Avis n° 22 (1996-1997) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 octobre 1996

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N° 22

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 1996

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 499 (1995-1996)

Comptabilité.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à notre examen comporte un important volet (titre premier) relatif à la réforme de la réglementation comptable sur lequel votre commission des finances a estimé devoir formuler un avis.

Cette réforme législative s'inscrit dans le cadre plus vaste d'une reforme de la normalisation comptable, annoncée et voulue par M. Jean Arthuis dès son arrivée au ministère de l'économie et des finances. L'objectif est de répondre à un besoin accru de transparence, de permanence et de lisibilité des comptes exprimé par les professionnels comme par les épargnants. À cette fin, un nouveau plan comptable sera élaboré dans le courant de l'année 1997 et se substituera au plan comptable de 1982.

Mais avant de réaliser cette unification des normes, le Gouvernement a jugé indispensable de procéder à une réforme des instances chargées de leur élaboration. La matière comptable souffre en effet d'une trop grande multiplicité des sources du droit et d'un manque de hiérarchie des textes qui la régissent.

En effet, de nombreuses instances disposent d'un pouvoir d'influence, d'avis voire de réglementation sur la matière comptable. Dans le foisonnement des règles qui en résulte, le plan comptable général n'arrive plus jouer un rôle de fédérateur en raison de sa place dans la hiérarchie des normes. Élaboré par le Conseil national du crédit, il trouve sa base légale dans un article de la loi du 28 décembre 1959 et dans un arrêté interministériel de 982, modifié en 1986. Il est strictement encadré par le corps de normes contenu dans la loi de 1966 sur les sociétés commerciales et son décret d'application du 23 mars 1967.

Par ailleurs, l'association des différents ministères de tutelle -économie, budget, justice - auxquels s'ajoute immanquablement le ministère sectionellement concerné, fait de l'élaboration des normes comptables un processus lent et inadapté aux contraintes économiques de notre époque. Il fallait donc, en préalable à toute réforme de la normalisation elle-même, moderniser et unifier le processus de normalisation comptable, afin de refaire du plan comptable général le « lieu géométrique de la règle comptable ».

Une première étape a été franchie dans la voie de la modernisation avec le décret n° 96-749 du 26 août 1996 qui rénove le Conseil national de la comptabilité et institue auprès de lui un comité d'urgence chargé de l'interprétation des normes comptables.

Il vous est proposé, avec le présent projet de loi, de parachever cette étape en permettant l'unification des instances normalisatrices. Cette unification résultera de la création du Comité de la réglementation comptable (article 2) et du transfert à cet organisme des compétences actuellement exercées, en cette matière, par le Comité de la réglementation bancaire et financière (article 7). C'est, de ce point de vue, la fin de l'exception bancaire.

Dans le même temps, et afin de tenir compte des besoins liés à la mondialisation de l'économie, il vous est également demandé d'accompagner et d'encadrer l'utilisation des règles internationales pour l'établissement des comptes consolidés des sociétés cotées (article 6).

Au regard de ces objectifs, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption du titre premier du présent projet de loi, sous réserve des amendements qu'elle vous présente.

* *

*

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA RÉFORME DES INSTANCES DE NORMALISATION COMPTABLE

Cette réforme porte sur trois points : la rénovation de l'instance de normalisation comptable (le Conseil national de la comptabilité ou CNC), l' unification des instances de réglementation comptable (le Comité de la réglementation comptable ou CRC) et enfin, la mise en place d'une instance (le comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité) amenée à jouer un rôle important en matière d'application des règles comptables.

L'articulation des compétences entre les différentes instances est la suivante :

- D'une part, un organisme chargé de l'élaboration des normes comptables (plan comptable général) : le CNC. Cet organisme n'a pas de pouvoir de décision. Il rend des avis.

- D autre part, deux comités chargés respectivement de :

* l'adoption et de la publication des normes comptables : le CRC. Cet organisme dispose du pouvoir de prendre des règlements, sous réserve bien sûr de l'homologation ministérielle.

* l'interprétation de ces normes : le Comité d'urgence du CNC. Il rend des avis, qui sont des décisions ne faisant pas grief.

Trois observations s'imposent :

En premier lieu, la délégation d'une compétence réglementaire du premier ministre aux ministres chargés d'homologuer les règlements du CRC (économie, justice, budget et, le cas échéant, le ministre chargé de la sécurité sociale) nécessitait une loi. C'est pourquoi la réforme comprend un volet législatif.

En second lieu, la composition du CRC et du comité d'urgence sont très proches dans le souci légitime d'éviter toute discordance entre l'autorité chargée de l'édiction de la norme et celle chargée de l'interpréter.

Enfin, si la solution d'une organisation moniste (c'est la même autorité qui édicté et qui interprète la norme) a été écartée, c'est sans doute que le comité d'urgence est appelé à jouer un rôle important dans l'application et le contrôle des règles comptables, contrôle qui constitue actuellement, du moins en théorie, le maillon faible de la chaîne normative comptable.

A. LA RÉNOVATION DU CONSEIL NATIONAL DE LA COMPTABILITÉ

Le Conseil national de la comptabilité institué par le décret n° 57-129 du 7 février 1957 a succédé au Conseil supérieur de la comptabilité, créé en 1947. Cet organisme succédait lui-même à la Commission de normalisation des comptabilités, instituée en 1946 dans le but de forger et de suivre l'évolution du plan comptable général de 1947.

Déjà modifié en 1964 et 1993 1 ( * ) , le CNC a vu sa composition et sa mission substantiellement redéfinies par l'important décret n° 96-749 du 26 août 1996.

1. La composition du Conseil national de la comptabilité

La rénovation de la composition du CNC s'inscrit dans une perspective de continuité avec les précédentes réformes et consacre l'idée d'une composition pluridisciplinaire et interprofessionnelle qui a rendu cet organisme apte à faire progresser substantiellement la discipline comptable.

Loin d'être remise en cause, l'existence d'un cercle de « sachants » où s'exerce la confrontation des points de vue, lieu d'élaboration de solutions opérationnelles et force de proposition, est confirmée. La nouvelle composition fait une place importante aux professionnels désormais au nombre de quarante, auxquels il faut ajouter cinq vice-présidents sur six. Le Président du CNC vient d'être nommé par arrêté du ministre de l'économie. Il s'agit de M. Georges Barthes de Ruyter.

Les pouvoirs publics continueront d'être fortement représentés au travers de onze représentant qui comprennent : un représentant du Garde des sceaux, trois représentants du ministre de l'économie deux représentants du ministre du budget, un magistrat à la Cour des comptes, un représentant du président de la Commission des opérations de bourse, un représentant du président de la Commission bancaire, un représentant du président de la Commission de contrôle des assurances et un représentant du président de la Commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles.

2. La mission du Conseil national de la comptabilité

La mission initiale du CNC était une mission de coordination et de synthèse des recherches théoriques et méthodologiques de comptabilité. Il était dénué et restera dénué de compétence sur les questions relatives à l'organisation et à la discipline des professions comptables.

Sa mission consiste désormais à émettre des avis et des recommandations dans le domaine comptable pour l'ensemble des secteurs économiques. Il devient, comme l'affirme l'exposé des motifs du présent projet de loi, le véritable « pôle de convergence » des normes comptables.

À cet égard on notera que le décret de 1996, contrairement au décret de 1957, ne fait plus référence à sa nature d' organisme consultatif et que ses compétences s'étendent désormais aux réglementations élaborées par le Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) (article 2 du décret du 26 août précité) 2 ( * )3 ( * ) .

Cette extension du champ d'application de la mission du Conseil national de la comptabilité serait consacrée législativement par l'adoption de l'article 3 du projet du Gouvernement qui prévoit que les délibérations du Comité de la réglementation comptable doivent être précédées de l'avis du Conseil.

B. L'UNIFICATION DES INSTANCES DE RÉGLEMENTATION COMPTABLE

La matière comptable souffre d'une multiplicité des sources du droit un manque de hiérarchie des textes qui la régissent. Une unification des règles comptables était donc urgente afin de sécuriser les utilisateurs. C'est ce que réalise le projet de loi en créant le CRC et en lui confiant les compétences comptables actuellement détenues par le CRBF pour ce qui est de la comptabilité des banques et des entreprises d'investissement.

1. La création du Comité de la réglementation comptable

a) Composition et mission du CRC

Le Comité de la réglementation comptable sera institué par l'adoption de l'article 2 du présent projet de loi. Sa mission sera de décider des prescriptions comptables générales et, le cas échéant, des règles sectorielles qui s'y ajoutent (article premier). Il devra également adopter les règles internationalement reconnues que pourront utiliser les sociétés cotées françaises pour l'établissement de leurs comptes consolidés (article 6)

Le projet de loi prévoit de fixer sa composition à dix membres, présidés par le ministre de l'économie et des finances. Toutefois, il est prévu que, lorsque le comité examinera des règles sectorielles, il s'adjoindra avec voix délibérative le ministre en charge du secteur examiné ou, si le projet de règlement est relatif aux banques ou aux entreprises d'investissement, le président de la Commission bancaire, c'est à dire le gouverneur de la Banque de France, ou relatif aux assurances, le président de la Commission de contrôle des assurances ou celui de la Commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles, selon qu'il s'agisse d'entreprises d'assurances ou de mutuelles et instituts de prévoyance.

Très vraisemblablement, le secrétariat du CRC sera le même que celui du CNC.

b) Le processus de normalisation comptable

C'est un processus de normalisation « par le bas » qui a été retenu. Tant que le CNC et le CRC n'auront pas revu l'ensemble des textes en vigueur (se reporter au commentaire de l'article premier), ceux-ci continueront à s'appliquer. Les changements interviendront au fur et à mesure que le CRC adoptera les règlements.

Le processus de normalisation consistera, dans un premier temps, à élaborer un nouveau plan comptable dont l'avant projet devrait être terminé à la fin de cette année et qui devrait être présenté au CRC, sous une forme qui reste à déterminer, pour le 30 mars 1997.

Dans un deuxième temps, il sera procédé à un « toilettage » des textes et à une classification de tout ce qui est extérieur au plan comptable et qui ressort soit de la loi, du règlement ou de la doctrine. Pour ce qui relève des décrets, le CNC pourra proposer des textes au CRC qui permettent l'évolution de certaines de leurs dispositions. Il pourra, le cas échéant, proposer au ministre de les abroger purement et simplement. S'agissant des lois, le problème se pose surtout pour les lois antérieures. Le CNC pourra estimer que certaines dispositions qu'elles contiennent relèvent davantage du règlement et proposer leur déclassement au ministre selon la procédure habituelle de l'article 37 de la Constitution.

2. La fin de l'autonomie des règles comptables en matière de banque, de finance et d'assurance

L'article 7 prévoit de mettre un terme à la compétence réglementaire que détient le Comité de la réglementation bancaire et financière, en vertu de l'article 33 de la loi bancaire.

La question de la nécessité ou non de conserver une comptabilité spécifique aux domaines de la banque, de la finance et des assurances a fait couler beaucoup d'encre et nombreux sont ceux qui ont plaidé en faveur du maintien de l'autonomie de ces matières.

On observera tout d'abord que cette compétence en matière comptable d'un organe non directement rattaché à l'institution officielle chargée de la comptabilité crée une certaine originalité française par rapport à la situation existant dans d'autres pays. En effet, aux États-Unis et en Grande-Bretagne notamment, ce sont les organismes de normalisation comptable qui ont vocation à fixer les règles applicables à tous les secteurs d'activité : industrie et commerce, banque, assurance... Dans ces pays, les normes s'appliquent à l'ensemble des entreprises mais peuvent, le cas échéant, comporter des exceptions sectorielles ou, au contraire, ne s'appliquer qu'à des transactions spécifiques. De même, les normes internationales sont pour la plupart de portée générale.

Par ailleurs, la pluralité des sources de droit comptable et/ou l'existence de règles plus ou moins divergentes entre les établissements de crédit et les autres secteurs peuvent être de nature à créer des distorsions peu justifiées économiquement. Sans passer en revue de manière exhaustive les divergences entre les règles comptables applicables par les établissements de crédit et par les autres entreprises, on peut citer, notamment, la comptabilisation des opérations en devises, la comptabilisation des instruments financiers ou encore la comptabilisation des titres de transaction.

Enfin, les groupes d'entreprises sont de plus en plus complexes et comprennent en leur sein des activités des deux ou trois secteurs évoqués. La présentation de comptes consolidés significatifs devrait, en principe, exiger le recours à des règles comptables homogènes non pas par secteur ou type d'entités, mais par nature de transactions. Un bilan et un compte de résultat qui distingueraient les postes par secteur d'activité feraient perdre une partie essentielle de la consolidation.

C'est pourquoi, la solution retenue qui ambitionne d'opérer une « réconciliation » entre deux réalités qui ont leur logique propre et de conjurer tout risque d'éclatement de la discipline comptable par un effort d'insertion des normes dans un corpus cohérent, constitue un progrès sensible par rapport à la situation actuelle.

Les particularités sectorielles pourront être prises en considération grâce au mécanisme d'avis préalable mis en place par l'article 4 du projet de loi. Les règlements du CRC ne pourront être adoptés qu'après avis du CRBF en matière bancaire et financière ou après avis de la Commission de la réglementation du Conseil national des assurances et du Conseil supérieur de la mutualité qui sont les deux instances compétentes, en ces domaines, pour donner leur avis sur la réglementation comptable.

Enfin, il est clair que la France doit disposer d'un organe normalisateur reconnu et clairement identifié afin de sécuriser les utilisateurs et de faire respecter sa place dans le concert international.

C. L'APPLICATION DES RÈGLES COMPTABLES ET SON CONTRÔLE

La création d'un comité d'urgence placé auprès du Conseil national de la comptabilité constitue un début de réponse à la difficile question du contrôle de l'application des normes comptables.

1. La question du contrôle de l'application des normes comptables

L'une des faiblesses des règles comptables actuelles réside dans leur absence de sanctions directes. Comme le fait remarquer justement M. Dominique Ledouble 4 ( * ) : « Il est inutile de charger le corpus comptable de règles sophistiquées si celles-ci ne sont pas appliquées ou plus précisément si l'application de celles-ci ne peut être rendue obligatoire. Force est de reconnaître que sur ce point, la situation actuelle n'est guère satisfaisante. »

Les règles comptables ne sont en effet sanctionnées en matière pénale qu'au détour de délits plus larges pour lesquels les juges ne s'en tiennent pas uniquement aux règles comptables et qui supposent la démonstration d'une intention coupable. Par ailleurs, notre droit pénal des affaires exonère assez largement de sanctions, les comptes les plus importants au sens de l'information, c'est à dire les comptes consolidés 5 ( * ) .

L'administration fiscale vérifie bien l'application des normes comptables, mais uniquement dans une perspective fiscale, c'est à dire lorsque le revenu ou le bénéfice a fait l'objet d'une minoration indue.

Les commissaires aux comptes veillent eux aussi à l'application des normes comptables. Mais leur contrôle ne porte que sur une petite minorité des entreprises françaises.

Enfin, il existe bien des organismes chargés de faire appliquer la réglementation comptable (Commission bancaire, Commission de contrôle des assurances), mais leur contrôle ne porte que sur une catégorie déterminée d'entreprises.

Dans ces conditions, on peut envisager deux types de mécanismes destinés à renforcer l'application des règles comptables, selon que l'on se réfère à des pratiques judiciaires ou administratives.

a) Les mécanismes judiciaires

La question se pose dans les termes suivants : l'actionnaire mécontent peut-il aller devant le juge pour obtenir une modification des comptes arrêtés selon lui de manière incorrecte ?

Comme le rappelle le professeur Ledouble, les articles 1268 et 1269 du nouveau code de procédure civile relatifs à ce qu'il est convenu d'appeler « l'exception de compte arrêté » précisent les conditions dans lesquelles les comptes arrêtés entre des parties peuvent être redressés par le juge « en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte ».

Ce texte fort ancien est appliqué à toutes les matières relevant des comptes civils (tutelle, communauté, indivision...). Mais son application en droit commercial soulève de nombreuses difficultés. Il n `est pas sûr par exemple, que cette procédure, en admettant qu'elle puisse s'appliquer aux comptes des sociétés, puisse servir à faire rectifier non seulement des erreurs matérielles mais également des erreurs de droit, entendue au sens de mauvais usage ou de mauvaise interprétation des règles s'imposant pour l'élaboration des comptes.

La réforme proposée ne modifie en rien le droit applicable sur ce point. Sans doute le Gouvernement a-t-il estimé que cette question était prématurée. Mais il ne fait pas de doutes qu'elle se reposera une fois le processus de normalisation comptable mené jusqu'à son terme.

b) Les mécanismes administratifs

On peut envisager trois types de mécanismes administratifs.

Les premiers ont trait à la création, au profit des sociétés, d'un mécanisme de sécurité préalable à une prise de position dans le domaine comptable. C'est le domaine du rescrit tel qu'il existe en matière fiscale 6 ( * ) ou en matière boursière 7 ( * ) .

Les seconds visent à prévenir éventuellement les débordements constatés. C'est, par exemple le rôle du Financial Reporting Council britannique. Création récente de la City, ce comité surveille les comptes des sociétés cotées anglaises et rend publiques ses critiques sur la pratique de telle ou telle société, sans préjudice du renvoi de ces cas devant les tribunaux.

Enfin, on peut envisager de favoriser la création rapide de règles comptables adaptées à des situations nouvelles ou inédites. C'est la pratique anglo-saxonne d'un comité de normalisation chargé de réglementer les cas d'urgence. C'est à ce type de contrôle que s'apparente la solution retenue par le Gouvernement.

2. La création d'un Comité d'urgence placé auprès du Conseil national de la comptabilité

Institué par l'article 6 du décret du 26 août, ce Comité d'urgence est chargé de donner un avis sur toute question relative à l'interprétation ou l'application d'une norme comptable nécessitant un avis urgent.

Ce pouvoir d'avis ressemble à la faculté dont disposent les ministres (circulaires interprétatives) ou bien certaines autorités administratives indépendantes comme la COB (article 4-1 de l'ordonnance de 1967) de donner une interprétation des normes qu'ils élaborent. On observera toutefois que dans ces cas, l'autorité qui élabore la norme et celle qui l'interprète sont les mêmes, ce qui n'est pas le cas ici. On observera également que ces autorités ont l'initiative de leur saisine, ce qui n'est pas non plus le cas du comité d'urgence qui ne peut être saisi que par le ministre ou le président du CNC.

Tout dépendra en fait de la pratique : votre rapporteur estime souhaitable que des commissaires aux comptes de sociétés soient libéralement admis à soumettre au Comité d'urgence des problèmes d'interprétation et de mise en oeuvre des normes comptables, appliqués à des cas particuliers. Le comité d'urgence doit être le plus possible ouvert sur les réalités, même si le filtre du président du CNC se conçoit. Mais son utilité serait faible s'il devait fonctionner en « vase clos ».

Le Comité d'urgence est composé du président du CNC, des vice-présidents, du représentant du garde des sceaux, d'un représentant du ministre de l'économie, d'un représentant du ministre du budget et du représentant de la Commission des opérations de bourse.

II. LA POSSIBILITÉ D'UTILISER DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALEMENT RECONNUES

A. L'HARMONISATION MONDIALE DES NORMES COMPTABLES

Le débat sur l'urgence d'une harmonisation internationale des normes comptables et les moyens de parvenir à des solutions applicables à court terme a pris récemment une importance nouvelle. Cette accélération est due pour une grande partie à la pression très forte exercée par les marchés internationaux de capitaux et les besoins grandissants des groupes multinationaux, notamment européens, de recourir à ces sources de financement.

Au demeurant, les groupes d'entreprises n'ont pas attendu que cette harmonisation soit achevée pour réagir. Selon une étude récente portant sur les 120 entreprises constituant l'indice SBF 120, 86 déclarent appliquer les règles comptables françaises, 31 les règles françaises et des principes étrangers ou internationaux (en postulant leur compatibilité sous le contrôle des commissaires aux comptes) et 3 se réfèrent seulement à des principes internationaux.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi fait quant à elle mention d'une étude récente de quatre cabinets d'expertise comptable sur l'information financière d'un échantillon de 100 groupes industriels et commerciaux français, 21 déclarent utiliser les normes françaises et celles du IASC 8 ( * ) , 9 les règles françaises et celles du FASB 9 ( * ) 7 se réclament de principes internationaux sans autre précision.

Or, la comparabilité et la fiabilité des informations financières diffusées aux investisseurs sur les marchés financiers sont des conditions nécessaires d'une allocation optimale des ressources collectées sur ceux-ci. La comptabilité est l'outil indispensable permettant de fournir l'information possédant les caractéristiques recherchées.

Les promoteurs les plus déterminés du mouvement en faveur de l'harmonisation, regroupés au sein de l'IASC, déclarent que l'objectif à long terme est l'adoption de normes comptables utilisées par tous les pays. Néanmoins, ils se proposent des objectifs à court terme, en liaison avec l'OICV 10 ( * ) afin de parvenir à un accord sur des normes comptables et d'information, mutuellement reconnues, pour l'établissement des prospectus d'émission et des notes d'information internationales.

Mais s'il n'est pas interdit de rêver à une situation idéale dans laquelle les progrès de la coopération économique internationale seraient tels qu'ils permettraient l'instauration d'un droit économique international - une sorte de lex mercatoria s'imposant à toutes les entités économiques - les différences existant quant à la conception même de la comptabilité montrent en tout cas que la tâche ne sera pas facile 11 ( * ) .

Si l'on se réfère aux tentatives les plus systématiques telles que celles représentées par les travaux de l'IASC, il convient de noter que le cadre conceptuel servant de référence à cet organisme n'est pas un cadre de la comptabilité, mais un cadre de préparation et de présentation des états financiers. Ensuite, ce cadre, s'il prévoit que les états financiers sont destinés à de nombreux utilisateurs, prévoit immédiatement après, le cas où un conflit surgirait entre des normes différentes supposées répondre à différents besoins ; c'est alors le point de vue de l'investisseur qui doit être privilégié et c'est donc l'information utile à celui-ci qui doit être fournie.

Cette prise de position, ainsi que l'étude des normes élaborées par l'IASC montrent que celles-ci ne constituent pas des normes internationales au sens de synthèses internationales de toutes les conceptions existantes de la comptabilité ou des normes compatibles avec toutes les normes existantes. Le CNC s'est livré à l'étude d'un certain nombre de ces normes qui ont fait l'objet d'avis recensant les éléments de compatibilité et d'incompatibilité avec les règles françaises.

L'IASC se situe clairement dans l'optique de ceux qui recherchent la mesure de la performance financière et donc dans une certaine tradition de liaison privilégiée avec les besoins des marchés financiers. Ce qui, pour certains, rapproche ces règles des normes du FASB tout en permettant la prise en compte de considérations ignorées par les règles américaines, car inconnues aux États-Unis.

Ce choix a pu être relativement occulté dans la mesure où les normes comprenaient de nombreuses options, mais il est clair que l'évolution actuelle, encouragée par l'OICV ne peut que conduire à réaffirmer sa portée. Il n'a d'ailleurs pas pour conséquence de limiter l'intérêt de ces normes sur le plan géographique, toutes les zones de la planète étant concernées par les marchés financiers internationaux, tout au plus limite-t-il les usages pouvant être faits de ces normes.

Si l'on accepte les arguments précédents, on comprend que la recherche d'une normalisation mondiale ne peut être qu'un objectif de long terme. En attendant qu'au moins une partie des conditions soit réunie, il reste indispensable d'essayer de régler certains problèmes particulièrement sensibles. Parmi ceux-là, la question d'actualité est de savoir comment augmenter de manière significative la comparabilité et la fiabilité de l'information financière diffusée par les groupes émettant sur les marchés internationaux de capitaux.

C'est l'objet de l'article 6 du projet de loi soumis à votre examen.

B. LE PROJET DE LOI

L'article 6 du projet de loi prévoit que les sociétés françaises qui sont cotées sur un marché réglementé de l'Union européenne, pourront utiliser pour établir et publier leurs comptes consolidés, et sous certaines conditions, des règles internationalement reconnues.

On voit tout de suite que la dérogation au principe de la territorialité des normes françaises est assez limitée puisque :

- elle ne concerne que les sociétés cotées ou émettant des titres de créances cotés sur un marché réglementé (par exemple des obligations) ;

- elle ne porte que sur les comptes consolidés.

En outre, elle est strictement encadrée puisque les règles qui pourront être utilisées auront dû préalablement être adoptées par le Conseil de la réglementation comptable et homologuées par le ministre de l'économie.

Ces règles comprendront aussi bien les normes élaborées par l'IASC que celles émanant du FASB.

Un objectif important de cette réforme est de limiter ce que le Ministre de l'économie et des finances appelle le « vagabondage comptable » 12 ( * ) ou « norm shopping » , situation dans laquelle les sociétés n'appliquent pas l'ensemble d'un référentiel comptable, mais seulement une partie de ces règles afin d'optimiser, au mieux de leurs intérêts, la présentation de leurs comptes.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des finances a limité son avis aux articles premier à 10 qui forment le titre premier « réforme de la réglementation comptable » sur lesquels elle a émis un avis d'ensemble favorable.

Elle vous proposera d'adopter sans modification les articles 3 à 5 et 9 à 10.

Sur les autres articles elle vous proposera des modifications tendant à améliorer la qualité juridique du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - RÉFORME DE LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE

On observera d'emblée qu'en dépit de son intitulé, ce titre ne concerne pas à proprement parler la réglementation comptable, mais les institutions chargées de la réglementation comptable et les obligations comptables.

Article premier Obligation de respecter les prescriptions comptables générales ou sectorielles

Commentaire : le présent article prévoit que les prescriptions comptables générales seront désormais établies par le Comité de la réglementation comptable. Ces règles s'imposeront à toute personne physique ou morale légalement soumise à l'obligation de tenir une comptabilité en raison de son activité ou de son objet social. Sont exclues de cette obligation, et de façon générale des dispositions du titre relatif à la réglementation comptable, les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

Trois questions méritent d'être examinées : l'obligation de tenir une comptabilité, les règles comptables applicables, le contrôle et la sanction du respect des règles comptables.

A. L'OBLIGATION DE TENIR UNE COMPTABILITÉ

Il n'existe pas dans notre droit de définition générale de la comptabilité qui pourrait servir de base à une obligation légale de tenue de compte.

Il existe en revanche des documents comptables définis par la loi (bilan, compte de résultats, annexe, rapport de gestion...) ou par le règlement (livre journal, grand livre, livre d'inventaire) et que sont obligés d'établir les personnes entrant dans certaines catégories juridiques.

Cette obligation peut être renforcée, ou au contraire allégée, pour certaines formes sociales ou certaines professions. Enfin, certaines catégories juridiques ou professions font l'objet d'obligations comptables spécifiques.

1. L'obligation d'établir des documents comptables

Cette obligation porte, d'une part, sur les comptes annuels et, d'autre part, sur les livres comptables.

a) Les comptes annuels

En vertu de l'article 8 du code de commerce l'obligation de tenir des comptes annuels pèse sur tous les commerçants. Cet article dispose en effet que : « toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise ; ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. (...) Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe ; ils forment un tout indissociable. »

Par ailleurs, la loi n° 84-148 du 1 er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a étendu cette obligation aux :

- personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique dont le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d'affaires ou les ressources et le total du bilan dépassent, pour deux de ces critères, des seuils fixés par décret en Conseil d'État 13 ( * ) (article 27) ;

- et aux associations ayant reçu annuellement de l'État ou de ses établissements publics ou des collectivités locales une subvention dont le montant est fixé par décret 14 ( * ) (article 29 bis) ;

Par ailleurs, l'article 30 de cette même loi fait obligation aux établissements publics de l'État et aux entreprises nationales qui ont une activité industrielle ou commerciale et dont le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d'affaires ou le total du bilan dépassent, pour deux de ces critères, les seuils fixés par décret en Conseil d'État, de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, sauf lorsqu'ils sont soumis à la comptabilité publique.

b) Les livres de commerce : le livre-journal, le grand livre et le livre d'inventaire

L'article 2 du décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 prévoit que « tout commerçant tient obligatoirement un livre-journal, un grand livre et un livre d'inventaire ».

2. Les obligations renforcées

a) Les états comptables supplémentaires

Il existe plusieurs cas où, en plus des comptes annuels, les entreprises doivent établir et produire des documents comptables supplémentaires.

Ainsi, les sociétés commerciales dotées de la personnalité morale ont l'obligation d'établir un inventaire et un rapport de gestion annuel (article 340 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales). Ces sociétés doivent également annexer au bilan un état des cautionnements, avals et garanties donnés par la société ainsi qu'un état des sûretés consenties.

En outre, les sociétés commerciales, qui à la clôture d'un exercice social, comptent trois cent salariés ou plus ou dont le montant net du chiffre d'affaires est égal ou supérieur à cent vingt millions de francs (article 340-1 de la loi de 1966 et article 244 du décret du 23 mars 1967), sont également tenues d'établir une situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement en même temps que le bilan annuel et un plan de financement prévisionnel. Cette obligation s'impose également aux entreprises nationales et aux établissements publics industriels et commerciaux d'État placés dans la même situation (chiffre d'affaires et nombre de salariés).

De même, les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne sont tenues à des obligations comptables renforcées en application des articles 341-1 et 341-2 de la loi de 1966 précitée. Il s'agit, notamment, de l'obligation d'annexer à leurs comptes annuels un inventaire des valeurs mobilières détenues en portefeuille à la clôture de l'exercice. Elles doivent également annexer un tableau relatif à la répartition et à l'affectation des sommes distribuables qui seront proposées à l'assemblée générale.

b) L'obligation d'établir des comptes consolidés

Parmi les obligations renforcées, l'obligation de tenir des comptes consolidés occupe une place particulière puisqu'elle a fait l'objet d'une directive européenne en 1983, transposée en droit français en 1985.

En vertu de l'article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966, cette obligation pèse sur l'ensemble des sociétés commerciales, dès lors qu'elles « contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci ».

Échappent toutefois à cette obligation, les entreprises qui sont elles mêmes sous le contrôle d'une entreprise qui les inclut dans ses comptes consolidés et publiés 15 ( * ) et celles qui font partie d'un groupe d'une taille inférieure à un seuil fixé par décret 16 ( * ) .

En application de l'article 13 de la loi n° 85-11 du 3 janvier 1985, cette obligation pèse également sur les entreprises nationales et les établissements publics industriels et commerciaux d'État. Elle pèse également sur les établissements de crédit, les entreprises d'investissement 17 ( * ) et les entreprises d'assurance 18 ( * ) .

3. Les obligations comptables allégées

Par dérogation à l'article 8 du code de commerce, les commerçants personnes physiques placées sur option ou de plein droit sous le régime réel simplifié d'imposition bénéficient d'obligations comptables allégées Ainsi, ils peuvent n'enregistrer les créances et les dettes qu'à la clôture de l'exercice et ne pas établir d'annexe (article 17-1 du code du commerce).

De même, les commerçants personnes physiques soumis à un régime forfaitaire d'imposition peuvent ne pas établir de comptes annuels (article 17-4 du code de commerce). Toutefois, ils doivent enregistrer au jour le jour les recettes encaissées et les dépenses payées, établir un relevé en fin d'exercice des recettes encaissées et des dépenses payées, des dettes financières, des immobilisations et des stocks évalués de manière simplifiée. Ces formalités sont encore allégées lorsque les contribuables sont assujettis au régime fiscal des micro-entreprises (article 50 O du code général des impôts).

4. Les régimes spécifiques

a) Les activités non marchandes

Les personnes qui exercent des activités non marchandes et qui ne dépassent pas les seuils fixés par décret (voir supra) n'en sont pas moins exonérées de toute obligation comptable.

Ainsi, les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée applicable aux bénéfices non commerciaux, sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles (article 99 du code général des impôts). Ils doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes.

De même, les contribuables placés sous le régime de l'évaluation administrative doivent tenir un document donnant le détail journalier de leurs recettes professionnelles (article 101 bis du code général des impôts).

b) Les entreprises soumises à la comptabilité publique

Le décret n° 62-1567 du 29 décembre 1962 portant réglementation de la comptabilité publique énonce que la comptabilité générale de l'État est tenue conformément à un plan comptable qui s'inspire du plan comptable général. Le plan comptable des budgets annexes et le plan comptable des comptes spéciaux de commerce est conforme au plan comptable général. Il en est de même pour les établissements publics administratifs et, sous réserve de ce qui a été dit plus haut, des établissements industriels et commerciaux. Des règles identiques s'appliquent également aux collectivités territoriales, et aux établissements publics locaux.

c) Les établissements de crédit et les entreprises d'investissement

Le premier alinéa de l'article 53 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 sur les établissements de crédit dispose que les obligations comptables des articles 340 et 341 de la loi sur les sociétés commerciales (obligation d'établir des comptes annuels et des états comptables complémentaires) sont applicables à tous les établissements de crédit et entreprises d'investissement, dans des conditions fixées par le Comité de la réglementation bancaire et financière.

e) Les entreprises d'assurance

L'article R. 341-2 du code des assurances énonce que les entreprises d'assurance sont soumises aux dispositions des articles 8 à 16 du code de commerce et à son décret d'application, « sous réserve des dispositions particulières à l'assurance ».

B. LES RÈGLES COMPTABLES APPLICABLES

Les règles comptables proprement dites résultent de plusieurs types de normes.

1. Le code de commerce et son décret d'application

Comme on l'a vu, le code de commerce définit les comptes annuels. À cet égard, l'article 9 précise que : « les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. » L'article 14 énonce les grands principes comptables tels que le principe de prudence ou la nécessité de procéder aux amortissements et provisions nécessaires même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice. L'article 16 précise que les documents comptables sont établis en francs et en langue française.

Le code de commerce fixe également les règles d'évaluation et de détermination du résultat ainsi que les dérogations dont peuvent bénéficier les petites et moyennes entreprises soit en fonction de critères fiscaux, soit en fonction de critères fixés par le décret d'application.

Le décret d'application n° 83-1020 du 29 novembre 1983 décrit :

- le contenu et la forme des livres comptables ;

- les caractéristiques et l'identification des enregistrements comptables ;

- les méthodes d'évaluation tant lors de l'entrée dans le patrimoine que lors de l'établissement de l'inventaire ;

- les règles de classement des éléments du patrimoine à l'actif et au passif du bilan ainsi que les rubriques obligatoires de celui-ci ;

- les règles de classement des produits et des charges au compte de résultat ainsi que les rubriques obligatoires de celui-ci ;

- les simplifications prévues par le code de commerce ;

- la définition des participations, le traitement des primes de remboursement, la définition des capitaux propres et des comptes de régularisation ;

- la forme et le contenu de l'annexe.

2. La loi sur les sociétés commerciales et son décret d'application

La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales modifiée par la loi n° 85-11 du 3 janvier 1985 relative aux comptes consolidés de certaines sociétés commerciales et entreprises publiques, qui a introduit les articles 357-1 à 357-11, décrit les obligations comptables spécifiques aux groupes qui incombent aux sociétés commerciales qui contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises qui exercent une influence notables sur celles-ci.

La loi définit les différents types de contrôle et énumère les différentes méthodes de consolidation qui s'y attachent. Elle fixe également la structure et le contenu du bilan, du compte de résultat et de l'annexe.

Le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales modifié par le décret n° 86-221 du 17 février 1986 relatif aux comptes consolidés, qui a introduit les articles 248 à 248-13, décrit :

- les différentes méthodes de consolidation ; intégration globale, intégration proportionnelle, mise en équivalence.les mentions obligatoires du bilan, du compte de résultat et de l'annexe ;

- le traitement de l'écart de première consolidation ;

- les règles spécifiques à la consolidation (retraitements et reclassement) ;

- les règles d'évaluation non prévues par le code de commerce ;

- les conditions d'exemption d'établir et de publier les comptes consolidés.

3. Le code général des impôts

Le code général des impôts fixe les règles comptables spécifiques applicables à certaines professions comme par exemple les exploitants agricoles soumis au régime simplifié d'imposition (article 74 CGI) ou à certains régimes d'imposition (bénéfices industriels et commerciaux régime du forfait ou régime réel).

4. Le plan comptable général

Le plan comptable actuel a élaboré par le Conseil national de la comptabilité et approuvé le 27 avril 1982 par arrêté du ministre de l'économie et des finances, puis complété et modifié, pour ce qui concerne les comptes consolidés, le 9 décembre 1986. Son `application a été rendue obligatoire pour toutes les entreprises industrielles et commerciales à compter du premier janvier 1984.

Il conserve les principales caractéristiques des plans précédents :

- existence d'une terminologie fondée sur des définitions précises ;

- règles d'évaluation ;

- règles de détermination du résultat ;

- plan de comptes caractérisé par une codification décimale ;

- répartition des opérations dans les classes de comptes organisées en comtes de bilan, en comptes de gestion et en comptes analytiques ;

- description détaillée du fonctionnement des comtes ;

- documents de synthèse normalisés (bilan et compte de résultat) ;

- distinction entre comptabilité générale et comptabilité analytique, cette dernière n'étant ni obligatoire ni normalisée.

Cependant, des améliorations importantes par rapport aux plans précédents ont été apportées notamment sur l'explicitation de l'assise doctrinale et pour une meilleure prise en compte des besoins de la gestion.

5. Les plans comptables sectoriels

À côté du plan comptable général (PCG), certaines professions font l'objet de règles comptables dérogatoires ou spécifiques, dont les plus importantes concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit.

a) Le plan comptable des entreprises d'assurances

Le chapitre III du titre IV du livre III du code des assurances prévoit un « plan comptable particulier à l'assurance et à la capitalisation » qui concerne aussi bien les comptes sociaux (états particuliers à produire : articles L. 344-1 et R. 344-1 à R. 344-3) que les comptes consolidés ou combinés (article L. 345-2) pour lesquelles des modalités spécifiques sont retenues (articles R-345-1 à R. 345-11) par dérogation aux modalités de droit commun.

Par ailleurs, l'article R. 341-3 de ce même code prévoit qu'un arrêté du ministre de l'économie, pris après avis du Conseil national de la comptabilité, fixe la structure et les principaux éléments de la nomenclature du plan de comptes, ainsi que les règles spécifiques d'utilisation des comptes et les principes généraux d'organisation et de fonctionnement du système comptable. Le même arrêté peut en outre prescrire, lorsque ceci est nécessaire pour la justification des comptes ou l'exercice du contrôle de l'État, des modalités spécifiques d'enregistrement et de suivi extracomptable des placements, des contrats, des sinistres et des opérations de réassurance, de coassurance et de coréassurance.

On notera que les obligations comptables des entreprises d'assurance résultent pour l'essentiel de la directive européenne du 19 décembre 1991 (91-674/CEE), transposée en droit français par le décret n° 94-481 du 8 juin 1994 et l'arrêté du 20 juin 1994.

b) Le plan comptable des établissements de crédit et des entreprises d'investissement

Non seulement, les établissements de crédit et les entreprises d'investissement disposent de règles comptables spécifiques, mais en outre celles-ci sont établies par une autorité distincte du Conseil national de la comptabilité et homologuées par le ministre de l'économie dans des conditions dérogatoires au droit commun.

La loi bancaire confie au Comité de la réglementation bancaire et financière compétence pour établir « le plan comptable, les règles de consolidation des comptes, ainsi que la publicité des documents comptables et des informations destinées tant aux autorités compétentes qu'au public » pour ce qui concerne aussi bien les établissements de crédit (article 33) que les entreprises d'investissement (article 33-1).

Ces règles s'imposent à tous les établissements de crédit (article 54 de la loi bancaire) et à toutes les entreprises d'investissement (article 57 de la loi financière). Elles sont contrôlées de façon spécifique par la Commission bancaire.

C. LE RESPECT DES RÈGLES COMPTABLES

1. Vue d'ensemble

L'une des faiblesses des règles comptables actuelles réside dans leur absence de sanctions directes.

Elles ne sont sanctionnées en matière pénale qu'au détour de délits plus larges (présentation de bilan inexact, information mensongère...) pour lesquels les juges ne s'en tiennent pas uniquement aux règles comptables.

Elles ne sont sanctionnées en matière fiscale que pour autant que le contribuable minore un résultat positif, mais pas lorsqu'il dissimule un résultat négatif, ce qui est sans doute aussi grave du point de vue des actionnaires.

On ajoutera que le régime actuel :

- exonère assez largement de sanctions, les comptes les plus importants au sens de l'information, c'est à dire les comptes consolidés ;

- ne poursuit que les personnes physiques sans atteindre les personnes morales puisque la responsabilité des personnes morales n'a pas été étendue aux délits du droit des sociétés.

Pour autant, cela ne signifie pas que les règles comptables ne soient pas contrôlées. Le plus important de ces contrôles est celui exercé par les commissaires aux comptes sur tous les organismes ou sociétés qui recourent à leurs services. Il existe de surcroît un contrôle renforcé dans certains cas spécifiques (sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, établissements de crédit et entreprises d'investissement).

2. Le contrôle des commissaires aux comptes

L'application des règles comptables est contrôlée dans toutes les sociétés ou organismes qui recourent, de façon obligatoire ou volontaire, à des commissaires aux comptes.

La présence de commissaires aux comptes est obligatoire dans toutes les sociétés anonymes (articles 79, 88 et 223 de la loi de 1966), toutes les sociétés en commandite par actions (art. 254 loi de 1966) ainsi que dans les sociétés en nom collectif (article 17-1 de la loi de 1966) et les sociétés anonymes à responsabilité limitée qui dépassent un certain seuil 19 ( * ) .

La présence des commissaires aux comptes peut également être requise pour les groupements d'intérêt économique 20 ( * ) . Elle est obligatoire auprès des fonds communs de placement 21 ( * ) et des personnes morales de droit privé non commerçantes, des associations qui reçoivent des subventions publiques et des entreprises nationales ou EPIC 22 ( * ) , qui dépassent certains seuils (voir supra). Dans les établissements de crédit et les entreprises d'investissement, le contrôle est effectué par au moins deux commissaires aux comptes (art. 53 de la loi bancaire).

Les commissaires aux comptes ont pour mission de certifier que : « les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière du patrimoine de la société à la fin de cet exercice » (article 228 1 er alinéa de la loi de 1966).

Cette mission s'étend également aux comptes consolidés (article 228 2 ème alinéa de la loi de 1966).

Les commissaires aux comptes ont également pour mission permanente « à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et dans les documents adressés aux actionnaires sur la situation financière et les comptes annuels. » (article 228 3 ème alinéa de la loi de 1966).

Ils peuvent opérer toutes vérifications et tous contrôles qu'ils jugent opportuns et peuvent se faire communiquer sur place toutes les pièces qu'ils estiment utiles à l'exercice de leur mission. Ils portent les résultats de leur travail à la connaissance du conseil d'administration (art. 230 de la loi de 1966) et disposent depuis 1994 d'un droit d'alerte (art. 230-1) qui peut aller jusqu'à l'information du président du tribunal de commerce.

Enfin, ils disposent d'un statut très protecteur qui s'efforce au mieux de préserver leur indépendance de l'entreprise ou de l'organisme qui les nomme (articles 218 et suivants de la loi de 1966).

3. Les contrôles spécifiques

a) La Commission des opérations de bourse

Sur la base de l'ordonnance de 1967, la Commission des opérations de bourse peut, pour les sociétés qui font appel public à l'épargne :

- ordonner aux sociétés de procéder à des publications rectificatives dans les cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été constatées dans les documents publiés. Elle peut également porter à la connaissance du public les observations qu'elle a été amenée à faire à une société ou les informations qu'elle estime nécessaires (article 3) ;

- imposer des sanctions administratives à des sociétés qui auraient porté atteinte à l'égalité de l'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts (article 9-1) ;

- demander au juge civil d'imposer sous astreinte la rectification de l'information critiquée (article 12-2).

Néanmoins, la COB ne détient aucune prérogative légale en matière comptable. À juste titre, elle s'estime être le gardien de l'information financière et non celui du respect des règles comptables.

b) La Commission bancaire

La Commission bancaire est chargée, aussi bien pour les établissements de crédit que pour les entreprises d'investissement, de «contrôler les dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables» (article 37 de la loi bancaire) et dispose de toute une panoplie de sanctions disciplinaires lui permettant d'assurer l'effectivité de son contrôle (article 45).

c) La Commission de contrôle des assurances

La Commission de contrôle des assurances est chargée de «veiller au respect, par les entreprises d'assurance, des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'assurance» (article L. 310-12 du code des assurances), ce qui inclut le respect des règles comptables.

d) La Commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles

La Commission de contrôle des institutions de retraite ou de prévoyance complémentaires a été instituée par l'article L. 732-10 du code de la sécurité sociale (désormais article L. 951-1). Elle est chargée de veiller au respect par les institutions de retraite ou de prévoyance complémentaires des salariés des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres et donc, des règles comptables. Ce contrôle s'étend aux mutuelles du code la mutualité (article L. 532-1).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article premier du présent projet de loi ne modifie en rien la portée de l'obligation de tenir une comptabilité. Il ne modifie pas davantage les modalités de contrôle des règles comptables.

En revanche, le présent article jette les bases d'une unification des différentes règles comptables en en confiant l'élaboration au Conseil de la réglementation comptable, nouvel organisme créé par l'article 2.

Les prescriptions comptables actuelles, qu'elles soient d'ordre général ou sectoriel, qu'elles émanent de la loi, du règlement, du plan comptable général ou des plans comptables sectoriels, continueront de s'appliquer jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par les prescriptions du Comité de la réglementation comptable, qui seront établies dans le strict respect de la hiérarchie des normes 23 ( * ) .

Toutefois, restent exclues de l'application de ces règles, les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique.

Il réalise donc une unification de la procédure d'élaboration des normes comptables sous l'autorité d'un organisme unique ce qui est un progrès incontestable par rapport à la situation actuelle que votre commission des finances ne peut qu'approuver.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Nous sommes passés en une vingtaine d'années d'une situation où, hors le plan comptable général, il n'y avait que de très rares dispositions comptables, à une sorte d'amoncellement voire de cacophonie de textes de toute nature.

Cette diversité des textes, tant en ce qui concerne leur niveau juridique que leur degré de détail dans la définition des règles, constitue un facteur de difficulté pour l'usager qui ne dispose pas ainsi d'un ensemble complet et cohérent.

Si l'action du Conseil national de la comptabilité, presque toujours consulté sur ces textes et presque toujours écouté, a permis d'assurer une certaine cohérence et une relative unicité dans les principes et normes définies par ces textes, le statut du plan comptable général n'a pas permis qu'il devienne le vecteur privilégié, sinon unique de ces efforts de réglementation comptable.

Or, une évolution insuffisamment encadrée, outre qu'elle ne favorise pas la compréhension du système de normes par les non initiés, fait peser en permanence sur celui-ci un risque d'incohérence. Elle rend difficile également l'évolution du plan comptable lui-même dans la mesure où de nouvelles règles sont inscrites dans des textes spécifiques, de niveau juridique élevé et donc difficiles à intégrer dans le Plan.

Le Conseil est le garant de la cohérence et de la référence à des principes comptables généraux. Mais cette action, nécessaire, n'a pas toujours été suffisante pour que le bénéfice de cette vigilance soit toujours bien compris des tiers dans la mesure où ils ne disposent pas d'un recueil de toutes les normes présentées de manière harmonisée et constituant un ensemble, sinon exhaustif, du moins assez complet.

Cette réforme qui vise à renforcer l'autorité et le rôle du CNC en créant une autorité de réglementation comptable, le CRC, qui dispose d'une délégation législative générale lui permettant de traiter l'ensemble des dispositions comptables obligatoires, constitue donc un indéniable progrès qui devrait rendre au plan comptable son rôle d'instrument fédérateur, dans le respect des spécificités nécessaires pour la prise en compte de tel ou tel secteur.

Votre Commission vous demande donc d'adopter le principe contenu dans le présent article.

Toutefois, elle vous demande d'adopter un amendement tendant, d'une part, à préciser la mission de l'organisme nouvellement créé - le CRC, (voir commentaire de l'article 2) et, d'autre part, à simplifier l'écriture de 1 obligation générale faite à toutes les personnes physiques ou morales de respecter les prescriptions du CRC.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande de modifier la rédaction du présent article.

Article 2 - Institution d'un Comité de la réglementation comptable

Commentaire : Le présent article institue un Comité de la réglementation comptable, présidé par le ministre de l'économie et des finances, et en fixe la composition. Celle-ci varie selon qu'il examine des normes comptables générales ou sectorielles. Lorsqu'il statue sur des normes générales le Comité comprend dix membres répartis de façon paritaire entre représentants des pouvoirs publics et représentants des professionnels. Lorsqu'il statue sur des normes sectorielles, le Comité s'adjoint un représentant du ministre en charge du secteur concerné ainsi qu'un représentant de ce même secteur. En matière financière et en matière d'assurance le ministre sectoriel est remplacé par le représentant de l'autorité en charge du contrôle.

Comme on a pu le voir sous le commentaire de l'article premier, il n'existe pas à l'heure actuelle d'autorité unique chargée de la prescription des normes comptables.

En effet, le processus actuel fait intervenir le ministre de l'économie et des finances dans un processus complexe de décision où interviennent également le Conseil national de la comptabilité et les représentants de différentes administrations ou organisations en fonction de la matière traitée.

Par ailleurs, le Comité de la réglementation bancaire et financière est seul compétent pour élaborer les normes comptables applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

Désormais, la création du Comité de la réglementation comptable permettra d'unifier la procédure d'élaboration des normes comptables françaises afin de les adapter aux exigences la vie économique.

On rappelle que la création de ce Comité de la réglementation comptable n'entraîne aucune obligation comptable nouvelle par rapport au droit existant quelle que soit la source de l'obligation (plan comptable général ou ses adaptations sectorielles, code de commerce et ses décrets d'application, loi de 1966 sur les sociétés commerciales et son décret d'application, code général des impôts, textes législatifs ou réglementaires spécifiques...).

I. MISSION ET PLACE DU COMITÉ DE LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE DANS LE PROCESSUS D'ÉLABORATION DES NORMES COMPTABLES

Le projet de loi ne contient pas d'article définissant de façon explicite la mission du Comité de la réglementation comptable.

Cette mission résulte implicitement de deux articles du projet de loi.

En premier lieu, on peut déduire de l'article premier que le Comité de la réglementation comptable est chargé de l'adoption des prescriptions comptables générales et des règles sectorielles, puisque : «toute personne physique ou morale (...) doit respecter les prescriptions (...) établies par le Comité de la réglementation comptable».

On notera d'emblée que la solution juridique retenue ne suffirait pas, à elle seule à dessaisir le Comité de la réglementation bancaire et financière de ses compétences en matière comptable (principes d'articulation entre une loi générale et une loi spéciale). C'est ce qui explique la présence de l'article 7 dont l'objet est précisément de modifier la loi bancaire.

On rappelle également (voir exposé général) que le véritable «pôle de convergence» des normes comptables est désormais constitué par le Conseil national de la comptabilité.

En second lieu, on peut déduire de l'article 6 que le CRC «adopte», selon la même procédure, les règles internationalement reconnues que pourront utiliser les sociétés commerciales françaises, à la place des normes comptables nationales, pour établir leurs comptes consolidés. Ces adoptions devront être homologuées dans les mêmes conditions que pour les autres règlements du CRC.

La question se pose toutefois de savoir si le CRC adoptera les normes internationales en bloc, ou norme par norme. D'après les informations fournies à votre rapporteur il semblerait que l'on s'oriente plutôt vers la seconde solution.

II. LA COMPOSITION DU CRC

La composition du CRC est en quelque sorte à géométrie variable, puisqu'elle diffère selon que le Comité statuera sur des normes générales (formation de droit commun) ou sur des normes sectorielles (formation élargie).

A. LA FORMATION DE DROIT COMMUN (Paragraphe I)

En formation de droit commun, le CRC comprend, de façon paritaire, cinq représentants des pouvoirs publics et cinq professionnels.

Les représentants des pouvoirs publics sont :

- le ministre de l'économie et des finances, président ;

- le Garde des sceaux, ministre de la justice ;

- le ministre du budget ;

- le président de la COB ;

- le président du CNC.

Ils peuvent se faire représenter, à l'exception du président du CNC.

Les représentants des professionnels doivent appartenir au CNC ; ce sont :

- le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;

- le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

- trois membres du Conseil national de la comptabilité représentant les entreprises, désignés par le ministre de l'économie.

Les deux premiers peuvent se faire représenter. Les trois autres disposent de suppléants.

On notera qu'aucune durée de mandat n'est prévue dans le projet du Gouvernement. Cette absence est normale pour les membres nommés es qualité. Pour ce qui est des membres professionnels nommés intuitu personae, elle résulte implicitement du fait que ceux-ci font nécessairement partie du Conseil national de la comptabilité. Leur mandat est donc de trois ans.

B. LA FORMATION ÉLARGIE (Paragraphe II)

Lorsqu'il adopte des règles sectorielles, le CRC voit sa composition élargie puisqu'il s'adjoint, avec voix délibérative, le ministre intéressé ou son représentant et un professionnel membre du CNC désigné en raison de sa compétence, pour le secteur dont il s'agit, par ledit ministre sur proposition du président du CNC.

Toutefois, dans certaines matières pour lesquelles le ministre de l'économie serait aussi le ministre sectoriel, le comité s'adjoint :

- le président de la Commission bancaire, c'est à dire le Gouverneur de la Banque de France, lorsque le projet a trait aux établissements de crédit aux entreprises d'investissement et aux entreprises assimilées ;

- le président de la Commission de contrôle des assurances, lorsque le projet de règlement est relatif aux entreprises régies par le code des assurances.

- le président de la Commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles lorsque le projet est relatif aux institutions de prévoyance ou aux organismes régis par le code de la mutualité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

En cohérence avec la position arrêtée à l'article premier, votre commission des finances approuve l'institution d'un comité de la réglementation comptable désormais seul responsable de la procédure d'élaboration des normes comptables.

Toutefois, elle est conduite, d'un strict point de vue technique, à émettre plusieurs réserves ou interrogations.

En premier lieu, votre commission considère qu'il y aurait lieu de préciser la mission du CRC. Même si l'on peut comprendre aisément les raisons qui ont conduit à écarter cette solution, une telle précision semble néanmoins utile, ne serait-ce que pour permettre au législateur futur de compléter ou de modifier aisément la mission de cet organisme. Au demeurant, c'est cette solution qui est généralement retenue lors de la création d'organismes nouveaux (voir par exemple les organismes créés par la loi bancaire ou la loi financière).

En second lieu, votre commission des finances remarque la part importante réservée aux professionnels. En effet, comme cela a été souligné, le CRC est très proche du CNC, organe composé essentiellement de professionnels 24 ( * ) . Par ailleurs, lorsqu'il siège en formation de droit commun, le CNC assure un paritarisme parfait entre professionnels et représentants des pouvoirs publics. Ce paritarisme peut apparaître surprenant s'agissant d'un organe bénéficiant d'une délégation du pouvoir réglementaire. On se souvient en effet que lors de l'examen de la loi financière du 2 juillet dernier, 1 Assemblée nationale avait modifié la composition arrêtée par le Sénat en première lecture afin, précisément, d'affirmer avec plus de force la prééminence des représentants des pouvoirs publics au sein du Comité de la réglementation bancaire et financière, qui bénéficie également d'une délégation du pouvoir réglementaire.

En troisième lieu, votre commission s'est interrogé sur les motivations qui ont conduit le gouvernement à retenir comme instance représentative de la réglementation comptable, non pas l'instance régulatrice, en l'occurrence le Comité de la réglementation comptable et financière, mais l'instance en charge du contrôle de cette réglementation : la Commission bancaire.

Il est vrai que la représentation du CRBF, par l'intermédiaire de son président, eût été quelque peu difficile, puisque ce président est aussi le ministre de l'économie et des finances et que l'on imagine mal le ministre de l'économie s'adjoindre à lui même par une sorte de curieux dédoublement fonctionnel.

Par ailleurs, la prise en compte des spécificités bancaires et financières par le truchement de l'organisme de contrôle, permet d'assurer une homothétie avec le domaine des assurances, où c'est le président de la commission de contrôle des assurances ou celui de la commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles ou son représentant, qui assure la représentation.

Enfin et surtout, l'absence de représentation spécifique du CRBF, qui apparaît d'autant plus regrettable que, contrairement aux autres instances d'étude et de contrôle (Conseil national du crédit, Comité des établissements de crédit, Comité des établissements de crédit), la Commission bancaire n'a pas été affectée par la réforme opérée par la loi financière 25 ( * ) , est compensée par le fait qu'aucun règlement du CRC en matière bancaire et financière ne puisse être adopté sans que le CRBF ait donné son avis (article 4).

En dernier lieu, votre commission s'interroge également sur la composition du CRC en formation élargie, lorsqu'il statue sur des questions intéressant les matières bancaires, financières et comptables.

En effet, le projet de loi ne règle pas le cas où le règlement comptable examiné intéresserait deux ou plus secteurs spécifiques. On peut très bien imaginer par exemple un règlement comptable intéressant à la fois les entreprises d'assurance proprement dites et les mutuelles d'assurance. Faut-il imaginer dans ce cas la présence simultanée du président de la Commission de contrôle des assurances et du président de la Commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles ?

Pour l'instant la question ne semble pas se poser compte tenu des différences qui existent entre ces différents secteurs. Mais il ne fait pas de doute qu'elle resurgira dans l'éventualité, fort probable, d'une unification des règles comptables en matière d'assurance.

Votre commission des finances vous demande donc de préciser dans la loi les missions du CRC (amendement à l'article premier) et par coordination vous demande d'adopter un amendement destiné à tenir compte de cette modification dans le présent article.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sous réserve d'un amendement de coordination.

Article 3 - Avis du Conseil national de la comptabilité

Commentaire : le présent article prévoit un avis préalable du Conseil national de la comptabilité pour les délibérations du Comité de la réglementation comptable. Il prévoit également que le Comité de la réglementation comptable est également saisi pour avis de tout projet de loi relatif à la réglementation comptable.

Le fait que les délibérations du Comité de la réglementation comptable doivent être précédées de l'avis du Conseil national de la comptabilité témoigne de la forte imbrication voulue par le Gouvernement entre ces deux instances (voir commentaire de l'article 2). Le terme utilisé de « délibération » doit être interprété au sens de « décision ».

La saisine obligatoire du CRC sur tout projet de loi relatif à la réglementation montre bien l'importance que le Gouvernement entend réserver au tandem CRC-CNC dans l'élaboration des normes comptables. Il contraste par exemple avec la rédaction de l'article 24 de la loi bancaire qui dispose que le Conseil national du crédit et du titre « peut être saisi pour avis par le ministre chargé de l'économie et des finances des projets de loi ou de décret entrant dans son champ de compétence... ».

Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 4 - Adoption de la réglementation comptable relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux entreprises d'assurance

Commentaire : le présent article prévoit, pour ce qui concerne les établissements de crédit, les compagnies financières, les entreprises d'investissement et assimilées ainsi que les organismes régis par le code des assurances et les mutuelles régies par le code de la mutualité, un avis préalable des organismes de réglementation normalement compétents pour ces entreprises.

Le paragraphe I de cet article prévoit que les règlements du CRC ne peuvent être adoptés qu'après avis du Comité de la réglementation bancaire et financière, lorsqu'ils sont relatifs aux :

- établissements de crédit,

- aux compagnies financières,

- aux entreprises d'investissement et autres entreprises assimilées 26 ( * ) .

Comme on l'a vu (voir commentaire de l'article 2 III position de la commission), le fait que l'avis du CRBF constitue une formalité substantielle, attestée par l'emploi de la négation (« les règlements ... ne peuvent être adoptés qu'après avis »), est une compensation à l'absence de représentation spécifique de cet organisme au sein du CRC.

Le paragraphe II de cet article prévoit également la consultation pour avis de la Commission de la réglementation du Conseil national des assurances pour les règlements relatifs aux entreprises régies par le code des assurances et du Conseil supérieur de la mutualité pour ceux relatifs aux organismes régis par le code de la mutualité.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sans modification.

Article 5 - Règlements du Comité de la réglementation comptable

Commentaire : le présent article décrit les règles de vote et d'homologation des règlements adoptés par le Comité de la réglementation comptable.

Le paragraphe I prévoit, de façon habituelle, que le Comité statue à la majorité des membres présents et qu'en cas de partage égal des voix, la voix du président soit prépondérante.

Le paragraphe II prévoit la publication au Journal officiel des règlements adoptés par le CRC et, surtout, leur homologation par arrêté conjoint du ministre de l'économie, du ministre de la justice et du ministre du budget ainsi que, lorsqu'ils sont relatifs aux institutions de prévoyance ou aux organismes régis par le code de la mutualité, du ministre chargé de la sécurité sociale.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sans modification.

Article 6 - Dérogation à l'application des règles françaises en matière de comptes consolidés

Commentaire : le présent article propose d'ouvrir la possibilité, pour les entreprises françaises présentant des comptes consolidés et faisant appel à l'épargne sur une place financière étrangère de se référer, par dérogation, aux règles légales existantes, à des normes comptables internationalement reconnues pour l'établissement et la publication de ces comptes.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article institue une importante dérogation au principe de territorialité des normes comptables françaises relatives à l'établissement et à la publicité des comptes consolidés.

On rappelle que l'établissement des comptes consolidés est régi principalement par les articles 357-1 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (voir commentaire de l'article premier pour la liste des sociétés soumise à l'obligation d'établir des comptes consolidés).

Les comptes consolidés doivent être réguliers et sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation.

Ils sont établis selon les principes comptables et les règles d'évaluation du code de commerce compte tenu des aménagements indispensables résultant des caractéristiques propres aux comptes consolidés par rapport aux comptes annuels. Les éléments d'actif et de passif, les éléments de charge et de produit compris dans ces comptes sont évalués selon des méthodes homogènes, sauf si les retraitements nécessaires sont de coût disproportionné et d'incidence négligeable sur le patrimoine, la situation financière et le résultat consolidé.

La dérogation instituée par le présent article consiste à dispenser certaines sociétés de se conformer aux règles comptables prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication des comptes consolidés.

Les sociétés dispensées sont les sociétés françaises :

- dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne,

- qui font appel à l'épargne sur les places étrangères et

- qui utilisent pour l'établissement et la publication 27 ( * ) de leurs comptes consolidés des règles :

* internationalement reconnues,

* acceptées sur ces places,

* adoptées et homologuées dans les conditions prévues aux articles 3 à 5 du présent projet de loi (c'est à dire adoption par le Comité de la réglementation comptable et homologuées par arrêté interministériel du ministre de l'économie, de la justice et du budget)

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des finances accepte le principe d'une telle dérogation. Elle considère en effet plus profitable d'encadrer et d'accompagner un phénomène existant que de tenter de s'y opposer au risque d'handicaper nos propres sociétés en renchérissant les coûts de leur développement à l'étranger.

Comme votre rapporteur a eu récemment l'occasion de le mettre en évidence 28 ( * ) , la pertinence économique des comptes consolidés l'emporte presque toujours sur celle des comptes sociaux. Dans une économie globalisée la qualité de l'information financière devient en effet une donnée essentielle du développement des sociétés. On remarquera du reste que l'intervention de la COB pour les sociétés cotées porte très largement sur les comptes consolidés.

Nous sommes donc ici au coeur des objectifs poursuivis par la réforme de la normalisation comptable. Cette normalisation doit en effet permettre d'assurer la comparabilité dans le temps et dans l'espace. Elle doit également mettre en place un langage objectif qui permette de vérifier que les règles sont appliquées de la même façon partout. Elle doit enfin, produire des informations pertinentes.

À cet égard, votre rapporteur rappelle les propositions qu'il a eu l'occasion d'avancer dans le cadre de la modernisation du droit des sociétés.

D'une part, il serait souhaitable, ainsi que l'avait proposé le Président Dailly dès 1991, suivi en cela par le Sénat, que l'approbation des comptes consolidés relève de l'assemblée générale de la société consolidante, les actionnaires de la société mère approuvant ainsi les comptes de l'ensemble du groupe.

D'autre part, il apparaît logique d'accompagner cette première réforme de l'introduction de dispositions pénales relatives à la qualité de ces comptes consolidés.

En poussant plus loin la réflexion, on pourrait même s'interroger sur la pertinence économique des seuils fixés par l'article 248-14 du décret du 23 mars 1967 29 ( * ) et qui permet à un grand nombre de PME d'échapper à l'obligation d'établir des comptes consolidés.

Au bénéfice de ces observations votre commission vous recommande d'adopter l'article 6 dans son principe.

Toutefois, elle émet des réserves quant au champ d'application de la dérogation et à la rédaction de l'article.

S'agissant du champ d'application on peut s'interroger sur la limitation de la dérogation aux seules sociétés cotées sur un marché réglementé européen. En effet, cette limitation conduit à exclure du bénéfice de cette disposition les sociétés françaises qui, bien que non cotées sur un marché réglementé européen, souhaitent se développer à l'étranger en finançant leur développement sur des marchés financiers étrangers. Or ce sont bien ces entreprises qui ont le plus évident besoin de présenter leurs comptes selon les normes internationales et qui seraient injustement pénalisées par l'obligation de les faire coexister avec des comptes établis selon les seules règles françaises.

La rédaction de l'article appelle pour sa part plusieurs observations.

En premier lieu, on notera l'imprécision de certaines notions.

Ainsi de la notion d' « appel à l'épargne ». Comme votre rapporteur a eu l'occasion de le relever 30 ( * ) la notion d' « appel public à l'épargne » est une notion imprécise 31 ( * ) qui mériterait d'être mieux cernée afin d'apporter plus de sécurité juridique. Mais que dire alors de la notion d'appel à l'épargne. Doit-on considérer qu'il y a appel à l'épargne lorsqu'une entreprise emprunte, au moyen d'un crédit bancaire classique, auprès d'une banque située à l'étranger ?

De même, la notion de « place étrangère » apparaît particulièrement imprécise. Faut-il assimiler place et marché financier ? Si oui, s'agit-il de tous les marchés financiers ou seulement des marchés qui rempliraient les conditions pour être reconnus « réglementés » en droit européen 32 ( * ) ?

L'imprécision de ces notions semble d'autant plus dommageable que la dérogation n'est soumise à l'obtention d'aucune autorisation. C'est la société elle-même qui doit apprécier si elle entre dans le champ de la dérogation ou pas.

Accessoirement, on observera que la notion de « sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté » fait référence aussi bien aux sociétés cotées proprement dit qu'aux sociétés qui émettent des titres de créance.

Dans le même ordre d'idées, on observera que le terme de publication fait référence non pas à la publicité des comptes, mais à la forme sous laquelle ils sont rendus publics.

Par ailleurs, on peut estimer souhaitable de poser dans la loi, l'obligation pour les sociétés utilisant cette dispense, d'indiquer le référentiel qu'elles utilisent.

Enfin, la rédaction de l'article qui vise les sociétés « qui utilisent des règles internationalement reconnues » laisse sceptique sur la façon de traiter la question du « norm shopping » ou « vagabondage comptable ».

En effet, les grandes entreprises françaises qui ont levé des fonds sur les marchés internationaux ont récemment trop largement procédé à des changements de méthodes comptables en ayant recours, à leur convenance, à tout ou partie des référentiels comptables internationaux.

Ces changements de méthode, critiqués par la presse économique comme portant atteinte à la crédibilité des comptes, ont été vigoureusement dénoncés par l'actuel ministre de l'économie.

Il n'en reste pas moins qu'une interprétation rigoureuse du texte conduit à penser qu'il serait toujours possible pour une entreprise d'appliquer une partie seulement des règles internationales et de continuer pour le reste à appliquer les normes comptables françaises. Dans ce cas, nous n'aurions fait aucun pas en avant dans la lutte contre le «vagabondage comptable».

C'est pourquoi votre commission a jugé préférable d'utiliser la notion de « corps de règles internationalement reconnu », rédaction qui lui a semblé plus précise que celle retenue par le projet de loi.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande de réécrire le présent article afin d'en préciser le champ d'application.

Article 7 - Procédure spécifique aux règlements comptables relatifs aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement

Commentaire : le présent article modifie la loi bancaire afin de coordonner les pouvoirs du futur Comité de la réglementation comptable avec ceux des autorités en charge de la réglementation des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

Le paragraphe I de cet article modifie l'article 8 de la loi bancaire qui prévoit la possibilité d'étendre aux services financiers de La Poste, à la Caisse des dépôts et consignations et aux comptables du Trésor assurant un service de fonds de particuliers, toutes institutions non soumises à la loi bancaire, les règlements du CRBF. La modification proposée consiste à autoriser également l'extension des règlements du CRC.

Le paragraphe II modifie l'article 30 de la loi bancaire, afin de rappeler que le CRBF n'exerce sa mission que : « sous réserve des attributions du CRC », ce qui signifie qu'il n'a aucune compétence en matière comptable.

Le paragraphe III confirme cette position puisqu'il modifie l'alinéa 7° de l'article 33 de la loi bancaire afin de retirer toute compétence réglementaire en matière comptable au CRBF. Actuellement cet article prévoit en effet que : « le CRBF établit la réglementation concernant : (...) 7° le plan comptable, les règles de consolidation des comptes, ainsi que la publicité des documents comptables et des informations destinées tant aux autorités compétentes qu'au public ». À cet égard, on notera que le plan comptable des établissements de crédit a fait l'objet d'une importante réforme qui est entrée en vigueur au premier janvier 1993 (voir encadré ci après).

Il ne subsisterait plus de cette compétence que : « la publicité des informations destinées aux autorités compétentes ».

Le paragraphe IV modifie l'article 35 de la loi bancaire qui prévoit que les règlements du CRBF peuvent être différents selon le statut juridique des établissements de crédit ou des entreprises d'investissement, afin d'accorder cette même possibilité aux règlements du CRC.

La réforme du plan comptable des établissements de crédit du 1 er janvier 1993

Le premier janvier 1993, une importante réforme comptable des établissements de crédit est entrée en vigueur. Celle-ci recouvre, d'une part, la mise en place de nouveaux modèles d'états publiables et, d'autre part, une refonte du système de collecte de l'information à l'usage de la Commission bancaire et des autorités monétaires (BAFI)

Plusieurs considérations juridiques ou pratiques ont conduit à cette réforme :

- la directive européenne du 8 décembre 1986 (n° 86-665/CEE) concernant les comptes annuels publiés des établissements de crédit, dite « 4 eme bis » devait être transposée en droit français. Cette transposition incombait, en application de la loi bancaire, au Comité de la réglementation bancaire ;

- les documents périodiques, dont la conception remontait aux années 70, transmis aux autorités de surveillance avaient vieilli et ne répondaient plus qu'imparfaitement aux besoins.

Cette réforme s'articulait autour de deux volets :

- un volet «comptable» relatif au plan de comptes proposé, aux principes et aux obligations comptables, aux principes bancaires généraux et aux états publiables. Les méthodes d'évaluation figurent dans les règlements du Comité de la réglementation bancaire en vigueur. En application de ce volet comptable, le plan comptable des établissements de crédit contient des principes et des obligations comptables qui, bien que largement inspirées du plan comptable général, n'en sont pas moins spécifiques aux établissements de crédit.

un volet «collecte» composé des états adressés à la Commission bancaire. 11 comporte trois niveaux de documents : des documents de synthèse (situation bilantielle et compte de résultat qui constituent les « points d'ancrage » du système d'information des autorités de surveillance en ce qu'ils fournissent une vue d'ensemble de l'activité d'un établissement), des tableaux annexes qui détaillent les informations données dans les documents de synthèse et enfin des indicateurs d'activité (titres gérés en dépôt pour le compte de tiers, renseignements sur les effectifs, le réseau commercial, le nombre de comptes...). Les systèmes de collecte sont différents en fonction de la taille des établissements. Il existe ainsi trois systèmes : le système normal (env. 350 établissements, soit moins de un sur cinq), le système normal allégé (850 établissement qui dépassent un seuil de 500 MF de bilan et de hors bilan, mais dont l'activité en devises et celle effectuée avec les non-résidents se situent au-dessous de 100 MF) et le système simplifié (qui englobe près de 800 établissements).

Le paragraphe V modifie les articles 53, 54 et 73 de la loi bancaire afin de substituer à la compétence du CRBF, la compétence du CRC qui ne s'exercera toutefois qu'après avis du CRBF.

- L'article 53 de la loi bancaire prévoit que les dispositions des articles 340 et 341 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales (obligation d'établir des comptes annuels et des états comptables supplémentaires ; permanence des méthodes comptables) sont applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement dans des conditions fixées par le CRBF.

Cet article prévoit également qu'en dessous d'un seuil de bilan fixé par le CRBF, la certification des comptes peut intervenir par un seul commissaire aux comptes (alors que normalement elle doit être effectuée, concernant les établissements de crédit et les entreprises d'investissement, par au moins deux commissaires aux comptes).

- L'article 54 de la loi bancaire prévoit que les établissements de crédit sont tenus d'établir leurs comptes, dans les conditions fixées par le CRBF, sous une forme consolidée.

- L'article 73 de la loi bancaire prévoit que les compagnies financières sont tenues d'établir leurs comptes, dans des conditions précisées par le CRBF, sous une forme consolidée.

Enfin, le paragraphe VI du présent article prévoit de modifier l'article 55 de la loi bancaire qui prévoit que : « tout établissement de crédit doit publier ses comptes annuels dans des conditions fixées par le comité de la réglementation bancaire et financière ». En application de l'article 57 de la loi financière, cette obligation pèse également sur les entreprises d'investissement.

La modification consiste, d'une part, à substituer à la compétence du CRBF, la compétence du CRC qui ne s'exercera toutefois qu'après avis du CRBF (comme pour le paragraphe V ci-dessus) et, d'autre part, à étendre cette obligation à tous les comptes et pas seulement aux comptes annuels.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission approuve le transfert de compétences en matière de réglementation comptable entre le CRBF et le CRC.

Toutefois elle tient à signaler l'existence d'une zone de superposition entre les règles prudentielles, pour lesquelles le CRBF resterait compétent, et les règles comptables, pour lesquelles le CRC deviendrait compétent.

Par ailleurs, il convient d'observer que l'article 55 de la loi financière de juillet 1996 a ajouté un alinéa 10° à l'article 33 de la loi bancaire qui rend le CRBF compétent pour fixer « les règles applicables à l 'organisation comptable , aux mécanismes de contrôle et de sécurité dans le domaine informatique ainsi que les procédures de contrôle interne ». Le fait de ne pas réformer cet article aurait pu sembler constituer un oubli. Mais en réalité les termes d' »organisation comptable» doivent être entendus comme faisant référence à l'organisation des services comptables.

Sous réserve de ces observations votre commission vous demande d'adopter cet article.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel.

Article 8 - Procédure spécifique aux règlements comptables relatifs aux entreprises d'assurance

Commentaire : le présent article modifie, pour coordination, le code des assurances.

Le paragraphe I du présent article modifie l'article L. 334-1 du code des assurances relatif à la solvabilité des entreprises d'assurance sur base consolidée.

L'article L. 334-1 prévoit qu'un arrêté du ministre de l'économie détermine les règles de solvabilité que doivent respecter, sur la base de leurs comptes consolidés ou combinés, les entreprises d'assurance.

La modification apportée consiste à prévoir que lorsque les entreprises d'assurance utilisent la dérogation posée à l'article 6 du présent projet de loi, c'est à dire lorsqu'elles décident d'établir leurs comptes consolidés en suivant non pas les règles comptables nationales mais des règles internationalement reconnues, les règles de solvabilité sont déterminées : « à partir des éléments des comptes consolidés ou combinés que ces entreprises auraient présentés si elles n'avaient pas fait usage de la dispense. »

La rédaction suffisamment souple de cet article nous autorise à penser qu'il ne conduira pas les entreprises d'assurance qui ont recours à la dérogation de l'article 6, à établir une comptabilité sur base consolidée ou combinée à partir des normes comptables françaises, mais qu'il leur suffira d'établir des états de rapprochement permettant un retraitement des données.

Le paragraphe II modifie l'article L. 345-2 du code des assurances qui prévoit que les entreprises d'assurance doivent établir et publier des comptes consolidés dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, afin de substituer à la compétence du pouvoir réglementaire, celle du Comité de la réglementation comptable.

Le paragraphe III modifie le troisième alinéa de l'article L. 345-2 du code des assurances relatif à l'établissement des comptes combinés afin de substituer à la compétence du pouvoir réglementaire, celle du Comité de la réglementation comptable.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sans modification.

Article 9 - Mesure de coordination

Commentaire : le présent article abroge l'article 55 de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal, désormais obsolète.

L'article 55 de la loi du 28 décembre 1959 constituait la base légale du premier plan comptable de 1947.

Il prévoyait que dans un délai maximum de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, il serait procédé à une application progressive du plan comptable général approuvé par l'arrêté ministériel du 18 septembre 1947. Ce même article 55 prévoyait de façon précise les conditions dans lesquelles l'extension devrait avoir lieu.

Le délai de cinq ans a été prorogé par le décret en Conseil d'État n° 64-1340 du 28 décembre 1964, jusqu'au 31 décembre 1967.

On rappelle que le plan comptable de 1947 s'était substitué au premier plan comptable français de 1942 qui était un document non officiel, destiné à l'étude et à des mises en oeuvre volontaires. Il avait été élaboré par la Commission de normalisation des comptabilités mise en place le 4 avril 1946.

Le plan comptable de 1947 a fait l'objet d'une révision approfondie en 1957, par le Conseil supérieur de la comptabilité, approuvée par arrêté ministériel du 11 mai 1957. Ce plan de 1957 a été remplacé par l'actuel plan comptable de 1982, élaboré et publié par le Conseil national de la Comptabilité, institué en 1964.

Le plan comptable de 1982, modifié en 1986 pour tenir compte de l'évolution économique et des directives européennes a été approuvé par arrêté du ministre de l'économie et des finances du 27 avril 1982 et imposé à l'ensemble des entreprises industrielles et commerciales à partir du 1 er janvier 1984 et aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique dès 1985.

L'ancienne base légale que constitue l'article 55 de la loi de 1959, à maints égards fragile, deviendra totalement obsolète avec l'adoption de l'obligation de portée générale contenue à l'article premier du présent projet.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sans modification.

Article 10 - Décret d'application

Commentaire : le présent article propose de renvoyer à un décret en Conseil d'État les modalités d'application des articles premier à 9.

Cet article n'appelle pas de commentaires particuliers de votre commission des finances.

Décision de la commission : votre commission des finances vous demande d'adopter le présent article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 octobre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini sur le projet de loi n° 499 (1995-1996) portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière.

Après s'être félicité du dépôt de ce texte sur le bureau du Sénat, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a présenté les grandes orientations du projet de loi. À cet égard, il a rappelé que ce texte s'inscrivait dans le cadre plus vaste d'une réforme de la normalisation comptable, consistant à unifier les différentes normes comptables, générales ou sectorielles, et à faire du plan comptable général, le « vecteur privilégié » des normes comptables.

En amont de cette réforme qui devrait aboutir à l'élaboration d'un nouveau plan comptable général dans le courant de l'année 1997, le rapporteur a indiqué que le Gouvernement avait estimé indispensable de procéder à une réforme des institutions de réglementation comptable. Le premier volet de cette réforme a déjà été réalisé par le décret du 26 août 1996 qui modernise le Conseil national de la comptabilité et institue auprès de lui un comité d'urgence chargé de l'interprétation, dans des cas particuliers, des normes comptables. Le présent projet de loi constitue le second volet de cette première étape de la réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que ce projet de loi poursuivait deux objectifs.

En premier lieu, il s'agissait d'instituer un nouvel organisme, le Comité de la réglementation comptable, chargé d'établir les prescriptions comptables générales ou sectorielles. Cet organisme serait composé de dix membres, répartis de façon paritaire entre représentants des pouvoirs publics et représentants professionnels. Concomitamment, le Comité de la réglementation bancaire et financière perd les compétences qu'il détenait en matière de réglementation comptable des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. À cet égard, le rapporteur a fait remarquer qu'il s'agissait de la fin de « l'exception bancaire ».

Puis M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a précisé que le second objectif du projet de loi était de permettre d'accompagner et d'encadrer le développement des sociétés commerciales françaises qui se financent sur les marchés internationaux. Dans cette perspective, l'article 6 du projet de loi prévoit que ces sociétés pourront, pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés, utiliser des normes internationalement reconnues, à la condition que ces normes aient été adoptées par le Comité de la réglementation comptable et homologuées par un arrêté interministériel dans les mêmes conditions que les autres règlements du Comité de la réglementation comptable (CRC).

Enfin, le rapporteur a indiqué qu'il approuvait très largement les orientations de ce projet de loi sur lequel il émettait un avis d'ensemble favorable.

À l'issue de cette présentation, M. Joël Bourdin s'est étonné du fait que les lenteurs du processus d'harmonisation des normes comptables internationales et les difficultés à se mettre d'accord, s'agissant des comptes consolidés, sur le périmètre de consolidation, aient aboutit à l'introduction de l'article 6 qui conduit à renoncer à l'application des normes comptables françaises, qui ne sont pas, selon lui, forcément les plus mauvaises.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a quant à lui interrogé le rapporteur sur l'état actuel de l'harmonisation des normes comptables au niveau européen et mondial.

En réponse à ces questions, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé les difficultés qu'il pouvait y avoir à concilier des systèmes comptables qui ne reflétaient pas nécessairement la même conception de la comptabilité. Ainsi, le système américain, édicté par le Fédéral Accounting Standards Board (FASB) reflète une approche essentiellement centrée sur la gestion de l'entreprise et l'information de ses actionnaires. Il s'oppose en cela aux systèmes de comptabilité d'Europe continentale dont l'objet est davantage de quantifier les droits et obligations des destinataires des comptes par rapport à ceux qui les établissent.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite insisté sur le coût que représentait pour nos sociétés l'obligation d'établir une double comptabilité. En outre, il a fait remarquer que le retraitement des données pouvant aboutir à des modifications sensibles des résultats, et que le fait de tenir une double comptabilité affectait la crédibilité de ces comptes aux yeux des investisseurs internationaux, ceux-ci se demandant légitimement quels sont les bons comptes.

Répondant à M. le rapporteur général, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a indiqué que l'harmonisation comptable européenne avait connu des développements importants dans les années soixante-dix et quatre-vingts et qui s'étaient traduits par l'adoption des quatrième et septième directives, déclinées en quatrième bis et quatrième ter puis en septième bis et septième ter pour le secteur des banques et celui des assurances. Cependant, cette harmonisation s'était arrêtée en cours de chemin. Compte tenu de la globalisation de l'économie et du développement des marchés financiers, il est en effet apparu rapidement illusoire de réaliser une telle harmonisation au niveau européen, le seul niveau pertinent étant de ce point de vue le niveau mondial.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles premier à dix du titre premier relatif à la réglementation comptable.

À l' article premier relatif à l'obligation de respecter les prescriptions comptables générales ou sectorielles, la commission a adopté un amendement tendant, d'une part, à préciser les missions du Comité de la réglementation comptable (CRC) et, d'autre part, à simplifier la rédaction de l'obligation générale faite à toute personne physique ou morale de respecter les règlements du CRC.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination à l'article 1 relatif à la composition du CRC.

Puis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 3 , 4 et 5 relatifs respectivement à l'avis du Conseil national de la comptabilité, aux procédures spécifiques d'adoption des règlements du CRC en matière de banque et d'assurance, et à la procédure normale d'adoption, d'homologation et de publication de ces mêmes règlements.

À l' article 6 relatif à la dérogation à l'application des règles françaises en matière de comptes consolidés, de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a présenté un amendement tendant, d'une part, à exclure du champ de la dérogation les sociétés ayant seulement recours à des crédits bancaires sur les places financières étrangères et, d'autre part, à imposer que des sociétés utilisent des règles internationalement reconnues, elles soient contraintes d'appliquer l'ensemble de ces règles et pas seulement la partie qui leur convenait. Il a indiqué que cet amendement avait précisément pour objet de conjurer tout risque de « vagabondage comptable », conformément à l'objectif poursuivi par le ministre de l'économie et des finances.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Joël Bourdin a interrogé le rapporteur sur les raisons qui avaient motivé l'exclusion du bénéfice de la dérogation, des sociétés françaises qui sont cotées exclusivement sur une place étrangère.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il avait lui-même envisagé d'élargir le bénéfice de la dérogation aux sociétés mentionnées, mais qu'il s'était finalement rangé aux arguments du Gouvernement selon lesquels cette extension constituerait, d'une certaine façon, une incitation pour nos sociétés à aller se financer ailleurs que sur les marchés financiers européens.

M. Yann Gaillard s'est déclaré consterné d'assister au démantèlement progressif du principe de territorialité des normes françaises. Le risque que la dérogation, actuellement cantonnée aux seuls comptes consolidés et aux sociétés cotées, soit progressivement étendu à toutes les sociétés commerciales pour l'ensemble des normes comptables est, selon lui, très grand.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a indiqué que le législateur avait le choix entre une position fermée de « nationalisme sourcilleux » qui conduirait à handicaper nos sociétés et une position ouverte qui consisterait à laisser toutes les sociétés déroger à l'ensemble des normes. Entre ces deux positions, la solution retenue par le Gouvernement lui a semblé constituer un équilibre qui, tout prenant acte de la réalité, s'efforçait d'y mettre bon ordre.

Après l'intervention de M. Christian Poncelet, président, la commission a décidé de rectifier l'amendement afin de préciser que les sociétés visées par la dérogation étaient bien les sociétés françaises.

La commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels aux articles 7 (modification par coordination de la loi bancaire) et 8 (modification par coordination du code des assurances).

Puis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 9 (suppression par coordination de la base légale du plan comptable général) et 10 (décret d'application).

Enfin, la commission a émis un avis favorable quant à l'adoption du projet de loi ainsi amendé.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ARTICLE PREMIER

Amendement

Rédiger ainsi cet article :

Il est institué un Comité de la réglementation comptable qui établit, dans les conditions prévues par les articles 3 à 5, les prescriptions comptables générales et, le cas échéant, les règles sectorielles qui s'y ajoutent ou s'y substituent.

Toute personne physique ou morale soumise à l'obligation légale d'établir des documents comptables doit respecter les règlements du Comité de la réglementation comptable.

Les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique sont exclues du champ d'application du présent titre.

ARTICLE 2

Amendement

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

I.- Le Comité de la réglementation comptable comprend :

ARTICLE 6

Amendement

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 357-8-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales :

« Art. 357-8-1.- Les sociétés françaises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne et sont négociés sur un marché financier étranger sont dispensées de se conformer aux règles comptables prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés, dès lors qu'elles utilisent un corps de règles internationalement reconnues, acceptées sur ces marchés et adoptées par un règlement du Comité de la réglementation comptable.

« Les sociétés qui font usage de la dispense prévue au précédent alinéa précisent dans leurs comptes consolidés le corps de règles internationalement reconnues qu'elles ont utilisé. »

ARTICLE 7

Amendement

I.- Dans le paragraphe II de cet article, supprimer les mots :

« définies par la loi n° 96 du 1996 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière »

II.- Dans le paragraphe IV de cet article, supprimer les mots :

« visé à l'article 30 »

ARTICLE 8

Amendement

Dans les paragraphes II et III de cet article, supprimer le mot : « homologué »

* 1 décrets n° 64-266 du 20 mars 1964 et n°93-167 du 1 er février 1993.

* 2 Le décret n° 93-167 du premier février 1993 avait déjà étendu la capacité du CNC à donner son avis préalable sur toutes les dispositions d'ordre comptable qu'elles soient d'origine nationale ou communautaire : le décret du 26 août 1996 a encore étendu cette capacité aux normes élaborées par les organismes internationaux ou étrangers de normalisation comptable

* 3 On observera que cette disposition du décret devrait être modifiée si le projet de loi est adopté en l'état, puisque celui-ci prévoit de retirer au CRBF sa compétence de réglementation en matière comptable.

* 4 «Propos introductifs à une éventuelle réforme comptable» ; Chronique d'actualité, La semaine juridique du 12-04-1990 n° 15 p. 15743 édition entreprise.

* 5 Voir sur ce point le Rapport au Premier Ministre de votre rapporteur relatif à la modernisation du droit des sociétés p. 72 et suivantes.

* 6 Livre des procédures fiscales, article L 64 B

* 7 Règlement COB, n° 90-07

* 8 International Accounting Standards Committee, organisation privée, fondée en 1974, qui regroupe les professionnels comptables d'environ 80 pays.

* 9 Financial Accounting Standards Board

* 10 Organisation Internationale des Commissions de Valeurs, IOSCO en anglais, regroupant les autorités de surveillance et de contrôle des marchés boursiers. La France y est représentée par la COB.

* 11 Schématiquement on distingue les pays dans lesquels la comptabilité a pour objet essentiel de quantifier les droits et obligations des destinataires des comptes par rapport à ceux qui les établissent, des pays dans lesquels elle sert avant tout à fournir une information sur la performance et la situation financière de l'entreprise en laissant une certaine souplesse quant aux conséquences à tirer de ces informations dans les divers domaines concernés. L'exemple le plus connu et le plus caractéristique de ce dernier type de système est celui des normes américaines, élaborées par le FASB (Financial Accounting Standards Board) créé en 1973, alors que les obligations comptables ne concernent directement que les entreprises cotées et que le FASB tient sa légitimité de la SEC (Securities and Exchange Commission, organisme de surveillance et de contrôle des marchés financiers américains, créé en 1934), privilégiant naturellement l'information des marchés boursiers.

* 12 Entretien publié au quotidien «Les Échos» du 21 juin 1996.

* 13 Ces seuils sont fixés ainsi qu'il suit (article 22 du décret n° 85-295 du 1 er mars 1995) : total du bilan : 10 millions de francs ; montant net du chiffre d'affaires : 20 millions de francs ; nombre moyen de salariés permanents : 50.

* 14 montant fixé à un million de francs par le décret n° 93-568 du 27 mars 1993.

* 15 et à la condition qu'un ou plusieurs actionnaires ou associés de l'entreprise contrôlée représentant au moins le dixième de son capital social ne s'y opposent pas.

* 16 Il faut que pendant deux exercices successifs l'ensemble formé par la société et les entreprises qu'elle contrôle ne dépasse pas deux des trois critères suivants : total du bilan : 100 millions de francs ; montant net du chiffre d'affaires : 200 millions de francs ; nombre moyen de salariés permanents : 500.

* 17 Les entreprises d'investissement sont définies par l'article 7 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. Elles ont des activités exclusivement financières. Elles regroupent, notamment, les anciennes sociétés de bourses et sociétés de gestion de portefeuilles.

* 18 Cette obligation résulte de l'article 54 de la loi bancaire pour les établissements de crédit et les entreprises d'investissement et de l'article L 345-2 du code des assurances pour les entreprises d'assurance.

* 19 Ce seuil est le même pour les SNC et les SARL (articles 12 et 43 du décret du 23 mars 1967). Il est dépassé lorsque la société dépasse pendant deux exercices consécutifs deux des critères suivants ; total de bilan : 10 MF ; chiffres d'affaires hors taxe : 20 MF et le nombre moyen de salariés : 50. Même si ces seuils ne sont pas atteints, la nomination d'un commissaire aux comptes peut être demandée en justice par tout associé dans le cas des SNC et par un ou plusieurs associés représentant au moins un dixième du capital dans le cas des SARL.

* 20 Dans les GIE qui émettent des obligations ou qui comptent plus cent salariés ou plus (art 10 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967).

* 21 Article 16 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988.

* 22 Ces obligations résultent respectivement des articles 27, 29 bis et 30 de la loi n° 84-148 du 1 er mars 1948.

* 23 Un règlement du CRC ne pourra évidemment pas modifier une prescription comptable qui résulterait d'un texte législatif, sauf à ce qu'il soit préalablement procédé au déclassement de cette disposition dans le respect de la procédure de l'article 37 de la Constitution, c'est à dire sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

* 24 On rappelle que le CNC comprend outre son président, nommé par arrêté du ministre de l'économie et des finances, quarante professionnels et onze représentants des pouvoirs publics ainsi que six vice-présidents dont cinq sont des professionnels.

* 25 La Commission des finances du Sénat, à la demande du ministre de l'économie et des finances, avait finalement renoncé à proposer une quelconque modification de la composition et du nom de la Commission bancaire en raison du fait que le ministère n'avait pas terminé à l'époque sa réflexion sur une éventuelle réforme de la Commission bancaire et que par ailleurs, la commission des finances de l'Assemblée nationale menait sa propre réflexion sur le contrôle des banques qui a donné lieu à un rapport d'information de M. Philippe Auberger : rapport n ° 2940 enregistré à la Présidence le 27 juin 1996, sur les modalités de surveillance et de contrôle des établissements de crédit. Pour l'instant, la Commission bancaire n'assure donc toujours pas, en son sein, la représentation des « métiers du titre ».

* 26 Par autres entreprises assimilées, il faut entendre les personnes physiques ou morales visées à article 44 I de la loi financière (les membres d'un marché réglementé) et celles visées à article 47 II de cette même loi (les adhérents-compensateurs d'une chambre de compensation).

* 27 Le terme de «publication» fait référence aux règles relatives à la présentation des documents comptables et non à celles relatives à la publicité dont ces documents doivent faire l'objet, qui resteront bien sûr fixées par la loi française.

* 28 Rapport au Premier ministre de juillet 1996 sur : «La modernisation du droit des sociétés» précité p. 72 et suivantes.

* 29 On rappelle qu'échappent à l'obligation de dresser des comptes consolidés les sociétés qui pendant deux exercices successifs, font partie d'un groupe dont la taille ne dépasse pas deux des trois critères suivants : total du bilan : 100 millions de francs ; montant net du chiffre d'affaires : 200 millions de francs ; nombre moyen de salariés permanents : 500

* 30 Rapport précité p. 27.

* 31 L'article 72 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales considère comme faisant publiquement appel à l'épargne, les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou qui, pour le placement des titres, quels qu'ils soient, ont recours soit à des établissements de crédit, soit à des entreprises d'investissement, soit à des procédés de publicité quelconque, soit au démarchage. Par ailleurs, le règlement 92-02 de la COB prend en compte le degré de diffusion des titres, le seuil significatif étant de 300 actionnaires.

* 32 Sur la notion de marché réglementé voir Rapport Sénat n° 254, 1995-1996 p. 143 et suiv.

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