B. LA CONSTITUTION DE TÉLÉVISION FRANCE INTERNATIONALE : UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE
1. Des hésitations retardent la constitution du pôle télévisuel extérieur
Après que le ministre de la culture a annoncé cet été à l'université d'Hourtin que France Télévision serait « le pivot » du remaniement de l'audiovisuel extérieur et qu'elle détiendrait « la majorité de la holding contrôlant TV5 et Canal France International (CFI) », des rumeurs insistantes laissent entendre que la préférence du Premier ministre irait à la constitution d'une société au sein de laquelle l'État serait majoritaire et dont la présidence pourrait être confiée à M. Jean-Claude Cluzel, président-directeur général de Radio France Internationale.
La querelle entre les tenants de la « logique des métiers » -qui a prévalu au dernier CAEF- et les partisans de la création d'une « BBC à la française » (réalisant la fusion en un pôle unique des activités radiophoniques et télévisuelles) ne semble donc pas définitivement tranchée. Reste aussi à préciser le rôle que jouera France Télévision au sein du futur pôle télévisuel : les uns font valoir qu'une participation majoritaire des chaînes publiques au capital de la nouvelle société serait de nature à faciliter l'accès de Canal France International aux programmes ; les autres soutiennent que l'État ne peut rester minoritaire au sein d'une société chargée de véhiculer « l'image et la voix de la France » à l'étranger.
Quelle que soit la solution qui sera appelée à prévaloir, il importe qu'une décision soit prise dans les plus brefs délais. Les atermoiements qui caractérisent aujourd'hui la conduite de la politique audiovisuelle extérieure, et que ne contribue pas à simplifier la multiplicité des interlocuteurs ministériels compétents, ont des conséquences regrettables sur l'action des deux principaux opérateurs télévisuels que sont CFI et TV5.
2. Un climat peu propice à l'action des deux principaux opérateurs
a) Rappel : présentation de TV5 et de CFI
• Créée en janvier 1984,
TV5
Europe, télévision francophone
par
satellite, regroupe un ensemble de chaînes nationales
francophones, françaises (TF1, France 2 et France 3), suisse (SSR) et
belge (RTBF). En 1986, TV5 s'est élargie au consortium de
télévision Québec-Canada (CTQC) devenue chaîne
francophone, sous le nom de TV5 Québec-Canada, et diffusée depuis
1988 en Amérique du Nord.
TV5 Europe et TV5 Québec-Canada, bien qu'autonomes, fonctionnent selon un principe commun et sont financées par les chaînes et les Gouvernements.
Le programme de TV5 est constitué d'une sélection d'émissions déjà diffusées par les partenaires de la chaîne, parmi lesquelles leurs journaux télévisés qui sont retransmis en léger différé. Il est complété par des émissions acquises notamment auprès de TF1 et par des films. Les accords passés en 1994 par TV5 avec UGC d'une part, l'USPA de l'autre, permettent désormais à la chaîne de programmer davantage de films et d'émissions de fiction ce qui renforce considérablement son attractivité. TV5 assure également la production de magazines et d'émissions d'information qui représentent désormais près de 15 % de son temps d'antenne. La grille de programmes inclut enfin des émissions didactiques d'apprentissage du français.
L'année 1996 a été marquée, pour TV5, par l'accélération du développement de la chaîne en Amérique latine, où elle est diffusée maintenant 24h sur 24, avec une nouvelle grille adaptée aux différents horaires, des émissions sous-titrées en espagnol, et une promotion des programmes en espagnol.
En Asie, TV5 est disponible en compression numérique, depuis mai 1996, sur Asiasat 2 qui accueille un bouquet de chaînes européennes, composé, outre de TV5, de la chaîne musicale française MCM Internationale, de la Deutsche Welle (Allemagne), de TVE International (Espagne), de la RAI International (Italie), ainsi que de stations de radio.
La couverture mondiale de TV5 est désormais assurée, grâce à sa présence sur six satellites.
En 1996, TV5 aura bénéficié d'une subvention budgétaire de 186,5 millions de francs (dont 173 millions de francs correspondant à la dotation du ministère des Affaires étrangères et 13,5 millions de francs à celle du ministère de la coopération) correspondant à 67 % du budget de cette chaîne, au financement de laquelle les partenaires étrangers de la France contribuent à hauteur de 15,6 %.
• Créée en 1989 à l'initiative
du ministère de la coopération, la banque de programmes
audiovisuels
Canal France International
répondait
à l'origine au souci de moderniser la coopération culturelle
internationale. Il s'agissait en effet de substituer la fourniture de
programmes diffusés par satellite à l'envoi traditionnel
d'émissions enregistrées sur cassettes vidéo aux pays
situés dans le champ de la coopération.
Très vite, le concept de la banque d'images a rencontré un large succès, tant auprès des pays destinataires auxquels elle permettait d'accéder à des programmes plus récents, qu'auprès du ministère des Affaires étrangères.
En sa qualité de banque d'images, CFI met à la disposition des télévisions des pays ayant signé un accord de coopération avec la France des programmes libres de droits qui peuvent être repris sur les réseaux nationaux.
Ces programmes sont constitués, pour les deux tiers, de reprises des chaînes françaises. Ils sont complétés de films ou de fictions produits par les télévisions partenaires, et notamment celles d'Afrique avec lesquelles ont été passés plusieurs accords de production. La banque d'images reprend également en direct, chaque fois qu'elle en obtient les droits, les événements culturels et sportifs. Elle a ainsi retransmis les jeux olympiques d'Atlanta, durant neuf heures quotidiennes sur l'Afrique.
Canal France International a connu un développement extrêmement rapide : alors qu'elle relayait quotidiennement 4 heures de programmes à destination de l'Afrique francophone à la fin de l'année 1989, elle diffuse aujourd'hui, 24 heures sur 24, 30.000 heures de programmes par an sur tous les continents grâce à un réseau de cinq canaux satellitaires.
En tant que banque de programmes, elle a conclu des accords avec plus de 45 chaînes de télévision étrangères. En échange de l'engagement de reprendre sur leur antenne un certain volume de programmes, ces accords prévoient la fourniture aux chaînes partenaires de matériels de réception, d'enregistrement, et le cas échéant, de sous-titrage. Ces accords peuvent, dans certains cas, servir de fondement à une coopération plus poussée : un programme d'aide à la formation a été défini au bénéfice de journalistes cambodgiens et vietnamiens pour la production d'un journal et d'un magazine en langue française.
Force est cependant de constater que Canal France International est parfois sortie du cadre étroit de banque de programmes qui lui a été assigné lors de sa création. Conséquence d'un recours accru aux satellites et de l'absence de cryptage des émissions, ses programmes sont souvent captés directement par les téléspectateurs.
Le budget de Canal France International a connu une croissance proportionnelle à l'accroissement de ses activités : il est passé de 54,6 millions de francs en 1989 à 182,3 millions de francs en 1996. Dans ce total, la subvention du ministère des Affaires étrangères s'établit à 123,1 millions de francs et celle du ministère de la coopération à 52,4 millions de francs.
Il est particulièrement regrettable pour le fonctionnement de cette entreprise qu'au 22 octobre 1996, date à laquelle votre rapporteur a reçu son président, 40 % de la subvention inscrite en loi de finances, ne lui avait toujours pas été attribuée, les premiers crédits ayant été versés par le ministère de la coopération, après une intervention des responsables, à la fin du mois de septembre.
Il n'est pas admissible qu'en plus des effets de la régulation budgétaire, l'État reporte sur des entreprises soumises aux lois du marché ses problèmes de trésorerie.
b) Un impératif : accroître la complémentarité des deux chaînes
Les derniers CAEF ont réaffirmé la spécificité des deux principaux opérateurs : la vocation de CFI est d'être une banque de programmes libres de droit et de véhiculer l'image de la France dans le monde, en recourant éventuellement aux langues étrangères pour accroître sa pénétration ; TV5, télévision multilatérale francophone, doit assurer la présence de la langue française dans le monde.
Si cette répartition des tâches paraît séduisante sur le papier, ces deux chaînes apparaissent encore trop souvent concurrentes sur le terrain. L'on peut espérer que leur installation commune dans les locaux de la rue Cognac-Jay et l'entente de leurs deux présidents contribueront à faire progresser le dossier de la complémentarité.
Il est intéressant d'observer qu'un projet commun pour l'audiovisuel extérieur a été élaboré par les deux chaînes et soumis aux autorités de tutelle.
c) Adapter l'offre de programme aux différents publics
Après avoir visé à étendre la couverture géographique et à accroître l'offre quantitative de programmes, les efforts doivent désormais converger, en matière télévisuelle, et conformément aux décisions arrêtées lors des derniers CAEF, vers l'adaptation de l'offre de programmes aux attentes des différents publics.
La régionalisation des programmes de Canal France International, qui distingue désormais cinq grilles de programmes, et les décrochages spécifiques de TV5 Europe sur l'Afrique et prochainement sur l'Asie constituent un début de réponse encourageant.
Cet effort sera poursuivi l'an prochain, grâce notamment au dédoublement du signal émis par TV5 sur l'Europe, afin de distinguer une programmation destinée aux pays francophones d'une offre télévisuelle conçue pour les pays non francophones, ou encore par le lancement par CFI d'une chaîne s'adressant aux populations arabophones du Moyen-Orient.
La diversification de l'offre de programmes, rendue possible par la participation de la France aux bouquets satellitaires, concourt à la réalisation du même objectif. Cet effort se traduira en 1997 par la constitution d'un bouquet de chaînes francophones destiné à l'Afrique autour de MCMI.
Des progrès importants restent à accomplir dans le domaine de l'information télévisée. La France ne pourra continuer longtemps de se satisfaire de la diffusion en léger différé de ses journaux télévisés, dont la vision par trop hexagonale peut parfois fournir une image désastreuse de la France à l'étranger. Il importe qu'un journal télévisé présentant une information mondiale « vue de Paris » puisse être conçu rapidement.