N° 78
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VII ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
Par M. Jean-Louis CARRÈRE, Sénateur.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 et 77 (annexe n° 16) (1995-1996).
Lois de finances.
(1) Cette commission est composée de MM Adrien Gouteyron , président; Pierre Laffitte,Albert Vecten, Jean Delaneau, Jean-Louis Carrère, vice-présidents; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Ivan Renar, secrétaires ; François Autain, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, James Bordas, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Philippe Darniche, Marcel Daunay, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Jean-Paul Hugot, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Matthieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio,MichelPelchat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Mme Danièle Pourtaud. MM.Roger Quilliot,Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Videl, Henri Weber.
Depuis plusieurs années, votre commission procède à un examen séparé des crédits affectés à l'enseignement technologique et professionnel, en dépit de la difficulté d'isoler ces crédits du budget général de l'éducation nationale.
Comme le soulignait à bon droit son précédent rapporteur pour avis, M. Gérard Delfau, cette présentation peut apparaître comme le reflet d'une crise d'identité d'un secteur du système éducatif pourtant essentiel pour la formation et l'insertion des jeunes, notamment les plus défavorisés.
A cet égard, le nouveau rapporteur de votre commission ne peut que regretter que l'organisation du ministère ne se soit pas traduite par la création d'un secrétariat d'État à l'enseignement technologique et professionnel, comme cela avait été le cas dans le passé, à une époque où ce secteur avait bénéficié d'un traitement privilégié et de moyens de programmation non négligeables. Enfin, l'intitulé du ministère, à la suite de la formation du nouveau Gouvernement intervenue le 7 novembre dernier, ne mentionne plus l'insertion professionnelle.
On peut donc s'attendre à ce que le ministre consacre lui-même désormais une part importante de ses activités à l'insertion professionnelle et donc, en amont, aux problèmes de l'enseignement technique et professionnel.
Cet intérêt sera d'autant plus nécessaire que l'organisation de la filière technologique supérieure est appelée à être réexaminée dans le cadre de la commission dite « Fauroux » et de la réflexion générale annoncée sur l'avenir de l'enseignement supérieur, dans la perspective notamment d'une articulation plus satisfaisante et d'un cursus continu entre les seconds cycles technologiques et professionnels du secondaire, d'une part, et les premier et second cycles technologiques universitaires, d'autre part.
Si l'évolution récente des effectifs d'élèves de l'enseignement technologique et professionnel révèle une moindre désaffection à l'égard de ces filières, les choix effectués résultent encore trop souvent d'une « orientation par défaut » du fait de leur image qui reste négative pour les familles, les élèves et aussi les chefs d'entreprise.
Les efforts engagés en faveur d'une revalorisation de ces filières devront donc être poursuivis.
Sous réserve de ces observations préliminaires, après avoir examiné l'évolution des moyens consacrés à l'enseignement technologique et professionnel, au regard notamment de l'évolution des effectifs, il conviendra de rappeler les principales orientations de la politique menée en faveur de cet enseignement avant de formuler quelques observations et propositions.
I. L'ÉVOLUTION DES MOYENS ET DES EFFECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL
Alors que les effectifs du second cycle technologique et professionnel amorcent un nouveau mouvement de croissance, les crédits prévus pour 1996 connaîtront une progression modérée.
A. UNE RELATIVE STAGNATION DES MOYENS
1. Des crédits en progression modérée par rapport à 1995
Avec 34,866 milliards de francs pour 1996 en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, contre 33,751 milliards de francs en budget voté en 1995, les crédits de l'enseignement technique long et court connaissent une progression de 3,3 % contre 4,1 % entre 1994 et 1995.
Leur part dans l'ensemble des crédits alloués à l'enseignement du second degré régresse légèrement de 31,69% à 31,60% entre 1995 et 1996 (10,65 % à 10,60 % pour les crédits des lycées techniques, 17,10 % à 17,08 % pour les lycées professionnels, 3,94 % à 3,91 % pour les sections de techniciens supérieurs).
La progression en valeur absolue des crédits ne doit donc pas dissimuler à nouveau une légère réduction relative de leur part dans l'ensemble des dépenses de l'enseignement du second degré, et doit être rapprochée de l'évolution générale du budget de l'éducation nationale -section enseignement scolaire- qui augmentera de près de 4,3 % en 1996.
2. Les emplois d'enseignants et de non-enseignants
a) Une totale stagnation des emplois en 1996
Alors que 428 emplois nouveaux d'enseignants et de non-enseignants avaient été affectés à l'enseignement technologique et professionnel en 1995, aucun emploi supplémentaire n'est prévu pour 1996, le total des emplois restant inchangé (152 346).
- les ouvertures de postes prévues par la loi de programmation
A cet égard, il convient de rappeler que la loi de programmation du « nouveau contrat pour l'école » avait prévu pour 1996, dans son annexe financière, l'ouverture de 360 postes pour mettre en oeuvre le chapitre « formation professionnelle qualifiante avant la sortie du système scolaire », et 1.600 postes pour l'ensemble de la période quinquennale 1995-1999. Or, le budget 1996 ne prévoit aucune création d'emplois dans les lycées professionnels, les sections d'éducation spécialisées (SES) et les établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA). On doit donc en déduire que 360 transferts de postes des sections à temps plein de BEP et de baccalauréat professionnel seront affectés notamment vers les sections d'apprentissage ou alternées prévues par les articles 54 et 57 de la loi quinquennale pour l'emploi et auront pour conséquence la fermeture de sections à temps plein ou de demi-sections, dont certaines, il convient de le reconnaître, ne regroupent que quelques élèves.
- l'application du plan de revalorisation
Les crédits prévus pour 1996 prévoient, conformément au plan de revalorisation Jospin, la transformation de 5.000 emplois de professeurs de lycée professionnel de premier grade en PLP2 soit le même nombre d'emplois transformés que dans le budget pour 1995. Le coût de cette transformation sera en 1996 de 133,8 millions de francs. Selon l'échéancier prévu, la transformation de ce corps devrait être menée à bien dans un délai de cinq ans.
En outre, dans le cadre des mesures en faveur des personnels de direction, la proportion des lycées professionnels classés en 4ème catégorie passe à 15 %, soit une augmentation de 5 %.
Cette modification a des conséquences indiciaires pour les personnels de ces établissements.
b) Des besoins pourtant suscités par les sorties du corps des professeurs de l'enseignement technique et professionnel : la nécessité d'un plan de recrutement.
Compte tenu des prévisions de départs de professeurs titulaires de l'enseignement technique et professionnel, des décès, des démissions ainsi que des sorties dites provisoires liées à des détachements, des disponibilités et des départs vers l'enseignement supérieur, les besoins de renouvellement des personnels enseignants peuvent être estimés, pour les trois prochaines années, à 1.416 emplois pour l'enseignement technique et à 1.900 emplois pour l'enseignement professionnel. A plus long terme, ces besoins devraient croître du fait de la pyramide des âges des personnels concernés.
Pour répondre à ce besoin en personnel, une politique de recrutement a été engagée comme en témoigne l'évolution des postes offerts aux concours du CAPLP2 et du CAPET depuis 1993 :
Il convient de noter que l'augmentation de 15 % du nombre de postes offerts au CAPLP2 entre les sessions 1994 et 1995 visait à couvrir les besoins en personnels titulaires des lycées professionnels : la session 1995 a été aussi marquée par une forte progression du flux dans l'enseignement professionnel. En effet, 1.985 nouveaux enseignants (n'ayant jamais exercé dans le second degré) ont été admis au CAPLP2 de la session 1995, contre 1.616 en 1995, soit une hausse de près de 23 %.
En ce qui concerne le CAPET, l'évolution des postes proposés aux concours correspond aux situations contrastées que connaissent les disciplines de l'enseignement technique.
En effet, si les besoins d'enseignements sont globalement couverts dans les disciplines des sciences et techniques économiques (économie et gestion notamment), les disciplines des sciences et techniques industrielles présentent des besoins persistants en personnels titulaires (technologie, génie industriel et génie civil par exemple). Dans ces dernières disciplines, un nombre plus important de postes a été proposé à la session 1995 par rapport aux sessions antérieures.
Enfin, il convient de rappeler l'existence de cycles préparatoires au CAPLP2 et au CAPET internes qui s'adressent à des agents titulaires et à des maîtres auxiliaires désireux d'acquérir une qualification en vue de s'inscrire aux concours concernés. A la session 1995, 350 postes ont été proposés au cycle préparatoire au CAPET interne et 250 au cycle préparatoire au CAPLP2 interne.
c) Le bilan de la reconversion des professeurs de lycées professionnels
Les enseignements technologiques et professionnels ont connu, au cours des dix dernières années, du fait de la création des baccalauréats professionnels et d'une demande accrue de scolarisation des jeunes dans le second cycle de l'enseignement secondaire, des évolutions qui se traduisent dans une mobilité accrue de la carte des formations et dans une rénovation des différents diplômes de l'enseignement professionnel. En particulier, l'introduction de l'alternance « école-entreprise » dans le cursus conduisant à une qualification professionnelle exigera que se développent des pratiques pédagogiques adaptées, tenant compte des partenariats externes à l'éducation nationale.
Les changements dans les compétences des enseignants de lycée professionnel nécessitent des actions de formation continue : il convient de faciliter leur adaptation ou même, dans de nombreux cas, leur reconversion lorsque leur spécialité d'origine ne correspond plus aux enseignements à dispenser.
A cet effet, des dispositifs spécifiques, construits à partir de bilans de compétences très individualisés, ont été mis en place dans toutes les académies. Depuis 1988, 400 équivalents-emplois à temps plein sont affectés aux académies, et répartis entre elles afin de favoriser la réalisation de cette opération. L'enquête sur la formation continue des enseignants du second degré, inscrite au programme 1994-1995 de la direction de l'évaluation et de la prospective, permet de confirmer l'accroissement du nombre de professeurs concernés par ces mesures d'adaptation ou de reconversion :
Cependant, comme le remarquait déjà votre commission l'année dernière, les reconversions des professeurs de lycée professionnel, qui restent fondées sur le volontariat, ne semblent pas toujours répondre à de véritables besoins.
L'enquête effectuée par l'IGEN en 1994 a ainsi permis de constater que les prévisions effectuées par les académies sur les besoins des milieux économiques restaient entachées de fortes incertitudes, que de nombreuses sections jugées obsolètes ont été l'objet de fermetures inopportunes et n'ont pas toujours été remplacées par des formations présentant de meilleures garanties d'emploi pour les élèves.