N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet
de
loi de finances, considéré comme rejeté
par l'Assemblée nationale, pour
2025,

TOME VI

TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION
DES MINISTÈRES SOCIAUX

Par Mme Frédérique PUISSAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère,
Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud,
M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat,
Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

Avec des crédits en baisse de 10,2 % par rapport à 2024, la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » porte un des efforts principaux de réduction des dépenses de l'Etat demandée pour 2025.

La commission soutient cette réduction des dépenses alors que les crédits en 2025 resteraient bien au-delà des budgets antérieurs à la crise sanitaire. Elle propose en outre d'autres baisses afin d'équilibrer le budget de France compétences.

Elle appelle néanmoins à ce que la diminution du financement de l'apprentissage ne soit pas trop brutale en portant l'aide aux employeurs à 5 000 €.

*

**

En PLF, les crédits demandés pour 2025 au titre de la mission s'élèvent à 21,63 Mds d'euros en crédits de paiement (CP) soit une diminution de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. La mission connait un changement important de périmètre en absorbant au sein du programme (P) 155 l'ancien P124 rattaché jusqu'alors à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». À périmètre constant, la diminution des crédits entre 2024 et 2025 atteint 2,32 Mds d'euros soit une baisse de 10,2 %.

Néanmoins, les crédits inscrits dans le PLF 2025 demeurent toujours supérieurs de 6,1 Mds d'euros par rapport à la période antérieure à la crise sanitaire (2019). Même corrigée de l'inflation, cette hausse reste de 22 %.

La rapporteure estime que l'année 2025 doit marquer le retour à une trajectoire soutenable pour les dépenses de cette mission et doit engager une réduction pérenne des crédits. La priorité est d'assurer la consolidation qualitative des dispositifs financés.

Budget de la mission (2019-2025) à périmètre constant

en CP, en milliards d'euros

Source : Commission des affaires sociales (données : PAP/RAP 2019 à 2025)

I. UNE BAISSE DU SOUTIEN À L'INSERTION PROFESSIONNELLE ET UN EFFORT DEMANDÉ SUR LES EFFECTIFS DE FRANCE TRAVAIL

A. UNE BAISSE DU PLAFOND D'EMPLOIS DE FRANCE TRAVAIL CONCOMITTANTE À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI PLEIN EMPLOI

1. Les crédits liés à l'indemnisation des demandeurs d'emploi cessent de décroître en lien avec l'évolution du chômage

Les crédits consacrés à l'indemnisation des demandeurs d'emploi permettent de financer les allocations de solidarité versées, par France Travail pour le compte de l'État, aux demandeurs d'emploi qui ne sont plus éligibles à l'indemnisation par le régime de l'assurance chômage. Après avoir diminué pendant plusieurs exercices, ces crédits resteraient quasiment stables en 2025 par rapport à 2024 à 1,8 Md € dans un contexte de légère hausse du taux de chômage depuis 2023.

Taux de chômage au sens du bureau international du travail (2020-2024)

(en points de pourcentage)

Source : Commission des affaires sociales, donnée de l'Insee

2. Les principales mesures de loi pour le plein emploi doivent être mises en oeuvre en 2025 avec une subvention à France Travail identique à 2024

Les principales mesures de la réforme de l'accompagnement des demandeurs d'emploi doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2025. Il s'agit en particulier de l'inscription sur les listes des demandeurs d'emploi de France Travail de toutes les personnes éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les personnes accompagnées par les missions locales, qu'elles se trouvent en parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) ou en contrat engagement jeunes (CEJ), les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi, ainsi que l'ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Le renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans le cadre du contrat d'engagement unifié sera également mis en oeuvre.

Avant même l'entrée en vigueur de ces mesures, la LFI pour 2024 avait prévu un financement supplémentaire pour permettre à France Travail d'engager la réforme. La subvention pour charges de service public (SCSP) a ainsi crû de 100 millions d'euros en 2024. Ce montant était en partie ciblé sur le développement, lequel doit se poursuivre jusqu'en 2027, du système d'information (SI) et des outils numériques communs au réseau pour l'emploi.

En PLF 2025, il est proposé de maintenir à 1,35 Md € la subvention de l'État à l'opérateur France Travail pour poursuivre le déploiement de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Le Gouvernement annonce d'ailleurs que cette subvention devrait se maintenir à ce niveau jusqu'en 2027 conformément à la trajectoire budgétaire prévue par la convention tripartite Unédic - État - France Travail conclue le 30 avril 2024.

Évolution 2021-2025 de la subvention pour charge de service public à destination de Pôle emploi / France Travail (en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, (données RAP/PAP)

Alors que la simple extension des territoires expérimentateurs en 2024 avait représenté un effort supplémentaire de 22 millions d'euros par rapport à 2023, la rapporteure doute que le maintien au même niveau du montant de la SCSP permette réellement de mettre en oeuvre l'ambition de la loi pour le plein emploi. Notons néanmoins que dans ce contexte de baisse de la dépense publique cette subvention est conforme à la nouvelle convention qui fixe les grandes orientations stratégiques de France Travail jusqu'en 2027.

En définitive, c'est la contribution de l'Unédic qui assure le dynamisme du financement de France travail. Cette dernière devrait s'élever à 4,82 Mds d'euros en 2024 (+ 11 % par rapport à 2023) et s'accroître à 4,98 Mds d'euros en 2025, selon les prévisions financières de l'Unédic. S'ajoute également à cette contribution de droit commun, un prélèvement opéré par l'État sur les compensations des exonérations de cotisations sociales. La commission réitère cette année les craintes que lui inspirent ces ponctions s'élevant à 12 milliards d'euros sur la période 2023-2026. Non seulement ce prélèvement modifie la trajectoire de désendettement de l'assurance chômage mais son affection dédiée à France Travail et à France compétences est en réalité restée hypothétique. Ni France Travail ni France compétences n'ont vu leurs moyens de la part de l'État progresser dans les mêmes proportions.

Une contribution de l'Unédic au financement de France Travail toujours plus lourde

En vertu de l'article L. 5422-24 du code du travail et du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, la contribution de l'Unédic au budget de France Travail est calculée par l'application d'un taux de 11 % sur les contributions d'assurance chômage de l'année n-2 avant application des exonérations et réductions. De surcroît, le régime opère un versement sur des ressources réelles diminuées en raison du caractère seulement partiel de la compensation des exonérations de contributions d'assurance chômage qu'il perçoit. Comme l'indique l'Unédic, le taux d'effort du régime dépend donc de la minoration appliquée chaque année et devrait s'élever à 11,5 % des recettes en 2025, 11,6 % en 2026 et 11,8 % en 2027.

3. L'opérateur France Travail sous le feu des injonctions contradictoires

Lors de l'examen du PLF 2024, la commission avait pointé la hausse considérable des effectifs de l'opérateur Pôle emploi / France Travail ces cinq dernières années. Elle accueille donc favorablement le principe d'une diminution du plafond des emplois proposée par le Gouvernement dans le présent PLF. Toutefois, il ressort des travaux de la rapporteure que la diminution du plafond de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) a été calibrée sans prise en compte des effets de cette rétractation sur les politiques publiques mises en oeuvre.

Si la situation des finances publiques exige certainement de faire des choix, cette contraction à l'aveugle des effectifs risque de compromettre l'application des nombreuses réformes adoptées ces dernières années. Pourraient ainsi être fortement mis en péril l'application de la loi pour le plein emploi, la généralisation du dispositif "Avenir Pro", ainsi que la prospection et l'accompagnement de nouvelles entreprises.

La rapporteure estime qu'il convient de prioriser, parmi les mesures du ressort de France Travail, celles dont la mise en oeuvre est la plus importante. En revanche, des considérations de court terme ne sauraient sacrifier l'application de réformes structurelles et déterminantes pour le marché du travail.

C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement n° II-642 augmentant de 295 ETPT le plafond d'emplois demandé pour France Travail. Une diminution des effectifs réajustée à 205 ETPT permettrait de maitriser l'évolution des effectifs de l'opérateur tout en maintenant l'application de certaines mesures structurantes soutenues par la commission et le Sénat. France Travail indique ainsi pouvoir tenir l'objectif d'accompagnement de 200 000 bénéficiaires du RSA en application de la loi pour le plein emploi. De même, un plafond d'emplois porté à 52 847 ETPT n'hypothèquera ni le renforcement des contrôles de la recherche effective d'emploi ni la lutte contre les comportements abusifs qui paraissent nécessaires pour assurer le versement à bon droit des prestations d'assurance chômage.

Évolution des effectifs (sous et hors plafond) de Pôle emploi / France Travail

En équivalent temps plein travaillé (ETPT)

Source : Commission des affaires sociales

4. Un financement des maisons de l'emploi qui doit être conservé

La commission a adopté un amendement n° II-635 visant à maintenir des crédits au bénéfice des maisons de l'emploi à hauteur de 5 millions d'euros afin de financer leurs fonctions socle d'ingénierie territoriale. La suppression de cette ligne budgétaire ne se justifie pas alors que ces structures doivent faire partie intégrante du réseau pour l'emploi.

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