II. LA FIN DU " GEL " DE L'EMPLOI PUBLIC

Le gouvernement avait, depuis 1997, affiché un gel de l'emploi public. Sa position officielle consistait à stabiliser le nombre de fonctionnaires, tout en procédant à des redéploiements d'effectifs en direction des secteurs prioritaires comme la justice ou la sécurité. L'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait d'ailleurs affirmé, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, qu' " il existe un risque d'hypertrophie de certaines administrations centrales que le gouvernement entend corriger " 21 ( * ) .

Il est à craindre que l'échec de la réforme de l'administration fiscale n'ait conduit le gouvernement à ne plus chercher à prévenir ce " risque d'hypertrophie ".

A la différence des années antérieures - stabilisation des effectifs en 1999, création de 247 emplois en 2000 -, le projet de loi de finances pour 2001 renoue avec des créations massives d'emplois publics telles qu'il n'y en avait plus eu depuis le début des années 1990, et prévoit la création de 11.337 emplois nouveaux , dont 10.112 au sein des services et 1.225 dans les établissements publics. Il convient bien de préciser qu'il s'agit de créations nettes d'emplois, intervenant en dehors du remplacement des 60.000 fonctionnaires qui partiront à la retraite en 2001.

Le tableau ci-après présente ces créations d'emplois par section budgétaire :

Votre rapporteur spécial désapprouve vivement cette orientation, pour au moins trois raisons :

1) La création de nouveaux emplois de fonctionnaires n'est motivée par aucun argument objectif.

Le gouvernement a une attitude contradictoire. Il a, au cours des dernières années, expliqué qu'il avait fait le choix politique d'un maintien du niveau des effectifs de la fonction publique, tout en précisant que l'apparition de gains de productivité dans l'administration permettait de réaliser des redéploiements. Puis, il décide maintenant de procéder à des recrutements massifs, qui seraient rendus nécessaires par une politique axée sur la qualité du service public, alors que c'est précisément la plus grande efficacité de cette dernière qui permet de dégager des gains de productivité, lesquels devraient être mis à profit pour réduire le nombre de fonctionnaires !

En outre, l'essentiel des créations d'emplois en 2001 - 6.601 sur 10.112, soit près des deux tiers - concerne le ministère de l'éducation nationale, alors que le nombre des élèves comme celui des étudiants ne cesse de diminuer.

2) La répartition de ces emplois ne paraît guère réaliste.

En effet, quelle signification faut-il donner, par exemple, à la création de 2 emplois au ministère de la culture et à la suppression de 2 autres emplois au ministère des finances, alors que, d'une part, le gouvernement envisageait initialement de supprimer 3.000 emplois en trois ans dans ce dernier, et que, d'autre part, les travaux de la Cour des comptes ont montré que l'Etat méconnaissait le nombre de ses fonctionnaires, en tout cas à l'unité près 22 ( * ) ?

3) La création de plus de 11.000 emplois nouveaux va alourdir le poids des dépenses de fonction publique, et réduire davantage encore les marges de manoeuvre du budget de l'Etat.

Votre rapporteur spécial rappelle que les dépenses de la fonction publique représentent 42 % du budget général.

Or, la rémunération des fonctionnaires représente un coût croissant, notamment depuis l'intervention de l'accord salarial du 10 février 1998 qui a eu son plein effet en 2000.

Le gouvernement n'a tiré aucune conclusion des rapports du Commissariat général du Plan sur la fonction publique

Au cours de l'année, le Commissariat général du Plan a publié deux rapports importants, élaborés dans le cadre du groupe de travail qu'il avait mis en place sur le thème de la gestion de l'emploi public, présidé par M. Bernard Cieutat.

•  Le rapport intitulé Fonctions publiques : enjeux et stratégie pour le renouvellement , a été publié en mars 2000.

Dans son avant-propos, le Commissaire au Plan, M. Jean-Michel Charpin, note que " la gestion de l'emploi public est au coeur de la réforme de l'Etat ", les mesures à mettre en oeuvre étant nécessitées par les " nombreux changements qui vont s'opérer dans la fonction publique au cours des prochaines années ".

En effet, " le contexte fait apparaître la nécessité de choix urgents ", le contexte démographique en particulier, la moitié des fonctionnaires actuellement en poste allant partir à la retraite d'ici 2012.

L'heure n'est donc pas à des recrutements massifs de fonctionnaires mais à une gestion active des recrutements, excluant un remplacement emploi pour emploi, et poursuivant un objectif de redéploiement d'effectifs, en particulier en faveur des secteurs prioritaires.

Comme le note le rapport, " les marges de manoeuvre créées par les départs à la retraite plus importants que par le passé ouvrent donc la possibilité de mieux ajuster les recrutements aux besoins des administrations. Il s'agit d'une chance historique de réaliser en souplesse des mutations dans l'intérêt de tous ".

• En mai 2000, le même groupe de travail a publié un autre rapport, intitulé Gestion dynamique de la fonction publique : une méthode .

Ce rapport part lui aussi des bouleversements démographiques qui vont affecter la fonction publique au cours des années à venir, et qui créent des opportunités de reconfiguration des services publics.

Il considère qu'une démarche de gestion prévisionnelle est d'autant plus indispensable que le rythme des départs à la retraite sera très différent d'un ministère à un autre.

Il se place également dans une perspective consistant à améliorer la qualité du service public, d'autant plus que les exigences des usagers-clients deviennent de plus en plus grandes. Par ailleurs, le développement des nouvelles technologies aura d'importantes conséquences sur l'organisation du travail, et donc sur la répartition des moyens.

En fait, tous ces travaux convergent pour appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité d'entreprendre d'importantes réformes visant à dynamiser la gestion des personnels de l'Etat.

Mais le gouvernement semble y rester sourd, préférant, une fois encore, se donner le temps de la réflexion, comme si le diagnostic n'était pas connu et comme s'il n'était pas temps d'agir.

* 21 Audition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 1 er février 2000.

* 22 Le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, M. Michel Sapin, a lui-même reconnu que l'Etat ne connaissait pas le nombre de ses fonctionnaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page