B. LES RETARDS DE L'ÉTAT METTENT L'ANRU EN DIFFICULTÉ
Le PLF 2025 ne prévoit, pour l'instant, pas de contribution de l'État au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) piloté par l'ANRU.
Sur les 12 milliards prévus pour le NPNRU, l'État s'est engagé à verser 1,2 milliard d'euros d'ici 2033, dont au moins 300 millions d'euros entre 2023 et 2027. L'ANRU avait d'ailleurs demandé de porter la part de l'État sur cette période à 600 millions d'euros.
Mais l'État a accumulé un retard considérable. À ce jour, l'État n'a versé que 107 millions d'euros à l'ANRU, soit à peine 9 % du montant prévu d'ici 2033. En comparaison, Action Logement et les bailleurs sociaux ont respectivement versé 24 et 31 % de leur dû.
La rapporteure estime que le manquement de l'État à ses engagements n'est pas acceptable, et ce d'autant plus que la carence de l'État risque de mettre l'ANRU en difficulté financière en plein coeur de la phase opérationnelle du NPNRU.
Le dynamisme du déploiement du NPNRU a conduit l'ANRU à engager 1,8 milliard d'euros de dépenses en 2023. Ce montant devrait atteindre 2,1 milliards en 2024. Sur le triennal 2024-2026, l'ANRU doit, pour continuer la mise en oeuvre des opérations au rythme prévu, décaisser environ 1 milliard d'euros par an jusqu'en 2029.
LE NPNRU EN CHIFFRES FIN 2024
Au 30 septembre 2024, 13,9 milliards d'euros de concours financiers sont alloués au titre du NPNRU (10,6 milliards en subventions et 3,3 milliards en prêts bonifiés). Ces montants doivent servir à :
- la démolition de 106 000 logements (76 % des opérations engagées) ;
- la réhabilitation de 146 000 logements (64 % des opérations engagées) ;
- la production de 177 000 logements ;
- la production de 1 300 équipements de proximité ou à vocation économique.
Sur la seule année 2024, des opérations sur plus de 56 000 logements ont été engagées, signe du dynamisme du NPRNU.
Or le prolongement de cette phase opérationnelle ne serait pas soutenable à moyen terme en raison du soutien financier insuffisant de l'État et des difficultés des collectivités. Selon ses estimations, au rythme actuel, la trésorerie de l'ANRU deviendrait déficitaire en 2026. Selon un scénario dégradé, l'ANRU pourrait ralentir la cadence des projets, ce qui lui permettrait de réduire les nouveaux engagements financiers de 600 millions d'euros et les paiements de 400 millions d'euros sur les deux prochaines années. Toutefois, même en suivant cette hypothèse, la trésorerie de l'ANRU deviendrait déficitaire en 2027. Cette situation la mettrait dans l'impossibilité d'honorer ses engagements et entacherait gravement sa crédibilité auprès de ses partenaires.
Face à ces difficultés, la rapporteure recommande quatre solutions.
Tout d'abord, comme les années passées, estimant que l'État doit contribuer à la politique de rénovation urbaine, la commission a adopté sur proposition de la rapporteure un amendement visant à rétablir la contribution de l'État à l'ANRU, à hauteur de 50 millions d'euros.
Lors de son audition devant la commission le 12 novembre 2023, Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, a aussi fait part de l'intention du Gouvernement de déposer un amendement au cours des débats au Sénat pour permettre le versement par l'État de 50 millions d'euros à l'ANRU.
Toutefois, ce ne sera pas suffisant et il convient d'envisager de reporter la date de fin d'engagement des crédits du NPNRU, actuellement prévue pour 2026, afin de permettre le lissage de la charge pour l'État, de reporter certains projets à un troisième programme de renouvellement urbain, comme cela avait été fait à la fin du premier programme national de renouvellement urbain (PNRU). Enfin, que l'une ou l'autre des premières solutions soient mises en oeuvre ou non, il faudrait réaliser une revue de programme afin de prioriser les projets.
Ces solutions sont des pis-aller conduisant toutes à retarder la mise en oeuvre du NPNRU, ce qui revient à reporter l'amélioration des conditions de vie des habitants. En outre, le principe d'un troisième plan national de rénovation urbaine n'est ni acté, ni financé. Toutefois, ces solutions sont moins mauvaises que le renoncement à des projets de rénovation, après avoir constaté la défaillance de telle ou telle collectivité, alors même que le NPNRU est un succès.
La rapporteure a encore pu le constater cette année à La Courneuve où le NPNRU a permis le remplacement des grandes barres de la Cité des 4 000 par de petits immeubles et des rues arborées. Aux Francs-Moisins, des démolitions et reconstructions sont également en cours pour remplacer des immeubles dégradés inaugurés en 1974 et construits à la hâte pour faire disparaître un des plus grands bidonvilles de France.
Malgré les rénovations, certains quartiers prioritaires, comme à Saint-Nazaire, restent victimes du trafic de drogue et d'armes. Si une présence policière renforcée permet d'atténuer la pression sur les habitants, les maires sont insuffisamment outillés pour faire face à ce phénomène, dont le champ excède très largement celui les QPV. Comme l'a souligné la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic en France, seule une politique globale et de grande ampleur permettra de lutter efficacement contre le trafic de drogue.