N° 146 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
TOME XI SÉCURITÉS Gendarmerie nationale (Programme 152) |
Par MM. Philippe PAUL et Jérôme DARRAS, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de :
M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal
Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret,
Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau,
Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal,
vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette
Lopez, MM. Hugues Saury, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le projet de loi de finances pour 2025 fait porter un effort important sur l'investissement immobilier et sur le renouvellement du parc de véhicules légers, après deux années quasi-blanches. C'est incontestablement une bonne nouvelle, les rapporteurs ayant manifesté leur vive préoccupation à cet égard lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. Cependant, nous sommes encore loin de ce qui serait nécessaire pour maintenir le parc immobilier domanial à un niveau d'entretien satisfaisant et pour lancer de grands projets. La trajectoire de l'immobilier sera l'un des grands sujets de la gendarmerie pour les prochaines années.
Autre sujet de préoccupation, l'absence de recrutements nets, également prévue dans la police nationale, qui remet en cause la trajectoire prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Elle risque de mettre un coup d'arrêt au déploiement des 239 nouvelles brigades commencé en octobre 2023. À ce jour, 80 brigades ont été mises en place, 57 nouvelles sont prévues sur l'exercice 2025.
I. UN RÉEL EFFORT SUR L'INVESTISSEMENT ET LE FONCTIONNEMENT
La hausse globale du budget de la gendarmerie nationale, en conformité avec la trajectoire prévue par la Lopmi, est marquée, avec 11,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 10,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), contre 10,9 milliards en AE et 10,4 mds en CP dans la loi de finances initiales pour 2024 - soit une augmentation de 500 millions d'euros. Le maintien de cette trajectoire dans un contexte budgétaire aussi contraint est un vrai motif de satisfaction.
De plus, contrairement à l'année dernière, ou une augmentation équivalente avait en réalité été largement absorbée par les dépenses de personnel au titre des diverses mesures de revalorisation issues du Beauvau de la sécurité (290 millions d'euros) et par l'inflation (100 millions d'euros), cette année c'est le « hors titre 2 » qui bénéficie de l'essentiel de la hausse. Les crédits du titre 2 ne sont en hausse que de 80 millions d'euros, qui correspondent à la prise en compte en année pleine des mesures de revalorisation et du schéma d'emploi positif.
A. APRÈS UNE ANNÉE 2024 QUASI-BLANCHE, L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER ET EN MOYENS MOBILES EST RELANCÉ...
Les 500 millions d'euros d'augmentation du « hors titre 2 » ont été principalement consacrés à l'investissement, qui bénéficie d'une augmentation de 218 millions d'euros en AE et 129 millions d'euros en CP.
1. Immobilier : réamorcer la pompe
Cette hausse considérable finance d'abord la relance de l'investissement immobilier, grand oublié des deux derniers exercices. L'exercice 2024 avait été une quasi-année blanche, avec 50 millions d'euros en AE et surtout 13,4 millions d'euros de CP engagés pour les nouvelles opérations immobilières.
Or le besoin annuel en investissement immobilier, incluant les acquisitions et constructions, la maintenance-réhabilitation et les opérations immobilières en partenariat public-privé, d'abord estimé par les services de la gendarmerie à 300 millions d'euros, a été revalorisé à 400 millions pour tenir compte de deux éléments : l'inflation des coûts de construction - environ 30% depuis 2012 - et des dépenses de sécurisation des casernes de plus en plus importantes : le montant des travaux de sécurisation est estimé à 300 millions d'euros, selon le rapport consacré par notre collègue Bruno Belin, de la commission des finances, à l'immobilier de la gendarmerie nationale1(*).
Cette année, les crédits d'investissement immobilier ont été portés à 295,2 millions d'euros en AE - le signe d'une volonté de « réamorcer la pompe » de l'investissement, et 175,5 millions d'euros en CP.
Le programme immobilier inclut 120 millions d'euros de maintenance non spécialisée, « notamment un plan d'urgence permettant de traiter des points noirs immobiliers relatifs à la sécurité des biens et des personnes et de réinvestir sur la sécurisation des casernes2(*) ». L'urgence est réelle, avec 649 casernes domaniales dont les logements ont 51 ans en moyenne, les locaux de service et techniques 58 ans3(*).
Il comprend également 180 millions d'euros consacrés aux opérations de construction et de maintenance spécialisée :
· 70 millions au titre d'opérations de réhabilitation,
· 17,5 millions au titre d'opérations de réhabilitation avec extension ou déconstruction,
· 57 millions au titre d'opérations de construction, qui incluent 22,8 millions d'euros d'études,
· 3 millions en AE et 5,9 millions en CP au titre de l'amorçage du marché de partenariat de Versailles-Satory.
A plus long terme, la programmation immobilière sera dominée par quatre projets structurants :
· celui de Satory, où sont hébergés le groupement blindé de la gendarmerie nationale (GBGM) et le GIGN, avec la réhabilitation d'un millier de logements et la construction de plus de 200 autres, pour un coût estimé de 600 millions d'euros ;
· celui de Dijon, qui comprend l'école de gendarmerie et le quartier Deflandre, caserne très vétuste, pour un coût de 200 millions d'euros ;
· celui du COMGEND (commandement de la gendarmerie) de Mayotte, pour un coût de 164 millions d'euros,
· celui de Melun, avec la rénovation du quartier Lemaître et la restructuration de l'académie militaire de la gendarmerie nationale, pour un coût de 400 millions d'euros.
2. Moyens mobiles : un effort bienvenu
Un effort a également été consenti sur les moyens mobiles, avec 119,8 millions d'euros en AE et en CP qui permettront d'acquérir 1 850 véhicules légers l'an prochain. C'est beaucoup, comparé aux 7 millions d'euros l'an dernier qui ont servi à acquérir 185 véhicules, dont 160 pour doter les nouvelles brigades - autrement dit, la quasi-totalité du parc existant a vieilli d'un an. Mais c'est environ la moitié de ce qui serait nécessaire pour maintenir l'âge du parc à son niveau actuel, sachant qu'il est nécessaire de renouveler l'ensemble du parc tous les dix ans environ. Rappelons qu'au regard des zones dans lesquelles intervient la gendarmerie, le véhicule est, plus encore que dans la police, un composant essentiel de la mission du gendarme.
* 1 Rapport d'information sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, adopté par la commission des finances le 10 juillet 2024.
* 2 Réponse à un questionnaire adressé par les rapporteurs à la direction des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale.
* 3 Données issues du rapport d'information sur l'immobilier de la gendarmerie nationale.