b) La modicité des crédits consacrés à une coopération militaire à vocation mondiale (chapitre 42-29)
Les actions de coopération militaire conduites par le Ministère des Affaires étrangères en liaison avec le Ministère de la défense concernent quelque 80 pays ne relevant pas du "champ" de compétence de la Mission militaire de coopération, qui agit sous l'autorité de la rue Monsieur. Sur ces 80 Etats, une cinquantaine sont des partenaires réguliers de ces actions de coopération.
(1) Objectifs et priorités
Les actions financées sur le chapitre 42-29 visent l'élaboration d' accords bilatéraux de coopération et d'assistance , le suivi de ces accords, la mise en place, sous l'autorité des ambassadeurs, de missions militaires de conseil, de formation ou d'assistance , l'envoi de coopérants pour des missions ponctuelles, ainsi que l'attribution de places de stage dans des écoles militaires en France ou de formations civiles correspondant à des projets spécifiques. A titre exceptionnel, la coopération militaire peut avoir pour objet la fourniture d'une aide en matériel.
L'importance des actions de coopération militaire conduites par le Quai d'Orsay se mesure à la possibilité de consacrer une part des crédits inscrits au chapitre 42-29 à des actions de formation destinées à accompagner les exportations de matériels d'armement français.
Les priorités assignées aux actions de coopération militaire conduites par le Ministère des Affaires étrangères visent la sécurité régionale . En Europe centrale, orientale et balte , il s'agit d'accompagner la démocratisation et la réorganisation des armées et des forces de sécurité, et de participer au renforcement de la sécurité européenne dans le cadre d'actions bilatérales ou collectives (par exemple au sein du Partenariat pour la Paix).
Au Maghreb et en Méditerranée orientale , l'enjeu est de conserver les relations privilégiées que nous entretenons avec nos partenaires traditionnels, et de contribuer à l'élaboration du futur Pacte euro-méditerranéen. Dans le Golfe persique et en Asie du Sud-Est , la coopération militaire s'inscrit dans la défense des intérêts stratégiques et commerciaux de notre pays.
(2) Redéploiement des moyens dû à la contraction des crédits de coopération militaire
La diminution régulière des crédits inscrits au chapitre 42-29 a conduit à une nouvelle allocation des moyens entre les deux modes d'intervention mis en oeuvre par le Comité de pilotage de la coopération militaire. En effet, les crédits affectés à la formation des stagiaires étrangers (article 20) ont été préservés, au prix d'une nette diminution des moyens consacrés aux "actions de coopération avec l'étranger" (article 10), qui financent les effectifs des missions militaires ainsi que l'envoi d'experts.
. De manière générale, on observe la faiblesse des crédits consacrés à la coopération militaire par le Quai d'Orsay par rapport aux moyens de même objet dégagés par le Ministère délégué à la coopération : 88,5 millions de francs pour le Ministère des Affaires étrangères en 1996, 714 pour le Ministère délégué à la coopération ; 85,5 millions de francs pour le Quai d'Orsay prévus en 1997, 640 pour la rue Monsieur. Ce déséquilibre ressort de manière encore plus flagrante si l'on considère que la Mission militaire de coopération exerce ses compétences dans un nombre limité de pays d'Afrique subsaharienne (ainsi qu'au Cambodge), alors que les crédits de coopération militaire du Quai d'Orsay ont une vocation mondiale. L'Afrique subsaharienne à elle seule absorbe donc l'équivalent de plus de sept fois les crédits consacrés à la coopération militaire avec le reste du monde.
Or la faiblesse de ces moyens n'a pas mis ceux-ci à l'abri des réductions budgétaires constatées depuis plusieurs années : le chapitre 42-29 est ainsi passé de 109,54 millions de francs en 1992, à 85,5 millions de francs prévus pour 1997 , comme le montre le tableau suivant :
Evolution des dotations affectées au chapitre 42-29 depuis 1992
Année |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 (prév.) |
LFI (en millions de francs) |
109,54 |
108 |
101,72 |
90,6 |
88,5 |
85,5 |
C'est donc en 1995 qu'a été franchi le seuil symbolique de 100 millions de francs. Entre 1992 et 1997, la réduction aura donc été de - 21,95 %, et de - 3,39 % entre 1996 et 1997. L'ensemble des crédits susceptibles d'être consacrés à des actions de coopération militaire devrait toutefois s'élever, en 1997, à 89 millions de francs , compte tenu des 3,5 millions de francs rattachés sous forme de fonds de concours, au titre des versements effectués par des gouvernements étrangers du fait de leur participation aux dépenses d'assistance technique engagés par la France.
Sous réserve de cette ressource complémentaire, la régulière diminution des crédits inscrits au chapitre 42-29 n'est pas sans conséquences sur la nature des actions de coopération militaire mises en oeuvre par le Ministère des Affaires étrangères.
. Les missions de coopérants et d'experts (article 10) deviennent ainsi malaisément compatibles avec une ressource budgétaire déclinante. Le poids des dépenses liées aux rémunérations à l'étranger, la fixité de la durée des séjours et des dates de relève induisent une certaine inertie des économies de personnels, et rendent inéluctable une amplification des réductions d'effectifs. Ceux-ci sont donc passés de 326 en 1984 à 83 en 1996-1997 , les prévisions s'appuyant sur un effectif de 63 coopérants militaires en 1997-1998 . C'est le Maroc qui, traditionnellement, accueille plus du tiers des coopérants, subit la plus forte baisse (97 coopérants en 1992-1993, 50 en 1996-1997, 30 en 1997-1998). Les postes supprimés s'apparentent à des postes de substitution, ce qui confirme la volonté française de s'orienter vers un partenariat plus dynamique.
La baisse continue des crédits inscrits au chapitre 42-29 se traduit donc par la nécessité de privilégier une véritable coopération par objectifs et par projets, aux dépens des postes de substitution . Cette évolution présente l'avantage d'une plus grande souplesse et d'une réelle adaptabilité : les missions d'expertise de l'article 10 pourront ainsi s'adapter aux changements de priorités liés à la contrainte budgétaire .
. Les moyens consacrés à la formation des stagiaires étrangers (article 20) seront, en revanche, préservés , la formation demeurant dans le domaine militaire notre principal vecteur d'influence. C'est pourquoi l'effort d'économie porte, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, exclusivement sur l'article 10, qui passe de 69,9 à 67 millions de francs, tandis que les crédits inscrits à l'article 20 sont maintenus à 18,5 millions de francs. Ces crédits doivent néanmoins être rapprochés des quelque 91,7 millions de francs que le Ministère de la coopération consacrera, en 1997, à la formation des stagiaires africains .
En 1996 ont été financés 738 stages, dont les bénéficiaires sont géographiquement ainsi répartis :
Evolution des formations en France
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Afrique du Nord -Moyen orient |
297 |
358 |
369 |
382 |
354 |
Afrique noire non francophone |
13 |
3 |
4 |
6 |
11 |
Europe |
242 |
221 |
390 |
234 |
265 |
Amérique |
54 |
52 |
52 |
36 |
49 |
Asie - Océanie |
32 |
34 |
41 |
54 |
59 |
Total |
638 |
668 |
856 |
712 |
738 |
L'augmentation régulière du nombre de stages offerts en France se prolongera en 1997, puisque 750 stages devraient être financés sur l'article 20, ce qui représenterait une augmentation de 17,5 % par rapport à la situation observée en 1992. Ce type d'intervention présente l'avantage de pouvoir s'adapter rapidement à une donne budgétaire susceptible d'évoluer.
. Pour conclure sur la coopération militaire, votre rapporteur ne saurait que trop souligner le risque que présente une trop nette réduction des moyens affectés au chapitre 42-29, compte tenu de l'influence positive que les actions de coopération militaire sont susceptibles d'exercer sur nos exportations de matériels d'armement, à l'heure où le développement des exportations constitue une des priorités de notre action diplomatique définies par le chef de l'Etat.
Par ailleurs, la réduction des moyens consacrés à notre coopération militaire est d'autant plus regrettable que nos concurrents anglo-saxons préservent davantage cet aspect de leur influence à l'étranger, ce qui ne peut, à terme, qu'affecter la place de la France parmi les exportateurs de matériels d'armement, alors même qu'une âpre concurrence internationale résulte de la baisse des budgets de la Défense occidentaux .
Dans ce contexte, votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité d'une fusion des moyens mis en oeuvre par le Ministère délégué à la Coopération et par le Ministère des Affaires étrangères. En effet, le "champ" de compétences de la Mission militaire de coopération s'étant étendu au Cambodge, la vocation africaine de la rue Monsieur semble de ce fait remise en cause, et son élargissement à d'autres pays ne devrait pas poser de problèmes plus insurmontables que lorsqu'il s'est agi du Cambodge. De surcroît, la Mission militaire de coopération de la rue Monsieur possède un savoir-faire évident dans le domaine de la protection des Etats de droits, compétence dont il serait regrettable de ne pas faire profiter d'autres pays que nos partenaires africains. Enfin, une telle fusion semble cohérente avec les objectifs du CIMEE , qui visent notamment à parvenir à une meilleure coordination de moyens concourant à l'action extérieure de la France.