II. LES PISTES PERDUES DE LA RÉFORME : DE LA CONCERTATION À LA CONCERTATION

Annoncée en 1997-1998, la réforme des retraites n'a finalement pas eu lieu. La méthode « diagnostic, dialogue, décision » a connu ici un échec cuisant.

Après avoir annoncé, à l'automne 1999, des « décisions » du Premier ministre 24 ( * ) , et parce que ces « décisions » se sont transformées en « orientations », il a fallu se résoudre à créer une commission 25 ( * ) , le conseil d'orientation des retraites.

Dès lors, le discours tourne en boucle : la concertation des années 2000-2001 succède à la concertation des années 1998-1999.

De 1998 à 2001 : de la concertation à la concertation

Mme Martine Aubry, JO Débats Sénat, 12 novembre 1998 :

« La méthode que j'ai évoquée et qui consiste à instaurer une concertation avant de prendre une décision reste valable s'agissant de la politique des retraites. Ainsi, comme vous le savez, le Premier ministre a confié une mission de concertation au Commissariat général du Plan, lequel a déjà dressé un bilan, ce qui était nécessaire pour que soit prise en compte la réalité du régime général et des régimes spéciaux, à savoir le montant des retraites, celui des contributions que chacun avait pu apporter, mais aussi le niveau des salaires (...) Le diagnostic fait actuellement l'objet d'une concertation approfondie avec les partenaires concernés. J'espère que nous aboutirons au plus large consensus possible et que nous pourrons, à partir du mois de février et sur la base des scénarios proposés par le Commissariat général du Plan, lancer un véritable débat public » .

Mme Elisabeth Guigou, JO Débats Assemblée nationale, 23 octobre 2001 :

« Nous avons installé en mai 2000 le conseil d'orientation des retraites. Présidé par Mme Yannick Moreau et composé de parlementaires, de partenaires sociaux, de personnalités qualifiées, de représentants de l'administration, il doit organiser dans la durée la concertation sur l'avenir des retraites (...) »

A. LE CONSEIL D'ORIENTATION DES RETRAITES : UN CONSENSUS SUR LA QUALITÉ DES TRAVAUX RÉALISÉS

Chacun s'accorde sur la qualité des travaux réalisés sur le Conseil d'orientation des retraites. Il convient de rappeler toutefois que le MEDEF n'a pas souhaité désigner de représentants . La réduction des divergences qu'évoque volontiers la présidente du COR est naturellement plus facile à observer dès lors qu'un partenaire, et non des moindres, est absent.

1. Les missions et les réunions du Conseil d'orientation des retraites

Suivant une proposition de l'avis de M. René Teulade, le Premier ministre a annoncé le 21 mars 2000 la création du « conseil d'orientation des retraites ».

Mission du Conseil d'orientation des retraites
(article 2 du décret du 10 mai 2000)

Le Conseil d'orientation des retraites a pour missions :

1° de décrire la situation financière actuelle et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ;

2° d'apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

3° de veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes et le respect de l'équité, tant entre les retraités qu'entre les différentes générations.

Le conseil peut formuler toutes recommandations ou propositions de réformes qui lui paraissent de nature à répondre aux objectifs précédemment définis. Il remet au Premier ministre, au moins tous les deux ans, un rapport d'ensemble analysant la situation des régimes de retraite et proposant les mesures jugées nécessaires pour assurer leur équilibre à long terme. Ce rapport est communiqué au Parlement et rendu public.

A l'issue de la première réunion du COR en septembre 2000, qui a examiné les conclusions des rapports Charpin (Commissariat général du Plan) et Teulade (Conseil économique et social) sur l'avenir des retraites en France, trois groupes de travail ont été constitués :

- âge et travail ;

- diversité et inégalités de situation vis à vis de la retraite ;

- prospective générale et perspectives financières.

Par ailleurs, le rythme des réunions plénières a eu tendance à s'accélérer, compte tenu de la rédaction du fameux « premier rapport », qui serait présenté en décembre 2001... après le débat sur le présent projet de loi.

Réunions plénières du Conseil d'orientation des retraites

6 novembre 2001

Projet de plan de la troisième partie
Fin de l'examen de la deuxième partie

16 octobre 2001

Examen de la deuxième partie

3 octobre 2001

Plan détaillé des deux premières parties
Examen de la fin de la première partie (chapitres III à VI)

19 septembre 2001

Préparation du rapport première partie chapitres I et II

4 septembre 2001

Taux de remplacement
Projet de plan des parties I et II du rapport
Le Fonds de réserve pour les retraites : création de l'établissement public et projection des ressources

4 juillet 2001

Projections financières - politiques et mesures de rééquilibrage des systèmes de retraite

5 juin 2001

Projections financières pour les régimes de retraite

5 avril 2001

Colloque « Age et travail »

2 mai 2001

Prospective générale et perspectives financières

7 novembre 2000

Diversité et inégalités de situation vis-à-vis de la retraite

27 septembre 2000

Le Fonds de réserve des retraites

5 septembre 2000

Bilan critique des travaux sur les régimes de retraite et diagnostic sur la situation des régimes

Il reste que la bibliothèque fournie des contributions sur l'avenir des retraites s'enrichira, dès fin 2001, d'un nouveau rapport.

2. La confirmation du diagnostic posé par le rapport Charpin

Le Conseil d'orientation des retraites a fait connaître, le 17 mai dernier, de nouvelles projections qui confirment largement le constat établi par le rapport Charpin, et infirment par là même l'optimisme de l'avis de M. Teulade, qui reposait sur une grossière erreur méthodologique : l'absence de prise en compte de « l'effet de noria » 26 ( * ) .

Si le déficit du régime général est moins élevé que prévu, ceux des régimes de la fonction publique et des régimes spéciaux se situent à un niveau nettement supérieur.

Les nouvelles projections de besoins annuels de financement

(en millions de francs)

2005

2010

2015

2020

2040

Prévision Charpin

CNAV

25.782

6.477

- 32.052

- 71.657

- 252.760

- 379.600

Salariés agricoles

- 12.951

- 14.066

- 15.206

- 16.621

- 19.416

- 22.008

Agirc

4.805

6.627

- 5.008

- 12.514

- 26.949

- 20.989

Arrco

31.725

35.549

14.311

- 7.010

- 93.454

- 25.916

Ircantec

1.574

329

- 1.500

- 3.782

- 13.202

- 12.664

Fonction publique Etat

- 23.251

- 61.997

- 99.903

- 132.424

- 241.134

- 254.785

CNRACL

14.168

- 2.517

- 24.608

- 48.754

- 137.138

- 110.269

SNCF

- 17.295

- 17.686

- 18.715

- 17.879

- 19.700

- 24.348

Cancava

- 5.216

- 6.320

- 7.373

- 8.084

- 11.980

- 12.973

CNAVPL

3.303

3.063

1.988

923

1.586

1.140

Exploitants agricoles

- 41.908

- 38.177

- 34.039

- 30.396

- 21.976

- 24.820

Autres régimes

- 42.859

- 47.132

- 52.809

- 58.617

- 58.566

-

Source : Conseil d'orientation des retraites.

Le déficit de la seule CNAVTS, pour la seule année 2020, est ainsi de 71,6 milliards de francs. Toujours pour la seule année 2020, le déficit des régimes de base s'élève à plus de 380 milliards de francs, soit plus du tiers des encours annoncés du Fonds de réserve (les fameux « 1.000 milliards de francs »).

* 24 « Le Premier ministre l'a dit, il annoncera un certain nombre de décisions, en début d'année, après le rapport... (...) Nous agirons sur les retraites avec détermination, sans précipitation, mais sans temporiser non plus, car il faut effectivement prendre des mesures», Martine Aubry, JO Débats Sénat, 16 novembre 1999.

* 25 Votre rapporteur n'aura pas la cruauté de rappeler le mot célèbre de Clemenceau.

* 26 cf. rapport de M. Alain Vasselle sur le PLFSS 2001.

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