B. DÉFENDRE LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE DANS LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
1. L'accord multilatéral sur les investissements : un risque pour le dispositif français de soutien à l'industrie cinématographique
L'insertion d'une clause d'exception culturelle dans les accords du GATT avait grâce à la mobilisation du Gouvernement permis de maintenir la spécificité de la politique culturelle française. Or depuis un an et demi, les pays de l'OCDE ont, à l'initiative des Etats-Unis, engagé la négociation d'un accord multilatéral sur l'investissement qui met à nouveau en jeu le système de protection du secteur culturel français et particulièrement le mécanisme du compte de soutien de l'industrie cinématographique et des programmes audiovisuels ainsi que le système des quotas de diffusion d'oeuvres françaises et européennes.
En effet, la majorité des membres de l'OCDE sont favorables au démantèlement progressif des systèmes de protection afin de favoriser les investissements directs. Ils réclament pour ce faire l'application de la clause de la nation la plus favorisée et celle dite du traitement national. Aux termes de ces clauses, un Etat membre de l'OCDE serait obligé d'accorder à tout Etat signataire de l'AMI, les avantages les plus favorables qu'il a pu consentir à une autre nation et devrait en outre faire bénéficier les pays ayant ratifié le traité du système de protection mis en place en faveur des nationaux.
Or, sur plusieurs points la réglementation française du secteur audiovisuel et cinématographique pourrait s'avérer incompatible avec ces clauses. D'une part, il existe des restrictions directes à l'investissement dans les domaines de la presse, de la radio et de la télévision. D'autre part, des mécanismes tels que le compte de soutien qui est financé pour partie sur une taxe prélevée sur l'ensemble des tickets de cinéma ne bénéficient qu'aux films d'initiative française et constituent des restrictions indirectes incompatibles avec la clause du traitement national.
La France a de ce fait demandé, comme elle l'a fait lors des négociations du GATT, l'insertion d'une clause d'exception culturelle. Les Etats membres peuvent en effet déroger aux principes de libéralisation des investissements à travers deux modalités le dépôt d'une réserve spécifique ou celui d'une exception générale.
Dans la continuité des négociations menées au sein du GATT, la France a choisi de déposer une demande d'exception générale en faveur du secteur audiovisuel.
Une première discussion informelle a eu lieu au cours du mois de juin. Le Canada, la Belgique, l'Italie, l'Irlande et le Portugal ont soutenu la position française. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ne sont pas opposés à une exception à condition que celle-ci soit précise. Les Etats-Unis ont accepté de discuter et d'évaluer les problèmes que posait un tel accord dans ce secteur. En revanche, la Suède, la Finlande, l'Allemagne, l'Autriche, la Turquie, le Danemark, la Suisse, l'Islande et le Japon sont hostiles au principe d'une exception générale. Ces pays considèrent que les préoccupations françaises peuvent être traitées par le dépôt d'une réserve spécifique.
La France a par ailleurs organisé une rencontre bilatérale avec la direction générale chargée des relations extérieures (DG-I) et la direction générale chargée de l'information, de la communication, de la culture et de l'audiovisuel (DG-X). Si la DG-I se montre réticente à l'égard d'une exception générale, la DG-X y est, en revanche, plus favorable. Elle a d'ailleurs accepté de convoquer un groupe de travail afin de sensibiliser nos partenaires et faciliter les négociations au sein de l'OCDE.
Les négociations qui ont repris au mois de septembre devraient se conclure au cours du printemps 1997. Votre rapporteur souhaite donc que les efforts du Gouvernement pour obtenir l'insertion d'une clause d'exception culturelle soient soutenus comme ils l'ont été lors des négociations du Gatt.
2. La révision des règles communautaires relatives à la chronologie des médias
L'an dernier, votre rapporteur avait dans ces mêmes lignes attiré l'attention des pouvoirs publics sur l'enjeu que constituait la révision des règles communautaires relatives à la chronologie des médias. Force est aujourd'hui de constater qu'aucune réponse n'a encore été apportée à cette question sur laquelle il paraît important de revenir.
La réglementation de la diffusion des oeuvres cinématographiques par les autres médias poursuit à travers la chronologie des médias un objectif essentiel qui est de préserver une fenêtre d'exploitation de l'oeuvre sur chaque support (cinémas, télévisions, vidéo) et en particulier d'assurer aux salles de cinéma, une période d'exploitation suffisante.
Or le texte de l'article 7 de la directive 89/552/CEE « télévision sans frontière » du 3 octobre 1989 est de nature à compromettre l'efficacité de cette politique.
a) L'article 7 de la directive du 3 octobre 1989
Cet article définit les règles communautaires applicables à la chronologie d'exploitation des oeuvres cinématographiques par les différents médias.
Il prévoit que les oeuvres cinématographiques ne peuvent faire l'objet d'une diffusion sur le petit écran pendant un délai de deux ans à compter de la date de la première sortie du film en salle dans un pays membre de l'Union européenne. Ce délai est ramené à un an lorsque le film est coproduit par le diffuseur. En outre, des délais plus brefs peuvent être négociés par voie d'accords contractuels entre les détenteurs de droits et les diffuseurs.
b) Des règles susceptibles de compromettre l'avenir du cinéma français
Au regard des préoccupations nationales la réglementation communautaire comporte trois inconvénients de portée inégale.
Le plus dirimant tient incontestablement dans les règles de comptabilisation des délais séparant l'exploitation des films sur les différents médias : l'article 7 fixe la date de la première projection de l'oeuvre dans une salle de l'Union européenne comme point de départ de la computation.
Ce choix pourrait avoir des effets pervers désastreux sur l'économie du cinéma.
Dès lors qu'un film américain aura été projeté en salle dans un Etat membre de l'Union européenne avant sa sortie en France, sa diffusion télévisuelle pourra intervenir, en France, à une date rapprochée de cette sortie, voire même la précéder.
Or, ce cas de figure, qui ne peut être exclu, ne risque pas seulement de faire obstacle à l'application de la réglementation nationale relative à la chronologie des médias, portant ainsi gravement atteinte à l'équilibre déjà fragile du secteur de l'exploitation cinématographique.
Il occasionnait également un grave préjudice au compte de soutien à l'industrie cinématographique, dont les recettes proviennent pour partie du produit de la taxe additionnelle perçue sur le prix des places de cinéma. En effet, les films américains attirent désormais près de 60 % du public des salles de cinéma et contribuent ainsi indirectement à l'alimentation de ce compte.
En ouvrant expressément une possibilité de déroger contractuellement aux délais prescrits pour l'exploitation des films sur les différents supports, la directive semble méconnaître l'inégalité des rapports de force qu'entretiennent les producteurs et certains diffuseurs, et qui justifiait précisément la protection accordée aux ayants droit. Il est à craindre que cette faculté profite largement aux diffuseurs, et qu'elle ne permette pas en particulier de ménager une fenêtre suffisante d'exploitation des films en salle.
Il est vrai toutefois que la possibilité reconnue aux Etats membres par l'article 3 de la directive d'édicter sur le plan national des règles plus strictes devrait permettre d'envisager un encadrement des dérogations contractuelles.
Enfin, les règles communautaires n'établissent aucune distinction entre les différents services de télévision (paiement à la séance, chaînes cryptées, chaînes en clair) et rendent donc difficile le maintien de règles différenciées à l'échelon national.
c) La position commune adoptée le 11 juin dernier par le Conseil sur la proposition de la commission ne tient pas compte des préoccupations françaises sur ce point
La proposition de directive modifiant la directive « télévision sans frontière » adoptée par la commission en 1995 n'avait pas apporté d'amélioration sensible à la réglementation en vigueur. Les seules modifications proposées par la Commission à l'article 7 portaient en effet sur l'introduction des services de paiement à la séance et des télévisions à péage dans la chronologie des médias, avec des délais minimum d'exploitation plus courts que ceux qui prévalent pour la diffusion sur les chaînes généralistes en clair, et qui sont eux-mêmes ramenés de deux ans à dix-huit mois.
En revanche, la possibilité de déroger contractuellement aux délais réglementaires subsistait, et surtout, aucune modification n'avait été apportée à la définition du point de départ de la computation des délais.
Pour la Commission européenne, cette méthode de comptabilisation est la seule qui permette d'assurer la sécurité juridique des diffuseurs et qui leur garantisse une égalité de traitement dans l'ensemble des Etats membres.
Après avoir été examinée par le Parlement européen, la directive a fait l'objet au sein du Conseil d'une position commune arrêtée le 11 juin dernier. En ce qui concerne plus particulièrement le régime de la chronologie des médias, le texte adopté par le Conseil donne la priorité aux accords contractuels, le dispositif ne s'appliquant qu'à défaut d'accords contractuels. Le considérant 23 prévoit de façon explicite la possibilité de conclure des accords collectifs. Cette priorité élargie aux accords collectifs constitue une amélioration par rapport au texte de 1989, mais la question du point de départ de la chronologie des médias reste posée.
La position commune a été transmise au Parlement européen qui dispose d'un délai de trois mois pour émettre un avis. Le texte définitif sera adopté dans le cadre de la procédure de co-décision.
Il convient que le Gouvernement français, dans la ligne de la résolution n° 32 (1995-1996) adoptée par le Sénat, en application de l'article 88-4 de la Constitution, sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, président de la commission sénatoriale des affaires culturelles, s'attache à faire prévaloir au cours des prochaines négociations, une évolution positive sur ce point. Si tel n'était pas, comme votre rapporteur le craint, il conviendrait au niveau national d'évaluer le préjudice que subira le secteur déjà fragile de l'exploitation ainsi que l'ensemble du dispositif de soutien à l'industrie cinématographique et de prendre des mesures en conséquence.
DEUXIÈME PARTIE : LE THÉÂTRE DRAMATIQUE |
L'intervention de l'Etat dans le domaine de l'art dramatique poursuit plusieurs objectifs complémentaires : promouvoir la diffusion du spectacle vivant et élargir les publics du théâtre ; encourager la création dramatique et favoriser l'émergence de nouveaux talents.
Pour assurer ces missions, le ministère de la culture, à travers la direction du théâtre et des spectacles, dispose de plusieurs instruments parmi lesquels se distingue en premier lieu le réseau des scènes publiques.
Des subventions sont directement accordées d'une part, aux six grandes institutions nationales que sont le conservatoire national d'art dramatique et les cinq théâtres nationaux (Comédie Française, théâtre national de Chaillot, théâtre national de la Colline, et théâtre national de Strasbourg) et d'autre part, au réseau de la décentralisation dramatique qui se compose des centres dramatiques nationaux et régionaux et, des scènes nationales qui rassemblent une soixantaine d'établissements de droit privé aux statuts divers.
Le soutien à la diffusion et à la création passe en second lieu par l'aide accordée à plus de 600 compagnies dramatiques indépendantes ainsi qu'au fonds de soutien au théâtre privé. Plusieurs dispositifs visant l'écriture et les auteurs dramatiques ainsi que l'enseignement de l'art dramatique viennent compléter les moyens de la politique du théâtre.
Au total, l'ensemble des crédits consacrés au théâtre s'élèvera à 1308,1 millions de francs en dépenses ordinaires et autorisations de programme en 1997, en baisse de 6,2 % par rapport aux crédits votés en 1996. Cette diminution s'explique essentiellement par la baisse des autorisations de programme (-89,6 millions de francs), les moyens affectés aux titres III et IV régressant légèrement (-3 millions de francs).