EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Défense » - programme 212 - Soutien de la politique de défense.

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Le programme 212 porte, comme vous le savez, les crédits de soutien aux forces armées, et notamment l'ensemble des crédits de personnel.

Avant d'en venir au budget pour 2025, une remarque sur l'exécution du budget 2024. Le programme 212 n'a pas non plus échappé aux coupes budgétaires. Le décret du 21 février a en effet annulé 106 millions d'euros de dépenses de personnel, et le projet de loi de fin de gestion déposé le 6 novembre dernier a ajouté 400 millions à cette somme. Ces coupes portent, d'une part, sur les crédits mis en réserve et, d'autre part, sur la contribution aux pensions, compte tenu de moindres besoins provisionnels.

Les ouvertures de crédits réalisées en fin de gestion, moins élevées, représentent 160 millions d'euros de dépenses de personnel, qui sont justifiées par les surcoûts opérationnels liés aux opérations extérieures, aux jeux Olympiques et Paralympiques et au déploiement sur le flanc oriental de l'OTAN.

Tout cela est heureux, et l'impact concret des annulations de crédits sur les chantiers du moment semble limité, mais des mouvements d'une telle ampleur en gestion font peu pour contribuer à la sincérité du budget adopté à l'origine par le Parlement.

J'en viens au PLF pour 2025. Les crédits du programme 212 s'élèvent à presque 25 milliards d'euros, dont un peu plus de 23 milliards de dépenses de personnel, lesquelles sont quasiment stables par rapport à l'an dernier.

Le schéma d'emplois du ministère s'établit en 2025 à 630 ETP. Il sera décliné dans les secteurs identifiés comme prioritaires en recrutement par le ministère des armées : renseignement, cyberdéfense, soutiens, notamment.

C'est un chiffre dont nous nous félicitons mais, comme en 2024, le schéma d'emplois de l'année 2025 s'écartera de la trajectoire fixé par la LPM, dont l'article 7 prévoyait en effet un recrutement de 700 ETP supplémentaires en 2025.

La bonne nouvelle toutefois, c'est que les difficultés des armées à respecter leurs schémas d'emplois semblent avoir été en grande partie vaincues. Vous vous souvenez que l'année 2023 avait été inquiétante tant au plan du recrutement que de la fidélisation. Il semblerait que ce ne fût qu'un « trou d'air », puisque les chefs d'état-major nous ont dit successivement leur confiance dans leur capacité à atteindre leurs objectifs en 2024 et, on l'espère, en 2025 également.

Le récent rapport sur l'attractivité des armées a montré la complexité de la question. Parmi tous les facteurs qui entrent en compte, il serait injuste de ne pas faire de place aux mesures de fidélisation qui ont été mises en oeuvre ces dernières années.

Les dernières sont regroupées dans le plan « Fidélisation 360 » présenté par le ministre des armées en mars dernier. Ce plan est très complet mais il agrège des dispositifs assez hétérogènes - on y trouve par exemple la refonte des grilles indiciaires prévue par la LPM elle-même...

Évoquons tout de suite les aspects salariaux. Les mesures nouvelles dans ce domaine représentent environ 140 M€, sur lesquels 89 M€ correspondent à des mesures entrées en application en 2024 -, notamment la révision de la grille indiciaire des sous-officiers supérieurs, les mesures pour renforcer l'attractivité et la fidélisation des filières numérique et technique -, et 50 M€ des mesures nouvelles en 2025.

Parmi les mesures entrées en vigueur en 2024 figure la nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs. Celle-ci devrait entrer en vigueur au 1er décembre, soit deux mois plus tard que prévu.

Quant aux officiers, le décret portant leur nouvelle grille indiciaire devrait être examiné par le Conseil supérieur de la fonction militaire dans les prochaines semaines, avant d'être transmis au guichet unique Bercy/DGAFP, puis soumis à l'avis du Conseil d'Etat. Le détail qui nous est parvenu exclut curieusement les aspirants du dispositif. La publication du décret est envisagée entre la fin du 2e trimestre et le début du 3e trimestre 2025, pour une entrée en vigueur le 1er novembre. Seuls deux mois sont donc budgétés, pour un montant de 12,5 M€.

Une autre mesure très attendue était l'intégration d'une partie des primes dans le calcul des pensions. Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire avait proposé en juillet 2023 d'inclure l'indemnité d'état militaire dans le calcul de la retraite. L'annonce du Gouvernement est plus fine, qui promet « un mécanisme progressif adossé à la durée de service », mais nous ne sommes pas parvenus à en savoir davantage à ce stade sur la conception du dispositif.

Son calendrier est plus flou encore. La première version du plan « fidélisation 360 » promettait une telle mesure par voie d'amendement au PLF pour 2025, pour une modification des textes réglementaires et donc une entrée en vigueur en 2026. D'après les dernières informations que nous avons obtenues du ministère, il est plutôt question de l'intégrer au PLF pour 2026, et les premières pensions versées selon ces modalités ne le seront qu'en 2028. Relisant la réponse du ministre à ma question sur ce point lorsque nous l'avons auditionné en plénière, je suis à présent frappée par son caractère évasif...

Nous comprenons bien sûr la difficulté à faire entrer l'ensemble des promesses dans un cadre budgétaire devenu plus contraint. Il ne faudrait toutefois pas que l'ajournement de certaines ne donne le sentiment aux militaires que l'on compose avec les engagements pris, ce qui en découragerait certains de poursuivre leur carrière, au moment où l'on a le plus besoin d'eux.

Pour le reste, le plan fidélisation 360 prévoit des choses intéressantes : la mise en place de cautionnement et d'octroi de prêts immobiliers à des taux avantageux, l'aide à la mobilité familiale et la mutation double pour le personnel civil, le référencement des médecins traitants pour les personnels en mutation, etc. C'est peu dire que la déclinaison opérationnelle de ces mesures sur le terrain est très attendue.

Le programme 212 porte enfin les crédits de chantiers numériques de grande ampleur, visant à moderniser les systèmes d'information de la gestion des ressources humaines, de la gestion des réservistes, ou encore de gestion des recrutements. Les enjeux financiers sont importants, et les gains d'efficacité attendus très grands. Il faudra y être attentifs, dans une maison où les grands chantiers informatiques ont parfois posé problème.

Mon groupe s'abstiendra sur les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Nous nous sommes également intéressés à la politique immobilière, de logement et d'hébergement du ministère, qui fait partie des principaux irritants pesant sur le moral des militaires.

Les dépenses immobilières du ministère pesant sur le P212 progressent de 5 % en autorisations d'engagement et de 35 % en crédits de paiement, pour atteindre respectivement 670 M€ et 827 M€.

Cette politique est pilotée par la direction des territoires, de l'immobilier et de l'environnement (DTIE), qui est aussi responsable de la politique de développement durable et de transition écologique du ministère et de l'amélioration des conditions de vie du personnel.

La politique élaborée par la DTIE est mise en oeuvre par le service d'infrastructures de la défense (SID), qui est compétent sur toute la chaîne de valeur de la construction et de l'exploitation : maîtrise d'ouvrage, maitrise d'oeuvre, maintenance, expertise technique, gestion et administration du patrimoine. Ses attributions sont très vastes puisque le SID gère tous types d'infrastructures, y compris aéronautiques, portuaires, relatives à la dissuasion, à l'entraînement des forces, etc.

Notons d'ailleurs que l'ambition de la LPM dans tous ses volets conduira l'activité du SID à croître de près de 30 %. Le service est par conséquent engagé dans des transformations internes et opérationnelles considérables, avec des effectifs contraints.

Abordons immédiatement le problème de la « dette grise », c'est-à-dire les crédits nécessaires pour remettre le patrimoine immobilier à niveau sur la base d'une performance ciblée par l'état-major. Il ne semble pas que le SID en ait réalisé une estimation plus récente que celle reprise par la Cour des comptes l'an dernier, qui l'estimait à 4,4 Md€ en 2021, et craignait qu'elle atteigne 4,5 Md€ en 2025.

Il faut cependant noter que ce concept embrasse l'ensemble des infrastructures gérées par le SID, et non seulement les bâtiments occupés pour loger des militaires, et que l'état des bâtiment portuaires, en particulier, pèse lourd dans l'addition.

Le SID insiste pour nuancer la pertinence du concept de dette grise, statique, et peu explicite sur l'utilité des bâtiments visés. Il propose plutôt d'ouvrir la réflexion aux contours de la notion de « maintenance », en cherchant à distinguer ce qui relève du « gros entretien renouvellement » d'une part, et des opérations d'investissement d'autre part.

Le SID estime en fin de compte qu'avec un flux annuel de 450 millions d'euros de « gros entretien renouvellement », le patrimoine utile serait maintenu en état bon ou moyen au bout de dix ans.

S'agissant plus spécifiquement des bâtiments d'hébergement, rappelons qu'un plan inédit, lancé en 2019, visait à améliorer les conditions d'hébergement en enceinte militaire proposé aux militaires du rang et aux cadres célibataires ou célibataires géographiques.

Les objectifs d'engagements de ce « plan hébergement » ont jusqu'à présent été tenus : plus d'1 Md€ de travaux ont été engagés jusqu'à la fin 2024, pour près de 23 500 places livrées.

Sur la nouvelle enveloppe de 1,2 Mds prévue par la LPM 2024-2030, le PLF 2025 prévoit 120 M€ pour financer la commande de plus de 2 000 places. La livraison de près de 4 100 places est prévue au regard des programmes déjà lancés.

L'état des bâtiments visés par le plan Hébergement s'améliore doucement. Sur les 53 bâtiments d'hébergement du périmètre considérés comme dégradés ou très dégradés en 2019, environ la moitié ont vu leurs notes d'état s'améliorer en 2024. Sur 64 ouvrages déjà jugés en bon état en 2019, 53 voient leur état s'améliorer ou rester stable. La part des ouvrages qui voient leur état s'améliorer est de 30 %, la part des ouvrages qui restent stables est de 59 %, et la part des ouvrages qui voient leur état se dégrader est de 11 %.

Quelques rapports récents relèvent toutefois le besoin d'outils de pilotage plus fins, qu'il s'agisse de la mesure du célibat géographique et de ses impacts, des points noirs du parc immobilier ou même du niveau d'occupation et des besoins d'hôtellerie, mal appréhendés faute de systèmes d'information unifiés.

Par ailleurs, le ministère poursuit ses actions d'intégration de la transition écologique dans ses projets, et notamment la réduction des consommations énergétiques et de décarbonation des infrastructures et des mobilités non opérationnelles. Douze contrats de performance énergétique ont ainsi été notifiés entre 2011 et à 2024 et plus de 20 devraient être actifs d'ici la fin 2030, pour des gains énergétiques estimés de 40 % à 60 % selon les sites.

La politique du logement absorbera quant à elle 325 M€ en 2025, contre 273 M€ en 2024.

Le parc domanial en métropole est géré depuis le 1er janvier 2023 par la société Nové dans le cadre d'un contrat de concession, le contrat « Ambition Logement ». Ce contrat prévoit notamment la rénovation complète de ce parc ainsi que

La construction de près de 2 800 logements neufs d'ici à 2030. Son exécution semble pour l'instant donner globalement satisfaction.

Il faudra cependant surveiller certains points. À compter du 30 septembre 2025, le concessionnaire sera habilité à proposer aux commandants de base de défense, à la place des bureaux logements, les logements domaniaux à attribuer aux candidats. Les modalités informatiques de cette compétence sont en cours d'élaboration.

Le déploiement du système d'information Atrium avait justement permis, depuis 2022, d'améliorer progressivement le service rendu aux usagers en dématérialisant une grande partie de la procédure, qui restait un irritant pour beaucoup de demandeurs.

Plus généralement, l'amélioration du taux de réalisation des demandes doit rester un objectif prioritaire, en particulier pour les militaires qui font l'objet d'une mutation, qui étaient plus de 50 000 en 2023.

Cette amélioration de l'offre immobilière est accompagnée par un certain nombre de mesures utiles dans le plan « fidélisation 360 », destinées à surmonter les obstacles financiers et administratifs : cautionnement, recherche de dispense de dépôt de garantie, partenariats bancaires, soutien à l'accession à la propriété, amélioration de l'information et du service rendu par la création d'une ligne téléphonique spécifique, etc.

D'une manière générale, les chantiers sont de très grande ampleur, et il faut se féliciter, compte tenu du contexte budgétaire général, que des progrès, aussi lents qu'ils nous paraissent, soient réalisés.

La question fondamentale reste celle de savoir si la restauration des bâtiments du quotidien peut être maintenu à ce rythme sans dommage significatif sur le moral des militaires, ou bien si ce rythme doit être accéléré, mais alors, au détriment des dépenses consenties pour les autres types d'infrastructures. Cette question dépasse, donc, les enjeux du seul programme 212.

Nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212.

M. Alain Cazabonne. - Voilà dix ans qu'un rapprochement est envisagé entre l'hôpital de ma ville de Talence, géré par une fondation protestante, et l'hôpital militaire de la commune voisine de Villenave-d'Ornon. Compte tenu de la taille et des moyens respectifs des deux établissements, l'idéal aurait été de déplacer le premier au sein du second. L'État n'ayant pas d'argent, c'est l'inverse qui a été décidé. Là-dessus, le président Macron décide de soutenir le projet d'un grand hôpital militaire à Marseille, ce qui a dégradé davantage encore les moyens des hôpitaux militaires en Gironde. Alors qu'il devait apporter 20 millions d'euros au projet pour sa deuxième année de construction, le ministère des armées a ramené sa contribution à 3 millions, avant que la somme de 13 millions n'émerge dans la négociation. Je trouve anormal que les engagements pris ne soient pas tenus, même si l'on peut bien sûr discuter du montant.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis. - En tout cas, la rapidité avec laquelle sont traités les chantiers des hôpitaux militaires est très impressionnante. C'est tout à l'honneur de nos armées.

M. Cédric Perrin, président. - La question s'adressait sans doute plutôt aux rapporteurs pour avis du programme 178.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis. - Je n'ai pas été alerté de ce dossier en particulier. Nous avons réussi à arrêter certains démantèlements - je songe à Metz, où je me suis rendue -, et la santé ne s'en tire globalement pas trop mal dans ce budget. Je reste toutefois à votre disposition pour regarder certaines situations locales de plus près.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis. - Michelle Gréaume a raison : le service de santé des armées avait touché le fond, mais il a entamé une petite remontée en puissance. Je voudrais souligner l'effort d'investissement important consenti pour l'hôpital de Laveran, à Marseille. Il produira ses effets en 2030-2031. S'il reste des difficultés ponctuelles localement, nous revenons progressivement à une situation plus normale, en termes d'effectifs notamment.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212.

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