Avis n° 141 (1991-1992) de M. Christian BONNET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 décembre 1991
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N° 141
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1991-1992
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 décembre 1991. |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution de M. Jean ARTHUIS et des membres du groupe de l'Union centriste, tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion, l'organisation et la réforme à conduire des services, organismes et administrations, chargés à un titre ou à un autre d'organiser et de gérer la collecte de produits sanguins utilisés à des fins médicales,
Par M. Christian BONNET,
Sénateur.
(1 ) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; Louis Virapoullé, François Giacobbi, Charles de Cuttoli, Michel Darras, vice-présidents ; Charles Lederman, Germain Authié, René-Georges Laurin, Marcel Rudloff, secrétaires ; Guy Allouche, Alphonse Arzel, Gilbert Baumet, Pierre Biarnès, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Raymond Bouvier, Camille Cabana, Jean Chamant, Raymond Courrière, Etienne Dailly, André Daugnac, Luc Dejoie, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Jean-Marie Girault, Paul Graziani, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Bernard Laurent, Paul Masson, Daniel Millaud, Lucien Neuwirth, Charles Ornano, Georges Othily, Robert Pagès, Claude Pradille, Albert Ramassamy, Michel Rufin, Jacques Sourdille, Jacques Thyraud, Jean Pierre Tizon, Georges Treille.
Voir le numéro :
Sénat : 59 (1991-1992).
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Santé publique.
Mesdames, Messieurs,
La proposition de résolution, présentée par M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion, l'organisation et la réforme à conduire des services, organismes et administrations, chargés à un titre ou à un autre d'organiser ou de gérer la collecte des produits sanguins utilisés à des fins médicales, a été envoyée au fond à la commission des Affaires sociales et pour avis à la commission des Lois.
Cette saisine pour avis résulte de l'application littérale de l'article 11, paragraphe 1 du Règlement du Sénat, qui confie à votre commission des Lois le soin de vérifier la conformité de toute proposition de création d'une commission d'enquête aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
À titre liminaire, il n'est pas inutile de rappeler qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 1991 qui a modifié sur plusieurs points cet article 6, les auteurs de la proposition de résolution en discussion auraient pu opter pour la constitution d'une commission de contrôle, auquel cas la commission des Lois n'aurait pas été saisie, dans la mesure où le contrôle de recevabilité se trouvait limité aux seules commissions d'enquête.
La loi du 20 juillet 1991 a modifié quelque peu les données du problème, en regroupant les commissions d'enquête et celles de contrôle sous la dénomination commune de commissions d'enquête.
Pour autant, cette modification d'ordre terminologique n'a pas gommé la dualité entre les commissions d'enquête proprement dites et celles chargées de contrôler le fonctionnement d'une entreprise ou d'un service public, ainsi que le confirme la rédaction prévue par la loi de juillet 1991 pour le deuxième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance de 1958.
«Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.»
Dans le premier cas, la pratique traditionnellement observée pour les commissions d'enquête stricto sensu continuera d'être observée, à savoir que le Président de la commission des Lois demandera à M. le Président du Sénat de bien vouloir interroger le Garde des Sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.
Dans la seconde hypothèse, comme pour les anciennes commissions de contrôle, cette procédure de demande d'information ne s'impose pas en raison de l'objet de la commission d'enquête qui est d'enquêter non pas sur des faits déterminés, mais sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise.
Lorsqu'elle sera saisie d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, la première tâche de la commission des Lois sera donc d'en étudier le contenu afin de déterminer si la consultation du Garde des Sceaux s'impose ou non.
Pour rendre possible cette analyse préalable, il importe donc que l'ensemble des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête soit désormais soumis à la commission des Lois au fond ou pour avis.
En l'espèce, si l'on se réfère à l'exposé des motifs de la proposition de résolution, nos collègues membres du groupe de l'Union centriste souhaitent la constitution d'une commission d'enquête, afin d'éclairer le Sénat et l'opinion publique sur la gestion et l'organisation des services chargés d'assurer la collecte des produits sanguins utilisés à des fins médicales et, en tout premier lieu, du Centre national de transfusion sanguine.
Votre commission des Lois ne peut, certes, ignorer que plusieurs responsables du Centre national de transfusion sanguine (C.N.T.S.) ont été inculpés par un juge d'instruction, mais la vocation de la commission proposée n'est pas d'enquêter sur ces faits mais, d'une manière générale, sur les règles de fonctionnement du Centre national de transfusion sanguine afin de rechercher pour quelles raisons ces règles n'ont pu empêcher le drame que tout le monde connaît.
Avant la loi du 20 juillet 1991, la question des poursuites judiciaires ne se posait pas pour une commission de contrôle. On ne voit pas pourquoi cette loi destinée à renforcer les droits de contrôle du Parlement aurait pour conséquence indirecte de dresser un nouvel obstacle, (c'est-à-dire l'exercice de poursuites judiciaires) à la création d'une commission chargée d'enquêter sur une affaire aux conséquences multiples et irréparables, qui révèle à tout le moins l'existence de dysfonctionnements graves dans la gestion du CNTS.
Votre commission des Lois estime donc que le Sénat est en droit de discuter de la création de la commission d'enquête proposée par nos collègues du groupe de l'Union centriste, étant ajouté qu'elle pourrait même étendre ses investigations aux décisions prises par le Gouvernement pour le financement de la collecte des produits sanguins, ainsi qu'aux instructions ou aux directives qui auraient été données aux responsables du CNTS ; il ne faut pas oublier, en effet, que les membres du Gouvernement de l'époque ne font pas eux l'objet de poursuites judiciaires.
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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois conclut à la recevabilité juridique de la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion, l'organisation et la réforme à conduire des services, organismes et administrations, chargés à un titre ou à un autre d'organiser et de gérer la collecte de produits sanguins utilisés à des fins médicales, dans la mesure où le texte proposé n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.