B. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DES CRÉDITS RELATIFS AU RMI AINSI QUE DES DÉPENSES LIÉES AUX FRAIS DE TUTELLE ET DE CURATELLE

1. Une prévision toujours pessimiste sur l'évolution des effectifs du RMI

a) La progression toujours élevée du nombre des foyers concernés et du coût de la prestation

L'importance des dépenses consacrées au RMI reflète la gravité et la persistance de l'exclusion dans une période de reprise de la croissance.

Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France, sans condition de nationalité -une condition de résidence de trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de 25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de 25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation versée complète les ressources des intéressés de façon à leur garantir un revenu minimum fixé à 2.430 francs par mois au 1 er janvier 1998 pour une personne isolée sans enfant à charge et à 3.644 francs par mois pour un couple (ce montant est majoré de 739 francs par mois pour chaque enfant à charge). L'allocation est toutefois conditionnée à un engagement du bénéficiaire à participer aux actions ou activités définies avec lui et nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. Cet engagement peut être formalisé dans un contrat d'insertion.

Au 31 décembre 1997, la France comptait toujours plus d'un million de titulaires du RMI (1.067.901 foyers), dont 956.600 titulaires en métropole. Avec les ayants droit, ce sont 2 millions de personnes (2.029.485) qui sont protégées par ce qui avait été conçu à l'origine comme un ultime " filet de sécurité ".

Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI

 


Métropole


Evolution


DOM


Evolution


France


Evolution

Crédits budgétaires en MF (1)


Evolution

Décembre 1989

335.514

 

71.567

 

407.081

 

6.000

 

Décembre 1990

422.101

25,8 %

88.044

23,0 %

510.145

25,3 %

8.668

+ 45 %

Décembre 1991

488.422

15,7 %

93.939

6,7 %

582.361

14,2 %

14.325

+ 65 %

Décembre 1992

575.034

17,7%

96.208

2,4 %

671.242

15,3 %

13.168

- 8 %

Décembre 1993

696.589

21,1 %

96.355

0,2 %

792.944

18,1 %

16.631

+ 26 %

Décembre 1994

803.303

15,3 %

105.033

9,0 %

908.336

14,6 %

19.217

+ 16 %

Décembre 1995

840.839

4,7 %

105.174

0,1 %

946.010

4,1%

22.022

+ 15 %

Décembre 1996

939.155

6,1 %

109.503

0,6 %

1.048.658

+ 5,5 %

23.179

+ 5 %

Décembre 1997

956.596

5,8 %

111.305

4,3 %

1.067.901

+ 5,7 %

24.230

+ 4,5 %

(1) En millions de francs, compte tenu des lois de finances rectificatives

Le nombre d'allocataires a plus que doublé depuis la création de la prestation en 1988 tandis que le montant de la dotation budgétaire de l'Etat a plus que quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989 à 16,4 milliards de francs aujourd'hui.

b) Le profil des bénéficiaires a peu évolué depuis la création du dispositif

Ce sont souvent des chômeurs de longue durée avec un faible niveau de formation ou de qualification.

En métropole, près de 60 % des allocataires sont des personnes isolées , sans enfant ni personne à charge. Il s'agit en grande majorité d'hommes seuls (213.323 femmes pour 402.462 hommes). Le reste de l'effectif est composé pour 20 % de familles monoparentales, et pour 20 % de couples.

Les bénéficiaires du RMI constituent une population relativement jeune : 30 % ont moins de trente ans, alors que la condition d'âge restreint l'entrée aux plus de 25 ans, sauf s'ils ont des enfants (3,6 % en 1996). 15 % sont âgés de plus de 50 ans.

Il est à noter que l'on n'assiste pas à un rajeunissement de l'ensemble des allocataires du RMI : la part des 25-29 ans reste stable depuis 1989, alors que le nombre d'allocataires a presque été multiplié par trois.

L'accès à un logement autonome constitue un problème essentiel pour la moitié des bénéficiaires. Un tiers des allocataires est hébergé chez des parents ou des amis et près de 10 % ne disposent pas d'un logement décent ou sont sans abri. La situation moyenne des bénéficiaires du RMI s'est pourtant améliorée depuis la mise en place du dispositif : la part des personnes percevant une aide au logement a augmenté sensiblement depuis 1988 (plus de 10 %) et atteint 51,8 % en 1997.

Le montant moyen de l'allocation différentielle de RMI versée s'élève, en 1997 à 1.983 francs en métropole et à 1.643 francs par mois dans les DOM.

Pour un peu plus d'un tiers des bénéficiaires, le RMI constitue l'unique ressource. Moins d'un tiers des allocataires perçoit des revenus autres que le RMI ou les prestations versées par la caisse d'allocations familiales.

c) Le coût total de la prestation excède largement le montant de la seule dotation budgétaire

Le coût total du RMI est sensiblement plus élevé pour l'ensemble de la collectivité nationale que la seule dotation budgétaire destinée à financer l'allocation. Il s'élève en réalité à près de 44,1 milliards de francs en 1997 .

Il faut prendre en compte tout d'abord les frais de gestion du dispositif, la créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, en plus des crédits destinés au financement de l'allocation stricto sensu .

Les frais de gestion directe pour la part assumée par l'Etat (hors moyens des caisses d'allocations familiales) s'élèvent environ à 250 millions de francs. Le coût de la créance de proratisation 2( * ) dans les DOM s'élève à 817 millions de francs pour 1997. L'aide médicale de l'Etat versée pour les titulaires du RMI sans domicile fixe s'élève à 400 millions de francs en 1997. Les majorations d'aide au logement dont bénéficient les allocataires RMI s'élèvent à 1 milliard de francs en 1997.

Le poste essentiel reste celui du coût des mesures pour l'emploi (contrat emploi consolidé, contrat emploi solidarité, contrat initiative emploi) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le montant total est estimé à 6,6 milliards de francs pour 1997 , soit une multiplication par six depuis la mise en place du dispositif (1 milliard de francs en 1989).

A cela, il faut ajouter la part des départements qui représente, au titre de la contribution obligatoire et de l'assurance personnelle, environ 10,56 milliards de francs en 1997 3( * ) .

Les crédits d'insertion des départements résultent de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des sommes versées par l'Etat l'année précédente au titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait 1,98 milliard de francs en 1992, est passé à 4,46 milliards de francs en 1997 .

A ces dépenses d'insertion, il faut ajouter les frais de santé comprenant la prise en charge de l'assurance personnelle pour les personnes non assurées sociales et ne relevant pas de la CAF (familles) ou de l'Etat (SDF) et la couverture maladie à 100 % des bénéficiaires. Les crédits engagés par les départements pour améliorer la couverture sociale des bénéficiaires du RMI se sont élevés à 6,1 milliards de francs en 1996 .

Ce tableau impressionnant sera conduit à évoluer sous les effets de la progression des effectifs envisagée pour 1998 et 1999.

Tableau récapitulatif des dépenses liées au RMI en 1997

(en milliards de francs)

 

Etat

Conseils généraux

Total

Allocation RMI

24,5

 
 

Mesures emploi (e)

6,66

 
 

Crédits d'insertion DOM

0,82

 
 

Frais de gestion dispositif

0,25

 
 

Majoration d'aide au logement (e)

1,0

 
 

Aide médicale de l'Etat (e)

0,4

 
 

Crédits d'insertion

 

4,46

 

Assurance personnelle (e)

 

2,9

 

Aide médicale (e)

 

3,2

 

Total

33,63

10,56

44,19

Total en %

76 %

24 %

 

(e) estimation

d) Les hypothèses de progression des effectifs du RMI pour 1999 sont encore relativement pessimistes

Il convient de rappeler qu'en 1997, la progression du nombre d'allocataires atteignait 5,7 %, soit en recul de plus d'un point par rapport à celle enregistrée en 1996. Le ralentissement de la croissance a été un peu plus sensible en métropole, où le taux de progression, 5,8 %, est en baisse de près de deux points. Dans les départements d'outre-mer, après deux années d'évolution mesurée, l'augmentation du nombre d'allocataires a été plus importante en 1997 (+ 4,3 %) mais s'est maintenue en dessous du niveau métropolitain.

Les disparités départementales restent importantes en 1997, six départements enregistrent une baisse de leurs effectifs tandis que, dans huit départements, la progression est supérieure à 10 %.

La croissance des effectifs est tirée vers le haut par quelques gros départements. Ainsi, les 10 départements où la population des bénéficiaires est la plus importante en métropole progressent de 6,8 % en un an, alors que la croissance des 10 plus petits n'atteint pas 3 %. Sur les trois dernières années, la progression cumulée des 10 plus gros départements a été supérieure de 4,5 points à celle de la métropole, confirmant l'importance des difficultés sociales dans les départements urbains.

En septembre 1998, le Gouvernement estimait que le coût provisoire du RMI s'élèverait en chiffres définitifs à 25,9 milliards de francs pour 1998, soit une progression de près de 6,9 % par rapport à la dotation de 1997. Ce chiffre résulterait principalement de la forte hausse des entrées au RMI observée entre octobre 1997 et mars 1998.

Dans la réponse au questionnaire budgétaire, le ministère estime que " cette hausse est corrélée à la croissance du nombre de dossiers de demandes d'indemnisation rejetés par l'UNEDIC pendant la même période et que la croissance des emplois précaires alimente donc les entrées au RMI ".

Les premières inflexions favorables de l'évolution du RMI se sont manifestées en avril 1998 -avec un certain retard comme pour le chômage de longue durée- mais la baisse des effectifs depuis cette date ne devrait pas effacer totalement la croissance des mois antérieurs. Par ailleurs, ce chiffre intègre les conséquences de la réforme de l'ASS en janvier 1997 qui conduirait à intégrer environ 10.000 allocataires du RMI supplémentaires en 1998.

Le ministère souligne que les entrées au RMI sont étroitement corrélées avec le nombre de personnes ayant déposé, sans qu'elle aboutisse, une demande d'indemnisation du chômage auprès de l'UNEDIC. Ces situations auraient pratiquement doublé depuis 1992 sous le double effet de la réforme des allocations chômage engagée à cette époque par l'UNEDIC et de la croissance de la précarité sur le marché du travail. La DIRMI fait valoir que la croissance des entrées au RMI a, depuis quelques mois, un rythme moins élevé que celui des rejets d'indemnisation par l'UNEDIC, qui a très fortement augmenté.

Le montant de la dotation prévue dans le projet de loi de finances pour 1999 est donc de 26,4 milliards de francs . Cela représente une progression de 4,2 % par rapport à la loi de finances pour 1998 soit, compte tenu d'une revalorisation du montant de l'allocation de 1,2 % au 1 er janvier 1999, une progression de + 3 % en volume.

Cette progression repose sur l'hypothèse que l'amélioration de la conjoncture économique poursuivra ses effets sur la fin de 1998 et pendant l'année 1999. Les effets de la réforme de l'ASS se poursuivront (+ 7.500 allocataires) et les incidences de certaines dispositions du programme de lutte contre les exclusions viendront accroître les dépenses : il s'agit de non prise en compte de l'allocation pour jeune enfant pour le calcul du plafond de ressources et de l'amélioration des règles d'incitation à la reprise d'activité.

e) La forte progression des titulaires appelle à une réflexion sur les contrôles du RMI

Alors que la France connaît à nouveau une période de croissance et de création d'emploi, le niveau de progression de l'effectif des titulaires du RMI conduit à s'interroger sur la fonction du dispositif : le RMI est-il considéré comme un " droit acquis " à un revenu de sécurité ou a-t-il pour mission prioritaire de jouer un rôle de réinsertion ?

Le niveau adéquat des contrôles

Dans son avis de l'année dernière, votre rapporteur avait rappelé les mécanismes de contrôle actuellement mis en place par les CAF soit par croisement de fichiers informatisés soit par contrôle sur échantillons.

La réponse du questionnaire budgétaire soumis à votre rapporteur indique que " le RMI apparaît comme l'une des prestations les plus contrôlées " : le bilan de la politique de contrôle des CAF produit par la CNAF pour l'année 1997 indique que 495.293 contrôles (soit un contrôle pour deux allocataires) ont été réalisés, au titre des différentes procédures. 136 millions de francs d'indus, soit 0,6 % des sommes consacrées par l'Etat au financement de l'allocation, ont été détectés. Le ministère estime donc que la " fraude n'apparaît pas, dans ce cadre, comme un phénomène significatif du dispositif RMI ".

Votre rapporteur rappelle tout d'abord que s'agissant des contrôles informatisés, il serait utile de parvenir à des croisements de données informatiques avec les fichiers des déclarations préalables à l'embauche (DPE) dont la transmission par les employeurs est obligatoire, ainsi qu'avec les fichiers de l'URSSAF afin de repérer les allocataires du RMI qui ont repris une activité rémunérée. Il est paradoxal, en effet, que la situation d'un titulaire du RMI qui obtient un stage de formation rémunéré soit plus facile à détecter que celle d'un allocataire qui reprend effectivement une activité régulière.

Toutefois, compte tenu de l'absence d'identifiant commun au niveau des entreprises, cette procédure de croisement de fichiers nécessiterait un investissement important.

Il souligne l'importance du contrôle par les instructeurs du dossier, qu'il s'agisse d'une assistante sociale ou du personnel d'un centre communal d'action sociale (CCAS).

L'instructeur accueille le demandeur pour recueillir son dossier. En principe, un travail bien fait d'explications commentées et de discussion avec le demandeur peut conduire à dissuader ce dernier de poursuivre sa démarche lorsqu'elle est engagée à tort ; ultérieurement, l'instructeur suit l'allocataire, d'abord pour établir son contrat d'insertion dans le trimestre suivant l'ouverture du droit ; ensuite, suivant la périodicité décidée par lui et, en tout état de cause, tous les ans, pour actualiser le contrat d'insertion.

La CAF et son personnel peuvent donc jouer un rôle essentiel s'ils font preuve de vigilance pour déjouer les comportements qui s'apparentent à une fraude manifeste alors même que les demandeurs font valoir, à tort, la difficulté de leur situation et le besoin d'urgence d'un secours.

Dans ce contexte où le rôle sur le terrain des CAF est essentiel, force est de constater que l'architecture du dispositif du RMI ne garantit pas par elle-même l'optimisation des contrôles . Les CAF sont chargées de distribuer une prestation dont le financement est assuré, non pas par la branche " famille " mais directement par le budget de l'Etat ; les CAF sont chargées de contrôler que le versement du RMI est justifié, mais elles supportent seules la charge de la gestion sur le terrain de ce dispositif.

Lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, votre commission a constaté que la charge de la gestion du RMI était lourde pour la CNAF et qu'elle ne donnait lieu à aucune compensation de la part de l'Etat.

La mise en oeuvre de l'obligation alimentaire

La loi sur le RMI limite la mise en jeu des créances alimentaires à celles existant entre époux et aux obligations des parents à l'égard de leurs enfants. Sur ce dernier point, la délégation interministérielle au RMI indique que les travaux parlementaires de 1988 précisaient que l'obligation d'entretien concernée ne visait que " les enfants mineurs ou poursuivant leurs études ".

Le demandeur de RMI disposant d'un droit à créance alimentaire a l'obligation d'engager une procédure civile pour fixer la créance et doit accepter que des poursuites soient éventuellement engagées par les organismes sociaux qui peuvent se subroger au demandeur. Toutefois, l'intéressé peut demander d'être dispensé de faire valoir sa créance, et la décision de dispense est alors prise par le préfet au vu d'un rapport social établi par le service instructeur. Le bénéficiaire dispose d'un délai de 4 mois pour engager ces procédures, pendant lesquelles le RMI lui est versé sans réduction.

Les dispositions d'application ont été définies de manière à assurer la mise en jeu effective des obligations alimentaires tout en évitant d'alourdir à l'excès et d'allonger les délais d'instruction des dossiers, pour faire face à la situation d'urgence des demandeurs de RMI.

Il a été indiqué à votre rapporteur que, dans la pratique :

- l'obligation alimentaire était systématiquement mise en oeuvre pour les enfants mineurs, dont le parent qui en a la charge demande le RMI, ainsi qu'entre les ex-époux ;

- lorsque la pension alimentaire avait été fixée par un jugement antérieur, elle est prise en compte systématiquement dans le calcul des ressources ;

- en ce qui concerne les jeunes majeurs, dans la ligne des travaux parlementaires de 1988, les instructions ministérielles constantes ont écarté la mise en jeu de l'obligation d'entretien de leurs parents que la lettre de la loi aurait néanmoins permise (article 203 du code civil).

On soulignera toutefois que la mise en jeu effective de cette obligation relèverait de l'appréciation du juge. Or, si la jurisprudence, qui certes ne limite pas à la majorité de l'enfant l'obligation d'entretien faite aux parents, a évolué depuis 1988, elle a visé notamment de jeunes adultes poursuivant des études ou dans l'attente d'un emploi.

Il est précisé que quelques rares situations choquantes de jeunes bénéficiaires du RMI issus de familles très aisées leur assurant des aides en nature conséquentes ont pu être réglées sans difficulté dans le cadre de l'obligation d'insertion faite à tout bénéficiaire du RMI.

Le contrôle de l'état des droits préalables à l'affiliation à la sécurité sociale

La loi de 1988, modifiée en 1992, stipule que les bénéficiaires du RMI qui ne relèvent pas d'un régime obligatoire de l'assurance maladie sont affiliés à l'assurance personnelle, en application de la loi du 2 janvier 1978 visant à la généralisation de la sécurité sociale. Leurs cotisations sont prises en charge par la CAF, le département ou l'Etat selon leur situation.

Cette disposition vise à réduire massivement le nombre des personnes dépourvues de droits à jour pour l'assurance maladie. Le système est toutefois d'une gestion assez complexe, moins en raison de la législation que du nombre des acteurs intervenant sur le dossier.

Actuellement, le service instructeur qui constate qu'un demandeur de RMI n'a pas de droits ouverts, ou ne connaît pas l'état de sa couverture maladie, doit transmettre à la caisse primaire d'assurance maladie une demande d'assurance personnelle pour que celle-ci procède à l'affiliation immédiate en attendant de réaliser les vérifications nécessaires.

Lorsque l'assuré réside depuis longtemps dans le département, cette recherche ne présente généralement pas de difficultés. La situation est plus difficile pour les personnes qui ont changé fréquemment de résidence, car, en l'absence de fichier national des assurés sociaux, un contact direct avec l'assuré est nécessaire pour réunir les éléments d'information permettant d'orienter les recherches. Ce contact peut être difficile à établir avec des personnes dont l'habitat est instable (hébergés), ou dans les grandes métropoles où les services ont peu de relations directes avec les usagers.

Le contrôle de la recherche des droits est de la responsabilité des organismes d'assurance maladie. Mais certains départements procèdent par eux-mêmes à un certain nombre de vérifications.

Il est clair cependant que la mise en place de l'assurance maladie universelle ne doit pas être conçue comme une " fuite en avant ". Les insuffisances sur les informations relatives aux assurés ne pourraient que conduire rapidement à des dérives sur la branche maladie de la sécurité sociale dans des proportions non maîtrisées.

2. La dérive continue des crédits relatifs à la tutelle et à la curatelle de l'Etat

La question des tutelles et des curatelles concerne largement les personnes handicapées et pourrait donc être évoquée dans la deuxième partie de ce rapport. Toutefois, les dysfonctionnements du dispositif montre les risques de dérive d'un régime juridique protecteur générant des dépenses non maîtrisées que les pouvoirs publics s'engagent à couvrir plutôt que de rechercher à en maîtriser l'évolution. C'est pourquoi votre rapporteur a voulu aborder cette question dans cette partie du rapport.

Les dépenses liées à l'exécution des mesures de tutelle et de curatelle, qui sont des dépenses obligatoires de l'Etat, augmentent encore de manière très importante en 1999 : le financement des associations qui gèrent les mesures en question représente 571,5 millions de francs en 1999 contre 515 millions de francs en 1998, soit une augmentation de 11 % correspondant à une mesure nouvelle de 56,5 millions de francs. Il convient de rappeler que l'augmentation des crédits sur ce poste avait été successivement de 17 % en 1997 et de 18,25 % en 1998.

Bien qu'un ralentissement soit apparu, l'augmentation des dépenses suit toujours une " pente à deux chiffres " qui demeure préoccupante, d'autant plus que plus d'une dizaine de milliers de mesures de mise sous tutelle ou curatelle sont prononcées par an (+ 11.920 mesures au total en 1998 ; + 13.000 mesures prévues en 1999) sur 100.000 mesures décidées en 1998.

a) Un recours accru des juges aux mesures de tutelle

On doit rappeler qu'une personne majeure est placée sous régime de tutelle quand elle a besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile. Elle est alors déchargée de l'exercice de ses droits et ne peut plus passer aucun acte seule.

Une personne majeure qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin d'être conseillée ou contrôlée dans les actes de la vie civile peut être placée sous un régime de curatelle . Les actes qu'elle peut accomplir seule sont les actes d'administration, c'est-à-dire les actes de gestion courante tels que la perception des revenus ou le paiement des dépenses. En revanche, elle ne pourra pas effectuer les actes qui engagent le patrimoine, sans l'assistance du curateur.

Aux termes de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs , deux systèmes de tutelle coexistent en droit :

- la tutelle familiale qui fait reposer la charge tutélaire sur la famille, parents, enfants, collatéraux ;

- la tutelle publique qui consiste à confier à un organisme public ou privé la charge de la tutelle, sous le contrôle de l'Etat. La tutelle d'Etat, la curatelle d'Etat ou la tutelle en gérance appartiennent à cette catégorie.

En principe, la tutelle publique ne doit intervenir que subsidiairement à la tutelle familiale : ainsi, l'article 433 du code civil prévoit que : " Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à l'Etat s'il s'agit d'un majeur (...) ". Les conditions du transfert à l'Etat de la tutelle sont ainsi, en principe, très strictes puisque le " vide " de la famille restreinte et de la famille étendue doit être constaté (majeurs protégés n'ayant plus de famille ou membres de la famille demandant à être dispensés des charges tutélaires en raison d'un des motifs énumérés à l'article 428 du code civil : âge, maladie, éloignement, occupations professionnelles ou familiales exceptionnellement absorbantes,...).

En réalité, on constate depuis une dizaine d'années une tendance de certains juges des tutelles à écarter la famille même dans des cas où les membres de celles-ci ne font pas preuve d'indifférence à l'égard de la protection de la personne protégée.

La Cour de cassation a ainsi été conduite à censurer certaines décisions de justice qui n'avaient pas tenu compte de la volonté de la famille d'assurer la charge de la tutelle ni constaté l'impossibilité de réunir un conseil de famille.

S'agissant de l'organisation et du financement de la tutelle d'Etat, le décret n° 85-193 du 7 février 1985 a instauré un système de rémunération du tuteur ou du curateur d'Etat, reposant à titre principal sur les ressources du majeur protégé, complétée sous certaines conditions par une rémunération financée par le budget de l'Etat.

L'arrêté du 15 janvier 1990 modifié, pris pour l'application de cette disposition, prévoit des taux de participation progressifs, applicables sur trois tranches de revenu, au-dessous d'un niveau fixé au montant brut du SMIC majoré de 75 %. Au-dessus de ce montant, l'Etat n'assure aucun financement, mais le juge des tutelles peut autoriser des prélèvements supplémentaires, par rapport aux prélèvements prévus par l'arrêté, si l'importance des biens à gérer le justifie.

b) La suspension de la mise en oeuvre de l'arrêté du 23 avril 1998 modifiant le financement de la tutelle et de la curatelle d'Etat

Un arrêté interministériel du 23 avril 1998 , modifiant l'arrêté du 15 janvier 1990 précité, a été pris pour augmenter sensiblement la participation des majeurs protégés à leurs frais de tutelle ou curatelle d'Etat.

Actuellement, sont prélevés sur les ressources de toute nature des majeurs, à l'exception des prestations familiales :

- 3 % pour la tranche des revenus annuels égale ou inférieure au montant annuel du minimum vieillesse en vigueur au 1 er janvier de l'année de perception des revenus ;

- 5 % pour la tranche des revenus annuels compris entre le montant annuel du minimum vieillesse et le montant brut annuel du SMIC en vigueur au 1 er janvier de l'année de perception des revenus ;

- 10 % pour la tranche des revenus annuels compris entre le montant brut du SMIC en vigueur au 1 er janvier de l'année de perception et le même montant majoré de 75 %.

L'arrêté précité prévoyait en premier lieu de relever à 6,5 % pour la 2 ème tranche et de 10 à 13 % pour la 3 ème tranche les taux de prélèvement en question.

En second lieu, pour les personnes bénéficiant d'une prise en charge par l'Etat des frais de tutelle antérieure au 1 er septembre 1998, l'arrêté abrogeait la disposition prévoyant que les taux de prélèvement sont toujours réduits par un coefficient de 2,5 pour les personnes hébergées de manière permanente dans un établissement social ou médico-social ou dans un établissement d'hospitalisation.

Les associations tutélaires ont souligné que leur financement serait réduit de 60 % par l'application de ce coefficient de réduction de 2,5 bien que la mission à remplir auprès des majeurs était identique. Cette remise en cause intervenait en outre en cours d'année alors que le budget prévisionnel de fonctionnement avait été établi.

L'UNAPEI a immédiatement alerté les pouvoirs publics, estimant que les mesures prises marquaient un désengagement flagrant de la collectivité dans le financement d'une mission dont l'intérêt général ne pouvait être remis en question et risquaient de mettre gravement en cause la pérennité des associations tutélaires. Elle a engagé un recours contre l'arrêté et engagé une concertation avec le ministère de l'emploi et de la solidarité pour obtenir un assouplissement des modalités d'application de l'arrêté.

Dans l'attente, il apparaît que l'application de l'arrêté du 23 avril 1998 a été suspendue sine die .

c) La nécessité d'une réflexion d'ensemble

Mme Martine Aubry a indiqué que la question de la réforme du régime de la tutelle et de la curatelle d'Etat faisait actuellement l'objet d'une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires.

L'UNAPEI, pour sa part, regrette l'absence de coordination réelle sur ce dossier entre le ministère de la justice, le ministère des finances et le ministère de l'emploi et de la solidarité.

Votre rapporteur souligne que la question de la dérive des dépenses de tutelle et de curatelle trouve son origine dans des raisons démographiques mais aussi dans la conception extensive des juges en matière de tutelle .

Au-delà des mesures correctives ponctuelles, qui soulèvent apparemment des contestations, il importe de réfléchir à une réforme d'ensemble pour recentrer le dispositif sur les personnes qui en ont réellement besoin.

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