N° 67
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 novembre 2000 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M. Charles DESCOURS,
Sénateur.
Tome I : Équilibres financiers généraux et Assurance maladie
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2606 , 2631, 2633 et T.A. 567
Sénat : 64 (2000-2001).
Sécurité sociale . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Les comptes de la sécurité sociale se sont redressés en 1999-2000 au prix, il est vrai, d'un effort considérable demandé aux Français.
L'embellie conjoncturelle ne doit pas dissimuler que ces derniers ont consacré au financement de la protection sociale une part croissante des prélèvements obligatoires qu'ils acquittent sans pourtant avoir le sentiment d'être mieux soignés, mieux protégés et de pouvoir regarder vers l'avenir avec confiance.
Dans ce contexte, votre commission constate que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, cinquième exercice du genre, est probablement le pire qu'il lui ait été donné d'examiner.
Ce sentiment d'ailleurs a été partagé par les partenaires sociaux : l'ensemble des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale ont émis un avis négatif à l'encontre du projet de loi.
Celui-ci, en effet, ne permet pas un débat lucide et volontaire sur la financement de la protection sociale ; il constitue en revanche l'appendice supplétif d'une politique de l'emploi aventureuse et d'une politique fiscale improvisée.
L'an dernier, la commission avait souligné que " la réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale ", annoncée depuis 1998, avait donné naissance à un monstre : le FOREC.
Le projet de loi de financement pour 2001 confirme pleinement cette analyse. Au-delà d'un système de tuyauterie, compliqué à dessein, l'essentiel de son dispositif consiste en effet à organiser une ponction massive sur les comptes sociaux et singulièrement sur la branche famille pour financer les trente-cinq heures.
Il en résulte que le budget général ne contribue plus en aucune manière à ce financement : l'Etat s'exonère lui-même de la théorie -vivement contestée par les partenaires sociaux- des " retours " pour les finances publiques de la réduction du temps de travail, dont seule la sécurité sociale fait désormais les frais.
Mais la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas seulement devenue la loi de financement des trente-cinq heures, elle acquiert également le statut peu enviable d'instrument d'une politique fiscale improvisée.
En instituant une ristourne dégressive de CSG, le Gouvernement détourne une contribution sociale pour poursuivre un objectif fiscal. Dès lors, il n'est pas étonnant que cette mesure soit désastreuse dans ses conséquences : inéquitable, elle bouleverse de surcroît les fondements mêmes du financement de la protection sociale.
En exonérant de la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale telle ou telle catégorie de contribuables, sans compensation pour la CADES qui doit faire face à l'amortissement de la dette sociale, le Gouvernement prend une grave responsabilité. Il y a trois ans, pour faire face à une aggravation de cette dette, la durée de prélèvement de la CRDS qui lui est affectée a été allongée de cinq ans pour être portée à 2014.
En réduire aujourd'hui l'assiette dès la première embellie conjoncturelle, c'est mettre le doigt dans un engrenage qui ne peut qu'inquiéter les marchés financiers, fragiliser la signature de la CADES et rendre plus coûteuse la gestion de sa dette.
A contrario , le projet de loi de financement ne contient rien qui devrait y figurer, rien qui puisse s'apparenter à la mise en oeuvre de choix de santé publique, rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites.
Le 21 mars 2000, le Premier ministre a en effet refermé le dossier de la réforme des retraites.
Reste un conseil d'orientation : après le Livre blanc en 91, les perspectives des régimes de retraite en 95, le diagnostic du commissariat au Plan en 99, un nouveau rapport sera remis en 2002 qui conclura, comme les autres, qu'il est urgent d'agir.
Reste également un fonds de réserve qui veut donner le sentiment que le Gouvernement " met de côté pour les lendemains difficiles ".
Or, sans réforme immédiate, ce fonds ne saurait, à l'évidence, garantir l'avenir de nos régimes de retraite. Les indulgents diront que c'est mieux que rien. Pour cette raison même, les réalistes penseront que c'est pire que tout.
Enfin, l'ONDAM, dépourvu de tout contenu en santé publique, n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.
Dès lors, la forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé, largement imputable à l'application d'un système de régulation des dépenses fondé sur les lettres-clés flottantes
Face à ce projet de loi, votre commission propose de désamorcer les branchements successifs mis en place pour financer les trente-cinq heures. Ce faisant, elle rétablit les excédents de la branche famille, qui retrouve les moyens d'une politique ambitieuse et ceux du fonds de solidarité vieillesse destinés à garantir l'avenir des retraites.
Elle récuse le système de ristourne dégressive sur la CSG et propose, en étroite concertation avec votre commission des Finances, un dispositif alternatif de crédit d'impôts.
Elle dote le fonds de réserve pour les retraites d'un statut permettant, sous le contrôle du Parlement, un emploi financièrement efficace et juridiquement transparent des sommes qu'il collecte.
Elle restaure enfin un système de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Mais, surtout, elle vous propose, à l'encontre de l'ONDAM, un " vote sanction " dont elle mesure l'exceptionnelle gravité.
Votre commission a pris cette décision en connaissance de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans lui semble traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement un agrégat qui dérive, mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.