B. 1999, UNE ÉTAPE DÉCISIVE DANS LE PROCESSUS DE PROFESSIONNALISATION
Le processus de professionnalisation entrera en 1999 dans une phase décisive, avec la mise en oeuvre effective du service national rénové (appel de préparation à la défense et volontariat dans les armées), et avec une évolution des composantes de l'armée de terre qui se situe à mi-chemin entre la physionomie de l'armée de terre en 1996, à la veille des réformes, et le modèle défini pour 2002, au terme de la période de programmation. 1999 est donc le moment propice pour dresser un bilan des évolutions en cours.
1. Bilan d'étape de la professionnalisation : un bilan en demi-teinte
Si l'évolution des effectifs de l'armée de terre depuis 1997 est conforme à la professionnalisation, et permet aux forces terrestres de se rapprocher du modèle élaboré pour 2002, le bilan de la professionnalisation paraît, en dépit des évolutions favorables constatées s'agissant des personnels militaires, d'ores et déjà altéré par les inquiétudes que suscite l'insuffisante montée en puissance des personnels civils.
a) L'évolution des effectifs de l'armée de terre : la professionnalisation à moitié accomplie
L'évolution des effectifs de l'armée de terre par catégorie, entre 1996, dernière année de "l'armée mixte", et 2002, dernière annuité de la programmation, fait ressortir que 1999 se situe à mi-chemin entre les deux modèles. Par conséquent, les efforts qui resteront à accomplir entre 2000 et 2002 seront équivalents aux efforts qui auront été accomplis en 1997, 1998 et 1999.
Evolution des effectifs de l'armée de terre entre 1996 et 2002
|
1996 (rappel) |
1997 |
1998 |
1999 |
2002 |
Evolution 1999/1996 |
Evolution 2002/1996 |
ACTIVE |
|
|
|
|
|
|
|
Officiers |
17 461 |
17 242 |
17 013 |
16 783 |
16 080 |
- 3,9 % |
- 7,9 % |
Sous-officiers |
56 644 |
55 608 |
54 455 |
53 235 |
50 365 |
- 6,0 % |
- 11,0 % |
Sous-total cadres |
74 105 |
72 850 |
71 468 |
70 018 |
66 445 |
- 5,5 % |
- 10,3 % |
EVAT |
30 202 |
36 077 |
41 956 |
47 835 |
66 681 |
+ 58,4 % |
+ 120,0 % |
Sous-total active |
104 307 |
108 927 |
113 424 |
117 853 |
133 126 |
+ 13,0 % |
+ 27,6 % |
Composante service national |
132 319 appelés |
111 039 appelés |
89 790
|
68 891 (dont 1 361 2( * ) volontaires) |
5 500
|
- 47,9 % |
- 95,8 % |
Sous-total effectifs militaires |
236 626 |
219 966 |
203 214 |
186 744 |
138 626 |
- 21,0 % |
- 41,4 % |
Personnels civils |
31 946 |
32 276 |
32 620 |
32 794 |
34 000 |
+ 2,65 % |
+ 6,4 % |
TOTAL |
268 572 |
252 242 |
235 834 |
219 538 |
172 626 |
- 18,2 % |
- 35,7 % |
- En ce
qui concerne les
officiers,
le nombre de postes à supprimer entre
1996 et 2002 s'élève à 1 381. Le nombre de postes
effectivement supprimés entre 1996 et 1999 (678) équivaut au
nombre de postes dont la suppression est prévue pendant la
période 1999-2002, soit 703.
- La situation n'est pas sensiblement différente pour les
sous-officiers
: sur les 6 279 postes à supprimer entre 1996
et 2002, plus de la moitié (3 409) auront été
supprimés entre 1996 et 1999, 2 870 postes restant à supprimer
à l'échéance de 2002.
- En ce qui concerne les
militaires du rang engagés
(EVAT), alors
que 36 479 postes doivent être créés en 2002 par rapport
aux effectifs de 1996, l'année 1999 se situe à mi-parcours de la
professionnalisation, puisqu'à la fin de cet exercice auront
été créés 18 239 postes d'EVAT, 18 846 restant
à pourvoir entre 1999 et 2002.
- s'agissant, enfin, des
personnels appelés
, les suppressions
d'emplois seront, là encore, à moitié
opérées fin 1999.
La contraction de
98 000 emplois militaires prévue par la loi de
programmation
pour la période 1997-2002 sera ainsi à
moitié achevée à la fin de 1999 (49 882 suppressions nette
d'emplois auront été effectuées à cette date, soit
l'équivalent de l'objectif restant, de 48 117 suppressions d'emplois).
Les remarques ci-dessus ne valent pas pour les
effectifs civils,
dont la
montée en puissance sera plus rapide entre 1999 et 2002 (+ 1 206
emplois) qu'entre 1996 et 1999 (848 emplois créés).
L'évolution des effectifs civils appelle des commentaires particuliers,
sur lesquels votre rapporteur reviendra ci-après.
La montée en puissance des effectifs de
volontaires
ne se situera
pas non plus à mi-parcours en 1999, compte tenu des 1 361 postes ouverts
en 1999, sur lesquels 26 seront mis à disposition des services du
Premier ministre, soit un effectif réel de 1 335 volontaires dans
l'armée de terre en 1999 (voir infra, 2).
b) Officiers et sous-officiers : d'importantes mutations en cours
Les effectifs de cadres de l'armée de terre diminueront de 10,3 % pendant la période de la programmation (- 7,9 % pour les officiers et - 11 % pour les sous-officiers). Cette évolution suppose une déflation maîtrisée des effectifs, fondée notamment sur l'encouragement des départs volontaires, tandis que la professionnalisation inspire d'importantes réflexions sur l'adaptation des cursus d'officiers et de sous-officiers.
(1) L'amélioration du taux d'encadrement de l'armée de terre professionnelle
La
diminution des effectifs militaires (- 41 % pendant la période de
programmation), simultanément à la baisse rapide de la composante
appelée (- 95 %) et à la diminution régulière,
mais plus limitée, des effectifs de sous-officiers et officiers (- 10,3
%), a pour effet mécanique d'améliorer le taux d'encadrement de
l'armée de terre (rapport entre le nombre total de cadres et les
effectifs militaires).
De 35 % en 1998, ce ratio devrait atteindre 50,4 % à
l'échéance de 2002. Il sera de 37,5 % en 1999.
L'accroissement du taux d'encadrement est rendu nécessaire par la
professionnalisation (ainsi était-il, au premier semestre 1998 dans les
armées de terre professionnelle des Etats-Unis et de Grande-Bretagne,
respectivement de 56,5 % et de 51,7 %).
Les récentes évolutions des missions confiées à
l'armée de terre militent, également, pour cet accroissement,
qu'il s'agisse :
- de l'engagement des forces terrestres dans des
opérations
extérieures
qui impliquent un encadrement important, qualifié
et expérimenté ;
- de la participation accrue à des structures militaires internationales
(Eurocorps et Eurofor en particulier) ;
- de la création de nouvelles structures compétentes dans le
domaine du renseignement (Direction du renseignement militaire, commandement
des opérations spéciales, montée en puissance des moyens
spatiaux).
Par ailleurs, le
progrès technologique
et l'apparition de
nouveaux systèmes d'armes
sont à l'origine de besoins
accrus en personnel d'encadrement : ainsi la part des cadres dans
l'équipage d'un char Leclerc est-elle de 66 %, alors qu'elle se limitait
à 25 % à l'époque de l'AMX 30 (et à 20 %
à l'époque du Patton M 47). L'évolution de l'artillerie
inspire un commentaire similaire, puisque la part des cadres dans
l'équipage servant un LRM est de 66 %, alors qu'elle se borne à
50 % pour le canon de 155 AUF1, et qu'elle n'était que de 10 % à
l'époque du 155 F3.
En ce qui concerne l'aviation légère de l'armée de terre,
on remarque que, depuis le début des années 1990, les
équipages sont composés de deux officiers au lieu de deux
sous-officiers pendant la période antérieure.
(2) Les officiers : une déflation programmée des effectifs, parallèlement à une réforme du cursus adaptée aux impératifs de la professionnalisation
.
Malgré la baisse des effectifs d'officiers (- 1381 postes pendant la
période de programmation), le
volume de recrutement
demeurera
inchangé, afin de limiter le vieillissement de cette catégorie,
et de garantir le maintien de la qualité du corps des officiers.
Le volume annuel de recrutement est stabilisé à 800 officiers
environ, toutes origines confondues (direct, semi-direct, promotion interne et
ORSA), comme le montre le tableau suivant :
Recrutement des officiers par origine
Recrutement |
1996 |
1997 |
1998 |
1999* |
Direct (dont Saint-Cyr) |
195 |
198 |
201 |
200 |
Semi-direct |
308 |
285 |
280 |
280 |
Tardif (OAEA, OAES et rang) |
110 |
120 |
119 |
120 |
Sous-total officiers de carrière |
613 |
603 |
600 |
600 |
ORSA 3( * ) |
245 |
364 |
275 |
non déterminé |
TOTAL |
858 |
967 |
875 |
non déterminé |
*
prévision
.
Les
départs volontaires
doivent donc être
encouragés pour assurer la déflation des effectifs d'officiers
tout en maintenant un flux régulier de recrutement.
Ainsi la
loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux mesures
en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des
armées
a-t-elle prévu :
- la reconduction, jusqu'en 2002, des modalités d'aide au départ
prévues initialement par les articles 5 et 6 de la loi du 30 octobre
1975, et du dispositif d'accès des militaires aux corps de la fonction
publique défini par la loi 70-2 du 2 janvier 1970,
- l'attribution d'un pécule constituant une incitation financière
au départ,
- des changements d'armée proposés chaque année à
plusieurs dizaines d'officiers en direction de la gendarmerie et de la marine,
- le bénéfice d'une période de reconversion
destinée à faciliter l'accès à une "seconde
carrière" dans le civil.
816 départs volontaires ont ainsi été enregistrés
en 1996 (sur un total de 1093).
En 1997, la mise en oeuvre de la loi n°
96-1111 précitée s'est traduite par une augmentation du nombre de
départs volontaires
(941, soit une hausse de 15,3 %). Notons que ces
statistiques intègrent les données relatives aux ORSA (officiers
de réserve en situation d'activité, dont la durée de
service est limitée à vingt ans). Selon les informations
transmises à votre rapporteur, on compte en moyenne annuelle 210
départs environ dans cette catégorie.
Compte non tenu des ORSA, le nombre d'officiers quittant chaque année le
service est estimé à 1 000 en moyenne, dont 800 environ de
manière volontaire, ce qu'illustre le tableau ci-après.
Prévisions relatives aux départs des officiers
|
Départs volontaires |
Autres départs |
TOTAL |
1997 |
817 |
235 |
1 052 |
1998 |
815 |
235 |
1 050 |
1999 |
800 |
200 |
1 000 |
2000 |
760 |
190 |
950 |
2001 |
760 |
190 |
950 |
2002 |
760 |
190 |
950 |
En ce
qui concerne plus particulièrement les
pécules
rénovés
, dont 127 officiers de l'armée de terre ont
bénéficié en 1997 et 116 en 1998, on relève un taux
de satisfaction des demandes de 57 % en 1997, et de 44,5 % en 1998. Ce taux
est plus important, pour des raisons évidentes, dans les grades
élevés (colonel : 63 % en 1997 et 1998 ; lieutenant-colonel :
81,5 % en 1997 et 58,5 % en 1998).
Les prévisions pour 1999 font état d'un
besoin de 152
pécules pour les officiers de l'armée de terre
, induisant un
coût prévisionnel de 83 millions de francs
(contre
56,17 millions de francs en 1997 et 52,1 millions de francs en 1998).
.
L'un des aspects de la "refondation" de
l'armée de terre est
l'adaptation du profil de carrière des officiers aux nouvelles missions
et aux nouvelles structures de l'armée de terre.
Les orientations en
cours depuis 1998 visent donc à tirer les conséquences de la
diminution du nombre d'unités des forces terrestres. Celles-ci
induisent, en effet, une diminution des temps de commandement des officiers,
tandis que le besoin est apparu de compétences non pas dans les domaines
opérationnels traditionnels (combat des blindés, feux dans la
profondeur, combat de l'infanterie ...), mais dans des domaines actuellement
moins maîtrisés tels que la communication, le renseignement, la
conception logistique, les relations internationales ...
L'objectif est donc de créer, à partir du
cadre
spécial
, un
corps d'experts,
dont le cursus serait
différent de celui des officiers des armes. La montée en
puissance du cadre spécial en tant que "corps d'experts" sera
progressive, afin d'être dans un premier temps harmonieusement
répartie entre les grades.
Le cursus des officiers sera probablement appelé à se
différencier, dans la seconde partie de la carrière, entre la
voie commandement
(corps des officiers des armes) et la
voie
expertise
(cadre spécial).
Cette diversification des carrières devrait intervenir à l'issue
du temps de commandement d'unité élémentaire, après
le passage à l'Ecole d'état-major
4(
*
)
. Notons que le commissariat de
l'armée de terre peut d'ores et déjà être
considéré comme un corps d'experts, dont les compétences
spécifiques s'exercent dans les domaines de l'administration et du
soutien de l'homme, des finances et techniques budgétaires, ainsi que
des réglementations et activités juridiques. Dans le même
ordre d'idée, les officiers du corps technique et administratif (CTA)
peuvent être recrutés dans le cadre spécial, tandis que la
réflexion sur la gestion des carrières des officiers se poursuit
parallèlement à la professionnalisation et à la
réduction du format de l'armée de terre.
A terme, la répartition des officiers pourrait être de 60 % pour
le corps des officiers des armes et de 40 % pour le cadre spécial. Les
ajustements en cours conduiront donc à une augmentation du nombre
d'officiers servant sous statut du cadre spécial. La répartition
actuelle est de 80 % pour le corps des officiers des armes, et de 20 % pour les
autres corps (commissariat, corps technique et administratif, cadre
spécial).
(3) La déflation maîtrisée des effectifs de sous-officiers
La
réforme des limites d'âge mise en oeuvre dans le cadre de la loi
n° 91-1241 du 13 décembre 1991
5(
*
)
s'est traduite de manière
mécanique par un ralentissement des départs et par un certain
vieillissement du corps des sous-officiers.
.
Les conséquences de cette évolution ont
été, d'une part, l'apparition de
tensions à
l'avancement
dues à des
déséquilibres internes de
la pyramide des grades
(sureffectif en adjudants-chefs et en adjudants,
sous-effectif en sergents) et, d'autre part, une
réduction temporaire
des recrutements
, dans le cadre du
plan de résorption des
sureffectifs
mis en oeuvre en 1995. Celui-ci s'est traduit par une
diminution brutale du nombre de sous-officiers recrutés entre 1994 (2
809) et 1995 (1 480).
.
On observe néanmoins une tendance récente (liée
à la mise en oeuvre de la loi n° 96-1111 précitée du
19 décembre 1996 et, notamment, au dispositif rénové des
pécules) à l'
augmentation du nombre de départs
volontaires de sous-officiers
(1 313 en 1996, 1 599 en 1997).
Notons que les
pécules
permettent de rééquilibrer
le corps des sous-officiers en encourageant les départs dans les grades
où le sureffectif est le plus important. C'est ainsi que les
pécules accordés aux adjudants-chefs et aux adjudants, au nombre
de respectivement 651 et 157 en 1997, sont passés à 861 et 378 en
1998 (avec un taux de satisfaction des demandes qui, de 29,5 % pour les
adjudants-chefs et 22 % pour les adjudants, s'est élevé à
42 % et 60 %).
.
C'est ainsi que l'armée de terre a pu reprendre un
niveau
équilibré de recrutement en 1998,
susceptible de
mettre
fin aux classes creuses chez les jeunes sous-officiers.
Le tableau
ci-après montre qu'en 1999 devraient être confirmées les
tendances observées en 1998.
Recrutement des sous-officiers depuis 1990
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998* |
1999* |
Voie école |
2020 |
1 945 |
2 094 |
1 998 |
1 932 |
890 |
909 |
970 |
1 284 |
1 200 |
Voie corps de troupe |
1595 |
1 520 |
1 357 |
824 |
877 |
590 |
730 |
790 |
1 040 |
1 200 |
TOTAL |
3 615 |
3 465 |
3 451 |
2 822 |
2 809 |
1 480 |
1 639 |
1 760 |
2 324 |
2 400 |
*
Prévisions
On observe, en outre, une diminution, dans les prévisions pour 1999, de
la part du recrutement par la "voie école" au profit de la voie "corps
de troupe". Notons que, depuis la dissolution, à l'été
1998, de l'Ecole nationale technique des sous-officiers d'active
implantée à Issoire, le recrutement par la filière des
écoles relève exclusivement de l'Ecole nationale des
sous-officiers d'active de Saint-Maixent.
.
Il est certain que la reprise d'un flux équilibré de
recrutements, jointe à une tendance (à confirmer) à
l'augmentation du nombre de départs volontaires, impose un effort tout
particulier en vue de
favoriser la reconversion des sous-officiers
.
Rappelons, par ailleurs, que les limites d'âge s'établissent
parfois très tôt (42 ans pour les sergents et les sergents-chefs,
47 ans pour les adjudants), et que les retraites des sous-officiers ne
permettent pas, surtout après des carrières courtes
(jusqu'à onze ans de service), de subvenir aux besoins d'une famille.
Le
dispositif d'aide à la reconversion des sous-officiers
présente donc un intérêt évident.
- Le
pécule
instauré par la loi précitée du
19 décembre 1996 a, en 1997, bénéficié à 1
062 sous-officiers (avec un taux moyen de satisfaction de 31 %), compte tenu
d'un nombre élevé -3 430- de demandes). En 1998, 1 366
pécules ont été attribués à des
sous-officiers, le taux de satisfaction ayant été de 44,5 %
(3 075 demandes ont été enregistrées). Il serait
envisagé, en 1999, d'attribuer un pécule à quelque 1 180
sous-officiers.
- Les sous-officiers peuvent également bénéficier de
congés de conversion
d'une durée maximale de six mois,
leur permettant de préparer, sous statut militaire, leur seconde
carrière.
Des
stages de formation professionnelle en milieu militaire
(au centre
militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte) et
en milieu
civil
(dans les 180 centres de l'Association pour la formation
professionnelle des adultes, et dans les entreprises ou centres de formation
agréés) leur sont en outre accessibles.
- Les majors et adjudants-chefs ont aussi vocation à accéder
à des
emplois de la fonction publique
(en application de la
loi 70-2
ci-dessus évoquée à l'égard des
officiers).
- Des facilités peuvent enfin être offertes pour l'accès
à certains prêts relevant de l'
aide à la création
d'entreprise.
c) Les militaires du rang engagés de l'armée de terre : un pari qui doit être gagné
La
catégorie des militaires du rang engagés joue un
rôle
essentiel dans la réussite de la professionnalisation
, puisque c'est
l'augmentation très substantielle des effectifs d'EVAT (+ 120 % entre
1996 et 2002), qui doit compenser l'extinction progressive de la composante
appelée. Rappelons que les militaires du rang engagés
représentaient en 1996, à la veille de la mise en oeuvre de la
professionnalisation, 12,76 % des effectifs militaires des forces terrestres
à une époque où les appelés en
représentaient 56 %, et que les EVAT constitueront, en 2002,
48 % des
effectifs militaires de l'armée de terre,
soit
pratiquement la
moitié.
Les militaires du rang engagés sont donc destinés à
devenir une
catégorie à part entière des personnels
militaires des forces terrestres
, ce qui équivaut pour celles-ci
à une
véritable mutation.
.
Dans cette perspective, le
cursus des EVAT
a été
profondément remanié, pour répondre aux exigences d'une
armée de terre professionnelle.
Deux types de carrière coexistent désormais : les
carrières courtes
et les
carrières longues
.
Les premières concerneront les personnels affectés à des
tâches d'exécution dans un cadre opérationnel. Leur limite
sera de onze années, y compris les congés de conversion
destinés à la préparation, sous statut militaire, de la
reconversion des personnels.
La distinction de 1ère classe pourra être accordée
dès six mois de service (au lieu de dix mois actuellement), à la
fin de la période probatoire. Cette distinction matérialisera
l'aptitude à détenir un poste "projetable".
Les carrières longues (entre onze et vingt-deux ans) seront accessibles
aux caporaux-chefs ayant réussi le CT1 (certificat technique du premier
degré). Le choix du CT1, de préférence au CAT2,
très critiqué en raison d'une sélectivité
jugée excessive, constitue un changement substantiel dans les
perspectives de carrière ouvertes aux EVAT.
Les carrières longues sont destinées plus particulièrement
aux personnels susceptibles d'occuper des
emplois de
spécialistes
. Cette seconde phase de la carrière d'EVAT
s'appuie sur une certaine mobilité (fonction "opérationnelle
projetable", puis fonction "base" ou "soutien"), à l'instar du cursus
des autres catégories.
Ce nouveau cursus paraît
plus attractif
. Selon les informations
transmises à votre rapporteur, la prolongation de la durée des
services paraît répondre à une réelle attente de la
part des intéressés (celle-ci n'est peut-être pas
étrangère au fait que quinze ans de service permettent
l'accès à une pension de retraite à jouissance
immédiate).
Ainsi les carrières longues pourraient-elles concerner 20 % de la
ressource globale, car les conditions d'avancement n'ont pas été
durcies. Par ailleurs, l'accès au corps des sous-officiers est maintenu,
56 % de sous-officiers devant à terme être issus des corps de
troupes (cette orientation est cohérente avec la diminution de la part
de la "filière écoles" dans le recrutement des sous-officiers).
.
Les
besoins croissants en militaires du rang engagés
ont
conduit à la mise en place d'une
stratégie de recrutement
dont les résultats paraissent, à ce jour, positifs.
En effet, l'évolution des effectifs d'EVAT pendant la période de
programmation fait apparaître un besoin d'accroissement annuel
net
d'environ 6 000 emplois. Ce besoin sera satisfait par :
- l'allongement de la durée moyenne de service, qui passera de cinq
à huit ans, parallèlement au développement des
carrières longues (voir supra),
- l'augmentation des flux de recrutement, portés à près de
8 000 à 9 000 engagés chaque année : 8 946 en 1997
à rapprocher des 3 000 EVAT recrutés en 1994, 5 000 en 1995, et 6
695 en 1996).
Ce volume croissant de recrutements s'explique par la nécessité
de compenser un
flux important de départs d'EVAT
. Ainsi le nombre
de départs s'est-il élevé à 3 876 en 1996, et
à 3 855 en 1997.
L'allongement de la durée du service
prévient toutefois une croissance des départs proportionnelle
à l'augmentation des effectifs d'EVAT.
A ce jour, l'armée de terre paraît relever avec succès le
défi du recrutement d'un effectif croissant de militaires du rang
engagés, contrairement aux prévisions les plus pessimistes
formulées avant la mise en oeuvre des réformes. Il est cependant
possible que la persistance d'un taux de chômage élevé,
joint au rythme soutenu des interventions en opérations
extérieures ou en outre-mer, se trouvent à l'origine de
nombreuses vocations.
Par ailleurs, la
ressource appelée
jouait encore le rôle,
en 1997, de vivier de recrutement des engagés, comme l'atteste le
maintien d'une forte proportion d'engagés recrutés à
l'issue du service militaire obligatoire. La part du "recrutement
ultérieur", à l'issue du service national, reste ainsi
décisive, en 1997, par rapport à la part du
"recrutement
initial"
ce qu'illustre le tableau ci-après. Rappelons le choix de
l'armée de terre de privilégier le recrutement ultérieur
pendant la montée en puissance des effectifs d'EVAT, afin de garantir un
flux de recrutement conforme aux objectifs de la programmation.
Recrutement des EVAT depuis 1990
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Recrutement initial |
2 380 |
2 155 |
2 263 |
2 342 |
1 930 |
2 566 |
2 602 |
3 572 |
Recrutement ultérieur |
2 710 |
2 095 |
1 480 |
1 765 |
1 218 |
2 369 |
4 093 |
5 374 |
Total |
5 090 |
4 295 |
3 743 |
4 107 |
3 148 |
4 935 |
6 695 |
8 946 |
Part du recrutement ultérieur |
53,2 % |
49,3 % |
39,5 % |
42,9 % |
38,6 % |
48 % |
61,1 % |
60 % |
Notons
aussi que
l'effort de communication
, essentiellement
télévisuelle, accompli ces derniers mois par l'armée de
terre, a pu contribuer à mettre en valeur une
image technologique
particulièrement valorisante
de l'armée de terre, et
encourager des vocations authentiquement militaires.
Dans cette perspective, il serait intéressant de vérifier si les
statistiques de 1998 et, surtout, de 1999, confirment l'existence d'une
proportion non négligeable d'EVAT de niveau BAC et plus
(31,9 %
en 1996, 29 % en 1997, à comparer à la faible proportion de
14,6 % enregistrée en 1993), la majorité (50,5 % en
1996 ; 56,9 % en 1997) disposant d'un niveau BEPC.
Le bilan de 1997-1998 paraît, en dépit de nombreuses
interrogations sur l'avenir du recrutement des militaires du rang
engagés, autoriser un
certain optimisme.
En effet, la ressource
semble
correspondre, sur le plan qualitatif, aux attentes de l'armée
de terre.
Le taux de sélection actuel (un engagement souscrit pour
trois dossiers de candidature) est, en effet, satisfaisant. Sur le plan
quantitatif,
60 % des objectifs définis pour 2002 auraient
été atteints au ler juin 1998
6(
*
)
.
La réorganisation de la
chaîne de recrutement, désormais fondée sur l'initiative
des corps de troupe -à l'instar de la méthode retenue au
Royaume-Uni- se trouve probablement à l'origine de cette
évolution positive. Notons que la montée en puissance de la
"chaîne recrutement", avec l'ouverture, en 1998 et 1999, de centres de
sélection et d'orientation (CSO) relevant de l'armée de terre,
s'inscrit dans une logique de recrutement gérée par les
"régions terre", au siège desquelles sont implantés ces
centres. La décentralisation du recrutement joue un rôle important
dans la stratégie retenue par l'armée de terre. Celle-ci pourrait
ainsi permettre de garantir une ressource suffisante dans le cadre du
recrutement dit "initial", lorsqu'il ne sera plus possible de s'appuyer sur la
ressource appelée.
.
Si la professionnalisation passe nécessairement par une
augmentation substantielle des effectifs d'EVAT, elle implique également
un effort soutenu de
reconversion.
En effet, les carrières de
militaire du rang engagés ne dureront pas plus de vingt-deux ans, dans
l'hypothèse du cursus le plus long, et s'interrompront dans de
très nombreux cas après huit à onze années de
service.
La loi n° 96-1111 du 16 décembre 1996 relative aux
mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la
professionnalisation a mis en place un
dispositif de reconversion
spécifique
pour les militaires du rang engagés :
- congé de reconversion d'une durée maximale de douze mois,
permettant aux intéressés de préparer leur seconde
carrière sous statut militaire ;
- indemnité de départ revalorisée (d'un montant de
24 mois de solde brute non imposable) pour les militaires du rang
engagés quittant l'armée à partir de quatre années
de service (sans droits à pension de retraite) ;
- possibilité, à partir de quatre ans de service, de
bénéficier du dispositif d'aides déjà existantes
avant la mise en oeuvre de la professionnalisation (préparation aux
concours d'accès à la fonction publique, admission à un
stage de formation professionnelle en milieu militaire ou civil, participation
aux sessions d'orientation approfondies et aux sessions de techniques de
recherche d'emploi organisées dans les unités...).
L'évaluation du coût des aides à la reconversion des EVAT
prend en compte :
- la
durée moyenne de la reconversion
(six mois) ;
- les
effectifs annuels des bénéficiaires
des diverses
mesures (2 330 EVAT, soit environ 70 % des engagés ayant
vocation à bénéficier de ce dispositif).
Le coût de la reconversion s'élèverait à
144 000 francs par engagé
, soit un
budget total de 335
millions de francs
7(
*
)
,
compte tenu des effectifs concernés.
Selon les informations transmises à votre rapporteur, ce coût
global est dû, pour l'essentiel, aux soldes des stagiaires
(168 millions de francs, soit la moitié du budget), alors que le
coût des actions de reconversion
stricto sensu
ne
représente que 15 millions de francs, soit 4,5 % seulement de
l'ensemble.
Il est clair qu'
aucune économie ne saurait être
effectuée, dans les années à venir, sur la reconversion
des personnels engagés. En effet, l'accès à une seconde
carrière dans le domaine civil est un aspect indispensable de
l'attractivité des carrières militaires dont la
caractéristique est d'être courtes.
.
Mentionnons enfin, parmi les mesures destinées à
rendre
attractifs les engagements dans l'armée de terre, la récente
revalorisation des rémunérations des EVAT.
Conformément à la loi de programmation, la
rémunération totale des militaires du rang engagés est,
depuis le ler juillet 1997, assise sur le
SMIC
, soit une
rémunération mensuelle nette de 5 600 francs
comprenant en
outre les avantages en nature
(hébergement, réduction SNCF et
alimentation) dont bénéficie traditionnellement cette
catégorie.
L'accord salarial de février 1998 se traduit par une nouvelle
augmentation, puisque la solde indiciaire brute minimale est désormais
portée au niveau du SMIC, niveau auquel s'ajoutent les
rémunérations accessoires et les avantages en nature.
d) Un défi à relever : la féminisation de l'armée de terre
La
nécessité d'accroître substantiellement les flux
d'engagés pose, à l'évidence, la question de la
féminisation des personnels militaires de l'armée de terre,
surtout dans la perspective de la disparition prochaine du service militaire
obligatoire, qui constitue encore aujourd'hui un important vivier de
recrutement. Le recours aux vocations féminines permettrait ainsi
probablement d'obtenir un niveau équilibré et régulier
d'engagements chaque année.
Certes, les statistiques montrent que la féminisation de l'armée
de terre peut encore progresser dans toutes les catégories. Cependant,
si les récentes évolutions statutaires autorisent
désormais l'accès des femmes à une grande diversité
d'emplois dans les armées, force est néanmoins de
reconnaître que les besoins suscités par la professionnalisation
ne sauraient, compte tenu de la spécificité du métier des
armes, permettre de concevoir à l'identique les cursus masculin et
féminin.
(1) Un taux de féminisation encore modeste
Les statistiques ci-après illustrent que, si le taux de féminisation de l'armée de terre (8 %) est très comparable au taux moyen de la Défense (7 %), il se situe néanmoins très en retrait du taux de féminisation de l'armée de l'air (11,3 %) et, surtout, du service de santé (37,6 %). Le faible taux de féminisation des effectifs de l'armée de terre est patent dans la catégorie des militaires du rang engagés (1 952 EVAT, soit 3,7 % de la catégorie) et dans celle des officiers (442, soit 2,5 % de la catégorie). On relève en revanche une proportion plus importante de femmes parmi les sous-officiers (5 830, soit 13 % de la catégorie), plus importante que dans les deux autres armées (air : 10,2 % ; marine : 6,8 %). Notons, par ailleurs, un taux de féminisation particulièrement bas dans la gendarmerie (3,75 %).
La féminisation de la Défense (1er semestre 1998)
|
Terre |
Air |
Marine |
Gendarmerie |
Essences |
DGA |
Santé |
TOTAL |
Officiers |
17 683 |
7 219 |
5 021 |
2 961 |
228 |
3 554 |
3 634 |
36 438 |
Nombre de femmes |
440 |
292 |
164 |
17 |
10 |
186 |
572 |
1 099 |
Féminisation |
2,49 % |
4,04 % |
3,27 % |
0,57 % |
4,38 % |
5,23 % |
15,74 % |
3,02 % |
Sous-officiers |
57 483 |
41 366 |
33 757 |
80 490 |
342 |
- |
3 830 |
211 920 |
Nombre de femmes |
7 513 |
4 227 |
2 311 |
3 116 |
8 |
- |
2 234 |
16 422 |
Féminisation |
13,07 % |
10,22 % |
6,85 % |
3,87 % |
2,34 % |
- |
58,33 % |
7,75 % |
Militaires du rang engagés |
44 754 |
7 165 |
8 394 |
- |
475 |
- |
- |
60 313 |
Nombre de femmes |
1 666 |
1 777 |
822 |
- |
9 |
- |
- |
4 265 |
Féminisation |
3,72 % |
24,8 % |
9,79 % |
- |
1,89 % |
- |
- |
7,07 % |
Total des effectifs |
119 920 |
55 750 |
47 172 |
83 451 |
1 045 |
3 554 |
7 464 |
308 671 |
Nombre de femmes |
9 619 |
6 296 |
3 297 |
3 133 |
27 |
186 |
2 806 |
21 786 |
Moyenne par armée |
8,02 % |
11,29 % |
6,99 % |
3,75 % |
2,58 % |
5,23 % |
37,59 % |
7,06 % |
Le taux
de féminisation des officiers de l'armée de terre est comparable
au taux moyen de la Défense pour cette catégorie (3,02 %).
Le taux de féminisation des EVAT (3,72 %) est, en revanche,
nettement inférieur à la moyenne de la Défense pour la
catégorie des militaires du rang engagés. Enfin, la
féminisation des sous-officiers de l'armée de terre
(13,07 %) est très supérieure au taux de la Défense
(7,75 %).
Des progrès restent à accomplir, s'agissant des catégories
des officiers et militaires du rang engagés, si l'on considère
que
les armées professionnalisées connaissent, en
général, un taux de féminisation de l'ordre de
15 %.
(2) Une ouverture statutaire récente
Un
décret récent (décret n° 98-86 du
16 février 1998) a fait prévaloir le principe
d'égalité entre hommes et femmes pour l'accès aux
différents corps militaires. Il s'agit d'une étape importante
dans la féminisation des armées.
En effet, avant cette date, l'accès des femmes aux carrières
militaires a tout d'abord été déterminé par les
décrets portant statuts particuliers des différents corps
d'officiers et de sous-officiers
, qui réglementaient l'accès
à ces carrières par le biais de
quotas
, ou
d'arrêtés annuels de recrutement répartissant la proportion
d'hommes et de femmes admis à intégrer les différents
corps.
Entre 1982 et 1985, une deuxième génération de mesures a
tendu à instaurer une
formation initiale commune
aux militaires
des deux sexes, et à autoriser
l'accès des femmes à
tous les concours de recrutement et à toutes les armes
, même
les armes de mêlée
, selon un
système de quotas
par arme.
En 1998 (décret précité du 16 février 1998)
ont été levés ces quotas restrictifs, en application du
droit communautaire
. En effet, la directive n° 76/207 du
9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe
d'égalité de traitement entre hommes et femmes autorise les Etats
à exclure certaines activités professionnelles du champ
d'application de ce principe, pour autant que le sexe constitue une condition
déterminante de l'exercice des activités
considérées, en raison de leur nature ou des conditions
d'exercice. Or le contrôle de la cour de justice des communautés
européennes porte sur la nature de l'emploi, et non le corps d'agents
publics concernés. C'est ainsi que la CJCE n'a pas retenu les arguments
présentés par la France pour justifier certaines restrictions
à l'accès des femmes aux carrières de la police nationale.
Le ministère de la défense a donc, conformément de
surcroît au
principe d'égal accès aux emplois publics
réaffirmé par le Conseil d'Etat
, mis en place une nouvelle
réglementation de l'accès des femmes aux carrières
militaires. Le décret du 16 février 1998 s'appuie ainsi sur
le principe de l'égalité entre hommes et femmes, autorisant,
à titre exceptionnel, certaines restrictions quand la nature des emplois
ou leurs conditions d'exercice le justifient. Ce décret met donc fin au
système antérieur des quotas. Un arrêté
interarmées énumère limitativement les emplois
inaccessibles aux personnels féminins. Il s'agit, pour l'Armée de
terre, des emplois impliquant un contact direct et prolongé avec des
forces hostiles.
La réforme statutaire de 1998 ouvre aux femmes
plus de 80 % des
emplois répertoriés par l'armée de terre.
Notons que
la proportion est sensiblement la même pour la marine, qui exclut
l'affectation de personnels féminins à bord de sous-marins, aux
formations de fusiliers marins et de commandos, et aux équipages
d'avions embarqués. On remarque, en revanche, que l'armée de
l'air n'a pas déterminé d'emplois susceptibles d'être
inaccessibles aux personnels féminins.
(3) Un cursus féminin spécifique ?
La mise
en conformité du statut des personnels féminins de la
Défense avec les moeurs du temps ne saurait conduire à
déterminer les cursus masculin et féminin à l'identique.
On remarque, en effet, que si plus de 80 % des femmes militaires sont
globalement satisfaites de leur vie professionnelle
8(
*
)
, tous les personnels féminins
ne se distinguent pas par une vocation spécifiquement militaire. La
tendance à se détourner des postes de terrain est ainsi
directement liée à la situation familiale des
intéressées. Dans le même ordre d'idée, on observe
une très faible proportion de personnels féminins
âgés de plus de 40 ans et volontaires pour servir en
unité de combat.
Or la professionnalisation suscite des besoins dans les domaines des soutiens
et de l'environnement des forces. Rappelons notamment que le nouveau cursus
proposé aux EVAT prévoit la possibilité d'affectations en
fonction "base" ou "soutien", susceptibles de convenir aux personnels -hommes
ou femmes- qui ne seraient pas intéressés par des postes en
unités de combat.
En ce qui concerne plus particulièrement les officiers, la
création du
corps des experts
(voir supra, b-2) pourrait offrir
des perspectives aux officiers de sexe féminin souhaitant, de
préférence à une affectation dans une arme de
mêlée, servir dans l'environnement des forces terrestres
(filières communication, gestion des ressources humaines, logistique...).
La période actuelle devrait donc permettre aux besoins de l'armée
de terre et aux attentes des candidates féminines de se rencontrer. Il
n'est par ailleurs pas exclu qu'un rééquilibrage du taux de
féminisation des armées contribue, dans une certaine mesure,
à renforcer le lien armées-nation en améliorant la
représentativité des personnels des forces terrestres.
e) Une attente : la réforme des réserves
Composante à part entière de l'armée de
terre professionnelle,
la réserve est destinée, en cas de
besoin, à participer aux missions de l'armée de terre dès
le temps de paix.
La professionnalisation a
considérablement modifié les besoins
de l'armée de terre en forces de réserve
, par rapport au
schéma de l'armée mixte.
Sur le
plan quantitatif
, les besoins sont passés de 195 500
hommes à 30 000 hommes, constituant la première
réserve ou réserve opérationnelle, qui est destinée
à l'emploi.
Sur le
plan qualitatif
, les personnels de réserve peuvent
être affectés, soit en compléments individuels dans les
états-majors (forces ou régiments), soit au sein d'une
unité de réserve intégrée aux régiments
professionnalisés.
Il reste donc à adopter un
statut adapté à ces
nouvelles modalités de recours aux réserves
, qui visent
à faire des réservistes des "militaires à temps partiel",
afin que les obligations professionnelles et la protection sociale de ces
personnels ne pâtissent pas de leur contribution à la
défense de leur pays.
Rappelons, en effet, que ce statut devra
notamment préciser les conséquences du temps de service
effectué par les réservistes sur leurs
droits à pension
de retraite.
f) Une inquiétude : la trop lente montée en puissance des personnels civils
La
diminution du format des forces terrestres et la professionnalisation rendent
pertinent un
partage des tâches entre personnels civils et militaires
de l'armée de terre qui
réserve aux militaires les emplois
opérationnels
et projetables et qui
affecte aux fonctions de
soutien les personnels civils.
Ceux-ci disposent également de
débouchés dans les
régiments des forces
, où
peuvent leur être confiées des
fonctions
sédentaires
, de nature technique ou administrative. Le besoin est
ainsi important dans les domaines de l'
alimentation
et de
l'
entretien.
Selon un schéma "idéal", les effectifs rendus disponibles par les
dissolutions et restructurations de nombreux organismes de la défense,
notamment de la DGA, devraient être affectés aux formations
où la professionnalisation crée des besoins par
redéploiements internes au Ministère de la Défense.
.
Entre 1997 et 2002, la loi de programmation militaire a prévu
la création de 9 276 postes civils (dont les effectifs devraient
ainsi augmenter de 12,6 %). 1710 emplois civils devraient être
créés pour la seule armée de terre. En 2002, les
personnels civils devraient représenter quelque
20 % des effectifs de
l'armée de terre
, au lieu de 12,8 % en 1997.
. L'effectif de civils inscrits au projet de budget pour 1999
s'élève à
78 660 emplois
. Il intègre
notamment les évolutions induites par la substitution de "l'appel de
préparation à la défense" au "rendez-vous citoyen", alors
que c'est sur cette seconde hypothèse, plus "consommatrice" d'emplois,
qu'avait été conçue la loi de programmation militaire.
.
On remarque, en 1998, une
reprise des recrutements
de
fonctionnaires civils (attachés, secrétaires administratifs,
agents de service hospitalier, adjoints...) : 159 recrutements en 1996, 384 en
1997, et
1 496 en 1998
(auxquels s'ajoutent 681 nominations
effectuées au titre de 1997).
Cette situation favorable contraste avec le
sous-effectif chronique en
ouvriers d'Etat
, qui contribue à faire de la montée en
puissance des effectifs civils un
élément désormais
théorique
du schéma de professionnalisation des
armées.
Cette situation est, en effet, à l'origine d'un
sous-effectif de
3 350 postes dans l'armée de terre,
qui contraste avec le
sureffectif observé à la DGA.
Le
taux de vacances en
ouvriers d'Etat est de 11 % dans les armées
, et de 9 %
dans l'armée de terre.
.
Or divers facteurs se conjuguent pour
compromettre la montée
en puissance des effectifs civils :
- Les personnels civils ne sont
pas soumis, à la différence
des militaires, à l'obligation de mobilité géographique :
l'affectation des personnels nécessaires aux
régiments des
forces terrestres
prend donc d'autant plus de temps que les besoins de
l'armée de terre se situent essentiellement dans les unités de
l'Est modérément attractives (Mourmelon, Mailly, Sissonne...). En
revanche, la Marine est théoriquement en mesure de procéder au
recrutement de nombreux personnels civils par des transferts de postes de la
DCN, sans changement de résidence.
- Il existe un important
décalage chronologique entre la
création des postes budgétaires
,
l'organisation des
concours, et les nominations effectives.
Ces délais d'affectation
freinent considérablement la "civilisation" des forces.
- Enfin, on peut déplorer les effets des blocages et mises en
réserve de poste opérés par le ministère du budget,
qui constituent une entrave au recrutement.
Ces facteurs cumulent donc leurs effets pour compromettre l'ajustement des
ressources aux besoins. Comme votre rapporteur le faisait observer à
l'occasion de l'examen du précédent projet de loi de finances, on
ne peut exclure que la trop lente croissance des effectifs civils, dans
laquelle les raisons d'ordre statutaire jouent un rôle évident,
conduise à
compromettre la professionnalisation de l'armée de
terre
, en justifiant
l'affectation à des fonctions de soutien
d'une proportion d'EVAT trop importante pour que cette catégorie de
personnels puisse se consacrer à des missions
opérationnelles.
Cette situation pourrait conduire, de
manière très regrettable, à la mise en sommeil (même
temporaire) de régiments ou de compagnies de l'armée de
terre
9(
*
)
. En d'autres termes, on
peut craindre que
l'insuffisante disponibilité des personnels civils
oblige à affecter de trop nombreux engagés à des emplois
non opérationnels, en contradiction avec le "contrat
opérationnel" fixé à l'armée de terre.