N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
SANTÉ
Par M. Louis BOYER,
Sénateur.
Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590 .
Sénat : 85 et 86 (annexe n° 39 ) (1996-1997).
Lois de finances
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 5 novembre 1996, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, accompagné de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale sur les crédits de son département ministériel pour 1997, consacrés aux affaires sociales et à la santé.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a présenté le projet de budget de la section « santé publique et services communs ».
Il a indiqué que les crédits de cette section s'élevaient à 8,1 milliards de francs pour 1997, soit environ 3 milliards de francs pour la santé et 5 milliards de francs pour les crédits de fonctionnement de l'administration sanitaire et sociale.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a d'abord évoqué les crédits de la santé, qui s'accroissent de 4,5% à structure constante, progression qui témoigne de l'importance accordée par le Gouvernement à la santé publique. Des moyens très importants ont été concentrés sur trois priorités.
La première priorité est l'amélioration de la protection sanitaire, c'est-à-dire le renforcement de la veille sanitaire et de la sécurité sanitaire. Ainsi, le réseau national de santé publique verra sa dotation augmenter de 50%. La vaccination des détenus contre l'hépatite B bénéficiera de 11,4 millions de francs de mesures nouvelles, et les crédits du ministère destinés à améliorer la prise en charge sanitaire des personnes démunies progresseront de 20,4 millions de francs en 1996 à 44,4 millions de francs en 1997.
La deuxième priorité est le renforcement de la lutte contre les fléaux sanitaires et les dépendances. Ainsi, les crédits consacrés à la lutte contre le Sida augmentent de 5,3%, ceux de la lutte contre la toxicomanie de 8,5% et les crédits consacrés à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme sont stabilisés.
La troisième priorité réside dans la mise en oeuvre des réformes structurelles du système de santé, avec l'ouverture de crédits destinés aux nouvelles institutions que sont l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et les agences régionales de l'hospitalisation.
Evoquant ensuite les crédits de l'administration sanitaire et sociale, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a indiqué qu'ils étaient stabilisés à 5 milliards de francs. Si l'administration sanitaire et sociale contribue à l'effort général de diminution de l'emploi public par la suppression nette de 100 postes budgétaires, les moyens des services déconcentrés sont accrus de 30 millions de francs.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a demandé au ministre si le réengagement de l'État dans la lutte antituberculeuse prévu dans l'avant-projet de loi sur la cohésion sociale correspondrait à un allégement des charges pour les départements. Il a regretté la stabilisation des crédits de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Faisant référence aux priorités définies par la conférence nationale de la santé, il s'est inquiété de l'ampleur des crédits destinés à l'amélioration de la lutte contre le cancer et à la prévention des suicides. Remarquant que la ligne budgétaire correspondant au financement de l'agence pour le développement de l'évaluation médicale disparaissait dans le budget pour 1997, il a demandé s'il était réaliste de prévoir l'installation au 1er janvier 1997 de l'agence nationale d'accréditation en santé, qui prendra le relais de cet organisme. Enfin, il l'a interrogé sur les mesures que prendrait le Gouvernement afin de favoriser une « remédicalisation » des hôpitaux publics dans lesquels un grand nombre de postes de praticiens hospitaliers était vacant.
Répondant au rapporteur pour avis, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a indiqué que le réengagement de l'État dans la prévention anti-tuberculeuse devait être neutre sur le plan financier. Il a reconnu que l'institution d'une assurance maladie universelle aurait des conséquences sur l'aide médicale, et a porté à la connaissance de la commission l'existence d'une mission d'étude consacrée à ce sujet.
Evoquant la lutte contre le cancer, il a fait référence à l'augmentation des moyens alloués au comité français d'éducation pour la santé et au renforcement de la cellule chargée du cancer à la direction générale de la santé. Il a indiqué qu'une partie des 21 millions de francs affectés aux programmes régionaux de santé serait consacrée à la prévention des suicides et à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.
Il a estimé réaliste de prévoir une installation rapide de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, mais a reconnu qu'il faudrait gérer une période de transition.
Il a fait siens les propos du rapporteur pour avis concernant les postes vacants de praticiens hospitaliers.
M. François Autain a demandé au ministre s'il n'était pas paradoxal que les crédits budgétaires de la lutte contre l'alcoolisme ne progressent pas alors que les taxes sur les alcools sont relevées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il l'a également interrogé sur les accidents domestiques.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la réalisation de l'objectif de suppression de 60.000 lits d'hôpitaux excédentaires.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a regretté que les associations qui mettaient en oeuvre des expériences novatrices, telles que les appartements thérapeutiques ou la mise en place de « réseaux ville-hôpital », se retournent essentiellement vers les collectivités locales pour obtenir les financements en complément de l'État. Elle a regretté que la lutte contre l'alcoolisme soit en bien des cas essentiellement orientée vers une prise en charge psychiatrique, qui n'est pas toujours la seule adaptée.
M. Claude Huriet s'est interrogé sur la sous-médicalisation des hôpitaux publics et sur la mise en cohérence du projet de loi de finances et du projet de loi de financement. Il a demandé au ministre quelles mesures il comptait prendre en faveur des médecins étrangers exerçant à l'hôpital.
M. Charles Descours a fait sienne la question de M. Claude Huriet sur les médecins étrangers. Il a interrogé le ministre sur l'importance des infections nosocomiales et sur les maladies iatrogènes. Il a rappelé que, malgré le vote des parlementaires intervenu au sujet des buvettes dans les stades, le Gouvernement avait pris au cours de l'été une mesure réglementaire allant en sens contraire.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État chargé de la santé et de la sécurité sociale, a ensuite répondu aux orateurs sur les crédits de la santé. Il a estimé qu'il n'y avait pas d'incohérence entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement au sujet de l'alcool et qu'une prise en charge psychiatrique n'était pas toujours adaptée pour répondre à tous les problèmes rencontrés par les personnes alcooliques. Il a indiqué que la politique du Gouvernement visait à réduire de 20% en trois ans le nombre des accidents domestiques. Evoquant les restructurations hospitalières, il a affirmé que la notion de lit n'était pas la plus adaptée pour apprécier l'état de l'offre hospitalière. Evoquant la situation des médecins étrangers, il a estimé qu'il conviendrait de prendre des mesures afin que des médecins étrangers ne se voient pas refuser l'accès au concours de praticien adjoint contractuel au motif, par exemple, d'un défaut de présentation de l'original de leur diplôme alors qu'ils bénéficient du statut de réfugié. Il a enfin annoncé la mise en oeuvre d'un second plan de lutte contre les infections nosocomiales.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mardi 19 novembre 1996 sous la présidence de M. Jean Pierre Fourcade, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Louis Boyer sur le projet de loi de finances pour 1997 (santé).
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que, compte tenu de l'adoption de la réforme constitutionnelle qui s'était traduite par l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n'examinerait cette année que l'évolution des seules actions étatiques en matière de santé publique.
Il a rappelé que le budget de la santé publique et des services communs n'échappait pas au contexte de rigueur budgétaire, même si les crédits relatifs à la santé publique progressaient d'un peu plus de 4 % à structure constante.
Les crédits de fonctionnement du ministère des affaires sociales n'augmentent en effet que de 0,40 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 1996, cette stabilisation se traduisant par la suppression de 100 emplois, qui, pour les trois quarts d'entre eux, étaient vacants ou gelés.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget préparait la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation : une ligne nouvelle de l'article 10 du chapitre 47-19 leur était ainsi consacrée. Elle est dotée de près de 100 millions de francs.
Il a estimé que l'installation des agences régionales de l'hospitalisation entraînerait probablement une réforme des missions et des structures de la direction des hôpitaux du ministère de la santé.
Tirant les conséquences de la réforme hospitalière, le budget de la santé pour 1997 prévoit la mise en place de la future agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Ainsi, la ligne budgétaire du chapitre 47-11 qui correspondait à l'agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM) est supprimée alors qu'est créée une nouvelle ligne dotée de 35 millions de francs, destinée à l'ANAES.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il était difficile de dire si les 35 millions de francs prévus par le projet de budget étaient suffisants. En effet, on ne connaît pas encore la structure de financement de cette future institution, et notamment le volume de crédits qui sera apporté par l'assurance maladie. Si celui-ci était insuffisant, il apparaîtrait évident que l'ANAES ne pourrait accomplir ses missions dans de bonnes conditions, qu'il s'agisse de l'accréditation des établissements ou de la préparation des références professionnelles.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la lutte contre les grands fléaux.
Il a observé que si la lutte contre le Sida et la toxicomanie faisait, cette année encore, l'objet d'un effort accru, des causes semblaient « laissées pour compte », à savoir la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme et la lutte contre le cancer.
Ainsi, les crédits destinés à lutter contre le Sida progresseront de façon significative en 1997, avec une augmentation de 26 millions de francs, soit un taux d'évolution de 5,3 %. Ils représentent désormais près de 475 millions de francs.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a présenté les principales statistiques concernant l'épidémie ainsi que les politiques de prévention et d'aide à la vie quotidienne des malades et les trithérapies.
Il a indiqué à cet égard que la prescription d'antiprotéases était en croissance forte : alors qu'elle concernait 2.804 patients fin avril 1996, 11.671 patients en recevaient à la fin du mois de juillet.
Il a précisé qu'une bithérapie coûtait entre 29.000 francs et 44.602 francs par an et par malade et une trithérapie entre 42.216 francs et 56.634 francs.
Il a évoqué les crédits de la lutte contre la toxicomanie qui bénéficient d'une très forte progression de 8,5 % et indiqué que cette augmentation visait essentiellement à poursuivre la politique de substitution et à permettre la mise en service du plan gouvernemental de lutte contre la drogue annoncé le 14 septembre 1995.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite regretté que la lutte contre le cancer ne fasse l'objet, ni d'une individualisation budgétaire, ni d'une véritable stratégie, avec des objectifs et des moyens associés.
Il a formulé les mêmes regrets pour la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, dont les crédits sont simplement reconduits en francs courants et qui baissent donc en francs constants.
Après avoir étudié les crédits en faveur de la santé des populations qui progressent de 8 %, et ceux de la veille sanitaire, au sein desquels il a souligné la très forte progression (+ 50 %) de ceux qui seront accordés au réseau national de santé publique, il a évoqué la politique hospitalière de l'État.
Il a indiqué que, sur le plan budgétaire, les crédits du ministère destinés aux investissements sanitaires régressaient une nouvelle fois de manière très importante.
Il a d'abord observé que l'on méconnaissait l'importance du nombre de postes non pourvus, en feignant d'ignorer qu'au niveau local, les vacances de postes permettaient de disposer de marges de manoeuvre budgétaires mais occasionnaient une surcharge de travail.
Il a ensuite souligné l'importance des vacances de postes de praticiens hospitaliers qui conduit les hôpitaux à recruter des médecins étrangers.
Il a enfin constaté que toutes les décisions prises en matière de fonction publique étaient automatiquement répercutées sur la fonction publique hospitalière, et donc sur les budgets des hôpitaux.
Il s'est donc déclaré favorable à un décrochage de la grille de la fonction publique hospitalière par rapport au reste de la fonction publique.
Mme Joëlle Dusseau a félicité le rapporteur pour avis pour son rapport qu'elle a qualifié de complet et raisonnablement critique. Elle a souligné le manque d'appartements thérapeutiques pour les toxicomanes et les malades du Sida, s'est interrogée sur la présence de crédits destinés à la prévention du Sida et de la toxicomanie dans les prisons et s'est déclarée choquée par la baisse des crédits de la lutte contre l'alcoolisme.
M. Alain Vasselle, après avoir félicité le rapporteur pour avis, a souligné le manque de lisibilité de la politique de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Il a considéré qu'il était difficile d'expliquer que l'on augmente les droits sur l'alcool et le tabac alors que les crédits budgétaires de la lutte contre ces deux fléaux régressent. Il a aussi évoqué la politique hospitalière et souligné la nécessité d'un redéploiement des moyens.
M. Bernard Seillier a fait part de ses doutes quant à la pertinence de la notion de décrochage de la grille de la fonction publique hospitalière.
M. Jean-Pierre Fourcade, président, a déclaré avoir apprécié les propos du rapporteur pour avis sur l'absence de politique de lutte contre le cancer. Il lui a demandé de les reprendre avec force lors de son intervention en séance publique.
M. Jean-Louis Lorrain a demandé au rapporteur pour avis si le projet de budget prenait en compte le futur transfert de compétences entre les départements et l'État en matière de prévention de la tuberculose.
Répondant aux orateurs, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a admis le manque d'appartements thérapeutiques. Il a souligné l'importance des entraves à leur création qui résultaient notamment de leur cofinancement par l'État et l'assurance maladie. Il a confirmé que les moyens de la lutte contre le Sida et la toxicomanie dans les prisons étaient bien inclus dans le projet de loi de finances. Il a déclaré partager les propos d'Alain Vasselle, soulignant la contradiction entre l'augmentation des taxes sur la consommation du tabac et de l'alcool et la régression des crédits budgétaires de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Il a indiqué que le budget ne tirait pas les conséquences du transfert de compétences en matière de tuberculose dans la mesure où la loi qui le prévoyait n'avait pas encore été adoptée par le Parlement.
Sur proposition de M. Jean-Pierre Fourcade, président, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il inscrirait dans le rapport la nécessité de réviser la grille de la fonction publique hospitalière qui est aujourd'hui obsolète.
M. Bernard Seillier a souligné le fait que, par la taxe sur les salaires prélevée sur les hôpitaux, l'État créait une charge supplémentaire pour l'assurance maladie.
M. Jean Chérioux a indiqué qu'il convenait de bien mettre en évidence l'importance des crédits de la lutte contre le Sida, car elle était souvent contestée.
Sur la proposition de M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé et des services communs pour 1997.
Mesdames, Messieurs,
L'adoption de la réforme constitutionnelle qui a consacré le légitime droit de regard du Parlement sur les finances de la sécurité sociale et s'est traduite, dès cette année, par l'examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, a conduit votre commission à retenir, pour le présent rapport, une approche stricte de la notion de « crédits de la santé ».
Alors que, dans le passé, le rapport budgétaire examinait, non seulement les crédits du ministère (quelque huit milliards de francs avec les services communs), mais aussi les dépenses de l'assurance maladie (environ 600 milliards de francs pour le risque maladie), il s'en tiendra désormais à l'examen de l'évolution des seules actions étatiques en matière de santé publique.
Le projet de loi de finances pour 1997 vise à réduire à 283,7 milliards de francs le déficit budgétaire, grâce à une réduction des dépenses qui se traduit notamment par la réduction des effectifs civils d'environ 6.500 postes.
Le budget de la santé publique et des services communs n'échappe pas à ce contexte de rigueur. Avec 8,116 milliards de francs en 1997, les crédits sont en baisse d'1,5 % par rapport à l'an dernier : les crédits ouverts en loi de finances initiale représentaient en effet 8,24 milliards de francs en 1996.
Certes, les crédits relatifs à la santé publique, qui s'élèvent à 3 milliards et 20 millions de francs, sont épargnés par les restrictions budgétaires et progressent d'un peu plus de 4 % à structure constante.
Parmi les crédits d'intervention sanitaire, les progressions les plus significatives sont celles dont bénéficient le Réseau national de santé publique (environ 50 % d'augmentation), le Comité français d'éducation sanitaire (+ 7,3 %), la lutte contre la toxicomanie (+ 8,5 %) et la lutte contre le Sida (+ 5,3 %).
En revanche, les crédits de fonctionnement du ministère des Affaires sociales, qui s'établissent à 5,20 milliards de francs, ne progressent que de 0,40 % par rapport à ceux qui avaient été ouverts en loi de finances initiale pour 1996 ; cette stabilisation se traduit par la suppression de 100 emplois, qui, pour les trois quarts d'entre eux, étaient vacants ou gelés.
Le rapport s'attachera à analyser les conséquences institutionnelles de l'ordonnance portant réforme hospitalière, et notamment la création des Agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
Il évoquera ensuite le renforcement de la lutte contre certains grands fléaux (Sida et toxicomanie), d'autres étant plus délaissés sur le plan budgétaire (tabagisme, alcoolisme, cancer).
Sans préjuger des conclusions de la mission d'information de votre Commission consacrée à l'étude des conditions du renforcement de la sécurité des produits thérapeutiques et de la veille sanitaire, il analysera enfin l'évolution des crédits de la veille sanitaire.
I. LES BASES BUDGÉTAIRES DU RENOUVEAU DE LA POLITIQUE HOSPITALIÈRE
Le projet de budget pour 1997 prévoit les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de l'ordonnance portant réforme hospitalière. Il comprend les crédits destinés à la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES). Le volet du budget consacré aux subventions à l'équipement sanitaire est, pour sa part, en constante régression.
1. La création de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES)
L'article 2 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée a créé une Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Cet établissement public a reçu plusieurs missions :
1° favoriser, tant au sein des établissements de santé publics et privés que dans le cadre de l'exercice libéral, le développement de l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles ;
2° mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé ;
3° élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement reconnues, valider et diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles ;
4° élaborer et valider des recommandations de bonnes pratiques cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de prévention, de diagnostic et de thérapeutique ;
5° donner un avis sur la liste des actes, prestations et fournitures qui sont pris en charge ou donnent lieu à remboursement par les organismes d'assurance maladie, à l'exception des médicaments ;
6° réaliser ou valider des études d'évaluation des technologies relatives à son domaine de compétence ;
7° proposer toute mesure contribuant au développement de l'évaluation, notamment en ce qui concerne la formation des professionnels de santé ;
8° diffuser ses travaux et favoriser leur utilisation.
Cette Agence prendra le relais de l'Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale (ANDEM), association créée en 1989 et régie par la loi du 1er juillet 1901 qui, en vertu de la loi hospitalière du 31 juillet 1991 et de ses statuts, s'est vu confier deux missions :
- l'évaluation des technologies, des stratégies médicales (préventives, diagnostiques, thérapeutiques) et des pratiques professionnelles, la diffusion des résultats, la formation des professionnels, par la mise en oeuvre de méthodes et leur validation ;
- l'évaluation hospitalière (fonctions, organisation des soins, pratiques professionnelles).
L'Agence dispose d'un conseil scientifique dont le rôle principal est de donner un avis scientifique sur les projets de travaux qui lui sont soumis. Son conseil d'administration est composé de représentants des administrations (santé, éducation, recherche, agriculture), des organismes d'assurance maladie, de la Mutualité, du Haut Comité médical de la sécurité sociale et du Comité national pour l'évaluation médicale.
En 1995, le budget de TANDEM s'est élevé à 29.192.000 francs. La subvention de fonctionnement allouée par l'État a été de 11.840.000 francs. Le solde est apporté, pour l'essentiel, par les divers régimes d'assurance maladie, notamment la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. En 1996, le budget prévisionnel de TANDEM s'établissait à 31 millions de francs, alimenté notamment par une subvention de l'État d'un montant d'environ 13 millions de francs.
L'ANDEM devant disparaître au profit de l'ANAES, la ligne budgétaire du chapitre 47-11 qui correspondait à TANDEM est supprimée alors qu'est créée une nouvelle ligne, dotée de 35 millions de francs, destinée à l'ANAES.
Cette substitution repose sur l'hypothèse que TANDEM serait supprimée au 31 décembre prochain et que l'ANAES serait créée au 1er janvier 1997.
Il est probable qu'il n'en sera pas ainsi. Lors de son audition budgétaire, M. Hervé Gaymard, Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, l'a reconnu et a promis qu'il serait procédé à un aménagement destiné à ménager une transition.
A ce jour, votre commission ignore les modalités de cet « aménagement ».
En ce qui concerne le volume des crédits étatiques destinés à la future ANAES, à savoir 35 millions de francs, il est difficile de dire si cette somme est suffisante. En effet, on ne connaît pas encore la structure de financement de cette future institution, et notamment le volume des crédits qui seront apportés par l'assurance maladie. Ainsi qu'il a été dit, l'assurance maladie contribue aujourd'hui au financement de l'ANDEM à hauteur des deux tiers. Si la dotation de l'assurance maladie était insuffisante, il apparaît évident que l'ANAES ne pourrait accomplir ses missions dans de bonnes conditions, qu'il s'agisse de l'accréditation des établissements ou de la préparation des références professionnelles.
2. La mise en place des agences régionales de l'hospitalisation
Les agences régionales de l'hospitalisation ont été créées par l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, sous la forme de groupements d'intérêt public entre l'État et les organismes d'assurance maladie, dont au moins la caisse régionale d'assurance maladie du régime général, ainsi que, dès sa création, l'union régionale des caisses d'assurance maladie. Leurs directeurs, nommés en Conseil des ministres, ont comme première mission la mise en place des agences, et l'élaboration de leurs conventions constitutives, qui doivent être conclues au plus tard le 31 décembre 1996.
Chaque convention constitutive doit prévoir en particulier les modalités de la contribution des membres de l'agence au bon fonctionnement de celle-ci et au plein exercice de ses missions, ainsi que les formes de leur contribution à ses moyens propres, sous forme de concours financier ou de mises à disposition à titre gratuit de personnel, de locaux, de matériel ou de logiciels. Il n'est par conséquence pas possible de dire d'ores et déjà comment la charge de fonctionnement des agences doit se répartir entre ses différents membres, État et organismes d'assurance maladie.
En année pleine, les besoins de fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation sont évalués, au titre de leurs moyens propres, à 97,7 millions de francs, montant prévu au nouveau chapitre 47-19. Les charges de personnel sont évaluées à 74,7 millions de francs pour 180 agents, y compris les directeurs. Les autres charges représentent 23 millions de francs. La répartition régionale de cette enveloppe dépend de l'évaluation qui sera faite des besoins de fonctionnement de chaque agence, et notamment des effectifs qui leur seront attribués.
La mise en place effective des agences a été engagée avant la conclusion des conventions constitutives. Ainsi, les directeurs nommés en Conseil des ministres sont dans un premier temps chargés de la mise en place des agences. Ces directeurs vont très rapidement devoir procéder à quelques recrutements, afin de pouvoir mener dans les délais impartis l'élaboration des conventions constitutives et de leurs annexes, ainsi que l'installation des agences. Les dépenses correspondantes, afférentes à la gestion 1996, seront imputées sur le titre III du budget du ministère du travail et des affaires sociales. Elles sont intégralement financées par redéploiement de crédits.
Les personnels propres des agences seront essentiellement, comme le prévoit l'ordonnance, des fonctionnaires de l'État placés en position de détachement ou des agents des caisses d'assurance maladie, détachés ou mis à disposition selon leur statut propre. A titre exceptionnel et subsidiaire, les agences peuvent recruter des contractuels. Ce recrutement -à hauteur d'environ 6 personnes par agence-, est contrôlé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Le personnel propre des agences pourra aussi compter, le cas échéant, des praticiens hospitaliers ou des fonctionnaires territoriaux, dans les conditions prévues par leurs statuts respectifs.
A cette équipe restreinte devraient s'ajouter, dans les régions où cela serait décidé, les agents du service de la DRASS qui seraient placés sous l'autorité directe du directeur de l'agence. Mais, la plupart des personnes collaborant aux travaux des agences continueront à dépendre, en termes budgétaires et hiérarchiques, de leur service actuel. Le nouvel article L. 710-23 du code de la santé publique, introduit par l'ordonnance, prévoit en effet, dans son premier alinéa, que les services départementaux et régionaux de l'État compétents en matière sanitaire sont mis à la disposition du directeur de l'agence, qui adresse directement ses instructions au chef de service concerné. Les conventions constitutives prévoiront des dispositions comparables pour les agents des organismes d'assurance maladie membres de l'agence. Ces agents des services de l'État et des organismes d'assurance maladie seront ainsi mis collectivement et en tant que de besoin à disposition du directeur de l'agence.
La convention constitutive type, arrêtée par un décret en Conseil d'État qui sera publié prochainement, prévoit, entre l'État et les organismes d'assurance maladie membres de l'agence, une large obligation mutuelle de transparence et de libre accès. Elle prévoit également les conditions selon lesquelles les directeurs et les membres des agences pourront solliciter de leurs partenaires des informations utiles à l'exercice de leurs attributions.
En contrepartie de la constitution d'une dotation de 100 millions de francs pour financer la mise en place des agences, les crédits de la tutelle hospitalière, qui représentaient 30 millions de francs, ne sont pas reconduits cette année. En outre, les dotations des services déconcentrés de l'État (DDASS et DRASS) sont réduites. Cette réduction n'est que très partielle, les DDASS et les DRASS continuant d'exister pour leurs missions propres et continuant d'assumer la responsabilité hiérarchique et budgétaire de ceux de leurs agents qui travailleront effectivement au service des agences régionales.
L'installation des agences régionales de l'hospitalisation va probablement entraîner une réforme des missions et des structures de la direction ministérielle des hôpitaux. Cette direction emploie aujourd'hui 300 agents, dont plus de la moitié appartiennent à la catégorie A de la fonction publique. Son rôle a déjà évolué avec l'amoindrissement de ses compétences en matière d'investissements hospitaliers et le renforcement de ses compétences en matière de planification et d'information hospitalières (PMSI) ou encore de prise en charge du Sida.
On concevait mal qu'il ne soit pas redéfini compte tenu de la nouvelle organisation de la tutelle hospitalière définie par l'ordonnance précitée du 24 avril 1996.
3. La politique budgétaire de l'État en direction des hôpitaux
La politique budgétaire de l'État en direction des hôpitaux appelle trois observations :
•
la politique d'investissement
sanitaire
Les crédits d'investissement sanitaire de l'État, inscrits au chapitre 66-11, régressent une nouvelle fois : l'évolution des autorisations de programme et des crédits de paiement depuis plusieurs années annoncent l'extinction prochaine de la politique de subvention à l'équipement hospitalier.
Ainsi, le niveau des autorisations de programme, avec 66 millions de francs, est en réduction de 80 % par rapport à l'an dernier, celui des crédits de paiement baissant d'un quart avec un peu plus de 240 millions de francs.
Seuls les articles 10 et 20 du chapitre 66-11 (modernisation et humanisation des CHR, des établissements d'intérêt national, de soins et de cure) bénéficient d'autorisations de programme. La psychiatrie extra-hospitalière et la lutte contre la toxicomanie et l'alcoolisme, par exemple, n'en bénéficient plus.
En matière de crédits de paiement, l'article 20 (modernisation et humanisation des établissements de soins et de cure) est le mieux doté avec 153 millions de francs.
Il faut en outre tenir compte du fait que les dotations du chapitre 66-11 ne sont jamais certaines, ce chapitre étant un des plus affectés par les mesures de régulation budgétaire en cours d'année.
Ce désengagement de l'État ne doit pas surprendre : il traduit une volonté de favoriser l'autofinancement, les investissements de modernisation et, bien sûr, le redéploiement des moyens.
•
vacances de postes et marges de manoeuvre
budgétaires
Votre rapporteur tient à revenir sur ce sujet, occulté depuis trop longtemps.
D'une part, on méconnaît l'importance du nombre de postes de personnels non pourvus, en feignant d'ignorer qu'au niveau local, les vacances de postes permettent de disposer de marges de manoeuvre budgétaires mais occasionnent une surcharge de travail pour le personnel, débouchant sur une diminution de la sécurité et de la qualité des soins.
D'autre part, il faut regretter le nombre de vacances de postes de praticiens hospitaliers, dont l'importance conduit les hôpitaux à recruter des médecins étrangers, alors que l'on constate parallèlement une pléthore médicale nationale.
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la politique salariale de
l'État
Toutes les décisions prises en matière de fonction publique sont automatiquement répercutées sur la fonction publique hospitalière, et donc sur les budgets des hôpitaux. Cette année, alors que le taux directeur sera fixé à un niveau très rigoureux, les hôpitaux subiront les conséquences des augmentations décidées pour la fonction publique par le Gouvernement.
En outre, votre rapporteur tient à mettre l'accent sur l'obsolescence de la grille hospitalière qui n'a pas évolué parallèlement aux métiers de l'hôpital public : il conviendrait de la dépoussiérer dans les meilleurs délais.