Rapport n° 67 (2000-2001) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 novembre 2000

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N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 novembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome III : Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2606 , 2631, 2633 et T.A. 567

Sénat : 64 (2000-2001).

Sécurité sociale .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le 21 mars dernier, le Premier ministre a refermé le dossier des réformes nécessaires pour garantir l'avenir des retraites.

Venant après le livre blanc sur les retraites de 1991, les perspectives à long terme des retraites de 1995 et le rapport du Commissaire général au plan d'avril 1999, le rapport du nouveau conseil d'orientation des retraites, qui sera probablement remis en 2002, confirmera sans aucun doute le diagnostic déjà formulé à maintes reprises : il est urgent d'agir.

Entre temps, l'avis du conseil économique et social adopté le 12 janvier 2000 aura rempli son office.

Car si, aujourd'hui, le diagnostic du rapport Charpin n'est plus contesté, c'est bien la méthode préconisée par M. René Teulade qui a été retenue par le Gouvernement : le " Conseil d'orientation des retraites " ressemble comme un frère au " centre national de vigilance " préconisé par le rapporteur du conseil économique et social.

Mais le Gouvernement dira qu'il " met de côté en prévision des jours difficiles "  en annonçant un fonds de réserve doté de 1.000 milliards de francs à l'horizon 2020, et les Français penseront que 1.000 milliards de francs c'est " beaucoup ".

Qu'importe si cette somme ne représente que cinq ans de besoin de financement de la seule branche vieillesse du régime général à compter de 2020 et qu'à cette date, ladite branche aura déjà accumulé 600 milliards de francs de déficit.

Qu'importe que ce fonds de réserve soit aujourd'hui alimenté essentiellement avec des recettes exceptionnelles qui se tariront les unes après les autres, dès lors qu'elles présentent l'avantage d'être indolores, du moins en tant qu'elles ne figurent pas sur les feuilles d'impôts ou de salaires et ne sauraient s'apparenter à une " surcotisation ".

Qu'importe enfin si les excédents de la sécurité sociale qui doivent également alimenter le fonds de réserve sont détournés par le présent projet de loi pour financer la coûteuse politique des trente-cinq heures.

Aujourd'hui, la branche vieillesse bénéficie d'une situation exceptionnellement favorable sous l'effet de la croissance économique et du creux démographique des générations d'avant guerre aujourd'hui à l'âge de la retraite.

Aujourd'hui, il est effectivement possible de faire bénéficier ces retraités des fruits de la croissance. Il serait même certainement possible de faire mieux que le " coup de pouce " de 0,5 % proposé pour 2001.

Demain qu'en sera-t-il ? Il appartiendra probablement au Conseil d'orientation des retraites de le dire... en 2002.

Entre temps, le rapport d'orientation annexé au présent projet de loi se veut pleinement rassurant : " sur la base de ce diagnostic (celui du rapport Charpin d'avril 1999) et après avoir largement consulté, le Gouvernement travaille pour préparer l'avenir (...) en engageant la concertation ".

I. LA BRANCHE VIEILLESSE : DES EXCÉDENTS FRAGILES

La branche vieillesse rassemble les prestations d'assurance vieillesse correspondant à des droits directs ou dérivés, les prestations d'assurance veuvage et les prestations d'invalidité servies à des bénéficiaires de droits dérivés.

L'objectif de dépenses de la branche vieillesse-veuvage pour 2001, prévu à l'article 43 du projet de loi, s'élève à 830,4 milliards de francs 1 ( * ) après adoption par l'Assemblée nationale en première lecture .

La définition des dépenses de vieillesse est précisée dans l'annexe C du projet de loi : leur champ couvre l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. L'objectif de dépenses porte sur l'ensemble des dépenses des régimes et non sur les seules prestations.

Ces dépenses comprennent :

•  les prestations sociales légales ou extralégales ;

•  les prestations des services sociaux (notamment la prise en charge partielle des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux) ;

•  les frais de gestion engagés par les organismes de sécurité sociale ;

•  les transferts entre régimes de protection sociale ;

•  les frais financiers et les autres dépenses.

Les objectifs de dépenses par branche du projet de loi de financement sont définis à partir du total des dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, de la façon suivante :

•  sont enlevées les dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires, les transferts internes aux régimes de base considérés, ainsi que les dépenses constituant la contrepartie des cotisations prises en charge par la sécurité sociale ;

•  sont ajoutées les dépenses dans les départements d'outre-mer (DOM) qui, dans les comptes de la sécurité sociale, sont consolidées avec les recettes perçues dans les DOM.

A. UNE CONJONCTURE EXCEPTIONNELLEMENT FAVORABLE

Plus encore que 1999, l'année 2000 s'est caractérisée par une croissance économique soutenue. Sans influences sur les dépenses, cette bonne conjoncture est à l'origine d'un surcroît de cotisations favorable à l'équilibre financier des différents régimes. La croissance forte de l'année 2000 est, après le déficit chronique du milieu de la décennie, le principal facteur d'un redressement financier général.

1. Le régime général en excédent pour la seconde année consécutive

L'année 1999 s'est soldée pour la CNAVTS par un excédent de 3,715 milliards de francs après un léger déficit en 1998 de 224 millions de francs. En recettes, les cotisations ont crû de 4,4 %, les produits fiscaux affectés de 12 %, les transferts reçus de 5 % alors que les transferts versés n'augmentaient que de 3 %. En dépenses, les prestations hors DOM ont augmenté de 3,8 %.

Evolution des cotisants et retraités du régime général

(en milliers)

Comme le montre le graphique, la progression du nombre de retraités est quasiment parallèle au nombre de cotisants avec un écart important entre les deux courbes. Cette situation démographique favorable, qui justifie que la CNAVTS enregistre aujourd'hui des excédents, se dégradera à compter de 2006.

En effet, la période de la guerre a donné lieu à une chute du taux de natalité. Ces classes démographiques arrivent en âge de retraite entre 1999 et 2006-2007, produisant une moindre croissance du nombre des pensionnés. Cet effet sera provisoire car, à partir de 2006, les classes pleines de 1946 et suivantes arriveront en âge de retraite et seront à l'origine d'une plus forte croissance du nombre de retraités, donc des pensions versées.

La tendance 1999 se reporte sur l'année 2000 qui, en prévisions, présente un excédent de 3,5 milliards de francs en encaissement-décaissement et de 4,32 milliards de francs en droits constatés.

En 2000, le produit des cotisations croît de 5 % alors que le montant des produits fiscaux régresse de 40 %. Le montant des prestations n'augmente lui que de 2,9 % et le poste transfert se solde par une hausse des dépenses de 12 % et une baisse des recettes de 5 %.

L'écart de 2,9 milliards de francs entre l'excédent affiché par la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2000 et l'excédent retenu dans le présent rapport correspond au transfert d'une fraction du solde positif prévisionnel de la branche au fonds de réserve, conformément à l'article L. 245 du code de la sécurité sociale.

Votre rapporteur estime en effet que la présentation retenue par le Commission des comptes introduit une confusion entre la formation du résultat de la CNAVTS et son affectation . L'affectation d'un excédent, même en cas de versement d'acomptes en cours d'année, ne saurait être considérée comme une dépense de l'exercice.

Solde de la CNAVTS :
définitif 1998 et 1999, prévisions 2000 et 2001

1998

1999

2000

2001

ed*

dc*

ed*

dc*

ed*

dc*

ed*

dc*

Recettes

385,9

389,7

403,5

407,1

415,1

416,9

430,6

434,1

dont

Cotisations

293,2

297,8

306,2

309,1

322,8

324,3

338,3

340,4

Impôts taxes

4,6

4,7

5,2

5,3

3,3

3,3

3,4

3,4

Transferts reçus

81,9

81,7

86,2

86,1

82,9

82,6

82,3

83,1

Dépenses

385,6

386,8

399,8

402,1

411,6 (1)

412,6 (1)

427,2

427,6

dont

Prestation

349,4

350,5

362,7

363,8

372,7

374,5

387,4

388,9

Transferts versés

27,9

28,1

28,8

30,0

29,5

29,6

30,9

30,0

Solde

- 0,2

2,8

3,7

5,0

3,5 (1)

4,3 (1)

3,3

6,4

sources : CCSS - CAS

ed : encaissement-décaissement

dc : droits constatés

(1) hors prélèvement sur l'excédent.

En 2001, le solde tendanciel, c'est-à-dire avant mesure du présent projet de loi de financement, fait apparaître un excédent de 3,3 milliards de francs en encaissement-décaissement et 6,4 milliards de francs en droits constatés.

Les cotisations continueraient de croître sur un rythme de 5 % l'an, les prestations augmentant de 3,8 %.

Cette dernière progression repose sur l'hypothèse d'un taux de revalorisation des pensions de 1,7 % au 1 er janvier 2001 correspondant à une indexation sur les prix (+ 1,2 % au titre de l'évolution prévisionnelle pour 2001 des prix hors tabac en moyenne annuelle) avec correction de l'écart constaté au cours de l'année précédente (rattrapage de + 0,5 % au titre des prix de l'année 2000).

Comme l'indique le rapport de la Commission des comptes (septembre 2000), " cette règle d'indexation, qui a été appliquée de 1994 à 1999, ne découle pas directement de la loi aujourd'hui, mais elle paraît conforme à la notion d'évolution " tendancielle ". "

Les comptes du régime général se sont donc nettement redressés.

L'arrivée des " classes creuses " de la Seconde guerre mondiale à l'âge de liquidation est à l'origine d'une moindre progression des prestations. La bonne conjoncture économique favorise la croissance des cotisations. Par ailleurs, les réformes entreprises en 1993-1994 commencent à porter leurs fruits et sont source d'économies.

Néanmoins, votre rapporteur rappelle cette bonne santé de la branche n'est qu'un état précaire. Les difficultés surviendront inéluctablement avant la fin de la décennie.

2. Les régimes alignés ont connu une année 2000 moins favorable que 1999

Le régime de base des commerçants et industriels (ORGANIC), dont le solde fluctue autour de l'équilibre par un apport automatique d'une fraction de la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés), à l'instar de la CANCAVA, est excédentaire de 1,8 milliard de francs en 1999.

En 2000 et 2001, le solde redeviendrait négatif du fait d'une forte fluctuation des apports de C3S et des compensations démographiques. Les déficits prévisionnels pour ces deux années sont respectivement de 1,1 et 1 milliard de francs.

Néanmoins, l'ORGANIC profite pleinement de la reprise économique puisque sur 1999-2000 le régime a gagné 20.000 cotisants. Par ailleurs, il prélève des cotisations sur un revenu d'activité moyen en hausse pour la première fois depuis 10 ans. L'ORGANIC qui ne connaîtra pas de choc démographique contrairement au régime général, améliore donc son autofinancement.

Evolution des ressources de l'ORGANIC Base

1999

2000 (prévision)

2001 (prévision)

Solde (en millions de francs)

1.880

- 1.170

- 1.000

Variation C3S

+ 9,2 %

- 58,2 %

+ 74,5 %

Variation compensation

+ 10 %

- 12,3 %

- 4,3 %

Variation cotisation

+ 6,2 %

+ 4,1 %

+ 0,9 %

Le régime des artisans de base -CANCAVA- a réalisé, en 1999, un excédent de 1,9 milliard de francs. Le solde devrait connaître un déficit de près de 1,86 milliard de francs en 2000 avant de revenir à un niveau légèrement négatif de - 368 millions de francs en 2001.

Cet écart de près de 4 milliards de francs entre les exercices 1999 et 2000 est imputable tant aux recettes qu'aux dépenses. En recettes, une forte baisse prévisionnelle du produit attribué de la C3S dégrade les comptes de 2,2 milliards de francs. En emplois, la mensualisation des versements avait neutralisé, sur l'année 1999, l'équivalent d'un mois de prestation. Cet effet exceptionnel n'intervient pas en 2000.

Evolution des ressources de la CANCAVA Base

1999

2000 (prévision)

2001 (prévision)

Solde (en millions de francs)

1.940

- 1.860

- 360

Variation impôts et taxes affectés

- 13,2 %

- 52,2 %

+ 85 %

Variation compensation

+ 12,7 %

- 15,8 %

+ 3,6 %

Variation cotisation

+ 7,6 %

+ 1,6 %

+ 1,6 %

Le régime des professions libérales -CNAVPL- , après avoir connu un très léger déficit de 16 millions de francs en 1999, devrait renouer avec l'excédent en 2000 (325 millions de francs) et 2001 (320 millions de francs). Le déficit de l'exercice 1999 est dû à une augmentation de la compensation démographique en 1998 et 1999 et à une baisse de la rémunération pour frais de gestion du Fonds national de solidarité (FNS) qui est versée par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce déficit ne devrait donc pas se reproduire en 2000 et 2001.

3. Les régimes complémentaires de salariés voient leur situation s'améliorer

L'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) connaît une situation très favorable depuis 1998. En 1999, son solde révèle un excédent de 13,4 milliards de francs. Les cotisations de l'exercice ont crû fortement (7,8 %) sous l'effet d'un triple facteur : la hausse du salaire moyen (2,1 %), la progression de l'effectif cotisant (2,3 %) ainsi que le relèvement du taux contractuel mis en oeuvre au 1 er janvier 1999. En dépenses, les prestations n'ont augmenté que de 3,1 %.

L'ARRCO bénéficie par ailleurs des effets des accords d'avril 1996. Ces accords sont à la source d'une économie estimée à 5,2 milliards de francs pour 1999, 5,5 milliards de francs et 5,9 milliards de francs pour 2000 et 2001.

En 2000 et 2001, l'excédent prévisionnel sera respectivement de 11,7 et 18,3 milliards de francs.

Les accords du 25 avril 1996 à l'AGIRC et l'ARRCO

Le régime ARRCO (qui couvre l'ensemble des salariés du secteur privé, y compris les cadres) et le régime AGIRC (qui couvre les seuls cadres) ont fait l'objet de modifications importantes entre 1993 et 1996, décidées dans le cadre d'accords nationaux interprofessionnels. Ces accords sont principalement destinés à assurer l'équilibre financier des régimes complémentaires de retraite, mais ils ont également mis en place un certain nombre de réformes institutionnelles.

Les accords adoptés en février 1993 et en février 1994 se sont avérés insuffisants pour équilibrer les régimes complémentaires à long terme et les analyses effectuées préalablement à la signature des accords de 1996 faisaient état d'un besoin de financement estimé à 37 milliards de francs pour les régimes ARRCO et à 130 milliards de francs pour le régime AGIRC d'ici 2005. Ces perspectives ont donc conduit à la signature de trois accords datés du 25 avril 1996, l'un concernant l'ARRCO, l'autre AGIRC et le troisième, des dispositions communes aux deux régimes.

Conclus pour la période allant du 1 er janvier 1996 au 31 décembre 2005, ces accords introduisent deux modifications institutionnelles importantes : ils prévoient la fusion de l'ensemble des régimes ARRCO en un régime unique de retraite à compter du 1 er janvier 1999 et ils instaurent, par ailleurs, un mécanisme de compensation financière entre l'AGIRC et l'ARRCO.

Ces accords prévoient également un certain nombre de dispositions financières visant à équilibrer sur le long terme les deux régimes :

Les augmentations des taux de cotisations minimaux

Pour l'ARRCO, les accords prévoient de rendre obligatoires pour les non-cadres les taux de cotisations jusque-là facultatifs sur la tranche B, selon un calendrier prévisionnel étalé jusqu'en 2005 où le taux sera fixé à 16 % pour tous les salariés.

Pour l'AGIRC, le calendrier de passage à un taux obligatoire de cotisations de 16 % sur les tranches B et C est accéléré, ce taux de 16 % devant être atteint à compter du 1 er janvier 1999.

La diminution des rendements

Par ailleurs, des modifications des taux de rendement ont été décidées pour les deux régimes. La révision des modes de calcul du salaire de référence conduiront, pour un salaire constant et pour un même taux de cotisation, à attribuer moins de points en 2000 qu'en 1995 : 14,5 % de moins pour l'ARRCO et 21 % de moins pour l'AGIRC.

Le règlement du litige entre l'Etat et l'ARRCO devrait générer des rentrées de l'ordre de 2,2 milliards de francs jusqu'à épuisement des engagements de l'Etat 2 ( * ) .

L'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) devrait connaître un excédent en 2001, après de longues années de déficit.

En 1999, la caisse a frôlé l'équilibre (- 95 millions de francs), ce qui représentait une nette amélioration par rapport à l'exercice 1998 (- 2,1 milliards de francs). Ce retour vers l'équilibre était dû à une forte progression des cotisations sociales (5,1 %) et une évolution plus lente que prévu des prestations.

Les comptes 2000 (- 1,1 milliard de francs) traduisent l'impact d'une jurisprudence de la Cour de cassation en date du 23 novembre 1999 qui a considéré que les accords de 1996 ne pouvaient affecter les pensions déjà liquidées. Sur le plan financier, cette décision se traduit par un coût immédiat de 2,7 milliards de francs et par une dépense annuelle de 650 millions de francs.

Les perspectives à court terme sont néanmoins favorables : le retour à l'excédent est prévu pour 2001 (2,1 milliards de francs).

L'influence de la bonne conjoncture est considérable car l'AGIRC voit pour la première fois depuis dix ans son plafond 3 ( * ) augmenter moins vite que le salaire moyen des cadres 4 ( * ) . En outre, les premiers gains de la mise en oeuvre des accords de 1996 et l'apurement sur sept ans, pour 2 milliards de francs des dettes de l'Etat (compensation des points accordés aux préretraités et chômeurs), accompagnent ce retour vers l'équilibre.

Evolution du rapport démographique actif/retraité
dans les régimes salariés complémentaires ARRCO/AGIRC

Néanmoins, et même si la croissance économique a quelque peu amélioré les prévisions, les comptes du régime devraient se dégrader fortement entre 2006 et 2010.

B. L'IMPORTANCE DES TRANSFERTS FINANCIERS

La plupart des régimes de retraite sont solvabilisés par des transferts financiers devenus avec le temps particulièrement complexes. La bonne conjoncture améliore l'autofinancement de certaines caisses mais ne peut redresser significativement les conséquences de leurs courbes démographiques défavorables.

L'équilibre financier courant des caisses est maintenu par trois types de ressources.

1. Le lissage des disparités démographiques et économiques entre caisses : le système des compensations

Le système français de sécurité sociale est caractérisé par un grand nombre de régimes organisés sur le principe de la répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Ces groupes, qui ont créé leurs régimes à des époques différentes, avec chacun leurs spécificités. Leur démographie varie sensiblement, leurs moyens financiers également. Ces moyens sont d'autant plus élevés que le nombre de cotisants est supérieur au nombre de retraités et que le salaire moyen du groupe sur lequel sont assises les cotisations est important.

La loi du 24 décembre 1974 a donc instauré un système de compensation généralisé. Son objet est d'empêcher que certains régimes n'encourent la faillite ou ne soient dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'économie sévères pour atteindre un équilibre interne manifestement hors de leur portée.

A ce " jeu " de compensation entre régimes -qui est établie au titre des trois risques 5 ( * ) - certains sont contributeurs nets et d'autres bénéficiaires nets.

Ces compensations sont dans l'ensemble bien acceptées. Elles participent de la solidarité entre régimes. Elles évitent ainsi que des efforts de redressement trop brutaux ne conduisent à des situations inéquitables.

I - Compensation démographique vieillesse (36,4 MdF)

Régimes financeurs Régimes bénéficiaires

En revanche, le système de la " surcompensation " apparaît plus contestable . Pour corriger l'insuffisance de transferts de compensation généralisée vis-à-vis des régimes spéciaux, la loi du 30 décembre 1985 a institué une compensation supplémentaire spécifique aux régimes spéciaux qui s'ajoute à la compensation généralisée.

Cette " surcompensation " a le mérite de contribuer à l'équilibre de certains régimes mais il frappe durement l'un d'entre eux : la CNRACL.

II - Compensation entre régimes spéciaux (17,3 MdF)

Régimes financeurs Régimes bénéficiaires

La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)
et les compensations.

La CNRACL a été instituée par un décret du 19 septembre 1947. Cet établissement public géré par la Caisse des dépôts et consignations verse des pensions de retraite et d'invalidité aux agents titulaires permanents des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs et hospitaliers.

La caisse bénéficie encore d'un ratio démographique favorable par rapport aux autres régimes généraux. La montée en charge du régime n'est pas achevée. En conséquence, la CNRACL dégage chaque année des excédents importants avant transferts (17 milliards de francs en 1999).

Ces excédents sont utilisés quasi intégralement dans le cadre des compensations générale et spéciale. Depuis 1974, la caisse a versé près de 250 milliards de francs au titre des deux, dont 137 milliards de francs pour la première et 112 au titre de la seconde. En 2001, elle prévoit deux versements de 9 milliards de francs chacun.

Si la compensation générale est bien acceptée par les partenaires sociaux représentés au sein du conseil d'administration, les sommes versées dans le cadre de la compensation spéciale appellent de fortes réserves. Car, si hors compensation, la caisse génère entre 15 et 20 milliards de francs d'excédents, il lui faut recourir à des emprunts de trésorerie dont le plafond est fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour assurer le paiement des prestations au long de l'année. Ces emprunts engendrent des frais financiers et donnent une fausse impression de déficit latent.

La démographie du régime évolue sensiblement. A partir de 2005, où il sera encore de 2,5 cotisants pour un retraité, une forte dégradation de ce rapport est prévue. La caisse entrera dans cette période moins favorable sans avoir pu constituer de réserves. Aussi, le Gouvernement s'est-il engagé à diminuer légèrement le taux de surcompensation.

2. La contribution fiscale de l'Etat aux régimes non salariés

L'Etat est contributeur net des compensations générales et spéciales.

Il assure par ailleurs l'équilibre des régimes de non-salariés (commerçants et artisans) en leur transférant, au prorata de leurs déficits comptables, une part de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

Cette taxe, instituée par la loi du 3 janvier 1970, a fait l'objet d'une réforme destinée à accroître son rendement en 1995.

La C3S a contribué à l'équilibre de l'ORGANIC pour 6,7 milliards de francs en 1999 et à hauteur de 2,9 milliards de francs en 2000. La CANCAVA se voit attribuer respectivement 4 milliards de francs et 2 milliards de francs en 1999 et 2000. Grâce à ce mécanisme, le solde de ces régimes fluctue autour de l'équilibre.

En outre, la C3S abonde le BAPSA et, pour une plus petite part, la Caisse maladie des professions non agricoles (CANAM).

Ces modalités de répartition ont été modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, les excédents de C3S sont répartis, sur arrêté ministériel, entre le FSV et le fonds de réserve des retraites.

Votre rapporteur s'interroge si cet abondement se fera au détriment des caisses de retraite ou si, au contraire, le versement au fonds de réserve sera subordonné à l'équilibre courant des régimes non salariés . Cette hypothèse soulève des interrogations sur la crédibilité de cette ressource du fonds de réserve.

3. La contribution de la branche famille : l'étrange cas de l'Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000, la Cour des comptes a consacré un développement particulier à l'assurance vieillesse des parents au foyer.

Pour certains parents, cette assurance vieillesse prend en charge les années passées au foyer. Elle leur permet de compléter d'éventuelles années validées au titre de leur activité professionnelle. Créée en 1972, réservée alors aux seules mères de famille, elle fut étendue aux pères en 1979. Elle est soumise à des critères d'attribution restrictifs : conditions de ressources, nombre d'enfants.

La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) est, en quelque sorte, l'employeur fictif des ayants droit. La branche famille verse donc une somme qui atteint 21,6 milliards de francs en 1999 au titre de ces " cotisations ". Cette somme a fortement augmenté depuis la mise en oeuvre du mécanisme.

Comme le relève la Cour des comptes, les prestations servies sont aujourd'hui sans commune mesure avec le montant des " cotisations " réglées par la CNAF, qui atteignent environ 3 milliards de francs.

En revanche, elles devraient, selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 1997, atteindre au moment des pics démographiques (2015-2040) 30 milliards de francs, puis 50 milliards de francs.

Or, les cotisations versées par la CNAF sont aujourd'hui comptabilisées comme des cotisations courantes et dépensées dans le cadre de l'exercice. Elles ne sont pas mises en réserve pour procéder à la liquidation des droits le moment venu.

Ce mécanisme n'aboutit finalement qu'à transférer une partie du financement de la branche vieillesse sur la branche famille. Celle-ci a financé, pendant trente ans, le système de retraite avec des " cotisations fictives " d'un montant annuel qui atteint aujourd'hui 20 milliards de francs, c'est-à-dire deux fois le montant annuel de la compensation démographique versée par la CNAVTS.

Sommes annuelles et cumulées versées par la CNAF à la CNAVTS
au titre de l'AVPF.

En 2000, la CNAVTS perçoit ainsi 22 milliards de francs de cotisations et verse 3 milliards de francs de prestations. L'AVPF permet une amélioration du solde de la branche vieillesse de 19 milliards de francs. Autrement dit, en l'absence d'un tel mécanisme, la branche vieillesse serait aujourd'hui déficitaire.

En 2040, le coût des prestations sera de l'ordre de 57 milliards de francs, le montant des cotisations restant par définition constant. L'AVPF aura alors pour effet de dégrader le solde de la branche vieillesse de 35 milliards de francs.

Entre 2000 et 2040, l'effet de l'AVPF passera d'un allégement de 19 milliards de francs à une charge nette de 35 milliards de francs. L'effet de dégradation sur les comptes sera de 54 milliards de francs.

Cette redoutable dégradation des comptes ne manquera pas de poser la question du maintien de cet avantage. Devant les difficultés considérables de financement des retraites, certains poseront immanquablement la question de la suppression des avantages familiaux en matière de retraites.

Déjà, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance considère que la prise en compte du fait familial dans les systèmes de retraite était menacée et que le transfert de leur financement à la branche famille était la solution préconisée pour leur survie.

Ainsi, déclarait-elle lors du débat à l'Assemblée nationale portant sur le transfert à la charge de la branche famille de la majoration de pension pour enfant : " Nous clarifions les comptes de la branche famille, mais qui peut nier que les avantages liés au fait d'avoir élevé des enfants font partie intégrante des comptes de la famille. J'assume totalement cette décision, sachant que, dans le débat sur l'avenir de la branche vieillesse, ces avantages ont été un moment menacés. " 6 ( * )

Votre rapporteur émet la vive crainte que ce raisonnement spécieux puisse s'appliquer un jour à l'AVPF.

Pour maintenir cette prestation qui sera certainement " menacée " au sein de la branche vieillesse -dont on sait aujourd'hui qu'elle rencontrera de grandes difficultés à compter de 2020-, il y a un fort risque que la branche famille soit appelée une nouvelle fois à la rescousse.

Une telle démarche, qui ne serait pas -hélas- incohérente avec celle conduite aujourd'hui par le Gouvernement, présenterait toutefois la particularité de conduire la branche famille à prendre deux fois l'AVPF à sa charge, une première fois au titre ses " cotisations " qu'elle paye depuis 1975 et une deuxième fois en versant les prestations lorsque celles-ci deviendront significatives.

Votre rapporteur constate à nouveau que l'absence d'orientation courageuse permettant de garantir l'avenir des retraites, conduit aujourd'hui et risque fort de conduire demain à des mesures présentées en urgence dont les familles apparaîtront comme les premières victimes.

II. LES RÉFORMES : LE DOSSIER REFERMÉ

A. LA CONFIRMATION DE NOMBREUSES INÉGALITÉS

1. Des inégalités dans l'âge de la retraite

Les règles régissant les pensions de base génèrent des inégalités. Dans son précédent rapport 7 ( * ) , votre rapporteur avait analysé les comparaisons établies par la commission Charpin 8 ( * ) entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public. Il soulignait les différences importantes existant entre les régimes :

- les régimes spéciaux permettent des départs anticipés .

Dans le secteur privé, les départs se concentrent autour de deux pics. A l'âge de 60 ans un salarié peut liquider ses droits à taux plein s'il a cotisé un nombre de trimestres suffisant. A 65 ans, il est admis à liquider sa retraite sans condition de durée d'assurance.

Dans le secteur public, les départs se répartissent sur deux pics également, mais de 55 et 60 ans pour la fonction publique et la CNRACL. Les régimes d'entreprises publiques connaissent des âges moyens de départ en retraite, de 53,5 ans à la RATP, 54,1 ans à la SNCF et 55,6 ans à EDF-GDF ;

- les régimes d'entreprises publiques offrent d'importantes bonifications d'annuité.

Ce principe permet que la durée d'assurance prise en compte dans le calcul de la pension soit inférieure à la durée effective de cotisation. Ces bonifications de durée atteignent en moyenne, pour les personnels masculins, 3,3 ans à la SNCF et 5,4 ans à la RATP.

Comme le montre le graphique ci-dessous, les possibilités de départ anticipé offertes aux salariés du secteur public accroissent l'effectif des " jeunes " retraités de chaque caisse. Alors que le régime général ne verse pas de prestation avant 60 ans, les quinquagénaires pensionnés représentent des effectifs considérables des régimes spéciaux :

Répartition des prestations de droit direct par classes d'âge (1996)

(Source rapport Charpin précité)

- par ailleurs, le rendement de la retraite des salariés du secteur privé se réduit du fait de la réforme de 1993. Celle-ci les incite à reporter leur départ en retraite à la date d'obtention du taux plein correspondant à terme à quarante annuités de cotisations.

Les conclusions de la commission Charpin arrivent à des taux de remplacement nets comparables entre les régimes du privé et ceux du public. Le rapport souligne cependant que ces écarts sont appelés à se creuser au détriment des taux du privé, du fait de la réforme de 1993.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000, la Cour des comptes a souhaité analyser de façon détaillée les avantages familiaux et conjugaux dans les systèmes de retraite. Au-delà de l'opacité et de la complexité des financements, la Cour insiste sur les nombreuses inégalités que ces avantages génèrent.

2. Les inégalités générées par les avantages " annexes "

La Cour des comptes estime, dans son rapport, à plus de 215 milliards de francs la somme annuelle distribuée au titre des avantages familiaux et conjugaux.

Les avantages familiaux, qui se montent à 80 milliards de francs, existent dans tous les régimes. Cependant les règles qui les régissent sont si disparates qu'ils sont la source d'inégalités considérables à la fois entre retraités des différents régimes, et entre les hommes et les femmes.

Les mères de familles du secteur public ayant élevé trois enfants, disposent de la possibilité de liquider leur retraite après quinze années de service.

Le montant de cette retraite est fonction des cotisations versées. Si la majorité des mères de famille poursuivent leur activité professionnelle au-delà de cette limite basse, leur âge moyen de départ en retraite est néanmoins de 49 ans pour les mères de trois enfants. Les femmes travaillant dans le secteur privé ne jouissent pas de cette faculté.

Des majorations de durée d'assurance sont accordées aux femmes ayant élevé des enfants par un mécanisme de cotisations " fictives ".

Dans le régime général, cette bonification est de deux ans par enfant. En revanche, comme les régimes complémentaires des salariés du privé (ARRCO et AGIRC) ne reprennent pas cet avantage, cette bonification ne porte que sur une partie de la pension. A l'exception du régime de la SNCF, dans lequel cet avantage n'est pas prévu, les régimes spéciaux accordent une bonification d'un an par enfant, mais elle porte sur la totalité de la pension (trois ans pour les deux premiers, plus un an par enfant suivant à EDF).

Les bonifications de pension pour avoir élevé des enfants constituent un avantage financier non négligeable.

Pour le régime général, la bonification, non imposable, s'élève à 10 % des pensions des deux parents. Pour l'ARRCO, à un système très inégal succède, à partir de 1999, une bonification unique qui s'élèvera à terme à 5 %. A l'AGIRC, le système est progressif en fonction du nombre d'enfants.

Dans la fonction publique, l'avantage est de 10 % pour les trois premiers enfants et de 5 % supplémentaire par enfant au-delà de trois. Les régimes spéciaux sont alignés sur le régime général à l'exception des mines.

Les avantages familiaux dans différents régimes

Départ anticipé pour enfants

Majoration de durée d'assurance pour enfants

Bonifications de pension pour enfants

Régime général

non

Pour les femmes : deux ans par enfant

10 % non imposables sur les deux pensions

ARRCO

non

non

à terme, 5 %

AGIRC

non

non

progressif :

10 % pour 3 enfants,

15 % pour 4,

20 % pour 5,

25 % pour 6,

30 % pour 7,

versés à 80 % depuis 1994

Fonction publique

femmes ayant élevé 3 enfants et ayant 15 ans de service

un an par enfant

10 % pour les 3 premiers enfants

5 % par enfant supplémentaire

SNCF

idem

non

idem régime général

EDF

idem

trois ans pour les 2 premiers enfants

+ un an par enfant supplémentaire

idem régime général

RATP

idem

un an par enfant

idem régime général

Mines

idem

un an par enfant

idem régime général

Source : rapport Charpin précité

3. Le cas des pensions de réversion

Tous les régimes offrent des pensions de réversion aux veuves de leurs assurés mais la disparité des prestations est, en ce domaine, très étendue. Ceux-ci se divisent en deux groupes principaux.

Les premiers, qui assurent une pension de réversion sous la seule condition du veuvage, sont les régimes du secteur public ainsi que, partiellement, les régimes salariés complémentaires (ARRCO, AGIRC).

A l'inverse, le régime général réserve cette pension à ses assurés les plus modestes, en posant des critères de ressources et d'âge, dont l'étroitesse initiale a été progressivement élargie à compter de 1979.

Les pensions de réversion dans différents régimes

Condition d'âge

Condition de ressources

Taux de remplacement

Avantages annexes

Régime général

55 ans minimum

plafond annuel : 2.080 fois le SMIC horaire

54 %

non

Secteur public et régimes complémentaires salariés

non

non

50 % pour la fonction publique

60 % ARRCO - AGIRC

secteur public : supplément de pensions pour enfants à charge

Source : rapport Charpin précité.

Votre rapporteur souhaite, à la suite de la Cour des comptes, attirer votre attention sur la situation précaire des jeunes veuves de moins de 50 ans. Celles-ci représentent 16 % des effectifs. Si elles ne disposent pas de revenus suffisants, elles doivent aller chercher sur le marché du travail, dans une situation parfois très délicate, un emploi rémunéré en attendant d'atteindre la limite d'âge pour percevoir la réversion.

Ces inégalités sont appelées à se creuser notamment en raison de la hausse du taux d'activité féminin.

Du fait de l'augmentation des taux d'activité féminin, les femmes disposeront plus fréquemment de retraites en propre à taux plein. En conséquence, elles dépasseront plus souvent le montant plafond de ressources qui les prive de l'accès à la pension de réversion. Les veuves de salariés du secteur public, dont les prestations de réversion ne sont pas soumises à des conditions de ressources, disposeront, en plus de leur propre pension, d'une réversion sur la retraite du conjoint décédé.

Votre rapporteur n'entend pas se livrer à un quelconque réquisitoire contre tel ou tel régime de retraite. Il constate simplement que tant du côté des contributions que du côté des prestations, des inégalités existent entre les retraités . Ces inégalités peuvent reposer sur des critères objectifs. La pénibilité de certaines catégories d'emploi doit être reconnue : ce peut être parfois, par exemple, une retraite plus précoce pour ces actifs. A l'inverse, le versement de pensions moins élevées est acceptable lorsque la cessation d'activité s'accompagne de revenus patrimoniaux plus élevés. Des commerçants cédant leur fonds de commerce sont dans cette situation.

Le système français de retraite doit tenir compte de la diversité des métiers, puisque son financement repose sur l'activité. Mais cette diversité ne doit pas servir de prétexte au maintien d'inégalités non fondées, et bloquer la mise en oeuvre des réformes nécessaires.

B. UNE NOUVELLE ANNÉE PERDUE

L'année 2000 devait être l'année de lancement d'une réforme de grande ampleur. Le Gouvernement l'avait subordonnée au diagnostic du rapport Charpin qu'il avait commandé.

Il s'est une nouvelle fois dérobé. Dans son intervention du 21 mars dernier 9 ( * ) , le Premier ministre s'est en effet efforcé de relativiser la portée de ce rapport pour mieux se soustraire à l'action : " Des éléments de diagnostic ont été établis par la commission présidée par le commissaire au Plan, M. Jean-Michel Charpin. Des experts s'étaient exprimés avant lui, d'autres l'ont fait depuis. Leurs conclusions parfois diverses soulignent la complexité et la difficulté de l'expertise sur ce sujet ".

Les arguments du Premier ministre résument la difficulté d'une action politique courageuse sur les retraites, que les Français savent nécessaire, et éclairent les raisons qui font de cette année 2000 une nouvelle année perdue pour la réforme des retraites.

1. Un long processus de réflexion

Les études menées sur les perspectives du système par répartition se sont succédées depuis le Livre Blanc sur les retraites de 1991.

Celui-ci était le produit d'un travail technique interministériel, coordonné par le commissariat au Plan et préfacé par le Premier ministre de l'époque, M. Michel Rocard. Cette étude exposait la situation des régimes de retraite dans leur ensemble et les perspectives d'évolution les plus probables. Il formulait également des propositions de réformes pour faire face aux effets du vieillissement démographique en France.

Le rapport " Perspectives à long terme des retraites " est le fruit des travaux menés par un groupe d'études présidé par M. Raoul Briet.

Ce rapport actualisait les perspectives déjà tracées dans le Livre Blanc mais en restreignant son champs d'études, ne prenant pas en compte la totalité des régimes spéciaux.

Rédigé en 1995, il évaluait les effets des réformes engagées en 1993 pour le régime général et les régimes alignés. Il appréciait notamment les besoins de financement futurs du régime général à 55,4 milliards de francs en 2010 et 107 milliards de francs en 2015. Pour les fonctionnaires civils, le besoin atteindrait en 2015 plus de 80 milliards de francs.

Les déséquilibres à venir de nos régimes de retraites sont connus. Ils sont inéluctables. Les faits sont têtus et le rapport Charpin les rappelle avec force.

Evolution démographique (ratio artisans/retraités)
dans les principaux régimes

(Source rapport Charpin précité)

Ce rapport, annoncé le 29 mai 1998 et remis au Premier ministre le 29 avril 1999, a confirmé les diagnostics formulés précédemment à deux reprises en 1991 et 1995 : en raison du vieillissement démographique, le système de retraite français connaîtra d'inéluctables déséquilibres avant la fin de cette décennie.

2. La victoire de Charpin, le triomphe de Teulade

Le rapport Charpin dresse un tableau qui ne peut plus être contesté. Le nombre de personnes de plus de 60 ans va croître de dix millions d'ici 2040 ; en même temps, le nombre des actifs diminuera d'un million. De 20 % de la population aujourd'hui, les retraités en représenteront un bon tiers à cet horizon.

En conséquence, et à réglementation inchangée, le maintien de la parité des niveaux de vie entre retraités et actifs obligera à augmenter le taux de cotisation d'équilibre de plus de 50 % d'ici 2040.

Si rien n'est fait, la part des retraites dans la richesse nationale augmentera de 30 %. Dans l'hypothèse d'une indexation des pensions du régime général sur les prix, les charges de retraite seront multipliées en termes réels par un facteur 2,8 et passeront de 12 % à presque 16 % du produit intérieur brut.

Compte tenu de ces évolutions, le besoin de financement du système de retraite par répartition s'élèvera en francs constants, à 190 milliards de francs par an en 2020 et 700 milliards de francs par an en 2040, soit 4 points de PIB, sous l'hypothèse d'un taux de chômage de 6 % !

Solde financier des régimes de retraite
(hors transferts de compensation, produits et charges diverses* et résultats financiers à taux de cotisation inchangés sauf en cas de réforme en cours)

Scénario 1

Scénario 2

1998

2020

2040

2020

2040

CNAVTS

MF 98

- 1.400

- 149.000

- 403.200

- 124.800

- 379.600

points de cotisation

- 0,1

- 5,5

- 11,2

- 4,3

- 9,8

Salariés agricoles

MF 98

- 15.399

- 17.063

- 22.008

- 17.063

- 22.008

points de cotisation

- 21,8

- 18,0

- 18,4

- 18,0

- 18,4

AGIRC

MF 98

- 6.008

- 31.806

- 31.554

- 22.442

- 20.989

points de cotisation

- 1,7

- 5,3

- 3,9

- 3,5

- 2,4

ARRCO

MF 98

6.208

- 16.926

- 44.841

471

- 25.916

points de cotisation

0,3

- 0,5

- 1,1

0,0

- 0,6

IRCANTEC

MF 98

344

- 7.448

- 13.291

- 7.324

- 12.664

points de cotisation

0,3

- 4,5

- 6,0

- 4,4

- 5,5

CNRACL

MF 98

16.399

- 45.825

- 110.269

- 45.825

- 110.269

points de cotisation

9,2

- 16,7

- 28,9

- 16,7

- 28,9

Fonctionnaires de l'Etat

MF 98

0

- 136.651

- 280.883

- 131.256

- 254.785

points de cotisation

0,0

- 26,4

- 40,9

- 24,7

- 33,5

Banque de France**

MF 98

0

- 1.829

- 2.323

- 1.829

- 2.323

points de cotisation

0,0

- 67,2

- 74,7

- 67,2

- 74,7

CRPCEN

MF 98

- 528

- 943

- 582

- 943

- 582

IEG

MF 98

0

- 11.957

- 7.601

- 11.957

- 7.601

points de cotisation

0,0

- 39,4

- 18,4

- 39,4

- 18,4

Marins

MF 98

- 5.470

- 6.848

- 7.333

- 6.848

- 7.333

Mines

MF 98

- 13.663

- 9.138

- 4.509

- 9.138

- 4.509

Ouvriers de l'Etat

MF 98

- 7.436

- 9.518

- 9.087

- 9.518

- 9.087

points de cotisation

- 77,4

- 127,6

- 94,8

- 127,6

- 94,8

RATP

MF 98

- 2.496

- 4.428

- 5.771

- 4.428

- 5.771

points de cotisation

- 40,3

- 49,8

- 46,3

- 49,8

- 46,3

SNCF

MF 98

- 18.270

- 19.918

- 24.348

- 19.918

- 24.348

points de cotisation

- 73,6

- 56,1

- 49,0

- 56,1

- 49,0

CANCAVA base

MF 98

- 6.961

- 10.256

- 12.851

- 10.016

- 12.973

points de cotisation

- 17,5

- 17,4

- 16,4

- 16,5

- 16,0

CANCAVA

MF 98

- 471

- 2.277

- 3.110

- 2.165

- 3.123

complémentaire***

points de cotisation

- 1,0

- 3,3

- 3,3

- 3,0

- 3,2

Non-salariés agricoles

MF 98

- 39.804

- 30.444

- 24.820

- 30.444

- 24.820

ORGANIC base

MF 98

- 9.743

- 12.436

- 16.970

- 12.094

- 16.514

points de cotisation

- 19,3

- 17,1

- 17,5

- 16,1

- 16,5

CNAVPL

MF 98

2.526

554

1.140

554

1 140

CARCD***

MF 98

-

- 476

- 429

- 476

- 429

CARMF
complémentaire***

MF 98

666

- 2.937

- 4.439

- 2.937

- 4.439

points de cotisation

1,7

- 6,1

- 7,0

- 6,1

- 7,0

CARPIMKO***

MF 98

189

- 1.120

- 2.641

- 1.120

- 2.641

CAVP***

MF 98

114

- 53

- 229

- 53

- 229

* Notamment hors subvention d'équilibre de l'Etat, hors impôts et taxes affectés et hors transferts divers (par exemple l'AVPF pour la CNAVTS).

** Les résultats financiers ont été intégrés dans le compte de la Banque de France du fait de sa spécificité. En effet, le régime dispose d'un portefeuille important qui n'est pas utilisé comme une réserve.

*** Ces régimes disposent d'importantes réserves qui peuvent être utilisées en période de déséquilibre. En outre, certains de ces régimes prévoient d'adopter de nouvelles réformes (par exemple : baisse du rendement plus importante pour la CARPIMKO non prise en compte dans les soldes présentés).

Source : Commissariat général du Plan.

RAPPORT CHARPIN

RAPPORT TEULADE

Fécondité

1,8 enfant/femme

1,7 enfant/femme

Hypothèses démographiques

Mortalité

Projection tendancielle INSEE (1)

Projection tendancielle INSEE

Solde migratoire

+ 50.000 par an

+ 50.000 par an

Productivité du travail

+ 1, 7 % par an

+ 1,8 % par an

Croissance économique

Hypothèses économiques

Taux de chômage

9 % (Sc°1)

6 % (Sc°2)

3 % (variante)

6 %

de + 3,5 % par an sur

Effectif de la population active

Tendanciel INSEE (2)

Tendanciel INSEE + 500.000

Tendanciel INSEE + 1.000.000

Tendanciel INSEE

la période de projection

Hypothèses sociales

Indexation des pensions

Prix

Prix

Salaires

Part des dépenses

2020

15 %

14,1 %

13,5 %

10,9 %


Résultats

de retraite dans le PIB en 2040

2040

16,7 %

15,8 %

15,1 %

10,3 %

12,1 %

Besoin de financement

2020

+ 2,9

+ 2

+ 1,4

- 1,2

en points de PIB (3)

2040

+ 4,6

+ 3,7

+ 3

- 1,8

(1) correspondant à une poursuite de l'allongement de l'espérance de vie de 2 mois tous les ans.

(2) correspondant à une prolongation de l'accroissement des taux d'activité féminins et une stabilisation des taux d'activité des jeunes et des personnes âgées.

(3) par rapport à 12,1 %, part en 1998 des dépenses de retraite dans le PIB.

Scénario CHARPIN n° 2

% par an

1995-1999

2000-2004

2005-2009

2010-2014

2015-2040

Evolution de la population active

+ 0,5

+ 0,9

- 0,1

- 0,1

- 0,2

Evolution de la population active occupée

+ 0,7

+ 1,3

+ 1,1

- 0,1

- 0,2

Croissance de la productivité du travail

+ 1,4

+ 1,5

+ 1,7

+ 1,7

+ 1,7

Croissance PIB

+ 2,1

+ 2,8

+ 2,8

+ 1,6

+ 1,5

Scénario TEULADE, central

% par an

1995-2005

2005-2010

2010-2020

2020-2030

2030-2040

Evolution de la population active

+ 0,5

+ 0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,2

Evolution de la population active occupée

+ 0,9

+ 0,3

0,0

- 0,3

- 0,3

Croissance de la productivité du travail

+ 1,8

Croissance PIB

+ 3

+ 2,3

+ 1,8

+ 1,6

+ 1,6

Ce même rapport souligne par ailleurs l'impact marginal sur les régimes de retraites d'une évolution très favorable de l'emploi ou de la productivité. Un taux de chômage de 3 % ne réduirait le besoin de financement annuel de nos régimes que de 21 % en 2020 et 13 % en 2040 ; il serait encore de 380 milliards de francs par an à ce dernier horizon.

Peu après le dépôt des conclusions du rapport Charpin, un nouveau rapport éminemment optimiste minorait de moitié les besoins de financement de nos systèmes de retraite.

En se fondant sur les données d'une étude du Conseil économique et social en date de juin 1999 10 ( * ) , un avis de cette Assemblée présenté par M. René Teulade 11 ( * ) faisait valoir qu'un " taux de croissance de 3,5 % par an pendant 40 ans (...) serait nécessaire pour permettre le financement des retraites sans augmentation de leur part dans le PIB ".

Le 9 février dernier, votre commission a entendu tant le rapporteur du Conseil économique et social que le Commissaire général au plan.

Il est apparu clairement à cette occasion que le rapport Teulade comportait une erreur méthodologique majeure. Ses projections ne prennent pas en compte que la pension moyenne augmente à long terme au même rythme que les salaires car les pensions servies sont fonction des salaires perçus pendant la carrière. Les salaires augmentant d'une génération sur l'autre, la pension moyenne augmente donc en terme réel du simple fait du renouvellement des générations de retraités.

Au total, les perspectives du rapport Teulade minorent de 300, puis 600 millions de francs le besoin de financement des retraits à l'horizon 2020 et 2040. Elles font même apparaître que les régimes de retraite seraient en excédent en cas d'indexation des pensions sur les prix et équilibrés en cas d'indexation sur les salaires !

Certes, le rapport Teulade, fondé sur une base intellectuellement erronée, ne pouvait guère entamer la crédibilité technique du rapport du Commissariat au plan dont le diagnostic reste intégralement fondé.

Mais, si l'on assiste ainsi à la " victoire " du rapport Charpin, c'est pourtant le rapport Teulade qui " triomphe " en définitive.

Fort des perspectives rassurantes que lui permettait de faire apparaître un oubli de taille dans l'évolution des pensions, le rapport proposait la méthode douce de l'expectative :

" Parce que l'incertitude est importante à une échéance de vingt ou quarante ans, et parce qu'encore une fois, la progressivité des évolutions en matière de retraite participe du pacte intergénérationnel, une réforme en la matière ne peut être qu'adaptative : il n'y aura pas un grand soir des retraites. Tous les cinq ans, il s'agira, au vu des évolutions constatées dans l'intervalle, d'infléchir ou non le cours des mesures prévues, ou de les prolonger . " 12 ( * )

C'est bien cette " méthode " qu'a retenue le Gouvernement. A ce titre, le rapport Teulade a rempli son office.

3. Un rapport chasse l'autre

Le 21 mars dernier, au moment d'annoncer une réforme longtemps différée, le Premier ministre a choisi en effet, à nouveau, de prendre un temps de réflexion et de créer une instance de concertation permanente, le Conseil d'orientation des retraites.

Certes le rapport Charpin estimait souhaitable un " dispositif de pilotage " permettant de suivre la mise en oeuvre d'une réforme des retraites.

Mais pour " piloter " encore faut-il savoir où l'on va. En l'absence de réforme des régimes de retraites, le Conseil d'orientation installé par le Premier ministre s'apparente franchement au " centre national de vigilance " préconisé par M. René Teulade au nom du Conseil économique et social :

" C'est pourquoi le Conseil préconise la création d'un Centre national de vigilance et de garantie sur les retraites...

" Le Conseil économique et social propose donc de retenir l'architecture suivante. Un conseil scientifique regroupant des personnalités qualifiées (économistes, démographes, sociologues) serait chargé d'établir des bilans semestriels de la situation à court et moyen terme de l'équilibre du système. (...)

" Un comité de pilotage, composé des représentants des organisations représentatives des intérêts des actifs et des retraités, aurait un pouvoir d'alerte et de proposition, sur la base des travaux du conseil scientifique. Les travaux du Centre national de vigilance et de garantie des retraites devront être rendus publics.

" Le rôle du Centre serait double. Il devrait assurer une veille des évolutions économiques, sociales ou démographiques (et par exemple des changements intervenant dans les temps de la vie) pouvant affecter, positivement ou négativement, les systèmes de retraite ; à ce titre, un bilan annuel pourrait être remis, par le comité de pilotage, au Président de la République, au Premier ministre, au Parlement et au Conseil économique et social. Le Centre devrait aussi être chargé de définir les solutions rendues nécessaires et de proposer au Gouvernement toute mesure relevant de la compétence de l'Etat, afin notamment d'assurer une gestion en cohérence des différents régimes. (...) 13 ( * ) "

Le 21 mars 2000, le Premier ministre déclarait, sous la rubrique : " Instaurer un conseil d'orientation des retraites pour organiser dans la durée la concertation sur l'avenir des retraites " :

" C'est pourquoi nous avons décidé de créer un Conseil d'orientation des retraites constitué de représentants des partenaires sociaux, de parlementaires et de personnalités qualifiées.

" Il aura pour tâche, en premier lieu, d'assurer le suivi des conséquences des évolutions économiques, sociales ou démographiques sur les régimes de retraite. Il établira régulièrement un bilan qu'il adressera au Gouvernement et au Parlement, et qui sera rendu public.

" Il lui reviendra ensuite de veiller à l'équité et à la nécessaire solidarité entre les régimes.

" Il devra proposer des mesures au Gouvernement si les réformes engagées ne lui semblaient pas à même d'assurer l'équilibre à terme des différents régimes, ou si les évolutions constatées devaient amener à des disparités entre les régimes susceptibles de menacer la cohésion du système de répartition. Il restera bien sûr de la responsabilité du Gouvernement de trancher et d'agir.

" Il reviendra au Conseil de suivre les discussions qui seront menées dans chaque régime dans la voie de l'équilibre. Garant du maintien de la cohésion du système de retraite, il vérifiera que les efforts engagés par chacun des régimes sont répartis de façon équitable. A l'issue de ces négociations, il en établira un bilan. "

Avec une célérité inhabituelle dans le traitement du dossier des retraites, le Gouvernement mettait en place ce conseil par décret n° 2000-93 en date du 10 mai 2000 et procédait aux nominations nécessaires dès le 26 du mois.

Mission du Conseil d'orientation des retraites
(article 2 du décret du 10 mai 2000)

Le Conseil d'orientation des retraites a pour missions :

1° de décrire la situation financière actuelle et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ;

2° d'apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

3° de veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes et le respect de l'équité, tant entre les retraités qu'entre les différentes générations.

Le conseil peut formuler toutes recommandations ou propositions de réformes qui lui paraissent de nature à répondre aux objectifs précédemment définis. Il remet au Premier ministre, au moins tous les deux ans, un rapport d'ensemble analysant la situation des régimes de retraite et proposant les mesures jugées nécessaires pour assurer leur équilibre à long terme. Ce rapport est communiqué au Parlement et rendu public.

Quelques mois plus tard, le rapport d'orientation annexé à l'article premier du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 résume ainsi la mission du Conseil d'orientation des retraites, se référant implicitement au centre national de " vigilance " proposé par le rapporteur du Conseil économique et social :

" Pour assurer une vigilance constante sur l'évolution de nos systèmes de retraite, le Gouvernement a créé le conseil d'orientation des retraites. Par la pluralité des membres qui le composent (partenaires sociaux, parlementaires, personnalités qualifiées), il assurera un questionnement permanent sur les retraites. Ce conseil garantit que la réforme des retraites sera menée dans le respect de l'équité entre les régimes. Il proposera au Gouvernement des mesures d'ajustements en fonction des évolutions de la situation économique et des projections démographiques. "

Votre rapporteur, qui siège, au titre du Sénat, au sein de cet organisme, se félicite de la qualité des premiers travaux du Conseil. Ceux-ci laissent présager une indépendance d'esprit que le Gouvernement n'avait peut-être pas prévue.

Il reste que, la bibliothèque, riche déjà, des contributions sur l'avenir des retraites, s'enrichira, dès juin 2002, d'un nouveau rapport.

La question cruciale que devra arbitrer le Conseil sera la suivante : va-t-il embarrasser le Gouvernement en formulant rapidement des " recommandations ou propositions " ou attendra-t-il sagement son rapport de juin 2002 pour " proposer les mesures jugées nécessaires " ?

L'année 2000 n'est en matière de retraite qu'une année perdue. Or, devant les ajustements importants à réaliser, le facteur temps est déterminant. Déjà l'ensemble de nos partenaires ont conduit ou programmé les aménagements nécessaires. L'Allemagne -dont le Gouvernement ne peut pourtant pas être suspecté d'ultra-libéralisme- vient de décider dans la concertation la mise en oeuvre d'une réforme ambitieuse. La France attend toujours les premières mesures et il ne semble pas que l'année 2001 soit porteuse de cette même ambition.

Les réformes des retraites en Suède, en Allemagne et en Italie (1)

En Suède, un consensus s'est dessiné autour de la nécessité de réformer le système de retraite existant. Après concertation, le Parlement suédois a voté le 8 juin 1998 une loi introduisant un nouveau système de retraite original.

Ce système mixte est fondé sur les revenus professionnels antérieurs. Une cotisation de 18,5 % est prélevée et donne des droits à une retraite dont le montant peut atteindre un plafond de 213.400 francs annuels. 16 % des 18,5 % sont utilisés en répartition pure et financent les pensions de l'année. Les 2,5 % restants sont épargnés et produisent des intérêts sur un " compte de réserve à prime " propre au salarié. Celui-ci peut choisir l'organisme qui gérera son compte.

Ce nouveau système est à la fois généreux, équitable, solidaire et intelligent . Généreux parce qu'indexé sur la croissance moyenne des revenus, il fait participer les retraités aux fruits de la croissance. Equitable parce qu'il verse des prestations en rapport avec l'espérance de vie, étant ainsi sensible aux variations démographiques. Solidaire parce qu'une pension de base est prévue pour les plus démunis. Intelligent parce que ce système refuse les idéologies. Il conjugue à la fois répartition et capitalisation au profit de tous. Enfin, il respecte le désir d'autonomie des assurés en leur laissant moduler l'âge et le montant de leur retraite.

Le Gouvernement allemand a présenté un plan de réforme des retraites le 26 septembre dernier .

Approuvé par les députés de la coalition qui soutient le Gouvernement, le plan intitulé " La réforme des retraites 2000 : un pas courageux pour une meilleure assurance " prend acte des mauvaises perspectives du système de retraite actuel. Pour maîtriser les cotisations autour d'un taux de 20 %, le Gouvernement prévoit trois grandes mesures.

La première applicable dès 2010 et étalée sur quinze ans est la baisse du taux de remplacement. Les retraités verront leur revenu tomber de 70 % à 64 % du salaire moyen. Pour compenser cette diminution du rendement des retraites, le Gouvernement prévoit la possibilité pour les allemands de souscrire à des fonds privés. Une incitation est prévue pour tous les salariés : les plus modestes recevront des subventions ; les plus aisés des réductions d'impôt. Enfin, le plan prévoit une prise en compte plus généreuse des personnes qui ont interrompu leur carrière professionnelle, notamment les nombreuses femmes qui ont suspendu leur activité pour élever leurs enfants.

La réforme des retraites en Italie se fait par touche successive. Ce pays disposait à l'origine d'un régime public qui assurait l'ensemble des prestations.

En 1992, la réforme Amato a modifié les règles de l'âge de la retraite qui fut porté progressivement de 55 à 60 ans pour les femmes et de 60 à 65 ans pour les hommes. La base de calcul était élargie des 5 aux 10 dernières années de cotisation pour les actifs et sur l'ensemble de la carrière pour les nouveaux embauchés. Par ailleurs, les retraites sont indexées sur l'inflation, sauf disposition contraire.

Un nouveau train de réformes fut mis en oeuvre par le Gouvernement Dini en 1995. Le minimum vieillesse et les pensions d'invalidité sont à l'avenir financés par la solidarité nationale. Une part des cotisations familiales est transférée au financement des retraites. Les règles de calcul des pensions sont entièrement remaniées et uniformisées entre les régimes : les cotisations versées pendant la carrière sont capitalisées fictivement au rythme de la croissance du produit intérieur brut. La retraite est calculée à partir d'un taux appliqué à ce montant. L'âge de départ reste différé mais il devient possible de liquider ses droits de manière flexible, moyennant pondération du montant de la pension. Les coefficients tiennent compte de la durée moyenne de la retraite. Les pensions des fonctions publiques sont par ailleurs alignées sur celles du privé.

La négociation avait prévu alors une adhésion facultative à des fonds de pension par capitalisation. Cette mesure alors peu attractive a été renforcée au début de l'année 2000 par des avantages fiscaux incitatifs. La réforme du TFR - traitement de fin de rapport - devrait ouvrir de nouvelles possibilités pour les salariés.

Trois pays, trois situations initiales, trois méthodes de réforme. Au-delà des différences, votre rapporteur voudrait souligner les approches convergentes de la Suède, de l'Allemagne et de l'Italie.

Ces réformes s'appuient sur un même diagnostic : les régimes de retraite par répartition devront faire face à des déséquilibres financiers majeurs dans le futur. Tous ces pays ont conscience qu'un nouvel équilibre est à trouver entre la durée du travail, les sommes à cotiser et les prestations à verser.

Ces réformes s'appuient sur des réponses équivalentes mais qui respectent les traditions nationales. L'appel à la capitalisation est général : la Suède, l'Italie et l'Allemagne se refusent à " mettre tous leurs oeufs dans le même panier ". L'appel à l'autonomie est consacré : l'âge de la retraite est retardé mais en même temps, ceux qui désirent partir plus précocement ou plus tardivement voient leurs droits calculés de manière équitable. Les réformes recherchent l'égalité : les particularités générant des inégalités sont alignées.

Votre rapporteur note que ces réformes sont le fait de gouvernements sociaux-démocrates. Ils offrent autant de pistes à suivre. Il s'interroge donc sur les causes de l'immobilisme du gouvernement français.

(1) Une délégation de votre commission a effectué en septembre 2000 une mission en Suède et en Italie pour y étudier la réforme des systèmes de retraite. Le rapport détaillé de cette mission sera prochainement examiné par la commission et donnera lieu à publication d'un rapport d'information.

Le 21 mars dernier, le Premier ministre a choisi de minorer les difficultés futures de nos régimes en prétendant de la nécessité de " les replacer dans un contexte nouveau -celui d'une croissance forte- et dans la perspective désormais crédible du retour au plein emploi ".

Or, il est démontré qu'une forte croissance n'a un impact que marginal sur le déficit futur. Le Premier ministre profite néanmoins d'une amélioration conjoncturelle pour différer les mêmes mesures indispensables au règlement des problèmes structurels.

Dans le rapport annexé au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement déclare " conformément au calendrier qu'il s'était fixé, le Gouvernement s'est engagé dans la voie de consolidation de son régime de retraite par répartition, afin de garantir les retraites de tous les Français ".

En octobre 1998, le rapport annexé à la loi de financement pour 1999, annonçait : " le Gouvernement prendra les décisions qui s'imposent ". Mais le présent rapport, en octobre 2000, est tout attentisme puisqu'il indique que " sur la base de ce diagnostic (celui du rapport Charpin d'avril 1999), et après avoir largement consulté, le Gouvernement travaille pour préparer l'avenir (...) en engageant la concertation ".

III.  LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT : L'INCOHÉRENCE ET L'ILLUSION

Le présent projet de loi de financement pour 2001 comme la loi de financement pour 2000, comporte essentiellement un arbitrage, opéré sans perspective, entre d'une part le souci de faire participer les retraités dès aujourd'hui aux fruits de la croissance et la nécessité d'afficher un abondement du fonds de réserve des retraites qui, avec la constitution du Conseil d'orientation des retraites, constitue l'alpha et l'omega de la politique du Gouvernement.

Mais le financement des trente-cinq heures, se traduisant par une ponction nette de plus de 11 milliards de francs sur le FSV, de même que le transfert audit fonds de la dette de l'Etat à l'égard des régimes AGIRC-ARRCO, tarissent les excédents du FSV qui devaient alimenter le fonds de réserve.

Au-delà de la complexité des circuits financiers, qui portent atteinte à l'intelligibilité du projet de loi, ce sont les contradictions et les incohérences politiques du Gouvernement qui apparaissent clairement.

A. DES ARBITRAGES SANS VISIBILITÉ NI COHÉRENCE

Plusieurs mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 concernent la branche vieillesse : revalorisation des pensions (art. 19) , création d'un répertoire national des retraites (art. 20), pérennisation de l'interdiction du cumul emploi retraite (art. 21) , prise en charge par le FSV de l'engagement pluriannuel de l'Etat envers l'ARRCO et l'AGIRC (art. 22) , financement des cotisations vieillesse dès la période de cessation d'activité (art. 23) , modification de la clef de répartition du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital (art. 24) , ajustement du fonds de réserve (art. 25) , amélioration de la situation des veuves de marins (art. 26) .

Le présent tome III du rapport insiste sur celles de ces mesures qui peuvent concerner l'équilibre actuel et futur des régimes de retraite et renvoie pour plus de détail aux commentaires des différents articles 14 ( * )

1. La revalorisation des pensions

La revalorisation des pensions retenue dans l'article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de 2,2 %.

L'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac) est en prévision de 1,2 % (rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2001).

Le rattrapage au titre de la sous-évaluation des prix en 2000 est de 0,5 %. L'évolution " neutre " des pensions en 2001 était donc de 1,7 %.

Le Gouvernement a choisi de majorer cet indice de 0,5 % au titre de la participation des retraités aux fruits de la croissance. Le coût de cette mesure est estimé dans l'annexe c du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 à 1,7 milliard de francs pour la branche vieillesse.

Revalorisation des pensions sur la période 1990-2000 (2001 prévision)

Cette revalorisation est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui, dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un rapport démographique favorable. D'aucuns trouveront d'ailleurs cette revalorisation insuffisante.

De fait, la branche vieillesse du régime général affiche un excédent tendanciel de 3,3 milliards de francs pour 2001.

Le Gouvernement, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, a choisi d'affecter les excédents de la CNAVTS au fonds de réserve, fonds destiné selon lui à garantir l'avenir des retraites.

Votre rapporteur analyse longuement ci-après le mécanisme du fonds de réserve.

Mais, dans la logique même défendue par le Gouvernement, il observe qu'à ce stade tout " coup de pouce " aux retraites d'aujourd'hui, réduit d'autant les sommes mises en réserve pour " garantir l'avenir des retraites ".

Cet arbitrage est-il fondé ? En l'absence de toute perspective de réforme, de toute indication sur l'ampleur de l'effort nécessaire et sur sa nature même, le Gouvernement ne peut répondre.

Aussi, cette revalorisation parfaitement acceptable, voire insuffisante, aujourd'hui, souffre pourtant d'un grief majeur : elle ne s'inscrit dans aucune politique permettant de garantir les pensions qui seront versées demain.

Il n'est guère étonnant dans ces conditions que cette revalorisation intervienne de surcroît dans un contexte de vide juridique.

La loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a modifié les modalités de revalorisation des pensions. Le dispositif institué par cette loi comportait trois éléments :

- une revalorisation annuelle fixée en rapport avec l'indice d'évolution prévisionnelle des prix hors tabac ;

- un ajustement permettant de corriger un éventuel écart entre le taux prévisionnel et le taux réel d'évolution annuelle des prix ;

- une compensation positive ou négative pour les assurés titulaires à la date de la revalorisation d'un avantage vieillesse ou d'invalidité correspondant à l'écart constaté au titre de l'année précédente.

Or ce mécanisme mis en place en 1993 était provisoire et ne prenait effet en 1994 que pour une durée de cinq ans.

L'année dernière déjà, le Gouvernement n'a pas tranché entre l'indexation en vigueur -c'est-à-dire essentiellement fondée sur les prix- et une indexation fondée sur l'évolution des salaires -solution à laquelle la majorité actuelle s'était déclarée favorable lors de la campagne électorale précédant les élections législatives de 1997.

Le Gouvernement s'est rangé en réalité à une politique des " coups de pouce " confirmant sa gestion " conjoncturelle " du dossier des retraites .

Dans le projet de loi de financement pour 1999, l'exposé des motifs justifiait une prolongation des mécanismes provisoires " dans l'attente du diagnostic que doit établir le Commissaire général au plan en concertation avec les partenaires sociaux et portant sur la situation de l'ensemble des régimes de retraite " .

Dans le projet de loi de financement pour 2000, le Gouvernement a reconduit ce mécanisme au motif que " l'élaboration d'une règle pérenne de revalorisation des pensions pour les années suivantes sera examinée dans le cadre de la concertation pour les retraites " .

Cette année, la méthode discrétionnaire du Gouvernement est reconduite sans autre commentaire ni référence à la définition à venir d'une règle pérenne.

Votre rapporteur juge que cette situation n'est pas satisfaisante : elle n'assure aucune garantie aux retraités qui se voient chaque année soumis, pour leur revalorisation de pension, à l'arbitraire des décisions gouvernementales . Selon les années, le Gouvernement choisit d'appliquer un " coup de pouce " plus ou moins généreux.

En outre, votre rapporteur rappelle que, si les pensions de retraite augmenteront de 2,2 %, les prestations familiales croîtront seulement de 1,7 %. En gain de pouvoir d'achat, les retraites seront revalorisées de 0,5 % alors que les prestations familiales ne le seront pas. Il n'y a guère de raison pour que les familles soient désavantagées alors que leur branche génère des excédents considérables confisqués par le Gouvernement 15 ( * ) .

2. Le fonds de solidarité vieillesse à nouveau précarisé

a) Plusieurs mesures portent des atteintes majeures aux ressources du fonds

Dans la lignée des lois de financement précédentes, l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 transfère au FOREC -fonds de financement des 35 heures- l'intégralité des droits sur les boissons prévus aux articles 402 bis , 438 et 520 A du code général des impôts ainsi que 55 % (+ 7 points) du droit de consommation visé à l'article 403 dudit code.

Attribution des " droits 403 " sur les alcools

Loi de juillet 1993

LFSS 1997

Loi du 27.07.1999 portant création de la CMU

LFSS 2000

PLFSS 2001

FSV

100 %

60 %

55 %

8 %

0%

Régimes assurances maladie

40 %

40 %

CNAMTS

5 %

45 %

45 %

FOREC

47 %

55 %

TOTAL

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Le manque à gagner sur l'exercice 2001 est évalué à 5,7 milliards par an.

Mais cette mesure est de surcroît rétroactive : le transfert s'effectue dès 2000. En d'autres termes, le projet de loi de financement pour 2001 modifie la loi de financement pour 2000. Cette ponction rétroactive vient s'ajouter à celle déjà opérée par la loi de financement pour 2000 qui avait ramené, toujours au profit du FOREC, la part du FSV dans les droits dits " 403 " de 55 % à 8 %, soit un prélèvement de 5,6 milliards de francs.

En outre, l'article 12 du projet transfère 0,15 point de CSG, soit 7,5 milliards de francs, du FSV vers la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), cette dernière étant ainsi compensée de la perte des droits sur les tabacs eux-mêmes affectés au FOREC.

Ainsi, le FSV contribue-t-il deux fois, l'une directement, l'autre indirectement, et à hauteur de 13,2 milliards de francs au financement des trente-cinq heures.

Or les excédents du FSV sont censés alimenter le fonds de réserve, c'est-à-dire " la garantie de l'avenir des retraites ".

L'arbitrage entre l'avenir des retraites et la réduction du temps de travail est saisissant.

En contrepartie très partielle de ces deux mesures, le fonds recevra les parts du prélèvement de 2 % affectées à la branche famille et à la CNAMTS, pour un montant de 2,4 milliards de francs.

Votre rapporteur s'élève vivement contre ces mesures qui, sous couvert de compensation, laissent une ardoise au fonds de solidarité vieillesse de près de 11 milliards de francs et font in fine supporter le financement des 35 heures par un fonds censé garantir les retraites de demain.

De surcroît, sous couvert de la neutralité d'une compensation, le Gouvernement procède à une ponction future sur le fonds de solidarité vieillesse.

Pour compenser la suppression de la CSG sur les salaires inférieurs à 1,3 SMIC, le Gouvernement octroie au F.S.V une fraction du produit de la taxe sur les conventions d'assurance.

En contrepartie de la recette dynamique qu'est la CSG, le Gouvernement concède une taxe peu réactive : entre 1996 et 2001, son produit n'a crû que de 2,3 milliards de francs, c'est-à-dire en moyenne de 1,7 % par an.

b) La cohérence des interventions du fonds est remise en question

Deux mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 tendent à modifier le champ d'intervention du Fonds de solidarité vieillesse.

Ce champ est traditionnellement constitué par les opérations de solidarité effectuées dans le périmètre de base de l'assurance vieillesse.

Or, dans son projet, le Gouvernement propose d'étendre le champ du fonds au domaine de la protection complémentaire, et, en même temps, de transférer à la branche famille une dépense relevant éminemment du secteur de la solidarité.

L'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale met fin au contentieux né entre l'Etat et les régimes complémentaires de salariés, ARRCO et AGIRC en 1984.

Le 23 mars 2000, l'Etat et les régimes ont conclu une convention qui précise les conditions d'apurement de ce que ces régimes considèrent comme une dette. Le financement de ce remboursement est confié au FSV pour un montant d'environ 9,5 milliards de francs au titre du passé, et au montant des cotisations pour l'avenir.

L'Etat a mis cet engagement pluriannuel à la charge du FSV, qui doit rembourser 2,2 milliards de francs annuels à l'ARRCO et 650 millions de francs à l'AGIRC.

Ces sommes doivent, selon les termes de cette convention, couvrir d'abord les cotisations de l'année. Sur le reliquat, c'est-à-dire la différence entre la somme versée et ces cotisations, le FSV rembourse la dette due au titre du passé.

En 2001, le FSV va verser à l'ARRCO 2,2 milliards de francs ; pour couvrir les cotisations de l'exercice 1999 à hauteur de 1,9 milliard de francs et apurer le passé à hauteur de 300 millions de francs.

A ce rythme, le fonds de solidarité vieillesse devra verser 2,2 milliards de francs à l'ARRCO pendant 15 à 20 ans.

Le règlement du contentieux des périodes Fonds national de l'emploi (FNE) entre les régimes de retraite complémentaire et l'Etat.

Un contentieux opposait depuis 1984 les régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC à l'Etat au sujet du financement des droits de retraite attribués par ces régimes, pour les périodes pendant lesquelles les salariés sont indemnisés au titre du Fonds national de l'emploi ou des autres allocations du régime de solidarité.

L'Etat s'était engagé en 1984 à rembourser à ces régimes la charge des allocations correspondant aux point attribués selon ces modalités.

Si l'inscription des points au profit des préretraités a bien été effectuée par les régimes, les factures adressées à l'Etat à ce titre étaient restées impayées.

Constatant l'absence de contribution de l'Etat, les partenaires sociaux avaient décidé, pour faire pression, de subordonner l'attribution de nouveaux droits à compter du 1 er juillet 1996 à son engagement explicite de les financer.

Depuis 1998, les rencontres s'étaient multipliées entre les représentants des régimes et le cabinet de Martine Aubry. Le 23 mars 2000, une convention conclue entre l'Etat, d'une part, l'ARRCO et l'AGIRC d'autre part précise les modalités de règlement du contentieux.

Le remboursement au titre des cotisations antérieures se monte à 2,025 milliards de francs en faveur de l'AGIRC et 7,425 milliards de francs en faveur de l'ARRCO. Par ailleurs, les pouvoirs publics prennent en charge à partir du 1 er janvier 1999 70 % des cotisations aux régimes complémentaires relatives aux périodes de préretraite ou de chômage, cotisations calculées sur la base du salaire de la dernière année d'activité.

La liquidation de la dette se fera sur plusieurs années, ce qui pose la question de son impact sur le FSV.

Ce règlement d'une dette de l'Etat par le FSV étend le périmètre d'intervention de celui-ci à la protection complémentaire et obère un peu plus la possibilité du FSV d'alimenter le fonds de réserve des retraites.

En revanche, l'article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la prise en charge progressive par la CNAF du coût des majorations de pensions pour enfants que finançait, au titre de la solidarité nationale depuis 1994, le fonds de solidarité vieillesse .

Pour 2001, le versement de la CNAF est prévu pour un montant de 2,9 milliards de francs, et de 20 milliards de francs à terme.

Ces transferts qui modifient les domaines d'intervention du FSV n'ont, en réalité, pas d'autre finalité que financière.

La seule cohérence de ces mesures affectant le fonds est de transformer celui-ci en une entité comptable par laquelle l'Etat peut se livrer à loisir à un certain nombre de débudgétisations.

La mise à charge des cotisations ARRCO AGIRC soulage le budget de l'Etat.

Le transfert à la branche famille de la majoration pour enfant entraîne a priori un allégement des charges du FSV. Mais cet allégement, qui ne fait que transiter par le FSV, n'est qu'un trompe-l'oeil car, cette économie pour le FSV est immédiatement recyclée au profit du FOREC, c'est-à-dire du financement des trente-cinq heures.

Ce n'est donc pas pour habiller la branche vieillesse que le Gouvernement déshabille la branche famille.

Au total, en dehors de deux mesures nouvelles chiffrées à 300 millions de francs environ, l'ensemble des " tuyauteries " mises en place aboutit, afin de financer la réduction du temps de travail, à opérer, en 2000-2001, un prélèvement sur le FSV à hauteur de plus de 15 milliards de francs soit davantage que la totalité des excédents prévus pour ce fonds pour ces deux exercices.

Impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
sur les comptes de la première section du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

(en millions de francs)

FSV : opérations de solidarité

1999

2000

2001

Solde CCSS de septembre 2000

165

5.356

9.768

Retraite complémentaire des bénéficiaires d'ASS et des préretraités

- 2.884

Retraite de base des allocataires en cessation anticipée d'activité

- 130

Prise en charge des majorations pour enfants par la CNAF

2.910

Transfert des droits sur les boissons

- 5.404

- 5.669

Réduction de 0,15 point du taux de CSG

- 7.515

Affectation de 20 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus de capitaux

2.400

Coup de pouce de 0,5 % sur les pensions

- 180

Solde après PLFSS pour 2001

165

- 48

- 1.300

Ponction nette sur le FSV

-

5.404

11.068

Hormis cette ingéniosité financière qui atteint chaque année un raffinement plus élevé, la politique du Gouvernement en matière de retraite se résume à l'attente.

B. L'ILLUSION DU FONDS DE RÉSERVE

Sous la pression d'un diagnostic -celui du rapport Charpin- qui confirmait ceux déjà formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites.

La création d'une commission (voir ci-dessus le conseil d'orientation des retraites) chargée d'être " vigilante " et de faire un rapport en 2002 ne pouvait à l'évidence à elle seule persuader les Français que l'avenir de leur retraite était garanti.

Un rapport tous les trois ou quatre ans de 1991 à 2002 ne saurait, en effet, être raisonnablement considéré comme une médecine décisive.

La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat la seule mesure concrète prise par le Gouvernement.

1. La mise en place laborieuse des ressources hétéroclites

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé, au sein du FSV, un fonds de réserve pour les retraites, destiné à pallier les futures difficultés de financement des régimes par répartition.

Pour l'occasion, la loi a scindé le FSV en deux sections distinctes, la première concernant la prise en charge des opérations de solidarité vieillesse, le second étant le fonds de réserve proprement dit.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a précisé que les recettes du fonds étaient constituées :

- d'une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ;

- tout ou partie de l'excédent du FSV au titre de la première section ;

- toutes autres ressources qui pourraient être affectées au fonds de réserve en vertu des dispositions législatives.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a attribué de nouvelles ressources au fonds :

- 49 % du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital ;

- le résultat excédentaire (calculé en droits constatés) de l'ensemble du fonds dont la CNAVTS a la gestion, versé le cas échéant sous forme d'acompte provisionnel.

En outre, la loi de financement pour 2000 prenait acte d'une " contribution spontanée " de la Caisse des dépôts à hauteur de 3 milliards de francs.

La loi du 25 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière, a prévu par ailleurs que le fonds de mutualisation affecterait, au profit du fonds de réserve, de 2000 à 2003 inclus, le produit des versements reçu des caisses d'épargne et de prévoyance.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, de façon symbolique, ajuste tout d'abord à 50 % (contre 49 % précédemment) la part affectée au fonds de réserve du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital.

Mais la mesure la plus significative est le versement d'une partie des " redevances d'utilisation des fréquences allouées en vertu des valorisations d'établissement et d'exploitation des réseaux mobiles de troisième génération " qualifiées de " licences UMTS ".

Le projet de loi de finances pour 2001 (article 23) prévoit que sur un total de 32,5 milliards de francs, 18,5 milliards de francs seraient versés au fonds de réserve (57 %), le reliquat (43 %) étant affecté à la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP).

Les ressources hétéroclites du fonds de réserve prévues en fin 2001

1999

2000

2001

Ressources pérennes

Prélèvement 2 %

5.410

5.750

Ressources hypothétiques

C3S

2.000

Excédent CNAVTS n-1

5.033

1.421

Excédent FSV

0

-

Acompte excédent CNAVTS

2.900

-

Ressources exceptionnelles

Parts sociales Caisse d'épargne

4.719

4.719

Don Caisse des dépôts et consignations

3.000

Licences UMTS

18.500

Produits financiers

7

289

1.400

Total annuel

2.007

21.271

31.790

Total cumulé

23.278

55.068

2. Un plan de marche grevé d'incertitudes

Le Premier ministre a, dans sa déclaration sur l'avenir des retraites, annoncé l'accumulation de réserves à hauteur de 1.000 milliards de francs permettant d'envisager avec sérénité le passage du " pic démographique " de 2020-2040.

a) L'absence de ressources véritablement pérennes

A l'exception des 50 % du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, le fonds ne dispose pas de recettes qui lui soient automatiquement attribuées chaque année.

Hormis cette seule ressource pérenne, le fonds ne dispose que de recettes exceptionnelles ou hypothétiques.

Les ressources qualifiées d'" hypothétiques " représentent une contribution considérable des flux financiers abondant le fonds de réserve en 2000 et 2001.

Elles sont constituées d'abord d'excédents de la branche vieillesse du régime général ou du fonds de solidarité vieillesse. La CNAVTS va ainsi transférer au fonds au titre des exercices 1999 et 2000 près de 9 milliards de francs.

Les excédents de la seule CNAVTS sont estimés par le Gouvernement de plus de 100 milliards de francs d'ici 2020. Selon les hypothèses très favorables d'un taux de croissance supérieur à 3 % et d'un taux de chômage de 4,5 % en 2010, la caisse pourrait effectivement générer un excédent cumulé de près de 120 milliards de francs à cette échéance de 2010 .

Toutefois, selon les mêmes hypothèses, comme ses responsables l'ont indiqué lors de leur audition par la Commission, mais comme le Gouvernement omet de le préciser, la CNAVTS enregistrera 600 milliards de francs de déficit entre 2010 et 2020 .

Ce qui veut dire que la CNAVTS aura peut-être versé au fonds de réserve 120 milliards de francs entre 2000 et 2010 mais elle affichera un déficit cumulé de 600 milliards de francs en 2020, date à laquelle le fonds de réserve doit être opérationnel.

Dit autrement, les excédents de la CNAVTS qui grossissent apparemment le fonds de réserve jusqu'en 2010 ont pour contrepartie un déficit cumulé en 2020 qui est aggravé d'autant.

En l'absence de versement au fonds de réserve, le déficit cumulé de la CNAVTS, en 2020, ne serait " que " de 480 milliards de francs.

Le fonds de solidarité vieillesse est également appelé à faire bénéficier le fonds de réserve de ses excédents. Or, comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, les recettes du FSV ont été très largement transférées au FOREC au point d'ôter toute crédibilité à l'idée d'excédents importants du FSV.

La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), qui est attribuée conjointement au FSV et au fonds de réserve des retraites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, est une ressource fiscale qui présente le même caractère hypothétique car le fonds de réserve des retraites ne pourra escompter percevoir une fraction du produit qu'en cas de résidu après mise à l'équilibre des régimes de non-salariés alignés (ORGANIC, CANCAVA).

Or, ces régimes perçoivent une part importante de C3S, à concurrence de leur déficit courant. De surcroît, ils perçoivent 5 milliards de francs pour ORGANIC, 1,9 milliard de francs pour CANCAVA au titre de la compensation démographique.

Leurs besoins de financement est appelé à croître (dans une moindre mesure pour ORGANIC) de la même façon que les régimes qui financent cette compensation (CNRACL, CNAVTS). C'est donc par un apport accru du produit de la C3S que ces régimes maintiendront leur équilibre financier.

Dans ces conditions, il est très " hypothétique " de gager le financement du fonds sur cette ressource.

Toutes ces recettes, dont votre rapporteur considère la réalisation comme hypothétique, voire improbable, sont comptabilisées pour 500 milliards de francs dans les projections de constitution du fonds de réserve, soit la moitié du fonds au total.

Le Gouvernement est probablement conscient de la fragilité du financement du fonds de réserve en l'état. Aussi a-t-il entrepris de doter celui-ci d'un certain nombre de recettes au caractère exceptionnel.

Ces dernières présentent l'avantage d'être presque indolores, du moins en tant qu'elles ne figurent pas sur les feuilles de salaire ou les feuilles d'impôts des Français. Elles permettent de ne rien faire apparaître qui pourrait s'apparenter à une " surcotisation " perçue sur les actifs d'aujourd'hui.

Ainsi, les licences UMTS, les dons de la Caisse des dépôts et consignations et les versements des Caisses d'épargne (31 milliards de francs au total) représenteront fin 2001, près de 60 % des montants du fonds.

Or, la Caisse des dépôts et consignations n'a pas renouvelé sa contribution spontanée de 2000, les versements des Caisses d'épargne s'interrompront en 2003 et ceux prévus au titre des licences UMTS (si les lois de finances successives persistent dans cette affectation) se réduiront à 8 milliards en 2002 et à 4,5 milliards par an en 2003.

Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001, M. Didier Migaud affirme que " les ressources du fonds seront majoritairement fiscales ou issues d'opérations patrimoniales de l'Etat ". S'agit-il là d'une modification du projet de financement du fonds par le Gouvernement ?

Le rapporteur général prend-il déjà acte que le financement très majoritaire du fonds de réserve par les excédents courants des régimes de retraite est d'une absolue vanité ?

Votre rapporteur constate qu'annoncé à la va-vite lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve n'est toujours pas l'objet d'un projet abouti.

b) Le manque de visibilité sur la gestion du fonds à long terme

Votre rapporteur rappelle que le fonds de réserve actuel ne constitue qu'une section du FSV.

Certes, le décret 99-898 du 22 octobre 1999 a précisé les statuts de chacune des sections, a séparé leurs documents comptables et leurs trésoreries.

Il n'empêche que le fonds de réserve des retraites, qui sera appelé à gérer plus de 55 milliards avant la fin de l'année 2001, ne dispose pas de la personnalité juridique et demeure géré par l'équipe restreinte du FSV qui compte moins de 10 personnes.

A l'occasion de la commission des comptes de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un pré-projet de loi de financement qui procédait à la création d'un établissement public.

De fait, Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, avait déclaré dès le 12 novembre 1998 " pourquoi avoir inscrit le fonds de réserve au FSV ? Tout simplement parce que c'est pour nous une position transitoire ".

Le projet final ne souffle plus mot de cette question. M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, note pourtant dans son rapport 16 ( * ) que " la réussite de la mission du fonds de réserve sera difficile tant que certaines conditions ne seront pas remplies : le fonds de réserve doit disposer d'une véritable structure distincte (...), les dirigeants du fonds doivent être clairement identifiés ".

Il note par ailleurs que le Premier ministre a présenté un schéma de financement qui repose sur 300 milliards de francs de produit financier et un taux de chômage à 4,5 % par an.

M. Didier Migaud ajoute " il sera nécessaire de mener un débat sur ces hypothèses et de s'assurer que le dispositif mis en oeuvre sécurisera le financement des retraites au-delà de 2020 ".

Sachant que le Gouvernement a subordonné tout débat sur les modalités de gestion du fonds à la création d'un établissement public, sachant que le Gouvernement semble avoir reporté la création de cet établissement, si elle a lieu, au projet de loi de modernisation sociale, qui ne sera vraisemblablement pas adopté avant la fin de la session, il semble douteux que ce débat ait lieu avant 2002.

Or, le fonds de réserve est aujourd'hui géré avec les mêmes instruments que le fonds de solidarité vieillesse qui, pour des raisons prudentielles ne sont constitués que de bons du Trésor.

M. Didier Migaud affirme, dans son rapport, qu'" un placement cohérent, sérieux et prudent des sommes affectées au fonds de réserve des retraites, permettra de profiter de l'efficacité financière qui constitue un avantage des systèmes de capitalisation. Le fonds de réserve devrait ainsi concilier les principes de la répartition auxquels chacun est légitimement attaché et l'efficacité financière, afin de contribuer au passage du cap difficile que notre système connaîtra dans les 50 ans à venir ".

Votre rapporteur se félicite du " chemin de Damas " de la majorité plurielle qui reconnaît explicitement " l'efficacité financière " de la capitalisation et combien elle constitue un complément indispensable au système de répartition pure.

La Commission européenne, qui a présenté une proposition de directive sur les institutions de retraite professionnelle, rappelle elle aussi qu'il est important de ne pas limiter les performances des fonds de retraite par des règles d'investissement trop contraignantes. Par la voix de son commissaire Frits Bolkestein, elle a noté que " dans les pays où les gestionnaires ont eu suffisamment de liberté pour décidé de l'affectation de leurs capitaux, la performance des fonds de pension a été multiplié par deux par rapport à ceux qui ont subi des règles restrictives, sans que la sécurité n'ait eu à en souffrir ".

Votre rapporteur, qui constate, dans les arguments du commissaire, un rendement de 12,5 % atteint par les fonds de pension irlandais contre 6,15 % au Danemark où les règles de placement en actions sont très strictes, rappelle également que si les cours d'actions peuvent connaître de fortes fluctuations à court terme, ils sont toujours à l'origine de produits importants à long terme. C'est pourquoi le recours à l'ensemble des instruments financiers prévu par la loi du 2 juillet 1996 serait pertinent.

Mais au-delà des modalités de gestion courante, c'est la question de la finalité même du fonds qui est posé.

Un fonds de réserve ne saurait fonctionner comme le livret d'épargne d'un bon père de famille qui " met de côté " en prévision des jours difficiles.

Il constitue une technique consistant à définir un horizon de gestion, à mesurer l'ampleur et la nature du passif auquel le fonds devra faire face pour déterminer le mode de placement adéquat de son actif.

Or, quels sont la nature et l'échéancier du passif du fonds de réserve ?

Il faudrait pour le dire -et ne serait-ce que pour gérer les 55 milliards de francs dont disposera le fonds fin 2001- avoir défini les axes d'une réforme des retraites. Or, ce dossier a été refermé par le Gouvernement qui attend désormais le rapport 2002 du Conseil d'orientation des retraites.

Car, une chose est sûre, quelle que soit " l'efficacité financière de la capitalisation " soulignée par le rapporteur général de l'Assemblée nationale, le fonds de réserve actuel ne saurait, à lui seul, garantir l'avenir des retraites.

Comme le rappelle pertinemment M. Olivier Davanne, spécialiste des retraites à la Caisse des dépôts et consignations " contrairement à un sentiment largement répandu, le terme de " bosse démographique " donne une image très inexacte des difficultés qui apparaîtront à partir de 2005-2010. Si la population française reste à peu près stabilisée au cours du siècle prochain, c'est la structure démographique de 2040, qui, loin de ressembler à une bosse, constituera une situation stable. Dans un contexte de vieillissement de la population, la structure actuelle, caractérisée par des taux de dépendance supportables, est en revanche transitoire et résulte du baby boom des années cinquante et soixante. Plutôt que le passage d'une bosse, les difficultés de la première moitié du siècle prochain s'apparentent ainsi à la montée vers un plateau . "

Il n'y aura pas de retour à la situation actuelle à l'issue de cette période d'ajustement. Et c'est déjà à cette période qu'il convient de se préparer.

c) 1.000 milliards de francs : une somme symbolique ou la partie visible d'une réforme draconienne ?

Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur la signification du chiffre de 1.000 milliards de francs.

S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant en quelque sorte " beaucoup " 17 ( * ) ou repose-t-il sur une quelconque projection des besoins, ne serait-ce qu'en terme de " lissage " puisque telle semble être l'option retenue par le Premier ministre dans ses déclarations du 21 mars 2000 ?

Force est de le constater, au vu du diagnostic du commissariat au Plan et en l'absence de réforme, le fonds de réserve tel que dimensionné par le Gouvernement, apparaît comme hors d'état de faire face au choc des années 2020.

Dans le scénario intermédiaire du rapport Charpin (scénario 2), le besoin de financement annuel -sous l'hypothèse d'une indexation des pensions sur les seuls prix- est en effet de 2 points de PIB en 2020, 3,7 points de PIB en 2040.

La somme de 1.000 milliards de francs " correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040 " 18 ( * ) .

Limité au seul régime général, l'utilisation du fonds de réserve n'équilibrerait les comptes que cinq ans. En 2025, le régime général serait en cessation de paiement.

Il est donc bien évidemment erroné de prétendre que dès lors, une autre hypothèse doit être envisagée . Le montant de 1.000 milliards de francs serait cohérent avec une réforme d'ampleur des régimes de retraite dont le Gouvernement omettrait toutefois de révéler la teneur.

Votre rapporteur a en effet entendu Mme Florence Legros, professeur d'université, conseiller auprès du service des études sur la retraite de la Caisse des dépôts et consignations, membre du conseil d'orientation des retraites. Il ressort de ses travaux qu'en accumulant les excédents des régimes, il est possible de constituer un fonds de réserve de 1.000 milliards de francs qui équilibrerait le système jusqu'en 2032... pour peu que la durée de cotisation soit portée à 42,5 années.

La pertinence du fonds, dont le Premier ministre annonce avec tant de force le montant de 1.000 milliards de francs, n'aurait ainsi de sens que sous la réserve -dont il ne fait pas état- d'un allongement substantiel des durées de cotisation, de deux ans et demi dans le secteur privé et de cinq ans dans le secteur public.

d) Dettes et réserves : une coexistence problématique

En partageant les produits des licences UMTS entre fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d'amortissement de la dette publique, le présent projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de " réserves " parallèlement à la persistance de dettes considérables .

Ainsi, aux termes d'un arbitrage dont on ne sait à quelle logique il obéit : en 2001 57 % des produits de ces licences seront affectés au fonds de réserve (18,5 milliards de francs) et 43 % à l'amortissement de la dette de l'Etat (14 milliards de francs).

Ces 14 milliards de francs sont à comparer au stock de dette de l'Etat supérieure de 5.000 milliards de francs fin 2000 19 ( * ) et au déficit budgétaire pour 2001 (186 milliards de francs) qui viendra accroître cette dette.

Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des finances sociales, le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait effectivement 1.000 milliards de francs, coexisterait dès 2020 avec un déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600 milliards de francs.

La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler, ou, en termes plus imagés, à faire des " tas " à côté des " trous ", et à demander au Parlement de voter solennellement un léger grossissement du " tas " de préférence à un léger comblement du " trou ".

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2001, M. Didier Migaud, rapporteur général, fait référence à la situation américaine " Le Président Bill Clinton a proposé que les excédents budgétaires, dont l'Etat fédéral américain dispose désormais, soient affectés à hauteur de 62 % au système des réserves, afin de garantir un paiement non déficitaire des pensions du système fédéral ".

Il souligne cruellement la différence essentielle entre la France et les Etats-Unis. Notre pays ne dispose pas d'excédents budgétaires pour constituer de véritables réserves.

Quant aux excédents de nos régimes sociaux, force est de constater qu'ils sont, comme on l'a vu, très temporaires pour les régimes de retraite, fort incertains pour les régimes d'assurance maladie, et pour le reste -en l'espèce la branche famille- mobilisés notamment par la politique extrêmement coûteuse de réduction de la durée du travail.

*

* *

L'an dernier, votre rapporteur citait en conclusion de son rapport cet avertissement du Commissaire au plan : " Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire ". 20 ( * )

Il soulignait a contrario la légèreté du Premier ministre qui confiait le 29 avril 1999 21 ( * ) : " nous avons le temps ".

Le 21 mars dernier, la déclaration de M. Lionel Jospin " sur l'avenir des retraites " , faite solennellement, depuis l'hôtel de Matignon, a confirmé, au-delà des craintes formulées alors par votre rapporteur, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.

Mais, comme l'oisiveté est toujours mauvaise conseillère, la majorité plurielle a souhaité, dans le cadre de la discussion du présent projet de loi, apporter sa propre contribution à l'avenir de nos retraites en votant l'abrogation de la loi Thomas créant les plans d'épargne retraite que le Gouvernement, dès juin 1997, avait au demeurant décidé de ne pas appliquer.

*

* *

Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-LUC CAZETTES, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAVTS)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), accompagné de M. Patrick Hermange, directeur, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 .

M. Jean-Luc Cazettes a rappelé que le conseil d'administration de la CNAVTS avait émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a précisé que l'essentiel des critiques avait porté sur la complexité des financements croisés que mettait en place le projet de loi ainsi que sur l'exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les bas salaires qui accentuait les risques de " trappe à pauvreté ".

M. Jean-Luc Cazettes a déclaré que l'ensemble du conseil d'administration avait en revanche accueilli favorablement les mesures de revalorisation des pensions et l'engagement de l'Etat de rembourser sa " dette " aux régimes de retraites complémentaires.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a pris acte du vote du conseil d'administration de la CNAVTS. Il s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par les administrateurs du régime devant la complexité sans cesse accrue du financement de la sécurité sociale.

Il a ensuite interrogé M. Jean-Luc Cazettes sur le financement du fonds de réserve pour les retraites. Il lui a demandé si la somme de 1.000 milliards de francs lui semblait suffisante pour faire face aux déséquilibres des régimes de retraite. Il l'a en outre interrogé sur l'utilité de transférer à un fonds de réserve les excédents de la CNAVTS.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a confirmé que la complexité des circuits financiers et leur modification, chaque année, conduisaient à de grandes difficultés d'analyse.

Estimant que le fonds de réserve était une " solution intéressante ", il a souligné toutefois son " financement hasardeux " dès lors que le fonds ne dispose pas d'une alimentation pérenne. Il a précisé en outre que le fonds lui semblait ne pouvoir constituer qu'un instrument de " lissage " et a fait part de ses interrogations sur la manière dont ses réserves passeraient de 55 milliards en 2001 à 1.000 milliards en 2020.

Rappelant que la CNAVTS n'avait guère eu, par le passé, l'habitude de gérer des excédents, M. Jean-Luc Cazettes a fait état des prévisions du Gouvernement reposant sur un taux de chômage de 4,5 % en 2010 et une croissance de 3,4 %, puis de 3 %. Ces hypothèses conduisent à faire apparaître, en 2010, un excédent cumulé de la CNAVTS de 120 milliards de francs qui serait affecté au fonds de réserve. Il a considéré que cette affectation lui semblait préférable à une situation conduisant à " noyer " l'excédent dans les circuits complexes qui existaient entre les branches du régime général. Il a, par ailleurs, précisé que les excédents actuels étaient gérés par l'ACOSS et généraient des produits financiers à un taux de l'ordre de 4,3 %.

M. Jean-Luc Cazettes a toutefois fait observer que la CNAVTS enregistrait à nouveau des pertes à compter de 2010 et que son déficit cumulé en 2020 était ainsi évalué à 474 milliards de francs.

A la demande de M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a précisé que ce déficit cumulé en 2020 incluait les excédents réalisés jusqu'en 2010.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a observé que, dès lors que la CNAVTS se serait privée de cet excédent au profit du fonds de réserve, son déficit cumulé atteindrait 600 milliards de francs en 2020.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Luc Cazettes s'il souhaitait une gestion plus dynamique pour le fonds de réserve.

M. Jean-Luc Cazettes s'est déclaré favorable à une gestion plus dynamique mais a fait remarquer que celle-ci passait par une clarification de son statut. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'impact que pourrait avoir, sur les modalités de gestion du fonds de réserve, la proposition de directive européenne relative au fonds de retraite par capitalisation.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a souligné que le mécanisme pérenne de revalorisation des pensions, attendu depuis 1998, n'était toujours pas fixé.

En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Jean-Luc Cazettes a fait observer que le conseil d'administration de la CNAVTS était gestionnaire d'un régime dont il ne fixe ni les recettes, ni les dépenses.

Il a souligné que la loi d'août 1993 prévoyait une indexation sur les prix mais ouvrait la possibilité ponctuelle de faire participer les retraités aux " fruits de la croissance ". Il a déclaré que la revalorisation annoncée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'influait guère sur la perspective des régimes de retraite même s'il a rappelé que l'indexation des pensions sur les prix était l'indexation la plus favorable aux équilibres financiers des régimes.

M. Patrick Hermange, directeur, a ajouté que le problème du financement des retraites demeurait entier et ne pouvait être résolu que par des outils législatifs nouveaux.

M. Jean-Luc Cazettes a de nouveau affirmé que l'objectif d'un fonds de réserve de 1.000 milliards de francs nécessitait un financement pérenne.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les recettes pérennes que préconisait la CNAVTS.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'ampleur de la hausse de cotisations nécessaire pour couvrir le besoin de financement de la CNAVTS.

M. Jean-Luc Cazettes lui a répondu qu'une hausse des cotisations échelonnée de 1,5 point en 2015 et de 3,5 points en 2020 était nécessaire pour assurer, toute chose égale par ailleurs, le financement de la CNAVTS, soit une augmentation des cotisations de 25 %.

Se refusant à préconiser des mesures au titre du conseil d'administration de la CNAVTS, il a cependant rappelé que le rapport Foucauld avait formulé plusieurs propositions en ce sens. Il s'est en outre inquiété d'une croissance de la masse salariale inférieure à celle du PIB. Il a souligné l'importance que revêtait cette baisse relative des salaires dans la valeur ajoutée dans les problèmes de financement des régimes de retraite.

M. Guy Fischer , constatant le développement de revendications sur les retraites en Europe, s'est enquis du montant de la perte de pouvoir d'achat pour les retraités résultant d'une indexation des pensions sur les prix.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé à 100 milliards de francs pour les régimes de retraite le manque à gagner résultant de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Il a par ailleurs remarqué que l'évolution de la fiscalité n'avait pas été favorable aux retraités au cours des dernières années, notamment du fait de la CSG.

En réponse au problème de l'évolution moins favorable de l'assiette des cotisations, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que le Japon et l'Allemagne avaient réfléchi à un financement des retraites par un prélèvement sur la consommation dont l'évolution est plus proche de celle de la croissance économique.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Luc Cazettes si la CNAVTS ne considérait pas que le transfert de 0,15 point de CSG du FSV vers la CNAMTS risquait d'entamer le financement du fonds de réserve.

M. Jean-Luc Cazettes a rappelé l'avis négatif du conseil d'administration de la CNAVTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souligné que la mesure d'exonération de CSG avait rencontré une opposition quasi unanime. Il a ajouté que l'Etat s'engageait à compenser la perte de recettes mais mettait néanmoins la neutralité de cette mesure au conditionnel.

II. AUDITION DE M. JEAN-MICHEL CHARPIN, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PLAN

Réunie le mercredi 9 février 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a entendu M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan.

M. Jean Delaneau, président, a relevé les fortes divergences qui opposaient les conclusions du rapport de M. Jean-Michel Charpin et les conclusions de l'avis du Conseil économique et social.

Après avoir déclaré que nul n'était plus qualifié que M. René Teulade pour commenter l'avis du Conseil économique et social, M. Jean-Michel Charpin a fait valoir les différences d'approche qui existaient entre son rapport et le rapport de M. René Teulade.

Il a rappelé que l'avis du Conseil économique et social s'était largement appuyé, en la citant, sur l'étude de cette même assemblée rédigée par Mme Chantal Lebatard. En se fondant sur certains des scénarios étudiés par Mme Lebatard, l'avis du Conseil économique et social avait été amené à souligner qu'un taux de croissance de 3,5 % par an pendant 40 ans serait nécessaire pour permettre le financement des retraites sans augmentation de la part de celles-ci dans le PIB. Il a fait valoir que l'étude de Mme Lebatard présentait comme irréalisable le maintien d'un tel taux de croissance à long terme.

S'interrogeant sur la raison qui conduisait les travaux du Conseil économique et social à minorer de 50 %, soit plusieurs centaines de milliards de francs par an, les charges futures des régimes de retraite, M. Alain Vasselle a relevé une erreur de méthode majeure : il a souligné que les projections retenues par le Conseil économique et social " oubliaient " que la pension moyenne augmentait à long terme au même rythme que les salaires, quand bien même les pensions seraient indexées sur les prix. Dans ces conditions, il n'apparaissait guère surprenant que le Conseil économique et social ait pu conclure à une diminution à long terme de la part des dépenses de retraite dans le PIB.

Interrogé sur ce point, M. Jean-Michel Charpin a confirmé cette analyse. Il a expliqué que les pensions servies dépendent des salaires perçus par les assurés pendant leur carrière, chaque génération d'actifs bénéficiant de salaires plus élevés que les générations précédentes ; la pension moyenne augmente donc, en termes réels, d'une année sur l'autre, du simple fait du renouvellement des générations de retraités, et ceci, quel que soit le mode retenu d'indexation des pensions.

M. Jean-Michel Charpin a précisé que, compte tenu des conséquences lourdes que pouvait entraîner une telle omission, il avait souhaité consacrer à la question de l'évolution de la pension moyenne une annexe spécifique de son rapport au Premier ministre. Il a constaté que cet effort de pédagogie n'avait manifestement pas porté ses fruits.

Evoquant les différences de méthodes entre les travaux qui avaient été menés sous sa direction et l'étude du Conseil économique et social, M. Jean-Michel Charpin a observé que son rapport reposait sur des projections multi-régimes réalisées en collaboration étroite avec les responsables techniques des différents régimes de retraite, alors que l'étude du Conseil économique et social raisonnait tous régimes confondus. La mission qu'il avait conduite disposait, il est vrai, de moyens beaucoup plus importants que ceux sur lesquels s'était appuyée Mme Lebatard.

S'agissant du rôle de la croissance dans le financement des retraites, M. Jean-Michel Charpin a constaté que l'avis du Conseil économique et social, tout comme l'étude de Mme Lebatard, présentait des taux de croissance, sans préciser quelle part provenait d'une croissance de la productivité et quelle part découlait d'une croissance de l'emploi. Or, ces deux facteurs pouvaient avoir des impacts très différents sur les recettes des régimes de retraite.

Il a expliqué que, dans les scénarios étudiés par le commissariat du Plan, il apparaissait nettement que, seule, l'augmentation de la productivité pourrait susciter une croissance supplémentaire après 2010, dans la mesure où les gisements d'emplois subsistant s'avéreraient alors très limités. Il a fait observer qu'une croissance uniquement fondée sur la productivité se traduirait inévitablement par une hausse des salaires, et donc des cotisations, ce qui augmenterait à terme la charge des retraites.

S'agissant de l'horizon retenu pour traiter de l'avenir des retraites, M. Jean-Michel Charpin a considéré que certaines mesures, comme l'augmentation des cotisations, pouvaient être prises au jour le jour, au vu de la dégradation de l'équilibre financier des régimes, alors que d'autres, tels les mécanismes de capitalisation ou de réserve, devaient être programmées à l'avance et donc engagées sans tarder.

Après avoir rappelé que les régimes de retraite ne connaîtraient aucune difficulté avant 2006, M. Jean-Michel Charpin a souligné les dangers, pour l'équité entre les générations, que comporterait un défaut d'anticipation face au déséquilibre, connu depuis plus de dix ans, qu'entraînera, à partir de cette date, le départ à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'hypothèse, avancé par le Conseil économique et social, d'une augmentation du taux de fécondité. Après avoir fait remarquer que plus on attendait pour prendre des mesures, plus ces mesures seraient draconiennes, il a souhaité savoir quelle serait l'évolution des systèmes de retraite calculée en points, tels que ceux de l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) et de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC).

Mme Gisèle Printz s'est enquise de l'évolution future des retraites des veuves.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Jean-Michel Charpin a précisé que dans les régimes en points, la liquidation se faisait en fonction du nombre de points accumulés et de la valeur du point, et non des salaires perçus pendant les périodes d'activité. Ces régimes étaient aujourd'hui de facto indexés sur les prix, ce qui se traduisait par des évolutions très limitées de la pension moyenne.

Il a indiqué que l'évolution du taux de fécondité était un phénomène difficile à prévoir, même si ce taux avait peu évolué depuis une dizaine d'années. Il a fait observer qu'une augmentation forte du taux de fécondité n'aurait un impact réel sur les régimes de retraite qu'après 2020.

En réponse à Mme Gisèle Printz, M. Jean-Michel Charpin a précisé que les travaux menés sous sa direction n'avaient pas étudié une éventuelle modification des règles applicables aux personnes veuves. Il a indiqué que les femmes bénéficieraient de carrières de plus en plus complètes et donc de pensions de retraite supérieures à celles des générations précédentes, ce qui avait été intégré dans les projections du commissariat du Plan.

M. Jean Delaneau, président, a conclu en soulignant que la profonde différence de nature qui apparaissait entre l'avis du Conseil économique et social et les travaux menés par le commissaire du Plan, du point de vue notamment de la rigueur scientifique, conduisait à considérer, comme l'avait fait d'ailleurs M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dès le 9 janvier dernier, que le rapport Charpin restait, à l'évidence, le rapport de référence sur l'avenir des retraites.

III.  AUDITION DE M. RENÉ TEULADE, RAPPORTEUR DE L'AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Puis la commission a procédé à l'audition de M. René Teulade sur l'avis du Conseil économique et social, consacré à " L'avenir des systèmes de retraite " .

M. Jean Delaneau, président, a fait valoir que la commission suivait naturellement, avec beaucoup d'attention, le dossier des retraites. Il a souligné qu'elle avait ainsi entendu à deux reprises M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, à la fois sur la méthode retenue pour élaborer le " diagnostic partagé " que lui avait commandé le Premier ministre, et sur les conclusions de ses travaux.

Il a rappelé que M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, avait réalisé, à la demande de la commission, une analyse des apports du travail du commissaire au Plan et une appréciation des réactions que ce travail avait suscitées.

M. Jean Delaneau, président, a constaté que l'avis du Conseil économique et social avait, par sa teneur, créé la surprise et fait l'objet de commentaires sévères. Il a indiqué à M. René Teulade que la commission attendait, de cette audition, des éléments permettant de comprendre les raisons de l'écart de ton considérable qui existait entre le " rapport Charpin " et le " rapport Teulade ".

M. Jean Delaneau, président, a également relevé que cet avis avait fait l'objet, lors de son examen par le Conseil économique et social, d'une motion préjudicielle, demandant le renvoi pour avis à la section des finances et à celle des problèmes économiques, généraux et de la conjoncture. Il a souligné que le dépôt d'une telle motion constituait une procédure très rare au Conseil économique et social.

Après s'être félicité que la représentation nationale ait souhaité l'entendre, M. René Teulade a fait observer que l'avis du Conseil économique et social avait été abondamment commenté par la presse, de manière souvent très inexacte.

Il a souligné que l'avis sur " L'avenir des systèmes de retraite " était avant tout l'avis du Conseil économique et social et qu'il n'était, pour sa part, que le rapporteur de cette assemblée. Rappelant la procédure suivie pour l'adoption de cet avis, il a précisé que le Conseil économique et social s'était saisi de ce dossier et avait désigné M. Jean-Louis Mandinaud comme rapporteur de la section des affaires sociales en avril 1999. Ce dernier n'ayant pas vu son mandat renouvelé en septembre 1999, M. René Teulade avait alors été désigné comme rapporteur.

M. René Teulade a expliqué que le Conseil économique et social n'avait pas entendu publier un nouveau rapport ou une nouvelle étude sur les retraites, mais avait émis, en toute indépendance, un avis destiné à éclairer les décideurs. Il a estimé que l'avis adopté par la section des affaires sociales le 23 décembre 1999, puis en séance plénière le 12 janvier 2000, résultait de la synthèse des positions des différentes composantes du Conseil économique et social.

M. René Teulade s'est élevé contre les commentaires selon lesquels cet avis se serait fondé sur une prévision de croissance de 3,5 % par an pendant 40 ans. Il a jugé que préconiser un tel taux de croissance, pour résoudre le problème des retraites, aurait été totalement irréaliste. Il a affirmé que, face à la réalité " mouvante et vivante " de la question des retraites, qui nécessitait des adaptations progressives, le Conseil économique et social s'était au contraire placé résolument dans un horizon de court terme. Il a souligné que l'avis du Conseil économique et social ne reposait sur aucune projection à long terme, contrairement au rapport de M. Jean-Michel Charpin.

M. René Teulade a constaté que la démarche globale et prudente du Conseil économique et social avait sans doute été mal comprise ; il a indiqué qu'il s'efforçait désormais de l'expliciter davantage.

M. René Teulade a jugé que la question du financement des retraites devait être analysée de manière globale et qu'il n'apparaissait pas réaliste, dans les conditions économiques actuelles caractérisées par le recours massif aux préretraites, d'envisager une augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il a précisé que si le Conseil économique et social n'avait pas entendu écarter définitivement la nécessité d'un éventuel allongement de la durée de cotisation, il avait plutôt souhaité étudier les possibilités d'accroître, dans l'immédiat, les ressources disponibles pour financer les retraites.

Evoquant les mesures concrètes préconisées par l'avis du Conseil économique et social, M. René Teulade a rappelé qu'il avait ainsi suggéré d'inverser la pratique actuelle des cessations anticipées et définitives d'activité, et de remplacer les aides publiques actuelles aux préretraites par des dispositifs souples de préretraites choisies et progressives. Le Conseil économique et social avait préconisé de mieux prendre en considération, dans le décompte des annuités pour la retraite, le service national, les périodes de stage, ainsi que la pénibilité du travail, et de favoriser une liberté accrue du choix de l'âge de départ à la retraite en remplaçant les abattements actuels par le principe d'une neutralité actuarielle.

M. René Teulade a jugé que des marges de financement complémentaires devaient par ailleurs être dégagées, en abondant le fonds de réserve pour les retraites par l'affectation des excédents de la sécurité sociale, et en soulageant les régimes de retraite du financement des " avantages non contributifs ".

Soulignant que les salariés du régime général avaient déjà été fortement mis à contribution par la réforme de 1993, M. René Teulade a jugé nécessaire une remise à plat de la situation des régimes spéciaux et un rapprochement des taux d'effort des différents régimes. Il a conclu en précisant que le Conseil économique et social avait entendu tenir compte des circonstances nouvelles créées par la forte croissance que connaissait la France depuis un an.

M. Jean Delaneau, président, a constaté que l'avis du Conseil économique et social mettait effectivement l'accent sur le rôle prééminent de la croissance dans le financement futur des retraites.

M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur la pertinence d'une vision à si court terme lorsque l'on veut aborder " l'avenir des systèmes de retraite ". Il a constaté que le rapport de M. René Teulade se référait certes aux travaux de la mission Charpin, mais également à une étude du Conseil économique et social en date de juin 1999, intitulée " Perspectives socio-démographiques à l'horizon 2020-2040 ", rédigée par Mme Chantal Lebatard, et s'appuyait sur cette étude pour souligner " le rôle clé de la croissance dans la réponse aux problèmes financiers des systèmes de retraite ".

M. Alain Vasselle a souligné que, sur ce point, les travaux du Conseil économique et social étaient en totale contradiction avec ceux du Plan : ainsi, avec des hypothèses identiques, et en retenant une indexation des pensions sur les prix, le poids des retraites dans le produit intérieur brut (PIB) reviendrait, selon le Conseil économique et social, de 12,7 % en 1995 à 10,3 % en 2040, tandis que, dans le rapport Charpin, il atteindrait 15,8 %. M. Alain Vasselle s'est interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer une telle contradiction.

M. René Teulade a considéré que l'on ne pouvait pas opposer l'avis du Conseil économique et social et le rapport de M. Jean-Michel Charpin, dans la mesure où le premier se limitait à une analyse à un horizon de 3 ou 4 ans, tandis que le rapport Charpin procédait à des projections à l'horizon 2040. Il a fait valoir que la croissance que connaissait notre pays était moins forte au moment où avait été élaboré le rapport Charpin et que le Conseil économique et social, conscient des difficultés d'établir des projections à long terme, avait souhaité que soit mis en place un Centre national de vigilance et de garantie des retraites, qui réexaminerait périodiquement l'évolution de la situation des retraites.

M. Claude Domeizel a demandé si le Conseil économique et social avait intégré, dans sa réflexion, l'évolution, depuis 1945, du niveau des pensions de réversion et de l'espérance de vie moyenne.

M. Claude Huriet a relevé que l'avis du Conseil économique et social n'avait été adopté que par 100 voix sur 201, ce qui constituait un événement tout à fait exceptionnel dans une assemblée qui s'efforçait habituellement de dégager des consensus. Il a jugé qu'il n'était pas raisonnable d'analyser le problème des retraites à un horizon de court terme, puisque les problèmes ne commenceraient à se manifester effectivement qu'à un horizon de 5 à 10 ans. Examinant les propositions formulées par l'avis, il s'est demandé comment une augmentation de la fécondité pouvait avoir un impact à court terme sur les retraites.

M. Jean Chérioux s'est également interrogé sur l'incidence d'une hausse éventuelle du taux de fécondité.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souhaité savoir si l'avis du Conseil économique et social avait étudié la question de l'assiette des cotisations de retraite.

M. Alain Gournac s'est inquiété de la perception du rapport de M. René Teulade par l'opinion publique, qui pouvait être tentée de croire qu'il n'y avait effectivement pas de problème de financement futur des retraites. Il a souligné que le problème des retraites était à l'évidence un problème de long terme, et non un problème à court terme.

Mme Gisèle Printz s'est inquiétée de l'évolution des pensions de réversion.

M. Guy Fischer s'est réjoui que le rapport de M. René Teulade mette fin au catastrophisme qui caractérisait trop souvent les analyses de la question des retraites. Il a interrogé M. René Teulade sur les conséquences, pour le pouvoir d'achat des retraités, de l'indexation des prix sur les pensions, et il s'est inquiété des modalités de placement des sommes accumulées au sein du fonds de réserve pour les retraites.

M. Alain Vasselle a considéré qu'il ne pouvait y avoir de contradiction entre le rapport Charpin et l'avis du Conseil économique et social, puisque tous deux se situaient dans des horizons temporels radicalement différents. Il a souligné que la préoccupation du Sénat était précisément de prendre aujourd'hui les mesures qui assureraient l'équilibre à long terme de notre système de retraite.

M. René Teulade a fait valoir que le Conseil économique et social n'avait pas récusé un allongement éventuel de la durée de cotisation, mais avait jugé aujourd'hui inopportune cette mesure, dans le contexte nouveau créé par la croissance. Il a jugé que le problème des retraites concernait surtout les régimes spéciaux, et qu'il convenait d'éviter de creuser les écarts entre ces régimes et les régimes qui avaient l'objet de réformes. Il a fait valoir que cette question était délicate, car touchant aux statuts des personnels.

M. René Teulade a estimé que l'avis du Conseil économique et social avait recueilli l'accord de l'ensemble des forces vives de la Nation. Il a ajouté que le Conseil économique et social avait contribué à dédramatiser la question des retraites et pensait avoir accompli, de la sorte, oeuvre utile.

M. Jean Delaneau, président, a fait observer que la Confédération française démocratique du travail (CFDT) avait émis de vives critiques contre cet avis, qu'elle n'avait d'ailleurs pas voté, et que Mme Nicole Notat, secrétaire général de cette confédération, avait ainsi dénoncé une " illusion dangereuse pour les salariés ".

* 1 L'objectif a été majoré de 828,9 à 830,4 milliards de francs, du fait notamment de l'augmentation décidée du minimum vieillesse

* 2 Cf. ci-après III, A, 2.

* 3 Le plafond est le montant maximal du salaire sur lequel sont calculées les cotisations AGIRC.

* 4 Ce qui induit une progression de la base sur laquelle sont assises les cotisations.

* 5 Risques maladie, vieillesse et famille.

* 6 Compte rendu analytique Assemblée nationale, 1 ère séance du jeudi 26 octobre 2000, p. 23.

* 7 Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 58 (1999-2000)) tome III (assurance vieillesse).

* 8 L'avenir de nos retraites, rapport au Premier ministre, avril 1999.

* 9 Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur l'avenir des retraites, Hôtel de Matignon le 21 mars 2000.

* 10 Perspectives socio-démographiques à l'horizon 2020-2040, étude rapportée par Mme Lebatard au nom de la section des Affaires sociales.

* 11 L'avenir des systèmes de retraite, avis du Conseil économique et social présenté par M. René Teulade, rapporteur au nom de la section des Affaires sociales - 12 janvier 2000.

* 12 Avis du Conseil économique et social précité, p. 25.

* 13 Avis du Conseil économique et social précité, p. 42.

* 14 Voir présent rapport tome IV commentaires des articles.

* 15 Cf. Rapport sur le Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2001, Tome III, Famille.

* 16 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001 (n° 2624 - tome I), p. 155 et suivantes.

* 17 Cf. le juron célèbre du Capitaine Haddock : " mille milliards de mille sabords " in Le Trésor de Mackham le Rouge - p. 48.

* 18 Discours de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de sa réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale - 21 septembre 2000.

* 19 Discours de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de sa réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale - 21 septembre 2000.

* 20 Jean-Michel Charpin - Liaisons sociales mai 1999.

* 21 Lionel Jospin dans un entretien accordé au Parisien.

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