C. LA RÉFORME DES FILIÈRES TECHNOLOGIQUES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
1. Le dispositif actuel
Le dispositif actuel de formation supérieure technologique et professionnalisée est très diversifié et s'ordonne autour de filières courtes et longues organisées dans plusieurs types d'établissements, aussi bien publics que privés.
a) Les filières courtes : STS et IUT
Ces filières conduisant à des diplômes de niveau bac + 2 sont organisées dans les lycées (sections de techniciens supérieurs) qui regroupent près de 233.000 inscrits en 1994-1995 et dans les IUT qui sont des composantes des universités (98.600 inscrits en 1994-1995).
b) Les filières longues
Les filières longues conduisant à des diplômes de niveau bac + 4 sont organisées selon deux modalités :
- les instituts universitaires professionnalisés (IUP) ;
- les maîtrises professionnalisées : maîtrises de sciences et techniques (MST), et de sciences de gestion (MSG).
Les licences et maîtrises de technologie industrielle rassemblent 41.700 inscrits.
c) Les formations d'ingénieurs et les formations conduisant au DESS
Les formations d'ingénieurs rassemblent 73.800 inscrits dans l'ensemble des écoles publiques et privées tandis que les formations conduisant au diplôme d'études supérieures spécialisées regroupent 25.100 étudiants.
2. Les innovations introduites en 1995
a) L'ouverture de nouveaux départements d'IUT
A la rentrée 1995, 21 nouveaux départements d'IUT devaient être ouverts, dont 17 dans le secteur secondaire et 4 dans le secteur tertiaire, portant ainsi le nombre de départements à 526.
Ces ouvertures nouvelles permettront d'offrir 1.100 places supplémentaires et d'accueillir 53.000 étudiants en première année.
b) L'ouverture de nouveaux IUP
La rentrée universitaire 1995 s'est traduite par l'ouverture de 52 filières supplémentaires d'IUP, portant le nombre de ces formations à 176. Les effectifs actuels d'étudiants (18.000) devraient donc s'accroître de 4 à 5.000 compte tenu du développement des IUP ouverts les années précédentes.
c) Une nouvelle commission consultative des IUT et des IUP
Créée le 19 avril 1995, cette commission regroupe les représentants des entreprises et des salariés, des étudiants, enseignants et responsables de formation.
Elle a pour objet essentiel de coordonner les deux formations et les autres formations technologiques de l'enseignement supérieur.
d) La mise en place du diplôme de recherche technologique (DRT)
Les premières formations conduisant au diplôme de recherche technologique ont été mises en place à la rentrée 1995.
Ce nouveau diplôme national de troisième cycle (de niveau bac + 6), créé pour former des cadres à l'innovation technologique, complète les dispositifs de formation technologique et de formation de troisième cycle en offrant un cycle complémentaire de formation par la recherche technologique aux diplômés des IUP (formation en deux ans) et aux élèves-ingénieurs en dernière année d'école (formation en 18 mois).
La formation conduisant au DRT consiste en travaux de recherche technologique menés en relation étroite avec une entreprise, dans le cadre d'un contrat de travail (18 mois). Elle est précédée, pour les candidats issus des IUP, d'une formation préalable d'initiation à la recherche d'une durée de 300 heures.
Sur une soixantaine de projets de DRT proposés par les établissements, 43 ont été retenus dans 18 établissements en vue d'une ouverture à la rentrée 1995, en majorité dans le secteur de l'informatique et du génie électrique, mais aussi dans les domaines des matériaux, du génie mécanique et de l'environnement.
Ce nouveau diplôme devrait permettre de favoriser le recrutement de jeunes diplômés de l'enseignement technologique supérieur dans les entreprises et contribuer au développement de la coopération entre les établissements et les entreprises dans le domaine de la recherche-développement.
3. Les grandes lignes de la réforme annoncée en 1994
La réflexion engagée en 1994 sur les filières technologiques devrait se poursuivre dans les prochains mois en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. La réorganisation des formations technologiques décidée en 1994 se caractérisait par le souci d'une définition plus simple et plus cohérente des filières technologiques. Dans cet esprit, trois filières avaient été identifiées :
- celle des instituts universitaires de technologie et des sections de techniciens supérieurs correspond à deux années d'études. Elle a une vocation professionnelle et a pour objectif d'offrir aux étudiants des débouchés professionnels immédiats ;
- la filière des instituts universitaires professionnalisés à caractère scientifique et technologique plus marqué correspond à des formations professionnelles récentes au sein des universités et délivre un titre d'ingénieur-maître ;
- la troisième filière à caractère scientifique est celle des écoles d'ingénieurs. Après deux années de préparation et trois années d'école, elle forme des ingénieurs.
Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre dans ce cadre et sont présentées ci-après.
a) La politique menée en faveur des IUT
L'action conduite en faveur des IUT s'est inscrite dans une réflexion portant d'abord sur le développement du réseau, par la création de nouveaux départements et l'accroissement des capacités d'accueil des entités déjà existantes dans le souci d'adapter le système en fonction de l'évolution des besoins des élèves, des nouvelles techniques et des réalités socio-économiques.
Afin de répondre aux besoins spécifiques des PME-PMI, la carte des spécialités en 1994 s'est enrichie d'une nouvelle filière orientée vers la gestion administrative et commerciale (GACO), mise en place à titre expérimental. Si l'expérimentation en cours ne permet pas encore de préjuger de son évolution, un nouveau département de cette spécialité a été créé à la rentrée 1995.
Par ailleurs, la diversification des formations se poursuit à la rentrée 1995 par la création de huit options nouvelles dans les départements déjà existants.
Enfin, trois mesures spécifiques nouvelles ont été prises pour améliorer la cohérence entre les cursus de l'enseignement secondaire et ceux de l'enseignement supérieur :
- les bacheliers technologiques bénéficieront, sans quota ni accès prioritaire, d'une attention particulière quant à leur accès aux IUT, mais seront prioritaires pour l'accueil en STS ;
- l'accueil en IUT et dans d'autres formations professionnalisantes, d'étudiants issus d'un DEUG ou en situation d'échec au cours d'un premier cycle, sera facilité par la mise en place des « années spéciales » qui sont des années post-premier cycle ;
- la mise en place du diplôme national de technologie spécialisé (DNTS) sanctionnant « une année d'études complémentaires par alternance » en IUT a été expérimentée pour 9 formations dans l'académie de Lyon depuis la rentrée 1994 et pour 29 formations à compter de la rentrée 1995 dans l'académie de Nancy-Metz et dans les trois académies d'Île-de-France.
b) L'amélioration du contenu des formations d'IUP
Un arrêté du 29 décembre 1994 a défini d'une manière plus précise la formation en IUP : la formation de base à caractère scientifique et technique comprend un volume horaire de 1.600 et 2.000 heures réparti sur trois années.
La formation complémentaire comprend un enseignement d'au moins une langue étrangère, un enseignement de techniques de communication et un enseignement de matières ne ressortissant pas directement du secteur d'activité concerné par le diplôme proposé, référence explicite étant faite à la gestion pour le secteur industriel et à l'informatique en réseaux pour le secteur tertiaire.
Une collaboration entre IUT et IUP devra se développer notamment par le biais de la commission consultative commune qui a été créée. Sa composition et son fonctionnement font l'objet d'une étroite concertation avec les établissements et les organisations professionnelles.
Par ailleurs, le titre d'ingénieur diplômé par l'État pourra être délivré aux diplômés des instituts universitaires professionnalisés après une expérience professionnelle de deux ans au moins, sur avis de la commission des titres d'ingénieur.
Enfin, un dispositif général d'évaluation sera mis en place, afin de porter une appréciation sur les formations existantes et d'en effectuer un audit régulier.
c) L'élargissement des voies d'accès au titre d'ingénieur
Les écoles d'ingénieurs avaient été invitées entre 1989 et 1993 à augmenter le nombre d'élèves recrutés de manière à doubler le nombre d'ingénieurs diplômés. Cet objectif a été globalement atteint et même dépassé.
Depuis quelques années, on a pu en effet constater une augmentation importante du nombre de formations habilitées (114 habilitations dont 57 nouvelles formations d'ingénieurs) le rythme restant soutenu pour la période la plus récente.
Le nombre de diplômés potentiels résultant de ces habilitations a augmenté de 5 à 10% selon les années, cette progression des flux s'accompagnant d'une dispersion des formations sur le territoire national.
Cette double évolution jugée trop rapide devrait être réorientée en fonction des éléments suivants :
- élaboration d'une carte nationale des formations publiques et privées ;
- développement des formations en terme d'aménagement du territoire et limitation du nombre de création d'écoles ;
- réduction drastique de la croissance des effectifs de diplômés, en fonction des besoins exprimés par les entreprises ;
- définition par secteurs des besoins en ingénieurs dans les entreprises ;
- constitution de réseaux d'établissements à caractère pédagogique ou géographique ;
- évaluation précise des formations, en particulier celles les plus récemment habilitées.
Cette politique menée par le ministère en ce qui concerne les établissements publics, devra, pour être efficace et crédible, être relayée par la commission des titres d'ingénieur pour les établissements privés.
Par ailleurs, malgré le constat établi en 1989, que la part de la formation continue dans le dispositif de formation des ingénieurs était trop faible et malgré la création des nouvelles formations d'ingénieurs, la grande majorité des formations d'ingénieurs sont offertes à un public d'étudiants en formation initiale. Or, l'ensemble des partenaires s'accordent sur la nécessité de proposer des voies d'accès au titre d'ingénieur, beaucoup plus nombreuses, par la voie de la formation continue, afin de valoriser les acquis professionnels et l'alternance école-entreprise. Le vivier de techniciens supérieurs de haut niveau étant en constante augmentation, les moyens de favoriser leur promotion par la formation continue devront être privilégiés.
d) L'exclusion des écoles supérieures de commerce et de gestion de la réforme
S'agissant des écoles supérieures de commerce et de gestion, seules deux écoles de statut universitaire relèvent directement du ministère.
Cependant, certaines écoles supérieures de commerce et de gestion sont soumises au contrôle du ministère dans le cadre du visa ministériel de leurs diplômes, ce contrôle étant d'ordre purement pédagogique.
La réforme annoncée de la filière technologique supérieure n'inclut donc pas actuellement les établissements de haut enseignement commercial ne relevant pas de la tutelle du ministère.
4. Les objectifs d'une réforme d'ensemble
La complexité du dispositif de formation supérieure technologique et professionnalisée, et son manque de lisibilité ont imposé d'engager une réflexion globale sur l'ensemble de la filière, depuis le lycée jusqu'au troisième cycle de l'enseignement supérieur afin d'organiser des parcours de formation cohérents dans un système permettant des entrées, des sorties et des reprises d'études à tous les niveaux.
La réflexion devra notamment porter sur :
- la nécessité d'établir une continuité dans le cursus, depuis la classe de seconde des lycées jusqu'au niveau bac + 4 et bac + 5 de l'enseignement supérieur, ce qui pose le problème de l'orientation des bacheliers dans les formations post-baccalauréat ;
- la définition des objectifs des formations technologiques et l'identification des différentes filières en fonction de la vocation assignée à chacune ;
- l'articulation entre les filières courtes (IUT et STS) et les filières longues (IUP) par l'organisation de passerelles et la création de parcours de formation continue.
Devant votre commission, le ministre a confirmé que l'organisation des premiers cycles universitaires et de la filière technologique et professionnelle entrait prioritairement dans le cadre de la consultation engagée sur l'avenir de l'enseignement supérieur et devrait en conséquence faire l'objet de propositions précises au cours du deuxième trimestre de 1996 ; la commission Fauroux chargée de préparer le futur référendum sur l'éducation devant également engager une réflexion sur la réforme de la filière technologique, celle-ci devrait être le premier interlocuteur dans la vaste concertation engagée.
Enfin le ministre a précisé que si la réforme de la filière constituait un objectif prioritaire, celle-ci devait s'inscrire dans une perspective de cohérence, de simplicité et de promotion sociale des élèves, l'information et l'orientation des bacheliers devant être renforcées pour les inciter à choisir ces filières technologiques et professionnelles qui ont fait l'objet ces dernières années d'une certaine désaffection due pour partie à leur manque de lisibilité.