B. COMPLÉTER LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX ENFANTS ADULTÉRINS PAR UN ALIGNEMENT DU STATUT SUCCESSORAL DES ENFANTS NATURELS SUR CELUI DES ENFANTS LÉGITIMES
Le statut successoral des enfants adultérins a fait l'objet de débats très vifs dans les années passées, au point que les dispositions abrogatives figurant dans le projet de loi déposé par M. Michel Sapin en 1991 n'avaient pas été reprises dans celui déposé en 1995 par M. Pierre Méhaignerie. Il semble cependant que la question soit devenue plus consensuelle, beaucoup s'accordant désormais à reconnaître qu'il ne convient pas de faire supporter aux enfants la sanction de l'atteinte au devoir de fidélité dans le mariage prescrit par l'article 212 du code civil et chacun, quelle que soit son opinion, se résignant à voir le droit français tirer les conséquences de la décision de la Cour de Strasbourg.
Votre commission approuve donc la suppression totale de la notion d'enfant adultérin dans le code civil. La lettre de la décision du 1 er février 2000 aurait certes pu conduire à ne supprimer que les discriminations entre enfants et à laisser perdurer les dispositions protégeant spécifiquement le conjoint en l'absence de descendants légitimes. Mais il apparaît qu'est ici en jeu, autant que l'égalité entre enfants issus de lits différents dans le partage de la succession, l'identité des droits attachés au lien même de filiation . Il est donc préférable de ne plus prévoir aucune disposition particulière à l'encontre des enfants adultérins.
Dans cette optique, il est possible d'aller plus loin en rétablissant, comme le propose M. Nicolas About, l'égalité successorale des enfants naturels par rapport aux enfants légitimes.
Votre commission vous proposera ainsi d' étendre à l'ensemble des enfants non issus du mariage l'action en retranchement prévue à l'article 1527 du code civil et actuellement ouverte, du fait de l'interprétation littérale de l'article donné par la Cour de cassation, aux seuls enfants légitimes issus d'un « précédent mariage ». Tous les enfants d'un autre lit pourront ainsi faire jouer cette clause de manière à ce que les avantages matrimoniaux accordés par un époux à son conjoint soient considérés comme des libéralités devant s'imputer sur la quotité spéciale disponible entre époux ( article additionnel après l'article 9 ).
En pratique, cette modification de l'article 1527 du code civil profiterait également aux époux souhaitant modifier leur régime matrimonial. Les juges ont en effet aujourd'hui tendance à refuser d'homologuer tout changement de régime en présence d'enfants naturels en considération du fait que l'action en retranchement ne peut pas jouer au bénéfice de ces derniers.
Pour mettre fin à l'incertitude actuelle résultant des décisions de certains tribunaux de première instance ayant écarté l'application d'articles du code civil relatif aux enfants adultérins, votre commission vous proposera enfin de prévoir que les nouveaux droits reconnus par la loi s'appliqueront à l'ensemble des successions ouvertes avant l'entrée en vigueur de la loi sous réserve qu'elles n'aient pas fait l'objet d'accord amiable ou de décision de justice passée en force de chose jugée ( art. 10, II, 1 °).