CHAPITRE IV
LA CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Les activités de recherche sont inégalement réparties sur le territoire national, alors même qu'elles participent au développement et la modernisation des économies régionales.
Votre commission, pour laquelle l'aménagement du territoire est une préoccupation constante, a déjà eu l'occasion d'affirmer que sans nouvelle répartition de la « matière grise », il n'y a pas de développement harmonieux du territoire qui soit envisageable.
Force est toutefois de reconnaître que l'objectif ambitieux ainsi fixé à la politique nationale de recherche n'est réalisable que de manière progressive et échelonné. C'est d'ailleurs cette démarche que préconise le Sénat et qui semble être engagée depuis le vote de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et de développement du territoire.
I. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DU VOLET RECHERCHE DE LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
La loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire comporte quatre articles définissant les contours de la politique de recherche en région pour les années 2000-2015. Il s'agit des articles 11, 13, 14 et 15.
A. LE SCHÉMA DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
L'article 11 de la loi précitée pose le principe de l'établissement d'un schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont l'une des obligations majeures, prévue à l'article 13, sera de fixer les modalités de réalisation d'un objectif d'installation de 65 % de l'ensemble des chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs participant à la recherche publique en dehors de la région Ile-de-France à l'horizon 2005.
LES SCHÉMAS RÉGIONAUX DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE Le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT), tenu à Troyes le 20 septembre 1994, et la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire promulguée le 4 février 1995, ont arrêté le principe de l'élaboration de schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche. En janvier 1995, un document de cadrage national a été envoyé aux préfets de région et aux recteurs d'académie précisant les principaux enjeux nationaux (excellence de la recherche, points forts et pôles en émergence, ...) et quelques éclairages sur les potentiels régionaux actuels. Préfets et recteurs d'académie ont été chargés d'organiser une large concertation locale (administrations, établissements d'enseignement supérieur, organismes de recherche, collectivités locales, milieux socioprofessionnels) sur les objectifs de développement de la région à l'horizon 2000 avant de proposer un projet de schéma régional fin 1996. Ces projets ont été expertisés ; après approbation régionale d'un document modifié, ils devront être validés par décret en 1997. C'est la juxtaposition des schémas régionaux qui constituera le schéma national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Parallèlement, l'élaboration du schéma national d'aménagement et de développement du territoire permettra de préciser les grandes orientations à mettre en oeuvre à l'échelle nationale. |
B. LA MODULATION DU CRÉDIT D'IMPÔT-RECHERCHE EN FONCTION DE LA LOCALISATION DES CHERCHEURS
Afin de remédier au déséquilibre actuel dans la localisation géographique des chercheurs, l'article 15 de la loi du 4 février 1995 précitée a modifié le taux forfaitaire de prise en compte des frais de fonctionnement dans l'assiette du crédit d'impôt recherche, qui était auparavant fixé uniformément, pour l'ensemble du territoire, à 75 % des salaires des ingénieurs et techniciens de recherche.
A compter de l'exercice fiscal 1995, ces dépenses de fonctionnement prises en compte sont modulées en fonction de la localisation des activités de recherche auxquelles elles se rapportent :
ï 100 % des dépenses de personnel qui se rapportent aux chercheurs et techniciens de recherche affectés exclusivement dans les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones d'aménagement du territoire ;
ï 65 % des dépenses de personnel qui se rapportent aux chercheurs et techniciens de recherche qui exercent tout ou partie de leur activité dans la région Ile-de-France ;
ï 75 % des dépenses de personnel, dans les autres cas.
Votre rapporteur pour avis a interrogé le Gouvernement sur les effets de cette mesure votée par le législateur. Il lui a été répondu, de même que l'année dernière, que « cette disposition nouvelle venant de s'appliquer aux dépenses retenues pour le calcul du crédit d'impôt de l'année 1995, c `est-à-dire aux dépenses déclarées par les entreprises en 1996, le secrétariat d'État à la recherche ne dispose pas encore d'éléments lui permettant de mesurer son impact , dans la mesure où toutes les fiches déclaratives, notamment celles correspondant au dernier exercice fiscal, n `ont pas été reçues » .
Le Secrétariat d'État à la recherche estime toutefois que cette disposition ne devrait pas avoir d'impact significatif sur les entreprises utilisant le crédit d'impôt-recherche lorsqu'elles sont déjà intégrées dans leur région et procèdent à un recrutement local de leurs salariés, sans envisager de changement de localisation.
En effet ces entreprises, qui représentent 70% des utilisateurs du crédit d'impôt-recherche, sont souvent organisées autour de chefs de projets et de techniciens de recherche qui représentent la mémoire scientifique de leur entreprise. Une délocalisation nécessiterait la mobilité géographique de ces personnels, indispensables à la performance technique de l'entreprise. Pour ces petites entreprises, il ne devrait y avoir aucun impact autre qu'un éventuel effet d'aubaine.
En revanche, l'effet pourrait être réel pour les créations d'entreprise, ces dernières pouvant être incitées à s'installer dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire afin de bénéficier d'une part du taux préférentiel pour les dépenses de fonctionnement, et d'autre part, de l'exonération fiscale pour les entreprises nouvelles. Les entreprises nouvelles bénéficiaires du crédit d'impôt recherche représentent 12 % des entreprises d'une année.
A titre d'information, le tableau suivant représente le bilan de la ventilation géographique des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche de l'année 1994 :
BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT D'IMPÔT-RECHERCHE ( ( * )10)
(par régions)
ÉVOLUTION ENTRE 1990 ET 1994
Au total, les dispositions de la loi du 4 février 1995 qui concernent le domaine de la recherche ne sont que progressivement mises en oeuvre. Les données actuellement disponibles ne permettent pas encore de mesurer tout l'impact des dispositions adoptés.
D'une manière générale, votre commission déplore, comme elle l'avait déjà fait l'année dernière, l'absence de statistiques fiables sur les effets des dispositions votées par le Parlement.
* (10) Les déclarations des entreprises sont effectuées sur le lieu social de leur siège et non sur le lieu des recherches. De ce fait, l'Ile-de-France est sur-représentée.