2. les contraintes d'une plus grande disponibilité
Le rôle imparti à la gendarmerie dans l'exercice de ses missions de sécurité intérieures requiert un effort d'adaptation, sans doute déjà largement engagé, mais appelé à s'intensifier encore davantage dans un contexte où, pour faire face au besoin de sécurité, la coordination avec les forces de police apparaît comme un impératif.
a) Un effort de rationalisation et ses conséquences pour les personnels
La gendarmerie, toujours plus sollicitée par le besoin de sécurité exprimé par la population, a engagé d'importantes réformes destinées à lui permettre de mieux assurer ses missions. Mais les évolutions nécessaires sous leur double forme -le redéploiement des structures et la réorganisation du service- requièrent des militaires un effort d'adaptation dont il importe de prendre la juste mesure.
• les redéploiements
L'essentiel des redéploiements est aujourd'hui commandé par le souci de renforcer la sécurité dans les banlieues où la gendarmerie se trouve exclusivement compétente. Cette évolution suppose la suppression de certaines brigades situées en zones de police d'Etat où la police nationale exerce une compétence exclusive en matière de sécurité publique. Sur les trois années à venir une centaine d'unités situées en zones de police d'Etat pourraient disparaître. La police nationale ne risque-t-elle pas cependant de se trouver débordée par l'ampleur de la tâche dans le domaine de la police judiciaire, dévolu en partie à la gendarmerie ? Pour conjurer ce risque, la Direction générale envisage, dès 1997, la mise en place de pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG) renforcés ainsi que de brigades de prévention de la délinquance juvénile dans les départements sensibles au regard des problèmes de délinquance et de violence des jeunes.
Pour votre rapporteur, le développement de zones de non-droit dans certaines banlieues impose une mobilisation de l'ensemble des moyens disponibles. Tout effort de rationalisation qui sert cet objectif lui paraît opportun. La gendarmerie assure une présence constante dans les zones péri-urbaines où elle exerce son activité. Cette proximité avec la population qu'elle côtoie au quotidien, assure une excellente connaissance des réalités du terrain et lui permet ainsi d'assurer un rôle de prévention très utile. Il faut rendre hommage à cette action conduite dans des conditions souvent difficiles et espérer qu'elle puisse prendre une plus grande ampleur dans les années à venir.
Les restructurations doivent porter principalement sur la présence en zone de police d'Etat mais ne pas entamer le maillage territorial en zones rurales. La présence de la gendarmerie constitue un facteur clef de l'aménagement du territoire : elle décide souvent du maintien d'autres services publics, au premier rang desquels l'existence d'une école.
Le renforcement prioritaire des formations territoriales implantées en zone périurbaine inspire également la réorganisation de deux gendarmeries spécialisées.
Ainsi la restructuration de la gendarmerie des transports aériens s'est traduite par la dissolution des quatre groupes de commandement de groupement, de onze brigades, d'une brigade de recherche, de deux brigades motorisées et d'un groupe de gendarmes auxiliaires. Parallèlement, trois compagnies ont été créées. Ces différentes opérations auront permis de dégager trente-cinq sous-officiers et vingt gendarmes.
De même, plusieurs transformations ont affecté en 1996 la gendarmerie de l'armement : dissolution du groupement de commandement Compagnie de Biscarosse et de la brigade de Captieux, réduction sensible des effectifs de plusieurs brigades -au sein notamment de la compagnie de Biscarosse. Les quelque 50 sous-officiers et 18 gendarmes auxiliaires ainsi libérés permettront de renforcer également les formations de la gendarmerie départementale implantées en zones périurbaines.
L'accroissement du trafic autoroutier et le développement des liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA), supposent un renforcement notable des effectifs. La gendarmerie a dû procéder en 1996 au redéploiement de 60 postes de sous-officiers à partir d'unités existantes afin d'autoriser la création d'unités nouvelles et renouvellera sans doute une procédure comparable au cours de l'année prochaine.Les ressources procurées par les fonds de concours autoroutiers ont permis, au cours des années, de satisfaire une partie des besoins. Suffiront-elles, dans l'avenir, compte tenu de l'accroissement des charges ?
En outre, afin d'améliorer l'efficacité des personnels servant dans les formations d'autoroutes, la gendarmerie a pris l'initiative de procéder à partir de janvier 1997, à la départementalisation des unités, en étroite association avec les partenaires intéressés et notamment les responsables des sociétés d'autoroutes. Conduite d'abord, à titre expérimental, dans les circonscriptions d'Orléans et de Dijon, la réforme, tout en préservant la vocation spécifique des pelotons d'autoroutes, permettra de placer ces unités sous l'autorité administrative du commandant du groupement de gendarmerie départementale, interlocuteur unique de l'autorité administrative pour toutes les questions touchant à l'ordre public sur l'ensemble du secteur relevant de la compétence de la gendarmerie.
Outre ces mesures de réorganisation, il convient de citer également les opérations relatives à la gendarmerie maritime et à la gendarmerie de l'air, liées aux restructurations de la Marine et de l'armée de l'Air. Trois brigades de gendarmerie de l'Air ont ainsi été supprimées ou sont en passe de l'être (à Cenon et Nîmes -été 1996- à Limoges en août 1997).
• La disponibilité de la gendarmerie
Ces redéploiements sollicitent beaucoup le sens de l'adaptation de la gendarmerie. C'est pourquoi l'organisation du service, elle-même, doit rester gouvernée par l'équilibre entre les nécessités du service et les contraintes supportées par les personnels.
La nouvelle organisation du service , entreprise dans le cadre de la circulaire ministérielle du 30 mai 1991, visait à réduire de moitié les astreintes supportées par les militaires de la gendarmerie. Une nouvelle circulaire du 1er mars 1994 a corrigé ce que cette rationalisation des modes d'intervention de la gendarmerie pouvait présenter d'excessif au regard notamment de l'indispensable proximité du gendarme et de la population. Quatre aménagements principaux ont permis d'instaurer un réel équilibre :
- maintien d'un planton dans toutes les brigades territoriales 24 h sur 24, afin d'assurer l'accueil de toute personne en difficulté, mais aussi de permettre une première intervention en cas de nécessité urgente à proximité de l'unité ;
- suppression de la notion de « brigade de veille » afin que toutes les unités puissent intervenir, chaque nuit, dans une zone adaptée à leurs effectifs disponibles ;
- assouplissement des règles de renvoi vers les centres opérationnels de gendarmerie (COG) et modulation des horaires d'ouverture des bureaux pour mieux répondre aux besoins des usagers ;
- appel à la patrouille la plus proche du lieu où l'intervention de la gendarmerie est requise quelle que soit par ailleurs la compétence territoriale de l'unité.
Les charges résultant de l'instauration d'une permanence nocturne dans chaque brigade ont été partiellement compensées par la création de 36 groupes de 10 gendarmes auxiliaires (6 en 1995 et 5 en 1996) au profit des groupements qui comptent le plus grand nombre d'unités à effectif réduit. Cependant l'objectif d'accorder cinq quartiers libres par quinzaine en moyenne, à chaque militaire -au lieu de quatre aujourd'hui- demeure encore, votre rapporteur le regrette, hors de portée.
L'efficacité des mesures adoptées ne fait pas de doute : les délais entre l'heure de l'appel reçu au COG et l'heure d'arrivée de la patrouille sur les lieux ne dépassent pas en moyenne 30 minutes.
L'équilibre relatif entre l'intérêt du service et les charges du personnel est-il aujourd'hui remis en cause par l'obligation de mobilité dont le principe a été mis en avant au cours de l'été 1996 ? La protestation orchestrée par les femmes de gendarmes manifeste le malaise suscité par le projet de la direction générale.
Aux termes du nouveau projet, la mutation dans l'intérêt du service sera prononcée au bout de dix ans de résidence. Entre trois et cinq ans une demande de mutation pour convenances personnelles, sera cependant recevable. Ces dispositions ne prendront effet qu'en vertu d'un décret prévu en 1998.
Il est normal que les militaires de la gendarmerie changent de conditions de travail, de lieux de résidence. Ce sens de l'adaptation constitue l'une des conditions requises pour l'exercice des missions de la gendarmerie. A ce titre l'obligation de mobilité paraît légitime. C'est donc moins le principe, déjà d'ailleurs largement admis dans le corps des officiers, que le moment choisi pour le rappeler, qui peut susciter la perplexité. A l'heure en effet, où les redéploiements d'unités, les incertitudes sur le devenir du volontariat soulèvent doutes et inquiétudes, était-il vraiment opportun de soulever un problème au retentissement immédiat par les conséquences immédiates qu'il emporte sur la vie quotidienne des militaires, alors même que le décret ne prendra pas effet avant 1998 ? En outre, la réforme affectera en priorité les personnels ayant plus de vingt ans de résidence, se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge. Parmi ces personnels, il faut le rappeler, certains se sont vu refuser des demandes de mutation au moment où la mobilité était entravée par la difficulté de pourvoir certains postes dans des endroits reculés ou réputés difficiles.
Votre rapporteur pour avis souhaite en conséquence que chaque cas individuel puisse faire l'objet d'une attention particulière, tout en se réjouissant par ailleurs que la clause de mobilité soit désormais inscrite dans le contrat d'engagement du militaire.
Au moment où les exigences de sécurité intérieure connaissent une singulière acuité, la complémentarité et la coordination des services compétents dans ce domaine de l'Etat apparaissent comme une priorité.