PRINCIPALES OBSERVATIONS
A. UNE FRANCE DE MOINS EN MOINS GÉNÉREUSE
L'aide globale française aux pays en développement et aux organismes multilatéraux a clairement régressé depuis 1982, tant en montant absolu -moins 2 milliards de dollars- qu'en pourcentage du PIB qui lui est consacré -de près de 2 % à moins de 0,6 %. Cette chute est en réalité surtout considérable à partir de 1996. Elle résulte certes, en grande partie, du retrait massif des capitaux privés de ce secteur. Mais elle recouvre également une sensible diminution de la seule aide publique : entre 1996 et 1998, celle-ci est amputée de près d'un tiers. Dans ce domaine, la France est, parmi les pays de l'OCDE, un de ceux qui a le plus régressé (-6 % par an en moyenne).
L'aide publique française se caractérise en outre par un apport relativement important et croissant aux pays à niveau élevé et à revenu intermédiaire -elle leur consacre plus de la moitié du total de son aide- au détriment des pays les moins avancés.
De fait, la prééminence accordée à l'Afrique subsaharienne diminue clairement -de 55 % du total de l'aide publique en 1988 à 48 % en 1998-, alors même que le " monopole " français y est aujourd'hui de plus en plus vivement concurrencé. Ainsi, la Grande-Bretagne y consacre 46 % de son aide, les Etats-Unis, 34 %, et le Japon, qui n'est pourtant pas dans sa zone d'influence, 18 %.
L'aide française apparaît enfin caractérisée par le maintien de la priorité historique accordée à l'enseignement (30 % du total de l'aide bilatérale), tandis que la France apparaît relativement peu présente, par rapport à ses partenaires, dans les secteurs de la santé et du développement économique (eau, assainissement, transports, télécommunications, énergie).
De fait, la comparaison attentive des communiqués des deux seules réunions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), les 29 janvier 1999 et 27 juin 2000, peut susciter l'inquiétude. Début 1999, la France entend maintenir des flux " substantiels " d'aide publique au développement. A la mi-2000, il ne s'agit plus que de maintenir des flux " importants ".
B. L'ÉPARPILLEMENT DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES AFFECTÉS À L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE
En 2000, le total des crédits d'aide publique s'élève à 29 milliards de francs, non compris les 5 milliards de francs destinés à nos Territoires d'Outre-mer.
La diminution globale de 1,4 milliard de francs de l'aide publique entre 1999 et 2000 recouvre en réalité une sensible progression de l'aide multilatérale (plus 1,6 milliard de francs), tandis que l'aide bilatérale diminue fortement, de plus de 3 milliards de francs.
Le renforcement apparent du multilatéral se fait essentiellement au profit d'un prélèvement communautaire qui ne cesse de s'alourdir, échappant à tout contrôle, tant du législatif que de l'exécutif, ainsi qu'au bénéfice de divers fonds et banques de développement régionaux.
Dans les deux cas, la lisibilité de l'action de la France est inexistante, et l'efficacité des fonds mis en oeuvre souvent aléatoire, sinon nulle, faute précisément de mise en oeuvre. Parallèlement, la part relative accordée aux organismes onusiens ne cesse de diminuer.
La part gérée par le ministère des Affaires étrangères (après fusion), soit 9 milliards de francs, est à peine supérieure à celle du ministère de l'Economie et des finances (8,3 milliards de francs), tandis qu'une dizaine d'autres ministères interviennent dans ce secteur de façon croissante et souvent très autonome, sans qu'on dispose d'une vision précise des instruments mis en oeuvre et de leurs objectifs, pour un montant global de près de 2 milliards de francs. Au total, le réseau administratif recouvre 18 catégories distinctes d'implantations, avec près de 800 services, répartis dans 16 pays. Il faut également prendre en compte la multiplicité d'organismes publics divers (ORSTOM, CIRAD, INSERM, par exemple), qui interviennent dans ce secteur, eux aussi de façon autonome.
Ceci ne peut, en aucune façon, contribuer à la cohérence du dispositif et de la politique suivie.
La mise en place du CICID, comité interministériel se réunissant une fois tous les dix-huit mois, constitue une étape importante mais insuffisante, tant qu'elle ne sera pas dupliquée au niveau des administrations centrales et des services à l'étranger.
C. LA NULLITÉ QUASI ABSOLUE DE L'ACTION EUROPÉENNE
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné. Il atteint en effet 5,5 milliards de francs en 2000, soit 19 % du total de l'aide publique française aux Etats étrangers.
La seule quote-part française au Fonds européen de développement (FED) -24,3 %- est en outre sans rapport avec la part moyenne de la France dans le budget de l'Union -17,8%. Mais c'est le prix que nous avons dû payer en 1995 pour obtenir un effort supplémentaire de l'Europe.
Or la lourdeur des procédures de décisions communautaires, tant au niveau des engagements qu'à celui des décaissements, et le refus persistant du pouvoir exécutif, depuis toujours, de prendre les choses en mains via le Conseil des ministres, font qu'il existe aujourd'hui un reliquat non utilisé de près de 65 milliards de francs (9,5 milliards d'euros) non dépensés sur le FED, soit plus de deux fois le montant annuel global de l'aide française .
De même, les quelques 4,2 milliards de francs affectés au programme MEDA (1996-1999), destiné à financer l'adaptation des pays sudméditerranéens à la mondialisation ne sont, au terme de leur " durée de vie ", mis en oeuvre qu'à peine à hauteur du tiers de façon globale, voire pas du tout dans certains pays.
Il paraît donc éminemment regrettable, d'une part, que la représentation nationale ne puisse pas contrôler l'utilisation de ces fonds, d'autre part, que la Présidence française n'ait toujours pas mis à profit son mandat pour remettre de l'ordre dans ce dossier et faire respecter la volonté de l'Europe d'aider les pays en développement.
En tout état de cause, la décision du premier CICID de janvier 1999 de privilégier la " subsidiarité " et " dans les pays où l'action de la France n'est pas prioritaire, choisir le canal de l'aide multilatérale, et notamment communautaire " mérite sans doute d'être mieux mesurée à l'aune de l'incapacité européenne.
D. L'INTÉGRATION DU MINISTÈRE DE LA COOPÉRATION AU SEIN DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES : FUSION OU DISSOLUTION ?
Désormais effective, l'intégration de l'ancien ministère de la coopération au sein du ministère des Affaires étrangères s'est traduite par une illisibilité accrue de l'instrument " aide au développement ", illisibilité qui ne parvient pas néanmoins à pleinement masquer la diminution de cette aide.
Le projet de loi de finances 2001 se caractérise, en effet, par la banalisation définitive de la composante " coopération technique et aide au développement ", qui devient un des trois " outils " de l'agrégat " coopération internationale ", au même rang que la " coopération culturelle et scientifique " et l'" action audiovisuelle extérieure ".
A cette occasion, la coopération militaire et de défense est " sortie " de l'agrégat " coopération internationale " pour être intégrée dans l' " action diplomatique ", avec des moyens nettement diminués et un champ d'intervention géographique devenu illimité.
Les crédits d'intervention du titre IV enregistrent une baisse globale de 3 %, qui affecte, pour l'essentiel, les instruments de la " coopération " traditionnelle.
Ainsi, les effectifs de l'assistance technique, dont le Gouvernement avait pourtant estimé l'année dernière qu'ils avaient atteint " l'étiage ", continuent de diminuer, alors même que cette spécificité du système français est considérée comme un incontestable " avantage comparatif " par les autres bailleurs multilatéraux, et constitue un élément concret de cette " présence française à l'étranger " que s'évertue à maintenir le ministère. Le choix de la poursuite de la réduction des effectifs, joint à une politique de gestion du personnel qui aboutit à rigidifier à l'extrême le processus de recrutement et de mobilité, et se traduit aujourd'hui par l'existence de près de 300 postes vacants, ne paraît pas de nature à conforter la place de la France à l'étranger.
L'impression retirée des différentes missions menées sur le terrain amène à conclure que, au sein de l'aide au développement, l'outil " projets de coopération " est progressivement supprimé et ses moyens confondus, sinon transférés, avec ceux de la coopération culturelle et linguistique, qui n'a pas nécessairement les mêmes objectifs. Le terrain est alors laissé libre à la seule coopération dite " non gouvernementale ", à ceci près qu'elle fonctionne sur subventions publiques.
De fait, les crédits de subventions à " divers organismes concourant à la coopération et au développement " progressent, confortant la prolifération d'associations et d'organismes divers servant d' " opérateurs ". On passe ainsi clairement d'une logique de " projets " à une logique " de " subventions ". L'efficacité, la cohérence et la lisibilité de l'action française de coopération n'y gagnent rien, pas plus d'ailleurs que la garantie de bon usage des deniers publics).
De façon plus générale, l'objectif qui consiste à " conforter la présence française à l'étranger " est éminent et incontestable. Peut-on, pour autant, systématiquement l'assimiler à une politique d' " aide au développement " ?
A l'administration centrale, la mise en place de la " monstrueuse " DGCID, sorte de Leviathan administratif, ne s'est pas faite sans heurts ni critiques. Le jugement porté sur son bilan, certes extrêmement récent, reste mitigé. Les " ajustements " de structure et les nombreux changements de titulaires de postes de responsabilité attestent de l'ampleur de certaines mises en cause.
On relèvera en outre, s'agissant de la titularisation des agents de catégorie A au sein du Ministère des Affaires étrangères, que seuls les administrateurs civils ont accepté cette formule sans hésiter. En revanche, sur l'ensemble des personnes concernées, la moitié seulement se sont déclarées candidates à l'intégration, et moins du tiers l'ont accepté en définitive. Cette " perte en ligne " n'est pas sans soulever quelques interrogations.
D'une manière générale, l'intégration des personnels au sein du Ministère des Affaires étrangères s'est accompagnée parallèlement d'une réduction massive des personnels contractuels qui constituaient pourtant une spécificité précieuse et originale de la " coopération française ".
Pour terminer, l'avenir de cet instrument longtemps privilégié, voire emblématique, qu'est le Fonds de solidarité prioritaire, suscite les plus grandes inquiétudes, qui vont bien au-delà de la réserve suscitée par les modifications de procédure.
Certes, pour préserver la pluriannualité et le caractère contractuel des projets mis en oeuvre sur ces crédits, l'inscription en titre VI est inévitable. Mais, depuis qu'ont été transférées à l'AFD les compétences d'investissement sur les secteurs santé et éducation, la régularité budgétaire des projets présentés au FSP devient de plus en plus fragile, en ce qu'ils correspondent de moins en moins à des opérations ressortant du titre VI et de plus en plus du titre IV, il est vrai soumis à " portion congrue ".
Mais la méthode n'est pas bonne. Persister à vouloir inscrire des projets au FSP, en diminuant souvent à due concurrence les crédits du titre IV, risque de les faire tomber en fin de parcours sous le couperet du contrôle financier pour non conformité à l'ordonnance organique, ce qui est peut-être après tout la forme d'euthanasie qu'attend tout un chacun.
E. UNE ZONE DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE DONT LES MOYENS SERVENT DE PLUS EN PLUS À LA SATISFACTION DÉSORDONNÉE D'AUTRES BESOINS
Définie par le Premier ministre en février 1998 comme " la zone dans laquelle l'aide au développement bilatérale doit être sélective et concentrée " et où " la France peut disposer d'un effet significatif en termes économiques ou politiques ", la ZSP est censée comprendre " les pays les moins développés en termes de revenu et n'ayant pas accès aux marchés des capitaux ". A ce titre, les pays de la ZSP devraient notamment être les seuls à bénéficier des interventions financées sur le FSP ou par l'intermédiaire de l'AFD.
L'analyse de l'affectation des différents instruments de l'aide publique française montre que ce principe de " concentration " n'est pas respecté.
Ainsi, le redéploiement des crédits de coopération militaire vers de nouveaux partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale, est clairement engagé.
De même, si très peu de projets ont pu être mis en oeuvre au titre du FSP pour les nouveaux partenaires de la ZSP (à peine 7 % de l'enveloppe 2000), il est apparu facile d'y inscrire un projet de 30 millions de francs pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité dans les Balkans. De toute façon, le nouveau décret du 11 septembre 2000 prévoit la possibilité de financer, " à titre exceptionnel " ( !), des projets hors ZSP.
De même encore, la totalité des crédits d'aide budgétaire exceptionnelle sur titre VI ont été affectés à des pays hors ZSP.
Enfin, si l'AFD a réussi à mettre en oeuvre dès 1999 un volume important de projets en faveur des nouveaux pays de la ZSP, elle a également financé des opérations au Kosovo et en Albanie pour près de 40 millions de francs.
Au total, le décompte de l'aide accordée à la région des Balkans -qui ne figure pas dans la zone ZSP- sur les deux exercices 1999-2000, à travers l'ensemble des instruments d'aide publique au développement, s'élève à plus de 500 millions de francs.
En fait, notre aide au développement apparaît de plus en plus comme une caisse au couvercle toujours ouvert pour puiser, au fil de la conjoncture, de quoi intervenir, ici ou là, pour briller un instant dans les instances internationales et les scènes des grandes controverses mondiales -aujourd'hui les Balkans, mais demain qui ?-, sans trop savoir qui on aide, qui on nourrit et de quels aigrefins on se fait parfois, sans le savoir, le complice.
Au total, le projet de budget pour 2001 signe la disparition programmée, quoiqu'on en dise, des " coopérants ", du " FAC ", et même d'une " zone d'intervention privilégiée ". L'aide publique française y trouvera-t-elle, à terme, véritablement son compte ?
AGRICULTURE ET PÊCHE
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I. LE FLECHISSEMENT DU BUDGET DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
A. UN BUDGET EN AUGMENTATION APPARENTE DE 2 %
Malgré les circonstances qui ont particulièrement ébranlé le secteur agricole cette année (les tempêtes de la fin 1999, la persistance inquiétante de la crise de la " vache folle ", les difficultés économiques quotidiennes rencontrées par les pêcheurs), le budget de l'agriculture et de la pêche n'apparaît pas comme un budget prioritaire au sein du budget de l'Etat. Il n'est d'ailleurs, de prime abord, pas sensiblement différent de celui pour 2000.
Il s'élève à 29,617 milliards de francs en 2001 , en augmentation apparente de 2 % seulement par rapport à 2000.
Mais cette revalorisation inclut 418,3 millions de francs de crédits de cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'Etat, imputées jusqu'alors au budget des charges communes et transférées pour 2001 au budget de l'agriculture.
A l'inverse, le transfert de cinq emplois et des crédits correspondants vers le budget des services généraux du Premier ministre, participant d'une volonté louable de clarification du projet de loi de finances, prive le budget de l'agriculture de près de 2 millions de francs pour 2001.
De même, le transfert de crédits consécutif à la décentralisation d'un centre national de formation d'apprentis horticoles vers le budget de l'emploi et de la solidarité ampute le budget de l'agriculture de 1,5 million de francs.
Si bien qu'à structure constante, l'augmentation n'est en réalité que de l'ordre de 580 millions de francs en valeur, soit de 0,6 %, c'est-à-dire sensiblement moins que la hausse de 1,5 % de l'ensemble du budget de l'Etat. En outre, si l'on tient compte de l'inflation, estimée à 1,2 % par le gouvernement, le budget de l'agriculture et de la pêche baisse de 0,6 % en termes réels.