CHAPITRE II -
LE SECTEUR POSTAL : UN ENJEU
SOUS-ESTIMÉ,
UN DÉBAT CONFISQUÉ
Votre commission pour avis avait dénoncé, l'an passé, le manque d'ambition du contrat de plan 1998/2001, qui témoignait, à son sens, d'une grave erreur d'analyse quant à la rapidité des mutations postales en Europe et dans le monde. L'année écoulée n'est pas faite pour dissiper ses craintes, bien au contraire, puisque la transposition de la directive postale européenne, qui aurait dû fournir l'opportunité d'un grand débat sur l'avenir de La Poste , fait malheureusement figure de deuxième occasion manquée.
I. LA POSTE : DES ÉVOLUTIONS TIMIDES
A. UNE ACTIVITÉ EN LÉGÈRE PROGRESSION
1. Un chiffre d'affaires courrier, colis et logistique en hausse de 4,4 %
Le
chiffre d'affaires global pour 1998 s'est élevé à
93,4 milliards de francs, en hausse de 4 %.
Le courrier, les colis et la logistique ont généré un
chiffre d'affaires de 71,3 milliards de francs, en hausse de 4,4 %.
a) Le courrier " tiré " par la Coupe du Monde et la publicité adressée
Les
produits spécialement créés autour du thème de la
Coupe du Monde de Football ont rencontré un succès certain qui
explique en partie la
progression de 1,1 % au total
(+2,5 %
pour le courrier grand public) ;
du chiffre d'affaires du courrier
(61,4 milliards de francs)
. Le marché publicitaire a
confirmé son caractère porteur.
Le chiffre d'affaires des grands comptes nationaux et routeurs pour les
produits en tarif général connaît une progression de
2,1 % par rapport à 1997, montrant ainsi une bonne
résistance des produits courrier à la substitution technologique
(fax, messagerie électronique, ...) et à la rationalisation de
leurs dépenses courrier par les clients publics et les grands facturiers.
La publicité non adressée (Postcontact), qui avait une croissance
supérieure à 10 % jusqu'en 1995, entre dans une phase
d'augmentation moins rapide liée à une certaine maturité
du marché.
La progression est de +1,3 % en 1998, ce qui permet d'atteindre un chiffre
d'affaires de 1,6 milliards de francs.
En revanche, la publicité adressée (Postimpact et Catalogues),
après avoir connu un ralentissement de croissance entre 1990 et 1997 (de
7 % à 2 %), connaît un regain d'intérêt et
enregistré en 1998 une croissance de 7,5 % par rapport à
1997. Le chiffre d'affaires est donc de 8,9 milliards de francs.
Cette inversion de tendance est significative des évolutions attendues
pour les prochaines années. Le marketing direct adressé,
média cible des stratégies de fidélisation des annonceurs,
devrait en effet constituer le moteur de croissance du courrier. Ainsi, si La
Poste table sur une croissance moyenne du chiffre d'affaires courrier d'environ
2,2 % sur la période 1998-2002 (à conditions
inchangées), elle s'attend à ce que cette croissance provienne
essentiellement du courrier publicitaire adressé, qui devrait
croître à un taux moyen de 5 % par an.
Le chiffre d'affaires de la presse (recettes des affranchissement hors
contribution de l'Etat) en 1998 s'élève à
2,6 milliards de francs, soit une progression de +6,8 %
(+300 millions de francs) par rapport à fin
décembre 1997.
Dans le contexte d'internationalisation des économies. La Poste a vu le
portefeuille de ses clients étrangers s'étoffer. Aussi, le
chiffre d'affaires international (plus de 4 milliards de francs),
continue-t-il de présenter une forte croissance (+9 %). Elle s'est
dotée de deux centres de traitements spécialisés à
cet effet.
L'activité courrier se répartit de la façon suivante entre
les différents produits et les différents clients de La
Poste :
RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES COURRIER DE LA POSTE
ENTRE LES DIFFÉRENTS CLIENTS DE LA POSTE
La
concentration du chiffre d'affaires du courrier sur quelques grandes
entreprises, et sur les professionnels en général, est frappante,
le grand public ne générant que 13 % du chiffre d'affaires
du courrier.
Sur les 24,7 milliards d'objets transportés en 1998 par la
Poste
2(
*
)
, la publicité
arrive en tête, devant les correspondances :
TYPES
D'OBJETS TRANSPORTÉS POUR L'ACTIVITÉ DU COURRIER
3(
*
)
Les délais d'acheminement postaux ne se sont pas améliorés. Les résultats mesurés par la SOFRES montrent même une détérioration de l'indicateur d'arrivée des lettres en j+1 , qui amène à s'interroger sur le respect des objectifs fixés par le contrat de plan, comme l'indique le tableau ci-après :
MESURE DE LA QUALITÉ DU SERVICE COURRIER
|
SOURCE |
1996 |
1997 |
1998 |
Objectif 2001 |
Lettre en j+1 |
SOFRES |
76,3 % |
77,2 % |
76,4 % |
84 % |
Lettre au-delà de j+2 |
SOFRES |
6,4 % |
6,4 % |
6,3 % |
<2 % |
Postimpact j+7 |
mesure interne |
93,1 % |
95,1 % |
95,1% |
97 % |
Source : La Poste
b) Les colis et la logistique : au total 102 milliards de francs de chiffre d'affaires
Dans un secteur d'activité extrêmement concurrentiel, La Poste a poursuivi en 1998 le développement de son offre de services dans le domaine du colis et de la logistique. La nécessaire adaptation aux besoins du marché a porté des fruits en termes de ventes, tant sur le segment de Dilipack, monocolis rapide d'entreprise à entreprise, que sur l'activité Coliposte, colis à destination des particuliers. Grâce à la montée en charge de trois réseaux dédiés aux différents segments du colis (colis entreprises, vente par correspondance et grand public), l'offre de La Poste cherche à se conformer aux standards de qualité du marché , notamment pour ce qui concerne les délais de livraison et le suivi informatique centralisé des colis. Ceci est d'autant plus nécessaire que, comme le montre le graphique suivant : plus du tiers du chiffre d'affaires et plus de 60 % des envois de l'activité colis/logistique sont réalisés avec une poignée de clients de la vente par correspondance :
LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE L'ACTIVITÉ COLIS - LOGISTIQUE
(en % du chiffre d'affaires)
* Business to business " : entreprise à entreprise
Source : La Poste
2. Les services financiers : une croissance de 2,7 % et le troisième niveau d'encours en France
En 1998,
les produits des clientèles financières (21,4 milliards de
francs) sont en hausse de 2,7 % par rapport à 1997.
Le tableau suivant résume les différentes composantes de ce
produit et fournit de surcroît les prévisions de l'Etat
prévisionnel des recettes et de dépenses (EPRD) pour
1999 :
En millions de francs |
1996 |
1997 |
1998 |
EPRD 1999 |
Rémunération sur les fonds des CCP |
7 796 |
7 884 |
7 915 |
7 805 |
Rémunération de l'épargne et des placements |
8 304 |
9 043 |
9 484 |
9 837 |
dont rémunération des livrets A et B |
4 298 |
4 278 |
4 444 |
4 460 |
dont autres produits d'épargne 4( * ) |
4 006 |
4 765 |
5 040 |
5 377 |
Autres produits |
4 064 |
3 976 |
4 066 |
3 856 |
dont services rendus à l'Etat |
1 212 |
981 |
902 |
600 |
dont droits et commissions |
2 852 |
2 995 |
3 164 |
3 256 |
Produits des Services financiers |
20 164 |
20 903 |
21 465 |
21 498 |
Rappelons que le taux de rémunération de La
Poste par
l'Etat pour la collecte des fonds et la tenue des comptes chèques
postaux s'est élevé à 5,8 % en 1995 puis à
4,75 % en 1996, 1997 et 1998.
Conformément au contrat de plan, la gestion financières des
avoirs créditeurs des titulaires de CCP doit être
transférée en 5 ans (de 1999 à 2004) à La
Poste, les fonds restant transitoirement à la disposition du
Trésor étant rémunérés selon le
régime antérieur.
Votre rapporteur pour avis souhaite savoir quand ce transfert aura
réellement lieu.
Quant à la rémunération de La Poste au titre de la
collecte des fonds des livrets A et B, le contrat de plan a reconduit le taux
de 1,5 % servi par la Caisse des dépôts et consignations
à l'opérateur postal. Le produit pour la Poste n'évolue
donc qu'en fonction des encours moyens.
C'est donc la rémunération des autres produits d'épargne
qui a le plus augmenté (+5,8 %) entre 1997 et 1998.
Les 1.079 milliards de francs d'encours de La Poste en font le
troisième réseau financier français par le volume. En
1998, La Poste, qui gère 44 millions de comptes, a accru ses
encours de 64 milliards de francs, soit 10 % des flux de placements
des ménages.
La Poste détient notamment 18 % du marché français du
livret Jeunes, 22 % de part de marché pour le livret
d'épargne populaire, 10 % de l'épargne-logement.
Les encours gérés par La Poste se décomposent de la
façon suivante :
COMPOSITION DES ENCOURS GÉRÉS PAR LA POSTE
La
collecte en matière d'épargne-logement en 1998 a
dépassé 13 milliards de francs et les encours ont atteint
124,8 milliards de francs, soit une progression de 16,4 % par rapport
à 1997, près du double de celle du marché (+8,4 %).
La Poste se rapproche ainsi des 10 % de part de marché sur ce
segment.
L'épargne des ménages, ainsi orientée, accroît par
conséquence le potentiel en matière de crédit immobilier.
Pour l'assurance-vie, La Poste a réalisé une collecte nette de
23,7 milliards de francs en 1998, et atteint un niveau d'encours de
260 milliards de francs, en progression de 15,3 %. Toutefois, le
marché de l'assurance vie, tous réseaux confondus, a connu une
certaine contraction en 1998, qui se traduit par une légère
baisse des produits de La Poste (-1 %). Les modifications du régime
fiscal de ces placements ont entraîné des sorties importantes.
Dans ce contexte, les contrats " DSK " ont
généré plus de transformations d'anciens contrats que
d'affaires nouvelles.
Malgré un tassement de la croissance du livret d'épargne
populaire, les encours de La Poste ont atteint plus de 53 milliards de
francs, soit une progression de 18 %, supérieure à celle du
marché (+14 %).
Les ouvertures de Livrets jeunes, dont le niveau de rémunération
servi aux clients est désormais libre, permettent d'atteindre
5,7 milliards de francs d'encours, soit une progression de 11,8 %.
Après cinq années de décollecte massive, le mouvement de
retrait sur les OPCVM
5(
*
)
s'est
fortement ralenti. L'attrait des OPCVM actions a permis de redynamiser les
souscriptions. Toutefois, La Poste n'a pas, en 1998,
bénéficié pleinement de ce retournement de tendance. Ses
encours se sont ainsi érodés de 4,2 % (alors que les encours
des ménages progressaient de 4,8 %).
Par ailleurs, La Poste est autorisée à accorder des prêts
à l'habitat, après épargne préalable. En 1998, la
réalisation de crédits immobiliers a progressé de
près de 21 % pour s'établir à 13 milliards de
francs.
3. Les prévisions pour 1999 et 2000
L'EPRD
1999 prévoit un chiffre d'affaires de 90,555 milliards de francs,
soit une progression du chiffre d'affaires total de +1,7 %, correspondant
à une progression de +2,1 % du produit courrier/colis et de
+0,3 % des produits des clientèles financières.
La Poste espère une progression annuelle moyenne du chiffre d'affaires
d'environ 2,2 % sur la période 1998-2002. Cette croissance devrait
être essentiellement " tirée " par celle du chiffre
d'affaires courrier publicitaire avec un taux moyen de croissance
supérieur à 5% par an.