E. AUDITION DE M. FRANÇOIS MONIER, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Réunie le mercredi 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale .

M. François Monier a indiqué qu'il était secrétaire général de la commission des comptes depuis 1999. Il a rappelé que la commission des comptes examinait deux rapports par an, le premier au mois de mai, concernant le seul régime général, et le second au mois de septembre, concernant l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale. Il a précisé que le dernier rapport, présenté lors de la réunion du 21 septembre 2000, était relatif aux comptes définitifs de l'année n-1 (1999), aux comptes prévisionnels de l'année n (2000) et aux comptes " tendanciels " de l'année n+1 (2001). Il a ajouté que ces comptes étaient appelés " tendanciels " parce qu'ils n'incluaient pas, par construction, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a estimé toutefois que ces comptes " tendanciels " n'étaient pas tout à fait " spontanés ", puisque la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) -de 3,5 % sur les dépenses prévues pour 2001- retenait l'objectif figurant dans le projet de loi.

M. François Monier a précisé que la réforme dite des " droits constatés ", introduite dans le régime général en 1996 et dans les autres régimes en 1997, franchissait cette année un nouveau cap, puisque les comptes de la sécurité sociale étaient pour la première fois présentés également selon ce mode de comptabilisation, et non plus seulement en " encaissements-décaissements ", conformément à l'engagement pris par Mme Martine Aubry, alors ministre de l'emploi de la solidarité, lors de la discussion devant le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Le rapport et les annexes des projets de loi de financement resteront toutefois en encaissements-décaissements jusqu'en 2002.

Il a fait part d'une seconde innovation, relative aux statistiques d'assurance maladie : la CNAMTS présente désormais des " statistiques en dates de soins ", et non plus des " statistiques de remboursement ", ce qui est très utile pour analyser les dépenses d'assurance maladie.

M. François Monier a également précisé qu'il avait essayé d'orienter davantage le rapport, par l'intermédiaire d'un " petit chapitre ", vers une analyse de la situation de l'ensemble des régimes, alors que le rapport était traditionnellement centré sur les comptes du seul régime général. Rappelant que l'homogénéisation des pratiques comptables n'était pas encore assuré, en raison de l'inexistence d'un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale, il a estimé cependant qu'il était de plus en plus nécessaire de présenter des comptes agrégés. Il a constaté que les contraintes du calendrier, lors de la réunion de septembre, mettaient les rédacteurs du rapport " à rude épreuve " et limitaient ainsi les " innovations ". Il a ainsi indiqué que des arbitrages ministériels avaient été rendus dans les deux jours qui précédaient la réunion de la commission des comptes.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les questions du mode de comptabilisation et du plan comptable unique étaient très importantes. Evoquant les propos tenus par M. Jean-Marie Spaeth lors de son audition du mardi 17 octobre 2000, il a rappelé que les médecins contestaient souvent les chiffres de la CNAMTS. Il a observé que la commission des affaires sociales avait appelé depuis de nombreuses années à un renforcement des moyens de la direction de la sécurité sociale, chargée de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de mai était également préparée en urgence, comme le montrait le report de date qui avait été décidé au printemps dernier, imputable selon certains à la direction de la sécurité sociale et pour d'autres aux régimes sociaux.

Puis M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons de l'absence, dans le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, des comptes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), alors que l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale fait notamment obligation à la commission de prendre connaissance d'un " bilan relatif aux relations financières entretenues par le régime général de la sécurité sociale avec l'Etat et tous autres institutions ou organismes ". Citant l'avant propos du rapport de septembre 2000, rédigé par le secrétaire général de la commission des comptes, selon lequel " la modification des règles d'affectation des recettes ", effectuée par le Gouvernement, " faisait perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général ", il s'est interrogé, en conséquence, sur la pertinence du maintien d'une commission des comptes de la sécurité sociale. Il a demandé pourquoi les comptes prévisionnels de l'année 2000 de la branche famille incluaient une accélération de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, par rapport à la provision inscrite dans la loi de financement pour 2000 votée par le Parlement, cette accélération devant être en principe décidée dans le collectif budgétaire de fin d'année, non encore déposé et a fortiori non encore voté. Il a rappelé que le Sénat avait adopté, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un amendement de la commission visant à donner au secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale un mode de nomination et des moyens propres lui permettant une réelle autonomie d'analyse. Il s'est demandé si la création, évoquée dans le rapport de la commission des comptes mais ne figurant pas dans le projet de loi, d'un " Haut conseil des organismes de sécurité sociale ", n'allait pas dans le sens souhaité par le Sénat. Enfin, il a demandé à M. François Monier si, ses fonctions de secrétaire général de la commission des comptes lui semblaient compatibles avec sa participation, en tant que magistrat de la cour, au vote du rapport annuel de la haute juridiction consacrée à la sécurité sociale.

M. François Monier a reconnu que les comptes du FOREC auraient dû faire partie du rapport présenté à la commission des comptes, au même titre que ceux du fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais qu'ils n'avaient pas été inclus, en raison des incertitudes sur le volet recettes. Il a précisé qu'ils seraient détaillés dans la version définitive du rapport, édité par la Documentation française.

Il a considéré que l'avant-propos était une façon pour le secrétaire général de formuler des observations plus personnelles qui, compte tenu du peu de temps laissé à l'analyse, pouvaient être considérées comme insuffisamment fondées. Il a reconnu que la modification des affectations de recettes était " une affaire l'ayant frappé ". Il a ajouté que ces modifications lui paraissaient justifiées, comme l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites.

M. Charles Descours a demandé si ces modifications étaient conformes à la loi du 25 juillet 1994, posant le principe de la séparation comptable des branches.

M. François Monier a indiqué qu'il n'était pas " un juriste ", mais que ces modifications étaient au bout du compte adoptées par le Parlement. Il a expliqué que, pour ces raisons, la présence de comptes agrégés était de plus en plus nécessaire, ce qui ne remettait pas en cause l'existence d'une commission des comptes de la sécurité sociale.

S'agissant de l'accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille, il a reconnu que cette option était discutable. Il a expliqué que l'option de retenir un ONDAM tendanciel progressant au même rythme que celui de l'ONDAM du projet de loi avait été retenue avant son arrivée. Il a précisé que, pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le choix de retenir une telle accélération faisait partie des éléments notifiés deux jours avant la réunion de la commission des comptes. Il a ajouté que les comptes n'étaient pas établis par le secrétaire général, mais par la Direction de la sécurité sociale. Il a estimé que le rôle du secrétaire général, outre la rédaction d'un avant propos, était de veiller à ce que toutes les hypothèses ou options retenues soient expliquées de manière claire. Il a relevé que l'administration de la sécurité sociale considérait qu'il était préférable, pour des raisons de simplicité, de retenir ses propres prévisions. Concernant l'ONDAM, il a reconnu que, compte tenu du taux de progression retenu dans le projet de loi, la prévision retenue dans le compte pour 2001 le mettait " moins mal à l'aise " que celle des années précédentes.

M. François Monier a indiqué que l'autonomie du secrétaire général était " grande " et que sa parole était " libre ". S'agissant des moyens, il a reconnu être seul, puisque l'intégralité du travail est réalisé par la direction de la sécurité sociale. Il a estimé disposer d'un " rôle d'animation " et que le rapport du mois de mai était le moyen de présenter des analyses quelque peu différentes d'une simple présentation des comptes par l'administration, comme le montre la publication des éléments statistiques fournis par la CNAMTS sur la consommation médicale dans le rapport de mai 2000. Il a considéré que la réforme des droits constatés et la mission interministérielle de réforme des organismes des sécurité sociale (MIRCOSS), ayant à charge de définir un plan comptable unique, avaient absorbé l'intégralité des forces de la direction de la sécurité sociale. Il a indiqué que cette direction devait en outre rebâtir l'intégralité de ses moyens informatiques.

Revenant sur l'article de l'avant projet de loi de financement de la sécurité sociale créant un " Haut conseil de l'information comptable ", il a indiqué que sa disparition dans le projet de loi s'expliquait pour des raisons juridiques, la création d'une telle instance relevant du pouvoir réglementaire. Il a précisé que ce Haut conseil était d'une nature différente de celle de la commission des comptes de la sécurité sociale, puisqu'il aurait pour fonction de dégager une " méthodologie des comptes " et de suivre la mise en oeuvre du plan comptable unique de sécurité sociale. Il a ajouté que la création d'une mission permanente était en outre envisagée et que cette mission centraliserait tous les comptes des différents organismes, afin de les diffuser auprès des destinataires institutionnels, dont la commission des comptes de la sécurité sociale et le Parlement.

M. François Monier a précisé qu'il faisait partie auparavant de la sixième chambre de la Cour des comptes et qu'il l'avait quittée à la suite de sa nomination au poste de secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a reconnu que sa participation au vote sur le rapport de la Cour pouvait être critiquée, mais qu'il partageait totalement les appréciations de ce rapport sur les moyens de la direction de la sécurité sociale.

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