II. DES SUJETS DE DISCORDE QUI RESTENT NOMBREUX
A côté de ces accords dont il se réjouit, votre rapporteur doit en effet soulever des désaccords ô combien plus substantiels.
En premier lieu, s'agissant de l'épargne retraite ( articles 16 à 22 ) qui constitue le point de désaccord majeur entre les deux assemblées, votre rapporteur souhaite réfuter les accusations d'idéologie dont la position du Sénat a fait l'objet : en introduisant un titre consacré à l'épargne retraite, le Sénat n'a fait que dire tout haut ce que l'Assemblée nationale et le gouvernement pensent tout bas. La palme de l'honnêteté intellectuelle est loin d'échoir à l'Assemblée : celle-ci propose dans le même temps de créer un PPESV qui pourra, le cas échéant, très facilement se transformer en fonds de pension et de crier haro sur l'épargne retraite.
Le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale a également indiqué en séance publique qu'il était exclu que l'Assemblée nationale valide la tentative de " greffe des fonds de pension " opérée par le Sénat sur l'épargne salariale. Mais la " bouture des PPESV " est prête et les fonds de pension de gauche sont pour demain. Le Sénat s'en réjouit mais regrette que l'idéologie à l'oeuvre à l'Assemblée nationale conduise à de telles manoeuvres en catimini. Adoptant une méthode contraire, le Sénat a souhaité exposer clairement les enjeux, refuser l'aspect quelque peu " bâtard " du PPESV, pour instaurer un mécanisme clair et simple d'épargne retraite. Notre collègue Jean-Pierre Balligand, rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, écrit que le Sénat " a cru bon de verser dans l'idéologie en réintroduisant la loi dite " Thomas " ". Mais n'est-ce pas plutôt l'Assemblée nationale, qui verse dans l'idéologie en se voilant la face, en n'appelant pas par son nom (fonds de pension, fonds de retraite) le nouveau dispositif qu'elle crée ?
Le procès qui est fait au Sénat de vouloir mélanger épargne salariale et épargne retraite est un faux procès. Le Sénat estime effectivement que l'épargne retraite est une des formes de l'épargne salariale entendue largement comme une épargne constituée à l'occasion de la relation de travail. L'épargne salariale classique, l'actionnariat salarié et l'épargne retraite entrent bien tous dans cette catégorie. Toutefois, le Sénat a clairement distingué dans sa proposition de modification du texte, une épargne salariale " classique " et une épargne salariale " en vue de la retraite " alors que le texte proposé par le gouvernement et l'Assemblée nationale entretient un savant mélange entre les deux. Il suffit de rappeler que l'exposé des motifs de l'article 7 sur le PPESV prévoit explicitement la possibilité d'une utilisation en vue de constituer un complément de retraite.
Ce débat sur l'épargne retraite constitue à n'en pas douter un écueil fondamental. Toutefois, d'autres points d'accroche sont apparus au cours de la première lecture et la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ne permet pas d'espérer de convergence des positions.
A l'article 2 , l'Assemblée nationale en nouvelle lecture a rétabli le livret d'épargne salariale que le Sénat avait supprimé en première lecture estimant qu'il s'agissait là ni plus ni moins que d'un nouveau livret ouvrier et surtout d'une formalité lourde et inutile. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 3 quater A introduit par le Sénat pour permettre une actualisation annuelle des taux de rémunération des sommes placées sur les comptes courants bloqués. A l'article 3 quater , l'Assemblée nationale a rétabli la rédaction de première lecture de cet article qui prévoit la suppression du blocage de la participation pendant trois ans, alors que le Sénat avait souhaité supprimer cet article. A l'article 3 septies relatif à la création de SICAV dédiées à l'épargne salariale, l'Assemblée nationale a rétabli sa rédaction de première lecture alors que le Sénat avait supprimé cet article qu'il jugeait inopportun.
A l'article 6 , l'Assemblée nationale est revenue au seuil de 100 salariés alors que le Sénat avait proposé de fixer celui-ci à 500 salariés ou, à tout le moins, à 250 salariés ce qui correspond à la norme européenne de définition des petites et moyennes entreprises.
A l'article 7 , le Sénat a souhaité, conformément à sa volonté de simplification et de clarification entre épargne salariale classique et épargne retraite, transformer le PPESV en un " PEE de long terme ". L'Assemblée nationale s'est montrée en nouvelle lecture totalement hermétique à cette proposition et elle a maintenu sa version bicéphale du PPESV sous forme de plan à terme fixe (que l'on pourra à volonté transformer en fonds de pension) ou de plan glissant. En outre, l'Assemblée nationale a réintroduit la taxation de l'abondement de l'employeur ce qui semble à votre commission totalement contraire à l'objectif de développement de l'épargne salariale affiché par le gouvernement. A l'article 8 , l'Assemblée nationale a refusé l'indexation des plafonds prévus pour l'abondement des entreprises et en est revenue à des plafonds fixes ; elle a également rétabli la possibilité d'utiliser la PPI pour des dépenses de formation, une innovation que le Sénat avait jugée inopportune.
A l'article 9 , l'Assemblée nationale en nouvelle lecture a restreint à nouveau la définition de l'économie solidaire à cette seule loi et a porté à nouveau à 25 % de seuil de capital d'une même entreprise solidaire de moins d'un million de francs de capital qu'un OPCVM peut détenir alors que le Sénat préconisait un seuil inférieur.
A l'article 11 , l'Assemblée nationale n'a pas tenu compte des modifications du Sénat et a rétabli le texte tel qu'elle l'avait adopté en première lecture : elle a rétabli la consultation obligatoire du comité du personnel ou des délégués du personnel lorsqu'un PEE résulte de la décision unilatérale de l'employeur et a supprimé le dispositif de sécurisation juridique des accords instituant un PEE. L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé l'article 11 bis adopté par le Sénat qui élargissait le champ des entreprises soumises à une négociation annuelle de l'épargne salariale. A l'article 12 , l'Assemblée nationale a rétabli le texte tel qu'elle l'avait adopté en première lecture en ce qui concerne le seuil du tiers des titres de l'entreprise pour distinguer les fonds diversifiés des fonds d'actionnariat salarié, la composition et les prérogatives des conseils de surveillance, les modalités d'exercice des droits de vote, les pouvoirs d'information du conseil de surveillance et la rédaction du règlement du FCPE en ce qui concerne l'instance compétente pour décider d'éventuelles modifications de celui-ci. A l'article 13 , l'Assemblée nationale a rétabli le texte tel qu'elle l'avait adopté en première lecture concernant la consultation de l'assemblée générale extraordinaire sur la représentation du personnel dans les organes dirigeants de la société. L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé l'article 13 bis adopté par le Sénat qui prévoyait la remise d'un rapport au Parlement sur l'application des dispositions du code de commerce relatives à la consultation régulière de l'assemblée générale sur la représentation des salariés actionnaires au sein des organes dirigeants.
A l'article 14 , l'Assemblée nationale a supprimé l'obligation de réserver 5 % des actions émises à l'occasion d'une augmentation de capital et a rétabli la procédure de consultation périodique de l'assemblée générale extraordinaire sur l'actionnariat salarié. L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé l'article 14 bis qui renforçait les avantages accordés aux adhérents d'un PEE, l'article 14 ter qui autorisait une décote pour les titres des sociétés non cotées, l'article 14 quater qui assimilait à un bien professionnel et exonérait d'impôt de solidarité sur la fortune les parts détenues par un salarié de FCPE dont l'actif serait constitué à 66 % au moins d'actions de la société dans laquelle il exerce son activité professionnelle, l'article 14 quinquies qui rétablissait le régime du rachat d'une entreprise par ses salariés et l'article 14 sexies qui exonérait de droits d'enregistrement les cessions d'actions de sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.
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Au total, votre rapporteur constate que l'absence de prise en considération, sur ces points essentiels, par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ajoutée à la procédure d'urgence rend inopérante toute poursuite du dialogue. Il vous propose donc d'adopter une question préalable.