Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale, TOME VII - OUTRE-MER (Aspects sociaux)
LORRAIN (Jean-Louis)
AVIS 91-TOME VII (1999-2000) - Commission des Affaires sociales
Tableau comparatif au format Acrobat ( 208 Ko )Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
AVANT-PROPOS
- I. UNE SITUATION SOCIALE QUI CONTINUE À SE DÉGRADER
-
II. UN SIMPLE BUDGET D'ATTENTE, EN DÉCALAGE AVEC
LES ENJEUX SOCIAUX ULTRA-MARINS
- A. L'ORIENTATION INQUIÉTANTE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
- B. LES ASPECTS CONTRASTÉS DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
- C. L'IMMOBILISME DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ
- EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
-
ANNEXE 1
-
COMMUNICATION SUR LA MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES EN GUYANE -
ANNEXE 2
-
RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DES RAPPORTS MOSSÉ ET FRAGONARD SUR LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
N° 93
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VII
OUTRE-MER
(aspects sociaux)
Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
34
)
(1999-2000).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Le
mercredi 20 octobre 1999, sous la présidence de
M. Jean
Delaneau, président,
la commission a procédé à
l
'audition
de
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer,
sur les
crédits consacrés à
l'outre-mer
(aspects sanitaires et sociaux) dans le
projet de loi de
finances pour 2000
.
A titre liminaire,
M. Jean Delaneau, président
, a souligné
l'attention que portait la commission à la situation sociale de
l'outre-mer et a rappelé qu'elle avait effectué en juillet
dernier une mission d'information pour étudier l'état sanitaire
et social de la Guyane.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat,
a
précisé que l'effort budgétaire total de l'Etat en faveur
de l'outre-mer s'élèverait à 57,8 milliards de francs
en 2000, soit une progression de 2,8 %. Il a ajouté que les
crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer s'élèveraient à 6,4 milliards de francs
en 2000, soit 10 % seulement des moyens consacrés à
l'outre-mer dans le budget de l'Etat.
Il a ensuite insisté sur les principales priorités de ce budget.
A cet égard, il a observé que l'emploi restait prioritaire,
celui-ci représentant 39 % des dépenses budgétaires.
Il a estimé qu'en 2000 les crédits du fonds pour l'emploi dans
les départements d'outre-mer (FEDOM) permettraient de proposer
58.000 nouvelles solutions d'insertion et que 3.000 emplois-jeunes
supplémentaires seraient créés. Il a précisé
que les crédits en faveur de la politique de l'emploi à Mayotte
augmenteraient de 55 millions de francs. Il a enfin insisté sur le
rôle du service militaire adapté (SMA).
Il a indiqué que la culture et l'action sociale constituaient la seconde
priorité de ce budget avec une augmentation de 30 % des
crédits, cette augmentation concernant principalement l'Agence nationale
pour l'emploi à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) et les
échanges culturels.
Le ministre a également rappelé que le logement constituait le
deuxième poste budgétaire avec 918 millions de francs de
crédits de paiement pour 2000, soit une augmentation de 3,7 % par
rapport à 1999. Il a précisé que ces crédits
permettraient de financer la construction ou la réhabilitation de
13.400 logements.
S'agissant des contrats de plan, il a précisé que les
départements d'outre-mer représentaient 4,5 milliards de
francs sur les 95 milliards prévus par les premières
enveloppes budgétaires. Il a souligné que ces contrats de plan
auxquels s'ajouteraient les fonds structurels européens permettraient de
dégager une capacité d'investissement de 7 milliards de
francs pour la période allant de 2000 à 2006.
Pour ce qui est des contrats de développement pour les territoires
d'outre-mer, il a indiqué que les montants n'étaient pas encore
fixés mais que la mise en oeuvre des réformes institutionnelles
en Nouvelle-Calédonie se traduisait déjà par la
création d'une ligne budgétaire nouvelle abondée à
hauteur d'environ 400 millions de francs.
Abordant ensuite la situation économique et sociale de l'outre-mer,
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat,
a
considéré qu'il y avait eu des progrès significatifs sur
le plan économique mais que la situation de l'emploi restait très
préoccupante. Il a estimé que le poids du chômage
s'expliquait avant tout par la fragilité persistante de certains
secteurs économiques et par des facteurs démographiques.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
s'est
inquiété de savoir si l'évolution des crédits
(+ 1,8 % à structure constante) était de nature
à apporter une réponse à l'urgence sociale que
connaît l'outre-mer notamment en termes d'emploi et de logement. Il s'est
également interrogé sur l'état d'avancement et les
principaux axes du projet de loi d'orientation pour les départements
d'outre-mer annoncé par le Gouvernement, sur la signification de
l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 qui prévoit la
prorogation du régime d'exonération sectorielle de charges
sociales issu de la loi du 25 juillet 1994, et sur l'orientation de la
politique de l'emploi très largement concentrée sur le secteur
non marchand de l'économie.
Observant que la commission des lois de l'Assemblée nationale
s'était récemment prononcée en faveur d'un alignement
progressif du niveau du revenu minimum d'insertion (RMI) dans les
départements d'outre-mer sur le niveau métropolitain, il a
demandé au secrétaire d'Etat sa position sur ce sujet.
Il s'est enfin demandé s'il n'était pas souhaitable que les
crédits concernant l'action sanitaire et sociale soient inscrits dans le
" bleu " relatif à l'outre-mer afin d'assurer une meilleure
adéquation de la politique sanitaire et sociale aux
spécificités locales.
Revenant sur la mission de la commission en Guyane, il a jugé la
situation sanitaire et sociale de ce département préoccupante et
s'est interrogé sur la politique de l'Etat en la matière.
M. Jean-Jack Queyranne
a reconnu qu'à structure constante le
budget du secrétariat d'Etat n'augmentait que d'environ 2 %,
observant que la hausse apparente des crédits s'expliquait par le
transfert de crédits concernant l'emploi et la Nouvelle-Calédonie
provenant d'autres ministères. Mais il a observé que ce
groupement de crédits permettait une action plus cohérente. Il a
également considéré que cette augmentation devrait
permettre 8.000 nouvelles solutions d'insertion.
S'agissant de la loi d'orientation en cours de préparation, il a
observé qu'elle faisait l'objet d'un important travail
préparatoire et a indiqué qu'un avant-projet serait
communiqué aux assemblées locales aux alentours de la
mi-novembre, le projet devant être présenté en conseil des
ministres au début de l'année prochaine et être
discuté au Parlement au cours du premier semestre 2000.
Il a précisé qu'en matière sociale ce projet de loi
devrait inclure plusieurs mesures en faveur de l'emploi, s'inspirant notamment
des conclusions du rapport Fragonard. Mais il a également observé
que le projet de loi devrait favoriser une politique économique en
faveur de l'investissement, cette dernière étant une condition
nécessaire au développement de l'emploi.
S'agissant de la prorogation du régime d'exonération sectorielle
de charges sociales, il a annoncé que le Gouvernement envisageait de le
pérenniser tout en l'assortissant d'un assouplissement des conditions
d'entrée dans le dispositif pour les entreprises, observant à cet
égard que 30 % de celles-ci en étaient exclues. Il a
également remarqué qu'entre 1995 et 1997 la croissance de
l'emploi avait été quatre fois plus rapide dans les secteurs
exonérés que dans les secteurs non exonérés,
même si cette évolution différenciée n'était
pas exclusivement liée à l'exonération.
Il a ensuite reconnu l'existence d'une insuffisance d'emplois privés en
outre-mer et a affirmé que l'objectif du Gouvernement était de
les favoriser. Mais il a estimé que les économies ultra-marines
restaient fragiles, notamment en raison du coût du travail, du coût
de l'éloignement, des difficultés du secteur bancaire et de la
crise de certains secteurs traditionnels comme celui de la banane aux Antilles.
Il a précisé que l'objectif principal de la prochaine loi
d'orientation serait de lutter contre cette fragilité. Il a
déclaré qu'il ne lui semblait pas souhaitable d'appliquer aux
départements d'outre-mer ce que certains commentateurs ont pu appeler
" le modèle de développement mauricien ".
S'agissant du RMI, il a rappelé que la différence de niveau entre
les DOM et la métropole s'expliquait à l'origine par le niveau
moins élevé du salaire minimum interprofessionnel de croissance
(SMIC) dans les DOM. Mais il a observé que le niveau du SMIC avait
été aligné en 1996.
Il a indiqué qu'aucune décision n'avait encore été
prise, estimant que la poursuite de la politique d'égalité
sociale militait en faveur d'un alignement mais que le risque d'une
augmentation du travail illégal incitait à la prudence. Il a
jugé qu'en tout état de cause l'évolution vers un
alignement ne pourrait être que progressive et devrait s'accompagner
d'une politique efficace d'aide au retour à l'emploi des
bénéficiaires du RMI.
Abordant la situation particulière de la Guyane,
M. Jean-Jack
Queyranne, secrétaire d'Etat,
a insisté sur les
conséquences de la croissance démographique, rappelant que
celle-ci avait été de 26 % entre 1990 et 1999 contre
3,4 % en métropole. Il a souligné le rôle que jouaient
les 26 centres de santé en matière d'action sanitaire mais a
reconnu que ceux-ci se heurtaient à des difficultés. Il a
précisé que l'Etat allait reprendre à sa charge, à
la demande du conseil général, la gestion de ces centres, cette
reprise devant s'accompagner d'une restructuration passant par une organisation
en pôles et par la suppression des centres de la côte. Il a
indiqué qu'une convention allait être signée prochainement,
que le coût de gestion prévisionnel s'établissait à
34 millions de francs (80 % à la charge de l'Etat, 20 %
à la charge du conseil général pour les activités
de prévention) et que la mise à niveau de ces centres atteignait
3,5 millions de francs.
Il a indiqué ne pas être hostile à une inscription des
crédits relatifs à l'action sanitaire et sociale d'outre-mer au
budget de son département ministériel. Mais il a également
estimé que la politique à l'égard des départements
d'outre-mer devait maintenir un équilibre entre une logique de droit
commun et une logique de prise en compte des spécificités
ultra-marines.
M. Jean Delaneau, président
, s'est interrogé sur les
conditions d'application de la loi portant couverture maladie universelle (CMU)
dans les départements d'outre-mer et en particulier en Guyane où
le conseil général a une dette envers les hôpitaux. Il
s'est également interrogé sur l'opportunité d'une plus
grande coopération sanitaire avec les pays limitrophes que sont le
Surinam et le Brésil, afin notamment de limiter les flux migratoires.
M. Jean-Jack Queyranne
a indiqué que la couverture maladie
universelle s'appliquerait dans tous les départements d'outre-mer
dès le 1
er
janvier 2000 même s'il a reconnu que
celle-ci constituerait une charge financière particulière en
Guyane mais aussi à la Réunion. Il a déclaré que
les modalités de mise en place de la CMU dans ces départements
seraient définies ultérieurement. Il s'est par ailleurs
déclaré favorable au développement de la
coopération médicale en Guyane, mais aussi à Mayotte. A
cet égard, il a précisé que cette coopération avait
déjà pris la forme de dotations en matériel à
l'hôpital d'Albina au Surinam. Mais il a également estimé
qu'une coopération n'était réellement possible que si le
contexte politique s'y prêtait.
M. Lylian Payet
s'est déclaré en accord avec le ministre
pour estimer que le " modèle mauricien " n'intéressait
pas les départements d'outre-mer et notamment la Réunion. Il
s'est également inquiété du montant des contrats de plan,
évaluant à 20 % la diminution des crédits par
habitant à la Réunion. S'agissant du RMI, il a estimé
qu'aucun argument convaincant ne s'opposait à l'alignement de son niveau
sur celui de la métropole. Il a enfin insisté sur les retards de
la politique du logement, constatant qu'actuellement seuls 4.000 logements
étaient construits chaque année à la Réunion, alors
qu'il en faudrait environ 10.000 à 12.000 par an sur une période
de dix ans pour rattraper le retard.
M. Jacques Machet
s'est interrogé sur la qualité de la
formation fournie aux jeunes dans le cadre du SMA.
M. Jacques Bimbenet
s'est interrogé sur les conséquences
du rattachement des crédits relatifs au logement outre-mer au budget du
secrétariat d'Etat.
M. Claude Domeizel
a jugé préoccupante la situation
financière des hôpitaux ultra-marins, la précarité
de celle-ci étant largement liée aux difficultés
d'encaissement des sommes dues.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat,
a indiqué que
l'alignement du RMI répondait au souci d'égalité sociale,
mais nécessiterait de compenser la disparition de la créance de
proratisation du RMI qui s'élève à 861 millions de francs
et de trouver de nouvelles ressources budgétaires pour assurer
l'insertion des bénéficiaires du RMI. Il a précisé
que les crédits budgétaires permettaient de financer 5.000
à 6.000 logements par an à la Réunion et que l'on
constatait actuellement une meilleure consommation des crédits
budgétaires. Il a toutefois observé que la politique du logement
devait passer par une amélioration de la politique foncière, le
coût du foncier restant trop élevé, et par une plus grande
adaptation de l'offre de logement aux spécificités locales.
S'agissant du SMA, il a estimé que cette forme de volontariat militaire
permettait de resserrer les liens entre l'armée et les
départements d'outre-mer et de donner une formation aux jeunes. Il a
ainsi observé que 65 % des jeunes passant par le SMA trouvaient un
emploi. Il a également indiqué que les difficultés
financières des hôpitaux s'expliquaient avant tout par la dette
liée à la prise en charge des personnes non affiliées
à la sécurité sociale et notamment des personnes de
nationalité étrangère. Mais il a précisé que
les dotations aux hôpitaux des départements d'outre-mer
étaient, en moyenne, supérieures de 1,2 point à celles de
métropole.
M.
Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
s'est enfin
inquiété de l'importance du travail illégal et des
difficultés à résoudre les conflits sociaux.
En réponse,
M. Jean-Jack Queyranne
a indiqué qu'un
récent sondage montrait que la majorité des habitants des
départements d'outre-mer désapprouvait le travail illégal.
Il a constaté que les conflits sociaux étaient à la fois
durs et prolongés et risquaient souvent de paralyser les
économies locales. Regrettant la faiblesse du dialogue social et
l'absence de culture du compromis, il a cependant rappelé qu'un
décret du 6 octobre dernier avait prévu la mise en place de
commissions de conciliation pour contribuer à résoudre les
conflits sociaux dans les départements d'outre-mer.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 10 novembre 1999, sous la
présidence de
M. Jacques Bimbenet, vice-président,
la
commission a procédé à
l'examen du rapport pour avis
de
M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi de finances pour 2000
(
crédits consacrés à
l'outre-mer).
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a rappelé que la
situation sociale de l'outre-mer était très préoccupante,
celle-ci s'étant encore dégradée en 1998 en dépit
pourtant d'une relative amélioration de la situation
économique : recrudescence sensible des conflits sociaux,
augmentation de 2 % du nombre de demandeurs d'emploi dans les
départements d'outre-mer, alors que celui-ci diminuait
parallèlement de 5 % en métropole, augmentation de
6,8 % du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), le RMI
touchant, fin 1998, 119.000 personnes, pour une population active de
671.000 personnes.
Il s'est alors interrogé sur la capacité du budget social de
l'outre-mer pour 2000 à apporter des réponses à cette
situation d'urgence sociale que la commission avait d'ailleurs pu
vérifier sur le terrain cet été lors d'une mission
d'information effectuée en Guyane.
Observant que les dotations du secrétariat d'Etat ne
représentaient en 1999 que 11 % de l'ensemble des crédits
budgétaires affectés à l'outre-mer, il a notamment
rappelé que les dépenses relatives à la solidarité,
à l'action sanitaire, à la politique de la ville et à la
formation professionnelle restaient inscrites au budget du ministère de
l'emploi et de la solidarité, et a constaté que ces
crédits étaient plus élevés que ceux du
secrétariat d'Etat. Pour ces raisons, il a estimé que l'examen du
" bleu " budgétaire relatif à l'outre-mer ne pouvait
constituer qu'un angle d'attaque très restrictif pour évaluer les
aspects sociaux du budget pour l'outre-mer.
Insistant sur les spécificités de l'outre-mer, il s'est
déclaré en accord avec les analyses présentées lors
d'une récente communication relative à la mission d'information
en Guyane par le président Delaneau et a estimé qu'une
application uniforme de la législation nationale pouvait conduire
à des aberrations et qu'il était nécessaire d'adapter la
réglementation et les politiques publiques aux particularités
locales pour pouvoir résoudre avec pertinence les difficultés
auxquelles est confrontée l'outre-mer.
Il a alors jugé que ce souci d'adaptation devrait d'abord se traduire
par le transfert des crédits relatifs à la formation
professionnelle et à l'action sanitaire et sociale de l'Etat depuis le
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité vers le
budget du secrétariat d'Etat. Il a estimé qu'un tel transfert
aurait pour avantage d'accroître la lisibilité des documents
budgétaires, de mieux cibler l'effort en faveur de l'outre-mer et de
permettre une meilleure adaptation aux besoins locaux, comme en a par exemple
témoigné l'expérience du fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer (FEDOM) dans le domaine de l'emploi et de la
ligne budgétaire unique (LBU) dans le domaine du logement.
Revenant au budget, il a précisé que les crédits pour 2000
augmentaient en apparence de 13,6 % pour atteindre 6,4 milliards de
francs dans le " bleu " relatif à l'outre-mer. Mais il a
souligné que cette évolution s'expliquait principalement par le
transfert dans le budget de l'outre-mer de crédits jusqu'à
présent pris en charge par d'autres ministères. Il a
indiqué qu'à structure constante, l'augmentation des
crédits atteignait en fin de compte 1,8 %, cette progression
étant bien inférieure à celle constatée en 1998 (+
7,3 %) et en 1999 (+ 7 %).
Il a alors souligné que cette évolution des masses
budgétaires montrait que l'outre-mer ne constituait plus une
priorité pour le Gouvernement.
Observant que le budget du secrétariat d'Etat était
principalement concentré sur le développement économique
et social, il a indiqué que les deux lignes budgétaires
correspondant à l'emploi et au logement, abondées par la
créance de proratisation du RMI, représentaient 61 % des
crédits du département ministériel.
S'agissant de l'emploi,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a
jugé son évolution très préoccupante. Constatant
que de juillet 1998 à juillet 1999 le nombre de demandeurs d'emplois
avait augmenté de 1 % dans les département d'outre-mer (DOM)
alors qu'il diminuait de 6,5 % en métropole, il a rappelé
que cette hausse concernait tous les départements, précisant que
la diminution constatée à la Réunion s'expliquait
très largement par le recrutement de nombreux emplois-jeunes. Il s'est
également inquiété du taux très élevé
du chômage des jeunes, considérant qu'il s'expliquait en partie
par une formation professionnelle insuffisante, et de la progression continue
du nombre de chômeurs de longue durée.
Il a alors douté que l'effort budgétaire proposé par le
Gouvernement pour 2000 puisse être considéré comme une
réponse adaptée.
Rappelant que l'augmentation apparente de 16 % des crédits du FEDOM
tenait avant tout au transfert de 292 millions de francs de crédits
relatifs aux contrats emplois consolidés, il a indiqué
qu'à structure constante l'évolution des crédits
était quasiment nulle et ne permettrait de financer que 61.000
" solutions d'insertion " contre 60.000 en 1999.
Il a en outre observé que ces programmes masquaient une
réorientation massive de la politique de l'emploi vers le secteur non
marchand, constatant que les crédits consacrés aux contrats
d'aide à l'emploi (CAE), seul contrat du FEDOM orienté vers le
secteur concurrentiel, diminuaient de 28 % tandis que ceux
consacrés aux emplois-jeunes augmentaient de 38 %.
Regrettant cette orientation de la politique de l'emploi, il a
précisé que 42 % des salariés des DOM travaillaient
déjà dans le secteur public et que l'emploi se développait
dans le secteur privé ; ainsi, en 1998, les effectifs
salariés du secteur privé avaient augmenté de 5,5 %.
Il s'est d'autant plus étonné de cette orientation que M.
Jean-Jack Queyranne, lors de son audition devant la commission, avait reconnu
l'efficacité des aides à l'emploi dans le secteur privé en
indiquant que la croissance de l'emploi avait été 4 fois plus
élevée dans les secteurs bénéficiant de
l'exonération de charges sociales issue de la loi du 25 juillet 1994 que
dans les autres secteurs.
Il a également jugé que la priorité donnée aux
emplois-jeunes était tout particulièrement inadaptée aux
spécificités de l'outre-mer. Reprenant les conclusions des
rapports Mossé et Fragonard, il a indiqué que les emplois-jeunes
se heurtaient à deux principaux obstacles : un coût
budgétaire élevé, nettement supérieur à
celui des CAE dont le Gouvernement avait paradoxalement justifié la
diminution en raison d'un coût trop élevé, et les
incertitudes sur la sortie du dispositif, les emplois-jeunes ne permettant pas
aux jeunes d'acquérir une formation utilisable dans le secteur marchand.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a alors jugé qu'il
était plus pertinent de favoriser les CAE, rappelant que le rapport
Fragonard proposait un objectif de 10.000 CAE contre 7.000 actuellement et que
le Gouvernement, dans son rapport sur l'application de la loi du 25 juillet
1994, reconnaissait l'efficacité de ce dispositif.
Il s'est également prononcé en faveur d'un renforcement
significatif des actions de formation professionnelle des jeunes, notamment en
alternance. A cet égard, il a observé que seuls 3.700 jeunes
avaient bénéficié en 1998 d'un contrat d'apprentissage,
soit 1.000 de moins qu'en 1996. Il a estimé qu'il était
nécessaire d'atteindre l'objectif de 10.000 apprentis d'ici 3 ans
mais que la réalisation d'un tel objectif imposait de rendre les
formations en alternance plus attractives pour les employeurs locaux. Il a
alors suggéré d'augmenter l'aide de l'Etat à la formation
des apprentis de 12.000 à 20.000 francs par contrat.
Il a enfin déploré les atermoiements relatifs au statut des
agences départementales d'insertion (ADI), atermoiements d'autant plus
dommageables que le nombre d'allocataires du RMI continuait d'augmenter
fortement.
En revanche, il s'est félicité de la teneur de l'article 72 du
projet de loi de finances rattaché au budget de l'outre-mer. Il a
indiqué que cet article modifiait l'article 4 de la loi du 25 juillet
1994 qui mettait en place un dispositif sectoriel d'exonération de
charges patronales et le prorogeait jusqu'au 31 décembre 2000, ces
dispositions n'étant en vigueur que jusqu'au
1
er
mars 2000. Il a estimé que ce dispositif avait
fait la preuve de son efficacité, les effectifs des secteurs
exonérés ayant augmenté de 14 % entre 1995 et 1997
soit plus de 4 fois plus que les effectifs des secteurs non
exonérés. Il a estimé que cette prorogation du dispositif
semblait devoir préfigurer sa pérennisation, M. Jean-Jack
Queyranne ayant laissé entendre à la commission que le prochain
projet de loi d'orientation sur les DOM maintiendrait ce dispositif tout en
l'assouplissant et en l'élargissant à d'autres secteurs. Il s'est
alors réjoui de cette perspective mais a cependant remarqué que
la date du 31 décembre 2000 était peut-être un peu trop
proche, l'état actuel du calendrier parlementaire ne garantissant pas le
vote de la loi d'orientation d'ici cette date.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a estimé qu'en
matière d'emploi le budget pour 2000 ne faisait que reconduire les
mesures de l'année passée dans l'attente du vote de la loi
d'orientation. Il a alors observé que le Gouvernement devrait à
l'occasion de ce vote gérer une forme de schizophrénie, le projet
de loi devant s'inspirer des propositions du rapport Fragonard mais ce rapport
insistant tout particulièrement sur la nécessité de
favoriser la création d'emplois privés, en totale contradiction
avec le budget pour 2000.
Abordant le volet " logement " du budget, il a indiqué que la
politique du logement dans les DOM poursuivrait en 2000 les orientations
antérieures.
Après avoir rappelé la situation très
dégradée du logement outre-mer (insuffisance de l'offre de
logements, persistance d'un habitat insalubre), il a précisé que
le Gouvernement avait défini trois objectifs prioritaires : loger
dans des conditions décentes et à un coût abordable le plus
grand nombre de ménages, reloger les ménages occupant les zones
d'habitat insalubre et enfin, contribuer à un aménagement
équilibré du territoire. Il a souligné que ces objectifs
généraux, qu'il ne pouvait que partager, trouvaient actuellement
un prolongement dans des mesures plus concrètes. Il a notamment
insisté sur l'adaptation des produits aux spécificités de
l'outre-mer, sur le début de la réforme des aides à la
personne grâce à une première unification du barème
des aides et sur l'amélioration progressive de la politique
foncière avec le développement des fonds régionaux
d'aménagement foncier et urbain (FRAFU).
Il a jugé que cette adaptation de la politique du logement social dans
le contexte local devait se poursuivre, notamment par un accroissement des
responsabilités des acteurs locaux comme le suggère le rapport
Lise-Tamaya.
En revanche, il a observé qu'en dépit de ces orientations
plutôt favorables l'effort budgétaire pour 2000 se ralentissait et
apparaissait nettement insuffisant par rapport aux besoins. Il a indiqué
que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU)
n'augmentaient que de 2,3 % en 2000 pour atteindre 918 millions de
francs après une croissance de 58 % en 1999. Il a souligné
que ces crédits ne permettraient alors que de reconduire les programmes
de 1999 (11.000 constructions et 2.400 améliorations), objectif restant
à l'évidence bien inférieur aux besoins.
S'agissant enfin de la politique de solidarité,
M. Jean-Louis
Lorrain, rapporteur pour avis,
a indiqué que la créance de
proratisation du RMI augmentait de 5,7 % pour atteindre 870 millions
de francs, cette hausse témoignant moins d'une politique
budgétaire volontariste que de la hausse du nombre d'allocataires du
RMI.
Rappelant que la commission des lois de l'Assemblée nationale
s'était récemment prononcée en faveur d'un alignement
progressif du niveau du RMI dans les DOM sur le niveau métropolitain, il
a estimé qu'un tel objectif répondait au nécessaire souci
d'approfondissement de la politique d'égalité sociale, mais qu'il
fallait néanmoins avancer avec prudence. Il a ainsi rappelé qu'on
présentait généralement deux inconvénients à
un tel alignement : d'une part, les conséquences budgétaires
de la disparition de la créance de proratisation du RMI, qui
impliquerait alors la nécessité de dégager
862 millions de francs, soit plus de 13 % du budget du
secrétariat d'Etat, pour pouvoir maintenir le même financement des
actions d'insertion et de la politique du logement et, d'autre part, le risque
de développer le travail illégal.
Estimant que ces arguments étaient en partie fondés, il a
jugé qu'il ne pouvait cependant justifier à eux seuls le refus
d'un alignement. Il a alors estimé que celui-ci devait intervenir pour
des raisons d'équité mais devait être progressif pour
éviter les possibles effets pervers.
Rejoignant en cela les conclusions du rapport Fragonard et les analyses
d'Edmond Lauret, il a précisé qu'il était
nécessaire de renforcer au préalable l'efficacité du
dispositif d'insertion.
En conclusion,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a
jugé que le budget de l'outre-mer pour 2000 lui semblait avant tout
être un budget d'attente. Il a néanmoins estimé que la
situation sociale de l'outre-mer était actuellement si
préoccupante qu'elle ne pouvait supporter une année d'inaction
avant l'adoption de la loi d'orientation. Il a enfin souligné que, si le
volet " logement " du budget pouvait être qualifié de
passable, voire de correct, le volet " emploi " était
totalement inadapté aux enjeux.
Il a donc proposé d'émettre un avis défavorable sur le
budget de l'outre-mer pour 2000, mais d'émettre un avis favorable
à l'adoption de l'article 72 du projet de loi de finances
rattaché au budget de l'outre-mer.
M. Louis Boyer
a déclaré partager l'analyse du rapporteur
pour avis sur la nécessaire adaptation de la réglementation aux
spécificités de l'outre-mer. Rappelant que la commission venait
d'effectuer une mission d'information en Guyane, il a indiqué que les
médicaments anti-paludéens n'y étaient pas remboursables
alors même que l'endémie palustre se développait. Il a
estimé qu'il s'agissait là d'un exemple évocateur des
effets pervers liés au manque d'adaptation de la réglementation
aux spécificités de l'outre-mer. Il a jugé
intéressante et importante la proposition du rapporteur pour avis de
transférer certains crédits budgétaires vers le
secrétariat d'Etat à l'outre-mer en matière sociale.
M. Paul Vergès
a estimé que le rapporteur pour avis avait
mis l'accent à juste titre sur une situation sociale préoccupante
et sur un climat social qui ne s'améliorait pas.
Il a souligné la difficulté à apprécier le budget
pour l'outre-mer dans un contexte incertain, des décisions importantes
touchant l'outre-mer n'étaient pas encore effectives (arbitrage sur les
contrats de plan, répartition de la dotation européenne,
présentation de la future loi d'orientation).
Il a regretté que les difficultés de l'outre-mer ne soient
abordées chaque année qu'à l'occasion de l'examen du
budget. Il a rappelé que les enjeux actuels rendaient nécessaire
une politique à long terme. Insistant notamment sur des
évolutions démographiques, il a considéré que
celles-ci expliquaient en grande partie les difficultés
rencontrées en termes d'emploi, de formation et de logement. Il a ainsi
rappelé que la Réunion avait connu une croissance
économique annuelle moyenne de 5 % sur 20 ans, mais il a
constaté que cette croissance ne permettait de créer que 3.500
emplois nets par an, alors que, chaque année, 10.000 jeunes entrent sur
le marché du travail.
Il a également insisté sur la nécessité d'adapter
la réglementation et les politiques publiques au contexte particulier de
l'outre-mer, observant que les situations étaient
différenciées dans chaque département.
Il a considéré que l'implication des départements
d'outre-mer dans la coopération régionale pouvait permettre
d'accompagner leur développement, tout en renforçant la
présence de la France et de l'Europe dans le monde.
Indiquant que la commission des lois avait projeté une mission à
la Réunion au début de l'année prochaine,
M. Paul
Vergès
a fait part de son souhait que la commission des affaires
sociales puisse également inscrire à son programme une telle
mission.
M. Lylian Payet
a, à son tour, estimé que la situation
sociale de l'outre-mer était très préoccupante. Il a
considéré que l'effort budgétaire consenti restait
très insuffisant par rapport à la gravité de la situation,
notamment en termes d'emploi et de logement.
Il a déclaré ne pas partager l'analyse du rapporteur pour avis
sur le RMI. Il s'est en effet montré favorable à un alignement
immédiat du RMI, estimant que la créance de proratisation
était une ponction honteuse sur les plus démunis. A cet
égard, il a indiqué que la créance servait à
financer des logements dont ne pouvaient pas bénéficier les
allocataires du RMI.
M. Philippe Nogrix
a constaté que ce budget dénotait une
absence de politique cohérente en faveur de l'outre-mer. Il a tout
particulièrement insisté sur la nécessité de mener
une politique ambitieuse de formation professionnelle et de prise en charge des
jeunes. Il a jugé anormal l'écart existant entre le RMI
ultramarin et le RMI métropolitain. Il a enfin estimé que
l'outre-mer pouvait utilement participer à la présence de la
France dans le monde et devrait alors faire l'objet d'une attention
particulière.
En réponse aux intervenants,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour
avis
, a indiqué qu'il importait de faire de la démographie
une force et non un handicap pour l'outre-mer. Il a précisé qu'il
était lui aussi favorable à un alignement progressif du RMI sur
le niveau métropolitain, mais que cela nécessitait
parallèlement d'améliorer le volet insertion du RMI.
Il a enfin remercié MM. Paul Vergès et Lylian Payet de leurs
utiles éclaircissements sur la situation de leur département.
La commission a ensuite émis
un avis défavorable à
l'adoption des crédits consacrés à l'outre-mer
, puis,
à l'unanimité,
un avis favorable à l'adoption de
l'article 72 du projet de loi de finances rattaché au budget de
l'outre-mer.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Cette année, l'examen du budget de l'outre-mer intervient, pour votre
commission, dans un contexte tout à fait particulier.
D'une part, votre commission a effectué, du 23 au 30 juillet dernier,
une
mission d'information
1(
*
)
en Guyane afin d'étudier la situation sanitaire et sociale de ce
département. Cette mission, témoignant de l'attention toute
particulière que votre commission porte à nos compatriotes
d'outre-mer, visait à mieux cerner le contexte local, mais surtout
à analyser les difficultés sociales de ce département et
à étudier les voies d'une amélioration de l'action
publique. La délégation de votre commission a tiré de
cette mission un enseignement central.
L'outre-mer est confronté
à des difficultés sociales d'une telle ampleur et de nature bien
spécifique qu'il exige des réponses particulières.
L'application uniforme de la législation nationale peut parfois conduire
à des aberrations. Dès lors, il importe d'adapter non seulement
la réglementation, mais aussi l'ensemble de l'action publique -notamment
sous sa forme budgétaire- aux particularités de l'outre-mer afin
de pouvoir résoudre avec pertinence les difficultés locales.
D'autre part, ce projet de budget est soumis au Parlement avant l'examen du
futur projet de loi d'orientation relatif aux départements
d'outre-mer
.
Annoncé par M. Jean-Jack Queyranne le 23 octobre
1998, ce projet de loi serait
" axé en priorité sur le
développement économique et social des départements
d'outre-mer "
2(
*
)
. Devant être
initialement déposé à l'automne 1999, ce projet de loi ne
sera finalement présenté au Parlement qu'au premier semestre
2000. Votre commission ne peut que regretter ce retard dans l'examen de ce
projet de loi, tant la situation des départements d'outre-mer
relève de l'urgence sociale.
La préparation de ce projet de loi d'orientation a cependant
été l'occasion de la publication de plusieurs rapports (le
rapport " Mossé ", le rapport " Lise-Tamaya ", le
rapport " Fragonard ") qui apportent des éclairages souvent
pertinents et qui constituent, à ce titre, une utile grille
d'évaluation de l'action publique en faveur de l'outre-mer.
C'est donc au regard des enseignements de sa récente mission
d'information et dans la perspective du prochain projet de loi d'orientation
que votre commission s'est attachée cette année à examiner
les crédits budgétaires relatifs à l'outre-mer.
En outre, afin d'intégrer l'indispensable éclairage qu'apportent
les acteurs locaux à ses conclusions, votre rapporteur a tenu à
consulter l'ensemble de ses collègues d'outre-mer pour la
préparation du présent rapport. Il tient ici à les
remercier tout particulièrement pour leurs contributions.
•
Un budget en très légère
augmentation
En 2000, le budget de l'outre-mer progresse en apparence, dans le " bleu
budgétaire ", de 13,6 % pour atteindre 6,36 milliards de
francs.
Evolution du budget de l'outre-mer
(selon le " bleu
budgétaire ")
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Evolution en % |
Dépenses ordinaires (titres III et IV) |
3.936 |
4.718 |
+ 19,9 % |
Dépenses en capital (titres V et VI) |
1.668 |
1.647 |
- 1,3 % |
Total |
5.604 |
6.365 |
+ 13,6 % |
En
dépenses ordinaires et crédits de paiement (en millions
de francs)
En réalité, cette forte progression tient de l'effet d'optique.
Elle s'explique en effet avant tout par une modification du
périmètre budgétaire du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer. Ainsi, sur les 760 millions de francs de crédits
supplémentaires, 662 proviennent d'un simple transfert, les
crédits étant auparavant inscrits au budget d'autres
ministères. Ils ne peuvent donc pas être considérés
comme un effort supplémentaire de l'Etat en faveur de l'outre-mer.
Ces transferts ont une double origine :
- d'une part, du fait du transfert de certaines compétences à la
Nouvelle-Calédonie en application de la loi organique de 19 mars 1999,
un nouveau chapitre budgétaire 41-56 " Dotations globales pour la
Nouvelle-Calédonie " a été créé. Il
regroupe différents crédits jusqu'alors inscrits sur le budget
d'autres ministères (éducation nationale, emploi et
solidarité, jeunesse et sports) à hauteur de 326 millions de
francs ;
- d'autre part, le regroupement des crédits en faveur de l'emploi dans
les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et
à Mayotte se poursuit. Ainsi, sont transférés au
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le financement des contrats
emplois consolidés dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon et le financement des contrats emplois
solidarité et contrats emplois consolidés à Mayotte. Ces
transferts en provenance du ministère de l'emploi et de la
solidarité atteignent 336 millions de francs.
En définitive, à structure constante, le budget de l'outre-mer
n'augmente que de 1,7 % en 2000, après une hausse de 7,3 % en
1998 et de 7 % en 1999.
Evolution
du budget de l'outre-mer
à structure constante
(1)
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Evolution en % |
5.604 |
5.702 |
+ 1,7 % |
(1) Le périmètre retenu est celui du budget pour 1999.
(en millions de francs)
Néanmoins, les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne représentent qu'environ 11 % des dotations budgétaires en faveur de l'outre-mer, le budget du secrétariat d'Etat ne peut résumer à lui seul l'ensemble de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer. Celui-ci, analysé dans le " jaune budgétaire ", augmente de 2,8 % en 2000, soit plus que l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat qui est de 0,9 %.
Evolution de l'ensemble des dépenses
budgétaires
(1)
en faveur de l'outre-mer
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Evolution en % |
DOM et collectivités territoriales |
45.244 |
46.341 |
+ 2,4 |
TOM et Nouvelle-Calédonie |
10.976 |
11.461 |
+ 4,4 |
Total |
56.220 |
57.802 |
+ 2,8 |
(1)
en dépenses ordinaires et crédits de paiement (en millions de
francs)
•
Un budget très concentré sur les questions
sociales
Le budget du secrétariat d'Etat continue de se recentrer sur le secteur
social.
Le
secteur social (emploi et insertion, logement social) regroupe 64 % des
crédits en 2000, contre 63 % en 1999.
A lui seul, le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et
à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) représente 33 % des
crédits.
•
Une nécessaire poursuite de la rationalisation
budgétaire
En dépit de cette " concentration sociale ", les
crédits du secrétariat d'Etat ne permettent pas
d'apprécier dans sa globalité l'action de l'Etat en
matière sociale outre-mer. Ces crédits ne regroupent en effet que
les dispositifs relatifs à la politique de l'emploi, à
l'insertion et au logement social.
Les dépenses relatives à la solidarité, à la
santé, à la formation professionnelle, à la politique de
la ville restent en effet, pour la plupart, inscrits au budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité. Or, en 2000, ces
crédits s'élèvent à 5,5 milliards de francs,
soit presque autant que les crédits du secrétariat
d'Etat
3(
*
)
.
Votre commission estime que le mouvement de transfert de crédits vers
le secrétariat d'Etat à l'outre-mer doit se poursuivre.
Elle y voit en effet un triple avantage :
- une plus grande lisibilité des documents budgétaires,
- un meilleur ciblage de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer,
- une plus grande adaptation aux besoins locaux.
L'expérience en matière de politique de l'emploi, avec la
création du FEDOM, et de politique du logement social, avec la
création de la Ligne budgétaire unique (LBU), a montré que
l'évolution de la nomenclature budgétaire avait permis de
repositionner ces politiques pour les adapter aux spécificités
locales.
A cet égard, deux domaines apparaissent prioritaires.
Le transfert
des crédits relatifs à la formation professionnelle
est sans
doute le plus urgent, l'effort de formation étant actuellement
très insuffisant et les dispositifs applicables en métropole,
notamment la formation en alternance, n'y étant visiblement pas
adaptés. Le
transfert des crédits relatifs à la
santé
est également nécessaire à court terme,
l'état et l'équipement sanitaires de l'outre-mer restant en
retard par rapport à ceux de la métropole.
I. UNE SITUATION SOCIALE QUI CONTINUE À SE DÉGRADER
L'année passée, votre rapporteur avait
insisté,
dans son avis budgétaire, sur le contexte social très
préoccupant de l'outre-mer. Or, force est de constater que la situation
sociale s'est encore dégradée en dépit d'une relative
amélioration de la conjoncture économique.
L'outre-mer connaît une situation d'urgence sociale qui tend à
devenir hélas structurelle, notamment du fait de sa structure
démographique, à laquelle le Gouvernement ne répond que
par un soutien budgétaire d'ordre conjoncturel qui est alors largement
inadapté.
A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL EXTRÊMEMENT FRAGILISÉ
Le
chômage dont l'évolution reste très préoccupante
constitue à l'évidence le défi social majeur de toute
politique de l'outre-mer.
Mais, si la persistance d'un sous-emploi durable fragilise la cohésion
sociale, le marché du travail est également
déstabilisé par la détérioration inquiétante
du climat social.
1. La persistance d'un sous-emploi très important
a) Le poids toujours considérable du chômage...
•
Les départements d'outre-mer (DOM)
La progression du chômage se ralentit régulièrement, mais
l'écart avec la métropole a tendance à s'amplifier. Ainsi,
en 1998, le nombre de chômeurs a augmenté de 2 % dans les DOM
alors qu'il diminuait de 5 % en métropole.
L'analyse des dernières statistiques disponibles montre cependant,
malgré la prudence qu'elle impose (
cf. encadré
) une
très légère diminution du nombre de chômeurs en
août 1999. Mais rien n'indique que cette amélioration soit
durable. Il est à craindre au contraire qu'il ne s'agisse d'une simple
rémission.
La difficile évaluation du chômage dans les DOM
Votre
commission souligne que les statistiques relatives à l'emploi ne
permettent de saisir qu'imparfaitement la réalité du
chômage outre-mer. Ils sont en effet affectés par
deux biais,
l'un tendant à surestimer le taux de chômage, l'autre tendant
à le sous-estimer.
D'une part,
l'importance du travail informel
reste conséquente
dans les DOM. Une étude de l'INSEE des Antilles-Guyane de septembre 1998
avance par exemple que 30 % des allocataires du RMI exerceraient un
travail informel. Une autre enquête menée à la
Réunion en 1995 a évalué à 27.000 le nombre de
personnes concernées par le travail illégal pour une population
active de 175.000 personnes.
D'autre part,
le nombre de demandeurs d'emplois inscrits à l'ANPE ne
permet pas de comptabiliser tous les chômeurs.
Il semble en effet que
le nombre de " chômeurs découragés " soit plus
important outre-mer qu'en métropole. Cela tiendrait à la
conjonction de deux phénomènes : la pénurie des
offres d'emplois proposées par le service public de l'emploi et la
faible indemnisation du chômage.
En outre, les chiffres donnés par l'ANPE reposent sur une
évaluation de la population active en 1997 et non sur les
résultats du recensement de 1999.
Votre commission recommande donc d'interpréter toutes ces données
avec la plus extrême prudence.
Le chômage en 1999
|
Demandeurs d'emplois en fin de mois (1) |
Evolution sur 12 mois (en %) |
Indicateur de chômage (en %) (2) |
Guadeloupe |
52.857 |
+ 2,9 % |
29,0 % |
Martinique |
48.960 |
+ 0,3 % |
29,5 % |
Guyane |
13.296 |
- 1,6 % |
21,6 % |
Réunion |
97.663 |
- 2,5 % |
36,3 % |
Total DOM |
212.706 |
- 0,5 % |
31,4 % |
(1)
Chiffres au 31 août 1999 Source : ANPE
(2) Taux de chômage estimé en se fondant sur la population active
au 31.03.97.
Cette très légère diminution du nombre de chômeurs
s'explique en effet avant tout par le recrutement de nombreux emplois-jeunes en
Guyane mais surtout à la Réunion, recrutement qui réduit
alors mécaniquement le nombre de demandeurs d'emplois.
En outre, le chômage outre-mer conserve ses caractéristiques
propres, distinctes du chômage métropolitain et qui constituent
finalement autant de circonstances aggravantes :
- le chômage est principalement un chômage de longue
durée, qui a de plus tendance à s'accroître alors qu'il
diminue en métropole. Ainsi, en août 1999, 51,6 % des demandeurs
d'emploi des DOM recherchaient un emploi depuis plus d'un an contre 38 %
en métropole ;
- le chômage des jeunes est tout particulièrement
préoccupant. Il avoisinerait les 50 % ;
- seuls 40 % des chômeurs sont indemnisés dans les DOM
(contre 75 % en métropole), ce qui les fragilise plus encore. Au
chômage, s'ajoute donc la précarité.
•
Les autres collectivités d'outre-mer
En
Nouvelle-Calédonie
, le nombre de demandeurs d'emploi a
augmenté de 7,7 % en 1998. Au premier trimestre 1999, cette
tendance se poursuivait à un rythme annuel de 5,8 %.
En
Polynésie française,
le taux de chômage
atteignait 13,2 % en 1998. Le nombre de demandeurs d'emploi augmente
régulièrement, de l'ordre de 10 % par an depuis trois ans.
A
Wallis et Futuna,
en l'absence de créations d'emplois
liée à l'inexistence de toute activité industrielle, le
taux de chômage est passé de 24 % en 1997 à
40,7 % en juin 1999.
La situation de
Mayotte
est tout aussi inquiétante, même si
le nombre de demandeurs d'emploi a diminué en 1998. 28,4 % de la
population active est à la recherche d'un emploi.
A
Saint-Pierre-et-Miquelon,
le taux de chômage était
d'environ 16 % en mars 1999, mais la situation de l'emploi reste
très difficile à appréhender en raison des importantes
variations saisonnières liées à la pêche et au
bâtiment et travaux publics.
b) ... en dépit de fortes créations d'emplois
Cette
persistance d'un chômage élevé est d'autant plus
préoccupante que les économies ultra-marines créent des
emplois à un rythme soutenu.
Ces créations d'emplois relèvent très largement du
secteur privé
. Ainsi, de 1992 à 1998, les effectifs
salariés du secteur privé ont augmenté de plus de
25 %. En 1998, l'emploi privé a augmenté de 5,5 %.
Evolution des effectifs salariés du secteur privé
|
Guadeloupe |
Martinique |
Guyane |
Réunion |
Total DOM |
1992 |
48.675 |
43.381 |
13.296 |
81.087 |
186.439 |
1993 |
52.136 |
50.988 |
13.176 |
77.196 |
193.496 |
1994 |
53.724 |
50.346 |
14.450 |
82.637 |
201.157 |
1995 |
55.866 |
56.202 |
15.303 |
89.918 |
217.289 |
1996 |
62.324 |
58.378 |
16.352 |
83.925 |
220.979 |
1997 |
63.156 |
55.929 |
16.266 |
86.632 |
221.983 |
1998 |
66.285 |
60.647 |
16.574 |
90.749 |
234.255 |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer.
Une analyse sectorielle montre qu'en 1998, les secteurs les plus fortement
créateurs d'emplois ont été :
- l'industrie et l'hôtellerie en Guadeloupe,
- l'industrie, le BTP et les services en Martinique,
- le tertiaire et l'intérim à la Réunion.
2. L'inquiétante détérioration du climat social
a) L'importance des conflits collectifs du travail
Alors
que la conflictualité a tendance à diminuer progressivement en
métropole, les relations du travail restent largement marquées
par la grève outre-mer.
Ainsi, en 1998, le nombre de journées individuelles non
travaillées a triplé dans les DOM.
Nombre de journées individuelles non travaillées
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Guadeloupe |
NC |
NC |
5.044 |
13.650 |
Guyane |
2.578 |
6.243 |
3.116 |
2.650 |
Martinique |
NC |
3.824 |
2.541 |
22.691 |
Réunion |
20.199 |
19.704 |
3.853 |
4.744 |
Total |
NC |
NC |
14.554 |
43.735 |
Source : IEDOM
Les conflits sociaux apparaissent particulièrement longs et difficiles
dans les DOM, ce qui est d'autant plus dommageable qu'ils se traduisent
fréquemment par la paralysie des économies locales du fait du
blocage des ports et aéroports dans des départements insulaires
ou enclavés.
b) La faiblesse du dialogue social
Cette
forte conflictualité s'explique largement par l'absence de culture de
compromis social et par le choix délibéré de
stratégies de rupture, retenues aussi bien par le patronat, souvent
figé dans une conception archaïque des relations du travail, que
par les syndicats pour qui les revendications professionnelles ne constituent
pas toujours le seul fondement à leur action.
Votre commission estime très préoccupante cette faiblesse du
dialogue social. Elle considère qu'elle ne peut contribuer qu'à
fragiliser plus encore un marché du travail miné par le
sous-emploi.
B. UN HABITAT DÉGRADÉ
La situation du logement outre-mer se caractérise à la fois par l'insuffisance du parc et l'extrême dépendance des populations aux aides personnelles.
1. L'insuffisance du parc de logements existant
a) Une pénurie de logements
L'insuffisance est d'abord quantitative.
L'outre-mer
connaît en effet une véritable pénurie de logements.
Cette pénurie se vérifie par le constat d'une
suroccupation
manifeste du logement
. Alors qu'en métropole le taux d'occupation
(nombre moyen de personnes par logement) est de 2,6, il atteint 3,4 en
Guadeloupe et en Martinique, 3,5 en Guyane, 3,8 à La Réunion et
4,7 à Mayotte. Et la croissance démographique devrait encore
accentuer ce phénomène.
Pour s'en tenir aux seuls DOM et Mayotte, le parc actuel se compose d'environ
470.000 logements, dont 78.000 logements sociaux
4(
*
)
, pour une population de 1,8 million
d'habitants
5(
*
)
.
On estime ainsi à 170.000 le nombre de logements qu'il faudrait
construire
pour parvenir à une situation équivalant à
celle de la métropole et cela sans tenir compte de la croissance
démographique. Cela représente déjà plus de 16 ans
de construction aidée au rythme actuel.
Aussi, votre commission considère que les besoins en logements
sociaux neufs estimés par le Gouvernement sont significativement
sous-évalués.
Le Gouvernement considère qu'une
construction annuelle de 12.500 logements sociaux permettrait de
répondre aux besoins. Pour sa part, votre commission estime que le
rythme de construction devrait être au moins deux fois supérieur
pour assurer la mise à niveau de l'habitat.
Les besoins en logements sociaux neufs évalués par le Gouvernement
|
Guadeloupe |
Martinique |
Guyane |
Réunion |
Mayotte |
Total |
Population 1999 |
421.632 |
381.467 |
157.274 |
705.072 |
131.320 |
1.796.765 |
Besoins annuels en logements sociaux neufs |
2.800 |
2.100 |
1.500 |
4.500 |
1.600 |
12.500 |
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer
b) Un habitat largement insalubre
Mais
l'insuffisance est aussi qualitative.
L'offre de logements est très
largement inadaptée aux besoins des populations d'outre-mer. Cette
inadaptation est d'ailleurs paradoxale : le logement est à la fois
trop cher et largement insalubre.
La pénurie de logements se traduit par une
cherté excessive
des loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du
foncier.
Dans ces conditions, le coût du logement rend
particulièrement délicat l'accès au logement par les
familles du fait de la faiblesse des revenus des ménages :
80 % des ménages ont en effet des ressources inférieures aux
plafonds du logement social. Les familles peuvent alors difficilement se loger
dans le parc privé alors que l'offre de logement social reste restreinte.
Parallèlement, le logement outre-mer est massivement victime
d'insalubrité ou de précarité.
On peut ainsi
évaluer à près de 60.000 le nombre de logements insalubres
à Mayotte
6(
*
)
et dans les DOM, soit
12 % du parc total.
De plus, 30 % du parc sont précaires
ou dépourvus d'éléments de confort.
Votre rapporteur estime tout particulièrement choquant et inacceptable
l'existence de véritables bidonvilles sur le territoire de la
République.
Nombre de logements insalubres
Guadeloupe |
Martinique |
Guyane |
Réunion |
Mayotte |
Total |
18.600 |
11.000 |
6.500 |
7.500 |
15.000 |
58.600 |
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer
2. Une population de plus en plus dépendante des aides personnelles au logement
Dans les
DOM, les aides à la personne sont exclusivement versées sous
forme d'allocations logement à caractère social (ALS) et
d'allocations logement à caractère familial (ALF).
Alors que traditionnellement la politique du logement outre-mer repose sur
une aide à la pierre forte, on assiste à une rapide montée
en charge des aides personnelles.
Entre 1994 et 1998, le nombre de bénéficiaires des aides
personnelles a augmenté chaque année en moyenne de 12 %.
Bénéficiaires de l'allocation logement dans les DOM
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
|||||
|
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
Guadeloupe |
10.478 |
4.232 |
11.371 |
4.596 |
13.345 |
5.683 |
15.147 |
6.565 |
16.193 |
7.280 |
Martinique |
12.060 |
551 |
12.911 |
6.195 |
13.957 |
6.930 |
15.150 |
7.147 |
16.327 |
8.229 |
Guyane |
4.052 |
1.284 |
4.779 |
1.704 |
5.376 |
1.866 |
5.932 |
1.999 |
6.414 |
2.213 |
Réunion |
34.187 |
13.131 |
36.993 |
15.378 |
40.006 |
17.344 |
43.504 |
19.447 |
46.626 |
21.439 |
Total |
60.777 |
19.198 |
66.054 |
27.873 |
72.864 |
31.823 |
79.733 |
35.158 |
85.560 |
39.161 |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer
Parallèlement, entre 1994 et 1998, la croissance annuelle moyenne des
prestations versées a dépassé 16 %.
Coût de l'allocation logement dans les DOM
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
|||||||||||
|
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
ALF |
ALS |
||||||
Guadeloupe |
119.240 |
30.167 |
147.774 |
41.585 |
162.134 |
46.481 |
185.178 |
50.299 |
238.094 |
63.209 |
||||||
Martinique |
137.724 |
41.906 |
151.985 |
51.870 |
165.459 |
57.241 |
185.732 |
60.645 |
232.126 |
73.278 |
||||||
Guyane |
52.086 |
9.944 |
58.864 |
13.681 |
69.464 |
16.645 |
79.540 |
18.687 |
95.708 |
21.480 |
||||||
Réunion |
363.535 |
91.312 |
430.651 |
112.245 |
483.932 |
129.273 |
545.230 |
153.164 |
641.018 |
180.346 |
||||||
Total |
672.585 |
173.329 |
789.274 |
219.381 |
880.989 |
249.640 |
995.680 |
282.795 |
1.206.946 |
338.313 |
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer (en milliers de francs)
C. UNE COHÉSION SOCIALE MENACÉE
Au-delà des difficultés d'accès à l'emploi et au logement, la cohésion sociale apparaît désormais menacée par une forte croissance de l'exclusion que ne parvient plus à maîtriser l'existence des formes traditionnelles de solidarité, notamment familiale, existant outre-mer.
1. La montée en charge régulière du RMI
Les spécificités du RMI outre-mer
L'article 51 de la loi du 1er décembre 1988 a
prévu
l'application aux DOM du RMI "
selon les modalités
particulières d'application... dans le respect des principes mis en
oeuvre en métropole
".
Ces modalités particulières d'application sont au nombre de trois
:
- le montant de l'allocation dans les DOM est inférieur de
20 % au montant métropolitain. Cette différence se
justifiait principalement par le souci de ne pas inciter au travail non
déclaré ou au non-travail ;
- la différence entre les allocations versées dans les DOM
et le montant qu'elles auraient atteint si le barème
métropolitain avait été appliqué correspond
à la créance de proratisation du RMI. Cette créance est
utilisée au financement d'actions d'insertion et au financement du
logement social ;
- la loi du 25 juillet 1994 a institué les agences
départementales d'insertion (ADI) chargées d'assurer l'insertion
des allocataires au RMI.
a) La progression accélérée du nombre d'allocataires du RMI
En juin 1999 7( * ) , on comptait 124.242 allocataires du RMI, soit une progression de 8,8 % sur un an. Cela représente plus de 15 % de la population active contre 3,5 % en métropole.
Nombre d'allocataires du RMI
|
Décembre 1996 |
Décembre 1997 |
Progression 96/97 |
Décembre 1998 |
Progression 97/98 |
Juin 1999 |
Martinique |
24.226 |
24.991 |
+ 3,2 % |
26.563 |
+ 6,3 % |
26.606 |
Guadeloupe |
23.892 |
24.278 |
+ 1,6 % |
26.286 |
+ 8,3 % |
27.112 |
Guyane |
7.674 |
7.910 |
+ 3,1 % |
8.195 |
+ 3,6 % |
8.251 |
Réunion |
50.876 |
54.126 |
+ 6,4 % |
57.778 |
+ 6,7 % |
62.273 |
TOTAL DOM |
106.668 |
111.305 |
+ 4,3 % |
118.822 |
+ 6,8 % |
124.242 |
Source : CNAF
Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle est
désormais plus rapide que celle constatée en métropole et
qu'elle succède à une période de stabilisation du nombre
d'allocataires entre 1990 et 1993.
b) Les difficultés de l'insertion
La croissance du nombre d'allocataires du RMI est également d'autant plus préoccupante qu'elle s'accompagne de fortes difficultés d'insertion.
Le volet " insertion " du RMI
|
1996 |
1997 |
1998 |
Nombre d'allocataires du RMI |
106.668 |
111.305 |
118.822 |
Nombre d'allocataires entrés dans un dispositif d'insertion |
22.113 |
28.086 |
29.156 |
% d'allocataires du RMI entrés dans un dispositif d'insertion |
20,7 % |
25,2 % |
24,5 % |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer
Ces difficultés d'insertion sont de plus en plus évidentes. Alors
que de 1994 à 1997, le taux d'insertion des allocataires du RMI
s'améliore progressivement, parallèlement à la mise en
place des agences départementales d'insertion, l'insertion redevient
désormais plus difficile.
2. Un malaise social exacerbé
Mais
l'effritement de la cohésion sociale dans les DOM ne prend pas seulement
la forme d'une montée de l'exclusion. Elle se caractérise
également par un malaise social de plus en plus perceptible,
témoignant de la dégradation du lien social et se traduisant par
une montée de la violence.
Ainsi, les actes de violence dans les DOM sont en moyenne deux à trois
fois plus fréquentes qu'en métropole.
Taux
de crimes et délits constatés contre les personnes
en 1995
pour 100.000 habitants
|
Homicides |
Coups et |
Menaces |
Atteinte aux moeurs |
||
|
Total |
dont tentatives |
blessures volontaires |
et chantages |
Total |
dont viols |
Guadeloupe |
10,1 |
28,6 |
236 |
76 |
60 |
28,6 |
Guyane |
18,5 |
27,4 |
182 |
75 |
59 |
27,4 |
Martinique |
7,3 |
27,5 |
217 |
79 |
59 |
27,1 |
La Réunion |
6,6 |
31,4 |
184 |
41 |
82 |
31,4 |
Métropole |
4,4 |
2,1 |
123 |
52 |
50 |
12,7 |
Source : ministère de l'intérieur
*
* *
Votre commission observe avec la plus grande inquiétude cette détérioration continue de la situation sociale outre-mer. Elle constate que tous les indicateurs sociaux sont au rouge. Elle estime alors qu'il est de la responsabilité de l'Etat de répondre dans les plus brefs délais à cette situation d'urgence sociale et juge que la question prioritaire reste avant tout celle de l'emploi. Aussi, c'est essentiellement à la lueur de son impact prévisible sur le chômage que votre commission a examiné le projet de budget pour l'outre-mer.
II. UN SIMPLE BUDGET D'ATTENTE, EN DÉCALAGE AVEC LES ENJEUX SOCIAUX ULTRA-MARINS
Face à l'urgence d'une réponse aux enjeux sociaux de l'outre-mer, le budget de l'outre-mer est paradoxalement marqué par l'immobilisme. Les crédits de la politique de l'emploi n'évoluent que très modestement et restent principalement affectés aux aides à l'emploi dans le secteur non marchand. Les crédits relatifs à la politique du logement restent insuffisants pour remettre à niveau un habitat dégradé. Quant à la politique de solidarité, elle reste dans les limbes.
A. L'ORIENTATION INQUIÉTANTE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
1. Des réponses budgétaires inadaptées
a) Un budget prioritairement orienté vers le secteur non marchand
L'effort
budgétaire en faveur de l'emploi consenti pour 2000 est en apparence
important. Ainsi, les crédits du FEDOM augmentent de 16 % pour atteindre
2,1 milliards de francs.
En réalité, cette hausse s'explique par le transfert au
secrétariat d'Etat des crédits relatifs aux contrats emploi
consolidés auparavant inscrits au budget du ministère de l'emploi
et de la solidarité.
Or, ce transfert de crédits représente 291,7 millions de
francs pour un total de 293,7 millions de francs de mesures nouvelles. A
périmètre constant, les crédits du FEDOM sont donc
globalement stables.
Dès lors, le nombre total de " solutions d'insertion "
financées par le FEDOM devrait atteindre 61.000, contre 60.000 en 1999.
Ces solutions d'insertion se répartissent comme suit :
|
Programmation 1999 |
Programmation 2000 |
CES - CEC |
34.000 |
35.000 |
CIA |
15.000 |
15.000 |
CAE |
7.000 |
7.500 |
Emplois-jeunes |
3.500 |
3.000 |
Primes à l'emploi |
500 |
500 |
TOTAL |
60.000 |
61.000 |
Cette programmation ne concerne cependant que les flux d'entrées 8( * ) . Or, le FEDOM a pour vocation de financer les stocks, c'est-à-dire l'ensemble des bénéficiaires de la politique de l'emploi.
Le FEDOM
La loi
du 25 juillet 1994 a créé un fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, appelé
FEDOM. Géré directement par le secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, ce fonds est souple d'utilisation et adapté aux
spécificités économiques et sociales des DOM.
Le comité directeur du FEDOM, composé de parlementaires des
départements d'outre-mer, se prononce sur la répartition des
crédits entre les différentes solutions d'insertion : contrat
d'accès à l'emploi (CAE), contrat d'insertion par l'emploi (CIA),
contrat emploi solidarité (CES), primes à la création
d'emplois ainsi que les emplois-jeunes.
Le contrat d'accès à l'emploi (CAE)
Il est proposé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux
bénéficiaires du RMI, aux travailleurs handicapés et aux
jeunes en grande difficulté. L'employeur privé
bénéficie pour chaque recrutement en contrat à
durée indéterminée ou déterminée d'au moins
12 mois, d'une prime modulable en fonction de l'ancienneté du
chômage de 1.000 à 2.000 francs par mois et de
l'exonération des charges sociales patronales. Ce type de contrat est
réservé au secteur privé.
Le contrat d'insertion par l'activité (CIA)
Ce dispositif consiste à remettre en activité, par
l'exécution de tâches d'utilité sociale, des
bénéficiaires du RMI exclusivement, au moyen d'un
véritable contrat de travail. Les titulaires de CIA ont un employeur
unique, l'agence d'insertion, établissement public créé
dans chaque département, qui les met par voie de convention à la
disposition des collectivités et des associations. Comme pour les CES,
l'activité est exercée à mi-temps. Elle est
rémunérée sur la base du SMIC horaire.
Le contrat d'emploi solidarité (CES)
Ce dispositif est le même qu'en métropole. Il s'agit d'offrir
à des publics en difficulté d'insertion un emploi à
mi-temps, rémunéré au SMIC horaire, pour satisfaire, dans
le secteur associatif ou auprès de collectivités, des besoins
d'utilité collective.
Les primes à la création d'emplois
Elles sont attribuées sur agrément préfectoral aux
entreprises dont l'activité est principalement orientée vers des
débouchés commerciaux à l'extérieur des
départements d'outre-mer et qui augmentent leurs effectifs.
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Aussi, c'est l'affectation des crédits du FEDOM qui permet d'examiner
l'orientation de la politique de l'emploi.
Affectation des crédits du FEDOM
(en millions de francs)
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Evolution en % |
CES - CEC - CRE |
672 |
933 |
n s (1) |
CIA |
179 |
186 |
+ 3,9 % |
CAE |
496 |
354 |
- 28,6 % |
Prime à l'emploi |
15 |
12 |
- 20,0 % |
Emplois-jeunes |
445 |
615 |
+ 38,2 % |
(1)
L'évolution n'est pas
significative car, en 1999, les crédits relatifs aux CEC
n'étaient pas intégrés au FEDOM.
On assiste donc à une nouvelle orientation des crédits
budgétaires, ceux-ci s'orientant prioritairement vers les emplois-jeunes
au détriment des CAE.
Au total, en 2000, les crédits budgétaires consacrés
à l'aide à la création d'emplois dans le secteur marchand
ne s'élèvent qu'à 17,4 % du total des crédits du
FEDOM, contre 28 % en 1999. De la même manière, seules
13 % des " solutions d'insertion " proposées sont des
aides à la création d'emplois dans le secteur marchand.
b) Une politique inadaptée
Cette
nouvelle orientation de la politique de l'emploi, qui s'esquissait
déjà dans le budget pour 1999, ne peut qu'inquiéter votre
commission à un double titre.
•
Les aides à la création d'emplois dans le
secteur marchand ont fait la preuve de leur efficacité
C'est d'abord le cas pour les mesures générales
d'exonération de charges sociales.
Ainsi, afin d'encourager l'emploi par l'abaissement du coût du travail
dans les secteurs les plus exposés à la concurrence
internationale, l'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 a institué des
exonérations sectorielles de charges sociales
. Les
exonérations touchent ainsi les principaux secteurs de production :
agriculture, pêche, industrie, hôtellerie-restauration.
Ce dispositif, entré en vigueur en 1995, permet d'alléger
d'environ 18 % la masse salariale des entreprises éligibles. Au 31
décembre 1998, 4.509 établissements et 43.749
salariés bénéficiaient de ces exonérations. Le
coût total des exonérations de cotisations s'est
élevé à 969 millions de francs en 1997.
L'efficacité de ce dispositif est certaine. Ainsi, le rapport sur
l'application de la loi Perben de juin 1999 estimait que
" les
effectifs totaux des secteurs exonérés ont augmenté entre
1995 et 1997 plus de quatre fois plus vite que ceux des secteurs non
exonérés hors BTP ".
C'est aussi le cas des
contrats d'accès à l'emploi
(CAE).
Ainsi, le rapport sur l'application de la loi Perben de décembre 1997,
publié par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, indiquait
que :
" Le contrat d'accès à l'emploi répond,
pour l'ensemble des secteurs de l'économie des DOM, à la
réalité du marché du travail, tant du point de vue des
employeurs que des demandeurs d'emploi. Il s'avère être un outil
efficace de lutte contre le chômage. La raréfaction relative du
CAE sur la fin de l'année 1997 a gêné les recrutements et
freiné l'activité de l'ANPE "
.
Certes, les contrats d'accès à l'emploi
ont soulevé
des difficultés d'application. D'une part, le coût
budgétaire du dispositif était lourd du fait de la montée
en charge progressive du dispositif. Le CAE permettait à l'employeur de
bénéficier d'une prime de 2.000 francs par mois et de
l'exonération de charges patronales pour chaque recrutement d'une
durée supérieure à 12 mois d'une personne parmi les
publics prioritaires. Pour 16.500 CAE en cours en 1998, le coût
budgétaire total a atteint 667 millions de francs, soit près
de 40 % des dépenses du FEDOM. D'autre part, le CAE était
critiqué car il se traduisait par d'importants effets d'aubaine pour les
employeurs.
C'est pourquoi l'article 28 de la loi n° 98-657 d'orientation du
29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a
recentré les CAE vers les publics les plus en difficulté en
instaurant une modulation de l'aide afin de maîtriser le coût
budgétaire et de limiter les effets d'aubaine. La prime est
désormais, en application du décret du 2 mars 1999,
modulée : 1.000 francs pour les personnes au chômage depuis
plus de 2 ans, 2.000 francs pour les personnes au chômage
depuis plus de trois ans et pour les publics prioritaires (jeunes de moins de
26 ans, allocataires du RMI, handicapés, détenus
libérés...).
Aussi, votre commission ne peut que regretter que ce repositionnement,
qu'elle juge souhaitable, du CAE ne se soit pas traduit par une mobilisation
accrue de ce dispositif.
•
Les interrogations liées aux emplois-jeunes incitent
à les utiliser avec prudence outre-mer
Si les prévisions budgétaires se révèlent exactes,
le nombre d'emplois-jeunes créés devrait être de 10.000
à la fin 2000.
Nombre d'emplois-jeunes au 31 décembre 1998
|
FEDOM |
Éducation nationale |
Intérieur |
TOTAL |
||
|
Emplois créés au 31/12/98 |
Embauches non encore effectuées |
Total postes prévus par convention |
Postes aides éducateurs créés |
Postes adjoints sécurité créés |
GÉNÉRAL |
Guadeloupe |
339 |
84 |
423 |
497 |
23 |
859 |
Guyane |
209 |
80 |
289 |
424 |
10 |
643 |
Martinique |
1.022 |
327 |
1.349 |
598 |
18 |
1.638 |
Réunion |
2.113 |
574 |
2.687 |
1.008 |
38 |
3.159 |
St-Pierre-et-Miquelon |
10 |
6 |
16 |
|
|
10 |
TOTAL |
3.693 |
1.071 |
4.764 |
2.527 |
89 |
6.309 |
Sources : CNASEA.
Les spécificités du dispositif " emplois-jeunes " outre-mer
Le
dispositif " nouveaux services/nouveaux emplois " créé
par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 a été
applicable dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon en même
temps et dans les mêmes conditions qu'en métropole.
Ces emplois doivent répondre à des besoins émergents ou
non satisfaits au moyen de la création d'activités
d'utilité sociale, culturelle, sportive et de proximité. Les
employeurs sont les collectivités locales, les établissements
publics, les associations et les organismes chargés d'une mission de
service public.
Le
financement
en est assuré par le FEDOM, en application du
décret du 29 décembre 1997,
La
répartition par type d'employeurs
pour les embauches
effectuées au 31 décembre 1998 est la suivante :
- les collectivités locales ont recruté à ce jour
32 % de l'effectif total,
- les associations représentent 54 % des emplois
créés,
- les établissements publics représentent 10 % de cet
effectif,
- les mutuelles, syndicats, comités d'entreprises et les personnes
morales chargées de la gestion d'un service public représentent
le solde, soit 4 %.
La part des collectivités locales est moins forte qu'en métropole
où elle représente 41,3 % des emplois-jeunes
créés. Il faut souligner cependant que les conseils
généraux et régionaux, essentiellement en Martinique et
à la Réunion, ont cofinancé de manière importante
les emplois créés par les associations et les communes,
même s'ils ne sont pas employeurs directs.
Les
tâches effectuées
concernent principalement les
secteurs suivants (en pourcentage des emplois créés) :
- la famille, santé solidarité 14,0 %
- le sport 14,5 %
- l'éducation 13,7 %
- la culture 12,0 %
- le logement 13,5 %
- la vie des quartiers 12,0 %
- l'environnement 10,0 %
La part de l'outre-mer dans le nombre total d'emplois-jeunes
créés au 31 décembre 1998 (hors éducation
nationale et intérieure) s'élève à 6,2 % alors que
les DOM ne représentent que 3,62 % de la population nationale de
moins de 25 ans.
Par rapport à la moyenne nationale du nombre d'emplois-jeunes
créés par tranche de 1.000 habitants (1,6), la Martinique et
la Guyane présentent des résultats trois fois supérieurs
à cette moyenne ; la Guadeloupe ses situe un peu au-dessus tandis
que le département de la Réunion enregistre une moyenne cinq fois
supérieure.
Source : Rapport sur l'application de la loi Perben, juin 1994
En dépit d'un démarrage un peu tardif en Guadeloupe, les
emplois-jeunes sont globalement deux fois plus utilisés dans les DOM
qu'en métropole.
Votre commission considère cependant que la priorité
donnée aux emplois-jeunes est particulièrement inadaptée
aux spécificités des DOM.
Elle considère d'abord qu'elle déséquilibre l'ensemble de
la politique de l'emploi dans ces départements,
le coût
budgétaire des emplois-jeunes rendant nécessaire une
révision à la baisse ou une stagnation des autres dispositifs.
Ainsi, comme le remarque M. Bertrand Fragonard
9(
*
)
dans son récent rapport sur la politique de
l'emploi dans les DOM s'agissant des emplois-jeunes,
" il semble que
l'on ait atteint aujourd'hui certaines limites budgétaires ".
La situation est en effet assez paradoxale : le Gouvernement a
diminué le nombre de contrats d'aide à l'emploi, sous
prétexte de leur coût budgétaire, pour créer de
nouveaux emplois-jeunes qui coûtent pourtant plus cher.
De plus, votre commission s'interroge sur la capacité du dispositif
à offrir une réelle formation aux jeunes
, susceptible de leur
permettre d'accéder à un emploi stable à l'issue de leur
contrat.
Et c'est cette fois Mme Eliane Mossé qui le constate dans un autre
rapport au Gouvernement sur le développement économique des
départements d'outre-mer
10(
*
)
,
" on peut s'interroger sur la sortie du dispositif, dans la mesure
où les emplois créés n'entraînent pas le plus
souvent une formation utilisable dans le secteur marchand "
.
Enfin, votre commission observe que, dans les départements d'outre-mer,
42 % des salariés travaillent déjà dans le secteur
public.
Structure de l'emploi salarié dans les DOM
|
REUNION |
GUADELOUPE |
MARTINIQUE |
GUYANE |
DOM |
Secteur privé |
60,5 % |
61,6 % |
56 % |
44 % |
58 % |
Secteur public |
39,5 % |
38,4 % |
44 % |
56 % |
42 % |
Source : INSEE, enquête emploi, mars 1997
Il n'est alors pas souhaitable de développer indéfiniment les
emplois publics, alors que les gisements d'emplois existent dans le secteur
marchand.
Aussi, votre commission considère que la réponse durable au
chômage ne passe pas par des mesures transitoires de traitement social ou
par l'extension infinie du secteur public, mais par un effort de
création d'emplois dans le secteur marchand avec le soutien de l'Etat.
2. Une réorientation indispensable
Votre
commission considère que cette réorientation de la politique de
l'emploi doit se faire dans une double direction :
- la baisse du coût du travail dans le secteur marchand pour
relancer l'activité et créer des emplois,
- l'amélioration de la formation professionnelle des jeunes afin
d'augmenter les qualifications.
a) Recentrer la politique de l'emploi vers la création d'emplois vers le secteur marchand
Votre
commission observe que l'emploi se développe dans les
départements d'outre-mer grâce aux créations d'emplois dans
le secteur privé. Ainsi, en 1998, les effectifs salariés du
secteur privé ont augmenté de 5,5 %.
Dans ces conditions, il importe que la politique de l'emploi accompagne ces
créations d'emplois afin qu'elles atteignent un niveau suffisant pour
absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail.
Dès lors, ce recentrage pourrait prendre les formes suivantes :
- l'amplification des exonérations sectorielles de charges
patronales
Ce dispositif, mis en place par la loi du 25 juillet 1994, a fait la
preuve de son efficacité. Ainsi, les effectifs totaux des secteurs
exonérés ont augmenté de plus de 14 % entre 1995 et 1997.
Or, ce dispositif d'exonérations souffre encore de limites qui entravent
son développement.
Ainsi, seules 70 % des entreprises pouvant prétendre à
l'exonération bénéficient effectivement de celle-ci. Les
refus sont généralement motivés par l'absence d'apurement
de la dette sociale.
De plus, la définition des secteurs éligibles à
l'exonération est sans doute trop restrictive. On pourrait ainsi
envisager de l'étendre au BTP et au commerce.
Il importe donc d'assouplir le dispositif actuel sur ces deux points.
A cet égard, votre commission observe avec satisfaction que
l'article 72 du projet de loi de finances, rattaché aux
crédits de l'outre-mer, proroge ce dispositif jusqu'au
31 décembre 2000 alors qu'il allait être caduc en mars
prochain. Elle y voit le signe d'une pérennisation future de ce
dispositif.
- la redynamisation du CAE
Votre commission ne peut sur ce sujet que partager les recommandations du
rapport Fragonard qui suggère que
" l'enveloppe
budgétaire doit être rééquilibrée à
10.000 embauches par an, et être garantie sur plusieurs
années à ce niveau, afin de permettre à tous les acteurs
locaux de travailler dans la durée, sans à-coup "
.
b) Favoriser la formation professionnelle des jeunes
Alors que le chômage des jeunes s'explique en grande partie par leur qualification insuffisante, on observe un essoufflement préoccupant des formations en alternance qui sont pourtant bien adaptées aux contextes locaux.
Flux
annuel d'utilisation des mesures de formation et d'insertion
concernant les
jeunes
Libellé |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Contrats d'apprentissage |
4.511 |
4.888 |
4.179 |
3.792 |
Contrats de qualification |
1.446 |
1.449 |
1.758 |
1.681 |
Contrats d'adaptation |
118 |
41 |
47 |
52 |
Contrats d'orientation |
74 |
19 |
121 |
357 |
Crédit formation individualisé (1) |
4.082 |
3.146 |
3.426 |
nd |
Stage 16-25 ans (1) |
96 |
13 |
- |
- |
Stage d'accès à l'entreprise |
- |
- |
53 |
3.631 |
Source : Rapport Fragonard et ministère de
l'emploi
et de la solidarité.
Le fléchissement de l'apprentissage est tout particulièrement
inquiétant. Les effectifs entrés en apprentissage ont
diminué de 9,3 % en 1998.
En outre, la disparition du service national obligatoire risque de
fragiliser le service militaire adapté (SMA)
qui offre actuellement
une formation professionnelle aux jeunes et leur assure une insertion
professionnelle souvent très satisfaisante (taux d'insertion
professionnelle de 59 % en 1998).
Or, le projet de budget pour 2000 prévoit une diminution de
400 postes pour un effectif total de 2.465 appelés et
volontaires en 1999. La diminution des places atteint donc 16 % des
effectifs totaux.
Dans ce contexte, votre commission suggère :
- la pérennisation du SMA à effectifs constants, même
s'il est nécessaire de trouver d'autres sources de financement,
- la relance de l'apprentissage.
Sur ce dernier point, votre commission observe que le rapport Fragonard juge
souhaitable
" de porter le nombre d'apprentis de moins de 5.000
actuellement à 8.000, voire 10.000, d'ici trois ans "
.
Elle observe cependant que la réalisation d'un tel objectif impose de
rendre les formations en alternance plus attractives pour les employeurs
locaux. Il serait alors envisageable d'augmenter l'aide de l'Etat à la
formation des apprentis de 12.000 à 20.000 francs par contrat. Elle
constate d'ailleurs que, même avec une telle augmentation, le coût
de l'apprentissage, resterait sensiblement inférieur à celui des
emplois-jeunes tout en assurant une réelle professionnalisation.
B. LES ASPECTS CONTRASTÉS DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
1. Le ralentissement de l'effort budgétaire
a) Une faible progression des crédits de la ligne budgétaire unique
En 2000, les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmenteront de 2,8 % pour atteindre 918 millions de francs , dont près de 58 millions de francs en faveur de la résorption de l'habitat insalubre. La progression avait cependant atteint 58 % en 1999.
Evolution de la LBU
|
LFI 1997 |
LFI 1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Crédits de paiement |
463 |
568,5 |
897,4 |
918 |
Autorisation de programme |
1.150 |
1.096 |
1.096 |
1.100 |
(en millions de francs)
Ces
crédits budgétaires seront abondés par 650 millions de
francs supplémentaires provenant de la créance de proratisation
du RMI.
Les financements sur la LBU concernent l'aide à l'accession, à la
location, ou à l'amélioration.
L'aide à
l'accession
très sociale intervient grâce
au logement évolutif social (LES). L'aide à l'accession sociale
et intermédiaire se concrétise par la mise en oeuvre, d'un
prêt à taux zéro spécifique à l'outre-mer
à quotité 40 % ou 25 %.
L'aide au
logement locatif
s'effectue par le biais du logement locatif
très social (LLTS), du logement locatif social (LLS), ou du logement
locatif intermédiaire. Pour cette dernière catégorie, le
prêt locatif intermédiaire (PLI) a été étendu
dans les DOM.
Enfin, l'aide à
l'amélioration
concerne la
réhabilitation du parc locatif social ou l'amélioration
réalisée par les propriétaires occupants.
Ces aides interviennent, selon les produits, sous forme de subvention, ou de
bonification d'intérêt pour les prêts.
Votre commission observe également que cet effort budgétaire sera
accompagné par la réduction du taux de TVA sur les travaux
d'entretien qui passe de 9,5 % à 2,1 % dans les DOM.
b) Une programmation en retrait par rapport aux besoins
La programmation budgétaire permettra la construction de 11.000 logements et la réhabilitation de 2.400 logements en 2000. En outre, environ 2.200 familles seront aidées dans le cadre d'opérations de résorption de l'habitat insalubre.
Nombre de logements neufs et améliorés financés grâce à l'aide de l'Etat
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 (1) |
Guadeloupe |
2.203 |
2.736 |
2.671 |
2.898 |
2.765 |
2.406 |
3.037 |
3.250 |
Martinique |
2.022 |
2.509 |
2.140 |
2.344 |
2.082 |
2.346 |
2.688 |
2.810 |
Guyane |
1.256 |
1.293 |
865 |
815 |
875 |
1.120 |
1.170 |
1.300 |
Réunion |
3.970 |
4.772 |
5.229 |
4.532 |
4.472 |
4.100 |
3.850 |
4.960 |
Mayotte |
441 |
606 |
1.006 |
993 |
908 |
1.020 |
1.064 |
980 |
Total |
9.892 |
11.916 |
11.911 |
11.582 |
11.372 |
10.992 |
11.809 |
13.300 |
(1)
Prévision
Votre commission observe cependant que cette programmation reste globalement
stable depuis le début des années 1990 et reste insuffisante par
rapport aux besoins, qu'il s'agisse de construction ou de
réhabilitation.
2. Des réformes parallèles qui vont dans le bon sens
Si l'effort budgétaire reste modeste, votre commission constate que le Gouvernement s'est engagé dans une réforme progressive de la politique du logement outre-mer qui correspond très largement aux propositions que votre commission avait formulées l'année passée.
a) Une adaptation des produits aux spécificités de l'outre-mer
La
diversification des produits
de logements offerts aux populations des
DOM, que votre commission avait appelé de ses voeux l'an passé, a
pris plusieurs formes :
- extension du champ d'application de l'aide à
l'amélioration des logements, en autorisant la participation des
familles à la réalisation des travaux ;
- mise au point de la réglementation en matière de logements
en accession différée ;
- recherche d'une meilleure adaptation de la réglementation
technique aux spécificités de l'outre-mer.
L'amélioration de l'habitat
a fait en mars 1999 l'objet d'une
charte pour le développement des PACT
11(
*
)
, qui engagent ces derniers dans la voie d'une
efficacité améliorée, et d'une augmentation en 2000 du
nombre d'opérations de ce type.
Votre commission observe que les PACT ont déjà une action
importante dans les DOM. Entre 1995 et 1997, ils ont permis une
amélioration du logement de près de 15.000 familles. Elle ne peut
alors que s'associer à cette démarche.
En parallèle, une première amélioration des conditions
d'octroi des
aides au logement
aura permis en 1999 une meilleure
solvabilisation des locataires des logements anciens, en particulier
après que ceux-ci auront été réhabilités.
Les logements construits avant le 1
er
janvier 1976
bénéficient maintenant du même barème que les
logements construits avant le 31 décembre 1985 L'intention du
secrétariat à l'outre-mer semble bien atteindre l'unification des
barèmes d'aides au logement, intention que ne peut que partager votre
commission pour laquelle cette disparité des barèmes induit une
évidente complexité et ne repose sur aucun fondement solide.
b) La poursuite de la rénovation de la politique foncière
Après un premier dispositif expérimenté
à la Réunion, un Fonds régional d'aménagement
foncier et urbain (FRAFU) a été doté et mis en place
à la Martinique. Ce fonds, qui associe les ressources de l'Etat à
celles de la région, du département et de l'Europe, permet de
financer des équipements de viabilisation primaire (station
d'épuration, réseaux d'adduction), l'acquisition du foncier,
ainsi que la viabilisation secondaire d'opérations d'urbanisme incluant
des logements sociaux. L'intention du secrétariat à l'outre-mer
est que le FRAFU soit étendu à l'ensemble des DOM et de Mayotte.
Votre commission ne peut qu'appuyer une telle démarche dans les
départements où l'accès au foncier viabilisé reste
à la fois difficile et coûteux. Elle souhaite cependant que ces
FRAFU ne soient pas une simple " coquille vide " et disposent de
moyens financiers en adéquation avec l'ampleur de leur mission.
C. L'IMMOBILISME DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ
1. L'absence de maîtrise du RMI
a) L'évolution de la créance de proratisation du RMI
La
créance, qui correspond à l'écart de 20 % entre le
montant du RMI dans les DOM et celui de métropole, sert à
financer les actions d'insertion des allocataires du RMI et le logement social.
Elle augmentera de 5,7 % en 2000 pour atteindre 862 millions de
francs.
Cette augmentation ne doit pas faire illusion. Elle témoigne simplement
et mécaniquement de la forte croissance du nombre d'allocataires du RMI
et non d'une attention budgétaire accrue.
b) Un dispositif mal maîtrisé
Si la
forte croissance du RMI tient avant tout à la dégradation de la
situation sociale, il n'en reste pas moins que le dispositif est mal
maîtrisé.
Il souffre en effet d'une double imperfection :
- d'abord, l'insertion professionnelle, malgré des progrès
qualitatifs certains depuis la création des ADI et le nombre non
négligeable d'entrées en emploi ou en formation, est très
insuffisante et a tendance à diminuer. Ainsi, en 1998, moins d'un quart
des allocataires a bénéficié d'une action
d'insertion ;
- en outre, le RMI tend de plus en plus à être
considéré comme un revenu minimum de plein droit. Les
contrôles restent insuffisants et ne se traduisent qu'exceptionnellement
par des suspensions ou des radiations. En outre, comme l'observe le rapport
Fragonard,
" l'avis général est qu'une partie importante,
voire une majorité pour certains des bénéficiaires du RMI
exercent une ou plusieurs activités non
déclarées ".
Face à ce double dysfonctionnement, votre commission ne peut que
déplorer les atermoiements relatifs aux agences départementales
d'insertion.
Créées par la loi " Perben " du 25 juillet 1994, ces
agences départementales d'insertion sont un bon exemple du souci
d'adaptation de l'action publique aux spécificités de
l'outre-mer. Elles visent à renforcer et à optimiser les mesures
en faveur des bénéficiaires du RMI en mobilisant les moyens de
l'Etat et du département en matière d'insertion.
Néanmoins, l'action des agences départementales d'insertion
reste, comme votre commission a pu le constater en Guyane, entravée par
leur statut. Initialement, ces agences étaient des établissements
publics nationaux. La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre
les exclusions les a transformés en établissements publics
locaux. Pour autant, toutes les conséquences n'en ont pas
été tirées, ce qui implique une nouvelle modification
législative. Elle fera d'ailleurs l'objet d'une ordonnance en
application de la loi d'habilitation du 25 octobre 1999. Mais on ne peut que
regretter les deux années ainsi perdues par le Gouvernement dans
l'adaptation de leur statut.
2. La nécessaire poursuite de l'égalité sociale
a) Une politique au point mort
La
politique d'égalité sociale vise à réduire
progressivement les disparités en matière de droits sociaux et de
protection sociale qui existent entre les DOM et la métropole.
Consacrée par la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au
développement des DOM, relancée par les propositions des
commissions Rivierez en 1987 et Ripert en 1990, réaffirmée par le
Président de la République en 1995,
la politique
d'égalité sociale est cependant au point mort depuis trois
ans.
•
Les principales étapes de la politique
d'égalité sociale
La loi du 31 juillet 1991
a prévu
l'alignement des
allocations familiales
des DOM sur la métropole, mais a maintenu les
allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations pour
âge correspondantes. L'alignement est effectif depuis le 1
er
juillet 1993.
La loi du 25 juillet 1994
relative à la famille a étendu
aux DOM l'allocation pour garde d'enfants à domicile (AGED) avec
application au 1
er
janvier 1995.
Les décrets n° 95-1202 et n° 95-1203 du 6 novembre
1995
ont aligné
l'allocation de soutien familial
(ASF)
et
la prime de déménagement
sur les montants
métropolitains à compter du 1
er
septembre 1995.
Au 1
er
janvier,
l'alignement complet du SMIC
des DOM sur le
niveau
métropolitain a été réalisé.
L'écart existant a été comblé par deux
revalorisations successives : une au 1
er
juillet 1995, une au
1
er
janvier 1996.
Enfin,
la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant diverses
dispositions relatives à l'outre-mer
a permis d'étendre aux
DOM, dans les mêmes conditions qu'en métropole,
l'allocation
pour jeune enfant
(AJE) et
l'allocation parentale d'éducation
(APE).
Le coût de l'alignement des prestations familiales a
représenté environ 600 millions de francs.
•
Les entorses existantes au principe d'égalité
sociale
A l'heure actuelle, quatre prestations sociales restent moins favorables dans
les DOM qu'en métropole.
Il s'agit :
- du
RMI
, qui est inférieur de 20 % ;
- de
l'allocation de parent isolé
(API). Il s'agit d'un
revenu minimum garanti dont le montant est de 3.220 francs par mois avec
1.073 francs supplémentaires par enfant à charge. Dans les
DOM, le montant n'est que de 1.810 francs par mois avec 603 francs par enfant
à charge ;
- du
complément familial
(CF). Son montant est de 889 francs
en métropole contre 508 francs seulement dans les DOM ;
- de
l'aide personnalisée au logement
(APL) qui n'existe pas
dans les DOM.
Votre commission s'était prononcée l'an passé en faveur
d'un alignement de l'API et du complément familial.
b) La délicate question de l'alignement du RMI
Aujourd'hui, la question de l'égalité sociale
tend
à se cristalliser autour de celle de l'alignement du RMI.
Votre commission estime qu'il faut avancer avec prudence sur ce point,
même s'il répond au souci d'approfondissement de la politique
d'égalité sociale à laquelle votre commission est tout
particulièrement attachée.
On présente généralement deux inconvénients majeurs
à un tel alignement.
D'une part, il signifierait la disparition de la créance de
proratisation du RMI, censée justement compenser cet écart entre
le RMI des départements d'outre-mer et le RMI métropolitain. Il
faudrait alors dégager l'équivalent de 862 millions de
francs, soit plus de 13 % du budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer pour pouvoir maintenir le même financement des actions
d'insertion et de la politique du logement.
D'autre part, en rapprochant le niveau du RMI de celui du SMIC, une telle
mesure aurait pour conséquence le risque d'accroître la
désincitation au travail et de développer le travail
illégal. Une étude menée à la Réunion en
1995 a évalué à 27.000 le nombre de personnes
concernées par le travail illégal pour une population active de
175.000 personnes. D'autres enquêtes laissent supposer que l'emploi
illégal est plus développé encore aux Antilles et en
Guyane.
Ces arguments sont en partie fondés, mais ne peuvent justifier
à eux seuls le refus d'un alignement. Celui-ci doit intervenir pour des
raisons d'équité, mais doit être progressif pour
éviter de possibles effets pervers.
Aussi, votre commission estime qu'il importe au préalable de
repositionner le RMI, d'accroître son efficacité en matière
d'insertion avant de l'aligner sur le RMI métropolitain. Le rapport
Fragonard observe ainsi
" qu'un alignement prématuré,
sans que le RMI ait été au préalable maîtrisé
et recentré sur des politiques d'insertion plus effectives, serait une
erreur économique et sociale, dont les effets pervers seraient lourds et
durables sur l'économie, aggravant les phénomènes
d'assistance et de travail informel ".
Ce risque ne doit pas
être surévalué, mais ne doit pas être non plus
négligé.
Cet effort de repositionnement du RMI dans les départements d'outre-mer
pourrait notamment prendre la forme de ce que le rapport Fragonard nomme une
" allocation de revenu d'activité " (ARA) pour les
allocataires du RMI qui opteraient pour le statut de travailleurs occasionnel.
Cette allocation, d'un montant de 1.000 francs par mois pendant une
durée de deux ans renouvelable, se substituerait au RMI et s'ajouterait
aux revenus d'activité. Une telle mesure aurait ainsi l'avantage non de
favoriser l'assistance, mais d'organiser le retour à l'activité
des bénéficiaires du RMI.
*
* *
Votre
commission considère que ce budget est avant tout un budget d'attente.
Or, la situation de l'outre-mer est actuellement si préoccupante qu'elle
ne peut supporter une année d'inaction avant l'adoption de la future loi
d'orientation.
Elle estime en outre que l'orientation de la politique de l'emploi est tout
particulièrement inquiétante.
Pour ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits de l'outre-mer (aspects sociaux). Elle a
en revanche émis un avis favorable à l'adoption de l'article 72
du projet de loi de finances rattaché aux crédits de
l'outre-mer.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Art.
72
(art. 4 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à
favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans
les départements d'outre-mer,
à Saint-Pierre-et-Miquelon et
à Mayotte)
Prorogation du régime d'exonération
des charges patronales dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
L'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 a mis en place un
dispositif d'exonération de charges sociales dans les DOM et à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les exonérations sectorielles de cotisations sociales ont pour but
l'abaissement du coût du travail dans les secteurs opposés
à la concurrence. Ces exonérations de cotisations patronales sont
plafonnées à un salaire équivalant au SMIC et concernent
les entreprises privées des secteurs suivants : l'agriculture et la
pêche, l'industrie, l'hôtellerie-restauration, la presse et de la
production audiovisuelle.
La réduction du coût du travail pour les secteurs
concernés, par rapport aux entreprises de la métropole, est
égal à 23,6 % pour un salaire équivalant au SMIC,
soit une aide moyenne de 1.846 francs par mois et par salarié.
L'effet global de cette réduction représente 18 % de
l'ensemble de la masse salariale des entreprises bénéficiant
effectivement de ces exonérations. Cette mesure apporte donc aux
entreprises une amélioration très importante de leur
compétitivité.
Fin 1998, près de 20 % des effectifs salariés du secteur
privé étaient concernés par cette exonération de
charges.
Or, l'article 4 de la loi du 25 juillet 1994 prévoit que ce
régime n'est applicable que pendant 5 ans à compter de la date de
publication du décret d'application nécessaire à sa mise
en oeuvre. Le décret ayant été publié le
1
er
mars 1995, ce régime prend fin le 1
er
mars 2000.
Le présent article vise donc à la proroger jusqu'au 31
décembre 2000.
Considérant que ce dispositif a fait la preuve de son efficacité
et que cette prorogation préfigure son maintien ultérieur, votre
commission ne peut être que favorable à cet article. Elle observe
cependant que la date du 31 décembre 2000 est peut-être un
peu trop proche, l'état actuel du calendrier parlementaire ne
garantissant pas le vote de la loi d'orientation d'ici cette date.
Votre commission a néanmoins émis un avis favorable à
l'adoption de cet article.
ANNEXE 1
-
COMMUNICATION SUR LA MISSION D'INFORMATION
DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES EN GUYANE
Le
mercredi 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau,
président, la commission a entendu une
communication
de son
président sur la
mission d'information de la commission en Guyane
.
A titre liminaire,
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé
qu'une délégation de la commission avait effectué, du 23
au 30 juillet dernier, une mission d'information en Guyane, afin de dresser un
bilan de la situation sanitaire et sociale de ce département. Il a
précisé que le rapport d'information devrait être
publié au début du mois de janvier prochain, mais qu'il avait
jugé utile de faire un bref compte rendu de cette mission avant que la
commission n'examine le budget de l'outre-mer le mercredi 10 novembre prochain.
Revenant sur l'objectif de la mission, il a précisé qu'elle
s'inscrivait dans le cadre de la préparation de l'examen, par le
Parlement, du projet de loi d'orientation sur les départements
d'outre-mer annoncé par le Gouvernement. Il a indiqué à ce
propos que la commission ne manquerait pas de se saisir pour avis de ce texte,
rappelant qu'elle avait toujours été très attentive
à la situation de l'outre-mer, où les difficultés sociales
sont tout particulièrement exacerbées.
M. Jean Delaneau, président,
a souligné qu'au terme d'un
programme de travail particulièrement dense et varié, la
délégation était en mesure de dresser un état des
lieux de la situation sanitaire et sociale de la Guyane. Il a ainsi
observé qu'en dépit de nombreux atouts, la Guyane connaissait
actuellement une crise de développement tout particulièrement
sensible sur le plan sanitaire et social.
Abordant la question démographique, il a insisté sur la
croissance particulièrement rapide de la population. Il a
constaté que le dernier recensement évaluait la population
à 157.000 personnes, soit une croissance de 37 % entre 1990 et
1999. Mais il a précisé que beaucoup des interlocuteurs de la
délégation avaient estimé ce chiffre à
200.000 habitants. Il a rappelé que, pendant trois siècles
et jusqu'en 1946, la population guyanaise avait stagné autour de 25.000
habitants.
Il a observé que deux causes principales étaient à
l'origine de cette augmentation : une forte natalité et une
immigration très importante, la population immigrée atteignant
70.000 personnes, soit près de 40 % de la population.
Mais il a également insisté sur les deux particularités de
cette population, à savoir sa jeunesse, 45 % des habitants ayant
moins de 20 ans, et sa diversité ethnique.
Sur le plan sanitaire,
M. Jean Delaneau, président,
a
estimé que la situation était préoccupante comme en
témoignaient certains indicateurs : un taux de mortalité
périnatale qui atteint 26 , la persistance du paludisme, la
propagation du virus du Sida, les ravages de la toxicomanie, les menaces pesant
sur la chaîne alimentaire.
Sur le plan de l'emploi et de l'insertion, il a rappelé que le
chômage touchait 13.000 personnes, soit environ le quart de la population
active. Constatant qu'il faudrait créer 25.000 emplois d'ici 2006 pour
seulement stabiliser le taux de chômage du fait des évolutions
démographiques, et observant que le nombre d'emplois avait
diminué en 1998, il s'est inquiété du risque d'une
dégradation de la situation de l'emploi. Il a également
insisté sur la structure particulière de l'emploi dans ce
département, où 56 % des emplois salariés
relèvent du secteur public.
Il a jugé d'autant plus inquiétante la situation de l'emploi que
le niveau de formation était faible. A cet égard, il a
indiqué que 60 % des demandeurs d'emploi avaient un niveau de
formation inférieur ou égal au niveau V bis.
Observant une croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion
(RMI), il a souligné que celui-ci concernait directement ou
indirectement 10 % de la population du département.
Face à ce constat d'une situation sanitaire et sociale très
dégradée,
M. Jean Delaneau, président,
a
estimé que l'action publique restait très en retrait.
Il a ainsi observé que les structures sanitaires locales étaient
saturées du fait d'un nombre insuffisant de lits et de personnels
médicaux.
Il a également estimé que les résultats de la politique
d'insertion étaient faibles. Soulignant l'absence de formation en
alternance, il a indiqué que l'organisation du service public de
l'emploi connaissait un certain retard avec l'absence de mission locale et
d'entreprises d'insertion. Il s'est étonné de l'orientation de la
politique de l'emploi dans ce département où l'on demande aux
entreprises d'embaucher des personnes non qualifiées et où le
secteur public et parapublic se réserve les personnes les plus
qualifiées, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes.
Au regard de ce bilan qu'il a qualifié de sombre,
M. Jean Delaneau,
président,
a considéré que la mission d'information
avait d'ores et déjà permis de dégager deux enseignements
principaux.
En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de mettre
en oeuvre un plan de rattrapage pour la Guyane, notamment en matière
sanitaire et sociale. Il a indiqué que ce plan devait avoir trois
objectifs prioritaires : mise à niveau de certaines infrastructures
car il existe toujours des communes sans eau potable, électricité
et téléphone, mise à niveau des structures sanitaires par
une augmentation des moyens matériels et humains, effort très
important en matière de formation face au risque d'une explosion du
chômage.
En second lieu, il a estimé nécessaire d'adapter la
réglementation applicable en Guyane aux spécificités
locales pour pouvoir résoudre les problèmes avec souplesse. Il a
jugé qu'une application automatique des normes métropolitaines ne
pouvait apporter des réponses efficaces et pouvait même avoir des
effets pervers.
A cet égard, il a cité quatre exemples d'inadaptation des normes
métropolitaines dans le domaine de la santé : le
non-remboursement des anti-paludéens qui sont considérés
comme des " médicaments de confort " en métropole, le
regroupement des activités de maternité alors que, dans certains
cas, il est préférable de garder cette activité dans les
centres de santé, l'application de la couverture maladie universelle
dans un département où plus de 20 % de la population
relève de l'aide médicale, le passage aux 35 heures dans le
secteur sanitaire et social où il existe des difficultés de
recrutement alors que les aides financières ne prennent pas en
considération les spécificités des DOM.
Il a alors proposé d'inscrire, dans le budget du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer, les crédits relatifs à l'action
sanitaire et sociale, figurant pour l'instant au budget du ministère de
l'emploi et de la solidarité. Il a observé que cette
opération permettrait une plus grande adaptation des politiques
publiques aux besoins, soulignant qu'un tel transfert avait déjà
eu lieu en matière d'emploi et de logement.
M. Alain Gournac
a déclaré partager le souci d'adaptation
de la réglementation. Il a cité l'exemple du statut de
l'hôpital de Saint Laurent du Maroni, où plus de la moitié
des naissances étaient le fait de mères étrangères.
Il a alors proposé de doter l'hôpital d'un statut international
pour prendre en compte cette spécificité. De la même
manière, il a souligné l'inadaptation des règles de
remboursement des médicaments.
M. Philippe Nogrix
a estimé que l'on avait sans doute
péché par orgueil en voulant faire de la Guyane l'image de la
métropole. Il a rappelé les spécificités de ce
département, plus proche du continent sud-américain que des
Caraïbes avec lesquelles il est trop souvent assimilé.
Il a observé que la situation guyanaise exigeait la mise en place de
structures de formation de base, notamment en matière de lutte contre
l'illettrisme. Il a indiqué que l'expérience des H'mongs prouvait
qu'une politique ambitieuse de développement pouvait réussir.
Il s'est néanmoins inquiété des conséquences de la
politique actuelle, estimant que les aides budgétaires à la
personne, et notamment le RMI, risquaient de pousser les Guyanais à
perdre leurs traditions.
En conclusion,
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué
qu'il souhaitait que chaque membre de la délégation puisse lui
adresser ses observations pour la préparation du rapport d'information.
Il a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de
prendre en compte les spécificités guyanaises, et notamment
l'appartenance au continent amérindien, pour l'application des
politiques publiques.
ANNEXE 2
-
RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DES
RAPPORTS MOSSÉ ET FRAGONARD SUR LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
1. Le
rapport Mossé
Par lettre de mission du 30 janvier 1998, M. Jean-Jack Queyranne a
chargé Mme Eliane Mossé d'une étude devant
déboucher sur des propositions opérationnelles en termes de
développement économique et de politique de l'emploi.
Le rapport de Mme Mossé a été publié en
février 1999.
Il aborde la question du développement économique selon une
problématique très large, dépassant le strict cadre de la
politique de l'emploi, puisqu'il traite de thèmes aussi divers que la
défiscalisation, la surrémunération des fonctionnaires, la
connaissance statistique des réalités économiques et
sociales des départements d'outre-mer, la gestion des fonds
européens.
S'agissant de la politique de l'emploi, le rapport Mossé
préconise :
-
un regroupement au sein du FEDOM de l'ensemble des fonds
consacrés à la politique de l'emploi et gérés
actuellement par le ministère de l'emploi et de la
solidarité ;
- la simplification des mesures d'aide à l'emploi avec la
création de deux contrats aidés, l'un pour le secteur marchand et
l'autre pour le secteur non marchand, qui remplaceraient tous les contrats
existants ;
- la pérennisation des exonérations sectorielles
bénéficiant à l'hôtellerie-restauration, à
l'agriculture, à la pêche, à l'industrie, aux secteurs de
la presse et de l'audiovisuel, instituées par la loi du 25 juillet
1994 ;
- le renforcement des aides à l'apprentissage de même que le
développement des formations d'apprentis comportant une phase de
mobilité en métropole ou à l'étranger.
- une politique active de l'Etat visant à améliorer le
dialogue social dans les départements d'outre-mer et réduire la
conflictualité des relations du travail ;
- la majoration pour les départements d'outre-mer des aides
prévues en matière de réduction du temps de travail.
2. Le rapport Fragonard
Afin d'approfondir ces pistes et d'élargir la réflexion aux modes
d'activation des dépenses passives liées au chômage, M.
Jean-Jack Queyranne a chargé M. Bertrand Fragonard,
conseiller-maître à la cour des comptes, d'établir un
rapport comportant des propositions législatives et
réglementaires de nature à permettre une inversion de la courbe
du chômage dans les départements d'outre-mer.
Les principaux axes de ce rapport, publié en juillet 1999, sont les
suivants :
Un processus volontaire de créations d'emplois pour les jeunes
S'insèrent dans ce cadre la création d'un congé
solidarité pour les salariés de plus de 52 ans lié
à une obligation d'embauche de jeunes de moins de 30 ans et le
contrat initiative jeune
(CIJ), destiné à encourager la
mobilité et la création d'entreprise. L'aide de l'Etat
prévue dans le cadre du CIJ est de 2.000 F par mois pendant deux ans.
Favoriser la création d'emplois privés par
l'allégement du coût du travail, la dynamisation de la
création d'entreprise et la simplification des formalités
administratives
- le rapport Fragonard propose de
pérenniser les
exonérations instituées par la loi du 25 juillet 1994
et
bénéficiant aux secteurs de l'agriculture, de la pêche, de
l'industrie, de l'hôtellerie-restauration, de la presse et de
l'audiovisuel, mais également
d'exonérer les entreprises de
moins de 11 salariés des charges patronales de sécurité
sociale pour la totalité de leur effectif, quel que soit le secteur
auquel elles appartiennent.
Grâce à ces deux dispositifs, presque un salarié sur deux
du secteur privé des départements d'outre-mer serait
concerné par l'exonération des charges de sécurité
sociale.
Ceux-ci seraient complétés par un dispositif d'allégement
conséquent des charges sociales pour les travailleurs
indépendants.
- les allocataires du RMI et les jeunes, créateurs d'entreprises,
bénéficieraient d'une aide financière pour démarrer
leur activité ;
- pour éliminer les freins administratifs à l'embauche, il
est proposé la création du titre de travail simplifié
(TTS) pour les salariés occasionnels, dont le fonctionnement serait
analogue à celui du chèque emploi-service.
Organiser le retour à l'activité des allocataires du RMI et
concentrer les efforts d'insertion sur les plus jeunes
- création d'une allocation de revenu d'activité
(ARA)
pour les allocataires du RMI qui opteraient pour le statut de travailleur
occasionnel (TTS) ou de créateur d'entreprise.
- permettre aux allocataires âgés de plus de 50 ans d'opter
pour le congé solidarité à 50 ans, assorti d'une
allocation de 2.500 F par mois.
- augmenter le nombre de solutions d'insertion :
•
les contrats d'accès à l'emploi passeraient de 7.000
à 10.000 par an
et seraient réservés aux
bénéficiaires de minima sociaux et aux jeunes en
difficulté ;
• Le nombre de CIA serait doublé ; la durée
hebdomadaire de travail de ce contrat serait portée de 20 à 30
heures ;
- les
conditions d'instruction et de contrôle du dispositif RMI
seraient revues dans le sens d'une plus grande efficacité.
Instaurer une solidarité pour l'emploi en mettant à
contribution les ménages et les fonctionnaires
- la réfaction d'impôt sur le revenu dont
bénéficient les contribuables domiens ne serait plus automatique,
mais conditionnée par des dépenses génératrices
d'emploi ou liées à la mobilité des jeunes ;
- le coefficient de majoration des salaires des fonctionnaires serait
ramené à 1,35 à la Réunion (1,53 actuellement) et
à 1,33 pour les Antilles-Guyane.
En contrepartie, l'indemnité de résidence (au taux de 3 %)
et l'allocation logement seraient instituées au bénéficie
des fonctionnaires domiens.
Les sommes ainsi dégagées seraient réaffectées sur
place en emplois publics ou en investissements.
Améliorer la gestion de la commande publique, dynamiser l'action de
l'Etat et des chambres consulaires et assainir la gestion des
collectivités territoriales
Assurer le suivi et l'évaluation dans la transparence
Il est proposé la création d'une commission ad hoc,
indépendante, qui aurait pour mission majeure de suivre l'application de
la loi d'orientation.
1
La mission, présidée par
M.
Jean Delaneau, était composée de MM. Jacques Bimbenet, Louis
Boyer, Bernard Cazeau, Guy Fischer, Francis Giraud, Alain Gournac, Philippe
Nogrix et de votre rapporteur (voir en annexe 1).
2
Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire
d'Etat à l'outre-mer, le 1
er
décembre 1998 au
Sénat.
3
En 1999, les crédits inscrits au titre du ministère
de l'emploi et de la solidarité et affectés à l'outre-mer
étaient supérieurs aux crédits du secrétariat
d'Etat.
4
Rapport du CREDOC, " L'occupation des logements
sociaux ", octobre 1997
5
Recensement de 1999.
6
La situation est particulièrement inquiétante
à Mayotte où la quasi-totalité du parc peut être
considérée comme insalubre.
7
Les chiffres de juin 1999, issus des CAF, sont des
premières estimations et ne sont pas consolidés.
8
Le raisonnement en flux est d'autant moins significatif que
la durée moyenne des actions a tendance à diminuer. Ainsi, la
durée moyenne d'un CES est passée de 6,5 mois en 1997
à 5,5 mois en 1998.
9
" Les départements d'outre mer : un pacte
pour l'emploi ", rapport à M. le secrétaire d'Etat
chargé de l'outre-mer rédigé par M. Bernard
Fragonard, juillet 1999.
10
" Quel développement économique pour les
DOM ? ", rapport de Mme Eliane Mossé, février 1999.
11
Associations engagées dans le programme
Protection-Amélioration-Conservation, Transformation (PACT) de
l'habitat.