II. « FAIRE NATION » : ABONDER LA RÉSERVE, DIFFUSER LA CULTURE DE DÉFENSE DANS LA SOCIÉTÉ
A. ABONDER LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE AUX NIVEAUX PRÉVUS PAR LA LPM : DES EFFORTS À NE PAS RELÂCHER
1. Une trajectoire de recrutement qui appelle des efforts importants
L'article 7 de la loi de programmation militaire a fixé un objectif ambitieux d'augmentation des effectifs de volontaires de la réserve opérationnelle militaire, « portés à 80 000 en 2030 puis à 105 000 au plus tard en 2035 pour atteindre l'objectif, y compris en outre-mer, d'un pour deux militaires d'active ».
Calendrier d'augmentation des effectifs de la réserve opérationnelle fixé en LPM
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
|
Cibles d'augmentation nette des effectifs |
3 800 |
3 800 |
4 400 |
5 500 |
6 500 |
7 500 |
8 500 |
40 000 |
Source : Article 7 de la LPM 2024-2030.
Les effectifs de la réserve opérationnelle devraient s'établir, à la fin de l'année 2023, à environ 39 500. Si ce chiffre est confirmé, la parenthèse à la baisse ouverte par la pandémie de Covid-19 serait effectivement refermée, mais ne serait alors pas tout à fait retrouvé le niveau atteint en 2019.
Évolution des effectifs de la réserve opérationnelle
Source : commission des affaires étrangères, d'après les chiffres communiqués par le DIAR.
La loi de programmation militaire pour 2024-2030 comprend certes un certain nombre de mesures susceptibles de faciliter l'atteinte des objectifs de recrutement fixés. Ils sont rappelés dans le tableau ci-dessous.
Les apports de la loi de programmation
militaire
en faveur de la réserve opérationnelle
- augmentation de la limite d'âge pour servir dans la réserve à 72 ans ;
- modification des conditions de convocation des anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité (réserve opérationnelle de niveau 2) dans les cinq années suivant leur retour à la vie civile : la durée est portée à cinq jours par an sur une période de cinq ans et la nature des activités susceptibles d'être réalisées à cette occasion est élargie à l'évaluation et au maintien de leurs compétences ;
- facilitation de la convocation des réservistes : le nombre minimal de jours de convocation pouvant être réalisés pendant le temps de travail sans l'accord préalable de l'employeur civil est porté de cinq à dix pour les entreprises de plus de cinquante salariés ;
- ouverture de la faculté de souscrire un engagement à servir dans la réserve aux militaires d'active dans un nombre plus important de positions de non-activité ;
- assouplissement des règles de détermination de l'aptitude des réservistes opérationnels ;
- élargissement des possibilités d'affectation et d'emploi des réservistes opérationnels (administration, établissement public ou organisme public, autorité publique indépendante ou organisation internationale) ;
- ouverture de la faculté d'avancement aux réservistes spécialistes ;
- clarification des conditions d'appel ou de maintien en activité de la réserve opérationnelle de niveau 2, désormais définies par décret en conseil d'État.
2. Des doctrines d'emploi en voie de structuration
Dans l'armée de terre, les progrès du recrutement devront permettre d'enrichir d'une à deux sections supplémentaires les unités élémentaires de réserves, et d'hybrider avec des réservistes les unités d'active, y compris au sein des états-majors. L'hybridation est d'ailleurs déjà expérimentée, et a conduit, à la fin octobre 2023, à la conduite de deux exercices :
- l'exercice Vézinet 2, dans le Loir-et-Cher, a ainsi permis aux réservistes des différents régiments 2e brigade blindée de s'entraîner avec les militaires d'active - soit 250 à 300 militaires en tout - dans un scénario « tourné vers la guerre de haute intensité » ;
- l'exercice Vulcain, dans l'Allier, a mobilisé 300 réservistes des 4e brigade d'aérocombat, du 28e régiment de transmissions et des 24e, 92e et 126e régiments d'infanterie, dans le cadre d'un scénario de type « contrôle de zone », en appui des services de l'État.
L'année 2024 devrait voir la création de 6 bataillons de réserve et de 4 unités outre-mer, ainsi que deux types d'expérimentations. D'une part, la constitution de « réservoirs de compétences » par la création d'un bataillon de réserve de spécialistes du renseignement, dont le modèle sera étendu ensuite au domaine cyber. D'autre part, le rattachement du 24e régiment d'infanterie, régiment de réservistes, au commandant de la zone de défense Ile-de-France.
En 2025, l'armée de terre prévoit la création de 6 bataillons de réserve supplémentaires, d'expérimenter des « réservoirs de compétences dans les domaines de la logistique et de la maintenance, de consolider des unités élémentaires d'active par hybridation en y intégrant au moins une section de réserve par unité. Restent à ce stade à l'étude : la mise sous le contrôle opérationnel de l'officier général de zone de défense des unités de réserve implantées dans les déserts militaires ou les grandes agglomérations, ainsi qu'un statut de volontaire intermédiaire entre les positions statutaires active et réserve.
L'adossement des réserves aux brigades devra renforcer l'épaisseur organique de l'armée de Terre dans l'ensemble des zone de défense et améliorer sa réactivité opérationnelle.
L'armée de l'air et de l'espace, envisage d'abord la création d'unités opérationnelles de réservistes, appelées à couvrir un assez large spectre d'emplois : unités aériennes, unités de sécurité et de protections, unités spécialisées dans la cyber-sécurité et dans les systèmes d'information et de communication. Ces unités pourront être sollicitées, en fonction des missions à réaliser, soit de façon isolée, soit dans le cadre de la future base aérienne de réserve.
Celle-ci est conçue comme un « outil de combat » à part entière, employable et déployable aussi bien sur le territoire national qu'à l'étranger. L'armement de ses différents postes sera rendu possible par le principe de « doublons » sur les postes des bases actuelles, qui permettra de générer progressivement les spécialistes nécessaires au sein de la réserve.
Enfin, la montée en puissance de la réserve doit permettre au Commandement territorial de l'armée de l'air et de l'espace, créé en septembre 2023, de disposer de ressources au service de ses missions, principalement la défense-sécurité, et la protection élargie aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, ainsi que la sécurité incendie et la neutralisation, l'enlèvement et la destruction des explosifs sur le territoire national, notamment en cas de crise.
Dans la marine nationale, la rénovation de la réserve s'est déjà traduite, le 1er juillet 2023, par la création des 14 premières unités de réservistes opérationnels, unités spécialisées par milieux d'emploi intégrées directement dans les différentes forces maritimes et grandes unités de la Marine (Force d'action navale, forces sous-marines, aéronautique navale, service de soutien de la flotte, CECMED, ...). Deux unités de réservistes spécialisées ont déjà été créées dans les domaines du numérique et de la formation.
Dans son volet territorial, la montée en puissance des réserves de la marine servira à la création de 3 flottilles côtières composées chacune de 10 escouades, implantées dans 30 villes littorales, auxquelles s'ajouteront 6 escouades déployées outre-mer. Les flottilles côtières seront un réservoir de force mobilisable en soutien des unités d'active en cas de crise. Par temps ordinaires, elles contribueront à la posture permanente de sauvegarde maritime du territoire en exerçant des missions de défense maritime du territoire et d'action de l'État en mer pour des tâches de prévention des mauvaises pratiques.
3. Une organisation des moyens de recrutement rendue plus cohérente
Le pilotage de la réserve a été simplifié par une instruction du 17 août 20236(*). Celle-ci responsabilise, respectivement, le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement, le secrétaire général pour l'administration et le secrétaire général de la garde nationale, dans la définition et la mise en cohérence, financière et territoriale, de la politique de recrutement, de formation et d'emploi des réservistes.
Créée à l'été 2023, la nouvelle division « cohésion nationale » de l'état-major des armées exerce les attributions du chef d'état-major des armées dans le domaine de la réserve militaire, et chapeaute également les politiques relatives à la jeunesse et au service national universel, ainsi que les relations avec les entreprises et l'éducation nationale. Placée sous l'autorité d'un officier général assurant également les fonctions de délégué interarmées aux réserves, elle est chargée d'élaborer la politique interarmées relative aux réserves, en lien avec les différents interlocuteurs des armées.
* 6 Instruction N° 504490/ARM/CAB/CM13 du 17 août 2023 relative à la gouvernance de la réserve au sein du ministère des armées.