B. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DES CRÉDITS RELATIFS AU RMI AINSI QUE DES DÉPENSES LIÉES AUX FRAIS DE TUTELLE ET DE CURATELLE
1. Une prévision toujours pessimiste sur l'évolution des effectifs du RMI
a) La progression toujours élevée du nombre des foyers concernés et du coût de la prestation
L'importance des dépenses consacrées au RMI
reflète
la gravité et la persistance de l'exclusion
dans
une période de reprise de la croissance.
Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France,
sans condition de nationalité -une condition de résidence de
trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays
étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de
25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de 25 ans,
qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation versée
complète les ressources des intéressés de façon
à leur garantir un revenu minimum fixé à
2.430 francs
par mois
au 1
er
janvier 1998 pour une personne isolée
sans enfant à charge et à
3.644 francs par mois
pour
un couple (ce montant est majoré de 739 francs par mois pour chaque
enfant à charge). L'allocation est toutefois conditionnée
à un engagement du bénéficiaire à participer aux
actions ou activités définies avec lui et nécessaires
à son insertion sociale ou professionnelle. Cet engagement peut
être formalisé dans un contrat d'insertion.
Au 31 décembre 1997,
la France comptait toujours plus
d'un million de titulaires du RMI
(1.067.901 foyers), dont
956.600 titulaires en métropole. Avec les ayants droit, ce sont
2 millions de personnes
(2.029.485) qui sont protégées par
ce qui avait été conçu à l'origine comme un ultime
" filet de sécurité ".
Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI
|
|
|
|
|
|
|
Crédits budgétaires en MF (1) |
|
Décembre 1989 |
335.514 |
|
71.567 |
|
407.081 |
|
6.000 |
|
Décembre 1990 |
422.101 |
25,8 % |
88.044 |
23,0 % |
510.145 |
25,3 % |
8.668 |
+ 45 % |
Décembre 1991 |
488.422 |
15,7 % |
93.939 |
6,7 % |
582.361 |
14,2 % |
14.325 |
+ 65 % |
Décembre 1992 |
575.034 |
17,7% |
96.208 |
2,4 % |
671.242 |
15,3 % |
13.168 |
- 8 % |
Décembre 1993 |
696.589 |
21,1 % |
96.355 |
0,2 % |
792.944 |
18,1 % |
16.631 |
+ 26 % |
Décembre 1994 |
803.303 |
15,3 % |
105.033 |
9,0 % |
908.336 |
14,6 % |
19.217 |
+ 16 % |
Décembre 1995 |
840.839 |
4,7 % |
105.174 |
0,1 % |
946.010 |
4,1% |
22.022 |
+ 15 % |
Décembre 1996 |
939.155 |
6,1 % |
109.503 |
0,6 % |
1.048.658 |
+ 5,5 % |
23.179 |
+ 5 % |
Décembre 1997 |
956.596 |
5,8 % |
111.305 |
4,3 % |
1.067.901 |
+ 5,7 % |
24.230 |
+ 4,5 % |
(1)
En millions de francs, compte tenu des lois de finances rectificatives
Le nombre d'allocataires a plus que doublé depuis la création de
la prestation en 1988 tandis que le montant de la dotation budgétaire de
l'Etat a plus que quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989
à 16,4 milliards de francs aujourd'hui.
b) Le profil des bénéficiaires a peu évolué depuis la création du dispositif
Ce sont
souvent des chômeurs de longue durée avec un faible niveau de
formation ou de qualification.
En métropole, près de 60 % des allocataires sont des
personnes isolées
, sans enfant ni personne à charge. Il
s'agit en grande majorité d'hommes seuls (213.323 femmes pour
402.462 hommes). Le reste de l'effectif est composé pour 20 %
de familles monoparentales, et pour 20 % de couples.
Les bénéficiaires du RMI constituent
une population
relativement jeune
: 30 % ont moins de trente ans, alors que la
condition d'âge restreint l'entrée aux plus de 25 ans, sauf
s'ils ont des enfants (3,6 % en 1996). 15 % sont âgés de
plus de 50 ans.
Il est à noter que l'on n'assiste pas à un rajeunissement de
l'ensemble des allocataires du RMI : la part des 25-29 ans reste stable
depuis 1989, alors que le nombre d'allocataires a presque été
multiplié par trois.
L'accès à un logement autonome constitue un problème
essentiel pour la moitié des bénéficiaires.
Un
tiers des allocataires est hébergé chez des parents ou des amis
et près de 10 % ne disposent pas d'un logement décent ou
sont sans abri. La situation moyenne des bénéficiaires du RMI
s'est pourtant améliorée depuis la mise en place du dispositif :
la part des personnes percevant une aide au logement a augmenté
sensiblement depuis 1988 (plus de 10 %) et atteint 51,8 % en 1997.
Le montant moyen de l'allocation différentielle
de RMI
versée s'élève, en 1997 à 1.983 francs en
métropole et à 1.643 francs par mois dans les DOM.
Pour un peu plus d'un tiers des bénéficiaires, le RMI constitue
l'unique ressource. Moins d'un tiers des allocataires perçoit des
revenus autres que le RMI ou les prestations versées par la caisse
d'allocations familiales.
c) Le coût total de la prestation excède largement le montant de la seule dotation budgétaire
Le
coût total du RMI est sensiblement plus élevé pour
l'ensemble de la collectivité nationale que la seule dotation
budgétaire destinée à financer l'allocation. Il
s'élève en réalité à près de
44,1 milliards de francs en 1997
.
Il faut prendre en compte tout d'abord les frais de gestion du dispositif, la
créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide
médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe
et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, en plus des
crédits destinés au financement de l'allocation
stricto
sensu
.
Les frais de gestion directe pour la part assumée par l'Etat (hors
moyens des caisses d'allocations familiales) s'élèvent environ
à 250 millions de francs. Le coût de la créance de
proratisation
2(
*
)
dans les DOM
s'élève à 817 millions de francs pour 1997. L'aide
médicale de l'Etat versée pour les titulaires du RMI sans
domicile fixe s'élève à 400 millions de francs en
1997. Les majorations d'aide au logement dont bénéficient les
allocataires RMI s'élèvent à 1 milliard de francs en
1997.
Le poste essentiel reste celui du coût des
mesures pour l'emploi
(contrat emploi consolidé, contrat emploi solidarité, contrat
initiative emploi) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le
montant total est estimé à
6,6 milliards de francs pour
1997
, soit une multiplication par six depuis la mise en place du dispositif
(1 milliard de francs en 1989).
A cela, il faut ajouter la
part des départements qui
représente, au titre de la contribution obligatoire et de l'assurance
personnelle, environ 10,56 milliards de francs en 1997
3(
*
)
.
Les
crédits d'insertion des départements
résultent
de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des
sommes versées par l'Etat l'année précédente au
titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les
bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait
1,98 milliard de francs en 1992, est passé à
4,46 milliards de francs en 1997
.
A ces dépenses d'insertion, il faut ajouter les
frais de
santé
comprenant la prise en charge de
l'assurance
personnelle
pour les personnes non assurées sociales et ne relevant
pas de la CAF (familles) ou de l'Etat (SDF) et la
couverture maladie
à 100 % des bénéficiaires. Les crédits
engagés par les départements pour améliorer la couverture
sociale des bénéficiaires du RMI se sont élevés
à
6,1
milliards de francs en 1996
.
Ce tableau impressionnant sera conduit à évoluer sous les effets
de la progression des effectifs envisagée pour 1998 et 1999.
Tableau récapitulatif des dépenses liées au RMI en 1997
(en milliards de francs)
|
Etat |
Conseils généraux |
Total |
Allocation RMI |
24,5 |
|
|
Mesures emploi (e) |
6,66 |
|
|
Crédits d'insertion DOM |
0,82 |
|
|
Frais de gestion dispositif |
0,25 |
|
|
Majoration d'aide au logement (e) |
1,0 |
|
|
Aide médicale de l'Etat (e) |
0,4 |
|
|
Crédits d'insertion |
|
4,46 |
|
Assurance personnelle (e) |
|
2,9 |
|
Aide médicale (e) |
|
3,2 |
|
Total |
33,63 |
10,56 |
44,19 |
Total en % |
76 % |
24 % |
|
(e) estimation
d) Les hypothèses de progression des effectifs du RMI pour 1999 sont encore relativement pessimistes
Il
convient de rappeler qu'en 1997, la progression du nombre d'allocataires
atteignait 5,7 %, soit en recul de plus d'un point par rapport à
celle enregistrée en 1996. Le ralentissement de la croissance a
été un peu plus sensible en métropole, où le taux
de progression, 5,8 %, est en baisse de près de deux points. Dans
les départements d'outre-mer, après deux années
d'évolution mesurée, l'augmentation du nombre d'allocataires a
été plus importante en 1997 (+ 4,3 %) mais s'est maintenue
en dessous du niveau métropolitain.
Les disparités départementales restent importantes en 1997, six
départements enregistrent une baisse de leurs effectifs tandis que, dans
huit départements, la progression est supérieure à
10 %.
La croissance des effectifs est tirée vers le haut par quelques gros
départements. Ainsi, les 10 départements où la population
des bénéficiaires est la plus importante en métropole
progressent de 6,8 % en un an, alors que la croissance des 10 plus petits
n'atteint pas 3 %. Sur les trois dernières années, la
progression cumulée des 10 plus gros départements a
été supérieure de 4,5 points à celle de la
métropole, confirmant l'importance des difficultés sociales dans
les départements urbains.
En septembre 1998, le Gouvernement estimait que le coût provisoire du RMI
s'élèverait en chiffres définitifs à 25,9 milliards
de francs pour 1998, soit une progression de près de 6,9 % par
rapport à la dotation de 1997. Ce chiffre résulterait
principalement de la forte hausse des entrées au RMI observée
entre octobre 1997 et mars 1998.
Dans la réponse au questionnaire budgétaire, le ministère
estime que
" cette hausse est corrélée à la
croissance du nombre de dossiers de demandes d'indemnisation rejetés par
l'UNEDIC pendant la même période et que la croissance des emplois
précaires alimente donc les entrées au RMI ".
Les premières inflexions favorables de l'évolution du RMI se sont
manifestées en avril 1998 -avec un certain retard comme pour le
chômage de longue durée- mais la baisse des effectifs depuis cette
date ne devrait pas effacer totalement la croissance des mois
antérieurs. Par ailleurs, ce chiffre intègre les
conséquences de la réforme de l'ASS en janvier 1997 qui
conduirait à intégrer environ 10.000 allocataires du RMI
supplémentaires en 1998.
Le ministère souligne que les entrées au RMI sont
étroitement corrélées avec le nombre de personnes ayant
déposé, sans qu'elle aboutisse, une demande d'indemnisation du
chômage auprès de l'UNEDIC. Ces situations auraient pratiquement
doublé depuis 1992 sous le double effet de la réforme des
allocations chômage engagée à cette époque par
l'UNEDIC et de la croissance de la précarité sur le marché
du travail. La DIRMI fait valoir que la croissance des entrées au RMI a,
depuis quelques mois, un rythme moins élevé que celui des rejets
d'indemnisation par l'UNEDIC, qui a très fortement augmenté.
Le montant de la dotation prévue dans le projet de loi de finances pour
1999 est donc de
26,4 milliards de francs
. Cela représente une
progression de 4,2 % par rapport à la loi de finances pour 1998
soit, compte tenu d'une revalorisation du montant de l'allocation de 1,2 %
au 1
er
janvier 1999, une progression de + 3 % en volume.
Cette progression repose sur l'hypothèse que l'amélioration de la
conjoncture économique poursuivra ses effets sur la fin de 1998 et
pendant l'année 1999. Les effets de la réforme de l'ASS se
poursuivront (+ 7.500 allocataires) et les incidences de certaines
dispositions du programme de lutte contre les exclusions viendront
accroître les dépenses : il s'agit de non prise en compte de
l'allocation pour jeune enfant pour le calcul du plafond de ressources et de
l'amélioration des règles d'incitation à la reprise
d'activité.
e) La forte progression des titulaires appelle à une réflexion sur les contrôles du RMI
Alors
que la France connaît à nouveau une période de croissance
et de création d'emploi, le niveau de progression de l'effectif des
titulaires du RMI conduit à s'interroger sur la fonction du dispositif :
le RMI est-il considéré comme un " droit acquis "
à un revenu de sécurité ou a-t-il pour mission prioritaire
de jouer un rôle de réinsertion ?
•
Le niveau adéquat des contrôles
Dans son avis de l'année dernière, votre rapporteur avait
rappelé les mécanismes de contrôle actuellement mis en
place par les CAF soit par croisement de fichiers informatisés soit par
contrôle sur échantillons.
La réponse du questionnaire budgétaire soumis à votre
rapporteur indique que
" le RMI apparaît comme l'une des
prestations les plus contrôlées "
: le bilan de la
politique de contrôle des CAF produit par la CNAF pour l'année
1997 indique que 495.293 contrôles (soit un contrôle pour deux
allocataires) ont été réalisés, au titre des
différentes procédures. 136 millions de francs d'indus, soit
0,6 % des sommes consacrées par l'Etat au financement de
l'allocation, ont été détectés. Le ministère
estime donc que la "
fraude n'apparaît pas, dans ce cadre, comme
un phénomène significatif du dispositif RMI
".
Votre rapporteur rappelle tout d'abord que s'agissant des contrôles
informatisés, il serait utile de parvenir à des croisements de
données informatiques avec les fichiers des déclarations
préalables à l'embauche (DPE) dont la transmission par les
employeurs est obligatoire, ainsi qu'avec les fichiers de l'URSSAF afin de
repérer les allocataires du RMI qui ont repris une activité
rémunérée. Il est paradoxal, en effet, que la situation
d'un titulaire du RMI qui obtient un stage de formation
rémunéré soit plus facile à détecter que
celle d'un allocataire qui reprend effectivement une activité
régulière.
Toutefois, compte tenu de l'absence d'identifiant commun au niveau des
entreprises, cette procédure de croisement de fichiers
nécessiterait un investissement important.
Il souligne l'importance du contrôle par les instructeurs du dossier,
qu'il s'agisse d'une assistante sociale ou du personnel d'un centre communal
d'action sociale (CCAS).
L'instructeur accueille le demandeur pour recueillir son dossier. En principe,
un travail bien fait d'explications commentées et de discussion avec le
demandeur peut conduire à dissuader ce dernier de poursuivre sa
démarche lorsqu'elle est engagée à tort ;
ultérieurement, l'instructeur suit l'allocataire, d'abord pour
établir son contrat d'insertion dans le trimestre suivant l'ouverture du
droit ; ensuite, suivant la périodicité décidée par
lui et, en tout état de cause, tous les ans, pour actualiser le contrat
d'insertion.
La CAF et son personnel peuvent donc jouer un rôle essentiel s'ils font
preuve de vigilance pour déjouer les comportements qui s'apparentent
à une fraude manifeste alors même que les demandeurs font valoir,
à tort, la difficulté de leur situation et le besoin d'urgence
d'un secours.
Dans ce contexte où le rôle sur le terrain des CAF est essentiel,
force est de constater que
l'architecture du dispositif du RMI ne garantit
pas par elle-même l'optimisation des contrôles
. Les CAF sont
chargées de distribuer une prestation dont le financement est
assuré, non pas par la branche " famille " mais directement
par le budget de l'Etat ; les CAF sont chargées de contrôler que
le versement du RMI est justifié, mais elles supportent seules la charge
de la gestion sur le terrain de ce dispositif.
Lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité
sociale, votre commission a constaté que la charge de la gestion du RMI
était lourde pour la CNAF et qu'elle ne donnait lieu à aucune
compensation de la part de l'Etat.
•
La mise en oeuvre de l'obligation alimentaire
La loi sur le RMI limite la mise en jeu des créances alimentaires
à celles existant entre époux et aux obligations des parents
à l'égard de leurs enfants. Sur ce dernier point, la
délégation interministérielle au RMI indique que les
travaux parlementaires de 1988 précisaient que l'obligation d'entretien
concernée ne visait que
" les enfants mineurs ou poursuivant
leurs études ".
Le demandeur de RMI disposant d'un droit à créance alimentaire a
l'obligation d'engager une procédure civile pour fixer la créance
et doit accepter que des poursuites soient éventuellement
engagées par les organismes sociaux qui peuvent se subroger au
demandeur. Toutefois, l'intéressé peut demander d'être
dispensé de faire valoir sa créance, et la décision de
dispense est alors prise par le préfet au vu d'un rapport social
établi par le service instructeur. Le bénéficiaire dispose
d'un délai de 4 mois pour engager ces procédures, pendant
lesquelles le RMI lui est versé sans réduction.
Les dispositions d'application ont été définies de
manière à assurer la mise en jeu effective des obligations
alimentaires tout en évitant d'alourdir à l'excès et
d'allonger les délais d'instruction des dossiers, pour faire face
à la situation d'urgence des demandeurs de RMI.
Il a été indiqué à votre rapporteur que, dans la
pratique :
- l'obligation alimentaire était systématiquement mise en
oeuvre pour les enfants mineurs, dont le parent qui en a la charge demande le
RMI, ainsi qu'entre les ex-époux ;
- lorsque la pension alimentaire avait été fixée par
un jugement antérieur, elle est prise en compte systématiquement
dans le calcul des ressources ;
- en ce qui concerne les jeunes majeurs, dans la ligne des travaux
parlementaires de 1988, les instructions ministérielles constantes ont
écarté la mise en jeu de l'obligation d'entretien de leurs
parents que la lettre de la loi aurait néanmoins permise
(article 203
du code civil).
On soulignera toutefois que la mise en jeu effective de cette obligation
relèverait de l'appréciation du juge. Or, si la jurisprudence,
qui certes ne limite pas à la majorité de l'enfant l'obligation
d'entretien faite aux parents, a évolué depuis 1988, elle a
visé notamment de jeunes adultes poursuivant des études ou dans
l'attente d'un emploi.
Il est précisé que quelques rares situations choquantes de jeunes
bénéficiaires du RMI issus de familles très aisées
leur assurant des aides en nature conséquentes ont pu être
réglées sans difficulté dans le cadre de l'obligation
d'insertion faite à tout bénéficiaire du RMI.
•
Le contrôle de l'état des droits
préalables à l'affiliation à la sécurité
sociale
La loi de 1988, modifiée en 1992, stipule que les
bénéficiaires du RMI qui ne relèvent pas d'un
régime obligatoire de l'assurance maladie sont affiliés à
l'assurance personnelle, en application de la loi du 2 janvier 1978 visant
à la généralisation de la sécurité sociale.
Leurs cotisations sont prises en charge par la CAF, le département ou
l'Etat selon leur situation.
Cette disposition vise à réduire massivement le nombre des
personnes dépourvues de droits à jour pour l'assurance maladie.
Le système est toutefois d'une gestion assez complexe, moins en raison
de la législation que du nombre des acteurs intervenant sur le dossier.
Actuellement, le service instructeur qui constate qu'un demandeur de RMI n'a
pas de droits ouverts, ou ne connaît pas l'état de sa couverture
maladie, doit transmettre à la caisse primaire d'assurance maladie une
demande d'assurance personnelle pour que celle-ci procède à
l'affiliation immédiate en attendant de réaliser les
vérifications nécessaires.
Lorsque l'assuré réside depuis longtemps dans le
département, cette recherche ne présente
généralement pas de difficultés. La situation est plus
difficile pour les personnes qui ont changé fréquemment de
résidence, car, en l'absence de fichier national des assurés
sociaux, un contact direct avec l'assuré est nécessaire pour
réunir les éléments d'information permettant d'orienter
les recherches. Ce contact peut être difficile à établir
avec des personnes dont l'habitat est instable (hébergés), ou
dans les grandes métropoles où les services ont peu de relations
directes avec les usagers.
Le contrôle de la recherche des droits est de la responsabilité
des organismes d'assurance maladie. Mais certains départements
procèdent par eux-mêmes à un certain nombre de
vérifications.
Il est clair cependant que la mise en place de l'assurance maladie universelle
ne doit pas être conçue comme une " fuite en avant ".
Les insuffisances sur les informations relatives aux assurés ne
pourraient que conduire rapidement à des dérives sur la branche
maladie de la sécurité sociale dans des proportions non
maîtrisées.
2. La dérive continue des crédits relatifs à la tutelle et à la curatelle de l'Etat
La
question des tutelles et des curatelles concerne largement les personnes
handicapées et pourrait donc être évoquée dans la
deuxième partie de ce rapport. Toutefois, les dysfonctionnements du
dispositif montre les risques de dérive d'un régime juridique
protecteur générant des dépenses non
maîtrisées que les pouvoirs publics s'engagent à couvrir
plutôt que de rechercher à en maîtriser l'évolution.
C'est pourquoi votre rapporteur a voulu aborder cette question dans cette
partie du rapport.
Les dépenses liées à l'exécution des mesures de
tutelle et de curatelle, qui sont des dépenses obligatoires de l'Etat,
augmentent encore de manière très importante en 1999 : le
financement des associations qui gèrent les mesures en question
représente
571,5 millions de francs en 1999
contre
515 millions de francs en 1998, soit une augmentation de
11 %
correspondant à une mesure nouvelle de 56,5 millions de francs. Il
convient de rappeler que l'augmentation des crédits sur ce poste avait
été successivement de 17 % en 1997 et de 18,25 % en
1998.
Bien qu'un ralentissement soit apparu, l'augmentation des dépenses suit
toujours une " pente à deux chiffres " qui demeure
préoccupante, d'autant plus que plus d'une dizaine de milliers de
mesures de mise sous tutelle ou curatelle sont prononcées par an
(+ 11.920 mesures au total en 1998 ; + 13.000 mesures prévues
en 1999) sur 100.000 mesures décidées en 1998.
a) Un recours accru des juges aux mesures de tutelle
On doit
rappeler qu'une personne majeure est placée sous
régime de
tutelle
quand elle a besoin d'être représentée d'une
manière continue dans les actes de la vie civile. Elle est alors
déchargée de l'exercice de ses droits et ne peut plus passer
aucun acte seule.
Une personne majeure qui, sans être hors d'état d'agir
elle-même, a besoin d'être conseillée ou
contrôlée dans les actes de la vie civile peut être
placée sous un
régime de curatelle
. Les actes qu'elle peut
accomplir seule sont les actes d'administration, c'est-à-dire les actes
de gestion courante tels que la perception des revenus ou le paiement des
dépenses. En revanche, elle ne pourra pas effectuer les actes qui
engagent le patrimoine, sans l'assistance du curateur.
Aux termes de la
loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme
du droit des incapables majeurs
, deux systèmes de tutelle coexistent
en droit :
- la tutelle familiale qui fait reposer la charge tutélaire sur la
famille, parents, enfants, collatéraux ;
- la tutelle publique qui consiste à confier à un organisme
public ou privé la charge de la tutelle, sous le contrôle de
l'Etat. La tutelle d'Etat, la curatelle d'Etat ou la tutelle en gérance
appartiennent à cette catégorie.
En principe, la tutelle publique ne doit intervenir que subsidiairement
à la tutelle familiale : ainsi, l'article 433 du code civil
prévoit que : "
Si la tutelle reste vacante, le juge des
tutelles la défère à l'Etat s'il s'agit d'un majeur
(...) ". Les conditions du transfert à l'Etat de la tutelle sont
ainsi, en principe, très strictes puisque le " vide " de la
famille restreinte et de la famille étendue doit être
constaté (majeurs protégés n'ayant plus de famille ou
membres de la famille demandant à être dispensés des
charges tutélaires en raison d'un des motifs
énumérés à l'article 428 du code civil : âge,
maladie, éloignement, occupations professionnelles ou familiales
exceptionnellement absorbantes,...).
En réalité, on constate depuis une dizaine d'années une
tendance de certains juges des tutelles à écarter la famille
même dans des cas où les membres de celles-ci ne font pas preuve
d'indifférence à l'égard de la protection de la personne
protégée.
La Cour de cassation a ainsi été conduite à censurer
certaines décisions de justice qui n'avaient pas tenu compte de la
volonté de la famille d'assurer la charge de la tutelle ni
constaté l'impossibilité de réunir un conseil de famille.
S'agissant de l'organisation et du financement de la tutelle d'Etat, le
décret n° 85-193 du 7 février 1985
a instauré
un système de rémunération du tuteur ou du curateur
d'Etat, reposant à titre principal sur les ressources du majeur
protégé, complétée sous certaines conditions par
une rémunération financée par le budget de l'Etat.
L'arrêté du 15 janvier 1990
modifié, pris pour
l'application de cette disposition, prévoit des taux de participation
progressifs, applicables sur trois tranches de revenu, au-dessous d'un niveau
fixé au montant brut du SMIC majoré de 75 %. Au-dessus de ce
montant, l'Etat n'assure aucun financement, mais le juge des tutelles peut
autoriser des prélèvements supplémentaires, par rapport
aux prélèvements prévus par l'arrêté, si
l'importance des biens à gérer le justifie.
b) La suspension de la mise en oeuvre de l'arrêté du 23 avril 1998 modifiant le financement de la tutelle et de la curatelle d'Etat
Un
arrêté interministériel du 23 avril 1998
, modifiant
l'arrêté du 15 janvier 1990 précité, a
été pris pour augmenter sensiblement la participation des majeurs
protégés à leurs frais de tutelle ou curatelle d'Etat.
Actuellement, sont prélevés sur les ressources de toute nature
des majeurs, à l'exception des prestations familiales :
- 3 % pour la tranche des revenus annuels égale ou
inférieure au montant annuel du minimum vieillesse en vigueur au
1
er
janvier de l'année de perception des revenus ;
- 5 % pour la tranche des revenus annuels compris entre le montant
annuel du minimum vieillesse et le montant brut annuel du SMIC en vigueur au
1
er
janvier de l'année de perception des revenus ;
- 10 % pour la tranche des revenus annuels compris entre le montant
brut du SMIC en vigueur au 1
er
janvier de l'année de
perception et le même montant majoré de 75 %.
L'arrêté précité prévoyait en premier lieu de
relever à 6,5 % pour la 2
ème
tranche et de 10
à 13 % pour la 3
ème
tranche les taux de
prélèvement en question.
En second lieu, pour les personnes bénéficiant d'une prise en
charge par l'Etat des frais de tutelle antérieure au
1
er
septembre 1998, l'arrêté abrogeait la
disposition prévoyant que les taux de prélèvement sont
toujours réduits par un coefficient de 2,5 pour les personnes
hébergées de manière permanente dans un
établissement social ou médico-social ou dans un
établissement d'hospitalisation.
Les associations tutélaires ont souligné que leur financement
serait réduit de 60 % par l'application de ce coefficient de
réduction de 2,5 bien que la mission à remplir auprès des
majeurs était identique. Cette remise en cause intervenait en outre en
cours d'année alors que le budget prévisionnel de fonctionnement
avait été établi.
L'UNAPEI a immédiatement alerté les pouvoirs publics, estimant
que les mesures prises marquaient un désengagement flagrant de la
collectivité dans le financement d'une mission dont
l'intérêt général ne pouvait être remis en
question et risquaient de mettre gravement en cause la pérennité
des associations tutélaires. Elle a engagé un recours contre
l'arrêté et engagé une concertation avec le
ministère de l'emploi et de la solidarité pour obtenir un
assouplissement des modalités d'application de l'arrêté.
Dans l'attente, il apparaît que l'application de l'arrêté du
23 avril 1998 a été suspendue
sine die
.
c) La nécessité d'une réflexion d'ensemble
Mme
Martine Aubry a indiqué que la question de la réforme du
régime de la tutelle et de la curatelle d'Etat faisait actuellement
l'objet d'une mission conjointe de l'Inspection générale des
affaires sociales (IGAS), de l'Inspection générale des finances
et de l'Inspection générale des services judiciaires.
L'UNAPEI, pour sa part, regrette l'absence de coordination réelle sur ce
dossier entre le ministère de la justice, le ministère des
finances et le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Votre rapporteur souligne que la question de la dérive des
dépenses de tutelle et de curatelle trouve son origine dans
des
raisons démographiques
mais aussi dans la
conception extensive
des juges en matière de tutelle
.
Au-delà des mesures correctives ponctuelles, qui soulèvent
apparemment des contestations, il importe de réfléchir à
une réforme d'ensemble pour recentrer le dispositif sur les personnes
qui en ont réellement besoin.