B. LES RÉPONSES APPORTÉES
I. La construction de nouvelles places de prison
a) L'achèvement du « programme 13 000 »
Le « programme 13 000 » fut décidé en 1987, à une époque où le parc pénitentiaire représentait 32 500 places pour environ 50 000 détenus. Il a conduit à la mise en place de 12 850 nouvelles places de prison au sein de 25 établissements pénitentiaires répartis dans 21 départements.
Avec la réception de la maison d'arrêt de Grasse, intervenue le 18 juin 1992, le programme de construction est à présent achevé.
Au 1er août dernier, 12 007 détenus étaient hébergés dans les établissements pénitentiaires du « programme 13 000 ».
b) Le « programme classique »
Parallèlement à la poursuite du «programme 13 000», l'administration pénitentiaire a mis en service plus de 2 000 places de détention dans le cadre d'un programme de construction dit « classique ». Celui-ci a permis la construction ou la restructuration de quatre maisons d'arrêt, d'une maison centrale, d'un centre de détention et d'un centre pénitentiaire.
Conjuguée à l'effort entrepris dans le cadre du « programme 13 000», cette action a permis une réduction substantielle du taux d'occupation des établissements pénitentiaires : 113 % en 1993 contre 138 % en 1988.
Néanmoins, face à l'augmentation continue de la population carcérale, une nouvelle impulsion a dû être donnée par la loi de programme du 6 janvier 1995 que le projet de loi de finances pour 1996 prévoit de poursuivre.
c) La loi de programme du 6 janvier 1995
Cette loi alloue 3 milliards de francs en autorisations de programme sur 5 ans (1995-1999) aux équipements pénitentiaires pour :
- la construction de nouvelles maisons centrales (220 MF),
- la construction de 4 000 places de détention (1 630 MF).
- la création de 1 200 places de semi-liberté (200 MF),
- et la rénovation du parc existant (950 MF).
1.- Bilan de la gestion 1995
L'administration pénitentiaire a été confrontée dès le début de la gestion à une forte insuffisance de crédits de paiement.
Le volume total des crédits de paiement ouverts dans la loi de finances initiale (350 MF), complété par les reports de 1994 et par les ouvertures en répartition du solde des crédits attendus au titre du Plan de relance-Ville, s'élevait à 500 MF alors que les besoins étaient estimés à 610 MF à raison de :
- 527 MF pour assurer les paiements des opérations engagées antérieurement à 1995 (dont 320 MF pour la construction des trois établissements des Antilles et de la Guyane),
- 83 MF pour l'engagement d'opérations nouvelles inscrites dans la loi de programme et concernant principalement les travaux de rénovation des infirmeries des établissements pénitentiaires et du parc pénitentiaire existant.
Au total, les perspectives au début de la gestion étaient donc d'une insuffisance de 110 MF dont 27 MF pour assurer les paiements des opérations en cours.
Dans ces conditions, la mise en place d'autorisations de programme pénitentiaires nouvelles a dû être suspendue dans l'attente d'une solution en gestion.
Une demande de comblement de ce déficit à partir des disponibilités excédentaires du chapitre 57-11 (services judiciaires) a été partiellement satisfaite à hauteur de 35 MF. S'y sont ajoutés 12 millions de francs obtenus par voie de fond de concours en cours de gestion et résultant de la vente de bâtiments pénitentiaires désaffectés.
Ces difficultés ont eu des incidences importantes sur le programme de rénovation du parc existant puisque la tranche 95 ne pourra être engagée qu'à hauteur de 20 %. Notamment, la plupart des opérations de rénovation des infirmeries pénitentiaires (116 opérations sur un total de 141) ont dû être reportées en 1996.
2.- Les perspectives 1996 et ultérieures
En 1996, le volume des crédits de paiement (516 MF) permettra :
- la réalisation, dans des conditions normales, des opérations de rénovation programmées initialement en 1995 et celles prévues en 1996 au titre de la loi de programme pour la justice ;
- l'achèvement des opérations de construction des trois établissements des Antilles - Guyane.
Par contre, le financement des acquisitions de terrains nécessaires à la construction des établissements pénitentiaires, prévus dans le cadre du « programme 4000 », devra être reporté à début 1997.
Il résulte néanmoins des informations fournies à votre rapporteur pour avis que ce report ne devrait pas modifier le calendrier prévisionnel suivant de réalisation des constructions nouvelles inscrites dans la loi de programme :
Ce calendrier prévisionnel reste évidemment subordonné à celui d'ouverture des crédits de paiement pendant la période de 1997 à l'an 2000.
Votre rapporteur pour avis porte également une attention toute particulière à la nécessité de maintenir en Guyane le programme initial qui permettait d'avoir sur le site l'ensemble des régimes de détention. La suppression du quartier « maison centrale » conduirait en effet au transfert vers la Martinique des détenus relevant de ce régime, entraînant ainsi une augmentation des dépenses publiques et une rupture des liens familiaux, préjudiciable à leur réinsertion.
2. Le développement des mesures alternatives à l'incarcération
Le recours à l'incarcération représente un coût considérable pour la collectivité :
- en termes d'investissement tout d'abord. Ainsi, pour le « programme 13000 », le prix moyen de la construction d'une place de prison fut de 313 664 F, sans compter les travaux complémentaires de sécurité ;
- en termes de dépenses de fonctionnement, ensuite, puisque le coût net moyen de détention par détenu dans le parc classique était de 291,92 F en 1994.
Par ailleurs, et compte tenu de l'intervention chaque année d'une grâce collective bénéficiant chacune à plus de 3 000 détenus, l'administration pénitentiaire évalue à 70 000 le nombre de personnes incarcérées en l'an 2000. Dans ces conditions, les constructions de places de prison envisagées aujourd'hui devraient se révéler rapidement insuffisantes. D'ores et déjà, la situation est particulièrement préoccupante dans certaines régions, notamment d'outre-mer. Ainsi, les établissements pénitentiaires actuellement en cours de construction dans les Antilles et en Guyane se révèlent sous-dimensionnés compte tenu des besoins réels.
Indépendamment de ces considérations financières, il est certain que l'incarcération n'est pas toujours la meilleure réponse à la délinquance.
Les pouvoirs publics se sont en conséquence efforcés, tout particulièrement depuis le milieu des années 1970, d'encourager au prononcé de mesures alternatives à l'incarcération.
Ces mesures peuvent aujourd'hui prendre de multiples formes :
- il peut tout d'abord s'agir de peines exécutées en milieu ouvert, sous le contrôle du juge de l'application des peines : sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général (TIG) et ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve ;
- ces mesures peuvent également prendre la forme de modalités particulières d'exécution d'une peine d'emprisonnement. Les bénéficiaires, quoique condamnés à l'emprisonnement, échappent en tout (placement à l'extérieur) ou en partie (semi-liberté) à l'incarcération ;
- il peut enfin s'agir des peines dites de substitution, prononcées en lieu et place d'une peine privative de liberté : suspension judiciaire ou annulation du permis de conduire, confiscation, jour-amende...
Il n'appartient bien entendu pas à votre rapporteur, dans le cadre du présent avis, de se livrer à une étude détaillée de ces différentes mesures. Un tel examen a d'ailleurs été effectué par notre collègue, le Président Guy Cabanel, dans son excellent rapport de mission sur la prévention de la récidive.
Votre rapporteur pour avis croit en revanche utile à l'information du Sénat de présenter les efforts entrepris au cours des derniers mois pour relancer le prononcé de ces mesures.
ï Le nouveau code pénal a élargi la panoplie des peines non carcérales et plus particulièrement du TIG, devenu une peine à part entière touchant désormais les trois catégories d'infractions (crimes, délits, contraventions) et susceptible d'être prononcée quel que soit le passé judiciaire du délinquant. Conjugué à la campagne conduite par les pouvoirs publics pour sensibiliser les magistrats à l'utilité de cette mesure, cet élargissement a conduit, en 1994, à une augmentation de 44,8 % du nombre de TIG en 1994 ; ainsi, au 1er janvier dernier, 18 328 mesures de TIG ont été prises en charge par les comités de probation et d'assistance aux libérés.
ï La loi de programme du 6 janvier 1995 a de nouveau traduit la volonté du législateur de voir se développer les alternatives à l'incarcération. Elle a notamment prévu de renforcer les effectifs du milieu ouvert par un doublement du nombre de travailleurs sociaux, soit la création de 768 emplois.
ï La loi du 8 février 1995 contient deux mesures qui ont un impact direct sur l'activité des services de l'administration pénitentiaire l'élargissement des possibilités de conversion des courtes peines fermes en sursis assorti d'un travail d'intérêt général et la libération conditionnelle des condamnés étrangers.
Compte tenu des délais requis pour le recueil statistique du nombre des mesures suivies par les comités de probation, il n'a pas été possible en l'état de faire un premier bilan de la mise en oeuvre des dispositions nouvelles relatives à l'élargissement des conditions de conversion des courtes peines d'emprisonnement en sursis-TIG.
Pour ce qui concerne les admissions à la libération conditionnelle des étrangers sous réserve d'expulsion, les statistiques des six premiers mois de l'année 1995 ne relèvent pas d'évolution particulière : celles-ci ont représenté 11,8% de l'ensemble des admissions à la libération conditionnelle de la compétence des juges de l'application des peines en 1994 ; ce pourcentage est quasi stationnaire au 30 juin 1995 (11,2 %).