EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 27 novembre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport pour avis de Mme Frédérique Puissat sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » du projet de loi de finances pour 2025.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux. »
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - De 2019 à 2024, le budget de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » a augmenté de 60 %, passant de 14,2 milliards à 22,6 milliards d'euros. Cette mission a donc une part notable de responsabilité dans la hausse des dépenses publiques.
Le contexte budgétaire difficile que nous vivons demande une maîtrise des crédits de la mission en vue d'un retour à une trajectoire soutenable. Il exige également de porter une attention à la qualité des dispositifs financés afin d'accroître l'efficience de la dépense publique. En contrepoint, il convient tout de même de ne pas sacrifier des réformes structurelles importantes, au risque d'en payer les frais dans les années à venir. C'est en gardant à l'esprit ces trois exigences que je vous propose ce matin d'examiner la présente mission.
Les crédits demandés en 2025 s'élèvent à 21,63 milliards d'euros, soit une diminution de 4,49 % par rapport à 2024. La mission connaît toutefois un changement important de périmètre en absorbant l'intégralité du financement des ministères sociaux, dont une partie était jusqu'alors rattachée à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». À périmètre constant, la diminution des crédits de la mission entre 2024 et 2025 atteindrait donc 2,32 milliards d'euros, soit une baisse de 10,2 %. Malgré cette diminution très significative des crédits, le budget de la mission pour 2025 demeurerait toujours supérieur de 6,1 milliards d'euros à celui de 2019.
Il convient de noter que la situation de l'emploi demeure favorable, quoique le taux de chômage - il s'établit à 7,4 % au troisième trimestre de 2024 - ne s'inscrive plus dans une dynamique descendante.
L'année 2025 sera également marquée par l'entrée en vigueur des principales mesures de la réforme de l'accompagnement des demandeurs d'emploi portées par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Il s'agit en particulier de l'inscription sur les listes des demandeurs d'emploi de France Travail de toutes les personnes éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les personnes accompagnées par les missions locales, les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi ainsi que l'ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Le renforcement de l'accompagnement dans le cadre du contrat d'engagement unifié sera également mis en oeuvre.
Dans ce contexte, la subvention à France Travail resterait identique à l'année dernière, soit 1,35 milliard d'euros. Elle avait tout de même augmenté en 2024 de 100 millions d'euros afin d'engager la réforme de la loi pour le plein emploi et de financer le développement des ressources communes au nouveau réseau pour l'emploi. Le maintien de la subvention de France Travail en 2025 est certes conforme à la trajectoire prévue par la convention tripartite Unédic-État-France Travail conclue le 30 avril dernier. Toutefois, le déploiement complet de la loi pour le plein emploi ne pourra être accompli sans le dynamisme de la contribution de l'Unédic. Cette dernière devrait s'élever à 4,82 milliards d'euros en 2024, en progression de 11 % par rapport à 2023, et atteindre 4,98 milliards d'euros en 2025.
Outre cette contribution de droit commun, l'Unédic doit toujours supporter un prélèvement opéré par l'État sur les compensations des exonérations de cotisations sociales. Non seulement ce prélèvement, prévu à 3,35 milliards d'euros en 2025, modifie la trajectoire de désendettement de l'assurance chômage, mais son affectation à France Travail et à France compétences, selon les motifs qui avaient été invoqués, s'avère très hypothétique : les moyens des deux opérateurs de l'État n'ont en effet pas progressé dans les mêmes proportions...
Concernant les moyens humains à la disposition de France Travail pour remplir ses missions, je vous propose d'aborder le sujet avec pragmatisme. L'an passé, nous avions pointé la hausse considérable des effectifs de l'opérateur durant les cinq dernières années. La diminution du plafond d'emplois de France Travail est donc une bonne chose. Toutefois, il ressort des auditions et de mes échanges avec l'opérateur que la baisse de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) proposée dans ce PLF a été calibrée sans prise en compte de ses effets sur les politiques publiques mises en oeuvre.
Si la situation des finances publiques exige certainement de faire des choix, cette contraction à l'aveugle des effectifs risque de compromettre l'application de réformes structurantes pour le marché du travail. Ma conviction est qu'il convient plutôt de donner la priorité à celles des mesures du ressort de France Travail dont la mise en oeuvre est la plus importante.
C'est pourquoi je vous propose de limiter l'effort demandé à l'opérateur à une réduction de 205 ETPT de son plafond d'emplois. Selon France Travail, une telle diminution ne remettrait en cause ni l'objectif d'accompagner 200 000 bénéficiaires du RSA, ni le renforcement des contrôles de la recherche effective d'emploi, ni même la lutte contre les comportements abusifs, trois sujets qui me paraissent essentiels.
Au chapitre des structures des politiques de l'emploi, je vous propose un amendement permettant de conserver la ligne budgétaire des maisons de l'emploi, à hauteur de 5 millions d'euros, que le projet de loi de finances (PLF) ne maintient pas.
En ce qui concerne l'insertion des jeunes, le PLF pour 2025 prévoit une stabilité des crédits finançant le contrat d'engagement jeune (CEJ), alors que ses bénéficiaires seront désormais inscrits sur les listes des demandeurs d'emploi. Les objectifs de l'accompagnement dans le cadre du CEJ sont toutefois revus à la baisse puisque la cible de contrats suivis par France Travail est réduite de 100 000 à 85 000 pour 2025.
Pour une économie de 274 millions d'euros, le Gouvernement propose de mettre en extinction le dispositif des emplois francs, qui permet le versement à l'employeur d'une prime en cas d'embauche de demandeurs d'emploi et de jeunes inscrits dans une mission locale et résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette suppression participe de l'efficience de la dépense publique puisqu'une évaluation de 2023 de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) met en évidence les forts effets d'aubaine qui grèvent ce dispositif.
J'en viens au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) qui demeure assez préservé par cet exercice budgétaire contraint. Les crédits en sa faveur seraient maintenus à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Cela ne signifie pas que l'année à venir sera sans difficulté : cette stabilité des financements conjuguée à la hausse du Smic de 2 % risque de se traduire par une légère diminution des postes offerts dans les structures. Cependant, alors que le secteur de l'IAE a été considérablement soutenu de 2019 à 2024, avec une hausse de 69 % de l'enveloppe budgétaire correspondante, augmenter ses moyens en 2025 n'aurait pas paru raisonnable.
J'aborde à présent les questions des moyens consacrés à la formation professionnelle et notamment à l'apprentissage. C'est un volet sur lequel nous devons toujours garder à l'esprit quelques chiffres clés.
Tout d'abord, celui du nombre d'apprentis : 849 000 en 2023. La promesse présidentielle du million de contrats d'apprentissage ne sera probablement jamais atteinte - du moins en flux annuel -, mais la politique menée depuis 2018 est tout de même une réussite.
Ensuite, celui d'un coût exorbitant : 3,9 milliards d'euros étaient affectés par l'État aux aides aux employeurs en 2024. Tous financeurs confondus, 15,3 milliards d'euros étaient dépensés en 2023 pour l'apprentissage, selon les annexes budgétaires. Les estimations les plus hautes des économistes avoisinent même le montant de 24,9 milliards d'euros.
Je vous invite donc à soutenir la maîtrise des dépenses d'alternance à laquelle tend le PLF. Néanmoins, il importe d'engager cette régulation sans casser la dynamique de l'apprentissage et sans risquer une détérioration de l'accompagnement des apprentis.
Le PLF pour 2025 restreint l'enveloppe budgétaire consacrée aux aides à l'employeur de 16 % par rapport à 2024, soit une baisse de 647 millions d'euros. Le Gouvernement n'a pas confirmé quelles seraient les nouvelles modalités du montant de l'aide, mais il a fondé son projet d'économies sur l'hypothèse d'une aide aux employeurs abaissée uniformément à 4 500 euros, contre 6 000 euros actuellement.
La solution que je vous propose par un amendement de crédits, abondant le programme 103 de 320 millions d'euros, consiste à porter le montant de l'aide à 5 000 euros. D'une année sur l'autre, une diminution de 1 000 euros me paraît équilibrer les efforts entre l'État et les entreprises. En revanche, cette aide ne serait plus versée dans les entreprises dont l'effectif excède 250 salariés pour les niveaux de formation égaux ou supérieurs à bac+3, conformément à un amendement proposé par la commission des finances. Ce meilleur ciblage dans les grandes entreprises permet d'améliorer l'efficience des dépenses publiques, alors que, à ces niveaux de qualification, l'insertion dans l'emploi paraît être moins corrélée à l'apprentissage.
Concernant le financement de l'apprentissage par France compétences, le budget de l'opérateur ne sera toujours pas à l'équilibre en 2024. Les 13,7 milliards d'euros de ses ressources, issues notamment des contributions des entreprises et d'une subvention de l'État, n'empêcheraient cette année pas un déficit de 1 milliard d'euros. L'opérateur a pourtant engagé des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats, sur la base des coûts de formation observés dans les centres de formation d'apprentis (CFA). Après deux premières baisses en 2022 et 2023, une nouvelle révision des NPEC est intervenue en juillet 2024, en ciblant les niveaux de qualification 6 et 7 afin de générer une économie de 120 millions d'euros en année pleine. La commission des finances propose d'ailleurs de réduire la prise en charge par France compétences des NPEC pour ces niveaux 6 et 7 de qualification. Malgré cela, la dette cumulée de l'opérateur sur la période 2019-2024 devrait s'élever à 10,5 milliards d'euros, auxquels doit s'ajouter un déficit prévisionnel de l'ordre de 464 millions d'euros en 2025.
Comme les années passées, je constate que la réforme de l'apprentissage de 2018 n'a pas trouvé son équilibre budgétaire et qu'il convient de faire un meilleur emploi des moyens de France compétences.
Premièrement, il n'apparaît pas souhaitable que l'opérateur contribue au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) destiné à la formation des demandeurs d'emploi, alors que le financement de ses principales missions n'est pas assuré. Le PLF pour 2025 prévoit de nouveau, comme un an plus tôt, que France compétences consacre 800 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) à la formation des demandeurs d'emploi, par l'intermédiaire d'un fonds de concours.
Il convient de rappeler que l'établissement a contribué au financement du PIC à hauteur de 8 milliards d'euros pendant la période 2019-2024, alors même que la pertinence du PIC pour déployer des actions d'insertion et de formation professionnelle est discutable, ainsi que l'a pointé la Cour des comptes.
Ma conviction est donc que les AE prévues à hauteur de 800 millions d'euros ne doivent pas être reconduites en 2025. Pour leur part, les crédits de paiement (CP) doivent être supprimés dans les mêmes proportions. Ainsi, seul un reliquat de tout de même 350 millions d'euros de CP serait maintenu en 2025 pour faire face aux dépenses déjà engagées.
Cette mise en extinction des moyens de l'opérateur alloués au PIC, que j'appelle de mes voeux, trouve sa traduction budgétaire dans un amendement de crédits qui vise à réduire en conséquence la subvention de l'État à l'opérateur. Cette subvention de 2,06 milliards d'euros en 2025 serait ainsi réduite de 398,5 millions d'euros.
Deuxièmement, l'enveloppe budgétaire que France compétences consacre au titre du compte personnel de formation (CPF) devrait être contenue à environ 2 milliards d'euros. Cette stabilité des dépenses serait rendue possible grâce à la participation obligatoire au financement par le bénéficiaire - elle a enfin été mise en oeuvre par un décret du 29 avril 2024 - et par l'encadrement du financement des permis de conduire.
Toutefois, France compétences m'a alertée sur certaines offres de formation faisant toujours l'objet d'abus. Il s'agit, en particulier, des actions d'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (Acre). Ces actions sont éligibles de droit à la prise en charge par le CPF en vertu d'une disposition légale, quand bien même elles ne sont pas nécessairement sanctionnées par des certifications et habilitations. Il est donc fréquent que des offres de formation refusées à l'inscription des répertoires nationaux gérés par France compétences trouvent tout de même leur place dans le catalogue de formations du CPF grâce à cette voie détournée.
Des campagnes de régulation ont déjà été menées afin de contenir à 125 millions d'euros cette dépense en 2023, contre 415 millions d'euros en 2022. En 2024, France compétences devrait financer un montant similaire de 125 millions d'euros d'actions Acre. Les mesures de régulation ne peuvent cependant aller plus loin pour les raisons légales que j'ai exposées.
Un amendement vous est donc proposé en vue de supprimer cette éligibilité de droit des formations Acre à la prise en charge au titre du CPF. Il permettra de mettre fin à des effets d'aubaine qui existent aujourd'hui et de garantir la qualité des offres de formation en cas de création ou de reprise d'entreprise. Celles-ci seront donc toujours possibles et remboursables, mais seulement dans le cadre de certifications, notamment par le biais des chambres consulaires.
En outre, selon les estimations de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la mesure permettra une économie de 62,5 millions d'euros en année pleine pour le budget de France Compétences. L'amendement proposé, en réduisant de 398 millions d'euros le montant de la subvention à France Compétences, intègre également cette moindre dépense.
Je termine la présentation de mon rapport en évoquant les moyens destinés au dialogue social et aux fonctions support des politiques de l'emploi et, plus généralement, des ministères sociaux.
Les crédits du programme 111 seraient en forte diminution, de 24 % par rapport à 2024, mais celle-ci serait naturelle. En effet, le programme porte les moyens réservés au dialogue social et à la démocratie sociale, dont les montants suivent les cycles de la mesure des représentativités syndicale et patronale.
Les crédits du programme 155 s'élèveraient à 2 milliards d'euros et regrouperaient désormais l'ensemble des moyens des administrations des ministères sociaux. Ce changement de périmètre représenterait ainsi un transfert à la mission de 1,3 milliard d'euros. En neutralisant cet effet, les crédits demandés pour chaque administration sont quasiment stables.
À l'égard des opérateurs de l'État, il me semble souhaitable que cette mission budgétaire contribue à leur effort de maîtrise des dépenses. C'est pourquoi, je vous propose de réduire de 30 % les crédits accordés à trois opérateurs, à savoir le groupement d'intérêt public (GIP) « Les entreprises s'engagent », qui anime un réseau national d'entreprises engagées en faveur de l'insertion professionnelle, le GIP « Plateforme de l'inclusion », qui porte des développements informatiques, notamment pour le secteur de l'IAE, et l'association Centre Inffo, qui produit l'information et la documentation dans le domaine de la formation professionnelle. Il me semble qu'un tel effort reste mesuré et qu'il devra s'accompagner d'une réflexion plus globale sur l'existence de certains opérateurs.
Les missions du GIP « Les entreprises s'engagent » pourraient ainsi relever directement de France Travail ou de l'administration. De même, le rattachement du Centre Inffo à un autre organisme pourrait de nouveau être étudié.
En conclusion, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous propose.
Mme Monique Lubin. - Je regrette la baisse des effectifs de France Travail, quand bien même vous proposez, par un amendement, de la contenir. Nonobstant la stratégie qui consiste à établir une comparaison avec 2019, je la considère comme paradoxale en ce qu'elle intervient au moment précis où le nombre des demandeurs d'emploi repart à la hausse, où les prévisions économiques n'invitent guère à l'optimisme et où nous allons avoir davantage encore besoin de cet organisme. S'ajoute également la réforme qui vise à faire travailler l'ensemble des bénéficiaires du RSA - ce que je juge être un écran de fumée. Elle conduira à inscrire un nombre accru de demandeurs d'emploi, en particulier ceux qui en sont les plus éloignés et nécessitent donc un fort accompagnement. J'espère que l'implication de France Travail sera réelle et que la réforme ne reposera pas, comme je l'ai entendu, sur un conventionnement avec les départements, destiné à ce que ceux-ci continuent d'assurer le suivi des personnes concernées. De mon point de vue, l'effort demandé à France Travail constitue la pierre d'achoppement du budget de la présente mission.
Si les crédits du secteur de l'IAE ne diminuent pas, ses structures n'en sont pas moins confrontées à l'accroissement de leurs charges de fonctionnement. Les salaires suivent par exemple - et c'est heureux ! - la progression du Smic, sans qu'il soit systématiquement possible d'en répercuter la hausse sur le prix des prestations proposées. Ces crédits devraient être au moins augmentés à proportion de l'inflation calculée sur un an.
En ce qui touche à l'apprentissage, je demeure dans l'expectative. Sans doute faut-il réduire les aides à destination des plus grandes entreprises, mais peut-être pas de manière aussi radicale que cela est prévu. L'apprentissage reste un bon moyen de formation, et je le préfère à la solution des écoles de production, qui, si leurs crédits progressent, se cantonnent essentiellement à l'apprentissage d'un seul métier et ouvrent peu d'autres perspectives à leurs élèves.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La loi pour le plein emploi a prévu que la moitié de l'effort d'accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA, du dispositif Cap emploi ou de celui des missions locales qui seront inscrits comme demandeurs d'emploi revienne aux départements. Or la réduction de 205 ETPT du plafond d'emplois de France Travail - certes au lieu de 500 -, mise en regard avec le souhait initial de cet opérateur d'une augmentation de 800 ETPT de ses effectifs, se traduira certainement par la demande d'un surcroît d'effort aux départements, dont je n'ose rappeler la situation financière actuelle.
Je m'interroge sur l'objectif d'accompagner 200 000 bénéficiaires du RSA, alors que 1 million de ces bénéficiaires sera prochainement inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi. Faut-il comprendre que le contrat d'engagement ne sera signé qu'avec 200 000 d'entre eux ? Outre le RSA, combien de personnes en situation de handicap à la recherche d'un emploi et venant de Cap emploi ainsi que de jeunes des missions locales bénéficieront-ils d'un accompagnement ?
Sur le programme 111, vous pointez avec raison que son assèchement tient à l'organisation, en décembre prochain, d'élections professionnelles. Elles enclencheront un nouveau cycle de cinq ans, avec la conclusion d'un nouveau contrat pluriannuel. Vous oubliez cependant d'évoquer la diminution significative de 21 % qui affecte l'action du programme relative à la formation continue des conseillers prud'hommes, des défenseurs syndicaux et des représentants des associations qui apportent leur conseil en droit du travail. J'aimerais entendre votre avis sur la question.
Concernant l'apprentissage, c'est la baisse uniforme de ses crédits qui me pose un problème. Vous soulignez à juste titre que, pour ce qui concerne les grandes entreprises et les niveaux de formation supérieurs à bac+2, la corrélation n'est pas établie entre l'apprentissage et l'emploi. Dans ces situations, le dispositif entraîne plutôt des effets d'aubaine. Certains relèvent qu'il permet d'accompagner des jeunes qui, notamment au niveau master, peinent à financer leurs études supérieures. Mais, dans ce cas, tel n'est pas son objet et il n'a pas vocation à se substituer aux bourses d'études ni à l'allocation d'autonomie que nous demandions pour les étudiants.
Mme Pascale Gruny. - L'expérimentation dans l'Aisne du RSA rénové montre que le dispositif a remis nombre de personnes dans le circuit du travail. Le conseil départemental met des ETP à la disposition de France Travail en contrepartie d'une subvention. Mon inquiétude porte sur l'étendue des moyens qui seront affectés à l'accompagnement de ces personnes quand le dispositif sera généralisé.
Les missions locales ont un sens dans le nouveau réseau pour l'emploi. Ne pas les soutenir à part entière reviendrait à accepter que France Travail absorbe toutes les autres structures, ce que son directeur général, M. Thibaut Guilluy, préconisait. Cap emploi ne jouit déjà plus d'aucune visibilité depuis son rapprochement avec France Travail et intervient désormais beaucoup moins auprès des entreprises. C'est dommageable pour les personnes handicapées qui connaissent toujours plus que d'autres des difficultés à entrer dans l'emploi. La spécificité de leur situation requiert une véritable expertise pour les accompagner ainsi que du temps à leur consacrer, de même qu'aux entreprises qui les emploient.
Au sujet de France compétences, je regrette que la gestion de la formation professionnelle n'en soit pas restée aux branches professionnelles. Les entreprises dont je rencontre les représentants bénéficient à présent de beaucoup moins de formations.
L'apprentissage et l'alternance me paraissent utiles en ce qu'ils permettent d'acquérir à la fois diplôme et expérience. En étendre le dispositif trop avant en matière de niveau de qualification n'est cependant pas judicieux et c'est pourquoi je partage vos propos sur la question.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je rejoins Pascale Gruny au sujet des missions locales. C'est un acteur incontournable du réseau pour l'emploi.
Sur les CEJ, vous indiquez dans votre rapport, d'une part, que le PLF pour 2025 stabilise les crédits qui les financent, mais, d'autre part, que leurs objectifs sont revus à la baisse. J'ai du mal à comprendre.
Par ailleurs, dans le cadre de l'affectation des crédits aux missions locales, les QPV avaient pu être avantagés au détriment de la ruralité. Il convient de corriger cette situation et je me réjouis que le PLF pour 2025 en prenne la voie. En effet, si les QPV sont importants, on ne saurait pour autant négliger la ruralité, qui pâtit de réels freins à l'emploi en raison du manque de mobilité des jeunes.
Sur l'apprentissage, je m'inquiète du message qui s'associerait au choix d'attribuer l'aide en fonction du niveau de qualification. La montée en puissance de l'apprentissage à des niveaux d'études supérieurs à bac+2 offre un véritable ascenseur social à ses bénéficiaires. Nous nous sommes longtemps battus pour que l'apprentissage montre son dynamisme à tous les niveaux d'études ; aussi, il me paraît inopportun d'introduire ici des critères restrictifs. En outre, si la santé financière d'une entreprise ne se mesure pas forcément à l'aune de son effectif, il nous faut être attentifs à la situation des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) qui connaissent des difficultés : depuis le début de l'année, elles enregistrent une moyenne de 1 219 suppressions d'emplois par semaine... Ces structures ont un réel besoin de l'aide à l'apprentissage, notamment pour former leur main-d'oeuvre et assurer leur pérennité. Il importe de cibler prioritairement cette aide vers les entreprises de moins de dix salariés.
M. Daniel Chasseing. - Je remercie et félicite Frédérique Puissat qui rééquilibre quelque peu une mission pour laquelle, évidemment, il serait préférable qu'elle soit dotée de crédits plus substantiels, mais le déficit public impose des diminutions budgétaires. Contenir à 205 ETPT la réduction du plafond d'emplois de France Travail est notamment un moindre mal en raison de la réforme de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Nous constatons en effet en divers endroits du territoire qu'un suivi de qualité, resserré et plus pragmatique, ouvre des possibilités de retour à l'emploi. De même, il aurait été opportun de prévoir une augmentation des crédits en faveur du secteur de l'IAE.
La réussite de l'apprentissage nous suggère d'en poursuivre le dispositif et il est également utile de proposer de porter le montant de l'aide à 5 000 euros.
Le conditionnement de l'octroi de l'Acre à l'accord préalable des chambres consulaires me semble par ailleurs opportun.
Mme Solanges Nadille. - L'effort de 205 ETPT sur le plafond d'emplois de France Travail conduirait à une amélioration de 295 ETPT par rapport au projet initial. Nous vous remercions de cette proposition.
Dans les collectivités ultramarines, le taux de chômage atteignait 30 % de la population active en 2019. Il a été ramené à 16,7 %. Retenons qu'il ne faut pas rompre cette dynamique, d'autant que nous demandons dans ces territoires un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA. En Guadeloupe comme en Martinique, cela représente 1 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.
L'extension de l'expérimentation correspondante de 18 à 47 départements sans contribution supplémentaire de l'État me préoccupe. Il importe en effet de ne pas accroître les disparités territoriales.
Mme Marion Canalès. - Vous nous invitez à aborder avec pragmatisme la question des moyens humains mis à la disposition de France Travail pour remplir ses missions. Mes collègues et moi-même avons eu l'occasion d'interpeller la ministre du travail et de l'emploi sur la tendance croissante de cet opérateur à sous-traiter au secteur privé des actions fondamentales de nos politiques de lutte contre le chômage et d'accompagnement des personnes sans emploi. Votre approche permet-elle de contenir un tel mouvement qui se révèle délétère en ce qu'il risque de tendre à la marchandisation, une fois de plus, de nos politiques publiques ?
Dans les outre-mer, il importe de maintenir l'IAE. Il faudra prêter une attention particulière à leur situation, à l'égard de laquelle les préconisations de votre rapport ne suffiront pas.
M. François Patriat. - Quelle est l'efficacité du dispositif territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Madame Poncet Monge, la réduction de 21 % du montant des crédits affectés à la formation des conseillers prud'hommes traduit, semble-t-il, une sous-exécution de ces crédits. Elle ne devrait pas remettre en cause cette formation, à laquelle la direction générale du travail (DGT) paraît très attachée.
Au sujet de France Travail, soyons clairs, la loi pour le plein emploi n'était pas financée. Il a donc fallu trouver des solutions à sa mise en oeuvre. Nos auditions avec le directeur de France Travail ont donné lieu à des échanges quelque peu animés. J'ai lui ai fait remarquer que l'établissement avait conservé 700 des 1 500 ETPT qui lui avaient été octroyés au moment de la crise sanitaire et qu'il devenait difficile de comprendre où en étaient ses effectifs, entre maintiens et nouvelles demandes. La baisse de 500 ETPT inscrite dans le PLF plaçait assurément notre interlocuteur devant des injonctions paradoxales. Nous lui avons demandé de déterminer le nombre exact de postes qui lui semblaient nécessaires pour satisfaire aux objectifs de la loi pour le plein emploi et assurer tant l'accompagnement des demandeurs d'emploi que leur contrôle. Nous nous sommes entendus sur un scénario rationnel, que nous transcrivons, après d'autres échanges avec la ministre et son cabinet, dans notre proposition de limiter l'effort de l'opérateur à une réduction de 205 ETPT de son plafond d'emplois. Les économies ne sont pas aussi importantes que prévu, mais la réduction n'en conduit pas moins le directeur de France Travail à rechercher des gains d'efficience.
Soulignons par ailleurs que France Travail n'a pas vocation à accompagner seul tous les publics. Les missions locales conservent leur rôle auprès des jeunes bénéficiant d'un CEJ et Cap emploi continue d'accompagner les personnes handicapées. Pour leur part, les maisons de l'emploi pourront contribuer à l'accompagnement de tous les publics, inscrire des demandeurs d'emploi et collaborer avec France Travail. L'idée consiste à faire en sorte que le réseau se structure autour de l'ensemble des partenaires.
Si l'on peut regretter l'absence d'augmentation en 2025 des crédits de l'IAE, rappelons qu'ils sont néanmoins passés de 841 millions d'euros à 1,5 milliard d'euros. Ses structures, de l'association au chantier d'insertion, apparaissent efficaces pour favoriser l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi, voire des demandeurs d'emploi de longue durée. Je ne vous ai pas caché que, par le jeu de l'inflation, le maintien en 2025 des crédits de l'IAE équivaut de fait à une légère baisse de ces crédits. Cependant, la principale difficulté tient plutôt au départage entre associations et chantiers d'insertion, dont les coûts des accompagnements respectifs diffèrent notablement. Les chantiers d'insertion requièrent davantage de moyens, mais les associations se sont beaucoup développées et sollicitent plus souvent les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) afin d'obtenir ces moyens. Un véritable sujet de gouvernance reste ici posé.
Sur l'apprentissage, il demeure difficile de savoir ce qui risquerait d'en rompre la dynamique, comme on ignore si l'aide de 6 000 euros l'a servi ou a simplement créé un effet d'aubaine pour certaines entreprises. Cela étant, envoyer un message positif en direction des petites entreprises s'avère extrêmement important. D'où notre choix de relever l'aide de 4 500 à 5 000 euros. Pour sa part, la commission des finances a voté un premier amendement visant à restreindre l'octroi de l'aide aux niveaux de qualification inférieurs à bac+3 dans les entreprises dont l'effectif excède 250 salariés. Un second amendement de la commission prévoit des seuils de prise en charge pour les niveaux 6 - soit bac+3 ou 4 - et 7 - soit bac+5 et plus - de formation afin de limiter les effets d'aubaine et pour une économie de l'ordre de 600 millions d'euros, ce qui atteste de la réalité de ces effets.
Enfin, le dispositif TZCLD ne comporte pas de mécanisme d'évaluation propre. Dans le PLF pour 2025, 75 territoires en relèvent. Il concerne 3 160 personnes. Les départements contribuent à son financement à hauteur de 15 % et il est permis de s'interroger sur leur capacité à continuer à lui apporter leur concours.
Article 42
Les amendements II-635, II-636, II-637 et II-638 sont adoptés.
Article 48
L'amendement II-642 est adopté.
Après l'article 64
L'amendement II-639 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », sous réserve de l'adoption de ses amendements.