Avis n° 81 (1995-1996) de M. Jean CHÉRIOUX , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 30 novembre 1995

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N° 81

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

POLITIQUE FAMILIALE

Par M. Jean CHÉRIOUX,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( l0 ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et TA. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n°32) (1995-1996).

Lois de finances.

(1) C ette commission est composée de MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Eric Boyer, Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marques, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME COLETTE CODACCIONI, MINISTRE DE LA SOLIDARITÉ ENTRE LES GENERATIONS

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi du mercredi 25 octobre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Colette Codaccioni, sur les crédits de son département ministériel pour 1996.

Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations, a d'abord indiqué que la solidarité entre les générations était une priorité pour la politique de notre pays ; c'est pourquoi ce budget était en Progression de 9,6 % malgré un contexte budgétaire difficile.

Mme Colette Codaccioni a affirmé que la politique en faveur de la famille et de l'enfance était une priorité.

Elle a précisé, à cet égard, que les crédits consacrés à l'enfance et à la famille s'élèveront à 62,35 millions de francs.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis des crédits de la famille a interrogé le ministre sur la situation financière de la branche famille du régime général et sur les raisons qui expliquent son déficit. Il lui a aussi demandé quel était l'état de la réflexion gouvernementale sur la reforme des Prestations familiales. A cet égard, il a souhaité que le ministre précise les principes directeurs de cette réforme et indique si l'instauration d'une allocation parentale de libre choix faisait toujours partie des priorités du Gouvernement.

Enfin, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis a évoqué la Perspective d'une redéfinition du cadre juridique régissant l'Union nationale des associations familiales (UNAF) pour lui offrir de plus grandes possibilités d'action, notamment en matière audiovisuelle.

Mme Colette Codaccioni a indiqué que la branche famille serait en 1995, déficitaire d'environ 13,5 milliards de francs. Elle a explique ce déficit à la fais par une perte de recettes et par la montée en charge de la loi dite «famille ».

Elle a estimé que, plus vite des économies seraient réalisées, plus vite des mesures nouvelles pourraient être prises.

Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations, a indiqué que la réforme des prestations familiales avait été évoquée à de nombreuses reprises au sein des forums régionaux sur la sécurité sociale organisés par le Gouvernement. Elle a indiqué qu'une telle réforme devrait poursuivre un objectif de simplification des prestations et satisfaire quatre priorités : les familles nombreuses, les familles modestes, les familles comprenant des jeunes enfants ou des jeunes adultes.

Mme Colette Codaccioni a déclaré qu'elle n'était pas opposée à l'idée de mener une réflexion sur le cadre juridique s'appliquant à l'UNAF, à condition que l'évolution de celui-ci soit réalisée au bénéfice des familles.

Répondant à M. Jean-Pierre Fourcade, président, elle a indiqué que les décisions du Gouvernement en matière de réforme de la sécurité sociale seraient présentées au Parlement à l'occasion du débat annuel sur la sécurité sociale, soit à la mi-novembre.

Répondant sur la politique familiale, le ministre a indiqué qu'un consensus s'était dégagé pour que les prestations ne soient pas soumises à des conditions de ressources. Il conviendra donc de trouver d'autres types d'économies. En revanche, pour ce qui concerne une éventuelle fiscalisation ou la simplification des prestations, le débat reste ouvert.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a interrogé le ministre sur les effets du versement de l'allocation parentale d'éducation dès le deuxième enfant, sur la concurrence entre crèches et allocation de garde d'enfants et sur l'absence de garanties concernant la compétence des gardiennes d'enfants.

M. André Jourdain s'est interrogé sur les conditions de la compensation par le budget de l'Etat de la suppression progressive des cotisations d'allocations familiales et a contesté l'application aux deux retraités d'un même couple, de la majoration pour enfant.

M. Claude Huriet a interrogé le ministre sur le financement de l'allocation de rentrée scolaire, sur les intentions du gouvernement en matière d'allocation parentale de libre choix et sur les conditions de la réforme, jugée prioritaire, des prestations familiales.

Mme Nelly Olin a interrogé le ministre sur une éventuelle réforme du régime de l'adoption.

M. Jacques Machet est intervenu sur les difficultés des veuves.

En réponse aux différents intervenants, Mme Colette Codaccioni ministre de la solidarité entre les générations a précisé les dotations dont bénéficieront les principales aides en matière familiale.

Elle a rappelé l'initiative du Sénat ouvrant aux hommes le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation. Elle a indiqué ne pas avoir de données nationales concernant la concurrence éventuelle entre crèches et versements d'allocations de garde à domicile. Elle a indiqué que plusieurs instances de concertation travaillaient à formuler des propositions en vue de l'amélioration des conditions de travail des femmes.

Elle a indiqué qu'elle veillait à ce que la compensation de la budgétisation des cotisations d'allocations familiales soit intégrale et a Précisé que l'allègement s'était élevé à 11,6 milliards de francs en 1994. Elle a indiqué que la compensation d'allocation de rentrée scolaire était financée à hauteur de 5 milliards par l'Etat et de 1,5 milliard par la Caisse nationale d'assurances familiales (CNAF).

Concerna les délais de mise en oeuvre de l'allocation parentale de libre choix qui constituai, une priorité de la loi «famille », Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations a rappelé que l'Etat, consacrait déjà 80 milliards pour la petite enfance, a quoi s'ajoutaient , les dépenses des collectivités territoriales. Dans ces conditions l'amélioration des aides ne pouvait passer que par une simplification du dispositif

Elle a rappelé les principales orientations du rapport Mattéi sur l'adoption, agrément des couples, lutte contre le trafic d'enfants, droit d'accès aux origines et sort des enfants délaissés, qui pourraient faire 1 objet d'un débat en janvier prochain.

Elle a aussi précisé que le taux des pensions de réversion était passé de 52 à 54 % au 1er janvier 1995 et devrait, à terme, lorsque l'équilibre de branche «famille » serait rétabli, atteindre 60 %.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 28 novembre 1995, sous la présidence de M. Claude Huriet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, sur les crédits consacrés à la politique familiale.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé que l'année qui vient de s'écouler a permis de célébrer à la fois le cinquantenaire de la sécurité sociale et celui de l'ordonnance du 3 mars 1945 qui confie à l'Union nationale des associations familiales la tâche de représenter les familles, soulignant toutefois que ces anniversaires intervenaient dans un contexte particulièrement difficile pour les comptes sociaux.

Retraçant l'évolution de la politique familiale depuis 1945, il a rappelé qu'une telle politique avait été initialement fondée sur un objectif démographique. La politique familiale concernait ainsi tous les français, quel que soit le niveau de leurs revenus.

Les modifications profondes de la société, la généralisation des prestations familiales, le développement des prestations placées sous condition de ressources, ont toutefois infléchi sensiblement les objectifs initiaux.

Décrivant alors les acteurs de la politique familiale, il a souligné que l'Etat intervenait moins par la voie budgétaire que par ses actions fiscales et législatives. Les crédits budgétaires s'élèvent ainsi à 62,36 millions de francs pour 1996. Il a toutefois précisé que la place de l'Etat se trouve désormais renforcée par la part grandissante de la solidarité nationale dans le financement des prestations familiales.

Il reste que 169,5 milliards de francs sont servis, par la caisse nationale d'allocations familiales, sous forme de prestations. Celles-ci sont, pour la moitié environ placées sous condition de ressources.

Etablissant le bilan, très positif de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, il a toutefois rappelé les difficultés conjoncturelles rencontrées par la branche famille en précisant, à cet égard, que le déficit attendu en 1995 serait de 13,27 milliards de francs.

Soulignant enfin les compétences très diversifiées des collectivités territoriales, il a rappelé que l'aide sociale à l'enfance constitue le tiers des dépenses sociales départementales et que l'action des communes s'adressait essentiellement à la petite enfance, en partenariat avec la caisse nationale d'allocations familiales.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a alors présenté le plan du Gouvernement du 15 novembre 1995 en rappelant les cinq mesures d'application immédiate retenues à cette occasion.

Il a notamment regretté que l'intégralité de l'allocation pour jeune enfant soit placée sous condition de ressources.

S agissant des mesures structurelles envisagées par le Gouvernement, il a exprimé les raisons qui le conduisaient à exprimer les plus vives réserves sur la fiscalisation des allocations familiales. Cette disposition devrait avoir pour conséquence d'assujettir à l'impôt sur le revenu environ 250.000 familles, qui perdraient ainsi un certain nombre d'avantages liés à la non imposition.

Le produit de cette imposition devant, pour moitié, être consacré à des aménagements du barème au profit des familles modestes nombreuses l'autre moitié devant aller à la CNAF, il a observé qu'un tel dispositif était neutre et s'est donc interrogé sur la nécessité et l'opportunité de sa mise en oeuvre. Il a exprimé sa préférence pour une refonte des prestations.

M. Jean Chérioux a alors présenté ses propositions.

Les unes visent à réorganiser les structures du mouvement familial et à renforcer leur rôle en leur permettant notamment de peser plus sûrement sur le contenu des émissions audio-visuelles.

Un tel renforcement passe aussi par une meilleure représentation de l'union nationale des associations familiales (UNAF) dans les caisses, de sécurité sociale et dans les organes dirigeants du secteur éducatif et de la formation professionnelle et par l'affirmation du rôle de coordination des unions départementales.

Rappelant, le déclin de la natalité, il a proposé de renforcer les objectifs démographiques de la politique familiale en recentrant les efforts sur les familles établies durablement en France.

Il a proposé, à ce, égard, de réserver le bénéfice des allocations familiales, à caractère démographique, d'une part, aux seules familles, françaises ou étrangères, dont les enfants on, la nationalité française d'autre part, s'agissant des familles étrangères, il a suggéré que seules celles don, le chef exerce une activité professionnelle bénéficient, des prestations sous la seule condition actuelle d'être établies depuis trois mots en France, en Proposant de porter ce délai à trois ans pour les autres.

Il a souligné qu'une telle proposition était conforme à la fois au préambule de la constitution, qui dispose que la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, et à nos obligations européennes, telles qu'elles résultent des arrêts Pinna de 1986 et 1989.

Il a alors proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale par le projet de loi de finances pour 1996.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que l'accroissement du chômage et, d'une manière plus générale, l'âge tardif auquel les jeunes commençaient aujourd'hui à travailler expliquaient en partie le déclin démographique. Elle a regretté que certaines prestations incitent les familles les plus défavorisées à la procréation. Elle a souligné l'importance qu'il y avait à mieux associer les collectivités locales à la mise en oeuvre des contrats enfance, en soulignant la volonté des caisses d'allocations familiales de renforcer l'encadrement de cette mise en oeuvre par la création de relais enfance.

Elle a regretté les effets fâcheux de la réforme récente de l'aide à la scolarité, désormais versée aux familles et non plus aux établissements.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a d'abord souligné que les représentants des collectivités locales n'avaient pas fait état auprès de lui des préoccupations des caisses d'allocations familiales. S'il a reconnu que certaines prestations pouvaient inciter à la maternité de femmes en difficulté, il a rappelé qu'en même temps l'obligation faite à une partie d'entre elles d'exercer une activité n'était pas propice au redressement démographique de la France.

Mme Annick Bocandé a souligné son attachement à une simplification des prestations familiales et à l'institution d'un véritable salaire parental, le rapporteur adhérant pleinement à ses propos.

M. Charles Metzinger a mis en exergue les convictions idéologiques qui le séparaient du rapporteur.

Il s'est notamment opposé aux discriminations proposées, qui pourraient s'exercer aux dépens de certaines familles étrangères. Il a indiqué que le divorce n'était pas toujours un accident mais pouvait aussi résulter d'un libre choix. Il a rappelé que la politique familiale ne se réduisait pas au seul service des prestations.

Il a regretté que la séparation des branches soit survenue au moment où la branche famille enregistrait de graves déficits.

Il a insisté sur la nécessité d'améliorer les équipements d'accueil de l'enfance.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a pris acte des divergences philosophiques ainsi observées par M. Charles Metzinger. Il a rappelé les efforts développés en matière d'équipement en faveur de l'enfance depuis plusieurs années.

Il a enfin précisé que la discrimination qu'il proposait s'appliquait seulement aux allocations à caractère démographique, à l'exclusion des Prestations familiales servies sous condition de ressources, à caractère social.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé au rapporteur de reprendre à son compte trois préoccupations :

- la nécessité de recentrer l'aide apportée aux familles sur le premier enfant ;

- alléger les normes qui bloquent actuellement le développement des contrats enfance ;

- privilégier le critère de l'activité professionnelle sur celui de la nationalité pour définir les conditions d'attribution des allocations familiales.

M. Jean Chérioux, rapporteur, a rappelé que le troisième enfant méritait d'être aidé au moins aussi bien que le premier..

Il a admis la nécessité d'assouplir les normes.

Il a voulu démontrer l'intérêt de la coexistence des critères d'activité et de nationalité pour l'attribution des allocations familiales.

M. Alain Vasselle a voulu réserver son avis définitif sur la fiscalisation des prestations familiales jusqu'à la présentation de la reforme fiscale qui la mettra en oeuvre.

Il s'est rallié aux propos du président en ce qui concerne les conditions d'attribution des allocations familiales. Il a rappelé son vif intérêt Pour l'allocation parentale de libre choix.

M. Bernard Seillier s'est rallié aux propositions de M. Jean-Pierre Fourcade en ce qui concerne le premier enfant. Il a rappelé que le mouvement familial ne pouvait être confondu avec les corporatismes de toutes sortes.

Il a enfin souhaité qu'une étude soit réalisée sur la capacité d'épargne des familles nombreuses.

M. Jacques Machet s'est déclaré hostile à la fiscalisation des allocations familiales.

M. Jean Madelain a considéré que le développement de la natalité dépendait avant tout du climat créé par l'action publique.

M. Georges Mazars a insisté également sur la nécessité de renforcer les aides au premier enfant.

M. Jean Chérioux, répondant aux orateurs, a notamment indiqué qu'il convenait en effet d'éviter tout corporatisme dans l'action associative en faveur des familles.

Il a repris à son compte les propos tenus sur l'allocation parentale de libre choix.

Il a enfin rappelé son attachement à la mise en oeuvre des contrats enfance.

La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale par le projet de loi de finances pour 1996.

Mesdames, Messieurs,

Cette année qui vient de s'écouler aura vu à la fois le cinquantenaire de la sécurité sociale et de l'organisation de la branche famille et celui de l'ordonnance du 3 mars 1945 qui confie à l'Union nationale des associations familiales (UNAF) la tâche de représenter les familles. Ces anniversaires interviennent dans un contexte particulièrement difficile pour les comptes sociaux. Votre rapporteur a le souci, comme le Gouvernement, de préserver le système de sécurité sociale auquel nos concitoyens sont légitimement attachés. C'est pourquoi il estime nécessaire de retourner aux principes fondateurs de celui-ci, notamment en matière de politique familiale.

Dans une première partie, votre rapporteur souhaite donc analyser très succinctement les circonstances de l'élaboration de la politique familiale qui, dès le départ, a eu un caractère incontestablement démographique en réaction à la faiblesse de la natalité française enregistrée dans l'Entre-Deux-Guerres.

Un demi-siècle plus tard, la situation est bien sûr tout à fait différente, du fait de facteurs externes, décolonisation, contraintes européennes, influence des médias, mais aussi par le fait des profondes mutations sociologiques, augmentation du taux d'activité des femmes, baisse de la nuptialité, hausse corrélative des divorces, du concubinage, de la solitude également et des naissances hors mariages. Avec la généralisation des prestations familiales, le lien avec la profession a complètement disparu. Avec les années 1970, sont apparues nombre de prestations sous condition de ressources, ce qui implique qu'aujourd'hui environ la moitié des prestations servies par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) le sont. Les prestations sont devenues également beaucoup plus complexes. Elles étaient 23 lorsque la loi relative à la famille a créé deux prestations supplémentaires, l'aide à l'adoption et l'aide à la scolarité, ancienne bourse des collèges.

-23 lorsque la loi relative à la famille a créé deux prestations supplémentaires, l'aide à l'adoption et Laide à la scolarité, ancienne bourse des collèges.

Les acteurs de la politique familiale se sont également diversifiés. L'Etat y prend un rôle croissant. Il reste bien sûr le législateur. La loi relative à la famille en témoigne. De même, un texte relatif à l'adoption devrait être prochainement soumis à la représentation parlementaire. C'est, bien sûr, vrai également dans le domaine fiscal avec le quotient familial. L'Etat accroît, de plus, son financement de la politique familiale par l'intermédiaire de la prise en charge des exonérations de cotisations familiales alors même que les crédits budgétaires, stricto sensu, consacrés à la politique familiale sont relativement faibles, 63.5 millions, et plutôt en régression.

Le principal acteur de la politique familiale reste donc la CNAF, à la fois seule et en partenariat avec les communes dans le cadre des contrats-enfance et des contrats de ville. Votre rapporteur fera, à cet égard, un bilan de la montée en charge de la loi relative à la famille qui est un véritable succès, qui aura coûté en 1995. 3.74 milliards à la branche famille et devrait peser 6,57 milliards dans les dépenses de celle-ci en 1996. Parallèlement, la branche famille doit supporter, à concurrence de 1,5 milliard, une partie de la majoration exceptionnelle de rentrée scolaire. C'est dire que son déséquilibre actuel est en grande partie tributaire des charges qu'on lui impose. Parallèlement, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère nécessaire de l'aide accrue aux familles ayant de grands enfants, qui ne pourra intervenir avant 1999 qu'en cas d'excédents de la branche famille.

Parmi les partenaires importants de la politique familiale, il faut souligner également le rôle important des départements qui, pour financer l'Aide sociale à l'enfance, ont déboursé 23.3 milliards en 1994.

Dans un second temps, votre rapporteur souhaite procéder à l'analyse des dispositions relatives à la famille dans le plan relatif à de la sécurité sociale présenté le 15 novembre 1995. S'il ne peut qu'approuver certaines d'entre elles, pour d'autres, en revanche, comme la fiscalisation des allocations familiales et la mise sous condition de ressources des allocations pour jeune enfant (APJE), il ne peut s'y avérer favorable. Enfin, votre rapporteur souhaite présenter ses propositions et suggestions pour retrouver les principes fondateurs de l'élaboration de la politique familiale, il y a cinquante ans avec, d'une part, la rénovation des statuts de l'UNAF et de l'autre, le recentrage des allocations familiales sur des objectifs démographiques nationaux.

C'est donc autour de ces deux points, évolution de la politique familiale depuis cinquante ans et dispositions du plan du 15 novembre 1995 et propositions de votre rapporteur, que celui-ci souhaite articuler son propos.

TITRE PREMIER L'ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE FAMILIALE DEPUIS CINQUANTE ANS.

La politique familiale s'est profondément modifiée depuis son instauration il y a cinquante ans, du fait d'éléments extérieurs mais aussi de profondes évolutions sociologiques.

A. LES PRINCIPES FONDATEURS DE LA POLITIQUE FAMILIALE

Certes, la politique familiale n'est pas née au sortir de la deuxième guerre mondiale. Elle a été initiée à partir d'initiatives patronales dès la fin du XlXème siècle (Léon Harmel en 1891 avec la «Caisse de famille», les établissements Klein de Vizille en 1884) et s'est développée, à partir de 1916, sous l'impulsion de l'ingénieur grenoblois Romaret, à partir de l'institution de caisses de compensation des charges de familles. Celles-ci se fédèrent en un comité central des allocations familiales en 1921. Ce mécanisme devient une obligation légale pour les employeurs par la loi du 11 mars 1932. Ceux-ci doivent désormais cotiser pour leurs salariés à une caisse d'allocations familiales.

Mais l'Etat n'entreprend une véritable politique familiale qu'avec le décret-loi du 12 novembre 1938 et le décret-loi du 29 juillet 1939 portant création du code de la famille. Le décret-loi du 12 novembre 1938 modifie, en fait, la nature des sommes accordées pour frais de famille, et comme telles incluses dans les négociations salariales. Elles deviennent véritablement des « allocations familiales » indépendantes du salaire mais la condition d'activité professionnelle subsiste. Elles sont fixées par référence à un salaire moyen mensuel départemental. De plus, le montant de l'allocation varie suivant le rang de l'enfant : 5 % du salaire de référence pour le premier enfant, 10 % pour le second, 15 % pour le troisième et chacun des enfants suivants.

Avec le code de la famille, compte tenu de la faiblesse démographique du pays où depuis plus de quatre ans les décès l'emportent sur les naissances face à la montée des périls (41,9 millions d'habitants face à 70 millions d'Allemands augmentés de 15 millions d'Autrichiens), cette politique prend un tour plus résolument nataliste. La progressivité des allocations est renforcée. L'allocation pour le premier enfant est supprimée et l'aide passe à 20 % pour le troisième enfant et les suivants afin d'inciter à la création de familles nombreuses. Enfin, grande originalité, afin d'encourager les jeunes mariés à avoir un enfant rapidement, elle institue une prime à la naissance de deux fois le salaire de référence si la naissance a lieu dans les deux premières années du mariage.

Toutefois, la politique familiale instituée dans l'immédiat après guerre est d'une autre ampleur puisqu'elle concerne de nombreux domaines de la politique familiale. Elle s'articule autour de cinq textes principaux : l'ordonnance du 4 octobre 1945 en ce qui concerne l'organisation des caisses d'allocations familiales, la loi du 20 mai 1946 qui instaure la règle, fugace, « des 225 fois » -le salaire moyen mensuel départemental des allocations familiales devait être fixé à 225 fois le salaire horaire minimum du manoeuvre de l'Industrie des métaux de la région parisienne-, la loi du 22 août 1946 fixant le régime des prestations familiales, sur laquelle votre rapporteur reviendra, la loi de finances pour 1946 (loi du 31 décembre 1945) instituant, dans son article 119 le quotient familial, et, enfin, la loi du 1er septembre 1948 instituant une allocation de logement. A ce dispositif fondateur et très complet qui a survécu, dans ses grandes lignes, jusqu'à maintenant, votre rapporteur souhaite ajouter l'ordonnance du 3 mars 1945 qui institue l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et ses relais départementaux les UDAF, et leur confère le monopole de la représentation légale des familles. Les cinquante ans de l'UNAF viennent, d'ailleurs, d'être célébrés.

Le contexte dans lequel ces textes ont été adoptés était tout à fait spécifique : la nécessité de reconstruire le pays et aussi l'idée particulièrement présente chez M. Adolphe Landry, rapporteur au fond du projet de loi qui allait devenir la loi du 22 août 1946 et qui avait fait partie du Haut comité de la population qui avait inspiré le code de la famille de 1939, de ne pas recommencer les mêmes erreurs sur le plan démographique.

Par ailleurs, la France possédait un empire colonial étendu. Fondées sur le lien professionnel, les prestations familiales étaient accordées aux travailleurs étrangers. Les nationalités de ces travailleurs immigrés en France étaient d'ailleurs très différentes d'aujourd'hui. Les 507.602 Italiens, 288.269 Espagnols et 269.269 Polonais présents en France en 1954, même s'il n'est pas question de nier les difficultés de ces populations, connaissaient relativement peu de problèmes d'intégration.

Parallèlement, les moyens d'information se résumaient à la presse écrite et à la radio. L'audiovisuel qui a désormais tant d'influence, notamment sur les très jeunes, n'en était qu'à ses premiers balbutiements.

Comme votre rapporteur l'a déjà mentionné, outre sur le lien qui existe entre la profession et l'accès aux prestations familiales, les principes fondateurs de la politique familiale reposent sur une conception démographique et la volonté de compenser les charges de familles pour les ménages qui font l'effort d'avoir de nombreux enfants et qui, de ce fait, ne Peuvent épargner. Ceci apparaît très clairement dans le préambule de la Constitution de 1946 1 , comme dans les interventions du Ministre du travail et de la sécurité sociale, et des différents rapporteurs du texte qui a donné lieu à la loi du 22 août 1946, à l'Assemblée nationale constituante.

Ainsi, M. Ambroise Croizat, ministre en charge du dossier, déclarait-il lors des débats du 6 août 1946, « C'est une vérité évidente qu'un plan de sécurité sociale ne peut être efficace sans un redressement de la natalité, sans un effort de tous les instants pour donner au pays une jeunesse vigoureuse et nombreuse ». Comme en écho, lui répondent M. Landry, dont on a déjà souligné le rôle éminent, qui est que le texte est « une contribution à ce relèvement démographique de la France que tous les Français quelque peu clairvoyants considèrent comme nécessaire » et que cette « cause est à la fois celle de la famille et de la France », M. Bouxom, rapporteur pour avis de la commission de la famille, de la population et de la santé publique, qui déclare que « le pays est en danger de mort par suite de la dénatalité et qu'il ne sera sauvé qu'en ayant de nombreux enfants forts et sains » et M. Ramette, rapporteur pour avis de la commission des finances et du contrôle budgétaire qui se félicite que « le Gouvernement, reconnaissant que seule la mise en oeuvre d'une vigoureuse politique de la natalité peut rendre à la France la jeunesse et les forces indispensables à sa prospérité et à sa grandeur » a proposé l'examen de ce texte qui a « pour premier et principal objet de réaliser un relèvement général et substantiel des principales prestations familiales ».

Le fondement de la politique familiale de la France qui, si longtemps, depuis la deuxième partie du XVIIIème siècle jusqu'à la deuxième guerre mondiale, a été peu nataliste, est clairement démographique. Et force est de constater que cette option a réussi puisque le baby boom s'est prolongé jusqu'en 1964, alors même que les autres pays européens s'avéraient moins dynamiques dans ce domaine.

B. LA SITUATION ACTUELLE RÉVÈLE DE PROFONDES ÉVOLUTIONS ET L'ACTION DE MULTIPLES ACTEURS

1. L'examen de la situation actuelle révèle de profondes évolutions

En effet, la politique familiale actuelle s'inscrit dans un contexte extrêmement modifié. On peut mentionner bien évidemment la décolonisation et l'évolution des populations immigrées en France, en terme de nationalité (cf. graphique ci-après). L'appartenance à la CEE a engendré des contraintes comme le versement par le pays d'emploi du travailleur des prestations familiales. La France a ainsi dû mettre en oeuvre les conséquences des deux arrêts Pinna de 1986 et 1989. même si certaines prestations sont explicitement exclues de ce dispositif comme les allocations de naissance ou les prestations affectées.

Parallèlement, les prestations familiales n'ont cessé de perdre de l'importance et du pouvoir d'achat par rapport aux revenus des familles. Selon l'UNAF. ramenées en francs constants, alors qu'elles équivalaient à 20.000 francs en moyenne par enfant en 1950. elles ne s'élèveraient, toujours par enfant, qu'à 8.000 francs en 1995. En effet, alors qu'au départ, la base de calcul était le salaire mensuel de référence correspondant à 225 heures de travail du manoeuvre de l'industrie des métaux dans le département de la Seine, dès juillet 1947. elle a été fixée forfaitairement par les pouvoirs publics. Cette base a. en fait, plus ou moins évolué comme les prix alors que les salaires connaissaient globalement des hausses plus importantes. Ainsi, en pourcentage des dépenses de sécurité sociale, comme dans le budget des familles, l'importance des prestations familiales a-t-elle décrû. Il faut rappeler que. au départ et jusqu'en 1952. une famille modeste de quatre enfants voyait ses ressources majorées de moitié grâce aux allocations familiales. ( ( * )2) Aussi, la France qui était tout à fait à la pointe, sur le plan européen, en matière de politique familiale au départ, a-t-elle été rejointe, voire dépassée par certains pays, sur le plan des prestations. Cependant, elle reste tout de même sur ce plan à un rang plus qu'honorable par rapport à ses principaux partenaires européens, comme en témoignent les tableaux ci-joints.

Facteurs explicatifs du montant total des prestations familiales

Source : Eurostat, Recettes et dépenses de protection sociale 1980-1991, Luxembourg 1993 ; statistiques démographiques, Luxembourg, 1992

Tableau comparatif des allocations familiales

( 1 ) Montant mensuel en ECUS

Tableau comparatif des allocations familiales (suite)

( 1 ) Montant mensuel en ECUS.

Parallèlement, par rapport à 1945, la société elle-même, et non pas seulement le contexte, a profondément changé : baisse de la natalité, du nombre des mariages, accroissement des familles monoparentales, du concubinage, des divorces, des familles recomposées, du nombre des jeunes adultes encore à la charge de leurs parents du fait du chômage ou de la poursuite des études. On doit aussi noter la progression du travail salarié des femmes, même si, depuis que l'on dispose de statistiques à peu près fiables, le taux d'activité des femmes n'a pas progressé d'une manière très importante, dans la mesure où, par rapport à d'autres pays, ( ( * )3) les femmes françaises, salariées ou non, ont toujours eu un fort taux d'emploi.

A cet égard, pour témoigner des évolutions sociologiques qu'il se contente de constater, votre rapporteur souhaite faire état de l'étude récente de l'INSEE sur le mariage et la vie en couple, réalisée par M. Christophe Lefranc, de la division des études sociales. Ainsi, si le mariage reste la forme de vie en couple la plus courante, l'union libre n'a cessé de se développer depuis vingt ans. Mais la baisse de la proportion d'hommes et de femmes vivant en couple s'est accentuée entre 1982 et 1990, ce qui inclinerait à penser que la solitude progresse notablement.

Globalement, le pourcentage des couples non mariés est passé de 3 % en 1954 à 13 % en 1990. De plus, en 1975, seulement 3 % des couples avec un enfant où l'homme avait moins de 40 ans, n'étaient pas mariés. Désormais, c'est le cas d'un quart d'entre eux en 1990, tout comme 10% des couples avec deux enfants. Le mariage n'est donc plus considéré comme un préalable à l'établissement d'une famille.

Du dernier rapport sur la situation démographique en France, votre rapporteur tire un certain nombre de constats. Ainsi, au 1 er janvier 1995, la population française métropolitaine a-t-elle dépassé 58 millions. Elle s'est donc accrue de 248.000 personnes l'an passé. Parallèlement, la baisse de la fécondité s'est enrayée, ce que votre rapporteur note avec intérêt, sans qu'il puisse en expliciter les raisons : effets de la loi famille ou palier atteint ? La fécondité atteint, en effet, 1,65 enfant par femme mais c'est la plus basse valeur de la fécondité française depuis 50 ans. De plus, il est vraisemblable que la descendance finale des générations nées dans les années 1960 s'abaissera au-dessous des deux enfants par femme. Le nombre des mariages, après avoir chuté en 1992 et davantage encore en 1993 s'est stabilisé en 1994. Or, ce niveau n'avait jamais été aussi faible depuis 50 ans.

Quant au divorce, sa fréquence après s'être à peu près stabilisée dans la seconde moitié des années 80, avec 31 divorces pour 100 mariages (soit 100.000 divorces par an) a recommencé de croître. Elle a dépassé 33 divorces pour 100 mariages en 1991 et, très vraisemblablement 34 en 1993, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant. Le nombre global des divorces devrait donc dépasser 110.000.

Votre rapporteur note, par ailleurs, avec satisfaction que la mortalité infantile en France recule à un rythme relativement rapide, passant à 6,1 décès pour 1.000 naissances en 1994, soit un quart de moins que dix ans plus tôt. Ceci est particulièrement remarquable dans la mesure où ce taux était déjà relativement bas. Il faut y voir notamment les effets du plan en faveur de la périnatalité du début de 1994.

2 ... et l'action de multiples acteurs

a) Le rôle de l'Etat : un rôle d'impulsion dans le domaine législatif et fiscal, plus que purement budgétaire

Les crédits d'Etat en faveur de la famille sont, en effet, stricto sensu, peu importants si on les met en regard avec les prestations servies par la Caisse nationale d'Allocations familiales et les autres organismes concernés, soit 261 milliards de francs en 1994 et même si l'on considère les sommes versées par les départements au titre de l'aide sociale à l'enfance, soit 23,3 milliards de francs pour cette même année.

Ces crédits s'élèvent à 62,354 millions de francs (cf. tableau ci-dessous) en 1996 contre 65,359 millions pour 1995, ce qui représente une baisse de 3,005 millions de francs et de 5,6 %. Ils sont ventilés en trois types de crédits. Il s'agit de ceux relatifs à l'Institut de l'Enfance et de la Famille, situés à l'article 20 du chapitre 36-21, qui connaissent une diminution de 275.000 francs, soit une baisse en pourcentage de 3,23 %, passant ainsi de 8,547 millions de francs en 1995 à 8,271 millions en 1996. Il est permis de s'interroger sur les raisons d'une telle diminution. Parallèlement, alors que les dépenses non déconcentrées de l'action sociale en faveur de la famille, situées a l'article 10 du chapitre 47-21, baissent significativement en pourcentage avec - 8,84 % et en montant, avec - 2,758 millions de francs, passant ainsi de 32,73 millions en 1995 à 29,971 millions en 1996, les dépenses déconcentrées sises à l'article 20 du même chapitre stagnent. Elles passent, en effet, de 24,082 millions de francs à 24,112 millions en l'espace d'un an, soit une hausse de 30.000 francs et de 0,12 %.

Evolution des crédits du ministère de la solidarité entre les générations en matière de famille.

A cela, on peut ajouter les crédits de subventions d'investissement situés au chapitre 66-20 qui étaient de 4 millions de francs en 1995 et qui devraient s'élever à 6 millions de francs, soit + 50 %.

A côté de ces crédits relativement faibles, l'Etat a une fonction d'impulsion incontestable notamment dans le domaine fiscal. L'an passé, la loi de finances initiale pour 1995 avait accru la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile à 45.000 francs. Toutefois, votre rapporteur n'a pu avoir d'indications sur la ventilation des ménages qui bénéficient de cette réduction et donc des familles avec de jeunes enfants qui utilisent ce dispositif.

L'Etat doit, par ailleurs, mettre en oeuvre une véritable neutralité fiscale vis-à-vis des différentes situations familiales, mariage ou concubinage. Dans le droit fil du rapport dit « Ducamin », l'Assemblée nationale, lors de l'examen du présent projet de loi de finances, a adopté un amendement du Gouvernement visant à assimiler aux couples mariés, au regard de l'impôt sur le revenu, les couples vivant en concubinage ayant un ou plusieurs enfants à charge. Cette disposition qui est devenue l'article 2 bis supprime la demi-part supplémentaire dont peuvent se prévaloir les deux membres d'un couple de concubins ayant un ou plusieurs enfants à charge mais elle la maintient pour les personnes qui peuvent prouver qu'elles assument seules la charge d'enfants. La Haute Assemblée a, d'ailleurs, adopté ensuite cette disposition.

A cet égard, dans la perspective d'une loi d'orientation fiscale prévue pour le mois de janvier, votre rapporteur souhaite que le Gouvernement veille au maintien de dispositions favorables à la famille et à la compensation des charges de celle-ci.

Parallèlement, l'Etat affirme son rôle prééminent dans la définition de la politique familiale par la part grandissante qu'il prend dans son financement grâce à la prise en charge progressive des exonérations de cotisations familiales prévues par les trois lois de 1993, le collectif de juillet, la loi relative à l'emploi et à la formation professionnelle du même mois, et la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993. Les dispositions que cette dernière prévoyait sont rappelées dans le tableau ci-après. Le but est qu'à terme la moitié des salariés soit concernée par cette disposition qui devrait coûter globalement 150 milliards.

Il faut, à cet égard, rappeler que l'Etat a apporté une double garantie au financement de la politique familiale par, d'une part, la loi relative à la sécurité sociale du 25 juillet 1994 qui dispose que « toute mesure d'exonération totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale par le budget de l'Etat pendant la durée de son application » et, d'autre part, par la loi relative à la famille également du 25 juillet 1994, dans son article 34, qui ne concerne que la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998 et qui charge la commission des comptes de la sécurité sociale de vérifier le maintien des ressources de la CNAF pendant cette période.

Rappel des exonérations de cotisations des allocations familiales sur les bas salaires telles qu'elles figuraient dans les lois précitées

Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat compensées au régime général (allocations familiales et ristourne dégressive)

(en milliards de francs)

La montée en charge des exonérations de cotisations d'allocations familiales a donc été forte, passant de 3,852 milliards pour six mois en 1993 à 16,089 milliards en 1995. Parallèlement, la loi du 4 août 1995 relative aux mesures d'urgence en faveur de l'emploi, institue une ristourne dégressive de 800 francs par mois au niveau du SMIC de 400 francs pour 1,1 fois le SMIC. Cette ristourne s'éteint lorsque le salarié touche 1,2 fois le SMIC. La montée en charge de ces deux types de dispositifs qui doivent fusionner à partir du 1 er juillet 1996 et jusqu'au 31 décembre 1997 ( ( * )4) devrait représenter, pour 1996, un montant total de 26,4 milliards de francs, ce qui est tout à fait considérable.

A cet égard, il faut préciser que certains aménagements ont été effectués au calendrier déterminé par la loi quinquennale. Ainsi, entre le 1 er janvier 1996 et le 30 juin 1996, les seuils des dispositifs sont maintenus à fois le SMIC pour la ristourne progressive et respectivement à 1,2 fois et fois le SMIC pour l'exonération totale et l'exonération partielle des cotisations d'allocations familiales Pendant la période de fusion des deux dispositions, le seuil unique d'exonération serait de 1,34 fois le SMIC.

Par ailleurs, outre son pouvoir fiscal et budgétaire, le législateur oriente la politique familiale par des textes à dominante de prestations (lois du 25 juillet relative à la famille) ou concernant le droit des personnes (examen prochain d'un texte relatif à l'adoption ( ( * )5) .

En ce qui concerne les prestations, même sans texte législatif, l'Etat a un fort rôle d'impulsion. En témoigne la majoration exceptionnelle de rentrée scolaire octroyée en 1993 et reconduite en 1994 et 1995 avec des modes de financement différents. Ainsi, l'an passé, la CNAF avait fait l'avance de fonds, mais l'Etat dans le collectif de décembre avait budgété l'ensemble de la mesure. En revanche, cette année, le coût de cette mesure a été réparti entre l'Etat pour 4,85 milliards de francs et la CNAF pour 1,5 milliard, ce qui ne peut que contribuer au déséquilibre de cette dernière. Toutefois, le collectif budgétaire présente une légère différence pour la contribution de l'Etat de 4,626 milliards seulement. Il est donc permis de s'interroger sur les raisons de cette différence de 224 millions de francs.

b) L'action nécessaire et primordiale de la CNAF

La branche famille est, comme on l'a vu, désormais financée pour une part non négligeable par les contributions de l'Etat, même si les cotisations constituent la part la plus importante du financement avec 67,1 % en 1995 et croissante avec 68,6 % en 1996. Les autres recettes sont la CSG avec un taux de 1,1 %, les transferts reçus, les recettes diverses et les « recettes DOM » ainsi que les produits financiers (cf. tableau ci-dessous).

Les recettes de la branche famille

Les prestations que la CNAF sert, avec les années, sont devenues de plus en plus complexes et nombreuses. 23 prestations existaient auxquelles la loi famille en a encore ajouté deux autres : l'allocation d'adoption qui. pour l'instant, avec un champ d'intervention relativement restreint -il y a 4.000 adoptions- n'a pas encore connu un grand développement ( ( * )6) et l'aide à la scolarité qui a remplacé la bourse des collèges servie par l'éducation, en nationale. Cette aide, d'un montant de 337 ou de 1.080 francs est attribuée, en fonction des ressources de la famille, pour chaque enfant de 11 à 16 ans, ce qui pose en particulier un problème pour les enfants en avance -de 11 ans- et en retard -plus de 16 ans-.

Pour l'année 1994, près de 66.000 familles pour 970.000 enfants en ont bénéficié. Cela a entraîné une dépense de 742 millions de francs , soit 664 millions de francs pour la métropole et 78 millions pour les DOM. Cette prestation s'est répartie entre 53 % pour le montant le moins élevé et 47 % pour le montant le plus élevé.

Pour la rentrée 1995, la dépense d'aide à la scolarité était estimée à 768 millions de francs dont 678 millions de francs au titre de la métropole et 90 millions de francs pour les DOM.

Cette nouvelle aide avait suscité nombre d'appréhension lors de sa création, notamment du fait de son versement en une fois -au lieu de trois, pour les bourses de collèges- au mois de septembre en même temps que l'allocation de rentrée scolaire, ce qui conduisait les familles modestes à utiliser cet argent rapidement et à se retrouver démunies pendant le reste de l'année, notamment pour régler les frais de cantine. Cet aspect a été souligné par M. Jean-Paul Probst, Président de la CNAF, qui a déclaré que nombre d'intendants des cantines transmettaient à la CAF concernée un certain nombre d'impayés.

Pour évaluer les problèmes rencontrés, Mme Simone Veil, Ministre d'Etat, Ministre des Affaires sociales, de la santé et de la ville, et M. François Bayrou, Ministre de l'Education nationale, ont confié, en janvier 1995, une mission d'expertise à deux parlementaires, M. Claude Huriet, sénateur, et M. Charles de Courson, député. Ceux-ci ont approuvé, dans l'ensemble, ce système qui concerne 30 % de la population des collèges. En effet, les frais de gestion des dossiers qui étaient de 250 francs par enfant ont été considérablement réduits et l'éducation nationale a pu supprimer 300 postes affectés à cette tâche. Toutefois, la modification des critères et des modalités d'attribution a toutefois créé de nouvelles disparités. Les deux rapporteurs ont considéré que 258.000 à 308.000 familles ont pu bénéficier du nouveau système alors que, jusqu'à présent, elles n'avaient pas droit à une bourse de l'éducation nationale. En revanche, entre 130.000 et 180.000 familles s'en sont trouvées exclues. En effet, les CAF ne prennent pas en compte la situation des collégiens de moins de 11 ans (6.500) ni celle des plus de 16 ans (56.600). Les familles monoparentales ainsi que les familles de plus de cinq enfants seraient également pénalisées par la différence d'appréciation du plafond de ressources. De plus, les CAF ignorent l'enfant unique. Certes, l'an passé, cela avait été compensé par une aide exceptionnelle, mais celle-ci ne devrait pas être reconduite.

Pour corriger cela, les rapporteurs ont suggéré de réintégrer les droits des familles exclues par le biais du renforcement du fonds social collégien dont ils ont souhaité l'extension au secteur privé. En même temps, ils ont suggéré que soit rétablie la dotation pour les élèves des sections technologiques et spécialisées. Pour compenser ce coût, ce rapport propose la suppression des « cumuls » de bourse, dont bénéficient les lycéens de moins de 16 ans et les élèves des établissements agricoles. Mais le problème du paiement des frais de cantine reste entier, même si les rapporteurs n'en préconisent pas moins une redéfinition de la politique d'aide sociale, notamment de la part des collectivités territoriales. Un tel rapport devrait donc être suivi d'effets. C'est en tout cas ce à quoi les ministères concernés travaillent, selon les informations recueillies par votre rapporteur.

Votre rapporteur pense que les dysfonctionnements évoqués doivent être corrigés. Toutefois, il tient à rappeler son souhait, année après année, de voir simplifier ce système des prestations que ne maîtrisent plus les allocataires et à peine, c'est notamment le cas en matière d'allocation de logement, ceux qui gèrent les prestations.

Les montants servis par la CNAF en prestations sont tout à fait considérables (cf. tableaux ci-dessous). Il faut noter aussi que les prestations familiales se répartissent encore à peu près équitablement entre sans condition de ressources et avec condition de ressources. Les prestations familiales ont connu en 1995 des évolutions contrastées. Les allocations familiales, du fait de l'évolution démographique défavorable -effectifs plus faibles, disparition des familles nombreuses- connaissent une évolution négative. C'est d'ailleurs le cas (cf. tableau ci-après) depuis plusieurs années. D'autres prestations comme les prestations spécifiques (allocation de soutien familial ou allocation de parent isolé) ou les prestations liées à la naissance comme l'allocation pour jeune enfant, connaissent également des évolutions négatives. En revanche, du fait de l'intervention de la loi famille, trois prestations liées à la petite enfance ont connu, en 1995, des taux d'accroissement considérables : l'allocation parentale d'éducation (+ 36,07 %), l'allocation de garde à domicile (70,44 %) et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et sa majoration (+ 33,01 %).

Prestations familiales financées par la branche famille et l'ensemble des organismes

Evolution en volume des prestations familiales versées par l'ensemble des régimes en métropole

(pourcentages d'évolution)

(1) hors majoration d'ARS versée à la rentrée scolaire 1993, 1994 et 1995

Les bénéficiaires des prestations au 31 décembre 1994

En ce qui concerne l'allocation parentale d'éducation (APE) que la loi du 25 juillet 1994 accorde dès le deuxième enfant, votre rapporteur souhaite faire plusieurs remarques. Tout d'abord, la CNAF a largement informé les bénéficiaires potentiels de cette disposition pour en faire un succès. Ainsi, plus de 450.000 prédemandes ont-elles été adressées aux familles de juin à décembre 1994. Près de 70 % des ouvertures de droit l'ont été suite à cette demande. Fin décembre 1994, le nombre de bénéficiaires de l'APE se répartissait entre 16.163 APE de rang 2 dont 9,1 % au titre du temps partiel et 141.411 APE de rang 3 et plus dont 0,4 % également pour un temps partiel. Ces bénéficiaires étaient à 98,40 % des femmes et vivaient en couple à 95,5 %. L'extension de l'APE dès le deuxième enfant a également entraîné un effet inattendu dans la mesure où l'APE de rang 3 a connu une nouvelle dynamique.

A la fin juillet 1995, en ce qui concerne le régime général, 140.151 familles de trois enfants et 58.767 familles de deux enfants bénéficiaient de l'allocation à taux plein et 14.343 familles de l'allocation à taux partiel. Par rapport aux prévisions, l'APE à taux plein a connu une montée en charge plus forte que prévu, tandis que pour l'APE à taux partiel, le constat est inverse Quant au nombre des bénéficiaires de deux APE à taux partiel, disposition introduite par le Sénat, il est encore faible.

L'AFEAMA a également connu une forte montée en charge, puisqu'à la fin du premier trimestre 1995, 290.831 familles en bénéficiaient, soit + 7 % en l'espace de trois mois. L'accroissement de sa majoration à compter du 1er janvier 1995, intervenu dans le cadre du décret du 2 février 1995, qui a été porté à 2.400 francs par trimestre contre 1.590 francs auparavant pour la garde d'un enfant de moins de trois ans et à 1.200 francs contre 954 francs antérieurement pour celle d'un enfant âgé de trois à six ans, a contribué très significativement à cette montée en charge.

En ce qui concerne l'AGED, même si le nombre des familles concernées reste relativement faible -25.590 et 25 dans les DOM-l'accroissement obtenu est considérable (+ 70,44 %) et devrait se poursuivre en 1996 (+ 10,75 %). Cette aide s'est, en effet, accrue avec un montant maximum désormais de 11.838 francs par trimestre pour un enfant de trois ans et étendue, à taux réduit, pour un enfant de trois à six ans (soit 5.919 francs par trimestre).

Sur ce point, la loi relative à la famille a été un succès incontestable. Toutefois, elle est encore incomplète dans la mesure où les dispositions relatives aux jeunes adultes, très attendues par les familles, sont conditionnées au moins jusqu'à la fin de 1998, à la création d'excédents pour la branche famille. A cet égard, il convient de noter que la loi relative à la famille a coûté à la CNAF 3,74 milliards de francs en 1995 et devrait avoisiner les 6,57 milliards en 1996.

Coût de la loi famille du 25 juillet 1994

(millions de francs)

Source : Direction de la sécurité sociale (DEEF)

( 1 ) A compter du 1er janvier 1996, la quote-part APE DOM est supprimée et remplacée par de nouvelles mesures

Le bilan du coût de la loi famille amène votre rapporteur à parler de la situation financière de la branche famille (cf. tableau ci-dessus). Celle-ci, alors que, pendant des années elle a été excédentaire -de 64 milliards en cumulés jusqu'en 1993- est déficitaire depuis 1994 alors même que des garanties de financement lui ont été offertes avec, notamment, la séparation des branches, le maintien de ses ressources au niveau qui aurait dû être atteint, si la législation avait été constante depuis le 1er janvier 1993 et la compensation par l'Etat des nouvelles exonérations de cotisations sociales.

Situation financière de la branche famille

La quatrième garantie, l'affirmation d'une stricte indexation sur les Prix de la base mensuelle des allocations familiales, apportée par la loi relative à la famille, est remise en cause, en 1996, par le plan du 15 novembre 1995. La loi d'habilitation devra donc comporter la modification de la loi relative à la famille sur ce point précis.

Cette situation financière, pour le moment problématique, résulte de facteurs qui vont en sens inverse : d'une part, la baisse démographique et l'indexation sur les prix qui sont générateurs soit d'un excédent, soit d'un contrôle de l'évolution des dépenses, qui sont structurels, et, d'autre part, des dispositions plus conjoncturelles comme la montée en charge de la loi famille, l'imputation à la branche famille d'une partie de la majoration exceptionnelle d'ARS, ou les rentrées plus difficiles de cotisations du fait de la situation économique.

La situation financière de la CNAF, compte tenu de ce qui vient d'être dit, ne semble donc pas aussi inquiétante que celle des autres branches et, en bonne partie, résulte de facteurs transitoires qui lui sont en particulier imputés par la puissance publique.

c) Les compétences très diversifiées des collectivités territoriales

En effet, l'action des départements s'articule autour de l'aide sociale à l'enfance (ASE) alors que les communes jouent un rôle très important en partenariat avec les CAF dans le domaine de l'accueil de la petite enfance.


• Pour les départements, l'aide sociale à l'enfance constitue le tiers des dépenses d'aide sociale.

En effet, en 1994, les dépenses d'aide sociale à l'enfance représentaient pour les départements, environ 23,3 milliards de francs soit un tiers de leurs dépenses d'aide sociale. La part relevant de l'hébergement était majoritaire avec 54,6 % tandis que les deux autres secteurs étaient à peu près à égalité : 22 % pour le placement familial et 24 % pour les autres dépenses qui consistent soit en action éducative en milieu ouvert soit en aides financières.

Il faut noter que, selon l'ODAS, sur les cinq dernières années, les dépenses d'aide sociale à l'enfance ont crû de près de 39 % passant de 16,8 milliards de francs en 1989 à 23,3 milliards en 1994 (Cf. tableau ci-dessous) et de 5 % en 1994 par rapport à 1993 ce qui n'est pas négligeable.

Dépenses d'aide sociale à l'enfance

en milliards de francs

(France Métropolitaine)

Source ODAS

Mais en pourcentage, l'ASE a baissé de 38 % à 34 % dans la structure de dépense nette d'aide sociale des départements entre 1989 et 1994.

Il faut rappeler, à cet égard, que la dépense d'ASE après avoir diminué entre 1984 et 1989, en francs constants, a fortement augmenté depuis 1989 malgré une baisse puis une stagnation des placements. Sur le plan des populations concernées, l'ASE se voyait confier, en 1991, 112.000 enfants ou adolescents. Parallèlement, elle assure un accompagnement de 400.000 enfants au sein de leur famille.

Structure de la dépense d'aide sociale à l'enfance en 1989 et 1994

en milliards de francs

(France métropolitaine)

Si la dépense d'ASE reste inégale selon les départements, de 700 à 1.600 francs par habitant de moins de vingt ans, la tendance est néanmoins au resserrement des écarts.

En ce qui concerne le placement, il diminue en établissement : 2.000 enfants en moins de 1992 à 1994, ce qui est plus que compensé par l'augmentation du placement en famille d'accueil (3.500 enfants en plus pendant la même période).

Ensuite, en ce qui concerne l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) bien que le nombre d'enfants concernés ait globalement augmenté entre 1989 et 1992, passant de 112.000 à 118.000, il est difficile d'identifier une tendance précise. En effet, ainsi que le mentionne l'ODAS dans sa lettre du 1er septembre 1995, un nombre croissant de départements réalise tout ou partie des AEMO en gestion directe et ne mesure pas cette activité. Seules peuvent être véritablement identifiées les mesures d'AEMO judiciaires gérées majoritairement par les associations. Or, le nombre de celles-ci n'a pas augmenté depuis 1992 : la tendance serait même plutôt à la baisse dans es départements peu et moyennement peuplés, tandis que les départements les plus peuplés seraient plutôt stables sur ce point.

Enfin il faut souligner le rôle des départements en matière de protection Maternelle et infantile, d'agrément des assistantes maternelles, d'autorisation en matière d'ouverture des structures (crèches parentales).


• L'action des communes et des structures intercommunales : le choix de la petite enfance et le partenariat étroit avec les CAF.

Les communes ont une grande responsabilité en matière de gestion des modes de garde collective de la petite enfance dans la mesure où les crèches collectives sont gérées dans 75 % des cas par une municipalité alors que pour les haltes-garderies, la proportion est moindre soit 44,6 %. Enfin, les crèches familiales sont regroupées dans une structure de gestion et d'animation presque toujours municipale.

Toutefois, l'action des communes, du fait du coût élevé de ces structures se fait en partenariat avec la CNAF et les CAF qui ont également pu être associées dans le cadre des contrats de ville.

Les contrats enfance sont le fruit de ce partenariat. Mis en place en 1988 en métropole et en 1991 dans les DOM et succédant aux contrats crèches, ils se traduisent par une prise en charge accrue de la CAF en contrepartie de l'engagement de la commune concernée de développer son effort en faveur de la petite enfance. Grâce à « l'enrichissement » de ces contrats prévu dans le cadre de la loi famille (+ 600 millions de la part de la CNAF en 1995, + 500 millions en 1996 pour arriver au bout des cinq ans a 3 milliards de francs), une nouvelle dynamique s'est instaurée -250 nouveaux contrats devraient être signés en 1995- qui s'est appuyée sur trois types de dispositions :

- tout d'abord, la majoration de 10 points du taux de financement par les CAF du taux de la prestation de service enfance (de 50 à 70 % des dépenses nouvelles des communes au lieu de 40 à 60 %). Le taux concernant les petites communes de moins de 5.000 habitants a également été majoré ;

- ensuite, l'extension du bénéfice du contrat enfance à l'ensemble des places nouvelles de centres de loisirs sans hébergement programmées, y compris pour l'accueil d'enfants de moins de six ans ;

- enfin, la subvention pour une période limitée à cinq ans, de l'investissement dans ce domaine, en fonction du type d'accueil et des places créées.

Par ailleurs, dans le cadre des contrats de ville, plusieurs mesures spécifiques ont été souscrites par les CAF comme l'extension du champ du contrat enfance à des actions d'amélioration de l'accueil des 2/3 ans à l'école maternelle et le financement de l'accompagnement scolaire pour les 6/11 ans.

Une enquête sur l'attitude des CAF face aux contrats de ville, élaborée par un groupe de travail mis en place par une commission consultative auprès de la CNAF a conclu à un degré d'implication différent selon les CAF. Sur les 101 caisses concernées par les contrats de ville, 84 ont répondu à cette enquête. Parmi ces dernières, 72 ont été sollicitées et associées à l'élaboration de 127 contrats de ville. 34 caisses ont collaboré étroitement avec l'instance politique chargée de la négociation et de la mise en oeuvre du contrat. Elles ont été majoritairement signataires dans ce cas qui est celui de 30 CAF. Les 38 autres ont simplement été associées à la maîtrise d'oeuvre technique du contrat de ville.

Par ailleurs, il n'est pas encore possible de dresser un premier bilan des schémas locaux de développement de l'accueil des jeunes enfants prévus par l'article 11 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, du fait de la nouveauté de la mesure et surtout de son caractère facultatif.

Globalement, le bilan que l'on peut dresser des contrats enfance est le suivant. En l'espace de 4 ans, ils sont passés de 670 à 1.600 (cf. tableau ci-dessous).

Il faut ajouter que 150 contrats intercommunaux regroupaient 800 communes.

Les 2.500 communes qui ont signé un contrat enfance regroupent 44 % des 4,5 millions d'enfants de moins de six ans recensés par l'INSEE et 60 % des enfants résidant dans les DOM. Si le contrat enfance bénéficie actuellement davantage aux villes moyennes et grandes (il couvre 80 % des communes de plus de 50.000 habitants), il n'en est pas moins un succès dans les petites communes rurales dont il faut, pour nombre d'entre elles, saluer l'effort méritoire.

Sur le plan quantitatif, ces 1.600 contrats ont représenté 4.000 places supplémentaires en accueil permanent et 124.000 en accueil temporaire -soit en haltes garderies, centres de loisirs sans hébergement, garderies périscolaires. 21.000 enfants pourront, de ce fait, être accueillis dans les bibliothèques, ludothèques, maisons ouvertes. Toutefois, les disparités départementales restent fortes.

Sur le plan qualitatif, ces contrats ont permis une amélioration de l'information des familles, de la coordination des services et de la concertation entre les différents partenaires. Cela a également permis d'encourager des expériences innovantes telles que les relais « assistantes maternelles », les ludothèques et les maisons ouvertes. Cela a également contribué à favoriser la prévention des exclusions et la socialisation des enfants.

Votre commission a certes constaté un certain nombre de progrès dans ce domaine mais également une très grande complexité dans les normes qui doivent être respectées en matière de création des structures à destination de la petite enfance. Sur la suggestion de M. Jean-Pierre Fourcade, son président, votre commission a donc souhaité la mise en place d'une commission de simplification des normes en matière de création de ce type de structure.

ETAT DES LIEUX EN MATIERE D'ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE

Source : bureau des statistiques sur I état de santé de la population et la prévention du ministère de la solidarité entre les générations

( 1 ) dont 8.300 places en crèches parentales. Il faut noter, d'ailleurs, que les petites structures (mini-crèches et crèches parentales) ont enregistré une croissance extrêmement rapide Elles représentent désormais 20 % de la capacité d'accueil des crèches collectives contre 5 % il y a six ans.

A cela, il faut ajouter 250.300 places chez les 209.300 assistantes maternelles agréées employées par des particuliers.

Cependant, selon la CNAF, seuls 21 % des 900.000 enfants de moins de trois ans ayant besoin d'un accueil permanent sont accueillis en crèches, tandis que 24 % le sont par des assistantes maternelles et 17 % sont gardés à domicile.

Toutefois la situation s'est grandement améliorée depuis 30 ans puisqu'il y avait en 1994, 5,6 places pour 100 enfants nés entre 1990 et 1992, contre moins d'une place en 1964. Parallèlement, de fortes disparités locales subsistent même si elles ont plutôt tendance à diminuer. L'Ile-de-France qui possédait plus de la moitié de l'offre n'en totalise plus que 41 %. Mais Paris est, de loin, le département le mieux pourvu avec 21 places pour 100 enfants de moins de trois ans.

Source : CNAF

Dépenses d'action sociale des CAF en faveur des équipements sociaux destinés à la petite enfance

en millions de francs)

Les équipements destinés à la garde des jeunes enfants tiennent une place très importante dans les dépenses d'action sociale des caisses puisqu'ils en totalisent 29 %. La progression des dépenses effectuées dans le cadre de « l'enrichissement » des contrats enfance prévu par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille est tout à fait considérable (+ 44 %). Elle devait s'accroître encore en 1995 avec 600 millions et s'élever à 500 millions pour 1996.

TITRE II LE PLAN GOUVERNEMENTAL ET LES PISTES SUGGÉRÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR

A. LE PLAN GOUVERNEMENTAL : DES MESURES «D'EFFET IMMÉDIAT» ET DES MESURES STRUCTURELLES POUR RÉDUIRE UN DÉFICIT LARGEMENT DÛ À LA CONJONCTURE

1. Des mesures « d'effet immédiat »

En effet, il faut rappeler que, de la moitié des années soixante jusqu'en 1993, la branche famille a accumulé un excédent de 64 milliards de francs qui lui a été indûment confisqué pour renflouer les branches déficitaires, maladie et vieillesse, en l'absence d'une véritable séparation des branches. Le paradoxe a voulu que l'on offre des garanties sur ce point à la branche famille grâce à la loi relative à la sécurité sociale et à la loi relative à la famille, toutes deux du 25 juillet 1994, au moment où la situation de la branche famille commençait de se dégrader du fait de l'influence de multiples causes : difficultés économiques qui minorent les rentrées de cotisation, baisse du taux de cotisation, imputation de charges (majoration d'allocation de rentrée scolaire), création de nouvelles prestations. Cette année 1995 encore, la CNAF a subi les conséquences de la montée en charge de la loi relative à la famille pour 3,6 milliards de francs. De plus, elle doit prendre en charge une partie, soit 1,5 milliard de francs, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée par le Gouvernement. Le déficit serait bien entendu beaucoup plus important, il sera de 13,271 milliards en 1995, si n'étaient à l'oeuvre deux mécanismes de modération des montants servis, à savoir l'indexation sur les prix et le déclin démographique.

Ces mesures d'effet immédiat sont nombreuses et obéissent avant tout à des considérations financières même si ce n'est pas leur unique but. Ainsi, en 1996, et en 1996 seulement, les prestations familiales ne seront pas revalorisées sur les prix, comme l'avait très clairement prévu la loi relative à la famille précitée. Cette garantie de revalorisation fonctionnant pour cinq ans, le Gouvernement devra inclure les dispositions nécessaires à cette stabilisation de la BMAF dans le projet de loi d'habilitation. Cette mesure devrait permettre à la CNAF d'économiser 2,6 milliards de francs en 1996 et 2,8 milliards en 1997. Ensuite, ce sera l'intégralité de l'allocation pour le jeune enfant (APJE), c'est-à-dire à partir du quatrième mois de grossesse, qui sera mise sous condition de ressources. Actuellement, ce n'est qu'à partir du quatrième mois de l'enfant, que cette prestation est servie sous condition de ressources. Votre rapporteur ne peut s'empêcher de déplorer cette initiative qu'il trouve fâcheuse, en ce sens qu'elle fait perdre à l'APJE tout l'aspect prime à la naissance. L'application de cette disposition pose un autre problème : en faisant de cette prestation une prestation sociale, elle risque de la réintroduire dans les prestations exportables au plan européen, alors qu'actuellement l'APJE est considérée comme une allocation de naissance et, à ce titre, est exclue du versement à l'extérieur du territoire français. Applicable aux personnes dont le droit à l'APJE sera ouvert à compter du 1 er janvier 1996, elle devrait permettre d'économiser 0,6 milliard de francs en 1996 et 1,2 milliard de francs en 1997.

A côté de cette disposition à laquelle votre rapporteur ne peut être favorable, d'autres dispositions apparaissent de bon sens ou d'équité comme la rationalisation des aides au logement. En effet, ces allocations sont actuellement calculées sans que l'on tienne compte de l'ensemble des revenus de remplacement, c'est notamment le cas pour les indemnités en cas de maternité, les rentes d'accidents du travail et pour certains abattements liés à des exonérations fiscales. Ainsi, à niveau de revenu identique, selon le type de ressources, les personnes concernées pouvaient avoir une allocation de logement ou pas. C'était incontestablement une source d'inéquité. Les revenus précités seront donc réintégrés dans la base de calcul des allocations de logement à compter du 1 er juillet 1996. Il faut noter, toutefois, qu'une autre mesure entrera parallèlement en vigueur : la réévaluation de la participation minimale à l'effort de logement demandée aux familles. La conjonction de ces deux mesures devrait permettre une économie de 1,2 milliard de francs en 1996 et autant en 1997.

En cohérence avec le premier point, il devrait être également tenu compte de l'intégralité des revenus de remplacement, y compris les indemnités versées en cas de maternité et les rentes d'accidents du travail pour l'attribution des prestations sous condition de ressources.

Par ailleurs, le mode de revalorisation des prestations sous condition de ressources sera aligné sur la base mensuelle des allocations familiales.

Enfin, et ceci peut s'avérer contestable dans la mesure où cette durée est considérablement raccourcie, le délai de prescription pour l'attribution des prestations familiales sera harmonisé à la baisse puisqu'il sera désormais de six mois. L'ensemble de ces trois dispositions devrait permettre d'économiser 600 millions en 1996 et 1,1 milliard en 1997 pour la branche famille.

Enfin la dernière de ces mesures à effet immédiat consiste à procéder à l'harmonisation des modalités de gestion des prestations familiales pour tous, y compris pour l'Etat et certaines entreprises publiques comme EDF, la SNCF la RATP France Telecom, et la Poste qui assument encore la gestion des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale de leur personnel. Dans cette optique, le taux de cotisation de l'Etat et des entreprises publiques précitées sera aligné sur les taux applicables aux entreprises Cette disposition, qui devrait permettre d'économiser globalement 700 millions en 1996 et 1,7 milliard en 1997, est d'effet réellement immédiat pour les entreprises publiques (1 er janvier 1996) et applicable seulement en 1997 pour l'Etat. L'ensemble de ces dispositions auxquelles s'ajoute la fiscalisation des allocations familiales devrait permettre dès 1997 le retour à un excédent de 6,5 milliards alors qu'en 1996 le déficit sera sensiblement réduit.

Ceci montre, à l'évidence que les problèmes financiers de la branche famille ne sont pas structurels, mais conjoncturels. On peut alors s interroger sur l'opportunité de prendre dans ce domaine de dispositions structurelles.

Dispositions financières à l'égard de la branche famille y compris la fiscalisation des allocations familiales

Economies prévues

Source : Dossier de presse du plan de réforme de la protection sociale

2. Les mesures structurelles

Dans le plan du 15 novembre 1995, votre rapporteur peut distinguer deux mesures structurelles. Tout d'abord, la branche famille verra son financement conforté par l'élargissement de la base de la contribution sociale généralisée (CSG) qui lui est affectée (soit 1,1 % de CSG). Une telle annonce ne peut être accueillie que positivement dans la mesure où, dans les années passées, la branche famille avait vu le fondement de ses ressources réduit (baisse du taux des cotisations).

Ensuite, sera mise en oeuvre, à partir de 1997, la fiscalisation des allocations familiales, attribuées à toutes les familles de deux enfants ou plus sans condition de ressources et qui ont une visée démographique. Une telle mesure ne peut être approuvée par votre rapporteur. Il y voit une confirmation de la tendance qui a émergé à partir des années 70 de transformer la politique familiale en une politique sociale, idée à laquelle se sont toujours opposés les mouvements familiaux.

Cette disposition devrait avoir pour conséquence d'assujettir à l'impôt sur le revenu environ 250.000 familles de plus, qui perdraient, de ce fait même, un certain nombre d'avantages liés à la non-imposition. Il faut, toutefois, préciser que le produit de cette imposition sera pour moitié consacré à des aménagements du barème au profit des familles modestes et des familles nombreuses, ce qui conduira à lisser l'effet de cette fiscalisation, et pour moitié, reversé à la CNAF pour contribuer au rééquilibrage de la branche famille. Sur le plan de la politique familiale, cela conduit à une opération blanche. Votre rapporteur se demande donc si une telle réforme est bien nécessaire et bien opportune.

Votre rapporteur tient à souligner qu'il comprend le souci du Gouvernement de mieux gérer et de rendre plus équitable le système de protection sociale. Mais il pense que la meilleure solution, en matière de politique familiale, serait de procéder à une refonte des prestations. Elles sont, en effet, trop nombreuses et ont perdu de leur lisibilité. De plus, certaines devraient être réexaminées dans leurs conditions d'attribution comme l'Allocation de Parent isolé dont le contrôle est difficile à effectuer et dont le coût annuel est tout de même de 5 milliards.

Par ailleurs, votre commission, sur la suggestion de son président, M. Jean-Pierre Fourcade, s'est demandé si une aide dès le premier enfant ne serait pas opportune et s'il ne fallait pas non plus également mettre l'accent sur le troisième enfant afin de favoriser les familles nombreuses. Votre rapporteur s'est déclaré en accord avec les deux points, à condition toutefois, pour l'aide au premier enfant, que celle-ci soit assortie de conditions d'âge.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR : RETROUVER LES PRINCIPES FONDATEURS DE LA POLITIQUE FAMILIALE, UN DEMI-SIÈCLE PLUS TARD

Ces propositions s'articulent donc autour de deux thèmes : réorganiser les structures du mouvement familial pour tenir compte des évolutions de la société, notamment dans le domaine audiovisuel, et recentrer la politique familiale sur ses buts initiaux.

1. Réorganiser les structures du mouvement familial et en renforcer le rôle

A cet égard, l'organisation de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) créée il y a cinquante ans, même si la loi du 11 juillet 1975 a apporté quelques modifications à ce statut, doit être revue pour tenir compte des mutations de la société.

En effet, l'UNAF et les unions départementales des associations familiales ont un rôle limitativement défini et en même temps peu précis, mentionné à l'article 3 du code de la famille et de l'aide sociale. Elles sont, en effet, habilitées à « donner leur avis aux pouvoirs publics sur les questions d'ordre familial et leur proposer les mesures qui paraissent conformes aux intérêts matériels et moraux des familles », et à représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l'ensemble des familles et, notamment, désigner ou proposer « les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l'Etat, le département ou la commune ». Elles peuvent également gérer tout service d'intérêt familial dont les pouvoirs publics estiment devoir leur confier la charge. C'est le cas de la tutelle aux prestations. Enfin, elles peuvent exercer devant toutes les juridictions, l'action civile « relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles, y compris pour les infractions prévues par l'article 227-24 du code pénal ».

A cet égard, votre rapporteur souhaite rénover, préciser et adapter la législation concernant le mouvement familial. En effet, le mouvement familial se retrouve relativement démuni sur le plan juridique, face aux dérives, maintes fois dénoncées, constatées dans le domaine audiovisuel. Ainsi, le développement des médias n'a pas été pris en compte par la loi du 11 juillet 1975 qui a modifié le statut de l'UNAF.

Il semble, donc, primordial à votre rapporteur, en cette année où nous fêtons le cinquantenaire de l'UNAF de permettre à celle-ci, dans le cadre ou non de la loi de septembre 1986 relative à la liberté de communication, d'être davantage, en amont, impliquée dans le choix de la programmation, par le biais de sa participation aux comités de programmes, et de pouvoir, en aval, véritablement ester en justice, lorsque la famille et l'idée même de famille, sont tournées systématiquement en dérision. A cet égard, votre rapporteur souhaite rappeler qu'il n'existe pas un modèle familial mais il n'en reste pas moins que la cellule de base de la famille est composée d'un père, d'une mère et d'un ou plusieurs enfants. Les autres cas de figure résultent, en fait, des accidents de la vie (monoparentalité, divorces, etc.). C'est pourquoi, ils doivent être aidés. C'est, d'ailleurs, le sens de l'intervention du président de l'UNAF, M. Roger Burnel, lors du cinquantenaire de cette organisation.

Outre l'audiovisuel, d'autres secteurs devraient ainsi être concernés par l'action de l'UNAF. Ainsi, celle-ci devrait être représentée au sein des différents organismes directeurs et conseils d'administration en matière d'éducation et de formation professionnelle.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a accru, dans les caisses d'allocations familiales, qu'il s'agisse de la métropole ou des DOM, la représentation de l'UNAF au conseil d'administration. Il y aura désormais cinq membres au lieu de trois. Mais encore faut-il qu'il y ait renouvellement de ces conseils d'administration ! A cet égard, le plan du 15 novembre 1995 paraît porteur d'espoirs. Toutefois, votre rapporteur se demande si la représentation instituée par la loi du 25 juillet 1994 -5 sur 30- -soit 1/6- est véritablement suffisante et s'il ne conviendrait pas de l'accroître.

De même, votre rapporteur souhaite que soit accrue la représentation de l'UNAF au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. En effet, actuellement, sur les vingt-cinq membres qui le composent, le conseil d'administration de la CNAVTS ne compte qu'un membre représentant les associations familiales, ce qui apparaît insuffisant à votre rapporteur compte tenu de l'importance de la famille et des aidants familiaux dans la politique à mener en faveur des personnes âgées. Il lui apparaîtrait également opportun d'envisager une représentation accrue de l'UNAF à la CNAMTS où elle n'a actuellement qu'une voix consultative.

Parallèlement, votre rapporteur propose, concernant l'UNAF elle-même, un certain nombre de pistes comme un accroissement de la représentation des veuves au sein de son conseil d'administration comme au sein de celui des UDAF. Votre rapporteur souhaite également que l'on donne les moyens juridiques et financiers aux différentes composantes de l'UNAF pour agir lorsqu'il est porté atteinte à leur propre conception de la famille dans les médias, notamment. En effet, l'UNAF, du fait de son caractère fédéral, est amenée à une certaine prudence.

Concernant les UDAF, votre rapporteur souhaiterait, au contraire, leur accorder plus de pouvoirs afin d'éviter un certain nombre de dérives. Il n'est, en effet, pas normal que, au niveau départemental, certaines subventions destinées aux familles ne transitent pas par elles. Ce serait un gage d'objectivité de permettre aux UDAF de répartir ces subventions.

Il faut rappeler, en effet, que, selon les informations fournies par le ministère à votre rapporteur, les subventions accordées aux associations familiales sont de trois types :

- les subventions aux associations ou fédérations familiales nationales,

- la participation forfaitaire aux activités des établissements d'information, de consultation et de conseil conjugal et familial ;

- les subventions distribuées directement par l'UNAF aux mouvements familiaux adhérents.

Ces dernières subventions sont financées sur le fonds spécial de l'UNAF qui provient du prélèvement qui est effectué sur les ressources des différents régimes de prestations familiales.

A partir du 1 er janvier 1994, les crédits accordés aux associations ont fait l'objet d'une nouvelle nomenclature. Il y a donc, au chapitre 47-21, programmes d'action sociale de l'Etat, deux articles budgétaires qui les concernent. Tout d'abord, il y a l'article 20 intitulé « action sociale en faveur de la famille, de l'enfance et des jeunes, actions nationales » dont les crédits relatifs à la famille représentent 7,75 millions de francs. Quand à l'article 70, relatif au développement social et à la prévention de l'exclusion, en ce qui concerne les actions sociales en faveur des familles, de l'enfance et des jeunes, on peut le ventiler en deux parties inégales : d'une part, 1.000.259 francs versés aux établissements, et, d'autre part, 2.117.175 francs versés aux associations de médiation.

En 1994, globalement les subventions en faveur des associations représentaient donc 19.867.434 francs.

En 1995, les crédits déconcentrés de l'article 70 étant globalisés, il n'est pas encore possible de les ventiler. En ce qui concerne l'article 20, les crédits qui lui sont rattachés ont représenté 8 millions de francs. Par ailleurs, 10 millions de francs ont été inscrits en réserve parlementaire pour le financement d'actions de conseil familial prioritairement destinées aux jeunes.

A cet égard, il faut noter la parution de la circulaire n° 95-13 du 28 avril 1995 relative au développement de l'activité des établissements de formation et de conseil familial, en particulier en direction des jeunes.

2. Retrouver les buts et l'élan initial de la politique familiale

Ainsi qu'on l'a vu dans la première partie, la politique familiale mise en oeuvre en 1945 était très clairement à visée démographique. Il n'est que citer l'un des rapporteurs de la loi du 22 août 1946 à l'Assemblée nationale constituante, M. Ramette, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui déclare que le « Gouvernement reconnaît que seule la mise en oeuvre d'une vigoureuse politique de la natalité peut rendre à la France la jeunesse et les forces indispensables à sa prospérité et à sa grandeur ».

Encore marqués par le déclin démographique de la France dans l'Entre-Deux Guerres, où l'on a vu certaines années les décès excéder les naissances, les parlementaires ont souhaité donner une impulsion décisive à la natalité française, sous la houlette de M. Adolphe Landry, rapporteur au fond qui avait été dans les années trente l'un des premiers à déplorer la situation démographique. La politique familiale, fondée à cette époque à partir du lien professionnel, a pour objet de développer la nation française « en danger de mort par suite de la dénatalité ( ( * )6) »

Or aujourd'hui que se passe-t-il ? La situation démographique n'est pas plus brillante puisque la fécondité atteint, en 1994, 1,65 enfant par femme, soit précisément son niveau le plus faible depuis cinquante ans.

Ces objectifs démographiques doivent être à nouveau mis au premier rang des priorités de notre politique familiale. Les allocations familiales proprement dites doivent donc être prioritairement consacrées à ces objectifs. On peut, à cet égard, s'interroger sur les critères d'attribution de ces seules prestations. Votre rapporteur rappelle, en effet, que la loi de 1975 qui a généralisé les prestations familiales a institué un simple critère de résidence de trois mois pour leur attribution.

S'agissant des parents de nationalité étrangère, on arrive donc à la situation paradoxale suivante : les pays d'origine connaissent souvent une démographie bien trop dynamique pour leur niveau de ressources et qu'ils ne peuvent contrôler. Leurs nationaux sont donc attirés sur notre sol par l'octroi de prestations familiales destinées au départ à favoriser la natalité française. Votre rapporteur estime que, dans ce domaine, il serait plus pertinent d'aider par la coopération ces pays et de ne pas favoriser leur démographie, qui joue à l'encontre de leur développement.

C'est pourquoi il serait sans doute opportun d'opérer une distinction dans l'attribution des prestations familiales entre les prestations à caractère social, qui représentent plus de 50 % de l'ensemble, et qui continueraient d'être attribuées à toutes les familles, françaises ou étrangères, sous réserve de remplir des conditions de ressources ( ( * )7) et les allocations familiales, à caractère démographique. Celles-ci ne seraient attribuées qu'aux familles françaises et aux familles étrangères en fonction de leurs enfants ayant la nationalité française.

Dans la mesure où les allocations familiales seraient réservées aux enfants français, celles-ci seraient ouvertes, outre aux enfants de deux parents français ou d'un seul, aux enfants devenus français au titre de l'article 19-1 du code civil, c'est-à-dire ceux nés en France de parents apatrides et ceux nés en France de parents étrangers et à qui n'est pas attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents.

Ce dernier cas est, certes, limité à quelques centaines de personnes par an et concerne deux catégories de pays : ce sont, tout d'abord, les pays d'Amérique latine, telle la Colombie, qui ne prévoient pas forcément l'attribution de plein droit de la nationalité des parents aux enfants nés à l'étranger. Ensuite, nombre de pays à dominante musulmane ou musulmans qui ne reconnaissent pas la filiation des enfants naturels ou les mariages civils.

De même, les adolescents ou les jeunes adultes devenus français en vertu de l'article 21-7 du code civil pourraient également prétendre à ces allocations majorées en raison de leur âge. Il faut préciser que l'article précité recouvre le cas de l'étranger né en France de parents étrangers, qui a manifesté la volonté de devenir français, entre 16 et 21 ans, et qui justifie d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui l'ont précédée.

On peut, également, s'interroger sur la mise en oeuvre d'une certaine harmonisation entre la durée de séjour requise pour l'attribution des prestations familiales -qui est de trois mois actuellement- et celle requise pour le RMI -qui est de trois ans de résidence ininterrompue. Votre rapporteur tient à rappeler cette dernière disposition a été instituée en 1988 par le gouvernement de M. Michel Rocard. Il pourrait être envisagé pour ceux qui exercent une activité professionnelle de maintenir le système actuel mais de demander une durée de séjour égale à celle requise pour le RMI à ceux qui n'en exercent pas. Les dispositions actuelles engendrent un effet attractif que l'on ne peut nier qui se conjugue avec un problème éthique et juridique : la polygamie ( ( * )8) . Le regroupement familial qui, sur le plan humain, se justifie parfaitement est certainement à la base de ces problèmes.

Certains pourraient s'interroger sur le caractère constitutionnel de ces mesures. Toutefois, il faut remarquer que le préambule de la Constitution de 1946 dispose que la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Sur le plan de la réglementation européenne, les arrêts Pinna de 1986 et 1989 confortent cette position.

Votre rapporteur estime ainsi que c'est en retrouvant une assise véritablement démographique que la politique familiale regagnera sa cohérence et que l'on pourra mettre en oeuvre, à terme, une véritable allocation parentale de libre choix qui permettra vraiment à chaque famille d'avoir le nombre d'enfants qu'elle désire. C'est, en effet, une allocation extrêmement attendue et qui pourrait avoir des effets tout à fait bénéfiques.

Compte tenu de tous ces éléments et de la nécessité de préserver le système de notre protection sociale, en espérant que cela permettra de mettre en oeuvre, à terme, tant l'allocation parentale de libre choix que des mesures prévues par la loi relative à la famille à destination des jeunes adultes, et en souhaitant que les dispositions favorables aux familles ne seront pas remises en cause par la future loi d'orientation fiscale et, qu'au contraire, la neutralité de l'impôt vis-à-vis des différentes situations familiales sera accrue, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale.

ANNEXE : Auditions menées par votre rapporteur

- Mme Henriette Fabre, présidente de la Fédération des Associations de veuves civiles chefs de famille (FAVEC) ;

- M. Roger Burnel et M. François Mahieux, respectivement, président et directeur général de l'Union Nationale des Associations familiales (UNAF) ;

- M. Pierre-Patrick Kaltenbach, président des associations familiales protestantes, Mme Dominique Marcilhacy de la Fédération des Familles de France, M. François di Pace, administrateur à la Confédération nationale des associations familiales catholiques et M. Gilles Montier, directeur des Familles rurales ;

- M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales.

* (2) Les prestations constituaient ainsi respectivement en % des dépenses de sécurité sociale. 40 % en 1950, 28.8 %, en 1960, 17,9 % en 1970 et 147 % en 1980 (Source : Commissariat Général au Plan : juin 1985 - la politique familiale en France depuis 1945)

Source Antoine Prost : Petite histoire de France au XX eme siècle.

* (3) Comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne

* (4) Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sonate

* (5) Elaboré à partir des propositions de M. Jean-François i, qui fut parlementaire en mission sur cette question.

* (6) Au mois d'août, il n'y en avait encore que douze.

* (6) cf. débats de l'Assemblée nationale Constituante, séance du 6 août 1946 p. 2986 : citation de M. Bouxom, rapporteur pour avis de la commission de la famille, de la population et de la santé publique.

* (7) Selon les dernières statistiques qu'il faut prendre avec beaucoup de précaution et qui datent de 1993, le taux brut de natalité pour 1.000 était, respectivement, de 46,8 au Burkina Faso, de 48,5 aux Comores, de 49,8 en Côte d'Ivoire, de 50,6 en Guinée et de 50,7 au Mali

* (8) On dénombrerait actuellement 8.000 familles polygames, soit environ 90.000 personnes

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