Rapport n° 145 (2001-2002) de M. Jean-Paul DELEVOYE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2001

Disponible au format Acrobat (49 Koctets)

N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants,

Par M. Jean-Paul DELEVOYE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 438 (2000-2001)

Traités et conventions .

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, adopté le 25 mai 2000 par l'Assemblée générale des Nations unies.

La question des enfants touchés par les conflits armés constituait l'un des principaux points à l'ordre du jour de la session extraordinaire consacrée à la situation des enfants dans le monde qui devait précéder, au mois de septembre, l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette réunion a été annulée en raison des attentats qui ont frappé New-York la semaine précédente, mais le sort des enfants dans les conflits armés demeure une vive préoccupation de la communauté internationale, compte tenu du lourd bilan, en cette matière, des conflits de ces dernières années.

La situation des « enfants soldats » constitue l'un des aspects de l'incidence des conflits armés sur les enfants.

La convention de 1989 relative aux droits de l'enfant dispose dans son article 38 que les Etats parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les personnels n'ayant pas atteint l'âge de 15 ans ne participent pas directement aux hostilités et s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne de moins de 15 ans.

A bien des égards, cette protection ne paraît pas suffisante, et c'est dans le but d'élever cet âge minimal qu'a été entreprise la négociation d'un protocole facultatif à cette convention, adopté le 25 mai 2000, et dont les principales dispositions sont les suivantes :

- le relèvement à 18 ans de l'âge minimal de participation directe aux hostilités,

- le relèvement de 15 à 18 ans de l'âge des enfants pouvant faire l'objet d'un enrôlement obligatoire,

- le relèvement d'une année au moins au-delà de 15 ans de l'âge minimal d'engagement volontaire dans les forces armées.

Votre rapporteur évoquera tout d'abord l'état actuel du droit international relatif à la protection des enfants dans les conflits armés, fondé sur un nombre déjà important d'instruments internationaux, en soulignant que ces textes n'ont jusqu'à présent guère permis de réduire l'impact des conflits armés sur les enfants. Il analysera ensuite les principales avancées permises par le protocole du 25 mai 2000.

I. UN ARSENAL CONSÉQUENT DE NORMES INTERNATIONALES RELATIVES AUX ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Le protocole du 25 mai 2000 sur l'implication des enfants dans les conflits armés est loin de constituer le premier texte international traitant du sort des enfants face aux conflits armés. Toutefois, ce foisonnement normatif n'a guère fait reculer le nombre d'enfants victimes, directs ou indirects, de ces conflits.

A. LES NORMES INTERNATIONALES EN VIGUEUR

Un grand nombre de dispositions du droit international humanitaire visent à protéger les enfants durant les conflits armés, soit en les incluant dans la protection générale accordée aux populations civiles, soit en leur offrant une protection spéciale.

Toutefois, dans la plupart des cas, cette protection ne se conçoit que dans la mesure où les enfants possèdent le statut de civils, et ils la perdent dès lors qu'ils prennent part au conflit armé en tant que combattants.

Les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 comportent diverses dispositions traitant spécifiquement des enfants dans le cadre de la protection des personnes civiles en temps de guerre, notamment afin de les faire bénéficier en priorité de mesures protectrices (établissement de zones de sécurité, évacuation, envoi de médicaments, de vivres et de vêtements, garantie de fonctionnement du système de soins, actions de secours, regroupement de familles dispersées, protection des orphelins).

Plus limitées sont les dispositions visant l' implication directe des enfants en tant que participants au conflit . La III ème convention de Genève de 1949 sur les prisonniers de guerre pose le principe d'un traitement privilégié en fonction de l'âge des prisonniers et la IV ème convention, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, dispose dans son article 50 que « la puissance occupante ne pourra, en aucun cas procéder à une modification du statut personnel des enfants ni les enrôler dans des formations ou des organisations dépendant d'elle ».

Le protocole additionnel I relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux , adopté en 1977 stipule dans son article 77, que « les parties au conflit prendront toutes les mesures possibles pour que les enfants de moins de 15 ans ne participent pas aux hostilités , notamment en s'abstenant de les recruter dans leurs forces armées. Lorsqu'elles incorporent des enfants âgés de 15 à 18 ans les parties au conflit s'efforceront de donner la priorité aux plus âgés. »

Un principe similaire est repris par l'article 38 de la convention de 1989 relative aux droits de l'enfant .

La charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant , adoptée en 1990, demande aux Etats parties de veiller à ce qu'aucun enfant de moins de 18 ans ne prenne directement part aux hostilités et, en particulier, à ce qu'aucun enfant ne soit enrôlé sous les drapeaux.

Le statut de la cour pénale internationale , non encore en vigueur définit pour sa part comme crime de guerre « le fait de procéder à la conscription ou à l' enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées (ou dans les groupes armés) ou de les faire participer activement à des hostilités et ce dans des conflits armés internationaux et non internationaux ».

Enfin la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants , récemment ratifiée par la France 1 ( * ) , interdit le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés.

B. LES ENFANTS TOUCHÉS PAR LES CONFLITS ARMÉS : UN PHÉNOMÈNE QUI NE DIMINUE PAS

En dépit de l'adoption de plusieurs normes internationales destinées à protéger les enfants lors des conflits armés, l'analyse des conflits actuels donne au contraire l'impression que les enfants sont de moins épargnés par la guerre et ses conséquences.

Nommé en août 1997 représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés , M. Olara Otunnu , ancien ministre des affaires étrangères de l'Ouganda, dresse dans ses rapports successifs un panorama inquiétant de la situation. Il écrivait ainsi en octobre 2000 que « dans quelque 50 pays à travers le monde, des enfants souffrent des effets et des séquelles des conflits armés. Au cours de la décennie 1986-1996 , 2 millions d'enfants ont été tués dans des conflits armés, plus de 6 millions ont été blessés ou rendus invalides et plus d'un million ont perdu leurs parents . On compte actuellement plus de 22 millions d'enfants déplacés par la guerre tant à l'intérieur de leur pays qu'à l'extérieur. Les enfants sont de plus en plus nombreux à être pris pour cibles, à être recrutés comme combattants ou enlevés pour servir d'esclaves sexuels. Le nombre des enfants soldats est évalué à 300 000 . Quelque 800 enfants par mois sont tués ou mutilés par des mines terrestres . Ces statistiques atroces sont encore loin de traduire tout le mal dont ont été victimes des enfants qui ont connu les horreurs de la guerre. »

Après la tragédie rwandaise, l'Angola ou encore la République démocratique du Congo comptent parmi les exemples les plus frappants de cette situation catastrophique, alors que plus près de nous, les conflits de la dernière décennie dans les Balkans ont aussi apporté leur lot de victimes chez les enfants.

La caractéristique de ces conflits est d'ignorer de plus en plus la différence entre civils et combattants et de créer un niveau de violence sans précédent sur les civils , y compris les enfants.

Outre les dommages directs subis par les enfants, atteints dans leur chair ou à travers leurs proches, les préjudices indirects à moyen terme sont tout aussi importants. La situation de guerre chronique dans certains pays, notamment en Afrique, entraîne une déstructuration profonde de la famille et des communautés traditionnelles, du système éducatif, des services de santé et des institutions sociales. De ce point de vue, les enfants touchés par la guerre alimentent de véritables générations sacrifiées.

II. LES AVANCÉES PERMISES PAR LE PROTOCOLE DU 25 MAI 2000 CONCERNANT L'IMPLICATION D'ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Comme on l'a précédemment précisé, l' article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant , adoptée le 20 novembre 1989, dispose, en ce qui concerne la protection des enfants en cas de conflit armé, que les Etats parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités et s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans. Cette disposition reprenait, avec une formulation différente, le principe posé en 1977 par le Protocole I aux Conventions de Genève.

Afin d' élever l'âge minimal de quinze à dix-huit ans , la Commission des droits de l'homme a créé, en 1994, un groupe de travail chargé d'élaborer un protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant , concernant la participation des enfants aux conflits armés.

A l'issue de négociations difficiles , les législations nationales et les pratiques des différents États retenant des âges souvent inférieurs à 18 ans, un texte de compromis a été établi lors de la session du groupe de travail du mois de janvier 2000 et adopté le 25 mai 2000 par la résolution 54/263 de l'Assemblée générale des Nations Unies . Il s'agit d'un protocole additionnel à la Convention, qui complète plusieurs de ses dispositions. Lorsque l'Etat est à la fois partie à la Convention et au Protocole, les dispositions de ce dernier se substituent à celles de la Convention qui concernent la participation des enfants dans les conflits armés.

A. UNE ÉLÉVATION DE L'ÂGE MINIMAL DE PARTICIPATION AUX CONFLITS ARMÉS

Le protocole du 25 mai 2000, s'agissant des dispositions relatives à l'âge des « enfants soldats », distingue trois situations : la participation aux hostilités, l'enrôlement obligatoire et l'engagement volontaire.

. La participation aux hostilités

En ce qui concerne la participation aux hostilités , l'article 1 dispose que « les États parties prennent tous les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans ne participent pas directement aux hostilités ». Il relève donc de 15 à 18 ans l'âge minimal prévu par l'article 38 de la Convention de 1989.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, un grand nombre de pays, dont les États-Unis, Israël et le Royaume-Uni, se référant à leur pratique nationale, souhaitaient fixer à 17 ans l'âge de participation aux conflits armés.

. L'enrôlement obligatoire

Le protocole, par son article 2, a également élevé de 15 à 18 ans l'âge des enfants pouvant faire l'objet d'un enrôlement obligatoire , modifiant sur ce point pour les États parties, l'article 38, paragraphe 3, de la Convention. Dorénavant, chaque Etat partie doit veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans ne fassent pas l'objet d'un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées.

. L'engagement volontaire

Enfin, en matière d' engagement volontaire , l'article 3 pose comme principe que chaque Etat partie doit relever « en années » l'âge minimum de l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales « par rapport à celui qui est fixé au paragraphe 3 de l'article 38 de la Convention », c'est-à-dire 15 ans.

La rédaction de cette disposition a fait l'objet de négociations longues et difficiles, en raison de la disparité des situations nationales, et n'est pas entièrement satisfaisante. La France avait plaidé en faveur du relèvement à 17 ans de l'âge du recrutement volontaire, ce qui était conforme à notre législation permettait de trouver un juste milieu entre ceux qui ne voulaient rien changer et ceux qui souhaitaient l'âge de 18 ans. Elle a été suivie sur ce point par l'Afrique du sud, l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, le Brésil, le Canada, la Chine, Cuba, les États-Unis, l'Italie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, ainsi que la République de Corée. Elle s'est cependant heurtée à l'opposition d'un grand nombre de pays, beaucoup plus réservés. Le Royaume-Uni, le Pakistan ou l'Iran, souhaitaient que l'engagement volontaire soit possible dès 16 ans.

En pratique, la solution retenue permet à chaque Etat de relever d'un an au minimum l'âge fixé au paragraphe 3 de l'article 38 de la Convention.

Chaque Etat partie devra déposer, au moment de sa ratification ou de son adhésion, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales. Par ailleurs, l'Etat qui autorise l'engagement volontaire avant 18 ans doit s'assurer que cet engagement est effectivement volontaire, qu'il a lieu avec le consentement des parents de l'intéressé, que les personnes engagées sont pleinement informées des devoirs qui s'attachent au service militaire, et ces personnes doivent fournir la preuve de leur âge avant d'être admises au service militaire.

Tout Etat partie peut, à tout moment, renforcer sa déclaration, c'est-à-dire relever l'âge minimum de l'engagement volontaire. L'obligation de relever l'âge minimum de l'engagement volontaire ne s'applique pas aux établissements scolaires placés sous l'administration ou le contrôle des forces armées (article 3, paragraphe 4), ce qui répondait à une préoccupation de la France.

B. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROTOCOLE

Par ailleurs, le protocole comporte diverses dispositions plus générales relatives à sa mise en oeuvre.

Bien que par définition un tel protocole ne puisse lier que des États, l'article 4, relatif aux groupes armés qui sont distincts des forces armées, pose le principe de l'application du protocole aux forces non régulières , qui « ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de dix-huit ans ». Les États parties doivent prendre toutes les mesures possibles pour faire respecter ce principe, et notamment interdire et sanctionner pénalement ces pratiques.

L'article 6 invite les parties à prendre toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les personnes relevant de sa compétence qui sont enrôlées ou utilisées dans les hostilités en violation du Protocole soient démobilisées ou libérées des obligations militaires.

Chaque Etat partie doit également prévenir toute activité contraire au protocole et favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale des personnes qui sont victimes d'actes contraires à celui-ci (article 7).

Le mécanisme de contrôle prévu par le protocole est le dépôt par chaque Etat partie d'un rapport annuel au Comité des droits de l'enfant (article 8).

C. LE PROTOCOLE ET LA LÉGISLATION FRANÇAISE

En application de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 relative au statut général des militaires, le recrutement volontaire dans les forces armées françaises est possible à partir de 17 ans révolus ou 17 ans avec l'accord parental. Toutefois, la participation aux opérations militaires reste interdite avant 18 ans .

En outre, au cours de la période transitoire allant de l'entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 1997, portant réforme du service national, à la suspension des incorporations au titre des armées l'été dernier, seuls les hommes nés avant le 31 décembre 1978, et donc âgés de 18 ans au moins, étaient encore concernés par la conscription.

Enfin, l'engagement des élèves des écoles militaires est possible dès l'âge de 16 ans mais le protocole ne nécessitera aucune modification sur ce point, les établissements scolaires étant exclus explicitement de son champ d'application en vertu de l'article 3.5.

La mise en application du protocole n'appellera ainsi aucune modification de la législation française.

CONCLUSION

Par rapport aux normes internationales actuelles, le protocole représente une réelle avancée, puisqu'il étend la protection des enfants dans les conflits armés, par un relèvement à 18 ans de l'âge minimal d'enrôlement obligatoire ou de participation aux hostilités.

Pour autant, on ne peut s'empêcher de citer le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, lorsqu'il dresse le constat suivant : « Il existe un arsenal impressionnant d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et au droit humanitaire qui tendent à protéger les enfants des conséquences de la guerre ... mais les parties à un conflit n'en continuent pas moins à transgresser ces normes. Les règles internationales sont violées impunément ... le moment est venu pour la communauté internationale de réorienter son énergie et de passer de la tâche juridique qui consiste à édicter des normes au projet politique qui est de veiller à leur application et à leur respect sur le terrain ».

La question des enfants touchés par les conflits armés pose incontestablement avec une acuité particulière le problème de l'application des normes internationales, qu'il s'agisse de traités, conventions ou protocoles, ou de résolutions. Conscient de cette difficulté, le secrétaire général des Nations Unies a spécialement mandaté son représentant spécial pour les enfants et les conflits armés qui, à travers de nombreuses missions, tente d'obtenir des différentes parties aux conflits des engagements précis à l'égard du sort réservé aux enfants.

La difficulté de la tâche ne doit pas conduire, quelles que soient les limites de l'approche juridique, à négliger un texte qui, combiné à beaucoup d'autres efforts, pourra tout de même, il faut l'espérer, contribuer faire progresser la paix et la protection des enfants.

Aussi votre commission des affaires étrangères, de la défense et des force armées vous demande-t-elle d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 13 décembre 2001.

M. André Dulait a rejoint les remarques du rapporteur sur la nécessité de veiller aux conditions d'application des multiples instruments internationaux auxquels la France est partie. Citant la convention sur l'élimination des mines antipersonnel ou le statut de la Cour pénale internationale, il a estimé que le refus de certains pays importants de signer ou de ratifier ces instruments leur ôtait souvent toute portée pratique.

M. Xavier de Villepin, président, a manifesté son scepticisme face à des textes internationaux tels que le protocole sur l'implication des enfants dans les conflits armés, lorsque l'on sait que nombre de pays seront dans l'incapacité d'en garantir l'application. S'agissant de ce texte, il a évoqué son application aux organisations privées qui emploient des soldats ou qui en fournissent à des États « clients ».

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a jugé indispensable que la communauté internationale se dote de normes, même s'il faut des années pour que ces normes soient reconnues et appliquées.

Mme Hélène Luc a souhaité qu'une information soit diffusée sur l'état d'application des nombreux instruments internationaux ratifiés par la France.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a considéré qu'il était indispensable que la communauté internationale s'accorde sur des principes fondamentaux. Elle a également souligné la nécessité de veiller, une fois les instruments internationaux adoptés, à leur application. Elle a estimé qu'une réflexion beaucoup plus poussée devrait être menée pour définir les moyens dont pourrait se doter la communauté internationale afin de faire appliquer les résolutions et les conventions qu'elle adopte.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, fait à New York le 25 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

- État du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

Dès 1977, le protocole I aux conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes des conflits armés internationaux prévoit dans son article 77 que les Etats prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités. La convention sur les droits de l'enfant de 1990 reprend, dans son article 38 paragraphe 2, cet âge minimal selon une formulation semblable.

Allant plus loin dans la construction d'un droit international humanitaire soucieux de la protection des enfants, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 considère pour la première fois le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement des enfants de moins de quinze ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités comme une violation grave des lois et coutumes applicables aux conflits armées internationaux et le classse parmi les crimes de guerre (article 8 paragraphe 2 sous e) vii).

La convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination reprend cette condamnation en disposant que le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés constitue une des pires formes de travail des enfants, le terme « enfant » s'appliquant -dans le cadre de cette convention- à toute personne de moins de dix-huit ans.

Toutefois, en raison du nombre croissant de jeunes enfants impliqués dans les conflits armés, il paraissait nécessaire, d'une part, de relever encore l'âge minimal fixé à leur participation, leur engagement volontaire et leur enrôlement obligatoire et, d'autre part, au-delà de la condamnation, d'inciter les Etats avec plus d'efficacité à prendre des mesures concrètes en ce domaine et à en rendre compte. Le protocole additionnel à la convention de 1990 relative aux droits de l'enfant permet cette avancée.

- Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi :

Néant.

* d'intérêt général :

La médiatisation excessive de l'emploi d'enfants soldats dans les guerres civiles en Afrique ou en Amérique latine a un impact négatif sur l'acceptation par les contribuables de l'aide au développement comme priorité budgétaire. L'interdiction de l'utilisation d'enfants dans les conflits armés représente une avancée conséquente du droit humanitaire et affaiblit la doctrine « néo-confucienne » de certains Etats du Tiers Monde qui affirment que les droits de l'homme doivent être adaptés aux conditions locales.

* d'incidence financière :

Néant.

* de simplification des formalités administratives :

La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 relative au statut général des militaires fixe à l'engagement volontaire dans les armées un ensemble de conditions, parmi lesquelles un âge minimal, fixé à dix-sept ans révolus, ou encore l'obtention du consentement parental. Dans la pratique, toutes ces conditions se traduisent par l'accomplissement de formalités administratives, obtention d'actes d'état civil ou encore signature par les parents du volontaire de documents écrits.

Le protocole ne s'attache pas à définir d'autres conditions à la participation aux hostilités que l'âge minimal et s'il prévoit que les Parties encadrent l'engagement volontaire d'un ensemble de garanties précisément déterminées dans le dispositif du protocole, celles-ci ne sont cependant pas différentes de celles que fixe la législation nationale. Aussi, la mise en oeuvre de ces dispositions n'entraîne pas de simplification des formalités administratives existantes.

* de complexité de l'ordonnancement juridique :

La législation française n'aura pas à être modifiée pour permettre la pleine application des dispositions de ce protocole dans la mesure où elle y est d'ores et déjà conforme.

En effet, avant même l'entrée en vigueur de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, seuls les hommes majeurs pouvaient être appelés. Depuis lors, ne sont plus concernés par la conscription que les hommes nés avant le 31 décembre 1978, donc âgés de plus de dix-huit ans. L'engagement volontaire pour une carrière dans les armées, régi notamment par l'article 88 de la loi du 13 juillet 1972 et le volontariat pour accomplir une année sous les drapeaux dans le cadre du service national réformé tel que prévu par les dispositions de la loi du 8 novembre 1997 (codifiées aux articles L. 121-1 et suivant du code du service national), ne posent pas davantage de problème de conformité avec les dispositions de l'article 3 du protocole.

Enfin, l'engagement souscrit par les élèves des écoles militaires, possible dès l'âge de seize ans, n'est pas en cause, les établissements scolaires étant exclus par l'article 3 alinéa 5 du champ d'application du protocole.

* 1 Voir rapport de M. Xavier Pintat en date du 25 octobre 2000 - document Sénat n°46 (2000-2001)

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 437 (2001-2002).

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page