CORSE
GIROD (Paul)
RAPPORT 76 (2001-2002) - Commission mixte paritaire
Rapport au format Acrobat ( 21 Ko )
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 novembre 2001.
le 15 novembre 2001.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à la Corse,
PAR M.
BRUNO LE ROUX, PAR M. PAUL GIROD,
Député. Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de
: M. Bernard Roman,
député,
président ;
M. Jacques
Larché, sénateur
, vice-président
;
M. Bruno Le Roux, député ;
M. Paul
Girod, sénateur,
rapporteurs.
Membres titulaires
: MM. René Dosière,
François Fillon, Pierre Albertini, Michel Vaxès, Noël
Mamère,
députés
; MM. Jean-Pierre Bel,
Robert Bret, Patrice Gélard, Lucien Lanier, Michel Mercier,
sénateurs.
Membres suppléants
: MM. Jean-Yves Caullet,
André Vallini, Mme Nicole Feidt, MM. Jérôme
Lambert, Bernard Derosier, Roland Francisci, Mme Nicole Ameline,
députés
; MM. José Balarello, Marcel
Debarge, Adrien Gouteyron, Daniel Hoeffel, Jacques Legendre, Georges Othily,
Jean-François Picheral,
sénateurs.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
: 1
re
lecture :
2931,
2995
et T.A.
673.
2
e
lecture :
3380
.
Sénat
: 1
re
lecture :
340
(2000-2001)
, 49
et T.A.
16
(2001-2002).
Collectivités territoriales.
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la Corse
s'est réunie le 15 novembre 2001 à l'Assemblée nationale.
Elle a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau
qui a été ainsi constitué :
-- M. Bernard Roman, député, président ;
-- M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.
La Commission a ensuite désigné M. Bruno Le Roux,
député, et M. Paul Girod, sénateur, respectivement
rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Paul Girod, rapporteur pour le Sénat,
a indiqué
que la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la Corse avait travaillé avec la volonté
d'aboutir à un texte qui soit conforme à la Constitution et utile
pour le développement et la paix publique sur l'île. Convenant que
l'Assemblée nationale avait amélioré le projet initial du
Gouvernement en atténuant certaines dispositions imprudentes sur le plan
constitutionnel, il a considéré, toutefois, que sa
conformité à la Constitution n'était toujours pas
assurée et qu'il subsistait certaines insuffisances, notamment en ce qui
concerne le soutien apporté aux entreprises corses. A cet égard,
il a relevé que le Gouvernement avait lui-même poursuivi sa
réflexion après l'examen du projet de loi à
l'Assemblée nationale, puisqu'il avait finalement accepté
d'ouvrir à la majeure partie des entreprises corses le
bénéfice d'un crédit d'impôt. Il a estimé,
néanmoins, que le champ des activités éligibles au taux
majoré était encore défini de façon trop
restrictive, ce qui explique que le Sénat ait souhaité
l'élargir, notamment en direction du secteur du bâtiment et des
travaux publics. Il a ensuite énuméré les trois questions
qui lui semblaient soulever les difficultés les plus importantes, citant
la procédure d'expérimentation législative, la disposition
relative à l'enseignement de la langue corse, bien que le
désaccord soit surtout formel, et les adaptations aux « lois
littoral et montagne », qui se conjuguent pour protéger
l'environnement de l'île mais également pour brider son
développement. Il a constaté que l'article premier constituait le
point d'achoppement le plus important et s'est demandé si cette
disposition était destinée à faire travailler
l'Assemblée de Corse ou si elle n'était qu'une mesure
d'affichage, considérant qu'elle était soit contraire à la
Constitution, soit inapplicable.
Reconnaissant que les travaux du Sénat avaient évité les
caricatures et semblaient inspirés par la volonté d'apporter des
solutions aux difficultés endémiques de l'île,
M. Bruno Le Roux
,
rapporteur pour l'Assemblée
nationale
, a cependant observé qu'ils ne faisaient pas
référence au relevé de conclusions du 20 juillet 2000,
issu du processus de discussion engagé par le Premier ministre avec les
élus insulaires, alors que l'Assemblée nationale s'était
efforcée de respecter cet accord, tout en assurant la conformité
à la Constitution du projet de loi. Il a ensuite confirmé que
l'article premier constituait le plus dur des nombreux points de
désaccord existant entre les deux assemblées et
précisé qu'il tenait à conserver la rédaction de
l'Assemblée nationale, sous réserve éventuellement d'une
modification secondaire tendant à accepter la transmission, par le
président du Conseil exécutif de Corse, des avis de la
collectivité territoriale sur les propositions de loi aux
présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Concernant l'enseignement de la langue corse, il a estimé que le Conseil
constitutionnel avait déjà précisé les limites
qu'imposait la Constitution. S'agissant de l'article 12, il a
estimé que le Sénat avait substitué au dispositif
prévu par l'Assemblée nationale un mécanisme complexe et
indiqué qu'il souhaitait également revenir au texte de
l'Assemblée, en lui apportant cependant des ajustements pour renforcer
les garanties de transparence et de protection. Sur le volet fiscal, il a admis
que des avancées avaient été apportées par le
Sénat avec l'accord du Gouvernement, mais a considéré que
certaines dispositions soulevaient des difficultés, évoquant
notamment l'exonération des droits de mutation des transmissions
à titre gratuit de certaines entreprises. Enfin, il a relevé des
positions très divergentes sur la question des offices. Il a conclu que,
malgré des objectifs communs pour l'avenir de la Corse, les deux
assemblées s'opposaient totalement sur les moyens de les atteindre,
seule la démarche de l'Assemblée nationale s'inscrivant
pleinement dans le processus engagé par le Premier ministre avec les
élus insulaires.
Constatant les nombreux points de désaccord mis en lumière par
les deux rapporteurs,
M. Bernard Roman, président
, a
exprimé la crainte qu'il ne soit nécessaire de constater
l'échec de la commission mixte paritaire, dès lors qu'aucun
accord ne pourrait être trouvé sur l'article premier, cette
disposition constituant un élément central du projet de loi.
Soulignant que les deux assemblées n'étaient pas en
désaccord sur toutes les dispositions du projet de loi et rappelant que
les membres de la commission mixte paritaire n'étaient pas, en tout
état de cause, tenus par les positions de l'Assemblée nationale
et du Sénat,
M. Paul Girod, rapporteur pour le Sénat
, a
estimé, pour sa part, que la commission devrait examiner les articles du
texte pour tenter de parvenir à un accord.
M. Jacques Larché, vice-président,
a d'abord estimé
que l'article premier, dans la rédaction de l'Assemblée
nationale, en dépit des améliorations apportées au texte
initial du Gouvernement, pouvait encourir des griefs
d'inconstitutionnalité et risquait, à ce titre, d'être
censuré par le Conseil constitutionnel. S'inscrivant en faux contre les
propos du professeur Guy Carcassonne, lors de son audition par la commission
spéciale du Sénat, il a observé que la pratique
institutionnelle actuelle retenait une conception formelle et non
matérielle de la loi. En conséquence, il a rappelé que la
loi ne pouvait être modifiée que par une autre loi et non par une
délibération de l'Assemblée de Corse. Il a, par ailleurs,
ajouté que le texte adopté par l'Assemblée nationale
risquerait de soulever des difficultés concrètes d'application,
les expérimentations auxquelles la collectivité territoriale de
Corse pourrait se livrer en matière législative n'étant
pas précisément définies et les conséquences d'un
échec de ces expérimentations, notamment au regard des droits
acquis, étant indéterminées. Il a insisté sur la
nécessité de ne pas donner de fausses illusions aux habitants de
la Corse. Après avoir fait valoir que le relevé de conclusions du
20 juillet 2000 ne saurait lier les délibérations du
Parlement, il a souligné que le Sénat avait apporté une
attention particulière aux dispositions intéressant le
développement économique de la Corse et, s'agissant de l'article
12, insisté sur l'intérêt d'un dispositif permettant
d'aménager le littoral sans porter atteinte à sa richesse, en
assouplissant les contraintes de construction dans les espaces proches du
rivage en contrepartie de dons de terrains au Conservatoire du littoral. Il a
donc jugé souhaitable qu'un compromis soit recherché entre les
positions des deux assemblées afin que la loi votée soit celle du
Parlement et non uniquement celle de l'Assemblée nationale, ce qui
permettrait d'adresser un message fort aux habitants de la Corse. Il a, enfin,
mis en garde contre le risque de susciter des illusions qui conduiraient au
désenchantement.
M. François Fillon
a invité le Gouvernement à
retirer le projet de loi relatif à la Corse de l'ordre du jour du
Parlement. Il a admis que le Sénat avait effectué un travail
utile et nécessaire pour améliorer ses principales dispositions
mais a considéré que la question centrale était
aujourd'hui de savoir si la paix publique, qui est nécessaire pour
envisager un tel changement statutaire, était aujourd'hui assurée
sur l'île. Il a jugé que tel n'était pas le cas, que la
méthode du Gouvernement avait échoué et que le retrait des
nationalistes rendait impossible la poursuite du processus engagé. Il a
d'ailleurs observé que le résultat le plus tangible de la
démarche du Gouvernement était que, dans les sondages d'opinion,
les Français semblaient aujourd'hui majoritairement favorables à
l'indépendance de la Corse. Il a donc souhaité que le Parlement
ne soit pas contraint d'adopter ce projet de loi à quelques mois
d'échéances électorales majeures et, dans cette
perspective, s'est déclaré défavorable à un examen
de ses articles par la commission mixte paritaire.
Puis, la commission a entrepris l'examen des dispositions du projet de loi
restant en discussion.
M. Bruno Le Roux, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a
indiqué que, sur l'
article premier
, les travaux de
l'Assemblée nationale
avaient eu pour objectif de donner une
traduction juridique au relevé de conclusions du 20 juillet 2000 qui
soit conforme à la Constitution, sous l'éclairage donné
par l'avis du Conseil d'Etat. Considérant, sur ce point, qu'elle avait
effectivement amélioré le texte initial, il a
déclaré qu'il ne saurait envisager la modification de ce
dispositif.
Rappelant que l'article premier du projet de loi comportait trois volets
puisqu'il vise à améliorer le dispositif prévu par
l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité
territoriale de Corse, tend à autoriser des expérimentations dans
le domaine législatif et doit permettre à la collectivité
territoriale de procéder à une adaptation de normes
réglementaires nationales, M. Paul Girod, rapporteur pour le
Sénat, a indiqué qu'il souhaitait la suppression du paragraphe
relatif aux expérimentations législatives et proposait, pour le
paragraphe portant sur le pouvoir réglementaire
« propre » de la collectivité territoriale, la
rédaction suivante : «
dans les cas
expressément prévus par le présent chapitre,
l'Assemblée de Corse est habilitée à fixer, dans le
respect des lois et règlements, les règles nécessaires
à la mise en oeuvre de ses attributions
. » Il a
ajouté que cette formulation, qui permettait d'affirmer un pouvoir
réglementaire « résiduel », était
conforme aux exigences constitutionnelles.
M. Bruno Le Roux, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a
estimé que le paragraphe II, portant sur le pouvoir réglementaire
de la collectivité territoriale, était indissociable du
paragraphe IV, relatif aux expérimentations en matière
législative, ajoutant qu'il souhaitait donc que ces deux paragraphes
soient adoptés sans changement, dans la rédaction de
l'Assemblée nationale.
En réponse aux interrogations de M. Jacques Larché,
vice-président, sur la procédure qu'il entendait suivre,
M. Bernard Roman, président, a proposé de mettre
successivement aux voix, conformément aux propositions des deux
rapporteurs, l'article premier dans la rédaction de l'Assemblée
nationale, puis dans la rédaction du Sénat modifiée par la
proposition formulée par son rapporteur.
La commission ayant successivement rejeté les deux rédactions
alternatives proposées pour l'article premier, M. Bernard Roman,
président, a estimé que la commission mixte paritaire ne pouvait
parvenir à l'adoption d'un texte commun.
Considérant que ces votes devaient être interprétés
comme une volonté de la commission mixte paritaire de supprimer
l'article premier, M. Jacques Larché, vice-président, a
souhaité que celle-ci poursuive l'examen des autres articles du projet
de loi. Il a, en outre, considéré que le rejet des deux
rédactions proposées pour l'article premier n'excluait pas
nécessairement la possibilité d'un accord sur un dispositif
alternatif.
Rappelant que l'article premier, dans la rédaction qu'elle avait
adoptée, représentait pour l'Assemblée nationale un
élément essentiel du projet de loi, qu'elle n'entendait pas
modifier, M. Bruno Le Roux, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
a estimé, au contraire, que son rejet marquait l'impossibilité
pour la commission mixte paritaire de parvenir à un accord.
M. Paul Girod, rapporteur pour le Sénat, et M. Patrice
Gélard ont proposé que la commission se prononce sur l'article
premier dans la rédaction initialement adoptée par le
Sénat.
Soulignant que, pour aboutir, la commission devait parvenir à l'adoption
d'un texte commun et observant qu'elle avait successivement rejeté les
propositions de rédaction des deux rapporteurs, M. Bernard Roman,
président, a constaté l'échec de la commission mixte
paritaire.
Après que MM. Jacques Larché, vice-président, Paul
Girod, rapporteur, et Patrice Gélard eurent réitéré
leur désaccord avec la procédure suivie, M. Bernard Roman,
président, a indiqué que, s'il y avait une contestation sur la
manière dont les travaux de la commission mixte paritaire
s'étaient déroulés, il appartiendrait, le cas
échéant, au Conseil constitutionnel de se prononcer.