Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale, TOME VII - OUTRE-MER (Aspects sociaux)

LORRAIN (Jean-Louis)

AVIS 91-TOME VII (1999-2000) - Commission des Affaires sociales

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Table des matières




N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

OUTRE-MER

(aspects sociaux)


Par M. Jean-Louis LORRAIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 34 ) (1999-2000).

Lois de finances.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Le mercredi 20 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l 'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits consacrés à l'outre-mer (aspects sanitaires et sociaux) dans le projet de loi de finances pour 2000 .

A titre liminaire, M. Jean Delaneau, président , a souligné l'attention que portait la commission à la situation sociale de l'outre-mer et a rappelé qu'elle avait effectué en juillet dernier une mission d'information pour étudier l'état sanitaire et social de la Guyane.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat, a précisé que l'effort budgétaire total de l'Etat en faveur de l'outre-mer s'élèverait à 57,8 milliards de francs en 2000, soit une progression de 2,8 %. Il a ajouté que les crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'élèveraient à 6,4 milliards de francs en 2000, soit 10 % seulement des moyens consacrés à l'outre-mer dans le budget de l'Etat.

Il a ensuite insisté sur les principales priorités de ce budget. A cet égard, il a observé que l'emploi restait prioritaire, celui-ci représentant 39 % des dépenses budgétaires. Il a estimé qu'en 2000 les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) permettraient de proposer 58.000 nouvelles solutions d'insertion et que 3.000 emplois-jeunes supplémentaires seraient créés. Il a précisé que les crédits en faveur de la politique de l'emploi à Mayotte augmenteraient de 55 millions de francs. Il a enfin insisté sur le rôle du service militaire adapté (SMA).

Il a indiqué que la culture et l'action sociale constituaient la seconde priorité de ce budget avec une augmentation de 30 % des crédits, cette augmentation concernant principalement l'Agence nationale pour l'emploi à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) et les échanges culturels.

Le ministre a également rappelé que le logement constituait le deuxième poste budgétaire avec 918 millions de francs de crédits de paiement pour 2000, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 1999. Il a précisé que ces crédits permettraient de financer la construction ou la réhabilitation de 13.400 logements.

S'agissant des contrats de plan, il a précisé que les départements d'outre-mer représentaient 4,5 milliards de francs sur les 95 milliards prévus par les premières enveloppes budgétaires. Il a souligné que ces contrats de plan auxquels s'ajouteraient les fonds structurels européens permettraient de dégager une capacité d'investissement de 7 milliards de francs pour la période allant de 2000 à 2006.

Pour ce qui est des contrats de développement pour les territoires d'outre-mer, il a indiqué que les montants n'étaient pas encore fixés mais que la mise en oeuvre des réformes institutionnelles en Nouvelle-Calédonie se traduisait déjà par la création d'une ligne budgétaire nouvelle abondée à hauteur d'environ 400 millions de francs.

Abordant ensuite la situation économique et sociale de l'outre-mer, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat, a considéré qu'il y avait eu des progrès significatifs sur le plan économique mais que la situation de l'emploi restait très préoccupante. Il a estimé que le poids du chômage s'expliquait avant tout par la fragilité persistante de certains secteurs économiques et par des facteurs démographiques.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, s'est inquiété de savoir si l'évolution des crédits (+ 1,8 % à structure constante) était de nature à apporter une réponse à l'urgence sociale que connaît l'outre-mer notamment en termes d'emploi et de logement. Il s'est également interrogé sur l'état d'avancement et les principaux axes du projet de loi d'orientation pour les départements d'outre-mer annoncé par le Gouvernement, sur la signification de l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 qui prévoit la prorogation du régime d'exonération sectorielle de charges sociales issu de la loi du 25 juillet 1994, et sur l'orientation de la politique de l'emploi très largement concentrée sur le secteur non marchand de l'économie.

Observant que la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était récemment prononcée en faveur d'un alignement progressif du niveau du revenu minimum d'insertion (RMI) dans les départements d'outre-mer sur le niveau métropolitain, il a demandé au secrétaire d'Etat sa position sur ce sujet.

Il s'est enfin demandé s'il n'était pas souhaitable que les crédits concernant l'action sanitaire et sociale soient inscrits dans le " bleu " relatif à l'outre-mer afin d'assurer une meilleure adéquation de la politique sanitaire et sociale aux spécificités locales.

Revenant sur la mission de la commission en Guyane, il a jugé la situation sanitaire et sociale de ce département préoccupante et s'est interrogé sur la politique de l'Etat en la matière.

M. Jean-Jack Queyranne a reconnu qu'à structure constante le budget du secrétariat d'Etat n'augmentait que d'environ 2 %, observant que la hausse apparente des crédits s'expliquait par le transfert de crédits concernant l'emploi et la Nouvelle-Calédonie provenant d'autres ministères. Mais il a observé que ce groupement de crédits permettait une action plus cohérente. Il a également considéré que cette augmentation devrait permettre 8.000 nouvelles solutions d'insertion.

S'agissant de la loi d'orientation en cours de préparation, il a observé qu'elle faisait l'objet d'un important travail préparatoire et a indiqué qu'un avant-projet serait communiqué aux assemblées locales aux alentours de la mi-novembre, le projet devant être présenté en conseil des ministres au début de l'année prochaine et être discuté au Parlement au cours du premier semestre 2000.

Il a précisé qu'en matière sociale ce projet de loi devrait inclure plusieurs mesures en faveur de l'emploi, s'inspirant notamment des conclusions du rapport Fragonard. Mais il a également observé que le projet de loi devrait favoriser une politique économique en faveur de l'investissement, cette dernière étant une condition nécessaire au développement de l'emploi.

S'agissant de la prorogation du régime d'exonération sectorielle de charges sociales, il a annoncé que le Gouvernement envisageait de le pérenniser tout en l'assortissant d'un assouplissement des conditions d'entrée dans le dispositif pour les entreprises, observant à cet égard que 30 % de celles-ci en étaient exclues. Il a également remarqué qu'entre 1995 et 1997 la croissance de l'emploi avait été quatre fois plus rapide dans les secteurs exonérés que dans les secteurs non exonérés, même si cette évolution différenciée n'était pas exclusivement liée à l'exonération.

Il a ensuite reconnu l'existence d'une insuffisance d'emplois privés en outre-mer et a affirmé que l'objectif du Gouvernement était de les favoriser. Mais il a estimé que les économies ultra-marines restaient fragiles, notamment en raison du coût du travail, du coût de l'éloignement, des difficultés du secteur bancaire et de la crise de certains secteurs traditionnels comme celui de la banane aux Antilles.

Il a précisé que l'objectif principal de la prochaine loi d'orientation serait de lutter contre cette fragilité. Il a déclaré qu'il ne lui semblait pas souhaitable d'appliquer aux départements d'outre-mer ce que certains commentateurs ont pu appeler " le modèle de développement mauricien ".

S'agissant du RMI, il a rappelé que la différence de niveau entre les DOM et la métropole s'expliquait à l'origine par le niveau moins élevé du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) dans les DOM. Mais il a observé que le niveau du SMIC avait été aligné en 1996.

Il a indiqué qu'aucune décision n'avait encore été prise, estimant que la poursuite de la politique d'égalité sociale militait en faveur d'un alignement mais que le risque d'une augmentation du travail illégal incitait à la prudence. Il a jugé qu'en tout état de cause l'évolution vers un alignement ne pourrait être que progressive et devrait s'accompagner d'une politique efficace d'aide au retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI.

Abordant la situation particulière de la Guyane, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat, a insisté sur les conséquences de la croissance démographique, rappelant que celle-ci avait été de 26 % entre 1990 et 1999 contre 3,4 % en métropole. Il a souligné le rôle que jouaient les 26 centres de santé en matière d'action sanitaire mais a reconnu que ceux-ci se heurtaient à des difficultés. Il a précisé que l'Etat allait reprendre à sa charge, à la demande du conseil général, la gestion de ces centres, cette reprise devant s'accompagner d'une restructuration passant par une organisation en pôles et par la suppression des centres de la côte. Il a indiqué qu'une convention allait être signée prochainement, que le coût de gestion prévisionnel s'établissait à 34 millions de francs (80 % à la charge de l'Etat, 20 % à la charge du conseil général pour les activités de prévention) et que la mise à niveau de ces centres atteignait 3,5 millions de francs.

Il a indiqué ne pas être hostile à une inscription des crédits relatifs à l'action sanitaire et sociale d'outre-mer au budget de son département ministériel. Mais il a également estimé que la politique à l'égard des départements d'outre-mer devait maintenir un équilibre entre une logique de droit commun et une logique de prise en compte des spécificités ultra-marines.

M. Jean Delaneau, président , s'est interrogé sur les conditions d'application de la loi portant couverture maladie universelle (CMU) dans les départements d'outre-mer et en particulier en Guyane où le conseil général a une dette envers les hôpitaux. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'une plus grande coopération sanitaire avec les pays limitrophes que sont le Surinam et le Brésil, afin notamment de limiter les flux migratoires.

M. Jean-Jack Queyranne a indiqué que la couverture maladie universelle s'appliquerait dans tous les départements d'outre-mer dès le 1 er janvier 2000 même s'il a reconnu que celle-ci constituerait une charge financière particulière en Guyane mais aussi à la Réunion. Il a déclaré que les modalités de mise en place de la CMU dans ces départements seraient définies ultérieurement. Il s'est par ailleurs déclaré favorable au développement de la coopération médicale en Guyane, mais aussi à Mayotte. A cet égard, il a précisé que cette coopération avait déjà pris la forme de dotations en matériel à l'hôpital d'Albina au Surinam. Mais il a également estimé qu'une coopération n'était réellement possible que si le contexte politique s'y prêtait.

M. Lylian Payet s'est déclaré en accord avec le ministre pour estimer que le " modèle mauricien " n'intéressait pas les départements d'outre-mer et notamment la Réunion. Il s'est également inquiété du montant des contrats de plan, évaluant à 20 % la diminution des crédits par habitant à la Réunion. S'agissant du RMI, il a estimé qu'aucun argument convaincant ne s'opposait à l'alignement de son niveau sur celui de la métropole. Il a enfin insisté sur les retards de la politique du logement, constatant qu'actuellement seuls 4.000 logements étaient construits chaque année à la Réunion, alors qu'il en faudrait environ 10.000 à 12.000 par an sur une période de dix ans pour rattraper le retard.

M. Jacques Machet s'est interrogé sur la qualité de la formation fournie aux jeunes dans le cadre du SMA.

M. Jacques Bimbenet s'est interrogé sur les conséquences du rattachement des crédits relatifs au logement outre-mer au budget du secrétariat d'Etat.

M. Claude Domeizel a jugé préoccupante la situation financière des hôpitaux ultra-marins, la précarité de celle-ci étant largement liée aux difficultés d'encaissement des sommes dues.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat, a indiqué que l'alignement du RMI répondait au souci d'égalité sociale, mais nécessiterait de compenser la disparition de la créance de proratisation du RMI qui s'élève à 861 millions de francs et de trouver de nouvelles ressources budgétaires pour assurer l'insertion des bénéficiaires du RMI. Il a précisé que les crédits budgétaires permettaient de financer 5.000 à 6.000 logements par an à la Réunion et que l'on constatait actuellement une meilleure consommation des crédits budgétaires. Il a toutefois observé que la politique du logement devait passer par une amélioration de la politique foncière, le coût du foncier restant trop élevé, et par une plus grande adaptation de l'offre de logement aux spécificités locales.

S'agissant du SMA, il a estimé que cette forme de volontariat militaire permettait de resserrer les liens entre l'armée et les départements d'outre-mer et de donner une formation aux jeunes. Il a ainsi observé que 65 % des jeunes passant par le SMA trouvaient un emploi. Il a également indiqué que les difficultés financières des hôpitaux s'expliquaient avant tout par la dette liée à la prise en charge des personnes non affiliées à la sécurité sociale et notamment des personnes de nationalité étrangère. Mais il a précisé que les dotations aux hôpitaux des départements d'outre-mer étaient, en moyenne, supérieures de 1,2 point à celles de métropole.


M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, s'est enfin inquiété de l'importance du travail illégal et des difficultés à résoudre les conflits sociaux.

En réponse, M. Jean-Jack Queyranne a indiqué qu'un récent sondage montrait que la majorité des habitants des départements d'outre-mer désapprouvait le travail illégal. Il a constaté que les conflits sociaux étaient à la fois durs et prolongés et risquaient souvent de paralyser les économies locales. Regrettant la faiblesse du dialogue social et l'absence de culture du compromis, il a cependant rappelé qu'un décret du 6 octobre dernier avait prévu la mise en place de commissions de conciliation pour contribuer à résoudre les conflits sociaux dans les départements d'outre-mer.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 10 novembre 1999, sous la présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi de finances pour 2000 ( crédits consacrés à l'outre-mer).

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a rappelé que la situation sociale de l'outre-mer était très préoccupante, celle-ci s'étant encore dégradée en 1998 en dépit pourtant d'une relative amélioration de la situation économique : recrudescence sensible des conflits sociaux, augmentation de 2 % du nombre de demandeurs d'emploi dans les départements d'outre-mer, alors que celui-ci diminuait parallèlement de 5 % en métropole, augmentation de 6,8 % du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), le RMI touchant, fin 1998, 119.000 personnes, pour une population active de 671.000 personnes.

Il s'est alors interrogé sur la capacité du budget social de l'outre-mer pour 2000 à apporter des réponses à cette situation d'urgence sociale que la commission avait d'ailleurs pu vérifier sur le terrain cet été lors d'une mission d'information effectuée en Guyane.

Observant que les dotations du secrétariat d'Etat ne représentaient en 1999 que 11 % de l'ensemble des crédits budgétaires affectés à l'outre-mer, il a notamment rappelé que les dépenses relatives à la solidarité, à l'action sanitaire, à la politique de la ville et à la formation professionnelle restaient inscrites au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, et a constaté que ces crédits étaient plus élevés que ceux du secrétariat d'Etat. Pour ces raisons, il a estimé que l'examen du " bleu " budgétaire relatif à l'outre-mer ne pouvait constituer qu'un angle d'attaque très restrictif pour évaluer les aspects sociaux du budget pour l'outre-mer.

Insistant sur les spécificités de l'outre-mer, il s'est déclaré en accord avec les analyses présentées lors d'une récente communication relative à la mission d'information en Guyane par le président Delaneau et a estimé qu'une application uniforme de la législation nationale pouvait conduire à des aberrations et qu'il était nécessaire d'adapter la réglementation et les politiques publiques aux particularités locales pour pouvoir résoudre avec pertinence les difficultés auxquelles est confrontée l'outre-mer.

Il a alors jugé que ce souci d'adaptation devrait d'abord se traduire par le transfert des crédits relatifs à la formation professionnelle et à l'action sanitaire et sociale de l'Etat depuis le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité vers le budget du secrétariat d'Etat. Il a estimé qu'un tel transfert aurait pour avantage d'accroître la lisibilité des documents budgétaires, de mieux cibler l'effort en faveur de l'outre-mer et de permettre une meilleure adaptation aux besoins locaux, comme en a par exemple témoigné l'expérience du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) dans le domaine de l'emploi et de la ligne budgétaire unique (LBU) dans le domaine du logement.

Revenant au budget, il a précisé que les crédits pour 2000 augmentaient en apparence de 13,6 % pour atteindre 6,4 milliards de francs dans le " bleu " relatif à l'outre-mer. Mais il a souligné que cette évolution s'expliquait principalement par le transfert dans le budget de l'outre-mer de crédits jusqu'à présent pris en charge par d'autres ministères. Il a indiqué qu'à structure constante, l'augmentation des crédits atteignait en fin de compte 1,8 %, cette progression étant bien inférieure à celle constatée en 1998 (+ 7,3 %) et en 1999 (+ 7 %).

Il a alors souligné que cette évolution des masses budgétaires montrait que l'outre-mer ne constituait plus une priorité pour le Gouvernement.

Observant que le budget du secrétariat d'Etat était principalement concentré sur le développement économique et social, il a indiqué que les deux lignes budgétaires correspondant à l'emploi et au logement, abondées par la créance de proratisation du RMI, représentaient 61 % des crédits du département ministériel.

S'agissant de l'emploi, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a jugé son évolution très préoccupante. Constatant que de juillet 1998 à juillet 1999 le nombre de demandeurs d'emplois avait augmenté de 1 % dans les département d'outre-mer (DOM) alors qu'il diminuait de 6,5 % en métropole, il a rappelé que cette hausse concernait tous les départements, précisant que la diminution constatée à la Réunion s'expliquait très largement par le recrutement de nombreux emplois-jeunes. Il s'est également inquiété du taux très élevé du chômage des jeunes, considérant qu'il s'expliquait en partie par une formation professionnelle insuffisante, et de la progression continue du nombre de chômeurs de longue durée.

Il a alors douté que l'effort budgétaire proposé par le Gouvernement pour 2000 puisse être considéré comme une réponse adaptée.

Rappelant que l'augmentation apparente de 16 % des crédits du FEDOM tenait avant tout au transfert de 292 millions de francs de crédits relatifs aux contrats emplois consolidés, il a indiqué qu'à structure constante l'évolution des crédits était quasiment nulle et ne permettrait de financer que 61.000 " solutions d'insertion " contre 60.000 en 1999.

Il a en outre observé que ces programmes masquaient une réorientation massive de la politique de l'emploi vers le secteur non marchand, constatant que les crédits consacrés aux contrats d'aide à l'emploi (CAE), seul contrat du FEDOM orienté vers le secteur concurrentiel, diminuaient de 28 % tandis que ceux consacrés aux emplois-jeunes augmentaient de 38 %.

Regrettant cette orientation de la politique de l'emploi, il a précisé que 42 % des salariés des DOM travaillaient déjà dans le secteur public et que l'emploi se développait dans le secteur privé ; ainsi, en 1998, les effectifs salariés du secteur privé avaient augmenté de 5,5 %. Il s'est d'autant plus étonné de cette orientation que M. Jean-Jack Queyranne, lors de son audition devant la commission, avait reconnu l'efficacité des aides à l'emploi dans le secteur privé en indiquant que la croissance de l'emploi avait été 4 fois plus élevée dans les secteurs bénéficiant de l'exonération de charges sociales issue de la loi du 25 juillet 1994 que dans les autres secteurs.

Il a également jugé que la priorité donnée aux emplois-jeunes était tout particulièrement inadaptée aux spécificités de l'outre-mer. Reprenant les conclusions des rapports Mossé et Fragonard, il a indiqué que les emplois-jeunes se heurtaient à deux principaux obstacles : un coût budgétaire élevé, nettement supérieur à celui des CAE dont le Gouvernement avait paradoxalement justifié la diminution en raison d'un coût trop élevé, et les incertitudes sur la sortie du dispositif, les emplois-jeunes ne permettant pas aux jeunes d'acquérir une formation utilisable dans le secteur marchand.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a alors jugé qu'il était plus pertinent de favoriser les CAE, rappelant que le rapport Fragonard proposait un objectif de 10.000 CAE contre 7.000 actuellement et que le Gouvernement, dans son rapport sur l'application de la loi du 25 juillet 1994, reconnaissait l'efficacité de ce dispositif.

Il s'est également prononcé en faveur d'un renforcement significatif des actions de formation professionnelle des jeunes, notamment en alternance. A cet égard, il a observé que seuls 3.700 jeunes avaient bénéficié en 1998 d'un contrat d'apprentissage, soit 1.000 de moins qu'en 1996. Il a estimé qu'il était nécessaire d'atteindre l'objectif de 10.000 apprentis d'ici 3 ans mais que la réalisation d'un tel objectif imposait de rendre les formations en alternance plus attractives pour les employeurs locaux. Il a alors suggéré d'augmenter l'aide de l'Etat à la formation des apprentis de 12.000 à 20.000 francs par contrat.

Il a enfin déploré les atermoiements relatifs au statut des agences départementales d'insertion (ADI), atermoiements d'autant plus dommageables que le nombre d'allocataires du RMI continuait d'augmenter fortement.

En revanche, il s'est félicité de la teneur de l'article 72 du projet de loi de finances rattaché au budget de l'outre-mer. Il a indiqué que cet article modifiait l'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 qui mettait en place un dispositif sectoriel d'exonération de charges patronales et le prorogeait jusqu'au 31 décembre 2000, ces dispositions n'étant en vigueur que jusqu'au 1 er mars 2000. Il a estimé que ce dispositif avait fait la preuve de son efficacité, les effectifs des secteurs exonérés ayant augmenté de 14 % entre 1995 et 1997 soit plus de 4 fois plus que les effectifs des secteurs non exonérés. Il a estimé que cette prorogation du dispositif semblait devoir préfigurer sa pérennisation, M. Jean-Jack Queyranne ayant laissé entendre à la commission que le prochain projet de loi d'orientation sur les DOM maintiendrait ce dispositif tout en l'assouplissant et en l'élargissant à d'autres secteurs. Il s'est alors réjoui de cette perspective mais a cependant remarqué que la date du 31 décembre 2000 était peut-être un peu trop proche, l'état actuel du calendrier parlementaire ne garantissant pas le vote de la loi d'orientation d'ici cette date.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis , a estimé qu'en matière d'emploi le budget pour 2000 ne faisait que reconduire les mesures de l'année passée dans l'attente du vote de la loi d'orientation. Il a alors observé que le Gouvernement devrait à l'occasion de ce vote gérer une forme de schizophrénie, le projet de loi devant s'inspirer des propositions du rapport Fragonard mais ce rapport insistant tout particulièrement sur la nécessité de favoriser la création d'emplois privés, en totale contradiction avec le budget pour 2000.

Abordant le volet " logement " du budget, il a indiqué que la politique du logement dans les DOM poursuivrait en 2000 les orientations antérieures.

Après avoir rappelé la situation très dégradée du logement outre-mer (insuffisance de l'offre de logements, persistance d'un habitat insalubre), il a précisé que le Gouvernement avait défini trois objectifs prioritaires : loger dans des conditions décentes et à un coût abordable le plus grand nombre de ménages, reloger les ménages occupant les zones d'habitat insalubre et enfin, contribuer à un aménagement équilibré du territoire. Il a souligné que ces objectifs généraux, qu'il ne pouvait que partager, trouvaient actuellement un prolongement dans des mesures plus concrètes. Il a notamment insisté sur l'adaptation des produits aux spécificités de l'outre-mer, sur le début de la réforme des aides à la personne grâce à une première unification du barème des aides et sur l'amélioration progressive de la politique foncière avec le développement des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU).

Il a jugé que cette adaptation de la politique du logement social dans le contexte local devait se poursuivre, notamment par un accroissement des responsabilités des acteurs locaux comme le suggère le rapport Lise-Tamaya.

En revanche, il a observé qu'en dépit de ces orientations plutôt favorables l'effort budgétaire pour 2000 se ralentissait et apparaissait nettement insuffisant par rapport aux besoins. Il a indiqué que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) n'augmentaient que de 2,3 % en 2000 pour atteindre 918 millions de francs après une croissance de 58 % en 1999. Il a souligné que ces crédits ne permettraient alors que de reconduire les programmes de 1999 (11.000 constructions et 2.400 améliorations), objectif restant à l'évidence bien inférieur aux besoins.

S'agissant enfin de la politique de solidarité, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a indiqué que la créance de proratisation du RMI augmentait de 5,7 % pour atteindre 870 millions de francs, cette hausse témoignant moins d'une politique budgétaire volontariste que de la hausse du nombre d'allocataires du RMI.

Rappelant que la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était récemment prononcée en faveur d'un alignement progressif du niveau du RMI dans les DOM sur le niveau métropolitain, il a estimé qu'un tel objectif répondait au nécessaire souci d'approfondissement de la politique d'égalité sociale, mais qu'il fallait néanmoins avancer avec prudence. Il a ainsi rappelé qu'on présentait généralement deux inconvénients à un tel alignement : d'une part, les conséquences budgétaires de la disparition de la créance de proratisation du RMI, qui impliquerait alors la nécessité de dégager 862 millions de francs, soit plus de 13 % du budget du secrétariat d'Etat, pour pouvoir maintenir le même financement des actions d'insertion et de la politique du logement et, d'autre part, le risque de développer le travail illégal.

Estimant que ces arguments étaient en partie fondés, il a jugé qu'il ne pouvait cependant justifier à eux seuls le refus d'un alignement. Il a alors estimé que celui-ci devait intervenir pour des raisons d'équité mais devait être progressif pour éviter les possibles effets pervers.

Rejoignant en cela les conclusions du rapport Fragonard et les analyses d'Edmond Lauret, il a précisé qu'il était nécessaire de renforcer au préalable l'efficacité du dispositif d'insertion.

En conclusion, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, a jugé que le budget de l'outre-mer pour 2000 lui semblait avant tout être un budget d'attente. Il a néanmoins estimé que la situation sociale de l'outre-mer était actuellement si préoccupante qu'elle ne pouvait supporter une année d'inaction avant l'adoption de la loi d'orientation. Il a enfin souligné que, si le volet " logement " du budget pouvait être qualifié de passable, voire de correct, le volet " emploi " était totalement inadapté aux enjeux.

Il a donc proposé d'émettre un avis défavorable sur le budget de l'outre-mer pour 2000, mais d'émettre un avis favorable à l'adoption de l'article 72 du projet de loi de finances rattaché au budget de l'outre-mer.

M. Louis Boyer a déclaré partager l'analyse du rapporteur pour avis sur la nécessaire adaptation de la réglementation aux spécificités de l'outre-mer. Rappelant que la commission venait d'effectuer une mission d'information en Guyane, il a indiqué que les médicaments anti-paludéens n'y étaient pas remboursables alors même que l'endémie palustre se développait. Il a estimé qu'il s'agissait là d'un exemple évocateur des effets pervers liés au manque d'adaptation de la réglementation aux spécificités de l'outre-mer. Il a jugé intéressante et importante la proposition du rapporteur pour avis de transférer certains crédits budgétaires vers le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en matière sociale.

M. Paul Vergès a estimé que le rapporteur pour avis avait mis l'accent à juste titre sur une situation sociale préoccupante et sur un climat social qui ne s'améliorait pas.

Il a souligné la difficulté à apprécier le budget pour l'outre-mer dans un contexte incertain, des décisions importantes touchant l'outre-mer n'étaient pas encore effectives (arbitrage sur les contrats de plan, répartition de la dotation européenne, présentation de la future loi d'orientation).

Il a regretté que les difficultés de l'outre-mer ne soient abordées chaque année qu'à l'occasion de l'examen du budget. Il a rappelé que les enjeux actuels rendaient nécessaire une politique à long terme. Insistant notamment sur des évolutions démographiques, il a considéré que celles-ci expliquaient en grande partie les difficultés rencontrées en termes d'emploi, de formation et de logement. Il a ainsi rappelé que la Réunion avait connu une croissance économique annuelle moyenne de 5 % sur 20 ans, mais il a constaté que cette croissance ne permettait de créer que 3.500 emplois nets par an, alors que, chaque année, 10.000 jeunes entrent sur le marché du travail.

Il a également insisté sur la nécessité d'adapter la réglementation et les politiques publiques au contexte particulier de l'outre-mer, observant que les situations étaient différenciées dans chaque département.

Il a considéré que l'implication des départements d'outre-mer dans la coopération régionale pouvait permettre d'accompagner leur développement, tout en renforçant la présence de la France et de l'Europe dans le monde.

Indiquant que la commission des lois avait projeté une mission à la Réunion au début de l'année prochaine, M. Paul Vergès a fait part de son souhait que la commission des affaires sociales puisse également inscrire à son programme une telle mission.

M. Lylian Payet a, à son tour, estimé que la situation sociale de l'outre-mer était très préoccupante. Il a considéré que l'effort budgétaire consenti restait très insuffisant par rapport à la gravité de la situation, notamment en termes d'emploi et de logement.

Il a déclaré ne pas partager l'analyse du rapporteur pour avis sur le RMI. Il s'est en effet montré favorable à un alignement immédiat du RMI, estimant que la créance de proratisation était une ponction honteuse sur les plus démunis. A cet égard, il a indiqué que la créance servait à financer des logements dont ne pouvaient pas bénéficier les allocataires du RMI.

M. Philippe Nogrix a constaté que ce budget dénotait une absence de politique cohérente en faveur de l'outre-mer. Il a tout particulièrement insisté sur la nécessité de mener une politique ambitieuse de formation professionnelle et de prise en charge des jeunes. Il a jugé anormal l'écart existant entre le RMI ultramarin et le RMI métropolitain. Il a enfin estimé que l'outre-mer pouvait utilement participer à la présence de la France dans le monde et devrait alors faire l'objet d'une attention particulière.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis , a indiqué qu'il importait de faire de la démographie une force et non un handicap pour l'outre-mer. Il a précisé qu'il était lui aussi favorable à un alignement progressif du RMI sur le niveau métropolitain, mais que cela nécessitait parallèlement d'améliorer le volet insertion du RMI.

Il a enfin remercié MM. Paul Vergès et Lylian Payet de leurs utiles éclaircissements sur la situation de leur département.

La commission a ensuite émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'outre-mer , puis, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption de l'article 72 du projet de loi de finances rattaché au budget de l'outre-mer.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Cette année, l'examen du budget de l'outre-mer intervient, pour votre commission, dans un contexte tout à fait particulier.

D'une part, votre commission a effectué, du 23 au 30 juillet dernier, une mission d'information 1( * ) en Guyane afin d'étudier la situation sanitaire et sociale de ce département. Cette mission, témoignant de l'attention toute particulière que votre commission porte à nos compatriotes d'outre-mer, visait à mieux cerner le contexte local, mais surtout à analyser les difficultés sociales de ce département et à étudier les voies d'une amélioration de l'action publique. La délégation de votre commission a tiré de cette mission un enseignement central. L'outre-mer est confronté à des difficultés sociales d'une telle ampleur et de nature bien spécifique qu'il exige des réponses particulières. L'application uniforme de la législation nationale peut parfois conduire à des aberrations. Dès lors, il importe d'adapter non seulement la réglementation, mais aussi l'ensemble de l'action publique -notamment sous sa forme budgétaire- aux particularités de l'outre-mer afin de pouvoir résoudre avec pertinence les difficultés locales.

D'autre part, ce projet de budget est soumis au Parlement avant l'examen du futur projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer . Annoncé par M. Jean-Jack Queyranne le 23 octobre 1998, ce projet de loi serait " axé en priorité sur le développement économique et social des départements d'outre-mer " 2( * ) . Devant être initialement déposé à l'automne 1999, ce projet de loi ne sera finalement présenté au Parlement qu'au premier semestre 2000. Votre commission ne peut que regretter ce retard dans l'examen de ce projet de loi, tant la situation des départements d'outre-mer relève de l'urgence sociale.

La préparation de ce projet de loi d'orientation a cependant été l'occasion de la publication de plusieurs rapports (le rapport " Mossé ", le rapport " Lise-Tamaya ", le rapport " Fragonard ") qui apportent des éclairages souvent pertinents et qui constituent, à ce titre, une utile grille d'évaluation de l'action publique en faveur de l'outre-mer.

C'est donc au regard des enseignements de sa récente mission d'information et dans la perspective du prochain projet de loi d'orientation que votre commission s'est attachée cette année à examiner les crédits budgétaires relatifs à l'outre-mer.

En outre, afin d'intégrer l'indispensable éclairage qu'apportent les acteurs locaux à ses conclusions, votre rapporteur a tenu à consulter l'ensemble de ses collègues d'outre-mer pour la préparation du présent rapport. Il tient ici à les remercier tout particulièrement pour leurs contributions.

Un budget en très légère augmentation

En 2000, le budget de l'outre-mer progresse en apparence, dans le " bleu budgétaire ", de 13,6 % pour atteindre 6,36 milliards de francs.

Evolution du budget de l'outre-mer
(selon le " bleu budgétaire ")

 

LFI 1999

PLF 2000

Evolution en %

Dépenses ordinaires (titres III et IV)

3.936

4.718

+ 19,9 %

Dépenses en capital (titres V et VI)

1.668

1.647

- 1,3 %

Total

5.604

6.365

+ 13,6 %

En dépenses ordinaires et crédits de paiement (en millions de francs)

En réalité, cette forte progression tient de l'effet d'optique. Elle s'explique en effet avant tout par une modification du périmètre budgétaire du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Ainsi, sur les 760 millions de francs de crédits supplémentaires, 662 proviennent d'un simple transfert, les crédits étant auparavant inscrits au budget d'autres ministères. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme un effort supplémentaire de l'Etat en faveur de l'outre-mer.

Ces transferts ont une double origine :

- d'une part, du fait du transfert de certaines compétences à la Nouvelle-Calédonie en application de la loi organique de 19 mars 1999, un nouveau chapitre budgétaire 41-56 " Dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie " a été créé. Il regroupe différents crédits jusqu'alors inscrits sur le budget d'autres ministères (éducation nationale, emploi et solidarité, jeunesse et sports) à hauteur de 326 millions de francs ;

- d'autre part, le regroupement des crédits en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte se poursuit. Ainsi, sont transférés au secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le financement des contrats emplois consolidés dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon et le financement des contrats emplois solidarité et contrats emplois consolidés à Mayotte. Ces transferts en provenance du ministère de l'emploi et de la solidarité atteignent 336 millions de francs.

En définitive, à structure constante, le budget de l'outre-mer n'augmente que de 1,7 % en 2000, après une hausse de 7,3 % en 1998 et de 7 % en 1999.

Evolution du budget de l'outre-mer
à structure constante (1)

LFI 1999

PLF 2000

Evolution en %

5.604

5.702

+ 1,7 %

(1) Le périmètre retenu est celui du budget pour 1999.

(en millions de francs)

Néanmoins, les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne représentent qu'environ 11 % des dotations budgétaires en faveur de l'outre-mer, le budget du secrétariat d'Etat ne peut résumer à lui seul l'ensemble de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer. Celui-ci, analysé dans le " jaune budgétaire ", augmente de 2,8 % en 2000, soit plus que l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat qui est de 0,9 %.

Evolution de l'ensemble des dépenses budgétaires (1)
en faveur de l'outre-mer

 

LFI 1999

PLF 2000

Evolution en %

DOM et collectivités territoriales

45.244

46.341

+ 2,4

TOM et Nouvelle-Calédonie

10.976

11.461

+ 4,4

Total

56.220

57.802

+ 2,8

(1) en dépenses ordinaires et crédits de paiement (en millions de francs)

Un budget très concentré sur les questions sociales

Le budget du secrétariat d'Etat continue de se recentrer sur le secteur social.

Le secteur social (emploi et insertion, logement social) regroupe 64 % des crédits en 2000, contre 63 % en 1999.

A lui seul, le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) représente 33 % des crédits.

Une nécessaire poursuite de la rationalisation budgétaire

En dépit de cette " concentration sociale ", les crédits du secrétariat d'Etat ne permettent pas d'apprécier dans sa globalité l'action de l'Etat en matière sociale outre-mer. Ces crédits ne regroupent en effet que les dispositifs relatifs à la politique de l'emploi, à l'insertion et au logement social.

Les dépenses relatives à la solidarité, à la santé, à la formation professionnelle, à la politique de la ville restent en effet, pour la plupart, inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Or, en 2000, ces crédits s'élèvent à 5,5 milliards de francs, soit presque autant que les crédits du secrétariat d'Etat 3( * ) .

Votre commission estime que le mouvement de transfert de crédits vers le secrétariat d'Etat à l'outre-mer doit se poursuivre.

Elle y voit en effet un triple avantage :

- une plus grande lisibilité des documents budgétaires,

- un meilleur ciblage de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer,

- une plus grande adaptation aux besoins locaux.

L'expérience en matière de politique de l'emploi, avec la création du FEDOM, et de politique du logement social, avec la création de la Ligne budgétaire unique (LBU), a montré que l'évolution de la nomenclature budgétaire avait permis de repositionner ces politiques pour les adapter aux spécificités locales.

A cet égard, deux domaines apparaissent prioritaires. Le transfert des crédits relatifs à la formation professionnelle est sans doute le plus urgent, l'effort de formation étant actuellement très insuffisant et les dispositifs applicables en métropole, notamment la formation en alternance, n'y étant visiblement pas adaptés. Le transfert des crédits relatifs à la santé est également nécessaire à court terme, l'état et l'équipement sanitaires de l'outre-mer restant en retard par rapport à ceux de la métropole.

I. UNE SITUATION SOCIALE QUI CONTINUE À SE DÉGRADER

L'année passée, votre rapporteur avait insisté, dans son avis budgétaire, sur le contexte social très préoccupant de l'outre-mer. Or, force est de constater que la situation sociale s'est encore dégradée en dépit d'une relative amélioration de la conjoncture économique.

L'outre-mer connaît une situation d'urgence sociale qui tend à devenir hélas structurelle, notamment du fait de sa structure démographique, à laquelle le Gouvernement ne répond que par un soutien budgétaire d'ordre conjoncturel qui est alors largement inadapté.

A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL EXTRÊMEMENT FRAGILISÉ

Le chômage dont l'évolution reste très préoccupante constitue à l'évidence le défi social majeur de toute politique de l'outre-mer.

Mais, si la persistance d'un sous-emploi durable fragilise la cohésion sociale, le marché du travail est également déstabilisé par la détérioration inquiétante du climat social.

1. La persistance d'un sous-emploi très important

a) Le poids toujours considérable du chômage...

Les départements d'outre-mer (DOM)

La progression du chômage se ralentit régulièrement, mais l'écart avec la métropole a tendance à s'amplifier. Ainsi, en 1998, le nombre de chômeurs a augmenté de 2 % dans les DOM alors qu'il diminuait de 5 % en métropole.


L'analyse des dernières statistiques disponibles montre cependant, malgré la prudence qu'elle impose ( cf. encadré ) une très légère diminution du nombre de chômeurs en août 1999. Mais rien n'indique que cette amélioration soit durable. Il est à craindre au contraire qu'il ne s'agisse d'une simple rémission.

La difficile évaluation du chômage dans les DOM

Votre commission souligne que les statistiques relatives à l'emploi ne permettent de saisir qu'imparfaitement la réalité du chômage outre-mer. Ils sont en effet affectés par deux biais, l'un tendant à surestimer le taux de chômage, l'autre tendant à le sous-estimer.

D'une part, l'importance du travail informel reste conséquente dans les DOM. Une étude de l'INSEE des Antilles-Guyane de septembre 1998 avance par exemple que 30 % des allocataires du RMI exerceraient un travail informel. Une autre enquête menée à la Réunion en 1995 a évalué à 27.000 le nombre de personnes concernées par le travail illégal pour une population active de 175.000 personnes.

D'autre part, le nombre de demandeurs d'emplois inscrits à l'ANPE ne permet pas de comptabiliser tous les chômeurs. Il semble en effet que le nombre de " chômeurs découragés " soit plus important outre-mer qu'en métropole. Cela tiendrait à la conjonction de deux phénomènes : la pénurie des offres d'emplois proposées par le service public de l'emploi et la faible indemnisation du chômage.

En outre, les chiffres donnés par l'ANPE reposent sur une évaluation de la population active en 1997 et non sur les résultats du recensement de 1999.

Votre commission recommande donc d'interpréter toutes ces données avec la plus extrême prudence.

Le chômage en 1999

 

Demandeurs d'emplois en fin de mois (1)

Evolution sur 12 mois (en %)

Indicateur de chômage (en %) (2)

Guadeloupe

52.857

+ 2,9 %

29,0 %

Martinique

48.960

+ 0,3 %

29,5 %

Guyane

13.296

- 1,6 %

21,6 %

Réunion

97.663

- 2,5 %

36,3 %

Total DOM

212.706

- 0,5 %

31,4 %

(1) Chiffres au 31 août 1999 Source : ANPE

(2) Taux de chômage estimé en se fondant sur la population active au 31.03.97.


Cette très légère diminution du nombre de chômeurs s'explique en effet avant tout par le recrutement de nombreux emplois-jeunes en Guyane mais surtout à la Réunion, recrutement qui réduit alors mécaniquement le nombre de demandeurs d'emplois.

En outre, le chômage outre-mer conserve ses caractéristiques propres, distinctes du chômage métropolitain et qui constituent finalement autant de circonstances aggravantes :

- le chômage est principalement un chômage de longue durée, qui a de plus tendance à s'accroître alors qu'il diminue en métropole. Ainsi, en août 1999, 51,6 % des demandeurs d'emploi des DOM recherchaient un emploi depuis plus d'un an contre 38 % en métropole ;

- le chômage des jeunes est tout particulièrement préoccupant. Il avoisinerait les 50 % ;

- seuls 40 % des chômeurs sont indemnisés dans les DOM (contre 75 % en métropole), ce qui les fragilise plus encore. Au chômage, s'ajoute donc la précarité.

Les autres collectivités d'outre-mer

En Nouvelle-Calédonie , le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 7,7 % en 1998. Au premier trimestre 1999, cette tendance se poursuivait à un rythme annuel de 5,8 %.

En Polynésie française, le taux de chômage atteignait 13,2 % en 1998. Le nombre de demandeurs d'emploi augmente régulièrement, de l'ordre de 10 % par an depuis trois ans.

A Wallis et Futuna, en l'absence de créations d'emplois liée à l'inexistence de toute activité industrielle, le taux de chômage est passé de 24 % en 1997 à 40,7 % en juin 1999.

La situation de Mayotte est tout aussi inquiétante, même si le nombre de demandeurs d'emploi a diminué en 1998. 28,4 % de la population active est à la recherche d'un emploi.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, le taux de chômage était d'environ 16 % en mars 1999, mais la situation de l'emploi reste très difficile à appréhender en raison des importantes variations saisonnières liées à la pêche et au bâtiment et travaux publics.

b) ... en dépit de fortes créations d'emplois

Cette persistance d'un chômage élevé est d'autant plus préoccupante que les économies ultra-marines créent des emplois à un rythme soutenu.

Ces créations d'emplois relèvent très largement du secteur privé . Ainsi, de 1992 à 1998, les effectifs salariés du secteur privé ont augmenté de plus de 25 %. En 1998, l'emploi privé a augmenté de 5,5 %.

Evolution des effectifs salariés du secteur privé

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Total DOM

1992

48.675

43.381

13.296

81.087

186.439

1993

52.136

50.988

13.176

77.196

193.496

1994

53.724

50.346

14.450

82.637

201.157

1995

55.866

56.202

15.303

89.918

217.289

1996

62.324

58.378

16.352

83.925

220.979

1997

63.156

55.929

16.266

86.632

221.983

1998

66.285

60.647

16.574

90.749

234.255

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Une analyse sectorielle montre qu'en 1998, les secteurs les plus fortement créateurs d'emplois ont été :

- l'industrie et l'hôtellerie en Guadeloupe,

- l'industrie, le BTP et les services en Martinique,

- le tertiaire et l'intérim à la Réunion.

2. L'inquiétante détérioration du climat social

a) L'importance des conflits collectifs du travail

Alors que la conflictualité a tendance à diminuer progressivement en métropole, les relations du travail restent largement marquées par la grève outre-mer.

Ainsi, en 1998, le nombre de journées individuelles non travaillées a triplé dans les DOM.

Nombre de journées individuelles non travaillées

 

1995

1996

1997

1998

Guadeloupe

NC

NC

5.044

13.650

Guyane

2.578

6.243

3.116

2.650

Martinique

NC

3.824

2.541

22.691

Réunion

20.199

19.704

3.853

4.744

Total

NC

NC

14.554

43.735

Source : IEDOM

Les conflits sociaux apparaissent particulièrement longs et difficiles dans les DOM, ce qui est d'autant plus dommageable qu'ils se traduisent fréquemment par la paralysie des économies locales du fait du blocage des ports et aéroports dans des départements insulaires ou enclavés.

b) La faiblesse du dialogue social

Cette forte conflictualité s'explique largement par l'absence de culture de compromis social et par le choix délibéré de stratégies de rupture, retenues aussi bien par le patronat, souvent figé dans une conception archaïque des relations du travail, que par les syndicats pour qui les revendications professionnelles ne constituent pas toujours le seul fondement à leur action.

Votre commission estime très préoccupante cette faiblesse du dialogue social. Elle considère qu'elle ne peut contribuer qu'à fragiliser plus encore un marché du travail miné par le sous-emploi.

B. UN HABITAT DÉGRADÉ

La situation du logement outre-mer se caractérise à la fois par l'insuffisance du parc et l'extrême dépendance des populations aux aides personnelles.

1. L'insuffisance du parc de logements existant

a) Une pénurie de logements

L'insuffisance est d'abord quantitative. L'outre-mer connaît en effet une véritable pénurie de logements.

Cette pénurie se vérifie par le constat d'une suroccupation manifeste du logement . Alors qu'en métropole le taux d'occupation (nombre moyen de personnes par logement) est de 2,6, il atteint 3,4 en Guadeloupe et en Martinique, 3,5 en Guyane, 3,8 à La Réunion et 4,7 à Mayotte. Et la croissance démographique devrait encore accentuer ce phénomène.

Pour s'en tenir aux seuls DOM et Mayotte, le parc actuel se compose d'environ 470.000 logements, dont 78.000 logements sociaux 4( * ) , pour une population de 1,8 million d'habitants 5( * ) .

On estime ainsi à 170.000 le nombre de logements qu'il faudrait construire pour parvenir à une situation équivalant à celle de la métropole et cela sans tenir compte de la croissance démographique. Cela représente déjà plus de 16 ans de construction aidée au rythme actuel.

Aussi, votre commission considère que les besoins en logements sociaux neufs estimés par le Gouvernement sont significativement sous-évalués. Le Gouvernement considère qu'une construction annuelle de 12.500 logements sociaux permettrait de répondre aux besoins. Pour sa part, votre commission estime que le rythme de construction devrait être au moins deux fois supérieur pour assurer la mise à niveau de l'habitat.

Les besoins en logements sociaux neufs évalués par le Gouvernement

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Mayotte

Total

Population 1999

421.632

381.467

157.274

705.072

131.320

1.796.765

Besoins annuels en logements sociaux neufs

2.800

2.100

1.500

4.500

1.600

12.500

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

b) Un habitat largement insalubre

Mais l'insuffisance est aussi qualitative. L'offre de logements est très largement inadaptée aux besoins des populations d'outre-mer. Cette inadaptation est d'ailleurs paradoxale : le logement est à la fois trop cher et largement insalubre.

La pénurie de logements se traduit par une cherté excessive des loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du foncier. Dans ces conditions, le coût du logement rend particulièrement délicat l'accès au logement par les familles du fait de la faiblesse des revenus des ménages : 80 % des ménages ont en effet des ressources inférieures aux plafonds du logement social. Les familles peuvent alors difficilement se loger dans le parc privé alors que l'offre de logement social reste restreinte.

Parallèlement, le logement outre-mer est massivement victime d'insalubrité ou de précarité. On peut ainsi évaluer à près de 60.000 le nombre de logements insalubres à Mayotte 6( * ) et dans les DOM, soit 12 % du parc total. De plus, 30 % du parc sont précaires ou dépourvus d'éléments de confort.

Votre rapporteur estime tout particulièrement choquant et inacceptable l'existence de véritables bidonvilles sur le territoire de la République.

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Mayotte

Total

18.600

11.000

6.500

7.500

15.000

58.600

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

2. Une population de plus en plus dépendante des aides personnelles au logement

Dans les DOM, les aides à la personne sont exclusivement versées sous forme d'allocations logement à caractère social (ALS) et d'allocations logement à caractère familial (ALF).

Alors que traditionnellement la politique du logement outre-mer repose sur une aide à la pierre forte, on assiste à une rapide montée en charge des aides personnelles.

Entre 1994 et 1998, le nombre de bénéficiaires des aides personnelles a augmenté chaque année en moyenne de 12 %.

Bénéficiaires de l'allocation logement dans les DOM

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

Guadeloupe

10.478

4.232

11.371

4.596

13.345

5.683

15.147

6.565

16.193

7.280

Martinique

12.060

551

12.911

6.195

13.957

6.930

15.150

7.147

16.327

8.229

Guyane

4.052

1.284

4.779

1.704

5.376

1.866

5.932

1.999

6.414

2.213

Réunion

34.187

13.131

36.993

15.378

40.006

17.344

43.504

19.447

46.626

21.439

Total

60.777

19.198

66.054

27.873

72.864

31.823

79.733

35.158

85.560

39.161

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Parallèlement, entre 1994 et 1998, la croissance annuelle moyenne des prestations versées a dépassé 16 %.

Coût de l'allocation logement dans les DOM

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

ALF

ALS

Guadeloupe

119.240

30.167

147.774

41.585

162.134

46.481

185.178

50.299

238.094

63.209

Martinique

137.724

41.906

151.985

51.870

165.459

57.241

185.732

60.645

232.126

73.278

Guyane

52.086

9.944

58.864

13.681

69.464

16.645

79.540

18.687

95.708

21.480

Réunion

363.535

91.312

430.651

112.245

483.932

129.273

545.230

153.164

641.018

180.346

Total

672.585

173.329

789.274

219.381

880.989

249.640

995.680

282.795

1.206.946

338.313

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer (en milliers de francs)

C. UNE COHÉSION SOCIALE MENACÉE

Au-delà des difficultés d'accès à l'emploi et au logement, la cohésion sociale apparaît désormais menacée par une forte croissance de l'exclusion que ne parvient plus à maîtriser l'existence des formes traditionnelles de solidarité, notamment familiale, existant outre-mer.

1. La montée en charge régulière du RMI

Les spécificités du RMI outre-mer

L'article 51 de la loi du 1er décembre 1988 a prévu l'application aux DOM du RMI " selon les modalités particulières d'application... dans le respect des principes mis en oeuvre en métropole ".

Ces modalités particulières d'application sont au nombre de trois :

- le montant de l'allocation dans les DOM est inférieur de 20 % au montant métropolitain. Cette différence se justifiait principalement par le souci de ne pas inciter au travail non déclaré ou au non-travail ;

- la différence entre les allocations versées dans les DOM et le montant qu'elles auraient atteint si le barème métropolitain avait été appliqué correspond à la créance de proratisation du RMI. Cette créance est utilisée au financement d'actions d'insertion et au financement du logement social ;

- la loi du 25 juillet 1994 a institué les agences départementales d'insertion (ADI) chargées d'assurer l'insertion des allocataires au RMI.

a) La progression accélérée du nombre d'allocataires du RMI

En juin 1999 7( * ) , on comptait 124.242 allocataires du RMI, soit une progression de 8,8 % sur un an. Cela représente plus de 15 % de la population active contre 3,5 % en métropole.

Nombre d'allocataires du RMI

 

Décembre 1996

Décembre 1997

Progression 96/97

Décembre 1998

Progression 97/98

Juin 1999

Martinique

24.226

24.991

+ 3,2 %

26.563

+ 6,3 %

26.606

Guadeloupe

23.892

24.278

+ 1,6 %

26.286

+ 8,3 %

27.112

Guyane

7.674

7.910

+ 3,1 %

8.195

+ 3,6 %

8.251

Réunion

50.876

54.126

+ 6,4 %

57.778

+ 6,7 %

62.273

TOTAL DOM

106.668

111.305

+ 4,3 %

118.822

+ 6,8 %

124.242

Source : CNAF

Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle est désormais plus rapide que celle constatée en métropole et qu'elle succède à une période de stabilisation du nombre d'allocataires entre 1990 et 1993.

b) Les difficultés de l'insertion

La croissance du nombre d'allocataires du RMI est également d'autant plus préoccupante qu'elle s'accompagne de fortes difficultés d'insertion.

Le volet " insertion " du RMI

 

1996

1997

1998

Nombre d'allocataires du RMI

106.668

111.305

118.822

Nombre d'allocataires entrés dans un dispositif d'insertion

22.113

28.086

29.156

% d'allocataires du RMI entrés dans un dispositif d'insertion

20,7 %

25,2 %

24,5 %

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Ces difficultés d'insertion sont de plus en plus évidentes. Alors que de 1994 à 1997, le taux d'insertion des allocataires du RMI s'améliore progressivement, parallèlement à la mise en place des agences départementales d'insertion, l'insertion redevient désormais plus difficile.

2. Un malaise social exacerbé

Mais l'effritement de la cohésion sociale dans les DOM ne prend pas seulement la forme d'une montée de l'exclusion. Elle se caractérise également par un malaise social de plus en plus perceptible, témoignant de la dégradation du lien social et se traduisant par une montée de la violence.

Ainsi, les actes de violence dans les DOM sont en moyenne deux à trois fois plus fréquentes qu'en métropole.

Taux de crimes et délits constatés contre les personnes
en 1995 pour 100.000 habitants

 

Homicides

Coups et

Menaces

Atteinte aux moeurs

 

Total

dont tentatives

blessures volontaires

et chantages

Total

dont viols

Guadeloupe

10,1

28,6

236

76

60

28,6

Guyane

18,5

27,4

182

75

59

27,4

Martinique

7,3

27,5

217

79

59

27,1

La Réunion

6,6

31,4

184

41

82

31,4

Métropole

4,4

2,1

123

52

50

12,7

Source : ministère de l'intérieur

*

* *

Votre commission observe avec la plus grande inquiétude cette détérioration continue de la situation sociale outre-mer. Elle constate que tous les indicateurs sociaux sont au rouge. Elle estime alors qu'il est de la responsabilité de l'Etat de répondre dans les plus brefs délais à cette situation d'urgence sociale et juge que la question prioritaire reste avant tout celle de l'emploi. Aussi, c'est essentiellement à la lueur de son impact prévisible sur le chômage que votre commission a examiné le projet de budget pour l'outre-mer.

II. UN SIMPLE BUDGET D'ATTENTE, EN DÉCALAGE AVEC LES ENJEUX SOCIAUX ULTRA-MARINS

Face à l'urgence d'une réponse aux enjeux sociaux de l'outre-mer, le budget de l'outre-mer est paradoxalement marqué par l'immobilisme. Les crédits de la politique de l'emploi n'évoluent que très modestement et restent principalement affectés aux aides à l'emploi dans le secteur non marchand. Les crédits relatifs à la politique du logement restent insuffisants pour remettre à niveau un habitat dégradé. Quant à la politique de solidarité, elle reste dans les limbes.

A. L'ORIENTATION INQUIÉTANTE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

1. Des réponses budgétaires inadaptées

a) Un budget prioritairement orienté vers le secteur non marchand

L'effort budgétaire en faveur de l'emploi consenti pour 2000 est en apparence important. Ainsi, les crédits du FEDOM augmentent de 16 % pour atteindre 2,1 milliards de francs.

En réalité, cette hausse s'explique par le transfert au secrétariat d'Etat des crédits relatifs aux contrats emploi consolidés auparavant inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Or, ce transfert de crédits représente 291,7 millions de francs pour un total de 293,7 millions de francs de mesures nouvelles. A périmètre constant, les crédits du FEDOM sont donc globalement stables.

Dès lors, le nombre total de " solutions d'insertion " financées par le FEDOM devrait atteindre 61.000, contre 60.000 en 1999.

Ces solutions d'insertion se répartissent comme suit :

 

Programmation 1999

Programmation 2000

CES - CEC

34.000

35.000

CIA

15.000

15.000

CAE

7.000

7.500

Emplois-jeunes

3.500

3.000

Primes à l'emploi

500

500

TOTAL

60.000

61.000

Cette programmation ne concerne cependant que les flux d'entrées 8( * ) . Or, le FEDOM a pour vocation de financer les stocks, c'est-à-dire l'ensemble des bénéficiaires de la politique de l'emploi.

Le FEDOM

La loi du 25 juillet 1994 a créé un fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, appelé FEDOM. Géré directement par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, ce fonds est souple d'utilisation et adapté aux spécificités économiques et sociales des DOM.

Le comité directeur du FEDOM, composé de parlementaires des départements d'outre-mer, se prononce sur la répartition des crédits entre les différentes solutions d'insertion : contrat d'accès à l'emploi (CAE), contrat d'insertion par l'emploi (CIA), contrat emploi solidarité (CES), primes à la création d'emplois ainsi que les emplois-jeunes.

Le contrat d'accès à l'emploi (CAE)

Il est proposé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires du RMI, aux travailleurs handicapés et aux jeunes en grande difficulté. L'employeur privé bénéficie pour chaque recrutement en contrat à durée indéterminée ou déterminée d'au moins 12 mois, d'une prime modulable en fonction de l'ancienneté du chômage de 1.000 à 2.000 francs par mois et de l'exonération des charges sociales patronales. Ce type de contrat est réservé au secteur privé.

Le contrat d'insertion par l'activité (CIA)

Ce dispositif consiste à remettre en activité, par l'exécution de tâches d'utilité sociale, des bénéficiaires du RMI exclusivement, au moyen d'un véritable contrat de travail. Les titulaires de CIA ont un employeur unique, l'agence d'insertion, établissement public créé dans chaque département, qui les met par voie de convention à la disposition des collectivités et des associations. Comme pour les CES, l'activité est exercée à mi-temps. Elle est rémunérée sur la base du SMIC horaire.

Le contrat d'emploi solidarité (CES)

Ce dispositif est le même qu'en métropole. Il s'agit d'offrir à des publics en difficulté d'insertion un emploi à mi-temps, rémunéré au SMIC horaire, pour satisfaire, dans le secteur associatif ou auprès de collectivités, des besoins d'utilité collective.

Les primes à la création d'emplois

Elles sont attribuées sur agrément préfectoral aux entreprises dont l'activité est principalement orientée vers des débouchés commerciaux à l'extérieur des départements d'outre-mer et qui augmentent leurs effectifs.

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Aussi, c'est l'affectation des crédits du FEDOM qui permet d'examiner l'orientation de la politique de l'emploi.

Affectation des crédits du FEDOM

(en millions de francs)

 

LFI 1999

PLF 2000

Evolution en %

CES - CEC - CRE

672

933

n s (1)

CIA

179

186

+ 3,9 %

CAE

496

354

- 28,6 %

Prime à l'emploi

15

12

- 20,0 %

Emplois-jeunes

445

615

+ 38,2 %

(1) L'évolution n'est pas significative car, en 1999, les crédits relatifs aux CEC n'étaient pas intégrés au FEDOM.

On assiste donc à une nouvelle orientation des crédits budgétaires, ceux-ci s'orientant prioritairement vers les emplois-jeunes au détriment des CAE.

Au total, en 2000, les crédits budgétaires consacrés à l'aide à la création d'emplois dans le secteur marchand ne s'élèvent qu'à 17,4 % du total des crédits du FEDOM, contre 28 % en 1999. De la même manière, seules 13 % des " solutions d'insertion " proposées sont des aides à la création d'emplois dans le secteur marchand.

b) Une politique inadaptée

Cette nouvelle orientation de la politique de l'emploi, qui s'esquissait déjà dans le budget pour 1999, ne peut qu'inquiéter votre commission à un double titre.

Les aides à la création d'emplois dans le secteur marchand ont fait la preuve de leur efficacité

C'est d'abord le cas pour les mesures générales d'exonération de charges sociales.

Ainsi, afin d'encourager l'emploi par l'abaissement du coût du travail dans les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, l'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 a institué des exonérations sectorielles de charges sociales . Les exonérations touchent ainsi les principaux secteurs de production : agriculture, pêche, industrie, hôtellerie-restauration.

Ce dispositif, entré en vigueur en 1995, permet d'alléger d'environ 18 % la masse salariale des entreprises éligibles. Au 31 décembre 1998, 4.509 établissements et 43.749 salariés bénéficiaient de ces exonérations. Le coût total des exonérations de cotisations s'est élevé à 969 millions de francs en 1997.

L'efficacité de ce dispositif est certaine. Ainsi, le rapport sur l'application de la loi Perben de juin 1999 estimait que " les effectifs totaux des secteurs exonérés ont augmenté entre 1995 et 1997 plus de quatre fois plus vite que ceux des secteurs non exonérés hors BTP ".

C'est aussi le cas des contrats d'accès à l'emploi (CAE).

Ainsi, le rapport sur l'application de la loi Perben de décembre 1997, publié par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, indiquait que : " Le contrat d'accès à l'emploi répond, pour l'ensemble des secteurs de l'économie des DOM, à la réalité du marché du travail, tant du point de vue des employeurs que des demandeurs d'emploi. Il s'avère être un outil efficace de lutte contre le chômage. La raréfaction relative du CAE sur la fin de l'année 1997 a gêné les recrutements et freiné l'activité de l'ANPE " .

Certes, les contrats d'accès à l'emploi ont soulevé des difficultés d'application. D'une part, le coût budgétaire du dispositif était lourd du fait de la montée en charge progressive du dispositif. Le CAE permettait à l'employeur de bénéficier d'une prime de 2.000 francs par mois et de l'exonération de charges patronales pour chaque recrutement d'une durée supérieure à 12 mois d'une personne parmi les publics prioritaires. Pour 16.500 CAE en cours en 1998, le coût budgétaire total a atteint 667 millions de francs, soit près de 40 % des dépenses du FEDOM. D'autre part, le CAE était critiqué car il se traduisait par d'importants effets d'aubaine pour les employeurs.

C'est pourquoi l'article 28 de la loi n° 98-657 d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a recentré les CAE vers les publics les plus en difficulté en instaurant une modulation de l'aide afin de maîtriser le coût budgétaire et de limiter les effets d'aubaine. La prime est désormais, en application du décret du 2 mars 1999, modulée : 1.000 francs pour les personnes au chômage depuis plus de 2 ans, 2.000 francs pour les personnes au chômage depuis plus de trois ans et pour les publics prioritaires (jeunes de moins de 26 ans, allocataires du RMI, handicapés, détenus libérés...).

Aussi, votre commission ne peut que regretter que ce repositionnement, qu'elle juge souhaitable, du CAE ne se soit pas traduit par une mobilisation accrue de ce dispositif.

Les interrogations liées aux emplois-jeunes incitent à les utiliser avec prudence outre-mer

Si les prévisions budgétaires se révèlent exactes, le nombre d'emplois-jeunes créés devrait être de 10.000 à la fin 2000.

Nombre d'emplois-jeunes au 31 décembre 1998

 

FEDOM

Éducation nationale

Intérieur

TOTAL

 

Emplois créés au 31/12/98

Embauches non encore effectuées

Total postes prévus par convention

Postes aides éducateurs créés

Postes adjoints sécurité créés

GÉNÉRAL

Guadeloupe

339

84

423

497

23

859

Guyane

209

80

289

424

10

643

Martinique

1.022

327

1.349

598

18

1.638

Réunion

2.113

574

2.687

1.008

38

3.159

St-Pierre-et-Miquelon

10

6

16

 
 

10

TOTAL

3.693

1.071

4.764

2.527

89

6.309

Sources : CNASEA.

Les spécificités du dispositif " emplois-jeunes " outre-mer

Le dispositif " nouveaux services/nouveaux emplois " créé par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 a été applicable dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon en même temps et dans les mêmes conditions qu'en métropole.

Ces emplois doivent répondre à des besoins émergents ou non satisfaits au moyen de la création d'activités d'utilité sociale, culturelle, sportive et de proximité. Les employeurs sont les collectivités locales, les établissements publics, les associations et les organismes chargés d'une mission de service public.

Le financement en est assuré par le FEDOM, en application du décret du 29 décembre 1997,

La répartition par type d'employeurs pour les embauches effectuées au 31 décembre 1998 est la suivante :

- les collectivités locales ont recruté à ce jour 32 % de l'effectif total,

- les associations représentent 54 % des emplois créés,

- les établissements publics représentent 10 % de cet effectif,

- les mutuelles, syndicats, comités d'entreprises et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public représentent le solde, soit 4 %.

La part des collectivités locales est moins forte qu'en métropole où elle représente 41,3 % des emplois-jeunes créés. Il faut souligner cependant que les conseils généraux et régionaux, essentiellement en Martinique et à la Réunion, ont cofinancé de manière importante les emplois créés par les associations et les communes, même s'ils ne sont pas employeurs directs.

Les tâches effectuées concernent principalement les secteurs suivants (en pourcentage des emplois créés) :

- la famille, santé solidarité 14,0 %

- le sport 14,5 %

- l'éducation 13,7 %

- la culture 12,0 %

- le logement 13,5 %

- la vie des quartiers 12,0 %

- l'environnement 10,0 %

La part de l'outre-mer dans le nombre total d'emplois-jeunes créés au 31 décembre 1998 (hors éducation nationale et intérieure) s'élève à 6,2 % alors que les DOM ne représentent que 3,62 % de la population nationale de moins de 25 ans.

Par rapport à la moyenne nationale du nombre d'emplois-jeunes créés par tranche de 1.000 habitants (1,6), la Martinique et la Guyane présentent des résultats trois fois supérieurs à cette moyenne ; la Guadeloupe ses situe un peu au-dessus tandis que le département de la Réunion enregistre une moyenne cinq fois supérieure.

Source : Rapport sur l'application de la loi Perben, juin 1994

En dépit d'un démarrage un peu tardif en Guadeloupe, les emplois-jeunes sont globalement deux fois plus utilisés dans les DOM qu'en métropole.

Votre commission considère cependant que la priorité donnée aux emplois-jeunes est particulièrement inadaptée aux spécificités des DOM.

Elle considère d'abord qu'elle déséquilibre l'ensemble de la politique de l'emploi dans ces départements,
le coût budgétaire des emplois-jeunes rendant nécessaire une révision à la baisse ou une stagnation des autres dispositifs.

Ainsi, comme le remarque M. Bertrand Fragonard 9( * ) dans son récent rapport sur la politique de l'emploi dans les DOM s'agissant des emplois-jeunes, " il semble que l'on ait atteint aujourd'hui certaines limites budgétaires ". La situation est en effet assez paradoxale : le Gouvernement a diminué le nombre de contrats d'aide à l'emploi, sous prétexte de leur coût budgétaire, pour créer de nouveaux emplois-jeunes qui coûtent pourtant plus cher.

De plus, votre commission s'interroge sur la capacité du dispositif à offrir une réelle formation aux jeunes , susceptible de leur permettre d'accéder à un emploi stable à l'issue de leur contrat.

Et c'est cette fois Mme Eliane Mossé qui le constate dans un autre rapport au Gouvernement sur le développement économique des départements d'outre-mer 10( * ) , " on peut s'interroger sur la sortie du dispositif, dans la mesure où les emplois créés n'entraînent pas le plus souvent une formation utilisable dans le secteur marchand " .

Enfin, votre commission observe que, dans les départements d'outre-mer, 42 % des salariés travaillent déjà dans le secteur public.

Structure de l'emploi salarié dans les DOM

 

REUNION

GUADELOUPE

MARTINIQUE

GUYANE

DOM

Secteur privé

60,5 %

61,6 %

56 %

44 %

58 %

Secteur public

39,5 %

38,4 %

44 %

56 %

42 %

Source : INSEE, enquête emploi, mars 1997

Il n'est alors pas souhaitable de développer indéfiniment les emplois publics, alors que les gisements d'emplois existent dans le secteur marchand.

Aussi, votre commission considère que la réponse durable au chômage ne passe pas par des mesures transitoires de traitement social ou par l'extension infinie du secteur public, mais par un effort de création d'emplois dans le secteur marchand avec le soutien de l'Etat.

2. Une réorientation indispensable

Votre commission considère que cette réorientation de la politique de l'emploi doit se faire dans une double direction :

- la baisse du coût du travail dans le secteur marchand pour relancer l'activité et créer des emplois,

- l'amélioration de la formation professionnelle des jeunes afin d'augmenter les qualifications.

a) Recentrer la politique de l'emploi vers la création d'emplois vers le secteur marchand

Votre commission observe que l'emploi se développe dans les départements d'outre-mer grâce aux créations d'emplois dans le secteur privé. Ainsi, en 1998, les effectifs salariés du secteur privé ont augmenté de 5,5 %.

Dans ces conditions, il importe que la politique de l'emploi accompagne ces créations d'emplois afin qu'elles atteignent un niveau suffisant pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail.

Dès lors, ce recentrage pourrait prendre les formes suivantes :

- l'amplification des exonérations sectorielles de charges patronales

Ce dispositif, mis en place par la loi du 25 juillet 1994, a fait la preuve de son efficacité. Ainsi, les effectifs totaux des secteurs exonérés ont augmenté de plus de 14 % entre 1995 et 1997.

Or, ce dispositif d'exonérations souffre encore de limites qui entravent son développement.

Ainsi, seules 70 % des entreprises pouvant prétendre à l'exonération bénéficient effectivement de celle-ci. Les refus sont généralement motivés par l'absence d'apurement de la dette sociale.

De plus, la définition des secteurs éligibles à l'exonération est sans doute trop restrictive. On pourrait ainsi envisager de l'étendre au BTP et au commerce.

Il importe donc d'assouplir le dispositif actuel sur ces deux points.

A cet égard, votre commission observe avec satisfaction que l'article 72 du projet de loi de finances, rattaché aux crédits de l'outre-mer, proroge ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2000 alors qu'il allait être caduc en mars prochain. Elle y voit le signe d'une pérennisation future de ce dispositif.

- la redynamisation du CAE

Votre commission ne peut sur ce sujet que partager les recommandations du rapport Fragonard qui suggère que " l'enveloppe budgétaire doit être rééquilibrée à 10.000 embauches par an, et être garantie sur plusieurs années à ce niveau, afin de permettre à tous les acteurs locaux de travailler dans la durée, sans à-coup " .

b) Favoriser la formation professionnelle des jeunes

Alors que le chômage des jeunes s'explique en grande partie par leur qualification insuffisante, on observe un essoufflement préoccupant des formations en alternance qui sont pourtant bien adaptées aux contextes locaux.

Flux annuel d'utilisation des mesures de formation et d'insertion
concernant les jeunes

Libellé

1995

1996

1997

1998

Contrats d'apprentissage

4.511

4.888

4.179

3.792

Contrats de qualification

1.446

1.449

1.758

1.681

Contrats d'adaptation

118

41

47

52

Contrats d'orientation

74

19

121

357

Crédit formation individualisé (1)

4.082

3.146

3.426

nd

Stage 16-25 ans (1)

96

13

-

-

Stage d'accès à l'entreprise

-

-

53

3.631

Source : Rapport Fragonard et ministère de l'emploi et de la solidarité.

Le fléchissement de l'apprentissage est tout particulièrement inquiétant. Les effectifs entrés en apprentissage ont diminué de 9,3 % en 1998.

En outre, la disparition du service national obligatoire risque de fragiliser le service militaire adapté (SMA) qui offre actuellement une formation professionnelle aux jeunes et leur assure une insertion professionnelle souvent très satisfaisante (taux d'insertion professionnelle de 59 % en 1998).

Or, le projet de budget pour 2000 prévoit une diminution de 400 postes pour un effectif total de 2.465 appelés et volontaires en 1999. La diminution des places atteint donc 16 % des effectifs totaux.

Dans ce contexte, votre commission suggère :

- la pérennisation du SMA à effectifs constants, même s'il est nécessaire de trouver d'autres sources de financement,

- la relance de l'apprentissage.

Sur ce dernier point, votre commission observe que le rapport Fragonard juge souhaitable " de porter le nombre d'apprentis de moins de 5.000 actuellement à 8.000, voire 10.000, d'ici trois ans " .

Elle observe cependant que la réalisation d'un tel objectif impose de rendre les formations en alternance plus attractives pour les employeurs locaux. Il serait alors envisageable d'augmenter l'aide de l'Etat à la formation des apprentis de 12.000 à 20.000 francs par contrat. Elle constate d'ailleurs que, même avec une telle augmentation, le coût de l'apprentissage, resterait sensiblement inférieur à celui des emplois-jeunes tout en assurant une réelle professionnalisation.

B. LES ASPECTS CONTRASTÉS DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT

1. Le ralentissement de l'effort budgétaire

a) Une faible progression des crédits de la ligne budgétaire unique

En 2000, les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmenteront de 2,8 % pour atteindre 918 millions de francs , dont près de 58 millions de francs en faveur de la résorption de l'habitat insalubre. La progression avait cependant atteint 58 % en 1999.

Evolution de la LBU

 

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

Crédits de paiement

463

568,5

897,4

918

Autorisation de programme

1.150

1.096

1.096

1.100

(en millions de francs)

Ces crédits budgétaires seront abondés par 650 millions de francs supplémentaires provenant de la créance de proratisation du RMI.

Les financements sur la LBU concernent l'aide à l'accession, à la location, ou à l'amélioration.

L'aide à l'accession très sociale intervient grâce au logement évolutif social (LES). L'aide à l'accession sociale et intermédiaire se concrétise par la mise en oeuvre, d'un prêt à taux zéro spécifique à l'outre-mer à quotité 40 % ou 25 %.

L'aide au logement locatif s'effectue par le biais du logement locatif très social (LLTS), du logement locatif social (LLS), ou du logement locatif intermédiaire. Pour cette dernière catégorie, le prêt locatif intermédiaire (PLI) a été étendu dans les DOM.

Enfin, l'aide à l'amélioration concerne la réhabilitation du parc locatif social ou l'amélioration réalisée par les propriétaires occupants.

Ces aides interviennent, selon les produits, sous forme de subvention, ou de bonification d'intérêt pour les prêts.

Votre commission observe également que cet effort budgétaire sera accompagné par la réduction du taux de TVA sur les travaux d'entretien qui passe de 9,5 % à 2,1 % dans les DOM.

b) Une programmation en retrait par rapport aux besoins

La programmation budgétaire permettra la construction de 11.000 logements et la réhabilitation de 2.400 logements en 2000. En outre, environ 2.200 familles seront aidées dans le cadre d'opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Nombre de logements neufs et améliorés financés grâce à l'aide de l'Etat

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 (1)

Guadeloupe

2.203

2.736

2.671

2.898

2.765

2.406

3.037

3.250

Martinique

2.022

2.509

2.140

2.344

2.082

2.346

2.688

2.810

Guyane

1.256

1.293

865

815

875

1.120

1.170

1.300

Réunion

3.970

4.772

5.229

4.532

4.472

4.100

3.850

4.960

Mayotte

441

606

1.006

993

908

1.020

1.064

980

Total

9.892

11.916

11.911

11.582

11.372

10.992

11.809

13.300

(1) Prévision

Votre commission observe cependant que cette programmation reste globalement stable depuis le début des années 1990 et reste insuffisante par rapport aux besoins, qu'il s'agisse de construction ou de réhabilitation.

2. Des réformes parallèles qui vont dans le bon sens

Si l'effort budgétaire reste modeste, votre commission constate que le Gouvernement s'est engagé dans une réforme progressive de la politique du logement outre-mer qui correspond très largement aux propositions que votre commission avait formulées l'année passée.

a) Une adaptation des produits aux spécificités de l'outre-mer

La diversification des produits de logements offerts aux populations des DOM, que votre commission avait appelé de ses voeux l'an passé, a pris plusieurs formes :

- extension du champ d'application de l'aide à l'amélioration des logements, en autorisant la participation des familles à la réalisation des travaux ;

- mise au point de la réglementation en matière de logements en accession différée ;

- recherche d'une meilleure adaptation de la réglementation technique aux spécificités de l'outre-mer.

L'amélioration de l'habitat a fait en mars 1999 l'objet d'une charte pour le développement des PACT 11( * ) , qui engagent ces derniers dans la voie d'une efficacité améliorée, et d'une augmentation en 2000 du nombre d'opérations de ce type.

Votre commission observe que les PACT ont déjà une action importante dans les DOM. Entre 1995 et 1997, ils ont permis une amélioration du logement de près de 15.000 familles. Elle ne peut alors que s'associer à cette démarche.

En parallèle, une première amélioration des conditions d'octroi des aides au logement aura permis en 1999 une meilleure solvabilisation des locataires des logements anciens, en particulier après que ceux-ci auront été réhabilités. Les logements construits avant le 1 er janvier 1976 bénéficient maintenant du même barème que les logements construits avant le 31 décembre 1985 L'intention du secrétariat à l'outre-mer semble bien atteindre l'unification des barèmes d'aides au logement, intention que ne peut que partager votre commission pour laquelle cette disparité des barèmes induit une évidente complexité et ne repose sur aucun fondement solide.

b) La poursuite de la rénovation de la politique foncière

Après un premier dispositif expérimenté à la Réunion, un Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) a été doté et mis en place à la Martinique. Ce fonds, qui associe les ressources de l'Etat à celles de la région, du département et de l'Europe, permet de financer des équipements de viabilisation primaire (station d'épuration, réseaux d'adduction), l'acquisition du foncier, ainsi que la viabilisation secondaire d'opérations d'urbanisme incluant des logements sociaux. L'intention du secrétariat à l'outre-mer est que le FRAFU soit étendu à l'ensemble des DOM et de Mayotte.

Votre commission ne peut qu'appuyer une telle démarche dans les départements où l'accès au foncier viabilisé reste à la fois difficile et coûteux. Elle souhaite cependant que ces FRAFU ne soient pas une simple " coquille vide " et disposent de moyens financiers en adéquation avec l'ampleur de leur mission.

C. L'IMMOBILISME DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ

1. L'absence de maîtrise du RMI

a) L'évolution de la créance de proratisation du RMI

La créance, qui correspond à l'écart de 20 % entre le montant du RMI dans les DOM et celui de métropole, sert à financer les actions d'insertion des allocataires du RMI et le logement social. Elle augmentera de 5,7 % en 2000 pour atteindre 862 millions de francs.

Cette augmentation ne doit pas faire illusion. Elle témoigne simplement et mécaniquement de la forte croissance du nombre d'allocataires du RMI et non d'une attention budgétaire accrue.

b) Un dispositif mal maîtrisé

Si la forte croissance du RMI tient avant tout à la dégradation de la situation sociale, il n'en reste pas moins que le dispositif est mal maîtrisé.

Il souffre en effet d'une double imperfection :

- d'abord, l'insertion professionnelle, malgré des progrès qualitatifs certains depuis la création des ADI et le nombre non négligeable d'entrées en emploi ou en formation, est très insuffisante et a tendance à diminuer. Ainsi, en 1998, moins d'un quart des allocataires a bénéficié d'une action d'insertion ;

- en outre, le RMI tend de plus en plus à être considéré comme un revenu minimum de plein droit. Les contrôles restent insuffisants et ne se traduisent qu'exceptionnellement par des suspensions ou des radiations. En outre, comme l'observe le rapport Fragonard, " l'avis général est qu'une partie importante, voire une majorité pour certains des bénéficiaires du RMI exercent une ou plusieurs activités non déclarées ".

Face à ce double dysfonctionnement, votre commission ne peut que déplorer les atermoiements relatifs aux agences départementales d'insertion.

Créées par la loi " Perben " du 25 juillet 1994, ces agences départementales d'insertion sont un bon exemple du souci d'adaptation de l'action publique aux spécificités de l'outre-mer. Elles visent à renforcer et à optimiser les mesures en faveur des bénéficiaires du RMI en mobilisant les moyens de l'Etat et du département en matière d'insertion.

Néanmoins, l'action des agences départementales d'insertion reste, comme votre commission a pu le constater en Guyane, entravée par leur statut. Initialement, ces agences étaient des établissements publics nationaux. La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions les a transformés en établissements publics locaux. Pour autant, toutes les conséquences n'en ont pas été tirées, ce qui implique une nouvelle modification législative. Elle fera d'ailleurs l'objet d'une ordonnance en application de la loi d'habilitation du 25 octobre 1999. Mais on ne peut que regretter les deux années ainsi perdues par le Gouvernement dans l'adaptation de leur statut.

2. La nécessaire poursuite de l'égalité sociale

a) Une politique au point mort

La politique d'égalité sociale vise à réduire progressivement les disparités en matière de droits sociaux et de protection sociale qui existent entre les DOM et la métropole.

Consacrée par la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au développement des DOM, relancée par les propositions des commissions Rivierez en 1987 et Ripert en 1990, réaffirmée par le Président de la République en 1995, la politique d'égalité sociale est cependant au point mort depuis trois ans.

Les principales étapes de la politique d'égalité sociale

La loi du 31 juillet 1991 a prévu l'alignement des allocations familiales des DOM sur la métropole, mais a maintenu les allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations pour âge correspondantes. L'alignement est effectif depuis le 1 er juillet 1993.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille a étendu aux DOM l'allocation pour garde d'enfants à domicile (AGED) avec application au 1 er janvier 1995.

Les décrets n° 95-1202 et n° 95-1203 du 6 novembre 1995 ont aligné l'allocation de soutien familial (ASF) et la prime de déménagement sur les montants métropolitains à compter du 1 er septembre 1995.

Au 1 er janvier, l'alignement complet du SMIC des DOM sur le niveau métropolitain a été réalisé. L'écart existant a été comblé par deux revalorisations successives : une au 1 er juillet 1995, une au 1 er janvier 1996.

Enfin, la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer a permis d'étendre aux DOM, dans les mêmes conditions qu'en métropole, l'allocation pour jeune enfant (AJE) et l'allocation parentale d'éducation (APE).

Le coût de l'alignement des prestations familiales a représenté environ 600 millions de francs.

Les entorses existantes au principe d'égalité sociale

A l'heure actuelle, quatre prestations sociales restent moins favorables dans les DOM qu'en métropole.

Il s'agit :

- du RMI , qui est inférieur de 20 % ;

- de l'allocation de parent isolé (API). Il s'agit d'un revenu minimum garanti dont le montant est de 3.220 francs par mois avec 1.073 francs supplémentaires par enfant à charge. Dans les DOM, le montant n'est que de 1.810 francs par mois avec 603 francs par enfant à charge ;

- du complément familial (CF). Son montant est de 889 francs en métropole contre 508 francs seulement dans les DOM ;

- de l'aide personnalisée au logement (APL) qui n'existe pas dans les DOM.

Votre commission s'était prononcée l'an passé en faveur d'un alignement de l'API et du complément familial.

b) La délicate question de l'alignement du RMI

Aujourd'hui, la question de l'égalité sociale tend à se cristalliser autour de celle de l'alignement du RMI.

Votre commission estime qu'il faut avancer avec prudence sur ce point, même s'il répond au souci d'approfondissement de la politique d'égalité sociale à laquelle votre commission est tout particulièrement attachée.

On présente généralement deux inconvénients majeurs à un tel alignement.

D'une part, il signifierait la disparition de la créance de proratisation du RMI, censée justement compenser cet écart entre le RMI des départements d'outre-mer et le RMI métropolitain. Il faudrait alors dégager l'équivalent de 862 millions de francs, soit plus de 13 % du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour pouvoir maintenir le même financement des actions d'insertion et de la politique du logement.

D'autre part, en rapprochant le niveau du RMI de celui du SMIC, une telle mesure aurait pour conséquence le risque d'accroître la désincitation au travail et de développer le travail illégal. Une étude menée à la Réunion en 1995 a évalué à 27.000 le nombre de personnes concernées par le travail illégal pour une population active de 175.000 personnes. D'autres enquêtes laissent supposer que l'emploi illégal est plus développé encore aux Antilles et en Guyane.

Ces arguments sont en partie fondés, mais ne peuvent justifier à eux seuls le refus d'un alignement. Celui-ci doit intervenir pour des raisons d'équité, mais doit être progressif pour éviter de possibles effets pervers.

Aussi, votre commission estime qu'il importe au préalable de repositionner le RMI, d'accroître son efficacité en matière d'insertion avant de l'aligner sur le RMI métropolitain. Le rapport Fragonard observe ainsi " qu'un alignement prématuré, sans que le RMI ait été au préalable maîtrisé et recentré sur des politiques d'insertion plus effectives, serait une erreur économique et sociale, dont les effets pervers seraient lourds et durables sur l'économie, aggravant les phénomènes d'assistance et de travail informel ". Ce risque ne doit pas être surévalué, mais ne doit pas être non plus négligé.

Cet effort de repositionnement du RMI dans les départements d'outre-mer pourrait notamment prendre la forme de ce que le rapport Fragonard nomme une " allocation de revenu d'activité " (ARA) pour les allocataires du RMI qui opteraient pour le statut de travailleurs occasionnel. Cette allocation, d'un montant de 1.000 francs par mois pendant une durée de deux ans renouvelable, se substituerait au RMI et s'ajouterait aux revenus d'activité. Une telle mesure aurait ainsi l'avantage non de favoriser l'assistance, mais d'organiser le retour à l'activité des bénéficiaires du RMI.

*

* *

Votre commission considère que ce budget est avant tout un budget d'attente. Or, la situation de l'outre-mer est actuellement si préoccupante qu'elle ne peut supporter une année d'inaction avant l'adoption de la future loi d'orientation.

Elle estime en outre que l'orientation de la politique de l'emploi est tout particulièrement inquiétante.

Pour ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer (aspects sociaux). Elle a en revanche émis un avis favorable à l'adoption de l'article 72 du projet de loi de finances rattaché aux crédits de l'outre-mer.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Art. 72
(art. 4 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer,
à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte)
Prorogation du régime d'exonération des charges patronales dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon

L'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 a mis en place un dispositif d'exonération de charges sociales dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les exonérations sectorielles de cotisations sociales ont pour but l'abaissement du coût du travail dans les secteurs opposés à la concurrence. Ces exonérations de cotisations patronales sont plafonnées à un salaire équivalant au SMIC et concernent les entreprises privées des secteurs suivants : l'agriculture et la pêche, l'industrie, l'hôtellerie-restauration, la presse et de la production audiovisuelle.

La réduction du coût du travail pour les secteurs concernés, par rapport aux entreprises de la métropole, est égal à 23,6 % pour un salaire équivalant au SMIC, soit une aide moyenne de 1.846 francs par mois et par salarié.

L'effet global de cette réduction représente 18 % de l'ensemble de la masse salariale des entreprises bénéficiant effectivement de ces exonérations. Cette mesure apporte donc aux entreprises une amélioration très importante de leur compétitivité.

Fin 1998, près de 20 % des effectifs salariés du secteur privé étaient concernés par cette exonération de charges.

Or, l'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 prévoit que ce régime n'est applicable que pendant 5 ans à compter de la date de publication du décret d'application nécessaire à sa mise en oeuvre. Le décret ayant été publié le 1 er mars 1995, ce régime prend fin le 1 er mars 2000.

Le présent article vise donc à la proroger jusqu'au 31 décembre 2000.

Considérant que ce dispositif a fait la preuve de son efficacité et que cette prorogation préfigure son maintien ultérieur, votre commission ne peut être que favorable à cet article. Elle observe cependant que la date du 31 décembre 2000 est peut-être un peu trop proche, l'état actuel du calendrier parlementaire ne garantissant pas le vote de la loi d'orientation d'ici cette date.

Votre commission a néanmoins émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

ANNEXE 1
-
COMMUNICATION SUR LA MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES EN GUYANE

Le mercredi 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu une communication de son président sur la mission d'information de la commission en Guyane .

A titre liminaire, M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'une délégation de la commission avait effectué, du 23 au 30 juillet dernier, une mission d'information en Guyane, afin de dresser un bilan de la situation sanitaire et sociale de ce département. Il a précisé que le rapport d'information devrait être publié au début du mois de janvier prochain, mais qu'il avait jugé utile de faire un bref compte rendu de cette mission avant que la commission n'examine le budget de l'outre-mer le mercredi 10 novembre prochain.

Revenant sur l'objectif de la mission, il a précisé qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la préparation de l'examen, par le Parlement, du projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer annoncé par le Gouvernement. Il a indiqué à ce propos que la commission ne manquerait pas de se saisir pour avis de ce texte, rappelant qu'elle avait toujours été très attentive à la situation de l'outre-mer, où les difficultés sociales sont tout particulièrement exacerbées.

M. Jean Delaneau, président, a souligné qu'au terme d'un programme de travail particulièrement dense et varié, la délégation était en mesure de dresser un état des lieux de la situation sanitaire et sociale de la Guyane. Il a ainsi observé qu'en dépit de nombreux atouts, la Guyane connaissait actuellement une crise de développement tout particulièrement sensible sur le plan sanitaire et social.

Abordant la question démographique, il a insisté sur la croissance particulièrement rapide de la population. Il a constaté que le dernier recensement évaluait la population à 157.000 personnes, soit une croissance de 37 % entre 1990 et 1999. Mais il a précisé que beaucoup des interlocuteurs de la délégation avaient estimé ce chiffre à 200.000 habitants. Il a rappelé que, pendant trois siècles et jusqu'en 1946, la population guyanaise avait stagné autour de 25.000 habitants.

Il a observé que deux causes principales étaient à l'origine de cette augmentation : une forte natalité et une immigration très importante, la population immigrée atteignant 70.000 personnes, soit près de 40 % de la population.

Mais il a également insisté sur les deux particularités de cette population, à savoir sa jeunesse, 45 % des habitants ayant moins de 20 ans, et sa diversité ethnique.

Sur le plan sanitaire, M. Jean Delaneau, président, a estimé que la situation était préoccupante comme en témoignaient certains indicateurs : un taux de mortalité périnatale qui atteint 26 , la persistance du paludisme, la propagation du virus du Sida, les ravages de la toxicomanie, les menaces pesant sur la chaîne alimentaire.

Sur le plan de l'emploi et de l'insertion, il a rappelé que le chômage touchait 13.000 personnes, soit environ le quart de la population active. Constatant qu'il faudrait créer 25.000 emplois d'ici 2006 pour seulement stabiliser le taux de chômage du fait des évolutions démographiques, et observant que le nombre d'emplois avait diminué en 1998, il s'est inquiété du risque d'une dégradation de la situation de l'emploi. Il a également insisté sur la structure particulière de l'emploi dans ce département, où 56 % des emplois salariés relèvent du secteur public.

Il a jugé d'autant plus inquiétante la situation de l'emploi que le niveau de formation était faible. A cet égard, il a indiqué que 60 % des demandeurs d'emploi avaient un niveau de formation inférieur ou égal au niveau V bis.

Observant une croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), il a souligné que celui-ci concernait directement ou indirectement 10 % de la population du département.

Face à ce constat d'une situation sanitaire et sociale très dégradée, M. Jean Delaneau, président, a estimé que l'action publique restait très en retrait.

Il a ainsi observé que les structures sanitaires locales étaient saturées du fait d'un nombre insuffisant de lits et de personnels médicaux.

Il a également estimé que les résultats de la politique d'insertion étaient faibles. Soulignant l'absence de formation en alternance, il a indiqué que l'organisation du service public de l'emploi connaissait un certain retard avec l'absence de mission locale et d'entreprises d'insertion. Il s'est étonné de l'orientation de la politique de l'emploi dans ce département où l'on demande aux entreprises d'embaucher des personnes non qualifiées et où le secteur public et parapublic se réserve les personnes les plus qualifiées, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes.

Au regard de ce bilan qu'il a qualifié de sombre, M. Jean Delaneau, président, a considéré que la mission d'information avait d'ores et déjà permis de dégager deux enseignements principaux.

En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan de rattrapage pour la Guyane, notamment en matière sanitaire et sociale. Il a indiqué que ce plan devait avoir trois objectifs prioritaires : mise à niveau de certaines infrastructures car il existe toujours des communes sans eau potable, électricité et téléphone, mise à niveau des structures sanitaires par une augmentation des moyens matériels et humains, effort très important en matière de formation face au risque d'une explosion du chômage.

En second lieu, il a estimé nécessaire d'adapter la réglementation applicable en Guyane aux spécificités locales pour pouvoir résoudre les problèmes avec souplesse. Il a jugé qu'une application automatique des normes métropolitaines ne pouvait apporter des réponses efficaces et pouvait même avoir des effets pervers.

A cet égard, il a cité quatre exemples d'inadaptation des normes métropolitaines dans le domaine de la santé : le non-remboursement des anti-paludéens qui sont considérés comme des " médicaments de confort " en métropole, le regroupement des activités de maternité alors que, dans certains cas, il est préférable de garder cette activité dans les centres de santé, l'application de la couverture maladie universelle dans un département où plus de 20 % de la population relève de l'aide médicale, le passage aux 35 heures dans le secteur sanitaire et social où il existe des difficultés de recrutement alors que les aides financières ne prennent pas en considération les spécificités des DOM.

Il a alors proposé d'inscrire, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les crédits relatifs à l'action sanitaire et sociale, figurant pour l'instant au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il a observé que cette opération permettrait une plus grande adaptation des politiques publiques aux besoins, soulignant qu'un tel transfert avait déjà eu lieu en matière d'emploi et de logement.

M. Alain Gournac a déclaré partager le souci d'adaptation de la réglementation. Il a cité l'exemple du statut de l'hôpital de Saint Laurent du Maroni, où plus de la moitié des naissances étaient le fait de mères étrangères. Il a alors proposé de doter l'hôpital d'un statut international pour prendre en compte cette spécificité. De la même manière, il a souligné l'inadaptation des règles de remboursement des médicaments.

M. Philippe Nogrix a estimé que l'on avait sans doute péché par orgueil en voulant faire de la Guyane l'image de la métropole. Il a rappelé les spécificités de ce département, plus proche du continent sud-américain que des Caraïbes avec lesquelles il est trop souvent assimilé.

Il a observé que la situation guyanaise exigeait la mise en place de structures de formation de base, notamment en matière de lutte contre l'illettrisme. Il a indiqué que l'expérience des H'mongs prouvait qu'une politique ambitieuse de développement pouvait réussir.

Il s'est néanmoins inquiété des conséquences de la politique actuelle, estimant que les aides budgétaires à la personne, et notamment le RMI, risquaient de pousser les Guyanais à perdre leurs traditions.

En conclusion, M. Jean Delaneau, président, a indiqué qu'il souhaitait que chaque membre de la délégation puisse lui adresser ses observations pour la préparation du rapport d'information. Il a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de prendre en compte les spécificités guyanaises, et notamment l'appartenance au continent amérindien, pour l'application des politiques publiques.

ANNEXE 2
-
RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DES RAPPORTS MOSSÉ ET FRAGONARD SUR LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

1. Le rapport Mossé

Par lettre de mission du 30 janvier 1998, M. Jean-Jack Queyranne a chargé Mme Eliane Mossé d'une étude devant déboucher sur des propositions opérationnelles en termes de développement économique et de politique de l'emploi.

Le rapport de Mme Mossé a été publié en février 1999.

Il aborde la question du développement économique selon une problématique très large, dépassant le strict cadre de la politique de l'emploi, puisqu'il traite de thèmes aussi divers que la défiscalisation, la surrémunération des fonctionnaires, la connaissance statistique des réalités économiques et sociales des départements d'outre-mer, la gestion des fonds européens.

S'agissant de la politique de l'emploi, le rapport Mossé préconise :

- un regroupement au sein du FEDOM de l'ensemble des fonds consacrés à la politique de l'emploi et gérés actuellement par le ministère de l'emploi et de la solidarité ;

- la simplification des mesures d'aide à l'emploi avec la création de deux contrats aidés, l'un pour le secteur marchand et l'autre pour le secteur non marchand, qui remplaceraient tous les contrats existants ;

- la pérennisation des exonérations sectorielles bénéficiant à l'hôtellerie-restauration, à l'agriculture, à la pêche, à l'industrie, aux secteurs de la presse et de l'audiovisuel, instituées par la loi du 25 juillet 1994 ;

- le renforcement des aides à l'apprentissage de même que le développement des formations d'apprentis comportant une phase de mobilité en métropole ou à l'étranger.

- une politique active de l'Etat visant à améliorer le dialogue social dans les départements d'outre-mer et réduire la conflictualité des relations du travail ;


- la majoration pour les départements d'outre-mer des aides prévues en matière de réduction du temps de travail.

2. Le rapport Fragonard

Afin d'approfondir ces pistes et d'élargir la réflexion aux modes d'activation des dépenses passives liées au chômage, M. Jean-Jack Queyranne a chargé M. Bertrand Fragonard, conseiller-maître à la cour des comptes, d'établir un rapport comportant des propositions législatives et réglementaires de nature à permettre une inversion de la courbe du chômage dans les départements d'outre-mer.

Les principaux axes de ce rapport, publié en juillet 1999, sont les suivants :

Un processus volontaire de créations d'emplois pour les jeunes

S'insèrent dans ce cadre la création d'un congé solidarité pour les salariés de plus de 52 ans lié à une obligation d'embauche de jeunes de moins de 30 ans et le contrat initiative jeune (CIJ), destiné à encourager la mobilité et la création d'entreprise. L'aide de l'Etat prévue dans le cadre du CIJ est de 2.000 F par mois pendant deux ans.

Favoriser la création d'emplois privés par l'allégement du coût du travail, la dynamisation de la création d'entreprise et la simplification des formalités administratives

- le rapport Fragonard propose de pérenniser les exonérations instituées par la loi du 25 juillet 1994 et bénéficiant aux secteurs de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie, de l'hôtellerie-restauration, de la presse et de l'audiovisuel, mais également d'exonérer les entreprises de moins de 11 salariés des charges patronales de sécurité sociale pour la totalité de leur effectif, quel que soit le secteur auquel elles appartiennent.

Grâce à ces deux dispositifs, presque un salarié sur deux du secteur privé des départements d'outre-mer serait concerné par l'exonération des charges de sécurité sociale.

Ceux-ci seraient complétés par un dispositif d'allégement conséquent des charges sociales pour les travailleurs indépendants.

- les allocataires du RMI et les jeunes, créateurs d'entreprises, bénéficieraient d'une aide financière pour démarrer leur activité ;

- pour éliminer les freins administratifs à l'embauche, il est proposé la création du titre de travail simplifié (TTS) pour les salariés occasionnels, dont le fonctionnement serait analogue à celui du chèque emploi-service.

Organiser le retour à l'activité des allocataires du RMI et concentrer les efforts d'insertion sur les plus jeunes

- création d'une allocation de revenu d'activité
(ARA) pour les allocataires du RMI qui opteraient pour le statut de travailleur occasionnel (TTS) ou de créateur d'entreprise.

- permettre aux allocataires âgés de plus de 50 ans d'opter pour le congé solidarité à 50 ans, assorti d'une allocation de 2.500 F par mois.

- augmenter le nombre de solutions d'insertion :

les contrats d'accès à l'emploi passeraient de 7.000 à 10.000 par an et seraient réservés aux bénéficiaires de minima sociaux et aux jeunes en difficulté ;

• Le nombre de CIA serait doublé ; la durée hebdomadaire de travail de ce contrat serait portée de 20 à 30 heures ;

- les conditions d'instruction et de contrôle du dispositif RMI seraient revues dans le sens d'une plus grande efficacité.

Instaurer une solidarité pour l'emploi en mettant à contribution les ménages et les fonctionnaires

- la réfaction d'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiens ne serait plus automatique, mais conditionnée par des dépenses génératrices d'emploi ou liées à la mobilité des jeunes ;

- le coefficient de majoration des salaires des fonctionnaires serait ramené à 1,35 à la Réunion (1,53 actuellement) et à 1,33 pour les Antilles-Guyane.

En contrepartie, l'indemnité de résidence (au taux de 3 %) et l'allocation logement seraient instituées au bénéficie des fonctionnaires domiens.

Les sommes ainsi dégagées seraient réaffectées sur place en emplois publics ou en investissements.

Améliorer la gestion de la commande publique, dynamiser l'action de l'Etat et des chambres consulaires et assainir la gestion des collectivités territoriales

Assurer le suivi et l'évaluation dans la transparence


Il est proposé la création d'une commission ad hoc, indépendante, qui aurait pour mission majeure de suivre l'application de la loi d'orientation.



1 La mission, présidée par M. Jean Delaneau, était composée de MM. Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Bernard Cazeau, Guy Fischer, Francis Giraud, Alain Gournac, Philippe Nogrix et de votre rapporteur (voir en annexe 1).

2 Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le 1 er décembre 1998 au Sénat.

3 En 1999, les crédits inscrits au titre du ministère de l'emploi et de la solidarité et affectés à l'outre-mer étaient supérieurs aux crédits du secrétariat d'Etat.

4 Rapport du CREDOC, " L'occupation des logements sociaux ", octobre 1997

5 Recensement de 1999.

6 La situation est particulièrement inquiétante à Mayotte où la quasi-totalité du parc peut être considérée comme insalubre.

7 Les chiffres de juin 1999, issus des CAF, sont des premières estimations et ne sont pas consolidés.

8 Le raisonnement en flux est d'autant moins significatif que la durée moyenne des actions a tendance à diminuer. Ainsi, la durée moyenne d'un CES est passée de 6,5 mois en 1997 à 5,5 mois en 1998.

9 " Les départements d'outre mer : un pacte pour l'emploi ", rapport à M. le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer rédigé par M. Bernard Fragonard, juillet 1999.

10 " Quel développement économique pour les DOM ? ", rapport de Mme Eliane Mossé, février 1999.

11 Associations engagées dans le programme Protection-Amélioration-Conservation, Transformation (PACT) de l'habitat.



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