2. Des politiques de l'intégration menacées
Dans une étude remarquée 6 ( * ) , l'association " France moderne " présidée par M. Alain Juppé, a dressé récemment un constat inquiétant de la montée des discriminations au travail.
Ce constat confirme que la première discrimination concerne l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. En mars 1998, le taux de chômage des Français était de 11 % alors que celui des salariés étrangers, hors Union européenne, était de 31 %, soit le triple. Cette situation était plus accentuée encore en ce qui concernait les jeunes, l'évolution du taux de chômage des jeunes étrangers (15-24 ans) variant de 22 % à 43 % entre 1992 et 1996 alors que le taux de chômage des jeunes Français passait de 16,2 % à 21 % durant la même période.
Comme le soulignaient les auteurs de l'étude, cela signifie concrètement que " dans certaines cités, un jeune sur deux, voire plus, est au chômage ou alterne petits boulots et chômage ".
Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation ou la maîtrise de la langue n'expliquent pas entièrement ce phénomène qui est, pour une part au moins, dû à l'existence de discriminations lors de l'accès au premier emploi. Les cas existent, même s'ils sont rares de discriminations ouvertes prenant par exemple le forme de mentions sur les offres d'emploi comme " BBR " (bleu, blanc, rouge) ou " profil : race blanche ", mais le plus souvent ces pratiques restent non écrites.
Des estimations ont permis de considérer que les discriminations pouvaient concerner jusqu'à 30 %, voire 50 % des offres dans certaines catégories d'emploi.
Avec de telles pratiques, les jeunes finissent par se convaincre qu'on ne leur donne pas leur chance et que tous les employeurs ont des pratiques discriminatoires.
Plus grave, comme le souligne l'étude citée précédemment, c'est l'adhésion de ces jeunes aux principes républicains qui est aujourd'hui en question.
Par ailleurs, il serait hasardeux de considérer que ces difficultés rencontrées par certains jeunes pour accéder au marché du travail n'influencent en rien le climat conflictuel qui règne dans certains quartiers " difficiles ".
Dans ces conditions, la lutte contre les discriminations apparaît comme une priorité, puisqu'elle conditionne, en plus de l'accès à l'emploi, le succès d'autres politiques, comme celles de l'éducation, de la culture, de la solidarité...
L'engagement de votre commission des Affaires sociales dans la lutte contre les discriminations est ancien et se manifeste régulièrement. On peut rappeler à cet égard qu'elle avait, en décembre 1998, invité le Gouvernement, dans une résolution, à proposer une modification des lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999, tendant à préciser que " les Etats membres s'attacheront à interdire toutes les formes de discrimination dans l'accès au marché du travail " 7 ( * ) .
C'est donc avec une certaine sérénité qu'elle vous proposera de transcrire des directives européennes qui répondent à une de ses préoccupations constantes.
* 6 " Les cahiers de France moderne sur l'immigration ", 1998.
* 7 Voir notamment le rapport n° 100 du Sénat (1998-1999) du 9 décembre 1998 au nom de la commission des Affaires sociales sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Michel Barnier sur la communication de la commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E-1171), et sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Guy Fischer, Mmes Nicole Borvo, Marcie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécard, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade sur la communication de la commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E-1171), par M. Louis Souvet, sénateur, p. 25.