L'ORGANISATION ACTUELLE DE LA CARRIÈRE DES MAGISTRATS DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES SE CARACTÉRISE PAR UNE SITUATION DE BLOCAGE DE L'AVANCEMENT

Le corps des magistrats des chambres régionales des comptes a été essentiellement constitué au moyen de recrutements exceptionnels

Le code des juridictions financières dispose que les membres des chambres régionales des comptes constituent un corps de magistrats inamovibles 3 ( * ) . Ils ne peuvent recevoir d'affectation nouvelle sans leur consentement, même en avancement.

Lors de leur nomination à leur premier emploi dans une chambre régionale, ils doivent prêter serment de remplir bien et fidèlement leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et de se comporter en tout comme de dignes et loyaux magistrats.

Les chambres régionales des comptes peuvent comporter une ou plusieurs sections. Leur nombre est fixé par voie réglementaire. Pour chaque chambre, un arrêté du ministre chargé des finances fixe l'effectif des magistrats qui la composent et le nombre des commissaires du Gouvernement, qui sont choisis parmi les magistrats de la chambre.

La structure du corps

La structure du corps des magistrats des chambres régionales des comptes comporte, par ordre hiérarchique croissant, quatre grades : conseiller de deuxième classe, conseiller de première classe, conseiller hors classe et président de section. Ces grades sont respectivement divisés en sept, six, six et quatre échelons.

L'article 12 de la loi n° 82-595 du 10 juillet 1982, relative aux présidents de chambre régionale des comptes et au statut des membres des chambres régionales des comptes, a posé le principe du recrutement des conseillers de deuxième classe par la voie de l' Ecole nationale d'administration .

Les nominations dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes sont prononcées par décret du Président de la République. Les nominations aux différents grades de ce corps, ainsi que les mutations, sont prononcées par décret 4 ( * ) .

Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes établit le tableau d'avancement de grade (commun à tous les membres du corps pour chaque grade) et la liste d'aptitude aux fonctions de président de chambre régionale. Il donne un avis sur toute mutation de magistrat.

Pour pouvoir bénéficier de l'inscription au tableau d'avancement, il faut justifier au minimum de quatre ans de services (sixième échelon du grade de conseiller de deuxième classe) pour l'accès au grade de conseiller de première classe ; de six ans de services (deuxième échelon du grade de conseiller de première classe) pour l'accès au grade de conseiller hors classe ; de douze ans de services (quatrième échelon du grade de conseiller hors classe) pour l'accès au grade de président de section.

Un accès au corps par le biais du tour extérieur a également été prévu, à raison d'un conseiller pour cinq nominations au grade de conseiller de première classe et d'un conseiller pour six nominations à la hors classe.

Les présidents de chambre régionale

La fonction de président de chambre régionale des comptes a été dotée d'un statut spécifique.

En application de la loi du 10 juillet 1982 précitée, les présidents de chambre régionale sont nommés sur proposition du Premier président de la Cour des comptes par décret du Président de la République, soit parmi les magistrats appartenant déjà à la Cour des comptes au moment de leur candidature, soit parmi les présidents de section et conseillers hors classe des chambres régionales âgés de 45 ans au moins et justifiant d'un minimum de quinze années de services publics. Les magistrats issus du corps des chambres régionales sont alors nommés simultanément conseillers référendaires de première classe à la Cour des comptes.

Les présidents de chambre régionale sont donc membres de la Cour des comptes et ont la possibilité de participer à ses travaux parallèlement à leurs responsabilités de chef de juridiction.

La composition du corps

Les dix premiers magistrats issus de l'E.N.A. (promotion 1983), voie normale du recrutement des conseillers des chambres régionales des comptes, ont été nommés et affectés au mois de juin 1983 .

La même année, ce premier mouvement d'affectation était " complété " par un recrutement exceptionnel de 177 magistrats.

Les chambres régionales ont ensuite vu leurs moyens matériels et leurs effectifs en magistrats, assistants de vérification et personnels administratifs progressivement renforcés au cours des années 1984, 1985 et 1986.

Cependant, deux nouveaux recrutements exceptionnels de 117 et 45 magistrats ont été organisés en 1986 et 1991 , afin d'étoffer les effectifs du corps et de permettre aux chambres régionales de remplir leurs missions.

Ainsi, le corps des magistrats des chambres régionales des comptes a été très largement constitué par des procédures de recrutement exceptionnel, dictées par la nécessité de donner rapidement une consistance à ces nouvelles juridictions.


Répartition dans le corps des magistrats de
chambres régionales des comptes depuis 1983
(1)
Répartition par origine administrative

En nombre

En pourcentage

ENA (recrutement direct)

82

21,4 %

Finances

155

40,5 %

Intérieur

18

4,7 %

Défense

20

5,2 %

Officiers loi 70-2

12

3,1 %

Education nationale

19

5,0 %

Affaires sociales

22

5,7 %

PTT

8

2,1 %

Agriculture

4

1,0 %

Equipement

3

0,8 %

Premier ministre

2

0,5 %

Collectivités locales

26

6,8 %

Divers

12

3,1 %

TOTAL

383

100 %

(1) hors recrutement par la voie du tour extérieur.
Source : Cour des comptes

Au total, le personnel des chambres régionales et territoriales des comptes était constitué, au 31 décembre 2000, de 1 124 personnes, dont 309 magistrats (314 au 1 er avril 2001), 9 rapporteurs à temps plein, 331 assistants de vérification et 475 agents administratifs et techniques, auxquels il convient d'ajouter les 26 présidents de chambres qui sont membres de la Cour des comptes.

86 autres magistrats (91 au 1 er avril 2001), soit 22 % du corps , n'étaient pas en fonctions dans les chambres régionales : 70 étaient détachés dans une administration ou un organisme public, 9 étaient mis à disposition d'une administration, 6 placés en disponibilité et 1 était hors cadre.

25 % d'entre eux étaient affectés dans une administration centrale, 14 % étaient sous-préfets, 9 % travaillaient dans des tribunaux administratifs, 9 % dans des établissements publics, 5 % dans des collectivités locales, pour ne citer que les chiffres les plus significatifs.

Position des magistrats des chambres régionales des comptes

CRC

Détachés

Mise à disposition

Disponib-lité

Hors cadre

Total
hors CRC

Total

PS

38

2

0

0

0

2

40

HCL

195

57

6

3

1

67

262

1CL

36

14

2

3

0

19

55

2CL

45

1

2

0

0

3

48

314

74

10

6

1

91

405

Source : Cour des comptes - 2 avril 2001.

Le statut des magistrats des chambres régionales des comptes apparaît aujourd'hui inadapté

Le blocage de l'avancement

L'effectif budgétaire des magistrats est resté stable depuis de nombreuses années, passant de 343 en 1990 à 349 en 2001.

Les concours exceptionnels opérés pour la constitution initiale du corps et les nominations au tour extérieur, plus nombreuses dans les grades d'avancement, conjugués à l'insuffisance des recrutements issus de l'Ecole nationale d'administration et au vieillissement du corps, ont progressivement déséquilibré la répartition réelle des magistrats par grades, au détriment du premier d'entre eux.

L'effectif réel des conseillers de deuxième classe était ainsi de 45 au 1 er avril 2001, pour un effectif budgétaire de 106 .

La pyramide du corps s'est ainsi retrouvée inversée .

Source : Cour des comptes

Le déséquilibre est tout aussi patent si l'on tient compte des magistrats n'exerçant pas leurs fonctions dans une chambre régionale des comptes, puisqu'on dénombrait, au 1 er avril 2001, 40 présidents de section, 262 conseillers hors classe, 55 conseillers de première classe et 48 conseillers de deuxième classe.

Le corps des magistrats des chambres régionales des comptes se caractérise également par le vieillissement de ses membres.

Source : Cour des comptes - 2 avril 2001

Dès lors, nombre de magistrats souffrent d'un blocage de leur avancement.

Enfin, alors qu'un grade est censé correspondre à une fonction, la structure du corps en quatre grades semble mal adaptée au fonctionnement des chambres, faiblement hiérarchisé , collégial et fondé sur la polyvalence .

Le retard sur les magistrats administratifs

Jusqu'à la loi n° 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le statut du corps des magistrats des chambres régionales des comptes était assez largement comparable à celui des membres des juridictions administratives.

Il avait même servi de référence pour l'élaboration de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel .

Cependant, cette proximité des statuts a été mise à mal par la loi du 25 mars 1997 qui a restructuré le corps des magistrats administratifs, tiré les conséquences de cette restructuration sur les dispositions applicables au tour extérieur et au recrutement complémentaire et renforcé le régime des incompatibilités.

Ce corps est désormais organisé en trois grades, et non plus en sept comme auparavant. Les listes d'aptitude, établies après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, permettent de sélectionner les candidats aptes à l'exercice des fonctions de responsabilité les plus importantes.

Les fonctions de rapporteurs et de commissaires du Gouvernement doivent correspondre aux grades de conseillers et de premiers conseillers. En outre, les exigences d'ancienneté pesant sur les premiers conseillers ont été allégées afin de faciliter l'exercice des fonctions de juge unique.

La loi du 25 mars 1997 a également renforcé les incompatibilités géographiques applicables aux magistrats administratifs. Elle a allégé les conditions d'ancienneté requises pour l'affectation dans les cours administratives d'appel et adapté les conditions d'accès au tour extérieur à la nouvelle structure du corps, ces conditions étant par ailleurs légèrement assouplies. Enfin, le détachement a été ouvert aux professeurs et maîtres de conférence titulaires des universités.

Parallèlement à la réforme législative, un rééchelonnement indiciaire a été prévu, au terme duquel les rémunérations versées aux magistrats administratifs ont été revalorisées de 9,6 %.

Comme votre rapporteur avait eu l'occasion de le souligner à l'occasion de l'examen de ce texte 5 ( * ) , l'évolution des missions des magistrats administratifs et les difficultés d'avancement tenant à l'ampleur des recrutements effectués au cours des années précédant la réforme justifiaient une modification substantielle de leur statut.

Votre rapporteur avait également indiqué que l'évolution des tâches confiées aux chambres régionales des comptes justifiait une réforme comparable.

Un rapprochement des deux statuts , sous réserve de la reconnaissance de spécificités propres aux magistrats des chambres régionales des comptes, apparaît donc nécessaire.

* 3 Article L. 212-8 du code des juridictions financières.

* 4 Article L. 221-1 du code des juridictions financières.

* 5 Rapport n° 217 (Sénat, 1996-1997) de M. Daniel Hoeffel au nom de la commission des Lois.

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