TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 19 décembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur la proposition de loi n° 26 (2000-2001) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre les discriminations.
M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que la lutte contre les discriminations constituait un élément essentiel de notre pacte républicain.
Il a rappelé, d'une part, que l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, les distinctions sociales ne pouvant être fondées que sur l'utilité commune, d'autre part, que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi, nul ne pouvant être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances, enfin que, l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Il a indiqué que ces principes, qui constituaient nos références premières et le fondement de notre organisation politique, avaient naturellement inspiré la construction européenne conduite aujourd'hui par quinze peuples démocratiques : l'article 6 du traité sur l'Union européenne rappelle, à cet égard, que l'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'Etat de droit.
De fait, la construction européenne ne se résume pas à l'établissement d'un grand marché, mais vise également à bâtir une Communauté de droit. Dans cette perspective, les lignes directrices pour l'emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, soulignent la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre les discriminations.
M. Louis Souvet, rapporteur , a précisé que nul ne contestait aujourd'hui la nécessité d'une lutte contre les discriminations, qui constitue le complément indispensable des politiques économiques et sociales, comme des politiques de l'éducation et de sécurité.
Il a remarqué, par ailleurs, que ce souci de faciliter l'accès de tous au marché du travail devrait être d'autant mieux partagé que l'on assistait aujourd'hui au développement de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité, comme l'avait rappelé dernièrement M. Alain Gournac à travers sa proposition de loi permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre.
Il a souligné que la période de croissance actuelle constituait à cet égard une occasion irremplaçable de faire évoluer les mentalités pour permettre à chacun l'accès au marché du travail et à l'égalité de traitement.
Il a déclaré que cette préoccupation avait abouti, au niveau européen, à l'adoption, le 29 juin 2000, d'une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d'origine ethnique, dont l'un des moyens consiste à aménager les règles concernant la charge de la preuve dès lors qu'il existe une présomption de discrimination.
Il a rappelé que l'article 8 de la directive du 29 juin 2000 prévoyait en particulier que, dès lors qu'une personne s'estimait lésée par le non-respect du principe de l'égalité de traitement et établissait, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombait à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.
Il a souligné que ce principe était déjà énoncé par l'article 4 de la directive européenne du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.
Il a précisé que ces deux directives devaient être transcrites en droit interne, c'est-à-dire que le droit national devait être modifié lorsque cela était nécessaire afin de ne pas contredire le texte de la directive. Il a ajouté que ces transcriptions devaient avoir été effectuées avant le 1 er janvier 2001 pour la directive du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et avant le 19 juillet 2003 pour la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
M. Louis Souvet, rapporteur , a constaté que l'examen du droit en vigueur révélait la nécessité de modifications législatives.
L'article L. 122-45 du code du travail prévoit en effet qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou être sanctionnée ou licenciée en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race ou de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, en raison de son état de santé ou de son handicap.
Pour être conforme à la directive du 29 juin 2000, cette rédaction doit être complétée afin de prendre en compte l'ensemble des conditions d'emploi et de travail (formation, promotion, reconversion, rémunération...) ; elle doit surtout être modifiée pour tenir compte du nouveau régime de la charge de la preuve prévue par la directive.
M. Louis Souvet, rapporteur , a observé que ce nouveau régime ne constituait pas une inversion de la charge de la preuve.
Il a constaté qu'autant, dans notre droit actuel, il incombait au plaignant d'établir la preuve d'une discrimination, autant la nouvelle procédure cherchait à établir un certain équilibre afin d'obliger les parties à présenter chacune leurs arguments pour permettre à une tierce partie de se faire son opinion et de trancher.
Il a reconnu qu'il s'agissait là d'un changement déjà considérable et qui n'était pas sans risque.
Il a constaté que ce changement trouvait sa justification dans les difficultés que connaissaient les plaignants à prouver leurs dires, comme en témoignait le faible nombre des recours devant les tribunaux et le nombre, encore plus faible, des décisions de justice favorables aux plaignants.
Il a souligné que les risques de la nouvelle procédure n'étaient pas négligeables, car l'aménagement de la charge de la preuve, en obligeant l'employeur à justifier sa décision, ouvrait la porte à des recours qui pouvaient ne pas être mus par le désir de réparer une injustice mais, au contraire, par la volonté d'obtenir raison d'une décision défavorable rendue sur des critères pourtant légitimes tenant par exemple à une différence de formation, d'aptitude ou d'expérience, voire à une différence plus subjective tenant au profil, au tempérament ou à la sympathie.
Il a déploré qu'en cela, l'aménagement du régime de la preuve accroisse le contrôle sur les décisions de l'entrepreneur et fait même peser sur lui comme une présomption de culpabilité.
Il a précisé en particulier que, dans notre société, le fait d'avoir à rendre des comptes à la justice équivalait trop souvent à une condamnation aux yeux d'une partie de l'opinion. Il s'est demandé si un chef d'entreprise obligé de se justifier de n'avoir pas agi selon des visées racistes, puis innocenté, n'aurait pas à subir la même opprobre.
Il s'est félicité que, pour limiter les risques de dérive, le législateur européen ait fort heureusement prévu que le plaignant devrait établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination. Il a précisé que, par faits, il convenait de comprendre des faits connus qui servent à constituer la preuve par présomption.
Il a considéré qu'un fait, comme un indice, était plus aisé à établir ou à rassembler qu'une preuve, mais qu'il se distinguait néanmoins du soupçon, de l'impression, voire de la rumeur. Il a donc estimé que le législateur européen avait trouvé un bon équilibre et qu'il convenait de ne pas s'en écarter.
Il a rappelé que l'Assemblée nationale et le Gouvernement avaient souhaité s'inspirer plus de l'évolution de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation que du texte des directives européennes. Il a constaté qu'il en résultait des dispositions qui étaient soit floues, soit excessives, et qui avaient en commun de placer le juge en position d'arbitre, ce qui comportait toujours un risque.
Il a rappelé que, dans une affaire récente (Fluchère et autres contre SNCF) à propos d'une discrimination présumée pour un motif d'engagement syndical, la Cour d'appel de Nîmes avait pu estimer, dans un arrêt rendu le 23 septembre 1997, que le juge n'avait pas qualité pour se substituer à l'employeur quant à l'appréciation de la qualification, de la compétence et des autres éléments qui gouvernaient les décisions d'affectation des agents. Il a précisé que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait cassé cet arrêt, le 28 mars 2000, considérant qu'il appartenait au salarié de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombait à l'employeur, s'il contestait le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié d'établir que la disparité de situation constatée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il a ajouté que la Cour de cassation concluait que la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié.
Il a constaté qu'une fois de plus le Gouvernement et sa majorité avaient choisi de transcrire dans la loi les arrêts de la Cour de cassation plutôt que les directives européennes. Il a rappelé qu'une pareille situation s'était présentée lors de la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail à propos de la définition du temps de travail effectif.
Il a considéré que cette situation était préoccupante, puisqu'elle encourageait la Cour de cassation à s'éloigner très sensiblement des textes de lois, qu'elle ne se limitait plus à interpréter, mais auxquels elle substituait sa propre vision des relations sociales, au besoin en s'inspirant plus ou moins de directives européennes dont le délai de transcription n'était pas échu.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi comprenait huit articles, dont quatre articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale, les quatre premiers articles constituant une reprise des articles 46, 47, 48 et 49 du projet de loi de modernisation sociale déposé à l'Assemblée nationale le 24 mai dernier.
L'article premier de la proposition de loi aménage le régime de la charge de la preuve concernant l'ensemble des discriminations ; l'article 4 fait de même en ce qui concerne le domaine spécifique des discriminations fondées sur le sexe.
La rédaction retenue dans chaque cas s'éloigne du texte de la directive. En effet, selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'appui de sa plainte alors que la directive prévoit que le plaignant doit établir des faits qui permettaient de présumer l'existence d'une discrimination.
M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que, si les deux membres de phrases avaient le même sens, il ne voyait pas l'intérêt de s'éloigner de la directive et que si ce n'était pas le cas, il aurait été souhaitable que les auteurs précisent leurs intentions.
Il a souligné, de même, que les directives avaient prévu qu'il incombait à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y avait pas eu violation du principe de l'égalité de traitement alors que l'Assemblée nationale prévoyait, quant à elle, reprenant mot pour mot la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'il lui incombait de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il a précisé que, dans ce cas, la différence était plus sensible, notamment du fait de la référence à des " éléments objectifs ". Il a constaté qu'il s'agissait là de termes ambigus, une décision de recrutement pouvant être déterminée, au moins partiellement, par des éléments subjectifs comme l'intuition, la sympathie ou le dynamisme, car les entreprises ne recrutaient pas par concours anonyme.
Soulignant le risque d'obtenir un résultat inverse à l'effet recherché, il s'est interrogé sur les moyens dont disposerait le juge pour former sa conviction si le plaignant ne lui présentait pas des faits et si l'on obligeait l'employeur à n'évoquer que des éléments " objectifs ". Il a estimé que l'efficacité des mesures de lutte contre les discriminations résidait dans la capacité des pouvoirs publics à modifier en profondeur les comportements individuels et non en l'affaiblissement de l'employeur qui deviendrait alors le bouc émissaire de l'échec partiel des politiques d'intégration.
Il a constaté que les auteurs de la proposition de loi comme le Gouvernement avaient préféré privilégier des dispositions à caractère répressif à une politique préventive.
Il a remarqué qu'il existait pourtant une alternative, les directives européennes de lutte contre les discriminations ne choisissant pas entre un mécanisme juridictionnel et une voie de recours devant une instance ad hoc. Il a constaté qu'aucune raison n'avait été avancée pour privilégier le recours à la voie juridictionnelle.
Il a considéré que ce choix était d'autant moins évident que les juridictions étaient déjà surchargées et peinaient à rendre leurs décisions dans un délai raisonnable, comme le montrait l'affaire Fluchère, qui avait inspiré le texte de l'Assemblée nationale et qui était renvoyée devant une nouvelle cour d'appel, trois ans après un premier arrêt. Il a observé que le juge de droit commun n'était pas nécessairement le mieux à même de former sa conviction sur des éléments somme toute " subjectifs " dans un domaine aussi délicat que la lutte contre les discriminations.
M. Louis Souvet, rapporteur, a remarqué que, sans remettre en cause le renforcement des procédures juridictionnelles qui devaient demeurer, ne serait-ce que pour constituer un instrument puissant de dissuasion, il importait de s'interroger sur la possibilité de mener des politiques préventives.
Il a précisé qu'au Royaume-Uni, une commission pour l'égalité raciale était chargée de lutter contre les discriminations, au besoin en menant des enquêtes ou en saisissant la justice, qu'aux Pays-Bas, la commission pour l'égalité de traitement enquêtait sur les affaires de discrimination et qu'elle pouvait offrir sa médiation, voire entamer une procédure judiciaire, qu'en Belgique, le centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme aidait les victimes de discriminations en leur fournissant informations et conseils et en se constituant partie civile.
Il a constaté que ces différentes commissions favorisaient une résolution à l'amiable des plaintes et que leur action permettait de sensibiliser les entreprises à la nécessité de lutter contre les discriminations, comme en témoignait l'édiction de nombreux " codes de bonne conduite ".
Il a rappelé que la création, en France, d'une telle commission avait été envisagée par M. Jean-Michel Bélorgey dans un rapport de mars 1999 analysant les adaptations nécessaires des structures administratives existantes pour " lutter contre les discriminations ". L'auteur évoque la création d'une commission d'une quinzaine de membres qui pourrait avoir les compétences suivantes : un pouvoir d'avis et de proposition sur les stratégies de lutte contre les discriminations, un pouvoir de négocier avec les services publics et les organisations syndicales des " chartes de bonne conduite ", le pouvoir de recevoir et d'instruire des réclamations, et le pouvoir de saisir d'autres autorités (exécutives, juridictionnelles ou indépendantes).
Il a précisé que cette nouvelle autorité indépendante devrait également avoir, selon M. Jean-Michel Bélorgey, pour mission d'établir, dans un rapport annuel, la situation des différents secteurs d'activité et de procéder à l'évaluation de la législation et de la réglementation applicable.
Il a souligné que les propositions semblaient toutefois moins abouties pour ce qui concernait les modalités de saisine de cette instance, comme les conditions dans lesquelles elle prodiguerait une assistance juridique aux victimes.
Il s'est interrogé sur les raisons qui avaient amené le Gouvernement à ne pas donner suite à la réflexion sur l'opportunité de la création d'une telle structure. Compte tenu de l'importance de la question, il a indiqué qu'il n'excluait pas, d'ici la seconde lecture, de poursuivre une réflexion sur l'opportunité de créer une telle structure administrative indépendante.
Puis M. Louis Souvet, rapporteur , a évoqué les autres dispositions prévues par la proposition de loi. L'article 2 prévoit la possibilité pour les syndicats d'agir en justice sans avoir à justifier d'un mandat du salarié concerné, la mise en place d'un droit d'alerte au bénéfice des associations et la reconnaissance de la nullité d'un licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice pour discrimination ; l'article 3 prévoit l'inscription dans les conventions collectives de dispositions concernant l'égalité de traitement entre salariés ; l'article 6 comprend les dispositions électorales relatives aux prud'hommes qui interdisent notamment à toute organisation prônant des discriminations de présenter des listes ; l'article 7 modifie la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales afin de protéger les salariés qui, ayant témoigné de mauvais traitements infligés aux personnes accueillies, faisaient l'objet de discriminations ; enfin, l'article 8 prévoit la création d'un service d'accueil téléphonique gratuit.
M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les amendements qu'il proposait participaient tous de la même logique : permettre une lutte plus efficace contre les discriminations en préservant les droits des victimes comme ceux des responsables d'entreprise.
Il a souligné que les directives européennes avaient établi les bases d'un équilibre entre ces différents objectifs complémentaires. Il a donc proposé de revenir, chaque fois que nécessaire, à la lettre et à l'esprit des textes européens.
Il a précisé que les principales modifications proposées concernaient l'aménagement de la charge de la preuve pour lequel il a considéré que le texte de l'Assemblée nationale s'éloignait trop de la directive et l'action de syndicats qui, selon lui, ne devait pas pouvoir s'exercer sans l'accord écrit de la victime dans un domaine aussi sensible que les discriminations.
Il a ajouté que le texte ainsi modifié devrait permettre des progrès sensibles dans la lutte contre les discriminations, sans pour autant compromettre la nécessaire marge de manoeuvre des entreprises dans la gestion de leur personnel.
M. Alain Gournac a déclaré qu'il partageait tout à fait les conclusions présentées par le rapporteur. Il a considéré, en particulier, qu'il pourrait être intéressant de prévoir des dispositions permettant aux parties de trouver un terrain d'entente sans nécessairement passer devant le juge. Il a remarqué qu'il était effectivement difficile de définir les discriminations mais qu'il ne fallait pas, pour autant, supprimer toute marge de manoeuvre aux chefs d'entreprise dans la gestion de leurs personnels.
M. Louis Boyer a souligné les difficultés d'interprétation que pouvaient soulever des notions comme " l'orientation sexuelle " et s'est inquiété du développement d'un contentieux tournant autour de cette question.
M. Guy Fischer a considéré que le texte voté à l'Assemblée nationale n'allait pas assez loin et qu'il était donc nécessaire de proposer des avancées supplémentaires. Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen entendait tirer parti du temps restant avant l'examen en séance publique pour proposer des amendements.
M. Jean Chérioux a manifesté son plein accord avec les modifications proposées par le rapporteur qui, en proposant de revenir au plus près du texte des directives, faisait oeuvre utile afin, notamment, de préciser les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qui, à bien des égards, ne présentaient pas toutes les garanties de clarté et de sécurité juridique attendues.
Présentant ses amendements, M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord estimé nécessaire de préciser, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 proposé par l'article premier, ainsi que dans celle de l'article L. 123-1 proposé par l'article 4, que le plaignant devait établir des faits qui permettaient de présumer l'existence d'une discrimination, et non simplement présenter des éléments de fait la laissant supposer. Il a considéré que cette modification s'inscrivait dans la logique d'un retour au texte de la directive et présentait davantage de garanties en termes de sécurité juridique, sans remettre en cause la logique du dispositif. Il a proposé, qu'en réponse, l'employeur soit amené à prouver que sa décision n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas précédents, c'est-à-dire à la liste établie des pratiques discriminatoires et non, comme dans le texte initial, à justifier sa décision par des éléments " objectifs " étrangers à toute discrimination. Il a observé que cette modification devrait permettre d'éviter des contentieux autour des différentes façons d'interpréter la notion " d'éléments objectifs ". Il a souligné que la politique des ressources humaines d'une entreprise comprenait une part de subjectivité qui ne pouvait être assimilée à des mesures discriminatoires.
A l'article 2, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de revenir sur la possibilité reconnue à un syndicat par l'article L. 122-45-1 du code du travail d'ester en justice sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui aurait notifié son intention. Il a remarqué, en particulier, que l'article 7 de la directive européenne du 29 juin 2000 prévoyait l'approbation du salarié. Il a considéré que le plaignant était le mieux à même de juger de l'opportunité des poursuites, surtout dans des cas aussi sensibles. Il a estimé fondamental, dans ces conditions, de laisser au salarié, au besoin grâce au soutien d'un syndicat, la maîtrise des moyens lui permettant d'assurer le respect de ses droits. Il a mis en garde, a contrario, contre le risque, pour le salarié, de se voir instrumentaliser par une organisation conduisant sa propre stratégie. Il a constaté que l'accord écrit de l'intéressé était déjà exigé des organisations syndicales par l'article L. 123-6 du code du travail dans le cas des actions menées en justice sur le fondement d'un harcèlement sexuel. Il ne lui a pas semblé illégitime, dans ces conditions, d'exiger un tel accord écrit dans les cas de discriminations.
Toujours à l'article 2, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de compléter le texte prévu pour l'article L. 122-45-1 du code du travail afin de préciser que le salarié peut mettre un terme à tout moment à l'action du syndicat comme le prévoit par ailleurs, dans d'autres configurations, l'article L. 122-3-16 du même code. Cette précaution lui est apparue de nature à garantir à la victime la maîtrise de l'évolution du contentieux, afin qu'il ne débouche pas sur une situation contraire à ses intérêts.
Il a proposé, en outre, de supprimer la disposition de l'article L. 122-45-1 permettant aux associations de saisir les organisations syndicales pour leur demander d'ester en justice à l'encontre d'auteurs de discriminations.
M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que rien n'empêchait une association de saisir un syndicat d'une discrimination qu'elle aurait constatée. Il a estimé par conséquent que cette disposition n'avait pas de véritable portée législative et constituait surtout une " mesure d'affichage ".
Il a observé que la véritable novation aurait consisté à reconnaître aux associations le droit de saisir directement la justice, cette possibilité étant reconnue par l'article 7 de la directive du 29 juin 2000. Il a donc considéré que la solution retenue constituait un compromis ambigu qui ne permettait pas de garantir les droits et la liberté d'action des salariés.
A l'article 4 (article L. 123-1 du code du travail), il a précisé qu'outre les modifications de coordination avec les amendements à l'article premier modifiant l'article L. 122-45 du code du travail, il était nécessaire de coordonner les dispositions relatives à l'action d'un syndicat au nom d'un salarié avec celles proposées par l'article 2 pour le nouvel article L. 122-45-1.
A l'article 8 relatif à la création d'un service d'accueil téléphonique gratuit, il a considéré qu'il était essentiel de prévoir que le secret professionnel serait applicable aux agents de ce service et que ses coordonnées devraient être affichées dans l'ensemble des entreprises, ainsi que dans tous les bâtiments publics, afin de donner tout son sens à la création de ce dispositif.
Enfin, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de compléter le titre de la proposition de loi en ajoutant les mots " dans l'emploi " afin de mettre l'intitulé en cohérence avec le contenu du texte.
La commission a alors adopté successivement les douze amendements présentés par le rapporteur et la proposition de loi ainsi amendée .