- L'ESSENTIEL
- I. LE PLF 2025 CONFORTE QUAND MÊME LA
DYNAMIQUE DE RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE
- II. L'AVENIR PASSE PAR UN SOUTIEN CIBLÉ,
CONTINU ET APPUYÉ À LA RECHERCHE NUCLÉAIRE, SPATIALE ET
NUMÉRIQUE
- A. LES CAPACITÉS DE RECHERCHE
NUCLÉAIRE DEVRAIENT ÊTRE DURABLEMENT RENFORCÉES POUR
ASSURER NOTRE AVENIR ÉNERGÉTIQUE
- B. LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE A PLUS
QUE JAMAIS BESOIN DE S'ASSURER D'UN JUSTE RETOUR SUR INVESTISSEMENT
- 1. Après un effort budgétaire soutenu
en gestion, les crédits dédiés à la recherche
spatiale se stabilisent pour atteindre la cible prévue par la LPR
- 2. La contribution française au budget
triennal de l'Agence spatiale européenne pourrait toutefois être
durablement affectée par les décisions budgétaires prises
en 2024
- 1. Après un effort budgétaire soutenu
en gestion, les crédits dédiés à la recherche
spatiale se stabilisent pour atteindre la cible prévue par la LPR
- C. LA RECHERCHE DANS LES TECHNOLOGIES
NUMÉRIQUES DEVRAIT ÊTRE CONFORTÉE COMME CONDITION
ESSENTIELLE DE NOTRE SOUVERAINETÉ
- 1. Le renforcement de nos capacités de
recherche en matière numérique est indispensable pour assurer
notre avenir technologique
- 2. Les grands opérateurs de recherche
devraient poursuivre leurs efforts pour aligner leurs projets de recherche avec
les priorités nationales définies en matière de
numérique
- 1. Le renforcement de nos capacités de
recherche en matière numérique est indispensable pour assurer
notre avenir technologique
- A. LES CAPACITÉS DE RECHERCHE
NUCLÉAIRE DEVRAIENT ÊTRE DURABLEMENT RENFORCÉES POUR
ASSURER NOTRE AVENIR ÉNERGÉTIQUE
- III. LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE ACTUEL OUVRE DE
NOUVELLES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE
- I. LE PLF 2025 CONFORTE QUAND MÊME LA
DYNAMIQUE DE RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME V RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR |
Par M. Patrick CHAIZE, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 20 novembre 2024, la commission des affaires économique a adopté les crédits de la mission « Recherche ».
Les crédits ouverts par le projet de loi de finances pour 2025 demeurent en hausse même si, pour la première fois depuis son exécution, la loi de programmation de la recherche est sous-exécutée. En gestion, des efforts significatifs sont réalisés par les opérateurs de recherche pour contribuer à l'effort national de redressement budgétaire. Si ces derniers ont la capacité d'absorber un « choc de redressement » en 2025, le rapporteur estime que la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique initiée ces quatre dernières années se doit d'être confortée dans les années à venir.
Le rapporteur considère également que les moyens alloués à la recherche publique pourraient être mieux ciblés et insiste sur la nécessité de soutenir nos capacités de recherche dans les domaines nucléaire, spatial et numérique afin d'assurer notre avenir énergétique, technologique, économique et surtout notre souveraineté.
Dans le contexte budgétaire actuel, de nouvelles perspectives de réformes sont ouvertes, en particulier celle du crédit d'impôt recherche, afin de soutenir plus durablement et plus efficacement la recherche.
I. LE PLF 2025 CONFORTE QUAND MÊME LA DYNAMIQUE DE RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE
A. LE PLF 2025 OUVRE LA VOIE À UNE STABILISATION PROGRESSIVE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE PUBLIQUE
1. Les crédits dédiés à la recherche publique qui financent les principaux opérateurs demeurent en hausse pour 2025
Au total, pour 2025, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) devraient être de 31,7 Md€ en autorisations d'engagement (AE) et de 31,3 Md€ en crédits de paiement (CP), soit une baisse respective de 2 % et 1,7 % par rapport à l'an dernier. Les prévisions pluriannuelles indiquent toutefois une hausse annuelle, inférieure à 1 %, en AE comme en CP pour les années 2026 et 2027.
La mise en oeuvre de la politique de recherche française ayant été largement déléguée à des opérateurs publics qui concentrent 90 % des crédits « Recherche » de la mission, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (P172) constitue aujourd'hui le principal vecteur de financement de la recherche publique en France car il finance les principaux opérateurs de recherche, dont le Centre national de la recherche scientifique (Cnrs), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), le Centre national d'études spatiales (Cnes), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
Pour 2025, le budget alloué à ce programme augmente légèrement et se stabilise autour de 8,7 Md€ en AE et de 8,3 Md€ en CP et devrait augmenter à hauteur de 2 % par an en 2026 et en 2027. Ainsi, le budget des principaux opérateurs de recherche mentionnés ci-dessous est en légère hausse.
2. Pour la première fois depuis 2021, une sous-exécution de la loi de programmation de la recherche contrainte par l'état des finances publiques
Pour sa cinquième année de mise en oeuvre, c'est la première fois que la trajectoire définie par la LPR n'est pas respectée car, lors des quatre premières années d'exécution, les trajectoires budgétaires et de plafonds d'emplois étaient conformes.
Selon l'article 2 de la loi de programmation de la recherche (LPR), les crédits alloués au P172 auraient dû augmenter davantage que ceux prévus par le PLF 2025. La sous-exécution est de l'ordre de 136 M€, soit 16 % du montant total de la cible prévue par la LPR.
Ainsi, à l'issue de ses auditions, le rapporteur constate le soulagement des opérateurs de ne pas voir leur budget diminuer, même s'ils regrettent la sous-exécution de la LPR en 2025 et s'inquiètent d'une absence de reprise dynamique des dépenses d'investissement d'ici 2030.
B. EN GESTION, LA CONTRIBUTION DES OPÉRATEURS DE RECHERCHE À L'EFFORT NATIONAL DE REDRESSEMENT BUDGÉTAIRE EST SIGNIFICATIVE
1. Après quatre années de renforcement significatif, les moyens d'intervention de l'ANR se stabilisent en 2025
Depuis la mise en oeuvre de la LPR en 2021, l'Agence nationale de la recherche (ANR) est l'opérateur dont les moyens ont été le plus renforcés, avec une hausse de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024. Comme l'an dernier, l'ANR bénéficie d'une hausse de 120 M€ en AE, mais, cette fois-ci, le niveau de CP reste stable, alors que l'opérateur estime ses besoins de décaissement à 210 M€.
Il est toutefois considéré que le niveau de trésorerie de l'ANR, estimé à 134 M€ pour la fin 2024, et le décalage du versement de ses subventions aux laboratoires de recherche lui permettront de réaliser un tel effort budgétaire, pour la seule année 2025, tout en stabilisant le taux de succès de ses appels à projets autour de 25 %.
Évolution du nombre de projets déposés et du taux de sélection de l'ANR
Source : Agence nationale de la recherche
2. En gestion, une plus forte mobilisation des grands opérateurs de recherche pour absorber le « choc de redressement »
Même si leur budget est en légère hausse ou se stabilise dans le cadre du PLF 2025, les auditions du rapporteur mettent quand même en évidence la mobilisation des opérateurs de recherche pour contribuer en gestion à l'effort national de redressement des finances publiques :
· d'une part, le décret du 21 février 2024 annule près de 700 M€ de crédits dédiés à la recherche, dont 383,1 M€ pour le P172 ;
· d'autre part, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 annule près de 260 M€ de crédits dédiés à la recherche, dont 117,9 M€ pour le P172, afin de contribuer à l'annulation globale de 5,6 Md€ de crédits, dont la très grande majorité provient du gel de la réserve de précaution intervenue à l'été 2024.
De ce point de vue, les opérateurs auditionnés par le rapporteur insistent tous sur une plus forte mobilisation de leur fonds de roulement que les années précédentes, certains ayant déjà effectué des prélèvements de trésorerie ces deux dernières années pour absorber une partie des chocs liés à l'inflation, à la hausse des coûts de l'énergie et aux revalorisations successives du point d'indice ou des salaires. Par exemple, le Cnrs indique avoir prélevé 15 M€ en 2023 et 90 M€ en 2024 sur sa trésorerie mobilisable pour faire face à ces effets conjoncturels défavorables, et anticipe un nouveau prélèvement de l'ordre de 90 M€ en 2025.
II. L'AVENIR PASSE PAR UN SOUTIEN CIBLÉ, CONTINU ET APPUYÉ À LA RECHERCHE NUCLÉAIRE, SPATIALE ET NUMÉRIQUE
A. LES CAPACITÉS DE RECHERCHE NUCLÉAIRE DEVRAIENT ÊTRE DURABLEMENT RENFORCÉES POUR ASSURER NOTRE AVENIR ÉNERGÉTIQUE
1. Le renforcement des capacités de recherche du CEA est indispensable à l'avenir de la filière nucléaire française
Alors que la filière nucléaire française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010, faute d'une stratégie appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé ces dernières années trouve des traductions budgétaires dans le PLF 2025, dans la continuité des observations formulées par la commission des affaires économiques l'an dernier.
En juin 2023, l'adoption de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a permis de concrétiser l'ambition du discours de Belfort prononcé par le Président de la République le 10 février 2022.
Au-delà des dispositions prises pour prolonger l'exploitation du parc nucléaire existant, la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR 2 sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey, a été actée.
De plus, lors du Conseil de politique nucléaire du 19 juillet 2023, il a été décidé d'un effort significatif de recherche en faveur des petits réacteurs modulaires (PMR) et innovants (RMA), tout comme le renforcement conséquent des effectifs et des infrastructures de recherche de la branche civile de la filière nucléaire, en grande partie au bénéfice du CEA :
· après une première hausse de 146 ETPT de R&D en 2024, une nouvelle hausse de 88 ETPT de R&D est prévue en 2025, le CEA estimant ses besoins à 500 ETPT de R&D d'ici 2027 pour accompagner la relance de la filière nucléaire, être à la pointe des innovations et demeurer à la frontière technologique ;
· malgré une trajectoire revue à la baisse de 7 M€ par rapport à la loi de programmation des finances publiques de 2023, le CEA pourra financer une installation nouvelle dédiée à la recherche nucléaire dans le domaine des réacteurs à sels fondus qui permettraient d'utiliser d'autres combustibles nucléaires en moindre quantité ;
· au total, pour l'exercice 2025, les moyens alloués à la recherche nucléaire augmentent dans la mesure où le CEA se voit affecter une fraction de la taxe sur les installations nucléaires de base, à hauteur de 240 M€, afin de financer les dépenses associées à la construction du réacteur nucléaire expérimental Jules Horowitz sur le site de Cadarache visant à tester le comportement des matériaux et combustibles sous irradiation.
Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires
2. Les capacités de recherche du CEA pourraient toutefois être contrariées par des décisions budgétaires et fiscales ponctuelles amenuisant son budget d'intervention
Si tous les opérateurs sont contraints de revoir leurs ambitions à la baisse, le rapporteur réaffirme son soutien au CEA ainsi qu'au renouveau de la filière nucléaire française, et partage ainsi les points d'attention suivants :
· le transfert au CEA de l'activité de dosimétrie passive, consécutive à la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à partir du 1er janvier 2025, s'accompagne d'une baisse budgétaire de 2,5 M€ au motif qu'il s'agit d'une activité commerciale, alors que le CEA sera contraint, pour se conformer à la règlementation européenne sur les aides d'État, de séparer comptablement et fonctionnellement cette activité des autres ;
· l'équilibre économique du projet de réacteur Jules Horowitz de Cadarache demeure conditionné au bon versement par les industriels d'une enveloppe de 100 M€ ;
· le changement de jurisprudence relatif à la fin de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties pour les établissements publics industriels et commerciaux pourrait se traduire par un surcoût de 20 M€, non compensée par l'État.
B. LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE A PLUS QUE JAMAIS BESOIN DE S'ASSURER D'UN JUSTE RETOUR SUR INVESTISSEMENT
1. Après un effort budgétaire soutenu en gestion, les crédits dédiés à la recherche spatiale se stabilisent pour atteindre la cible prévue par la LPR
Alors que la loi de programmation prévoyait une cible de 1,907 Md€ pour le programme 193 « Recherche spatiale » (P193) pour l'exercice 2025, le PLF atteint cette cible avec un budget de 1,916 Md€ en AE et en CP, en très légère hausse par rapport à l'an dernier. Cette stabilisation des crédits dédiés à la recherche spatiale s'inscrit dans la continuité des décisions prises les années précédentes en faveur d'un renouveau du soutien public accordé à la politique spatiale, une mobilisation de 9 Mds€ sur la période 2023-2025 ayant été annoncée lors de l'ouverture du Congrès Astronautique International à Paris en septembre 2022.
Le rapporteur salue cette continuité, tout en constatant qu'il existe un risque de sous-exécution de la LPR pour le P193 sur l'exercice 2024 dans la mesure où le décret du 21 février 2024 a annulé 192,9 M€ de crédits tandis que le projet de loi de finances de fin de gestion prévoit une annulation supplémentaire de 100 M€ de crédits sur ce programme.
2. La contribution française au budget triennal de l'Agence spatiale européenne pourrait toutefois être durablement affectée par les décisions budgétaires prises en 2024
Le rapporteur relève toutefois que l'effort de gestion porte sur un décalage du versement de la contribution française au budget triennal de l'Agence spatiale européenne (ESA), à hauteur de 200 M€, ce qui est sans conséquence opérationnelle sur la conduite des programmes spatiaux du Cnes. Alors que la contribution annuelle prévisionnelle de la France était de l'ordre d'1,1 Md€, elle a été abaissée à 864 M€ pour 2024.
La France est désormais le deuxième contributeur national après l'Allemagne, avec des engagements budgétaires qui s'élèvent respectivement à 3,2 et à 3,5 Md€ sur la période 2023-2025. Le rapporteur s'interroge quant à la capacité de souscription de la France pour les années à venir, cette capacité devant être déterminée d'ici la prochaine Conférence ministérielle de 2025 qui fixera le budget de l'ESA pour la période 2026-2028.
Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires
Aujourd'hui, l'enjeu pour la France est surtout d'améliorer son « retour sur investissement » vis-à-vis de la politique spatiale européenne en fonction de ses priorités politiques, économiques, industrielles, scientifiques et technologiques, notamment :
· l'impérative nécessité d'assurer les prochains lancements d'Ariane 6 après le succès du vol inaugural du 9 juillet dernier pour maintenir l'autonomie d'accès à l'espace de la France et de l'Europe ;
· l'exploitation des nouvelles opportunités et des nouveaux besoins grâce à Ariane 6, en particulier pour la mise en orbite des constellations commerciales de connectivité, en parallèle des commandes institutionnelles ;
· l'engagement des entreprises françaises dans le déploiement de la constellation européenne de connectivité sécurisée, indispensable pour soutenir la filière satellitaire française qui connaît un déficit de compétitivité et souffre de difficultés conjoncturelles en 2024 ;
· le besoin d'intensifier le niveau de concurrence au sein du secteur industriel spatial, en accompagnant le développement des jeunes entreprises innovantes et des acteurs émergents, en particulier dans le domaine des lanceurs et des micro-lanceurs ;
· le développement des technologies réutilisables et moins consommatrices d'énergie pour préparer l'avenir de l'exploration spatiale.
Dans ce contexte, le rapporteur estime que la fixation du futur niveau de souscription de la France devrait s'accompagner d'une réflexion plus globale sur la gouvernance spatiale européenne et sur l'articulation des rôles, des programmes et des financements entre l'ESA et la Commission européenne, afin de mieux définir nos priorités.
C. LA RECHERCHE DANS LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES DEVRAIT ÊTRE CONFORTÉE COMME CONDITION ESSENTIELLE DE NOTRE SOUVERAINETÉ
1. Le renforcement de nos capacités de recherche en matière numérique est indispensable pour assurer notre avenir technologique
Convaincu depuis de nombreuses années de la nécessité d'investir dans la recherche, les infrastructures et les technologies numériques pour assurer notre souveraineté, notre sécurité et notre compétitivité, le rapporteur considère que la transition numérique devrait être l'une des grandes priorités de la recherche publique française.
Les enjeux portent à la fois sur la nécessité de lever les verrous scientifiques et technologiques pour accéder aux technologies d'avenir, mais aussi sur l'étude des conséquences des nouvelles technologies et des nouveaux usages numériques afin de mieux comprendre les transitions à l'oeuvre dans notre économie et dans notre société.
Dans la perspective de l'organisation du prochain Sommet mondial sur l'intelligence artificielle à Paris en février 2025, le rapporteur se satisfait de la structuration de l'écosystème de recherche pour poursuivre les objectifs définis par la stratégie nationale de l'intelligence artificielle (SNIA), mais également pour être davantage en adéquation avec les stratégies nationales d'accélération en matière d'informatique en nuage (cloud), de technologies quantiques et de cybersécurité.
2. Les grands opérateurs de recherche devraient poursuivre leurs efforts pour aligner leurs projets de recherche avec les priorités nationales définies en matière de numérique
Le rapporteur salue l'action de l'Inria en matière de recherche numérique, son action reposant sur les grandes priorités nationales et se déclinant en neuf programmes thématiques. C'est pourquoi une Agence des programmes a été instituée en 2024 afin d'accompagner la nouvelle structuration de l'Inria, qui coordonne notamment le volet recherche de la SNIA. Ainsi, l'Inria co-pilote avec le Cnrs et le CEA le programme et équipement de recherche (PEPR) dédié à l'intelligence artificielle (IA) doté de 73 M€ sur six ans afin de développer des solutions d'IA de confiance, d'IA frugale et d'IA embarquée. Il coordonne l'action des neuf IA-Clusters répartis sur l'ensemble du territoire national et élabore un centre national d'évaluation des systèmes d'IA : ce sont tous des objectifs fixés par la SNIA.
Le rapporteur salue également l'action du Cnrs en la matière, qui pilote, entre autres, six PEPR d'accélération dans le champ numérique (cybersécurité, IA, technologies quantiques, industries culturelles et créatives, réseaux du futur, villes connectées et robotique), tout en participant à d'autres PEPR exploratoires dans le domaine du numérique.
Le rapporteur constate également une plus grande importance accordée à la transition numérique dans les actions de l'ANR, et notamment à l'IA, depuis 2018 : par exemple, plus de 150 projets de recherche en IA ont été financés au titre de l'appel à projets générique.
III. LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE ACTUEL OUVRE DE NOUVELLES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE
A. À MOYEN TERME, IL CONVIENT DE PRÉSERVER À HAUTEUR DE NOS MOYENS LA DYNAMIQUE IMPULSÉE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION
1. L'absorption ponctuel d'un « choc de redressement » ne devrait pas avoir pour effet d'enrayer durablement la dynamique de réinvestissements dans la recherche publique
À l'issue de ses travaux, le rapporteur constate que les grands opérateurs de recherche ont accepté la nécessité de contribuer à l'effort national de redressement budgétaire, à la fois par des mesures prises en gestion et par l'acceptation de hausses de budget et d'emplois qui sont moins ambitieuses que prévues.
S'il y a un besoin d'absorber le « choc de redressement » pour 2025, le rapporteur rappelle qu'en matière de recherche l'objectif demeure d'atteindre 3 % du PIB en dépenses de R&D pour se conformer aux standards des pays qui se situent à la frontière de l'innovation technologique.
Tout en reconnaissant la nécessité de stabiliser ponctuellement la dynamique impulsée ces quatre dernières années, le rapporteur appelle à préserver une dynamique d'investissements dans les années à venir afin de ne pas perdre le bénéfice des quatre premières années d'exécution de la LPR, même si cela supposerait d'adopter un mode de financement de la recherche publique plus sélectif et plus en adéquation avec les grandes priorités énergétiques, numériques, économiques, technologiques et industrielles.
2. Aujourd'hui, l'activation de la clause de revoyure de la loi de programmation de la recherche est plus que nécessaire
L'article 3 de la loi de programmation de la recherche dispose que cette programmation fait l'objet d'une actualisation au moins tous les trois ans, notamment pour vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés et les moyens consacrés, y compris les moyens financiers.
Alors que la première actualisation de la loi aurait dû intervenir en 2023, ce travail n'a jusqu'à présent pas été fait, ne permettant pas d'en corriger la trajectoire. Cette situation est d'autant plus regrettable que les décisions prises en gestion risquent de conduire à une sous-exécution de la LPR dès 2024 et pour les années à venir.
Dans la continuité des observations formulées l'an dernier, le rapporteur insiste sur la nécessité de mener rapidement, de façon concertée et transparente, un premier travail d'actualisation de la LPR. Il estime également qu'une telle actualisation devrait être l'opportunité de mener une réflexion sur le financement des infrastructures de recherche, une dimension actuellement moins présente de la LPR, mais tout aussi indispensable.
B. LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE ACTUEL PERMET ENFIN D'ENVISAGER UNE RÉFORME DU CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE
1. Depuis plusieurs années, le Sénat a proposé des pistes de réforme qui n'avaient jusqu'à présent pas été retenues par les Gouvernements précédents
Si les crédits alloués permettent avant tout de financer la recherche publique, le rapporteur considère qu'une politique efficace de soutien à la recherche repose aussi sur un partenariat d'ampleur avec les entreprises innovantes, qui bénéficient aujourd'hui de nombreuses incitations budgétaires et fiscales. La principale demeure le crédit d'impôt recherche (CIR), facteur d'attractivité, mais dont l'efficacité est contestée depuis sa dernière réforme en 2008.
Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires
Alors que les Gouvernements précédents s'étaient engagés à présenter une réforme du CIR qui n'a jamais eu lieu, le rapporteur souhaiterait rappeler que les récents travaux transpartisans de la mission d'information du Sénat sur l'excellence de la recherche ont proposé de le réformer à moyens constants afin de mieux cibler les TPE-PME innovantes :
· suppression du taux de 5 % au-delà du plafond de 100 M€ ;
· calcul du CIR au niveau du groupe et non de chaque filiale pour les entreprises pratiquant l'intégration fiscale ;
· augmentation à due concurrence du taux applicable jusqu'à 100 M€ de dépenses afin de compenser l'impact budgétaire de ces deux réformes cumulées.
2. Aujourd'hui, une réforme du crédit d'impôt recherche permet d'envisager la prorogation d'autres dispositifs de soutien à l'innovation
Pour la première fois depuis plusieurs années, les débats parlementaires autour du PLF 2025 sont propices à une réforme du CIR, d'autant plus qu'il n'est ni proposé de reconduire le crédit d'impôt innovation (CII), ni le dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes (JEI). Sur ce dernier point, cela se traduit par une baisse de 93 % des crédits alloués au financement de l'action 2 « Soutien et diffusion de l'innovation technologique » du programme 192 « Recherche en matière économique et industrielle » (P192), alors que la LFI 2024 avait accordé un financement de 301,6 M€ au dispositif JEI.
Toutefois, face à la forte mobilisation parlementaire et de l'écosystème de la recherche et des start-ups, le rapporteur relève avec intérêt le changement de position du Gouvernement qui, lors de la première lecture du PLFSS à l'Assemblée nationale, a souhaité rétablir l'exonération JEI à hauteur de 220 M€, conformément aux dernières prévisions de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Le rapporteur appelle le Gouvernement à confirmer ce choix dans la suite de la navette parlementaire, ce qui nécessitera en parallèle d'amender le PLF 2025 pour compenser à l'ACOSS ces exonérations.
Le rapporteur souscrit également aux propositions de réformes de l'assiette du CIR adoptées par la commission des finances du Sénat à l'initiative de son rapporteur général et dans la continuité de la revue des dépenses effectuée par l'IGF, notamment pour :
· supprimer le dispositif « jeunes docteurs » ;
· exclure des frais liés aux brevets, des dépenses de normalisation et des dépenses de veille technologique ;
· modifier le niveau de prise en compte des frais de fonctionnement.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 20 novembre 2024, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Patrick Chaize sur la mission « Recherche » du projet de loi de finances pour 2025.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » de notre collègue Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Au total, pour 2025, les crédits de cette mission sont en baisse d'environ 2 % par rapport à ceux de l'an dernier et devraient s'élever à 31,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 31,3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Toutefois, le périmètre suivi depuis plusieurs années par la commission des affaires économiques ne porte pas sur l'ensemble de cette mission mais correspond aux crédits alloués à la recherche par le programme 172 dédié aux recherches pluridisciplinaires, le programme 190 dédié à la recherche énergétique, le programme 191 dédié à la recherche duale, le programme 192 dédié à la recherche économique et industrielle et le programme 193 dédié à la politique spatiale.
Sur ce périmètre, la tendance est plutôt à la stabilisation, et non à la baisse. Les budgets alloués aux grands opérateurs de recherche sont même en légère hausse, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel et dans la mesure où 90 % des crédits alloués à la recherche publique sont d'abord octroyés aux opérateurs de recherche.
Alors que mes prédécesseurs avaient pris l'habitude de dire qu'ils n'auditionnaient que des gens heureux, je dois quand même reconnaître que ce n'est plus le sentiment qui prédomine aujourd'hui. J'évoquerais le soulagement et l'inquiétude.
D'abord, le soulagement car, en comparaison des économies budgétaires réalisées sur d'autres postes de dépenses, la recherche publique est plutôt préservée au sein du budget général de l'État, même si des efforts importants ont été consentis en gestion au cours de l'année 2024.
Ensuite, l'inquiétude car, pour la première fois depuis son application, la loi de programmation de la recherche est sous-exécutée tandis que sa clause de revoyure n'a toujours pas été activée. Jusqu'à présent, les trajectoires budgétaires et d'emplois étaient respectées. Pour l'exercice 2025, les trajectoires sont en hausse, mais moins ambitieuses que prévu. Par exemple, la sous-exécution est de l'ordre de 136 millions d'euros pour le financement du programme 172 dédié aux opérateurs de recherche, soit 16 % de moins que la cible prévue par la loi de programmation.
L'inquiétude des opérateurs s'explique aussi au regard d'une plus forte mobilisation budgétaire au cours de l'année 2024 afin d'absorber le « choc de redressement ». Ainsi, le décret du 21 février 2024 annule près de 700 millions d'euros dédiés à la recherche tandis que le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 en annule près de 260 millions.
Si les opérateurs ont la capacité d'absorber un tel choc ponctuel, par des prélèvements sur leur fonds de roulement ou par le décalage de versements et de contributions, la question se pose plutôt au-delà de la période 2024-2025. En effet, à moyen terme, il est primordial de préserver l'objectif de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en dépenses de recherche et développement (R&D) afin de se conformer aux standards d'investissement d'autres pays se situant à la frontière de l'innovation technologique. Dans les années à venir, il convient de préserver une dynamique de réinvestissement dans la recherche publique.
De ce point de vue, n'oublions pas non plus que l'écosystème de la recherche et les entreprises bénéficient aussi des moyens alloués par les plans d'investissement d'avenir et par France 2030, qui amplifient les effets de la loi de programmation de la recherche. La dispersion des crédits au sein des projets de loi de finances nous amène parfois à l'oublier.
Dans le contexte budgétaire actuel, je crois que nous ne devons pas être timides et que nous devons plaider pour un mode de financement de la recherche publique plus sélectif, davantage en adéquation avec les priorités énergétiques, numériques, économiques, technologiques et industrielles. C'est pourquoi je souhaiterais insister sur trois politiques sectorielles de recherche qui me paraissent nécessiter un soutien ciblé, continu et appuyé : le nucléaire, le spatial et le numérique.
Sur la politique de recherche nucléaire, d'abord. Alors que la filière française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010, faute d'une stratégie appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé ces dernières années continue de trouver des traductions budgétaires significatives dans ce projet de loi de finances, dans la suite des observations formulées par notre commission l'an dernier.
Ainsi, le renforcement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) se poursuit, avec par exemple une hausse prévue de 88 postes dédiés à la recherche, après une première hausse de 146 postes l'an dernier. Même si ce renforcement est moins ambitieux qu'espéré, les moyens alloués à la recherche nucléaire civile augmentent, notamment grâce à l'affectation d'une fraction de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB), à hauteur de 240 millions d'euros pour l'an prochain.
Parce que je suis convaincu de l'impérieuse nécessité de renforcer les capacités de recherche du CEA, je me permets quand même de partager avec vous quelques points d'attention budgétaire : le changement de jurisprudence relatif à la fin d'exonération de taxe foncière pour les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) pourrait se traduire par un surcoût non compensé de 20 millions d'euros ; l'équilibre économique du projet de réacteur expérimental sur le site de Cadarache demeure conditionné au bon versement par les industriels d'une enveloppe de 100 millions d'euros ; le transfert de l'activité de dosimétrie passive au CEA, qui permet de mesurer le niveau d'exposition aux rayonnements ionisants, consécutive à la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à compter du 1er janvier 2025, s'accompagne d'une baisse budgétaire injustifiée de 2,5 millions d'euros. Ce n'est pas de nature à mettre en péril le budget du CEA, mais je souhaitais quand même le signaler car les discussions se poursuivent avec le ministère.
Ensuite, je souhaiterais également évoquer le financement de la politique spatiale, qui est aujourd'hui à la croisée des chemins.
En gestion, l'effort budgétaire a été significatif, puisqu'environ 292 millions d'euros de crédits ont été annulés. Cet effort budgétaire est sans conséquence opérationnelle sur les programmes spatiaux du Centre national d'études spatiales (Cnes) dans la mesure où ce sont les versements au budget de l'Agence spatiale européenne (ESA) qui ont été décalés.
Ainsi, pour l'année 2024, alors que la contribution française devait être supérieure à 1 milliard d'euros, elle a finalement été abaissée à 864 millions d'euros. Le différentiel sera dû dans tous les cas, puisque la France s'engage sur sa souscription pour une période de trois ans. Mais je m'interroge sur notre future capacité de souscription, la France étant déjà le deuxième contributeur au budget de l'ESA après l'Allemagne.
Dans la perspective de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA, en 2025, l'enjeu pour la France est surtout de s'assurer d'un juste « retour sur investissement » en fonction de nos priorités qui seront, au cas par cas, mieux défendues par l'ESA ou par la Commission européenne. Sur ce point, je crois qu'il y a un grand besoin de déterminer la nouvelle stratégie de la politique spatiale française, surtout en termes de gouvernance.
Je ne peux terminer la présentation de mon rapport sans vous dire quelques mots du numérique. Je suis convaincu depuis longtemps de la nécessité d'investir dans la recherche, les infrastructures et les technologies numériques pour assurer notre souveraineté, notre sécurité et notre compétitivité.
Je salue les actions mises en oeuvre par les grands opérateurs de recherche, notamment l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le CEA, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour orienter et adapter leurs projets de recherche en fonction des grandes priorités nationales définies en matière de numérique, en particulier pour poursuivre les objectifs fixés par la stratégie nationale d'intelligence artificielle. Encore une fois, je crois que la recherche devrait être plus ciblée et mieux alignée avec les priorités politiques, scientifiques et technologiques nécessaires à l'avenir du pays.
Enfin, au-delà d'un soutien public affirmé, une politique efficace de soutien à la recherche repose aussi sur une politique partenariale d'ampleur avec les entreprises innovantes, qui bénéficient aujourd'hui de nombreuses incitations budgétaires et fiscales, et en premier lieu du crédit d'impôt recherche (CIR) dont les dépenses devraient être supérieures à 7,5 milliards d'euros pour l'année 2025.
Dans le contexte budgétaire actuel, je crois que les débats parlementaires sont enfin mûrs pour réformer le CIR, qui n'a pas connu de modification significative depuis 2008.
Alors que les gouvernements précédents s'étaient engagés à présenter une réforme du CIR, qui n'a jamais eu lieu, je souhaite rappeler que le Sénat propose depuis plusieurs années des pistes de réforme.
Surtout, la semaine dernière, la commission des finances a adopté, sur proposition de son rapporteur général, un amendement visant à modifier le CIR, notamment pour exclure de son assiette les frais liés aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique et pour réduire le taux de prise en compte des frais de fonctionnement.
De telles propositions vont dans le bon sens et permettront de « briser le tabou » de la modification du CIR afin d'envisager une réforme plus ambitieuse dans les années à venir, notamment au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
Même si l'ambition est moindre que prévu, je vous propose d'adopter les crédits de la mission, car la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique demeure confortée, au moins pour 2025, par ce projet de loi de finances.
Mme Micheline Jacques. - La délégation sénatoriale aux outre-mer s'est rendue en octobre dernier en Polynésie dans le cadre d'une mission sur l'adaptation des modes d'action de l'État aux réalités des territoires. La Polynésie compte 78 îles, réparties sur 5,6 millions de km2. Le numérique y est indispensable pour assurer les communications. Faute de solution française, certains maires ont malheureusement dû se tourner vers les États-Unis et faire appel à Starlink. Il est donc nécessaire de poursuivre nos efforts en ce domaine.
M. Daniel Salmon. - Un point n'a pas été abordé, celui de l'enseignement supérieur agricole public, dont les crédits baissent de 2,6 %. Les dépenses de personnel diminuent ainsi de 6 millions d'euros, les bourses de 4 millions d'euros. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux, quand l'enseignement privé agricole voit ses crédits augmenter de 17 %. L'enseignement public doit prendre toute sa place.
M. Franck Montaugé. - Le rapporteur pour avis a relevé quelques points préoccupants, notamment en matière de numérique, pour l'avenir et la souveraineté du pays. Compte tenu de ces difficultés, nous ne pourrons pas approuver ces crédits.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Notre groupe approuvera les crédits de cette mission. Nous avons mené avec la commission des affaires européennes une mission sur la recherche spatiale et les enjeux des satellites. Où en sont les projets Iris et OneWeb ? Les Américains, de leur côté, avancent très vite et nous risquons de laisser passer des opportunités. Quel est votre point de vue, Monsieur le rapporteur ?
M. Fabien Gay. - Une réflexion, d'abord. Dans le domaine spatial, nous, Européens, somme des nains, et le soutien que les Américains peuvent apporter à certaines entreprises privées est sans commune mesure avec ce que nous pouvons faire.
Une question, ensuite, qui porte sur le CIR. Quelle modification proposez-vous, Monsieur le rapporteur ? Chaque fois que nous entendons un grand patron, il nous explique qu'il n'y faut rien changer. Pour autant, l'exemple de Sanofi et d'autres encore nous amènent à nous demander, comme le Premier ministre, où passe l'argent. Il faudrait conditionner le dispositif au maintien de l'emploi.
Notre groupe se prononcera contre les crédits de cette mission.
M. Daniel Gremillet. - S'agissant du CIR, il est indispensable que les entreprises qui en bénéficient investissent en France.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Je répondrai d'abord à M. Salmon que l'enseignement supérieur agricole ne relève pas des attributions de la commission des affaires économiques, mais de celles de la commission de la culture.
Pour le déploiement du spatial numérique, nous atteignons un point de bascule : tout retard vis-à-vis des Américains deviendra vite irrattrapable. J'ajoute que Starlink pose des questions de sécurité et de souveraineté. Nous devons disposer au niveau européen, dans ce domaine qui a beaucoup évolué, de nos propres outils.
Concernant le CIR, qui est une mesure fiscale, le débat se tiendra en séance plénière, à l'occasion de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Certains témoignages portant sur des abus du dispositif sont troublants. Nous devons parvenir à un nouvel équilibre et dissiper toute ambiguïté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
· Personnes entendues
Mardi 5 novembre 2024
- Agence nationale de la recherche (ANR) : Mme Claire GIRY, présidente-directrice générale, M. Vincent COTTET, directeur général délégué à l'administration et au budget, et Mme Cécile SCHOU, conseillère relations institutionnelles.
Mercredi 6 novembre 2024
- Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) : M. Bruno SPORTISSE, président-directeur général, et Mme Sandrine MAZETIER, directrice générale déléguée à l'appui aux politiques publiques.
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : Mme Marie-Astrid RAVON-BERENGUER, secrétaire générale, et M. Thibault TAILLANDIER, chargé d'affaires publiques et institutionnelles.
Vendredi 8 novembre 2024
- Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) : MM. Nicolas JEANJEAN, directeur général par intérim, et Guilhem de ROBILLARD, chef du service de la performance.
Mardi 12 novembre 2024
- Centre national de la recherche scientifique (Cnrs) : MM. Antoine PETIT, président-directeur général, et Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.
Mercredi 13 novembre 2024
- Centre national d'études spatiales (Cnes) : MM. Philippe BAPTISTE, président-directeur général, Pierre TREFOURET, directeur du cabinet du Président, et Nicolas HENGY, directeur financier.
Jeudi 14 novembre 2024
- Direction générale des entreprises (DGE) : Mmes Élodie MORIVAL, sous-directrice du pilotage, de la stratégie, et de la performance au secrétariat général, Amandine REIX, sous-directrice du spatial, de l'électronique et du logiciel, Capucine GIRARD, chargée de mission programmation et performance spatiales, et Eléonore LE BIHAN, adjointe à la cheffe de bureau des affaires budgétaires.
· Contributions écrites
- Air Liquide
- France Digitale
- Numeum
- Sanofi
- Syntec Ingénierie
Le rapporteur regrette que la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) n'a pas souhaité, au contraire des autres personnes entendues, répondre par écrit aux questions qui lui ont été posées.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :