N° 60
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2001 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Alain VASSELLE,
Sénateur.
Tome IV : Examen des articles et Tome V : Tableau comparatif |
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3307 , 3319, 3345 et T.A. 717
Sénat : 53 et 61 (2001-2002)
Sécurité sociale. |
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
ORIENTATIONS ET OBJECTIFS DE LA
POLITIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
Article premier
Approbation du
rapport annexé
Objet : Cet article porte approbation du rapport qui lui est annexé énonçant « les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les condition générales de l'équilibre financier ».
I - Le dispositif proposé
L'an dernier 1 ( * ) , M. Charles Descours, rapporteur, avait consacré un long développement à l'exercice du rapport annexé approuvé et amendé par le Parlement. Faisant suite à ses travaux de juin 1999 2 ( * ) , il avait souligné combien cet exercice laissait dubitatif et avait rappelé les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000.
De fait, le présent rapport se présente comme une sorte d'exposé des motifs du projet de loi sans que les liens entre le premier et le second soient renforcés, comme le préconisait la Cour, ni que les « objectifs généraux » soient explicitement distingués des « engagements précis ».
Comme les années précédentes, cet article a été réservé, lors du débat à l'Assemblée nationale, pour un examen in fine provoquant un rappel au règlement non moins traditionnel de M. Jean-Luc Préel soulignant qu'il « serait plus logique de commencer par discuter des objectifs et des priorités nationales, avant de définir leur mode de financement ».
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté 11 amendements au rapport annexé au présent article premier dont la tonalité est apparue à votre rapporteur légèrement irrévérencieuse à l'égard du Gouvernement qui néanmoins s'y est montré favorable.
Ce rapport étant dépourvu de valeur normative, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, l'irrévérence surtout lorsqu'elle est légère ne prête pas à conséquence et confirme que l'article premier a pour vocation de servir d'exécutoire aux humeurs parlementaires.
Le premier amendement, déposé au nom de la commission par le rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, est de précision et rappelle, selon son exposé sommaire, que « l'excédent de la sécurité sociale depuis 1999 a été calculé en encaissement/décaissement, sans tenir compte de l'annulation de la créance du FOREC ».
De fait, en droit constaté, le régime général n'est pas redevenu excédentaire depuis 1999 puisque le résultat de l'exercice 2000 affiche précisément un déficit de 17,2 milliards de francs.
De surcroît, si l'on prend en compte les mesures du projet de loi et les modifications apportées par l'Assemblée nationale, le résultat cumulé des exercices 1999-2002 fait apparaître un très fragile équilibre qui dément totalement la référence du présent rapport annexé à « la robustesse du redressement des comptes sociaux ».
Le second amendement, du même auteur, dispose qu'« en matière de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement étudiera la possibilité de simplifier les mécanismes d'affectation de recettes et les transferts financiers ».
Votre commission partage pleinement cette préoccupation et s'emploie depuis trois ans à amender dans ce sens les projets de loi de financement.
L'amendement considère que cette simplification passe par l'approfondissement des « voies de la consolidation de la réforme de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale ».
Cet amendement a trouvé un moment son pendant dans le dispositif normatif du projet de loi sous la forme d'un article 6 bis, créant une « contribution assise sur la valeur ajoutée des entreprises » qui n'a malheureusement pas survécu à une seconde délibération 3 ( * ) .
Il se fait l'écho également des précédents rapports annexés. Le souhait d'une telle réforme figure en effet dans les rapports d'octobre 1997 ( loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ), d'octobre 1998 ( loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ) et d'octobre 1999 ( loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ). Curieusement, le rapport d'octobre 2000 ( loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ) était silencieux sur ce point. La continuité, grâce au rapporteur de l'Assemblée nationale, a été rétablie et la réforme de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale peut ainsi s'inscrire dans la série des réformes auxquelles le Gouvernement a beaucoup pensé pendant la présente législature.
Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le terme « consolidation » utilisé dans l'amendement précité car il ne peut croire que l'auteur ait pu considéré que le fonds de réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) alimenté par le produit de tous les comportements nocifs de nos concitoyens (tabac, alcool, pollution) relève de l'amorce de l'esquisse d'une telle réforme.
Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a, semble-t-il, elle-même renoncé à prétendre qu'une telle réforme était sous-jacente aux modalités de financement des trente-cinq heures. Il ne lui a pas semblé « absurde » en effet « de financer le FOREC par le produit de taxes destinées à décourager des pratiques nocives pour la santé » 4 ( * ) .
Précisément, les trois amendements suivants, défendus conjointement par le rapporteur et M. Jean-Luc Préel, traitent du tabac. Les deux premiers, identiques, disposent : « la mortalité prématurée évidente due notamment au tabac et à l'alcool deviendra enfin (c'est votre rapporteur qui souligne ce constat d'échec d'une législature) une priorité nationale ».
Le troisième, cosigné, appelle à « une action efficace de prévention et de lutte contre le tabagisme » et au soutien de « ceux qui souhaitent arrêter de fumer ».
Votre rapporteur partage totalement l'inspiration de cet amendement mais souligne combien il aurait dû être gagé tant il menace de tarir les ressources du FOREC et compromettre le financement des trente-cinq heurs.
Cinq autres amendements présentés également alternativement ou conjointement par le rapporteur et M. Jean-Luc Préel, souhaitent attirer l'attention sur les difficultés rencontrées dans l'organisation des urgences, sur la nécessité d'améliorer le nombre et le niveau des bourses d'étudiants infirmiers, sur le non moins nécessaire développement de la tarification à la pathologie. Sur ce dernier point, l'amendement souligne, ce faisant, implicitement l'inaction du Gouvernement alors que l'article 55 de la loi du 27 juillet 1999 lui a enjoint d'avancer dans cette voie. Il n'est pas certain que ce rappel au moment où il intervient et dans le cadre du présent rapport soit d'un effet drastique.
Enfin, le dernier amendement du rapporteur pour les recettes et l'équilibre général a pour objet, selon son exposé sommaire, de « réaffirmer que la nécessaire modernisation de la comptabilité des organismes de sécurité est en bonne voie ». Dont acte.
Mais encore faut-il rappeler que le chantier a été ouvert en 1994 par la constitution d'un groupe de travail et qu'un décret du 23 mai 1996 a officialisé la comptabilisation en droit constaté dans les organismes du régime général. Trois décrets du 18 mars 1997 ont fait de même pour les autres régimes.
Ce chantier allait de pair avec la mise en place des lois de financement de la sécurité sociale qui devait permettre à la représentation nationale de débattre dans la transparence des enjeux financiers de la protection sociale. C'est ce second volet que la politique du Gouvernement a durablement compromis.
III - La position de votre commission
L'an dernier, votre commission avait proposé d'annexer à l'article premier un bref rappel des grandes orientations qui, selon elle, devraient régir l'évolution de notre protection sociale, dans le domaine de la santé, de la famille et de la vieillesse, mais également des principes qui devraient présider tant à la répartition harmonieuse des responsabilités entre les différents acteurs de notre système de sécurité sociale qu'à la clarification de son financement.
Elle vous propose, cette année, une démarche identique, observant que l'essentiel des orientations qu'elle avait tracées trouve dans les errements du présent projet de loi des justifications supplémentaires.
Rapport sur les orientations de la politique de
santé et de sécurité sociale et les objectifs qui
déterminent les conditions générales
de
l'équilibre financier
« Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » 5 ( * ) .
Pour satisfaire cette prescription organique, le rapport annexé à l'article premier des lois de financement ne saurait se réduire à un rappel des actions passées, ni à un exposé des motifs des différentes mesures inscrites dans le projet de loi, ni même à une suite de déclarations d'intention.
La présente loi de financement est la sixième que le Parlement examine ; force est de constater que les limites de l'exercice ont été atteintes voire dépassées tant a été systématiquement affaibli et détourné cet instrument qui aurait dû constituer un progrès essentiel de la démocratie.
• Retrouver l'ambition initiale des lois de financement
A l'issue d'une période de croissance exceptionnelle, la situation des comptes sociaux apparaît paradoxalement d'une extrême fragilité.
L'exercice 2002 affiche un excédent prévisionnel de nature symbolique au regard de l'importance du budget social et, de surcroît, grevé d'une grande incertitude compte tenu des hypothèses particulièrement volontaristes qui ont été retenues tant pour la croissance économique que pour l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Davantage, la sécurité sociale aborde les difficultés qui viennent sans aucune réserve financière et sans avoir ne serait-ce qu'amorcé les réformes indispensables pour affronter les échéances lourdes qui s'annoncent, liées notamment au vieillissement de notre population.
Enfin, en dépit de la part croissante des prélèvements obligatoires qu'ils ont consacrée aux dépenses sociales, les Français n'ont pas le sentiment d'être mieux soignés, mieux protéges et de pouvoir regarder vers l'avenir avec sérénité.
Cet échec tient pour beaucoup au détournement dont ont été l'objet les lois de financement de la sécurité sociale.
Dès qu'est apparue la perspective fragile d'un redressement des comptes sociaux, ces lois ont été en effet transformées en instrument de financement d'une politique de l'emploi aventureuse, les trente-cinq heures.
Dès lors, ces lois n'ont-elles guère dépassé le stade initial de la mise en oeuvre d'un nouveau plan de sauvetage de la sécurité sociale et n'ont pu jouer leur véritable rôle : celui de permettre un débat annuel sur les priorités de la protection sociale, et sur les moyens financiers que la collectivité est prête à lui consacrer, faire apparaître clairement aux yeux des Français la raison d'être de l'effort qu'ils consentent et le bénéfice qu'ils sont en droit d'attendre.
La législature qui s'achève porte ainsi une lourde responsabilité.
C'est pourtant cette ambition initiale que doivent retrouver les lois de financement de la sécurité sociale. Elles constituent un acquis essentiel pour garantir, dans la transparence et dans le cadre d'un débat démocratique, l'avenir de notre système de protection sociale.
• Débattre des priorités de santé publique
A l'évidence, les orientations de la politique de santé ne sauraient être cantonnées à un cadre annuel. Les travaux du Haut comité de santé publique et de la Conférence nationale de santé en témoignent clairement. Cette constatation de bon sens ne doit pas conduire à s'abstenir de tout débat au motif que les lois de financement de la sécurité sociale s'inscrivent dans un cadre annuel.
Il est au contraire nécessaire de mettre ces lois en perspective grâce à un cadre qui dépasse les aspects purement comptables : celui d'une loi d'orientation pluriannuelle qui définirait les axes d'une véritable politique de santé publique et qui, au-delà de la seule politique de soins, aborderait résolument les voies et moyens d'une politique d'éducation et de prévention.
Il reviendrait alors chaque année à la loi de financement, à travers l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), de traduire, dans son domaine, les priorités ainsi arrêtées.
Une telle démarche apparaît préférable à celle consistant, d'une part, à prévoir chaque année au Parlement un débat sur la santé, qui risque fort d'être décevant car répétitif et dépourvu d'enjeu et de traduction concrète et, d'autre part, à évoquer, de manière vague, le caractère pluriannuel qui pourrait être conféré à l'ONDAM.
Quelle que soit la solution qui pourrait être retenue, il importe que l'ONDAM puisse réellement remplir sa fonction.
Constitué à l'origine sous la forme nécessairement d'un agrégat comptable, il est resté, cinq ans plus tard, le même agrégat comptable, qui a dérivé, que le Gouvernement a « rebasé » et auquel il a appliqué mécaniquement des pourcentages de progression.
Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des malades, les progrès de la médecine et a fortiori les priorités de l'action publique, l'ONDAM et sa progression arbitraire constituent aujourd'hui un arbitrage comptable inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.
Aussi n'est-il pas étonnant que la maîtrise des dépenses de santé reste inefficace tout en entraînant, faute d'orientations et de priorités clairement affichées, la confusion des responsabilités entre l'Etat et l'assurance maladie et une rupture durable avec les professionnels de santé.
Il apparaît donc indispensable de renouer le dialogue avec les professionnels de santé et de refonder notre système conventionnel. Les rôles de chacun des acteurs - Etat, caisses de sécurité sociale et professionnels de santé - doivent être désormais clairement définis.
Mais il semble illusoire de prétendre conduire durablement une telle démarche dans un contexte marqué par la multiplication des ponctions sur les recettes de l'assurance maladie dont témoigne le présent projet de loi de financement qui aggrave dans des proportions considérables des déficits déjà insupportables.
• Clarifier les circuits financiers
A la différence du budget de l'Etat, le budget social est le domaine par excellence des affectations de recettes. Elles sont le corollaire de l'existence de caisses ou de branches qui trouvent elle-même leur fondement dans le principe originel de l'assurance.
Or la période récente se caractérise par la mise en place de mécanismes de transferts de charges et de ressources, entre le budget de l'Etat et le budget social et au sein même du budget social, qui conduisent à une confusion extrême que rien ne justifie.
Il revient certes au Parlement de faire apparaître, grâce à un travail de décryptage long et fastidieux, la réalité économique de ces transferts qui, au demeurant, est simple et répétitive : ponctionner la sécurité sociale pour financer la coûteuse politique des trente-cinq heures.
Les lois de financement, qui devaient, chaque année, permettre un débat lucide sur les comptes sociaux, ont été ainsi utilisés pour mettre en place des circuits financiers opaques, chaque année modifiés et masquant des transferts illégitimes.
Aussi, définir les « orientations de la politique de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier » conduit à devoir réaffirmer les principes nécessaires pour :
- redonner une signification aux résultats des différentes branches de la sécurité sociale car ce résultat est un bon indicateur des efforts consentis, les marges de manoeuvre disponibles et des réformes à entreprendre. Aujourd'hui, les ajustements annuels, voire infra-annuels, dans l'affectation des recettes et dans la prise en charge des dépenses, de même que la confusion entre les déficits et les excédents autorisent toutes les dérives et toutes les confusions ;
- clarifier les financements de sorte que le contribuable puisse connaître la destination des prélèvements dont il s'acquitte . Aujourd'hui, la plupart des impôts affectés, souvent « exceptionnels » à l'origine, ont été pérennisés, puis éclatés entre les différentes branches et leurs clefs de répartition manipulées tous les ans ;
- rétablir une cohérence durable de ces financements entre assurance et solidarité et dans l'adossement des ressources et des dépenses. Aujourd'hui, à titre d'exemple, l'assurance maladie supporte les dépenses liées à l'alcoolisme et au tabagisme, mais les droits sur les tabacs et les alcools financent pour l'essentiel la réduction du temps de travail.
C'est à ce prix que les comptes sociaux pourront être équilibrés durablement et que pourront apparaître clairement les enjeux de la protection sociale : nécessité d'une meilleure maîtrise des dépenses de santé, réformes indispensables pour garantir l'avenir des retraites, impératif d'une politique familiale ambitieuse.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi substantiellement amendé.
* 1 Rapport n° 67 (2000-2001) Tome IV.
* 2 Rapport n° 433 (1998-1999), les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible.
* 3 Il a été immédiatement remplacé par un nouvel article 6 bis qui était l'ancien article 6 ter.
* 4 Débats Assemblée nationale- 1 ère séance du 25 octobre 2001. CRA, p. 16.
* 5 Article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.