées visées dans le modèle de l'OCDE, mais recouvre également les rémunératiosn payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un équipement industriel, commercial ou scientifique, conformément au modèle de l'ONU.
En outre, à la différence du modèle de convention de l'OCDE, l'article 12 relatif aux redevances de la nouvelle convention entre la France et l'Algérie ne prévoit pas l'imposition exclusive des redevances dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire exclusif est un résident. Il permet en effet à l'autre Etat contractant de prélever une retenue à la source au taux de 5 % du montant brut des redevances payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, à l'exclusion des films cinématographiques et des oeuvres enregistrées pour les émissions radiophoniques et télévisées.
Dans tous les autres cas, cette retenue ne peut excéder 12 % pour les redevances de source algérienne et 10 % pour les redevances de source française.
4. Les rémunérations publiques
Dans la convention fiscale de 1982, les agents publics français non-diplomates étaient imposés localement à raison des rémunérations publiques qui leur étaient versées. Conformément aux souhaits des intéressés, la France a obtenu le « rapatriement » de l'imposition de ces rémunérations. L'article 19 relatif aux rémunérations et pensions publiques prévoit ainsi, selon les règles générales posées par le modèle de l'OCDE en la matière, l'imposition exclusive de ces revenus par l'Etat qui les paie.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 13 janvier 2002, sous la présidence de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont, à l'examen du projet de loi tendant à autoriser l'approbation de la convention fiscale signée le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie.
Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi dont le texte suit :
« Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole), signée à Alger le 17 octobre 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. »